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THÈME 2

Les éléments de la situation de communication.


La langue en usage.
La négociation du signifié.

1. Les langues, instrument de communication. La situation de


communication

Les langues sont des moyens de communication intersubjectifs et ce que l’on appelle le
langage n’est autre que la faculté, proprement humaine et liée à des aptitudes cognitives
biologiquement déterminées, d'apprendre et d’utiliser les systèmes symboliques que sont les
langues.

Jakobson définit l’acte de communication verbale à partir de six facteurs constitutifs :

- un destinateur (ou locuteur) et un destinataire (ou allocutaire) disposant d’un code


commun et qui échangent leurs rôles en cas de dialogue;
- un référent à exprimer sous forme d’un message;
- un contact qui assure la transmission du message:

Langue

V I

Locuteur Énoncé Allocutaire

Référent

Dans ce schéma, V symbolise le processus de la verbalisation (production d’un énoncé), I


celui de l’interprétation de l’énoncé et D le rapport référentiel qui unit l’énoncé à ce qu’il
désigne et aux actes de langage qu’il sert à accomplir.
Les interlocuteurs utilisent le code commun qu’est la langue. Un contact, combinaison d’un
canal physique et d’une connexion psychologique, permet au locuteur d’adresser des
énoncés (messages) à l’allocutaire.

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La situation de communication

Tout sujet parlant se trouve au cœur d'une situation de communication qui constitue un
espace d'échange dans lequel il se trouve en relation avec un partenaire.

Cette relation se définit selon les caractéristiques suivantes:

- Caractéristiques physiques

- Les partenaires:

- Sont-ils présents physiquement l'un à l'autre ou non?


- Sont-ils uniques ou multiples?
- Sont-ils proches ou lointains l'un de l'autre et comment sont-ils disposés l'un par rapport à
l'autre?

- Le canal de transmission:

- Est-il oral ou graphique?


- Est-il direct ou indirect (téléphone, médias)?
- Quel autre code sémiologique est utilisé? (image, graphisme, signaux , gestuel...)?

- Caractéristiques identitaires des partenaires

- Sociales: âge, sexe, classe, race...


- Socioprofessionnelles : médecin, écrivain, employeur, employé...
- Psychologiques : inquiet, nerveux, froid, spontané...
- Relationnelles : les partenaires se connaissent-ils déjà, sont-ils amis?...

- Caractéristiques contractuelles

- Échange / non échange. Le contrat admet un échange interlocutif (conversation et dialogue


quotidien) ou au contraire n'admet pas d'échange (comme dans une conférence).

- Les rituels d'abordage. Ceux-ci constituent les contraintes, obligations, ou simplement


conditions d'entrée en contact avec l'interlocuteur. Dans une situation d'interlocution, il s'agit
des salutations, échanges de politesse, demandes d'excuses, etc., et dans une situation
monolocutive écrite des ouvertures / clôtures des lettres de journaux ou d'ouvrages, slogans
des publicités, préfaces, avertissements, etc.

- Les rôles de communication. Il s'agit des rôles que doivent tenir les partenaires de
l'échange, du fait du contrat qui les relie.
Par exemple dans une situation de "classe", on attend du professeur qu'il tienne un certain
nombre de rôles: qu'il questionne, qu'il explique, qu'il donne des consignes, qu'il anime la
classe, qu'il évalue, etc.; de même que l'on attend des élèves qu'ils répondent aux
questions, exécutent un certain travail, etc.
Évidemment, il ne s'agit que de rôles attendus, qui dépendent strictement d'un type de
situation considéré, et auxquels les partenaires peuvent ne pas se conformer.

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On voit donc que la situation de communication comprend, outre les éléments du schéma
précédent, le cadre spatio-temporel de l’acte de communication, les individus, objets et
éléments qui le peuplent ainsi que les connaissances supposées partagées par les
interlocuteurs. La situation de communication dépend de l’environnement matériel mais
aussi du « cadre mental » où sont placés les partenaires de l’échange. Ces derniers sont
respectivement déterminés par une identité psychologique et sociale, et mutuellement unis
par un contrat de communication ( selon les intentions de chacun se feront jour des projets
de parole variables). Même si elle participe à sa mise en œuvre (selon le nombre et la
qualité des partenaires, leur proximité ou leur éloignement (dans l’espace et le temps, le
contexte institutionnel ou non, etc.) cette situation demeure extérieure au langage
proprement dit.

