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Revue internationale de droit

comparé

Les prises de contrôle par l'intermédiaire du marché


M. André Tunc

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Tunc André. Les prises de contrôle par l'intermédiaire du marché. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, Avril-
juin 1994. pp. 461-485;

doi : https://doi.org/10.3406/ridc.1994.4884

https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1994_num_46_2_4884

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R.I.D.C. 2-1994

LES PRISES DE CONTROLE


PAR L'INTERMÉDIAIRE DU MARCHÉ

André TUNC
Professeur émérite à l'Université de Paris I

1. — • Comme nous y invite le rapporteur général, nous


n'examinerons ici que des opérations de prise de contrôle portant sur des sociétés
anonymes, cotées en bourse ou objet d'un marché extérieur à la bourse.
De même, nous prendrons du terme « contrôle » la conception qu'en
propose le rapporteur général.
Pour rendre compte de la situation française, nous croyons, en
revanche, ne pas devoir considérer comme typique que la direction de la société
cible soit hostile à la prise de contrôle. On doit, en effet, constater qu'en
France les restructurations d'entreprises se réalisent le plus souvent par
fusions ou apports d'actifs ; que viennent ensuite, dans l'ordre numérique,
les cessions de contrôle ; puis, enfin, les offres publiques d'achat (O.P.A.)
ou d'échange (O.P.E.) d'actions, qui, pour l'immense majorité, sont des
offres amicales, c'est-à-dire négociées à l'avance par les deux directions.
Cette situation nous semble imposer que l'on considère avec une
certaine souplesse la limitation du sujet aux prises de contrôle réalisées
« par l'intermédiaire du marché ». L'expression s'applique sans problème
aux O.P.A., qu'elles soient ou non amicales. A strictement parler, elle
ne s'appliquerait pas aux cessions de contrôle. Cependant, du fait que le
droit français exige dans ce cas que les actionnaires étrangers à la cession
soient invités à vendre leurs titres, nous croyons devoir traiter, dans une
partie de ce rapport, de cette opération qui peut avoir sa conclusion sur
le marché.
Selon les indications données par la Commission des opérations de
bourse dans son 25e Rapport au Président de la République, rapport relatif
à l'année 1992, on a relevé 22 O.P.A., dont 1 1 effectuées selon la procédure
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normale et 11 selon la procédure simplifiée {infra, nos 93 et s.), 12 O.P.E.,


dont 3 selon la procédure normale et 9 selon la procédure simplifiée, et
1 offre alternative O.P.A./O.P.E., et 40 garanties de cours {infra, nos 107
et s.).
2. — Restent, en revanche, hors de notre sujet, d'une part, les offres
publiques de vente et, d'autre part, les offres publiques de retrait. Celles-
ci sont possibles lorsqu'un actionnaire détient 95 % des droits de vote
d'une société cotée, lorsqu'une société cotée se transforme en commandite
par actions, ou lorsque la société connaît une modification juridique ou
économique significative.
3. — O.P.A. et cessions de contrôle font l'objet d'une réglementation
détaillée.
Depuis 1966, les autorités publiques s'étaient souciées du phénomène
et avaient pris des mesures variées destinées à assurer la loyauté des
pratiques. Aujourd'hui, l'article 15 de la loi du 2 août 1989 sur la sécurité
et la transparence du marché boursier a inséré dans la loi du 22 janvier
1988 sur les bourses de valeurs un article 6 bis qui délègue au Conseil
des bourses de valeurs (C.B.V.), entre autres, le pouvoir de réglementer
les O.P.A. et O.P.E. C'est sur ce fondement qu'ont été édictés les articles
5-1-1 et suivants du Règlement général du Conseil, homologués par arrêté
du 28 septembre 1989. Ils ont ensuite fait l'objet d'amendements,
homologués par arrêté du 15 mai 1992. La réforme de 1992 vise essentiellement,
lorsqu'une personne a acquis un nombre de titres lui imposant de procéder
à une O.P.A., à exiger que celle-ci porte sur la totalité du capital, et non
plus seulement sur les deux tiers. La réforme vise, plus généralement, à
simplifier la procédure et à rapprocher d'elle celle des cessions de contrôle.
Fort important est aussi le Règlement 89-03 de la Commission des
opérations de bourse (C.O.B.), également homologué par arrêté du 28
septembre 1989. On remarquera que ce Règlement n'a pas été modifié
à la suite de la réforme de 1992 : le lecteur doit donc de lui-même procéder
aux quelques ajustements qui peuvent être nécessaires.
Ces textes s'insèrent, bien entendu, dans le cadre beaucoup plus
général du droit des sociétés commerciales (fondé sur la loi du 24 juillet
1966 et le décret du 23 mars 1967) et du droit de la concurrence.
Ils devraient être modifiés le jour où serait adoptée et mise en vigueur
la proposition de Treizième directive de la Communauté économique
européenne, qui réglementerait la matière et limiterait les défenses anti-
O.P.A. Mais on sait que cette proposition se heurte à de fortes oppositions,
et rien ne permet de penser qu'elle sera prochainement adoptée.
4. — On voit ainsi que la réglementation et le contrôle des O.P.A.
dépendent de deux institutions : le C.B.V. et la C.O.B.
Le premier est l'organisme professionnel qui a autorité sur le marché
boursier. Le fonctionnement quotidien du marché est assuré par la Société
des bourses françaises (S.B.F.). Mais le C.B.V. est chargé d'élaborer le
Règlement général des bourses de valeurs, sous réserve de son
homologation par le ministre de l'Économie après avis de la C.O.B. Il dispose
aussi d'un pouvoir disciplinaire.
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La C.O.B, est une commission administrative créée par ordonnance


