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L’évaluation de la

pragmatique
Méthodes d’examen du langage
oral (4)
• Définissez la pragmatique
• Donnez des exemples de dialogues mettant en jeu les
aspects pragmatiques du langage
• Donnez des exemples de difficultés de traitement des
aspects pragmatiques du langage
Dialogue 1 (Bernicot, 2005, p. 148)
• (Marco, 6 ans, court dans le hall d’entrée
avec ses chaussures pleines de boue et
répand de la boue séchée partout)
• Mère : c’est bien ! Continue …
• Enf : j’lai pas fait exprès
• Mère : c’est bien le problème avec toi
Dialogue 2
• (La mère vient chercher Simon, 6 ans 4
mois à l’entraînement de football. Simon
marque un but et se dirige vers sa mère)
• Sim : t’as vu, je suis un lion
• Mère : tu vas pas me manger ?
• Sim et la mère : ah! Ah! (rires)
Dialogue 3
• (Paul, 7 ans, qui jouait dehors, rentre dans la maison et
s’installe par terre dans une grande pièce où sont déjà
sa mère et sa grand-mère. Il laisse la porte de la pièce
grande ouverte
• Mère : Paul, fais attention, ta grand-mère a froid
• Paul regarde sa mère et se replonge dans son activité
• Mère : Paul, ta grand-mère, elle a froid
• Paul regarde sa mère les yeux écarquillés et dit « quoi?
»
• Mère : Paul, la porte, tu la fermes.
• Paul : ah! Faut l’dire (en se levant pour fermer la porte)
Introduction : les troubles de la
compétence pragmatique
• Difficultés conversationnelles et/ou discursives qui ne
peuvent être mises en évidence ni par des tests
structuraux ni par une analyse du langage spontané
• Il ne s’agit pas seulement de décrire les troubles, mais
aussi d’explorer les raisons des échecs de
communication qu’ils manifestent; il faut fonder
l’évaluation des difficultés pragmatiques sur : « strong
theoretical positions that allow the assessor to relate
communication failures to underlying factors such as
cognitive deficits or an inability to employ world
knowledge to the act of communication » (Adams, 2002,
p. 973)
M. Hupet, Bilan de la compétence pragmatique, In : F. Estienne & B. Piérart,
Bilan de langage et de voix, Masson, 2006
Définitions
• La linguistique vise à décrire et à formaliser des
structures récurrentes, susceptibles d’être utilisées dans
des contextes différents; « la linguistique ne s’intéresse
pas à la communication » (Nespoulous, 1986)

• La pragmatique s’intéresse au langage en contexte; elle


a pour objet « ce qui relève de l’utilisation du langage »

• « Les notions d’utilisation, d’usage, d’acte ou d’action et


de contexte constituent le dénominateur commun à
toutes les approches pragmatiques des phénomènes
langagiers » (Hupet, p. 89)
Morris : définition fondatrice de la
pragmatique
• « Pragmatics deals with all the psychological,
biological, sociological phenomena which occur
in the functioning of signs » (1938)

• L’étude de la relation entre les signes et les


interprètes. L’interprète = utilisateur de la langue
qui détermine dans un contexte particulier le lien
existant entre un signe linguistique et un objet

• Inspirée de la définition triadique du signe :


signe-symbôle, signe-icône, signe-index
J. Bernicot (2005). Le développement pragmatique chez l’enfant. In : B. Piérart
(Ed), Le langage de l’enfant, comment l’évaluer. De Boeck
De Saussure (1916)
• Définition dyadique du signe : signifiant et
signifié
• Signifiant : image acoustique
correspondant à la production d’un mot
/dinozor/
• Signifié : concept associé au mot
• Lien arbitraire signifiant signifié (sauf dans
les onomatopées, discussion voir Pinker,
1984)
Conception triadique du signe
• Representamen : image sonore ou
visuelle du signe
• Interprétant : signe équivalent ou plus
développé créé chez celui à qui s’adresse
le representamen (fruit, ville, arme pour
«grenade»)
• Objet : ce qui correspond au signe (fruit
pour « grenade)
• Lorsqu’un locuteur s’adresse à un récepteur en parlant
de « grenade », l’interprétant varie en fonction des
caractéristiques du récepteur ou du contexte de
l’interaction
• La définition triadique du signe permet de rendre compte
de la polysémie
– Le voyageur pensera « ville »
– Le militaire pensera « arme »

