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Estudios monográficos de lingüística francesa – CHAPITRE 2

Chapitre 2.
Langage et communication.
1. Le concept de communication. 2. Caractéristiques de la communication linguistique. 3. La
communication non verbale. 3.1. Composantes de la communication non verbale. – 3.1.1. Le
paralangage. – 3.1.2. La kinésique. – 3.1.3. La proxémique. – 3.2. Fonctions de la communication non
verbale. 3.3. Les gestes culturels. 4. Les systèmes de communication non linguistiques. – 4.1. Procédés
de communication systématiques. – 4.2. Procédés de communication a-systématiques. 5. Introduction à
la pragmatique. – 5.1. La démarche pragmatique. – 5.2. Les actes de langage. – 5.3. Les présupposés et
l’implication du sens.

Dans un sens très large, on peut dire que tout langage est communication et vice versa.
Lorsqu’un navire croise un autre navire en mer et qu’il hisse un pavillon, il communique et
utilise un langage.

Pour l’anthropologue Cl. Lévi-Strauss, la vie sociale se définit par un


ensemble de communications de trois ordres : l’échange d’informations par
le langage, l’échange de biens par l’économie et l’échange de personnes par
les rites (comme le mariage).

Comme nous allons le voir, « communiquer » est un processus beaucoup plus complexe
que ne le croit. Les études sur la communication ont mis en évidence que celle-ci fait
intervenir non seulement le code linguistique, mais aussi des normes et des principes socio-
culturels, permettant d’accéder aux contenus implicites. En effet, nous sommes constamment
inscrits dans divers « circuits » de communication que nous maîtrisons de façon inconsciente
grâce à des stratégies progressivement acquises au cours de notre développement cognitif.

1. Le concept de communication

Le processus de la communication, que l’on peut provisoirement définir comme l’échange


d’informations (messages) entre deux ou plusieurs individus occupant des positions
symétriques et réversibles, présuppose l’existence d’un émetteur, d’un récepteur et d’un
message construit sur la base d’un code commun à l’émetteur et au récepteur, et véhiculé à
travers un canal ou support.

Le modèle jakobsonien de la communication, qui sert de référence à nombre d’études


linguistiques dans ce domaine, introduit les notions de contexte ou référent auquel tout
message renvoie pour être opérant. Le message que le destinateur envoie à un destinataire
renvoie toujours à un référent, il requiert une certaine mise en relation entre les deux
protagonistes (le canal ou contact) et un code qui leur soit commun. Dans le cas du langage
verbal, le code est la langue ; le contexte la situation dans laquelle le message doit jouer un
rôle ; et le canal le contact acoustique s’il s’agit d’un échange oral, soit l’écriture s’il s’agit
d’un échange écrit.

Jakobson distingue donc six facteurs constitutifs dans tout processus de communication :

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Chacun de ces facteurs laisse des traces dans le processus de la communication : c’est ce
que Jakobson nomme les fonctions du langage. Il distingue ainsi :
— La fonction référentielle, centrée sur le contexte, marque la primauté du référent et
permet de parler des objets du monde. L’accent est mis sur l’aspect purement informationnel
de la communication.
— La fonction expressive ou émotive est centrée sur le destinateur : elle correspond à la
trace de l’émetteur dans son message. Tout message étant produit par un sujet, nous
trouverons forcément des indices révélant quelque chose de lui (état affectif ou émotif). Cette
fonction se manifeste notamment par l’exclamation, l’interjection et, dans des conditions plus
complexes, par les modalisations.
— La fonction conative, centrée sur le destinataire, vise à obtenir de la personne à qui
l’on s’adresse, un comportement conforme à ce qu’on lui dit. Elle se manifeste notamment par
l’impératif et l’apostrophe.
— La fonction phatique, reflète les conditions de la communication. Elle est centrée sur
le contact entre le destinateur et le destinataire : elle établit, maintient, interrompt ce contact
par des éléments tels que « N’est-ce pas ? Hein ? » L’exemple type en est le terme « Allô »,
qui n’a d’autre signification que celle de s’assurer que le contact est établi.
— La fonction métalinguistique, centrée sur le code, permet de donner ou de demander
des informations sur certains éléments du code utilisé. Elle reflète donc la conscience que le
locuteur a de son code.
— reste, selon Jakobson, la fonction poétique, est le travail sur la forme du message. La
rime est, au niveau du signifiant, l’exemple le plus clair.

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Les six fonctions de Jakobson restent réductrices à l’égard du phénomène du langage : ce


modèle semble réduire la communication à un simple mécanisme d’encodage/décodage
d’informations, véhiculées par un message censé être limpide et transparent, entre deux
partenaires partageant un code parfaitement homogène, ce qui n’est pas tout à fait vrai.