du 28 septembre *1967 à l'image (modeste !) de la S.E.C. Ses pouvoirs
ont été accrus par de nombreuses réformes, dont celles qui résultent de
la loi du 2 août 1989. Ses fonctions sont aujourd'hui énoncées de la
manière suivante à l'article 1 de l'ordonnance de 1967 : « veiller à la
protection de l'épargne investie en valeurs mobilières ou tous autres
placements donnant lieu à appel public à l'épargne, à l'information des
investisseurs et au bon fonctionnement des marchés de valeurs mobilières, de
produits financiers cotés ou de contrats à terme négociables ». Pour mener
à bien sa mission, elle possède maintenant d'importants pouvoirs de
réglementation, d'enquête, d'injonction et de sanction.
Les décisions individuelles du C.B.V. et celles de la C.O.B. peuvent
être soumises à la Cour d'appel de Paris.
5. — La compétence territoriale du droit français n'est pas précisée
dans le règlement de la C.O.B.
Le Règlement général du C.B.V., en revanche, se déclare applicable
aux « offres publiques d'acquisition de titres de capital ou de titres de
créance... d'une société de droit français dont les titres sont inscrits à la
cote officielle ou à la cote du second marché ou négociés sur le marché
hors cote ».
6. — Ayant ainsi précisé le sujet, les sources de sa réglementation
et le domaine territorial de celle-ci, il semble nécessaire d'envisager encore
les moyens que peut employer une société dans l'espoir de décourager
une éventuelle O.P.A., avant d'examiner le régime juridique de l'opération,
puis la réglementation de la cession du contrôle.

I. LES DEFENSES FACE A L'O.P.A.

7. — Un moyen extrêmement simple de protéger la société contre


les O.P.A. serait de réserver le droit de vote à quelques actionnaires et
de ne mettre sur le marché que des actions sans droit de vote. On pourrait
encore, ce qui serait à peu près aussi efficace, donner à tous les actionnaires
le droit de vote, mais réserver à quelques-uns des actions disposant d'un
nombre de voix très élevé.
Ces pratiques sont impossibles en France. L'article 174 de la loi de
1966 dispose qu'en principe « le droit de vote attaché aux actions... est
proportionnel à la quotité de capital qu'elles représentent et chaque action
donne droit à une vöix au moins ». C'est l'idée « one share, one vote ».
Le principe de l'égal pouvoir de vote des actions est pourtant battu
en brèche de diverses manières par le législateur lui-même. Celui-ci a,
en effet, créé des actions sans droit de vote ou, parfois, des titres proches
de l'action, mais dénués du droit de vote : « actions » à dividende prioritaire
sans droit de vote ou certificats d'investissement. Il a privé du droit de
vote certaines actions : actions non libérées des versements exigibles,
actions d'autocontrôlé. Il a permis que les statuts limitent le nombre
de voix dont chaque actionnaire dispose dans les assemblées (c'est une
possibilité utilisée en 1992 par les sociétés B.S.N. et Total et sur laquelle
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la C.O.B. présente des observations dans son Rapport, p. 48). En revanche,