Ce qui est transmis, c’est un énoncé : une forme linguistique signifiante dont l’interprétation
requiert une double aptitude. L’allocutaire doit, bien sûr, connaître le sens codé des formes
linguistiques simples et complexes (mots, groupes de mots, phrases et types de phrases).
Mais il lui faut aussi procéder à des calculs (ou inférences) à partir de la signification
proprement linguistique de l’énoncé et des connaissances qu’il estimera pertinentes pour
aboutir à une interprétation plausible de cet énoncé dans la situation de communication où
cet énoncé lui a été adressé. C'est par exemple le cas, pour reconnaître le référent
particulier, supposé univoquement identifiable, de la directrice dans Je le dirai à la directrice
et pour déterminer l’acte de langage accompli au moyen de cet énoncé (Est-ce une
promesse ? un défi ? une menace ? ou un simple constat ?).
On ne peut pas expliquer le fonctionnement d'un acte de communication ironique si l'on ne
prend pas en compte la situation de communication. En effet, le simple schéma vu plus haut,
sans prendre en compte la situation de communication, ne suffirait pas à expliquer comment
Je te félicite lancé à quelqu'un qui vient de faire une bêtise soit compris comme une critique
ou un reproche
La description de la communication verbale ordinaire ne peut donc se satisfaire d’un modèle
sémantique d’encodage/ décodage fondé sur une théorie classique du signe linguistique. Il
faut lui adjoindre un modèle de l’activité inférentielle qui simule les calculs interprétatifs du
sujet parlant.

2. Le langage en usage

2.1. Fonctions du langage

Ce schéma de la communication humaine sert de cadre à la définition des six fonctions


fondamentales du langage selon Jakobson, chacune étant axée sur l’une des
composantes.
- La fonction référentielle (dite aussi cognitive ou dénotative) correspond à l’idée
couramment admise que les langues servent d’abord à parler de quelque chose ;
centrée sur le référent, elle permet d’évoquer ce qui fait le contexte de la
communication, les référents réels, fictifs ou possibles.
- La fonction expressive (ou émotive) est centrée sur le locuteur ; elle se
manifeste par l’expression de son attitude sur le contenu de son discours, par
exemple par la différence entre assertion et interrogation.
- La langue est le seul système de signes qui permet de parles de tous les autres
systèmes de signes, y compris d’elle-même : la fonction métalinguistique

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tournée vers le code, est à l’œuvre lorsque le locuteur utilise le langage pour
parles sur le langage, et qu’il parle de sa langue ou d’une autre langue.
- La fonction conative (ou injonctive) et la fonction phatique concernent les
relations intersubjectives entre les interlocuteurs. La première vise à orienter le
comportement de l’allocutaire dans le sens indiqué par l’énoncé, l’apostrophe ou
l’impératif, par exemple ; la seconde se manifeste à travers des énoncés qui
n’ont d’autre rôle que de maintenir le contact (le canal) entre les interlocuteurs :
formules codifiées des relations sociales, formules d’ouverture : Allô, comment ça
va ?
- Enfin, la fonction poétique se surajoute aux précédentes ; elle s’exerce non
seulement en poésie mais dans tout type de production langagière, chaque fois
que le locuteur instaure des équivalences entre la forme et le sens du message
et vise des effets esthétiques.

Ces six fonctions ne se présentent pas isolément. Les productions langagières les
combinent en les hiérarchisant le plus souvent dans des énoncés complexes.

Ainsi, Jakobson montre comment le slogan politique des années 1950, I like Ike, met
en œuvre toutes les fonctions du langage: la fonction référentielle (élection d’Eisenhower dit
Ike), la fonction expressive (I like = J’aime), la fonction conative implicite (vous devez
adhérer à mes choix), la fonction phatique (par le jeu phonique) ; le nécessaire code
commun que constitue la langue américaine illustre la fonction métalinguistique ;
l’identification du lecteur au candidat est mimée par la répétition de la même voyelle qui
associe le sujet, le verbe et le complément, et l’écho du [k] (fonction poétique).