D’une part, les langues naturelles ne sont pas des codes à proprement parler du fait
qu’elles recèlent beaucoup d’ambiguïtés ; d’autre part, dans l’échange verbal, le contexte joue
un rôle important.

Dans notre réception des énoncés d’autrui, il arrive souvent que nous nous intéressions
moins au contenu informationnel qu’à ce qu’il recouvre en termes d’intentions. Une phrase
aussi anodine et simple au niveau de l’information que « il fait chaud », par exemple, pourra
être comprise comme une invitation à ouvrir la fenêtre ou à baisser le radiateur.
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Autre exemple : (Locuteur A) : - Tu sais quelle heure il est ? (Locuteur B) : - Minuit et


demie. (Locuteur A) : - Je voulais dire : tu pourrais baisser le son, s’il te plaît ? La réaction
langagière du Locuteur B révèle l’interprétation erronnée que celui-ci a faite de la question
qui lui est posée.

Si nous partons de l’idée que comprendre un message revient à déceler les intentions de
communication qui en commandent la production, il est aisé de constater que la tâche est
souvent bien plus difficile que l’on ne croit, le locuteur pouvant à cet égard se montrer plus on
moins explicite. Quant au code, signalons tout simplement que, même si on partage un code
commun comme celui de la « langue française », il est bien des traits qui empêchent souvent
l’intercompréhension : registres, niveaux de langue, expressions idiolectales, voire différence
d’âge ou de statut social des interlocuteurs (qui n’a jamais été déconcerté par le style de
l’administration ou par le jargon de certains « spécialistes » ?).

En effet, entre la production d’un discours par un sujet et l’interprétation de ce discours


par son interlocuteur, il n’existe pas toujours de symétrie parfaite :
- Le sujet-communiquant est toujours amené à construire une certaine image de son
récepteur, image à laquelle il va adapter son propos en fonction de la représentation qu’il
se fait de l’autre, de la nature des relations qu’il entretient avec lui, des connaissances qu’il
lui suppose, de son statut, etc.
- À l’autre bout, le sujet-interprétant, qui ne correspond jamais exactement a ce qui a été
imaginé ou à ce que croit savoir de lui le locuteur, va devoir à son tour construire un certain
nombre d’hypothèses lui permettant — ou non — d’accéder au sens du message qui lui est
adressé.

Les attitudes et les aptitudes des deux sujets ne sont donc pas les mêmes : elles dépendent
notamment de leurs savoirs respectifs, de leurs systèmes de valeurs, mais aussi de leur vécu et
de la position que chacun occupe par rapport à l’autre dans l’acte de communication. Ces
éléments agissent doublement sur la communication : au niveau de la production, ils
déterminent des choix langagiers et comportementaux ; au niveau de la réception, ils
facilitent ou entravent l’interprétation des messages, mais produisent toujours des effets.

Tout discours est par ailleurs produit dans le cadre de certaines données spatio-
temporelles dont l’influence est également déterminante pour la forme et pour le contenu des
discours échangés, à commencer par la présence simultanée des interlocuteurs dans le lieu de
l’échange communicatif. Lorsque la communication se produit en face à face, elle se trouve
tout naturellement enrichie par les composantes de ce que l’on appelle le « langage non
verbal » et par l’entourage immédiat. Il n’en va pas de même lorsque la communication
emprunte un autre canal (communication téléphonique ou communication écrite, donc
différée, les phases de production et d’interprétation étant décalées dans le temps).

Deuxièmement, il va de soi que l’on ne parle pas de la même façon partout et à tout
moment. La dimension spatio-temporelle de la communication dessine ainsi la notion
d’adéquation des propos au moment et au lieu, et ce en fonction aussi des normes discursives
et socio-culturelles de la communauté de référence. La communication, en effet, comme
toute pratique sociale, se trouve soumise à un certain nombre de normes et de principes
implicites mais nécessairement respectés, que les individus intériorisent au cours de leur
développement cognitif.