il a permis que les statuts accordent un droit de vote double à toutes les
actions entièrement libérées pour lesquelles il sera justifié d'une inscription
nominative, depuis deux ans au moins, au nom du même actionnaire.
Ainsi, les dirigeants peuvent dans une certaine mesure réduire le
risque d' O.P.A. hostiles en jouant du droit de vote, mais leur marge de
manœuvre est très limitée. Lorsque la loi d'ailleurs prive du droit de vote
des actions d'autocontrôlé c'est, au contraire, pour ouvrir davantage la
société.
8. — Un autre moyen radical d'empêcher une O.P.A. serait de
soumettre toute cession d'action à l'agrément du nouvel actionnaire par le
conseil d'administration.
Ce moyen est doublement impossible à employer. La présence dans
les statuts d'une clause d'agrément empêcherait l'admission de la société
à la cote officielle ou sur le second marché. De plus, en vertu de l'article
3, alinéa 4 du Règlement de la C.O.B. , la clause serait inopposable à
l'initiateur d'une offre publique pour les titres qui lui seraient apportés
dans le cadre de son offre.
9. — De même, ne faut-il pas compter que la société, pour se
protéger, rachète ses propres actions sur le marché ou dans les mains
d'un actionnaire menaçant.
Le rachat par une société de ses propres actions ne lui est permis
que dans les limites très étroites fixées par les articles 217 et suivants
de la loi de 1986.
10. — On pourrait en revanche concevoir qu'un dirigeant ou un
groupe de dirigeants procèdent personnellement à une O.P.A. sur les
actions de la société et la fasse radier de la cote.
Juridiquement possible, cette opération est économiquement
inconcevable pour une société de quelque envergure.
11. — II est possible de transformer une société anonyme en société
à commandite par actions. On sait que, dans ce type de société, le pouvoir
appartient exclusivement au commandité ou aux commandités ; il est alors
impossible à un tiers d'espérer obtenir le contrôle autrement que par
une négociation. Mais cette transformation est une mesure extrême et
lourdement réglementée.
12. — Un moyen parfois employé depuis de longues années par
ceux qui sont à la tête d'une société pour s'en assurer le contrôle sans
y investir des sommes trop considérables consiste à la placer sous le
contrôle d'une société holding, ou peut-être d'une pyramide de sociétés
holding, dont on garde le contrôle.
13. — De nombreuses opérations financières sont possibles et, selon
les circonstances, peuvent être opportunes pour décourager d'éventuelles
O.P.A. :
— se grossir, notamment en absorbant des filiales,
— se séparer, au contraire, d'une filiale ou d'une division
particulièrement désirable à une autre société,
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— ou acquérir une entreprise ou une division d'entreprise qui rendrait


sujette au droit de la concurrence ou à un contrôle administratif une
O.P.A. de la part d'une société menaçante.

14. — Les « pilules empoisonnées » ne sont pas aussi variées en


France qu'aux États-Unis.
On trouve cependant des contrats, notamment financiers, prévoyant
qu'un changement de contrôle affectant le débiteur met fin au contrat ou
entraîne déchéance du terme. S'il s'agit d'un contrat important, de telles
clauses sont évidemment dissuasives.