• Et aussi des métaphores


– Requin-marteau
– « il marche sur des œufs »
• Syntaxe : définie au niveau du
representamen : relation des signes les
uns avec les autres indépendamment de
la relation signe/objet ou signe/interprétant
• Sémantique : relation entre les signes et
les objets, càd representamen/objet
• Pragmatique : relation entre les signes et
les utilisateurs , càd
representamen/interprétant
Théorie de Grice (1979) : les locuteurs
respectent un principe de coopération
• Une contribution est coopérative si elle respecte les 4
maximes de conversation
• - quantité : « donnez autant d’information qu’il est requis,
et ne donnez pas plus d’information qu’il n’est requis »
• - qualité : « que votre contribution soit véridique,
n’affirmez pas ce que vous croyez être faux et n’affirmez
pas ce pour quoi vous manquez de preuve »
• - relation : « soyez pertinent »
• - manière : «soyez clair, évitez les obscurités, évitez
d’être ambigu, soyez bref et soyez ordonné »
• Le principe de coopération permet à la
communication de fonctionner même lorsque le
locuteur en apparence transgresse les maximes
– A : Est-ce que Sophie a un petit ami en ce moment ? »
– B : « elle va tous les 15 jours à Berlin »
• Transgresse le principe de relation; l’auditeur
coopérant réalise des inférences (implicature
conversationnelle) qui permettent d’accéder à la
signification transmise par l’énoncé
Psychologie du développement :
théorie des actes de langage
• Tout énoncé produit dans une situation de
communication correspond à la réalisation
d’un acte social, « acte de langage »
• Classification en 5 types d’actes de
langage (Vanderveken, 1992)
Les locuteurs expriment des
propositions dans le but de :
• Les assertifs : représenter comment les choses sont dans le monde
(assertions, conjectures, …)

• Les directifs : faire une tentative pour que l’auditeur accomplisse une action
future dans le monde (questions, ordres, conseils, …)

• Les engagements : s’engager eux-mêmes à accomplir des actions futures


dans le monde (promesses, menaces, …)

• Les expressifs : manifester leur état mental à propos d’état de choses dont
ils présupposent en général l’existence dans le monde (excuses,
remerciements, félicitations, …)

• Les déclarations : d’accomplir certaines actions dans le monde au moment


de l’énonciation en vertu de leur acte de langage (ratifications,
ajournements, bénédictions, licenciements…)

• Ex: « je viendrai demain » : promesse ou menace ?


• « Je rangerai ma chambre » : déclaration, ou engagement (vague) ?
Dans la tradition de la théorie des
actes de langage
• L’accent est mis sur la communication non littérale et sur
les principes inférentiels permettant d’accéder à
l’intention communicative du locuteur

• Langage non littéral, défini par une non-coïncidence


entre l’interprétation issue de la forme de l’énoncé et la
signification transmise dans un contexte donné

• À partir de quand les enfants sont-ils sensibles au


langage non-littéral ?
• Quelles sont les raisons pour lesquelles ils s’en tiennent
à une interprétation littérale ?
L’apport des théories
interactionnistes du développement
• Vygotski : le rôle essentiel de l’adulte est
d’interpréter les productions de l’enfant, lui
renvoyant ainsi la signification sociale de son
énoncé; c’est l’interprétation de l’adulte qui
donne un sens à la production de l’enfant
(phase inter-linguistique de l’acquisition du
langage)

• Phase intra-linguistique : l’enfant est devenu


capable de faire référence pour lui-même à la
réalité extra-linguistique à l’aide des signes
linguistiques
Bruner
• Hypothèse d’une continuité fonctionnelle entre les formes pré-
linguistiques et linguistiques de communication
• Formes pré-linguistiques : turn taking, attention conjointe, pointage
(impératif et déclaratif)

• A le mieux théorisé le rôle de l’entourage, en forgeant les notions


d’étayage et de format d’interaction : structure de base d’un
échange prototypique, « dire au revoir », « coucou »

• La conversation n’est pas seulement le but de l’acquisition du


langage (ce que l’on peut faire une fois le langage appris) mais le
moteur même de cette acquisition (l’instrument même au service de
cet apprentissage) : « un site où de nouvelles acquisitions peuvent
avoir lieu » (Veneziano, 1999, p. 10)