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Enfin, il est un autre facteur constitutif du cadre spatio-temporel qui exerce une influence
considérable dans les interactions : c’est la présence potentielle de témoins. Très souvent,
surtout lorsque la communication se déroule dans des lieux publics, plusieurs personnes se
trouvent entendre des propos qui ne leur sont pas adressés. Ces témoins n’ont pas le statut
conversationnel d’interactants « ratifiés » : ils n’appartiennent pas à l’échange communicatif.
Or, les interlocuteurs, qu’ils le veuillent ou non, dès qu’ils perçoivent cette présence, ne
peuvent qu’en tenir compte, ce qui se traduit dans la communication par l’adoption, soit d’un
ton chuchoté qui vise à exclure le témoin, soit d’un ton plus élevé qui lui permette d’entendre
ce qui est dit. Un témoin peut, occasionnellement, s’arroger le statut de locuteur et intervenir
dans la conversation, comme dans la scène suivante :

A — Je ne sais pas comment on va faire pour arriver à la gare. Il faudrait peut-être demander à quelqu’un...
B — Mais non, c’est sûr que c’est par ici...
C (qui ne fait pas partie de la conversation) — Excusez-moi, je n’ai pu m’empêcher de vous entendre.
Vous cherchez la gare ? Je peux bien vous y conduire.

Nous pouvons donc élargir le schéma traditionnel de la communication afin d’y intégrer,
outre les composantes du schéma jakobsonien, des données concernant le nombre et le type
d’interlocuteurs impliqués (identité, statut, rôle, relation avec l’interlocuteur, représentation
que chacun se fait de l’autre...), les données spatio-temporelles, les intentions de
communication de chacun ainsi que les effets produits sur l’autre. Le schéma ci-dessous est
adapté de celui de S. Moirand (1982) :

REPRÉSENTATIONS
(relations)

(référent)

DE QUOI
statut statut
rôle interventions hypothèses rôle
attitude projections attitude
groupe L1 L2 groupe
d’appartenance DISCOURS d’appartenance
groupe de groupe de
intentions effet
référence référence

(fonction)
Où ? Quand ? Où ? Quand ?
Pour quoi faire ? POURQUOI Pour quoi faire ?
Devant qui ? Devant qui ?

Conditions de production : oral, écrit...

Conditions de réception – interprétation

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2. Caractéristiques de la communication linguistique

Le premier des caractères de la communication linguistique est qu’elle possède toujours


une intention de communication. Ceci permet de faire la différence entre les aspects
volontaires et involontaires de la communication : ces derniers sont des renseignements que le
locuteur donne sur lui-même, sans aucune intention de les communiquer. Ainsi, par exemple,
la voix d’un locuteur invisible informe généralement sur son sexe, son âge approximatif, sur
son origine géographique et sociale, sur son état d’âme du moment. Ces aspects involontaires
sont des traits caractéristiques de la communication et n’appartiennent pas au système de
signes de la langue. Or, ce trait n’est pas exclusif de la seule communication linguistique : les
systèmes de communication non linguistiques n’auraient aucune raison d’être s’ils n’étaient
pas utilisés à des fins communicatives.

Deuxièmement, la communication linguistique est systématique : elle implique la mise en


œuvre d’un système où des unités bien définies et stables se combinent et se structurent selon
des règles concrètes, à la différence d’autres procédés de communication (les arts plastiques).

La communication linguistique se caractérise troisièmement par le caractère arbitraire


des signes qui la composent : comme nous l’avons vu, le lien unissant le signifié au signifiant
est conventionnel, immotivé. Or, ce phénomène apparaît aussi sans doute dans des systèmes
de communication non linguistiques — le triangle comme signe de danger.

Un quatrième trait propre à la langue est le caractère linéaire des messages qu’elle
élabore. On entend par là que les énoncés sont constitués par des suites de signes émis sur la
trame du temps, et perçus aussi sur la trame du temps. Les moyens de communication non
linguistiques peuvent, de leur côté, présenter ou non ce caractère.

Lié au caractère linéaire de l’énoncé, la linguistique a de plus mis en relief le caractère


discret des unités de la langue : les phonèmes, unités minimales isolables à l’analyse et
indécomposables à leur niveau hiérarchique, s’organisent par oppositions : ainsi par exemple,
/p/ s’oppose à /b/ en raison de l’opposition sourde vs sonore.

Mais c’est sans doute le dernier trait que nous allons envisager qui est discriminatoire à
l’égard des autres moyens ou systèmes de communication : c’est la double articulation du
langage. Selon Martinet, les langues naturelles sont, en tant que système de signes,
doublement articulées, c’est-à-dire, structurées deux fois :

- La première articulation concerne des choix qui ont une valeur significative. Ces
choix s’opèrent entre différentes unités pourvues de sens : ces unités significatives
élémentaires sont appelées monèmes. Ainsi, les monèmes verbaux –ai et –ais
s’opposent dans les formes « je montrai » et « je montrais » : le premier exprime les
valeurs du passé simple et le second, les valeurs de l’imparfait.