15. — Un moyen de protection plus simple, lorsque quelques


actionnaires possèdent chacun une participation de quelque importance dans le
capital de la société, consiste pour eux à se lier par des accords : ils
s'interdisent toute agression, ou se donnent des droits de préemption ou
de préférence en cas de cession par l'un d'eux, ou s'engagent à des
cessions, à moins qu'au contraire ils ne s'interdisent temporairement toute
cession.
Des liens d'amitié entre sociétés peuvent également se concrétiser
dans des participations croisées.
Ces pactes sont valables et doivent être respectés. Mais, s'ils ne le
sont pas, l'opération qui y contrevient n'en est pas moins valable et
n'ouvre à la victime qu'une action en dommages-intérêts.
16. — On voit en définitive qu'il n'existe pas, pour une société,
sauf à procéder à une transformation radicale, de moyen totalement efficace
de se protéger contre une O.P.A.
Nombre de sociétés emploient cumulativement diverses précautions.
Elles accordent le droit de vote double aux actionnaires titulaires de titres
nominatifs depuis deux ans (supra, n° 7). Certaines se préparent à accorder
à ces mêmes actionnaires un dividende majoré. Elles restreignent le droit
de vote des actionnaires trop importants, si elles le peuvent sans réduire
le pouvoir de vote de leurs amis. Elles procèdent aux acquisitions ou
ventes qui leur semblent désirables. Leurs dirigeants concluent des pactes.
Surtout, elles cherchent à se « fidéliser » leurs actionnaires, à se rendre
sympathiques et désirables à leurs yeux par des lettres d'information, des
comités d'actionnaires, des rencontres dans les capitales de province, des
dividendes généreux et des distributions d'actions gratuites... et une bonne
gestion.
Il est important aussi pour les sociétés de voir monter les menaces.
C'est la raison pour laquelle une loi du 17 juin 1987, ajoutant à la loi
de 1986 des art. 263-1 et 263-2, a créé le « titre au porteur identifiable ».
On verra également que, si les sociétés sont légalement protégées contre
le « ramassage » de leurs titres par des obligations de déclaration de
franchissement de seuil (infra, n° 19), la même loi de 1987 a modifié
l'article 356-1 de la loi de 1986 pour permettre que les statuts prévoient
une obligation supplémentaire d'information sur la détention de fractions
du capital, dès lors que la fraction à déclarer ne peut être inférieure à
0,5 %.
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IL LE RÉGIME JURIDIQUE DE V O.P.A.

On étudiera successivement le lancement de l'offre facultative, l'offre


obligatoire, le déroulement de l'offre et l'issue de l'offre.

A. — Le lancement de l'offre facultative


17. — Phase préparatoire. Lancer une O.P.A. est évidemment une
décision importante, qui suppose une mûre réflexion, fondée sur des
données économiques et financières aussi nombreuses et profondes que
possible, et normalement menée avec le concours de banques.
18. — Le plus souvent aussi, une fois la décision prise, celui qui
prépare une O.P.A. procédera, aussi discrètement que possible, à un
« ramassage » d'actions de la société visée. Parfois, au lieu d'achats directs
ou à côté d'eux, il acquerra des actions d'une société holding détenant
des titres de la société privée. Le ramassage peut également s'effectuer
sur des titres de la société convoitée qui ne sont pas des actions, mais
donnent des droits à des actions : bons de souscription ou obligations
convertibles, échangeables, remboursables en actions ou assorties d'un
bon de souscription.
19. — Ce ramassage ne peut se faire de manière entièrement
sournoise : il est soumis à des déclarations de franchissement de seuils.
On verra que le franchissement du seuil du tiers impose une O.P.A.
(infra, n° 46). Mais, avant cette proportion, des déclarations s'imposent.
Dans la version que lui donne la loi du 2 août 1989, l'article 356-1 de
la loi de 1966 prescrit que « toute personne physique ou morale... qui
vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième, du
dixième, du cinquième, du tiers, de la moitié ou des deux tiers du capital
d'une société ayant son siège sur le territoire de la République et dont
les actions sont inscrites à la cote officielle ou du second marché ou au
hors cote d'une bourse de valeurs, informe cette société, dans un délai
de quinze jours à compter du franchissement du seuil de participation,
du nombre total d'actions de celle-ci qu'elle possède ».
L'article 356-1-1 ajoute que, si le nombre ou la répartition des droits
de vote ne correspond pas à ceux des actions, les pourcentages prévus
par ce texte sont calculés en droits de vote.
20. — Le souci de discrétion peut conduire celui qui prépare une
O.P.A. à faire collaborer au ramassage des personnes physiques ou morales
amies. C'est l'action de concert.
Ce procédé détourné est en principe inefficace. Selon le dernier alinéa
de l'article 356-1-3 de la loi de 1966, « Les personnes agissant de concert
sont tenues solidairement aux obligations qui leur sont faites par la loi
et les règlements. »
Le premier alinéa de l'article donne une définition du comportement
ainsi visé : « Sont considérées comme agissant de concert les personnes
qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de
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vote ou en vue d'exercer des droits de vote pour mettre en œuvre une
politique commune vis-à-vis de la société. »
Selon l'alinéa suivant, un tel accord est présumé exister (ce n'est
qu'une présomption) : a) entre une société, le président de son conseil
d'administration et ses directeurs généraux ou les membres de son
directoire ou ses gérants ; b) entre une société et les sociétés qu'elle contrôle ;
c) entre les sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes.

