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Mvt 1 : vers 1 à 3
Dès le début du recueil, le poète affirme son refus d’une forme et de thèmes
anciens et renouvelle complètement l’écriture poétique.
Par ailleurs, ce premier vers crée aussi un effet de surprise dans la mesure où
ses premiers mots (et donc les premiers du recueil) sont « A la fin ». Cette
expression peu soutenue donne aussi le ton du recueil, annonce un langage poétique
nouveau, plus libre, proche de la conversation courante.
Les vers 9-10 sont consacrés au poids des souvenirs. Ils renvoient à l’idée de
péché : « honte », « église », « confesser ». Ce qui semble le plus ancien, ce n’est pas
la « confession » (qui rend neuf) mais la « honte », les « fenêtres [qui] observent » :
une conception très étroite de la morale, qui refuse à un non-pratiquant, à un poète
menant une vie très libre, de rechercher le recueillement. En effet, on relève la
métonymie des « fenêtres » qui renvoie aux regards des autres sur soi. Là encore , on
en retient la peur d’être jugé.
Le poète semble avoir du mal à parler de lui. On remarque que dans certains
vers (1-3-9-10), il est question de lui à la deuxième personne, alors qu’au vers 15 le
«je » réapparaît lorsque le poète n’essaie plus de parler de ses sentiments mais se
contente d’observer le monde.
· « les prospectus les catalogues les affiches » (v. 11) sont définis par le poète au
vers 12 comme les nouvelles formes d’expression poétique : « voilà la poésie ». La
personnification « chantent tout haut » mêle des perceptions visuelles (les
couleurs vives ou les mots en gras sur les affiches) et des perceptions auditives (ces
couleurs sont si éclatantes qu’elles semblent « chanter »). La poésie émane donc
de la publicité, colorée et visible de tous.
· Un deuxième type d’expression écrite est évoqué aux vers 13-14 : la presse avec «
les livraisons» du matin, « les journaux », « mille titres divers » qui désignent cette
fois-ci « la prose » (v.12). Ce sont les parutions à sensation «pleines d’aventures
policières », les romans de gare très en vogue à l’époque. On note dans cet éloge
de la presse la référence surprenante à l’argent avec la mention des «25 centimes
» qui pousse le plus loin possible le détail prosaïque. Apollinaire est sensible au fait
que les journaux ne sont pas chers et qu’on les trouve à profusion, comme le
montrent l’hyperbole chiffrée «mille titres divers», ou encore le mot « pleines ». Le
poète met en valeur les magazines qui envahissent les devantures et se présentent
comme une nouvelle littérature, avec ses "grands hommes"(comme l'épopée).
· Enfin on remarque que la description des nouveaux modes d’expression écrite se
fait dans un ton simpliste : « voilà » (v.12) ; « il y a » (v.12 et 13) conforme lui aussi
à l’annonce d’un art nouveau.
Cette rue est marquée par des bruits qui pourraient être laids : la sirène
«gémit », la « cloche rageuse […] aboie » ; cependant deux procédés embellissent ces
bruits : les vers 19 et 20 sont des alexandrins réguliers, harmonieux (3-3//3-3) alors
que le reste du poème est en vers libres ; d’autre part ces bruits (gémir, aboyer) sont
animalisés ou humanisés, ce qui les rend vivants, moins mécaniques.
La rue évoquée est caractérisée également par un décor peu harmonieux : les
couleurs « criaillent » (le suffixe est péjoratif) et les termes «enseignes », «murailles»,
« plaques» nous font imaginer une accumulation d’éléments disparates. Cependant
ces couleurs variées sont envisagées d’un point de vue positif, grâce à la comparaison
au « perroquet», dont les couleurs très vives sont belles.
Par ailleurs, le poète célèbre le monde du travail, facteur d’égalité entre les
hommes. Il prend plaisir à énumérer les activités humaines modernes : « directeurs,
ouvriers, sténo-dactylographes » Tous partagent les mêmes horaires, vivent les
mêmes choses ; les éléments de l’énumération sont tous sujets du verbe « passent »
et le mélange se ressent d’autant plus qu’il n’y a pas de ponctuation. La longueur du
vers 18 crée une impression de défilé.
Enfin la rue évoquée est située « entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des
Ternes » : entre un nom un peu noble, un peu pompeux) et un nom plus banal, un
peu triste ; cette rue se situe entre les deux, pas vraiment noble, mais pas si terne
qu’on aurait pu le penser !
Conclusion : Sans renier totalement la tradition poétique qui l’a précédé, « Zone » se
démarque par sa profonde originalité et donne le ton du reste du recueil. La
modernité du poème se traduit ici par une ouverture au monde, et surtout par un
regard nouveau porté sur des choses banales, quotidiennes, dont on peut faire
ressortir la beauté. La forme épouse ici le sujet : c’est un poème résolument moderne
et optimiste, célébrant la nouveauté et l’inventivité de ce début de siècle.