- La deuxième articulation concerne les choix qui ont une valeur distinctive et qui
s’opèrent entre des unités limitées et non pourvues de sens, dont la fonction est de
distinguer les monèmes. Ces unités distinctives élémentaires sont les phonèmes.
Les phonèmes /b/ et /p/ n’ont pas de signification propre ; cependant, ils permettent de
distinguer des monèmes comme « bain » et « pain ». Avec quelques dizaines d’unités
de seconde articulation, la production de milliers d’unités de première articulation est
assurée de la façon la plus économique.
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C’est la double articulation qui rend compte de l’économie du langage et de


la richesse infinie qu’il possède pour la combinaison, par rapport à d’autres
moyens de communication. C’est la double articulation qui différencie
radicalement les systèmes langagiers des autres systèmes sémiologiques et qui
constitue, selon Martinet, la seule véritable caractéristique universelle des
langues.

Or, puisqu’on envisage les caractéristiques de la communication linguistique, on ne peut


pas négliger que celle-ci est constituée de deux plans indissociables : le verbal et le non-
verbal.

3. La communication non-verbale

La communication non-verbale a été longtemps ignorée en tant que composante


signifiante du phénomène communicatif. Le non-verbal comprend les éléments non
linguistiques, c’est-à-dire n’appartenant pas au code de la langue, mais qui accompagnent la
communication linguistique.

Traditionnellement, on classe les éléments non-verbaux en :


— Éléments vocaux : le paralangage ;
— Éléments non vocaux : la kinésique et la proxémique.

3.1. Les composantes de la communication non-verbale

3.1.1. Le paralangage

Le terme « paralangage » désigne les facteurs vocaux non-verbaux qui interviennent


dans l’émission du discours. Il comprend les qualités de la voix (timbre, hauteur, intonation,
volume...), ainsi que différents types de vocalisations (rires, soupirs, sanglots...). On peut
également inclure la pause non grammaticale, qui informe sur les processus de pensée du
locuteur et sur son état affectif et émotif. Le paralangage ne traite donc pas de ce qui est dit,
mais de la manière dont on dit quelque chose.

À mi-chemin entre le verbal et le non-verbal, nous pouvons également signaler l’existence


de diverses vocalisations qui témoignent de l’écoute active de l’interlocuteur, sans pour autant
constituer de vraies interruptions : c’est ce que l’on connaît comme régulateurs.

Ces régulateurs (ou signaux d’écoute) ont des réalisations diverses : non verbales (regard et hochement de
tête, mais aussi à l’occasion froncement de sourcils, petit sourire, léger changement de posture…), vocales
(« hmm » et autres vocalisations), ou verbales (« oui », « d’accord »), reprises en écho. Ils ont aussi des
significations variées (« je te suis », « j’ai un problème communicatif », etc.), mais en tout état de cause, la
production régulière de ces signaux d’écoute est indispensable au bon fonctionnement de l’échange : des
expériences ont prouvé que leur absence entraîne d’importantes perturbations dans le comportement du
locuteur (Kerbrat-Orecchioni, 1996b : 5)

Les régulateurs accomplissent donc pour l’essentiel une fonction de feedback : dans
certains cas, ils encouragent le locuteur à poursuivre, et n’ont d’autre fonction que de lui
signaler le soutien et une attitude d’écoute active ; dans d’autres cas, ils servent au locuteur à
prévoir et à corriger des incompréhensions ou des formulations mal choisies.

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3.1.2. La kinésique

La kinésique s’intéresse à l’interaction mouvement/parole. Ce domaine recouvre l’étude


des mouvements du corps (déplacements, gestes, mouvements des mains), des expressions
faciales (mimiques, sourires), du regard (fréquence et durée des contacts oculaires) et des
postures pendant l’échange conversationnel. Il est à noter que ces éléments sont en général
difficilement contrôlables par le sujet. Par ailleurs, l’éventail des réactions kinésiques est
socialement codifié. Ainsi par exemple, seule une relation proche autorise en principe des
gestes d’attouchement, généralement exclus de la relation hiérarchique. Pour ce qui est du
regard, un contact oculaire prolongé peut intensifier le degré d’intimité ou devenir gênant,
selon les circonstances.

3.1.3. La proxémique

Ce terme désigne l’usage que l’homme fait de l’espace en tant que produit culturel
spécifique. L’environnement physique est considéré comme un territoire social dans lequel
l’individu détermine son propre espace en fonction de normes personnelles et sociales (rites,
cérémonies et disposition spatiale des sujets, règles du protocole dans des actes officiels...).
L’espace humain est donc structurellement signifiant ou codifié. D’ailleurs, on connaît
l'expression « garder ses distances ».