21. — II peut également être de bonne politique, pour qui prépare


une O.P.A., de conclure une opération ou un accord qui lui procurera à
terme des actions.
Il peut s'agir de contrats optionnels ou d'engagements de présentation,
qui prennent eux-mêmes des formes diverses. Ces accords de présentation
doivent être notifiés au C.B.V. (sauf dans le cas exceptionnel où celui
qui en bénéficie ne serait pas encore actionnaire) ; dès l'avis de dépôt
de l'offre, ils devraient, en tant qu'accords « susceptibles d'avoir une
incidence sur l'appréciation de l'offre publique ou sur son issue », être
notifiés au conseil ou au directoire des sociétés concernées ainsi qu'au
C.B.V. et à la C.O.B.

22. — Contenu de l'offre. Les mesures préparatoires effectuées, une


offre sera présentée.
Deux procédures doivent être envisagées, la procédure normale, qui
va maintenant être exposée et, dans certains cas, la procédure simplifiée,
qui sera étudiée à la suite (infra, nos 93 et s.).
L'offre émane normalement, mais non nécessairement, d'une société.
Elle pourrait aussi être le fait de deux sociétés agissant conjointement,
ou d'un groupe de sociétés.

23. — Jusqu'en 1992, l'initiateur d'une O.P.A. devait viser une


quantité de titres représentant au moins les deux tiers des titres de capital
conférant le droit de vote, compte tenu des titres qu'il détient déjà.
Cette règle permettait qu'une prise de contrôle s'effectue sans que
l'acquéreur soit obligé à un déboursement trop considérable. En revanche,
elle présentait un grave inconvénient pour les minoritaires (v. les exemples
donnés dans le Rapport de la C.O.B. , p. 51). Ils pouvaient être obligés
de conserver des titres ou de les vendre à un cours inférieur à celui de
l'offre et pouvaient même se trouver victimes d'une radiation de la cote.
C'est la raison principale pour laquelle le Règlement général du
C.B.V., dans sa version homologuée le 15 mai 1992, décide désormais,
dans son article 5-2-2, que « L'offre publique doit viser la totalité des
titres de capital et des titres donnant accès au capital ou aux droits de
vote de la société émettrice ». La disposition est on ne peut plus générale.
L'initiateur s'engage à acheter, non seulement toutes les actions émises,
mais tous les titres qui donnent un accès différé au capital (bons de
souscription ; obligations échangeables, remboursables en actions,
convertibles, ou à bon), et les certificats d'investissement. Cette nouvelle règle,
bien entendu, rend plus difficile les O.P.A.
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24. — En revanche, il reste vrai, en vertu de l'article 5-2-5, que


l'initiateur peut se réserver la facutlé de renoncer à l'opération si le nombre
de titres présentés en réponse à l'offre est inférieur à un certain chiffre.

25. — Le prix est bien entendu, pour toutes les parties, un élément
essentiel de l'offre.
Sauf en cas d'offre obligatoire, il est fixé librement par l'offrant. Il
ne l'est pourtant pas arbitrairement. Aux termes de l'article 5-2-5, le
dossier de présentation de l'offre doit contenir « le prix ou les parités
d'échange auxquels l'initiateur offre d'acquérir les titres, les éléments
qu'il a retenus pour les fixer et les conditions de paiement ou d'échange
prévues ». De même, la note d'information qui sera visée par la C.O.B.
doit mentionner « les éléments retenus pour servir de base » à la
détermination du prix. Enfin, l'article 5-2-7 du Règlement général du C.B.V. permet
à ce dernier de demander le réexamen du projet s'il n'estime pas acceptable,
entre autres éléments, « le prix ou les parités d'échange proposés, en
fonction des critères d'évaluation objectifs usuellement retenus et des
caractéristiques de la société visée ».