• L’appropriation du langage s’effectue à travers les pratiques qui


règlent les échanges avec autrui
• Un format comporte une interaction entre au moins deux
interlocuteurs, la contingence s’entendant au sens où chaque
interlocuteur dépend d’un acte préalable de l’autre

• Les intentions de l’un et de l’autre ne doivent pas être identiques,


mais une attente contingente doit être satisfaite

• Le concept de format est pertinent pour étudier le rapport entre la


signification d’un énoncé et le contexte : un énoncé produit dans le
cadre d’une interaction est un des éléments d’un format et ne peut
être interprété qu’en tenant compte des liens avec les autres
éléments
• C’est dans ces « formats d’interaction précoce » que l’enfant
apprend les présupposés, les aspects implicites de la conversation
Sept thèmes faisant partie de la pragmatique
développementale (Ninio & Snow, 1996)
• Question centrale : Comment l’enfant devient-il sensible aux
correspondances existant entre la forme des énoncés et les contextes de
communication ?
• 7 points doivent être envisagés pour obtenir une vue complète du
développement de la compétence pragmatique

• 1. acquisition des intentions communicatives et le développement de leurs


expressions linguistiques (émergence du langage, étude des vocalisations,
des gestes, développement du répertoire des actes de langage)

• 2. développement des capacités conversationnelles, à co-produire un


dialogue (connaître et utiliser efficacement les règles présidant à la
succession des tours de parole, pouvoir gérer les interruptions, les retours
en arrière)

• 3. développement des systèmes linguistiques gérant la cohésion du


discours et le type de discours : maîtrise progressive du système des temps
du verbe, maîtrise des anaphores, acquisition de divers marqueurs
discursifs
• 4. développement de la mise en rapport d’une forme linguistique et
de sa fonction sociale : étude des fonctions du langage et des actes
de langage

• 5. acquisition des règles de politesse et d’autres règles
culturellement déterminées pour l’utilisation du langage

• 6. Acquisition des termes déictiques (maîtrise progressive du


système des pronoms, acquisition des termes désignant le lieu et le
temps)

• 7. facteurs pragmatiques influençant l’acquisition du langage


comme le contexte d’interaction dans la petite enfance, l’input
maternel ou les conduites d’étayage de l’entourage de l’enfant
Développement de la compétence pragmatique :
quelques points de repère (Hupet, 2006)

• Nous ne possédons pas de réelles «


normes » de développement; l’âge
d’émergence des différentes habiletés
évoquées reste très approximatif

• Chronologie approximative de l’acquisition


de qqs aspects de base de la compétence
pragmatique
• Alternance des rôles (turn taking) dans la
communication préverbale : entre 7 et 9 mois (la
révolution des 9 mois … pas chez syndrôme de
Down)

• Respecter les règles de cette alternance dans la


communication verbale ; entre 2;6 et 3;6 ans

• Procéder à la réparation d’un accident de turn


taking (ex: chevauchement) : à partir de 4-5 ans
• Se constituer un premier répertoire d’actes de langage
fondamentaux : entre 14 et 32 mois. A l’exception de quelques
actes spécifiques (comme la promesse), la plupart des actes de
langage sont acquis aux environs de 4 ans

• Procéder à des clarifications en cours de conversation : à partir de 2


ans

• Utiliser qqs formes rudimentaires de politesse : à partir de 2 ans.


Les formes plus complètes ne seront maîtrisées qu’après 9 ans

• Être capable de saisir par inférence une signification indirecte :


entre 4 et 6 ans (il fait froid ici –ferme la fenêtre)
• Utiliser efficacement la référence anaphorique : à partir
de 6-7 ans (Karmiloff-Smith, 1985). Des déficits de
cohésion et des erreurs ou ambiguïtés de référence se
maintiennent jusqu’au-delà de 11 ans (Hickman &
Hendricks, 1999)

• Maîtriser des marqueurs discursifs (conjonctions,


adverbes ou locutions adverbiales à valeur temporelle ou
logique) permettant d’assurer les relations entre des
contenus propositionnels ou des actes de langage : à
partir de 7 ans
• Être suffisamment informatif, càd évaluer
correctement les besoins informatifs de
son interlocuteur pour ne donner ni trop, ni
trop peu d’information : entre 7 et 9 ans
Evaluation de la pragmatique : de
quoi disposons-nous ?
• Aspect hybride de la compétence pragmatique,
d’où la difficulté de procéder à une évaluation
globale de cette compétence