Chacun d'entre nous marque ses distances en parlant à l'autre. On distingue quatre zones
de communication :
 zone intime (15 à 45 cm), ton de la confidence ;
 zone personnelle (entre 45 et 1,20 m), relations professionnelles, voire amicales ;
 zone sociale (1,20 à 3,50 m), marque la fonction de chacun ;
 zone publique (> 3,50 m), face à un public.

Toute personne qui pénètre dans une zone qui ne lui est pas réservée commet une faute et
la personne qui en est victime se sent mal à l'aise, déstabilisée, agressée. Nous possédons tous
un territoire personnel que nous protégeons des atteintes extérieures. Cet espace et les objets
qui s'y trouvent peuvent devenir le prolongement de notre corps physique (voiture, chaise,
bureau etc.) L'aménagement d'une pièce, la disposition des tables affecte notre
communication).

Toutefois, le sens de l’espace n’est pas statique : il dépend de la nature des relations
interindividuelles (plus la relation est hiérarchisée, plus la distance s’accroît) et de la culture
de référence. La méconnaissance de ces faits culturels peut être à l’origine d’interprétations
erronées provoquant des malentendus.

Cette brève analyse montre sans doute la richesse des modes de communication non-
verbaux sans lesquels la communication devient un phénomène figé. La communication
linguistique doit donc être comprise comme un système complexe de codes interdépendants,
d’autant plus que, sur le plan informationnel, la communication non-verbale est souvent jugée
supérieure à la communication verbale. Précisons donc quelles sont les fonctions de la
communication non verbale.

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3.2. Fonctions de la communication non-verbale

Parmi les diverses fonctions attribuées à la communication non-verbale, nous retiendrons :

— La fonction de contrôle ou feedback : le non-verbal intervient comme facteur de


régulation du flux communicatif. Un mouvement de tête, un geste, un simple regard signalent
au sujet le degré d’attention que l’auditeur porte à son discours, lui permettent de mesurer la
compréhension et de savoir s’il doit s’interrompre, répéter, passer à un autre thème, etc.

— La fonction interprétative : au niveau syntaxique, l’intonation et l’accent


d’intensité jouent un rôle de démarcation qui permet de faire la différence entre les contenus
principaux du discours et les secondaires. Par ailleurs, un énoncé peut faire l’objet
d’interprétations diverses : des énoncés semblables sur le plan formel sont souvent
susceptibles d’au moins deux lectures différentes (par exemple, la différence entre une
menace et une promesse dans un énoncé tel que « Je le dirai à mon père »).

— La fonction structurante : les composantes de la communication non verbale


interviennent dans la structuration de l’échange au niveau de l’alternance des prises de parole
et des changements de thèmes (signalés par des modifications posturales ou des marques
prosodiques particulières).

— La fonction psychologique : le matériel paraverbal et non verbal fournit nombre


d’indications sur les caractéristiques psychologiques des interactants, aussi bien du point de
vue de leur personnalité (autoritarisme, timidité, etc.), que du point de vue de leur attitude
émotionnelle et affective (colère, surprise, joie...). La voix et les courbes mélodiques
constituent un instrument privilégié pour l’expression des émotions et des sentiments.

— La fonction identificatrice : les facteurs non-verbaux et, en premier lieu la voix,


sont porteurs de nombreux indices de nature sociale sur le locuteur. Ainsi, la voix est corrélée
à des catégorisations sociales telles que l’âge, le sexe, l’origine géographique ou l’origine
sociale. De même, le comportement kinésique peut parfois dénoter l’origine sociale du
locuteur (gestualité plus mesurée, dit-on, dans les milieux aisés)…

— La fonction relationnelle : en même temps qu’elles signalent les propriétés


respectives des interlocuteurs, les composantes non verbales de la communication
déterminent leur relation mutuelle et fournissent des indications sur l’état de la relation
interpersonnelle. Les marqueurs de la relation sont essentiellement de type proxémique (la
distance physique variant en fonction de la nature de la relation) et gestuel (gestes
d’attouchement, fréquence et durée des contacts oculaires).

— La fonction culturelle : certains auteurs soutiennent la thèse de la spécificité


culturelle du comportement non-verbal. On cite ainsi par exemple, le cas du sourire qui, dans
la culture japonaise, n’est pas nécessairement l’expression d’une attitude de contentement ou
d’amusement, mais est commandé par une règle de l’étiquette cultivée depuis des temps très
anciens. Il existe ainsi des actes non verbaux qui possèdent une signification stable pour les
membres d’une culture ou d’un ensemble culturel donné (ex. : signe de la victoire).