La conjonction des six fonctions de Jakobson ne donne toutefois qu’une image partielle (et
quelque peu disparate) de l’éventail des usages communicatifs du langage. Plus récemment
on a choisi le terme d’acte de langage pour désigner les différents types d’actes accomplis
par le truchement du langage.

2.2. La composante pragmatique de la langue: les actes de


langage

La philosophie analytique anglaise (Austin, Searle) a montré que la langue est d'abord un
moyen d'agir sur autrui. Cette conception met en valeur la force intrinsèque de tout acte
d'énonciation. Tout locuteur, lorsqu'il énonce une phrase dans une situation de
communication donnée accomplit un acte de langage qui instaure un certain type de relation
avec l'allocutaire. Comme tout acte, un acte de langage vise à modifier un état de choses
existant.

On distingue:

Les actes de langage institutionnels


Ils sont conditionnés par une institution sociale (religieuse, judiciaire,...). Ces actes ne sont
réalisés que s'ils sont reconnus par l'institution en question.

Je déclare la séance ouverte

Les actes de langage ordinaires


Ils ne dépendent pas d'une institution sociale.

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Je te préviens que si tu mens, je le saurai.
Je te promets de venir
Je vous félicite pour vos résultats.

La réalisation effective d'un acte de menace, promesse ou félicitations s'opère ici par des
moyens exclusivement linguistiques. On peut dresser une liste d'actes de langage ordinaires
possibles à partir d'une série de verbes d'actions qui dénotent ces actes: ordonner,
interroger, avertir, remercier...

Cependant, même s'il n'est pas effectué dans le cadre d'une institution, l'acte de langage
ordinaire n'est pas indépendant de toute détermination sociale. Ainsi un locuteur peut
donner un ordre à autrui seulement si, dans des circonstances déterminées, la hiérarchie
sociale le lui permet.

D'autre part, les actes de langages peuvent être directs ou indirects.

Les actes de langage directs

Il sont accomplis au moyen de la forme linguistique qui leur est associée par convention. Ils
ont deux supports possibles réalisés dans deux sortes d'énoncés:

Les énoncés performatifs explicites contiennent un verbe performatif qui indique l'acte de
langage accompli: je t'ordonne de venir - Je vous affirme qu'il est innocent - Je te promets de
venir.

Les énoncés performatifs primaires correspondent essentiellement aux trois grands types de
phrases: déclaratif, impératif et interrogatif.
La phrase déclarative correspond normalement à un acte d'assertion, la phrase interrogative
à un acte de questionnement et la phrase impérative à un acte d'injonction.

Les actes de langage indirects

Ils sont accomplis au moyen d'un énoncé contenant une forme associée
conventionnellement à un autre acte que celui qu'il vise à accomplir.
On pourrait ainsi demander de fermer la fenêtre en déclarant: Il fait froid ici, ou demander
l'heure à quelqu'un en demandant : Avez-vous l'heure? Il est clair que la personne ne
répondra pas par oui, sans rien de plus, à moins qu'il ne s'agisse d'une blague.

2.3. Les lois du discours

Lorsque nous parlons, nous nous efforçons de respecter des lois qui dérivent toutes d’un
principe de base : la coopération. Chacun coopère à la conversation afin qu’elle ne tourne
pas court.

Le principe d’intelligibilité

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Tout énoncé doit être intelligible et nécessite donc une cohérence grammaticale et lexicale
minimale. De plus, le locuteur doit se mettre à la hauteur de son interlocuteur (Par exemple,
éviter d’employer des termes trop spécialisés face à un interlocuteur non initié).

Le principe de pertinence
Il faut parler à propos, c’est-à-dire tenir compte de la situation et des paroles prononcées par
les différents participants à la conversation. En effet, le non-respect de cette règle est une
atteinte à la cohérence, base des échanges verbaux. L’interlocuteur, s’il est un de vos
familiers, ne manquera pas de souligner le manque de pertinence de vos propos par une
question telle que : quel rapport avec ce que je viens de dire ?