• Absence de normes précises de développement


des différents ingrédients de cette compétence

• Difficulté à établir un diagnostic de « trouble


pragmatique »
Trois types d’outils
• Tests psychométriques

• Inventaires ou checklists

• Systèmes de codification pour analyser les


interactions verbales
Tests psychométriques de la compétence
pragmatique en langue française
• Évaluation du langage accompagnant le jeu (Le Normand, 1991),
étalonné sur une population d’enfants de 2 à 4 ans
• Maison Fischer Price , 4 figurines et 16 objets
• Les productions de l’enfant sont analysées sur le plan
phonologique, lexical, morphosyntaxique et pragmatique (+ analyse
des comportements non verbaux : gestes, regards, intonations)
• Analyse pragmatique : répertoire des actes de langage (demande
d’information, requête d’action), types d’intervention (dénomination,
commentaire, humour), prises de rôles dans l’interaction (initiation
de thèmes)

• LeNormand, M.-T. (1991), La démarche de l’évaluation


psycholinguistique chez l’enfant de moins de 3 ans, Glossa, les
cahiers de l’Unadrio, 26, 14-21
Batterie d’évaluation psycholinguistique, partie B
(Chevrie-Muller et al., 1988)
• « Le bain des poupées », étalonnée de 2,9 à 4,3 ans
• Évaluer la capacité communicative de jeunes enfants qui
doivent interagir avec l’adulte pendant une séance de 20
minutes, contexte jeu symbolique, matériel standardisé
(2 poupées, leurs vêtements, baignoire, objets de
toilette)
• Interaction dirigée par l’adulte, qui adresse une liste de
questions précises à l’enfant, impliquant la réalisation
d’actions précises
• Analyse structurale du lexique et de la morphosyntaxe
• Analyse pragmatique : initiative de l’enfant dans le
déroulement du jeu, divers types d’actes de langage
(demandes d’information, requête d’action, demandes
de clarification)
Echelle d’évaluation de la communication sociale
précoce (ECSP)
Guidetti & Tourette, 1992, 1993
• Évaluation de la compétence
interactionnelle d’enfants entre 3 et 30
mois, focalisée sur trois dimensions de
l’échange
– Attirer l’attention du partenaire pour initier
l’échange
– Maintenir une attention conjointe sur un objet
ou une action
– Réguler le comportement d’autrui, agir sur
l’autre pour atteindre un but
Pour les enfants sourds :
programme ANEN/Giraffe
Margareth Tait (vidéo)
La Children Communication Checklist (CCC),
Bishop 1998
trad: Maillart, 2003
• Estimer quels sont les comportements typiques
de l’enfant (limites : interprétation subjective)
• Avantages : rapidité, peut être complétée par
qq’un qui a observé l’enfant pendant de longues
séances, tenir compte de comportements
difficilement observables dans la vie quotidienne
• Vise à distinguer au sein des SLI, ceux qui ont
des troubles pragmatiques associés
CCC
• 70 items, répartie en 9 sous échelles
• Les 2 premières : parole/phonologie & syntaxe
• Les 5 suivantes : difficultés pragmatiques :
initiation de la conversation, cohérence, langage
stéréotypé, utilisation du contexte
conversationnel et rapport conversationnel
• Les 2 dernières : évaluent des aspects non
linguistiques des comportements autistiques
(relations sociales et centres d’intérêt)
correction
• Par sous-échelle
• 2 points pour chaque item « qui s’applique tout à
fait »
• Un point pour chaque item qui « s’applique un
peu »
• Signe positif pour les items qui décrivent une
force de l’enfant et signe négatif aux items
consacrés aux faiblesses
• Les scores C,D,E,F,G sont additionnés pour
former le composant pragmatique
Trois groupes d’enfants SLI
(Bishop, 1998)
• Difficultés pragmatiques « are communicative problems
that have to do with the appropriate use of language in a
given context » (Bishop, p. 100)
• 59 enfants SLI sans trouble auditif, QIP normal, pas de
trouble autistique diagnostiqué
• Âgés de 8 ans au moment de la passation de la grille
• Dysphasie sémantico-pragmatique « pure » : on
soupçonne la présence d’un déficit pragmatique, mais
pas considérés comme autistes
• Dyphasie sémantico-pragmatique « plus » : soupçon de
déficit pragmatique et présentent certains signes
autistiques ou syndrome d’Asperger
• Enfants SLI
Sous- Étendue Étendue Sém prag Sém prag SLI
échelle possible observée « plus » « pure » N=37
N=8 N=14
parole 16-38 17-36 30.1 30.6 26.5