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3.3. Les gestes culturels

Les gestes sont des expressions non-verbales qui peuvent souvent être déroutantes pour les
apprenants étrangers car elles peuvent avoir une signification différente selon le pays. Il nous
semble donc nécessaire que l’apprenant de langue étrangère puisse maîtriser les conventions
gestuelles au même titre que les conventions linguistiques, sous peine de gaffes ou
malentendus, parfois drôles et sans conséquences mais parfois considérés comme insultants.
Ces malentendus peuvent se produire très facilement entre personnes de différentes cultures,
parfois même entre personnes de même culture, puisque « le malentendu peut être considéré
comme le double codage d’une même réalité par deux interlocuteurs. » (Haidar, 1995 : 43) 1

À quoi servent les gestes ? Les gestes que nous faisons en parlant font partie du message
que nous voulons véhiculer. Ils sont parfois contrôlés, parfois incontrôlés mais ils servent
à ponctuer la parole, à la souligner ou à la renforcer (geste souvent associé à une expression
déjà faite « mon œil », « avoir un coup dans le nez »). Ils peuvent aussi se substituer à la
parole ou lui donner un sens différent.

Certains gestes sont internationaux : les apprenants les comprennent et leur attribuent le
même sens que nous, avec parfois de petites variantes dans la façon de les faire selon les
cultures. Il y a cependant d’autres gestes qui sont bien connus des apprenants mais qui ont une
autre signification dans leur culture 2.

Exercice : Devinez ce que ces gestes signifient :

1
Cf. Haidar, E. (1995) : Echec et réussite de la communication entre natifs et non-natif dans une situation
d’interculturalité : Gestion des disparités des codes interculturels, Thèse sous la dir. R. Galisson, Université
Paris III, Paris.
2
Cf. Vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=2ZQYXeYzyE0 : « Des sons et des gestes très français »
Lisez également l’article suivant : Pu Zhihong (2008) : « L’implicite culturel et sa place dans l’enseignement
d’une langue étrangère », in Synergies Chine nº3, pp. 161- 167.
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4. Systèmes de communication non linguistique

D’après G. Mounin, on peut classer les procédés de communication non


linguistique en deux grands groupes :

- Des procédés de signalisation systématiques, lorsque les messages se décomposent en


unités stables et constantes ;
- Et des procédés de signalisation a-systématiques, dans le cas contraire.

4.1. Procédés de communication systématiques

— Les enseignes : un cadran, une croix verte, un cochon, etc. signalent des horlogers,
des pharmacies, des charcuteries, etc. Quantité d’informations que nous utilisons et lisons
quotidiennement sont ainsi véhiculées. Les guides touristiques utilisent également tout un jeu
d’idéogrammes lisibles indépendamment de la langue de celui qui possède le guide (garage
gratuit, restaurants, hôtels, etc.). (Cf. Les affiches placées à l’entrée des villes : monuments,
hôpitaux, plages, etc.)

— Les chiffres : nous lisons les temps, les dates, les heures, les paginations, les
températures, les vitesses, les consommations d’eau, de gaz, d’électricité, les prix des caisses
enregistreuses, etc. Nous lisons quotidiennement ce type d’information.

— La signalisation routière constitue un système de communication fait de signaux


conventionnels, largement internationaux et d’usage quotidien. Il s’agit d’un phénomène de
communication : il y a un émetteur (la loi, la police de circulation) et des récepteurs (piétons,
automobilistes, cyclistes...), il y a des messages constitués d’unités stables, séparables,
opposables les unes aux autres. Or, à la différence de ce qui se passe pour la communication
linguistique, il ne semble pas y avoir de réversibilité possible : le récepteur ne devient pas à
son tour émetteur par le canal du même système.

— Les systèmes d’idéogrammes universels qui définissent les unités de mesure et les
grandeurs scientifiques. Le plus connu de ces systèmes n’est autre que le tableau des
abréviations normalisées du système métrique, qui ne contient un grand nombre de symboles
universels (arithmétique, longueurs, superficies, volumes, poids...). (Cf. Les systèmes d’unités
physiques et les symboles chimiques)

— Les procédés de signalisation non linéaires. Prenons comme exemple la


cartographie. Les cartes géographiques, météorologiques sont lues grâce au code universel
des conventions graphiques qui permettent de traduire les indications qu’elles portent. La
lecture de cartes, plans, graphiques et diagrammes de tous ordres, ne se fait pas sur la trame
du temps, mais sur la trame de l’espace : c’est une lecture pour laquelle l’ordre des signes
dans le temps n’a pas d’importance.