Le principe d’informativité
Tout énoncé doit être informatif. Il ne faut pas parler pour ne rien dire, sauf pour meubler un
silence trop long contrevenant aux règles d’une bonne conversation.
Comme tout énoncé est censé être informatif et pertinent, l’interlocuteur essaiera de
découvrir une signification là où le sens de la phrase n’est pas informatif. Ainsi, une femme
dit à son mari : la voiture est vieille, l’interlocuteur le sachant déjà, répondra soit : je le sais
(condamnant par cet énoncé le non-respect du principe de l’informativité), soit, oui, il faut la
changer (paraphrase pragmatique de la voiture est vieille) ou encore On n’a pas d’argent
(argument en faveur de la conclusion implicite On ne peut pas la changer).

Le principe d’intérêt
L’énoncé peut être informatif mais ne pas intéresser l’interlocuteur. Or, pour que la
conversation se passe au mieux, il faut impérativement capter l’attention de l’autre, le
captiver. D’où des formules comme : Vous ne devinerez jamais ce qui m’est arrivé,
destinées è susciter l’intérêt de l’interlocuteur.

Le principe d’exhaustivité et sa contrepartie : le principe d’utilité


Toute information doit être exhaustive mais en même temps être utile. Retenir l’information
est aussi condamnable que submerger de détails son interlocuteur.

Le principe de sincérité
Chaque fois que nous parlons, nous prétendons dire quelque chose de vrai. Mais la sincérité
est une notion modulable. La preuve en est l’existence d’adverbes d’énonciation tels que
franchement, sincèrement, fréquents dans une conversation. Si la sincérité était de règle, ils
seraient inutiles.

Ces six principes sont respectés dans une conversation idéale mais, en fait, ils sont sans
cesse transgressés. Des formules comme tu me l’as déjà dit (non-respect de la loi
d’informativité), viens-en au fait (non-respect de la loi d’utilité) ou encore ça vient comme un
cheveu sur la soupe (non-respect de la loi de pertinence) en témoignent. Communiquer n’est
pas un acte évident : respecter les règles est difficile, d’autant plus qu’il faut également
ménager son interlocuteur et se ménager. C’est une des raisons pour lesquelles le principe
de sincérité est souvent transgressé. L’acte de communication met en présence des
individus qui, à l’image des animaux, défendent leur territoire. S’adresser à quelqu’un est
une incursion dans son domaine, d’où les excuses rituelles qui précèdent bon nombre
d’échanges verbaux, notamment lorsqu’on pose une question qui appelle une réponse-
service. De plus, le locuteur cherche à se valoriser aux yeux de son interlocuteur. Mais se
valoriser est un acte subtil. Quelqu'un qui se met trop en avant se dévalorise. Aussi, pour
être apprécié de son interlocuteur, faut-il se dévaloriser et le valoriser pour qu’il vous rende
la pareille. Mais trop valoriser son interlocuteur et trop se dévaloriser se retournent contre
vous. Il faut donc savoir doser cette alliance complexe entre valorisation et dévalorisation.

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3. Le mot comme signe linguistique (la négociation du signifié)

3.1. Définitions

Le signe linguistique est l’association d’une image phonique ou graphique appelée


signifiant et d’un concept, d’un contenu sémantique appelé signifié. Ainsi, quand j’entends
ou lis le mot table (signifiant), ce mot évoque dans ma tête le concept « table » (signifié),
c’est-à-dire un objet avec certaines caractéristiques comme des pieds et un plateau. Mais ce
signe linguistique renvoie à une réalité qui, suivant les personnes, les circonstances, peut
varier. On nomme référent ce que désigne le signe linguistique. Le référent n’a pas
nécessairement une existence concrète : il peut ainsi être imaginaire (par ex. le centaure).

Ainsi, si je dis Regarde cet arbre: le signifiant est l'image phonique (ou écrite si je l'écris)
arbre, le signifié est ce que l'on conçoit, d'une manière générale par "arbre" et le référent
sera l'arbre particulier que je suis en train de montrer, de désigner.

La relation signifiant / signifié et référent est arbitraire. La différence entre les langues, les
altérations phonétiques qu’ont connues les signifiants suffisent à le prouver. Même la
motivation d’ordre phonique (cas de l’onomatopée) comporte une part de convention. Notre
cocorico national, est bien loin du cock-a-doodle-doo anglais. Le signe est donc arbitraire
mais, une fois la convention fixée, le couple signifiant/signifié devient nécessaire.