syntaxe 24-32 24-32 30.3 29.2 28.7

Comp 86-162 100-158 119.6 129.8 143.2


pragm
Rel soc 14-34 20-34 25.3 28.9 29.9
Cent int 20-34 25-34 28.3 30.8 31.8

Échelle parole/phonologie : les SLI ont les scores les plus faibles
Echelle pragmatique : les SP+ ont les scores les plus faibles, et les SP des scores
intermédiaires
132 points : seuil qui différencie les enfants avec et sans troubles pragmatiques
associés
122 points : score à -2 ET de la moyenne du composant pragmatique chez des
enfants avec SLI
Sous- Étendue Étendue Moyenne Effet
échelle possible observée N=31 d’âge

parole 16-38 32-37 35.1 Oui

syntaxe 24-32 30-32 31.7 NS

Comp 86-162 140-162 153.7 Oui


pragm
Rel soc 14-34 25-34 32.7 NS
Cent int 20-34 25-34 31.5 NS

31 enfants contrôles, âgés de 6 à 16 ans (âge moyen : 9.75 ans)


La moyenne de leur composant pragmatique est supérieure à celle des enfants
ayant des difficultés langagières
140 points = la plus petite valeur au composant pragmatique
Validité : coefficient de Cronbach satisfaisant chez les parents et les
professionnels, mais pas inter-examinatuer
Illustration clinique : François
(Maillart, 2003)
• 6 ans & 4 mois; développement très lent du
langage (premiers mots à 1 an et demi),
absence d’explosion lexicale; à 2 ans ½ :
vocabulaire de 10 mots

• Rééducation logo depuis l’âge de 4 ans,


évolution langagière constante

• Parents: enfant introverti, indépendant, montrant


peu ses émotions, joue seul, qqs amis
• Bilan : trouble réceptif et expressif du langage :
phonologie, lexique, syntaxe < P3
difficultés d’ordre pragmatique entravant la
communication : difficultés d’ajustement à
l’interlocuteur, respect de l’alternance des rôles

• CCC remplie par la Maman, le Papa, la Gr mère,


l’Instit 1, l’Instit 2; les PARENTS soulignent
davantage les diffi linguistiques (parole &
syntaxe) et les instit les difficultés dans
domaines non linguistiques (moy dans le
Tableau)
Parole Syntax Init Cohér Lang Utilis Rappo Relatio Cent
e conv stéré cont rt ns inter
38 32 30 36 30 32 34 34
34
25 28 20 22 16 24 27 32 28
24 25 20 22 15 22 27 26 31
22 26 28 23 19 26 26 30 29
35 30 18 24 20 28 22 24 26
33 32 24 32 20 26 20 22 26
27.8 28.2 22 24.6 18 25.2 24.4 26.8 28

Le profil de F. se rapproche davantage du profil des enfants ayant des troubles


pragmatiques que des enfants sans troubles pragmatiques associés
Composant pragmatique : 114 points < 122 (-2 ET)
On ne peut poser, ni écarter un diagnostic d’autisme, mais les difficultés
pragmatiques semblent cantonnées auniveau langagier (pas de répertoire
comportemental stéréotypé, il considère l’autre comme un interlocuteur et tente
réellement de communiquer)
Autres outils d’évaluation
Evaluer la capacité à inférer une signification non
explicitement fournie (Bernicot et al., 2005)
• Des enfants sans problèmes de compréhension de phrases peuvent
avoir des difficultés à inférer une signification non explicitement
fournie
• examiner l’interprétation qu’ils donnent d’expressions idiomatiques
qui ne peuvent être comprises qu’en intégrant des éléments du
contexte
• LECPC : logiciel d’étude des capacités pragmatiques en
compréhension pour des enfants de 4 à 11 ans
• Épreuve de complètement d’histoires
• Image 1 : contexte (idiomatique ou neutre)
• Im 2 : production de l’énoncé
• Im 3 & 4 : deux fins possibles, on demande à l’enfant de choisir :
paraphrase du sens idiomatique ou paraphrase du sens littéral
• Écran tactile, permet d’enregistrer le choix de l’enfant et le temps de
compréhension des expressions
Que faut-il pour qu’in enfant accède à la
compréhension non littérale ?
• Il doit non seulement reconnaître que l’interprétation littérale est
inappropriée
• Mais aussi réaliser que la discordance est intentionnelle, et motivée
par une intention communicative particulière
Exemple : la compréhension des demandes sarcastiques
par les enfants (Laval, 2004)