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4.2. Procédés de communication a-systématiques : la communication par l’image

Il est évident que la vie de l’homme moderne est entourée d’images de toutes sortes.
Ainsi, par exemple, le cinéma et la télévision réunissent communication linguistique et
communication non linguistique (jeux de lumières, cadrages, plans), dans un procès de
communication non réversible. Il en va de même pour la peinture, que l’on peut considérer un
moyen de communication non linguistique (le seul élément linguistique étant dans ce cas le
nom donné au tableau ou la légende qui l’accompagne), susceptible d’une décomposition en
traits, en couleurs, et d’une analyse sémiologique du point de vue de la combinaison de ces
éléments (perspective, profondeur, technique...). Or, cette décomposition ne révélerait que
très partiellement l’existence d’unités stables et constantes, ayant toujours la même
signification dans des messages du même ordre. Si pour tel auteur le rouge est la couleur de la
passion, pour tel autre il peut représenter la violence ou la souffrance. C’est cette absence
d’unités stables qui fait que ces procédés de communication employant l’image et ses
composantes se rangent dans le groupe de ce que G. Mounin appelle des procédés a-
systématiques.

5. Introduction à la pragmatique

Le courant pragmatique est, au moins au départ, d’inspiration logico-philosophique et


s’inscrit dans une mouvance anglo-saxonne bien implantée aux États-Unis, en Grande-
Bretagne et en Allemagne (plus récemment en France). Il cherche à retrouver, au niveau du
« langage en acte », les traces linguistiques de certains mécanismes langagiers généraux
(conversation, argumentation…). De façon générale, on peut dire que la pragmatique
linguistique est concernée par l’étude des relations entre les expressions de la langue (signes
ou énoncés) et leur mise en fonctionnement effective par des sujets dans des situations de
communication. Les domaines d’élection des linguistes pragmaticiens ont été tout
particulièrement les actes de langage, les présupposés et l’interaction communicative.

5.1. La démarche pragmatique

Si Pierre entre dans une pièce dont les fenêtres sont ouvertes et qu’il dit à Marie : « Il ne
fait pas chaud ici », cette dernière va devoir interpréter l’énoncé. En réponse, Marie pourrait
alors fermer l’une des fenêtres, ce qui n’a, au premier abord, aucun lien direct avec les propos
de Pierre. Dans ce cas, une signification différente du sens de cet énoncé a été dégagée.

L’analyse pragmatique propose des modèles d’explications qui prévoient ces réponses.
Elle part du principe que le langage ne fait pas que décrire la réalité, mais qu’il agit sur
elle. Celui qui parle accomplit une action (un acte de langage : promesse, ordre, déclaration,
etc.) qui ne peut être déclarée vraie ou fausse, mais plus ou moins réussie selon que le
destinataire comprend l’intention du locuteur. 3 Le locuteur a l’intention de transmettre un
certain contenu à l’aide du code qu’est la langue. Le destinataire doit décoder pour
comprendre le message. Cependant, même si le code est parfaitement partagé, la
communication peut échouer parce qu’elle contient une part de non-dit. Pour pouvoir en
rendre compte, la pragmatique élabore un modèle qui explique comment, à partir des
informations contenues dans l’énoncé, et d’autres fournies par le contexte, le destinataire émet
des hypothèses sur l’intention du locuteur.
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Autre ex. : « Les fruits secs sont très caloriques, tu sais ? »
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Estudios monográficos de lingüística francesa – CHAPITRE 2

Dans le cas qui nous occupe, Marie décode le message de Pierre : elle confronte le sens de
l’énoncé au contexte : Pierre n’a pas chaud/Il y a un courant d’air ; elle fait une hypothèse sur
l’intention de Pierre : en disant ce qu’il dit, Pierre me demande de fermer au moins l’une des
fenêtres. Pierre a accompli un acte de demande qui a été compris, décodé.

5.2. Les actes de langage

La notion d’acte de langage est la principale notion sur laquelle s’appuie le


courant de la pragmatique, initié le philosophe anglais L. Austin (1911-1960),
et développée par son disciple J.R. Searle (né en 1932) : on peut la rapprocher
de la description des fonctions du langage de Jakobson. Il s’agit de
montrer que le langage n’a pas seulement pour but de dire quelque
chose, mais aussi de faire quelque chose.

La conception traditionnelle du langage voyait surtout dans celui-ci une


description du monde, une déclaration, un dit. Certes, bien des penseurs, depuis l’Antiquité
avaient mis l’accent (notamment par le biais de la rhétorique) sur la fonction particulière de
certaines de nos prises de parole.

