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Cent vingt-huit milliards de dinars.

Ce sont les pertes causées au Trésor public dans


l’affaire de montage automobile dans laquelle sont impliqués des opérateurs
économiques proches du cercle des décisions économiques, notamment les deux ex-
Premiers ministres.

Ces pertes colossales sont bien évidemment le résultat de toutes les violations commises au
cours de ces dernières années dans les procédures de la gestion de la commande publique.

En plus d’avoir exclusivement profité à l’entourage du pouvoir en place pendant deux longues
décennies, la distribution de cette commande s’est faite dans l’opacité totale et caractérisée
par l’octroi «d’indus avantages lors de la passation des marchés». «Les projets relatifs au
montage et à l’industrie automobile ont été accordés en violation des dispositions législatives
et réglementaires en vigueur dans ce domaine, notamment sans la validation du Conseil
national d’investissement (CNI)», a d’ailleurs confirmé le procureur de la République près le
tribunal de Sidi M’hamed.

Les résultats d’une telle gestion commencent à se faire ressentir pas seulement à travers les
chiffres effarants des détournements en série. La décision du groupe allemand Volkswagen de
suspendre temporairement son activité en Algérie (tel que rapporté par l’agence de presse
allemande Deutsche Presse-Agentur), en raison notamment de l’incarcération du directeur
général de Sovac, Mourad Oulmi, en juin dernier, pour des faits de corruption, est l’une des
conséquences lourdes de la transgression de la réglementation en matière de passation des
marchés publics.

Une décision qui met en danger l’avenir de 1400 travailleurs recrutés dans le cadre de ce
projet lancé en 2017 et qui a permis l’assemblage de 50 000 véhicules en 2018. Avec tous les
dossiers entre les mains de la justice, les prochains jours dévoileront sans nul doute d’autres
dégâts. D’autres décisions risquent également de tomber dans d’autres secteurs. Déjà que les
investisseurs étrangers ne se bousculent plus sur le marché algérien, la situation risque de se
détériorer davantage.

Elle montrera surtout l’ampleur de «l’enrichissement injustifié» des bénéficiaires et des


gestionnaires des marchés publics devenus, selon un spécialiste en la matière, «des moyens
occultes de financement douteux».

C’est dire que tout au long de ces dernières années, le pouvoir n’a fait qu’entretenir la culture
de la corruption à tous les niveaux en s’appuyant sur un code des marchés publics modifié à
plusieurs reprises, sans pour autant répondre aux principes fondamentaux de la commande
publique, à savoir la liberté d’accès à la commande publique, la transparence des procédures
et enfin l’égalité du traitement des candidats.
Opacité
Sur l’ensemble de ces points, les dépassements sont très nombreux. Et pourtant, ce ne sont pas
les propositions qui manquent pour assurer plus d’égalité, plus de transparence et plus de
liberté dans l’obtention de décisions de réalisation d’investissements publics. Les suggestions
des spécialistes portent ainsi sur la mise en application du code de l’éthique et de déontologie
des agents publics intervenant dans la passation et l’exécution des marchés publics par
l’autorité de régulation des marchés publics ; de soumettre les personnes exerçant une
fonction publique intervenant lors de passation des marchés publics à ces règles et d’initier
des actions de formation envers ces mêmes personnes, à commencer par les responsables
locaux.

Et ce, d’autant que de nombreux intervenants, maires, walis ou simples agents de bureau à
l’APC sont directement impliqués dans des affaires de corruption qui sont dévoilées
tardivement. Cela pour illustrer l’implication directe de l’administration dans la violation des
procédures du code des marchés publics modifié pour rappel à plusieurs reprises.

Il a été signé une nouvelle mouture en 2002 (Journal officiel n°52 du 28 juillet 2002) en
introduisant le gré à gré. La dernière modification remonte à 2015. Au total, l’on note sept
modifications en l’espace de treize ans (entre 2002 et 2015). A travers toutes les étapes ayant
marqué ce dossier, plusieurs projets ont été octroyés dans l’opacité la plus totale, renforçant le
constat selon lequel l’Algérie est loin d’être aux normes internationales en matière de gestion
de la commande publique.

Une commande qui représente plus de 20% du PIB en Algérie, avec tout son impact
désastreux sur les finances publiques et sur la qualité des services publics offerts aux citoyens
(projets bâclés, malfaçons…).

Ce volume élevé, engendré essentiellement par les politiques d’investissement public (financé
par la rente) depuis la fin des années 1990, notamment dans l’éducation, la santé, les
infrastructures de transport et l’énergie, est à titre indicatif bien au-delà de la moyenne des
pays de l’OCDE (Organisation de coopération e de développement économique). Les marchés
publics des 36 pays de ce bloc représentaient en 2017 près de 12% du PIB en 2017.

Avec 8% de plus, l’Algérie n’arrive pas à assurer à sa population des services de qualité. En
effet, compte tenu du volume important que représente ces dépenses, la bonne gestion des
marchés publics est loin d’être au rendez-vous. Idem pour l’efficience du secteur public.

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