• Sarcasme : dire à qq’un qui vient de manquer un panier, lors d’un


match de basket-ball : « tu es un excellent joueur »
• Demande sarcastique : une mère dit à son enfant en train de
dessiner sur le papier peint tout neuf de sa chambre : « continue » :
le critère de compréhension de la demande sarcastique par l’enfant
est l’arrêt immédiat de l’action en cours
• L’intonation est-elle prise en compte par les enfants de 3 à 7 ans
pour inférer une intention sarcastique du locuteur ?
• Rôle de l’intonation, souvent inappropriée par rapport au contenu
propositionnel de l’énoncé
– « génial » sur un ton monotone à un interlocuteur qui vient annoncer
une réunion à 20h
– Excessivement enthousiaste : « tu devrais rouler encore plus vite » à un
interlocuteur qui roule à 100 km/heure alors que la vitesse est limitée à
50
Expérience : deux contextes
• Sarcastique
– C’est l’hiver. Dehors il neige. Pablo et Flora sont à la maison. Pablo a ouvert la
fenêtre de la cuisine. Flora a très froid : elle n’arrive pas à se réchauffer
– Flora dit à Pablo : « Ouvre une autre fenêtre, surtout!)
– A ton avis, qu’est-ce qui se passe ?
– Pablo ferme la fenêtre (réponse sarcastique)
– Pablo ouvre la fenêtre du salon (réponse littérale)
– Le toit de la maison est tout blanc (réponse contextuelle)
• Neutre
– Pablo et Flora sont à la plage. Il fait très chaud. Il faut faire attention au coups
de soleil. Pablo et Flora sont contents. Ils fnt des châteaux de sable. Flora dit à
Pablo : « Garde la pelle pour toi, surtout! »
– A ton avis, qu’est-ce qui se passe ?
– Pablo donne la pelle à Flora (réponse sarcastique)
– Pablo joue avec la pelle (réponse littérale)
– La mer est chaude (réponse contextuelle)

Deux intonations: sarcastique et neutre


Résultats et discussion

• Dès avant 6-7 ans, les enfants sont capables d comprendre des
demandes sarcastiques
• Dès l’âge de 3 ans, en présence d’une intonation spécifique
• À 5 ans, les enfants commencent à fonder leur interprétation sur le
contexte, lorsque l’intonation est sarcastique
• À 7 ans, le contexte joue un rôle important (intonation neutre);
l’intonation également

• Les enfants sont capables, sur base de l’intonation, d’inférer au


locuteur une intention sarcastique
Compréhension des implications
conversationnelles
• « Tu viens te baigner? » « L’eau est beaucoup trop
froide »
• Distinguer ce que dit un énoncé (qui informe sur la
température de l’eau) de ce qu’il signifie (non, je ne viens
pas me baigner)
• Cf Théorie de Grice : Principe de Coopération : quantité
d’information fournie, véracité, pertinence, manière dont
elle est formulée
• Lorsque le sens littéral de la réponse transgresse une de
ces maximes, le récepteur doit mettre en œuvre une
inférence pragmatique (en tenant compte du Principe de
coopération et des facteurs contextuels), l’implicature
conversationnelle, pour interpréter la signification
transmise par l’énoncé
Compréhension chez les enfants
10-18 ans
• 16 histoires mettant en scène 2
personnages conversant autour d’un
thème de la vie quotidienne
• Im 1 : situation et personnage
• Im 2 : A adresse un message à B, qui lui
répond (la réponse = l’énoncé cible)
• Im 3 & 4 : fin adéquate (selon l’implication)
et fin non adéquate
exemples
• Est-ce que tu veux bien me prêter ta voiture ? Les clés
sont sur la table (rupture sémantique)

• Je suis en panne d’essence. Il y a un garage près de


l’église (rupture sémantique et syntaxique)

• Veux-tu que je te passe le marteau ? Non, je vais


enfoncer ce clou avec le pouce (rupture ironique)

• Est-ce qu’on arrivera à l’heure pour le spectacle ? Le


chauffeur est un escargot (rupture métaphorique)
Annexe 1 : Les aspects pragmatiques de la communication chez les
primates
(Tomasello, Psychologie française, 49, 2004, 209-218)
Les aspects pragmatiques de la communication chez les primates
(Tomasello, Psychologie française, 49, 2004, 209-218)