Le point de départ de la recherche sur les actes de langage est la constatation faite par
Austin que certains énoncés ne se contentent pas de décrire un événement, une réalité
extérieure, mais prétendent accomplir une action, autrement dit, influer sur la réalité.
- On nomme énoncés constatifs les énoncés de premier type (« Il a plu hier soir », « La
porte est ouverte », par exemple).
- Et énoncés performatifs les seconds (« Je te baptise ») : ces derniers donc ont la
particularité de réaliser l’accomplissement de ce qu’ils énoncent (ex. « Je déclare la
séance ouverte », énoncé par lequel un président ouvre effectivement une séance.) ; le
mot est dérivé du verbe anglais to perform, qui signifie « effectuer ». Ainsi, les actes
de parier, promettre, remercier, marier, baptiser, léguer, etc., s’effectuent souvent au
moyen de paroles qui énoncent cet acte et, du coup, l’accomplissent.

5.3. Les présupposés et l’implication du sens

Par opposition aux expressions par lesquelles le locuteur pose certains faits, il y a en
langue, des tournures qui permettent de « faire passer » subrepticement certains faits sans les
asserter : on parle alors de présupposition. Ainsi, « Les enfants de Marie sont en vacances »
présuppose-t-il, sans l’asserter explicitement, que « Marie a des enfants » (la vérité de ce
présupposé conditionne la vérité de l’énoncé global qui le contient). De même, « Pierre essaie
d’arrêter de fumer », présuppose-t-il que « Pierre fume ». La présupposition permet de « dire
sans dire », c’est-à-dire, de faire passer quelque chose sans assumer la responsabilité d’une
prise en charge explicite ; il s’agit d’un procédé d’implication du sens.

Les « implicatures lexicales » participent de cette même problématique ; contrairement


aux présuppositions, elles ne contribuent pas aux conditions de vérité des énoncés. Une
implicature lexicale est une signification non dite explicitement, mais impliquée par la
présence d’un certain lexème.

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Estudios monográficos de lingüística francesa – CHAPITRE 2

Ainsi, « Marie gagne très bien sa vie mais son mari n’en est pas jaloux », contient, de par
la seule présence du « mais », une implicature que l’on pourrait gloser par « le locuteur
s’attendait à ce que le mari soit jaloux : selon lui, un mari est jaloux ordinairement quand sa
femme gagne bien sa vie ».

Dans ce domaine, O. Ducrot et son école ont proposé des analyses fines
d’un certain nombre de lexèmes du français, comme par exemple « mais »,
« d’ailleurs », « décidément », etc.

Revenons à l’implication du sens ; il en existe encore d’autres modes que la


présupposition et l’implicature lexicale : l’implicite, le sous-entendu, l’allusion, l’antiphrase,
etc. On voit que c’est à la question des différents niveaux de signification que la pragmatique
se trouve confrontée.

Reprenons sur ce point l’analyse, proposée par P. F. Strawson, de l’énoncé :


« Le président a exprimé l’opinion que cinquante ans est l’âge idéal pour ce
poste. » :
- À un premier niveau, dit de la « signification linguistique », un lecteur
comprendra le sens et sera capable de le traduire dans une autre langue,
même s’il ignore de quel président et de quel poste il s’agit.
- À un second niveau, dit de la « signification référentielle », on accèdera à une
compréhension plus pleine de l’énoncé si l’on est en mesure de connaître la référence
aux êtres particuliers (quel président ? quel poste ?), désignés par les termes.
- Ce n’est qu’à un troisième niveau que l’on connaîtra la « signification complète » de
l’énoncé, à condition de pénétrer ce que le locuteur a pu vouloir donner à entendre
entre les lignes (par ex. « que le président aurait un candidat favori, dont l’âge serait
précisément cinquante ans).

Le langage est vu ici comme un acte, et replacé dans les circonstances de sa mise en
fonctionnement. Ce qui apparaît caractéristique et constitutif du langage, c’est le « jeu »
(mécanisme) qui fait que la signification se construit dynamiquement et a quelque chose
d’inépuisable : le travail de reconstruction de la signification qu’effectue le récepteur
(démêler les présupposés, calculer les références, résoudre les ambiguïtés et
indéterminations…) existe aussi sans doute du côté de l’émetteur (l’intention de signification
n’est pas toujours aussi claire et non ambiguë qu’on le pense habituellement : lapsus,
reprises, anticipations, reformulations…).

En définitive, l’enjeu pour une pragmatique linguistique est double : d’une part, il s’agit
de se donner les moyens de contrôler par des méthodes linguistiques la diversité et
l’hétérogénéité des faits à décrire. D’autre part, il s’agit de construire une « pragmatique
intégrée », c’est-à-dire de définir non seulement les modalités d’articulation de la
pragmatique avec la syntaxe et la sémantique au sein d’un modèle linguistique d’ensemble,
mais, de façon plus ambitieuse, d’inscrire la pragmatique comme fondement de la théorie
linguistique, comme principe organisateur et explicatif de la signification.

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