26. — Sans qu'il y ait là un élément juridique de l'offre, on notera


qu'aux termes de l'article 5-2-5 du Règlement général du C.B.V., le projet
d'offre doit contenir « l'objectif poursuivi par l'initiateur, les intentions
qui sont les siennes au jour du dépôt de l'offre et, le cas échéant, le
nombre et la nature des titres de la société visée qu'il détient déjà ».

27. — L'offre est irrévocable, sinon à partir de son dépôt, du moins


dès lors qu'elle est jugée recevable par le C.B.V. {infra, n° 28).
Cette irrévocabilité n'interdit évidemment pas une amélioration de
l'offre, notamment par relèvement du prix.

28. — On peut considérer comme un cas particulier de l' O.P.A.


l'offre publique d'échange (O.P.E.), par laquelle on offre aux actionnaires
de la société visée, s'ils apportent leurs titres, non pas du numéraire, mais
des titres, c'est-à-dire des valeurs mobilières. C'est bien ainsi, d'ailleurs,
que l'opération est présentée dans le Règlement général du C.B.V. Il peut
s'agir de titres de la société initiatrice ou d'une de ses filiales. Très
souvent, il s'agit de titres de la société-mère offerts aux actionnaires d'une
filiale en vue de simplifier les structures du groupe.
Les dispositions spécifiques à l'opération (art. 5-2-25 à 5-2-27) ne
sont que l'adaptation de celles qui sont spécifiques aux O.P.A. On les
signalera à l'occasion. On notera pourtant que, dans les dispositions
communes aux O.P.A. et O.P.E., figure le dernier alinéa de l'article 5-2-5 :
« si l'offre est une offre publique d'échange dont l'initiateur, société par
actions, propose la remise de titres à émettre en échange des titres de la
société visée, l' irrévocabilité des engagements pris par l'initiateur emporte
l'obligation pour ses dirigeants de proposer à l'assemblée générale des
actionnaires une résolution visant à décider l'émission des titres destinés
à rémunérer les vendeurs aux clauses et conditions prévues dans l'offre
publique ».
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29. — On rencontre aussi des offres mixtes, qui permettent au


destinataire de choisir entre numéraire et titres, ou qui combinent ces deux
genres d'offres.
30. — Recevabilité de l'offre. Avant d'être rendue publique, l'offre
doit être soumise au C.B.V., qui statuera sur sa recevabilité.
Cette présentation n'est pourtant pas le fait de l'initiateur. En vertu
de l'article 5-2-1 du Règlement général, le projet d'offre est présenté au
conseil par un ou plusieurs établissements effectuant à titre professionnel
des opérations de banque. Ces présentateurs garantissent, pour le compte
de l'initiateur, le caractère irrévocable de l'offre. Ils garantissent également
« la teneur des engagements pris par l'initiateur de l'offre » (art. 5-2-5).
En fait, c'est eux qui auront aidé l'initiateur à former et formuler son
projet. Leur intervention officielle a semblé nécessaire pour garantir le
sérieux de l'offre. Si quelque difficulté s'élève, ils seront les interlocuteurs
du C.B.V. Si l'initiateur vient à manquer à ses engagements, ils en seront
les garants.
31. — La présentation doit s'accompagner d'explications.
Selon l'article 5-2-5, à l'appui du projet d'O.P.A., « le ou les
présentateurs déposent un dossier précisant :
— l'objectif poursuivi par l'initiateur, les intentions qui sont les
siennes au jour du dépôt de l'offre et, le cas échéant, le nombre et la
nature des titres de la société visée qu'il détient déjà ;
— éventuellement, le nombre de titres présentés en réponse à l'offre
en deçà duquel l'initiateur se réserve la facilité de renoncer à son opération ;
— le prix ou les parités d'échange auxquels l'initiateur offre
d'acquérir les titres, les éléments qu'il a retenus pour les fixer et les conditions
de paiement ou d'échange prévues ».
Des réglementations particulières, concernant par exemple les
investissements étrangers, pourraient encore obliger à ajouter certains documents
au dossier.
32. — II appartiendra au C.B.V. de décider si l'offre est recevable.
Pour éviter toute opération spéculative, le second alinéa de l'article 5-2-
1 décide que « dès que le conseil est saisi du projet, la Société des bourses
françaises suspend la cotation des titres de la ou des sociétés concernées ».
Le même texte demande à la S.B.F. de donner avis de l'offre au
ministre chargé de l'Économie et à la C.O.B.
Les cotations ne reprendront, sauf décision contraire du C.B.V., que
deux jours de bourse après la publication au Bulletin officiel de la cote
de l'avis de recevabilité (art. 5-2-11).
33.' — Le C.B.V. doit également, en vertu du troisième alinéa de
l'article 5-2-1, publier un avis de dépôt du projet d'offre « faisant connaître
ses principales dispositions, notamment l'identité de l'initiateur, du ou
des établissements présentateurs de l'offre et de la société visée, le nombre
de titres déjà détenus par l'initiateur de l'offre, le prix ou les termes de
l'échange proposés ».
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« La période d'offre publique commence avec la publication » de