• « La pragmatique s’intéresse à la façon dont les individus utilisent


leur répertoire de moyens sémiotiques et les choix stratégiques
qu’ils font en particulier en termes d’acte de communication. Il est
intéressant de chercher à savoir à quel degré d’autres espèces
animales, et plus particulièrement les primates les plus proches de
nous, utilisent les stratégies pragmatiques dans leur communication
vocale et gestuelle. (;;.) on conclut que la communication des
primates non humains ne révèle pratiquement aucune des
dimensions pragmatiques qui caractérisent la communication
linguistique humaine. La raison essentielle est que la
communication non humaine ne se situe pas sur un plan mental ou
intersubjectif »
• « la communication animale ne semble pas faire preuve de toutes
les dimensions pragmatiques intéressantes qui caractérisent la
communication linguistique humaine (…) la communication animale
ne dispose pas de signes conventionnels ni de moyens de diriger
l’attention; c’est pourquoi nous disons que les animaux fonctionnent
avec des signaux et non avec des signes (…) la communication
animale non humaine ne se situe pas du tout à un niveau mental ou
intersubjectif. Elle s’adresse au comportement ou aux états
émotionnels d’autrui et non à leurs états mentaux ou attentionnels;
de cette façon il n’existe probablement rien qui ressemble à une
évaluation de quelque terrain communicatif commun à partir duquel
les individus font des choix sur la façon d’utiliser leurs répertoires de
signes dans des occasions particulières. (…)
• (…) dans la communication des primates, nous pouvons voir quelques
germes de la communication linguistique humaine, y compris quelques unes
de ses dimensions pragmatiques. Certaines d’entre elles, comme la
référence, sont plus clairement apparentes dans la communication vocale
des primates, alors que d’autre, comme l’adaptation à l’interlocuteur, sont
plus particulièrement visibles dans la communication gestuelle des primates
»
• « les vocalisations des primates semblent être sous le contrôle de facteurs
génétiques à la fois pour ce qui concerne leur morphologie et leur usage et
les individus ne semblent disposer que d’un degré de flexibilité très limité.
Les singes (vervet) émetteurs de cris n’essaient pas de manipuler l’attention
des autres ou ne semblent pas faire d’ajustements spécifiques en fonction
de circonstances communicatives particulières autre que la présence ou
non présence d’autres membres du groupe »
• … et ne résultent pas d’une évaluation des états de connaissance des
destinataires
• La communication gestuelle des primates non humains ne fait
preuve d’aucun caractère référentiel ou de symbolisation … les
primates non humains ne pointent pas ou ne produisent pas de
gestes dirigés vers des objets éloignés ou vers des événements à
partager avec autrui, ils ne tiennent pas en main des objets pour les
monter à autrui …
• « …ne révèlent aucune évidence d’utilisation de stratégie dans
laquelle ils utiliseraient d’abord un geste « attracteur » pour
s’assurer que l’autre regarde et qu’ensuite suivrait un « début
d’action » ayant un contenu sémantique spécifique …
• « les effets sur autrui qui existent sont fondés sont fondés sur le fait
de savoir si des congénères sont présents ou pas dans
l’environnement immédiat et non sur ce qu’ils pensent ou savent
(…) même pour les gestes, rien ne prouve que les primates
prennent en compte les états mentaux ou intentionnels de autres de
façon à ajuster leurs productions communicatives
• (…) on peut conclure raisonnablement qu’ils ne savent pas, tout
simplement, que les autres disposent d’états mentaux ou
intentionnels (…) leurs signaux communicatifs leur servent non pas
à diriger l’attention de manière triadique vers des entités externes
mais plutôt à réguler directement des interactions sociales
dyadiques »
• <> bébés humains qui découvrent le moyen de manipuler l’attention
d’autrui vers 9 mois (attention conjointe, pointage déclaratif)
Annexe 2

Extraits de Laurent Danon-


Boileau : « Des enfants sans
langage : de la dysphasie à l’autisme,
Ed. Odile Jacob, 2002 »
Quand la mécanique langagière n’est pas en place … ou
Le travail d’un psychanalyste (D.B) avec des enfants
dysphasiques