3.2. La structuration sémantique du lexique

Dans les langues comme le français, où le mot constitue incontestablement le signe de


base, la morphologie lexicale se double d’une branche proprement sémantique qui définit et
classe les mots en vertu de leur sens. La structuration sémantique du lexique s’opère sur
une triple base :
- La délimitation et éventuellement la distinction des différentes significations attachées à un
mot (définition, monosémie ou polysémie)
- Les relations paradigmatiques d’identité, d’opposition et d’implication sémantiques que les
mots entretiennent entre eux (synonymie, homonymie, hyponymie, antonymie)
- L’analyse de l’information sémantique véhiculée par les mots, qui est généralement décrite
comme une combinaison de sèmes ou traits sémantiques.

3.2. Les différents sèmes d’un mot

3.2.1. Les sèmes dénotatifs

Nous avons vu qu’à un signifiant était lié un contenu sémantique, appelé signifié. Ce signifié,
comme pour le phonème, est constitué de différents traits distinctifs qu’on appelle sèmes.

Voici, par exemple, quelques sèmes du signifié « hirondelle » :{animal. oiseau, migrateur,


queue fourchue, ailes fines et longues}. Ces sèmes sont plus ou moins spécifiques. Il va de
soi que le sème {animal} est plus général que le sème {queue fourchue}. On dira que le
premier sème est un sème générique, en tant qu’il renseigne sur la catégorie générale à
laquelle appartient l’ « hirondelle », alors que le second est un sème spécifique, car plus
caractéristique de l’ « hirondelle ».

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On peut ainsi étudier différents signifiés ayant le même sème générique. C’est ce que l’on
appelle analyse componentielle.

Les sèmes génériques et spécifiques sont des sèmes dénotatifs : ils appartiennent à la
définition objective, relativement stable et socialement généralisée du signifié.
3.2.2. Les sèmes connotatifs

Mais il existe également des sèmes connotatifs, plus complexes à définir car plus
instables, plus subjectifs, qui comme l’indique le préfixe con- (du latin cum = avec),
s’ajoutent aux sèmes dénotatifs et révèlent principalement ce que suggère le mot, ce à quoi
on l’associe. Par exemple, « blanc » évoque, connote la neige, « wassingue », ayant les
mêmes sèmes dénotatifs que « serpillière », diffère de lui par ce qu’il connote : un
régionalisme (du Nord).

3.3. La cohérence sémique

Un signifié est constitué d’un faisceau de traits distinctifs, les sèmes. Or, pour qu’une phrase
soit recevable, elle doit être interprétable et donc respecter une cohérence sémique. Ainsi,
une phrase comme Mon livre pleure sera a priori considérée comme non interprétable, parce
que le sème générique [inanimé] contenu dans le substantif est en contradiction avec le
verbe qui implique un sujet ayant pour sème générique [animé].
C’est pourquoi une phrase n’est pas seulement une suite de catégories grammaticales (ex.  :
Dét. + Sub. + V). Elle est une suite de signifiés compatibles entre eux. Chaque substantif
sera sous-catégorisé par sèmes (ex. : enfant : [animé, humain, non abstrait...]). Les verbes
et les adjectifs qualificatifs seront sous-catégorisés en fonction des actants avec lesquels ils
sont compatibles.

Un mot est généralement polysémique et est susceptible d’emplois figurés qui autorisent
toutes sortes de phrases. Il en résulte qu’il n’existe pas des phrases recevables et d’autres
irrecevables mais des phrases plus ou moins interprétables. Tout dépend de la compétence
du locuteur, de ses capacités imaginatives. Caresser un projet paraîtra à certains locuteurs
ne connaissant pas cet emploi figuré de caresser comme inacceptable sémantiquement, du
fait que caresser implique un complément ayant pour sème [concret].

Les surréalistes et leurs précurseurs, tel Rimbaud, rompent souvent la cohérence sémique
textuelle, appelée également isotopie. Le premier vers de « Aube », extrait des
Illuminations, en témoigne. Dans J’ai embrassé l’aube d’été, aube contient les sèmes
[inanimé, non concret, illimité], en contradiction avec les sèmes qu'implique embrasser. Une
des sources de l’hermétisme de certains textes vient précisément de cette hétérogénéité
sémantique.

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