• La fonction symbolique du langage : « expression d’un point


de vue sur le réel, qui le rend cohérent, mais n’est jamais un
fragment qui se confond avec lui. La métaphore concrétise
l’écart entre le mot et la chose » (D.B.)
• Ex. 1 « Quand les mots échappent à un enfant, comment peut-il faire pour
penser à son aise ? Développer ce qu’il ressent, ce qu’il voit, ce qu’il sait sans
craindre de laisser sa pensée retourner constamment au royaume des ombres
»… Récit de trois ans de travail avec un enfant dont la mécanique langagière
n’est pas en place : acquisition du lexique, de la syntaxe… C’est à peu près à
cette époque que Fabien a commencé à jouer avec plaisir de la systématicité du
langage, de la structure du mot, de la morphologie. Celle du verbe, qui change
de terminaison selon le temps et la personne, mais conserve la même racine.
Celle des dérivés qui permettent de relier les mots les uns aux autres comme
poisson, poissonnier, poissonnerie.
• « En lui permettant de ressaisir certains aspects du langage que ses
difficultés à l’oral l’empêchait d’apprécier, l’écrit a donc été décisif pour
Fabien. Tout cela serait donc resté (??) sans la découverte de la
métaphore. Ce soir-là la conversation roule sur les requins et il me
demande s’il serait possible de consulter un livre à ce propos… Dans
la bibliothèque nous finissons pas aviser un ouvrage richement
documenté, dans lequel figurent toutes sortes de requins : requin
marteau, requin nourrice, requin éléphant. Fabien regarde les images
tandis que je lui lis vaguement les noms des animaux au fur et à
mesure. Tout à coup, il s’arrête, surpris. Il vient de réaliser que le
requin qui s’appelle nourrice n’est pas une nourrice, que celui qui
s’appelle éléphant est gros comme un éléphant mais n’est pas un
éléphant, que celui qui s’appelle marteau a un crâne en forme de
masse carrée, mais que ce n’est pas un marteau. Deux mots pour une
seule image. Le « comme si » fait irruption et manifeste, entre le mot et
la chose, l’écart de la métaphore. «
• La mise en relation des trois éléments (l’image et les deux mots)
s’est opérée. Et dès lors l’effet langage a pu advenir. En un même
espace deux « points de vue sur une même chose » ont pu
s’articuler : le point de vue de la référence (matérialisé par le
signifiant « requin ») et le point de vue de la métaphore (matérialisé
par le signifiant « marteau » ou « nourrice » ou é »éléphant » accolé
au signifiant requin. Deux mot pour une seule chose : voilà le point
de départ. S’il faut deux mots pour désigner une seule chose, alros
le mot et la chose ne peuvent plus être confondus. Mais quand le
nom des choses échappe en permanence, comment mettre la
chose en regard de son nom ? L’expérience de la métaphore a
permis à Fabien de saisir ce qui fait l’essentiel de la fonction
symbolique du langage. C’est une expression d’un point de vue sur
le réel, qui le rend cohérent mais n’est jamais un fragment qui se
confond avec lui (…)
Références
• Bernicot, J. (2005). Le développement pragmatique chez l’enfant. In: B. Piérart (Ed). Le langage
de l’enfant, comment l’évaluer ? De Boeck

• Bernicot, J., Laval, V., Bareau, B. & Lacroix, A. (2005). L’évaluation des capacités pragmatiques
chez l’enfant : présentation de nouveaux outils. In: B. Piérart (Ed). Le langage de l’enfant,
comment l’évaluer ? De Boeck

• Bishop, D. (). Pramatic language impairment : a correlate of SLI, a distinct subgroup, or part of
the autistic continuum ?
• Danon-Boileau, L. Des enfants sans langage : de la dyphasie à l’autisme. Editions Odile Jacobss

• Hupet, M. (2006). Le bilan pragmatique. In : F. Estienne & B. Piérart, Les bilans de langage et de
voix : Fondements théoriques et pratiques. Paris: Masson
• Laval, V. Pragmatique et langage littéral : la compréhension des demandes sarcastiques par les
enfants. Psychologie française, 49, 177-192

• Maillart, C. (2003). Les troubles pragmatiques chez les enfants présentant des difficultés
langagières. Présentation d’une grille d’évaluation : la Children’s Communication Checklist
(Bishop, 1998). Les Cahiers de la SBLU, 13, 13-32
• Tomasello, M. (2004). Les aspects pragmatiques de la communication chez les primates.
Psychologie française, 49, 209-218

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