cet avis. C'est donc à partir de cet avis que les parties sont soumises
aux obligations qui leur incombent durant tout le déroulement de l'offre
(infra, nos 60 et s.).
34. — Le C.B.V. doit se prononcer sur la recevabilité de l'offre.
Il dispose pour ce faire d'un délai de cinq jours de bourse (art. 5-2-6).
Sa décision sera connue par un avis publié par la S.B.F.
Le C.B.V. prendra sa décision après étude du dossier par les services
de la S.B.F. Il recevra peut-être également des observations de la C.O.B.,
sans38laquelle,
nos et s.). de toute manière, l'opération ne peut se dérouler (infra,

35. — Le C.B.V. dispose d'un large pouvoir.


Il pourrait déclarer l'offre irrecevable, ce qu'il ne fait presque jamais.
Il peut aussi, purement et simplement, la déclarer recevable. Mais l'article
5-2-7 lui donne des pouvoirs plus nuancés. Il peut « exiger de
l'établissement présentateur toutes justifications et garanties complémentaires » ; ou
« requérir le dépôt d'une couverture en espèces ou en titres ».
Il peut aussi demander le réexamen du projet « s'il n'estime pas
acceptables :
— le prix ou les parités d'échange proposés, en fonction des critères
d'évaluation objectifs usuellement retenus et des caractéristiques de la
société visée ;
— le seuil, exprimé en nombre minimal de titres présentés, de la
faculté de renonciation de l'initiateur ;
— la nature, les caractéristiques, la cotation ou le marché des titres
proposés en échange ».
Le pouvoir de demander le réexamen de l'offre est important, mais
n'est pratiquement jamais exercé formellement : c'est en fait la S.B.F.
qui, durant la période de cinq jours, l'exerce.
Il arrive aussi que le C.B.V. n'ait pas à se prononcer, l'initiateur
ayant retiré son offre.
36. — La reprise des cotations des titres des sociétés concernées
intervient, en principe, deux jours de bourse après la publication de l'avis
de recevabilité.
37. — Si le C.B.V. déclare l'offre recevable, il publie, en effet,
conformément à l'article 5-2-9 du Règlement, un avis d'ouverture de
l'offre, contenant toutes les indications utiles aux actionnaires de la société
visée, indications que précise l'article 5-2-10.
Cette publication n'aura lieu, cependant, qu'après « réception du visa
de la note d'information délivrée par la C.O.B. ainsi que, le cas échéant,
des autorisations ou décisions requises par la législation en vigueur ».
38. — Contrôle de la C.O.B. . — On comprend que la C.O.B. soit
mêlée à l' O.P.A. Celle-ci intéresse les investisseurs, qu'il est de la mission
de la C.O.B. de protéger. Elle suppose d'ailleurs une publicité, dont il
serait inconcevable qu'elle échappe au contrôle de la C.O.B.
A. TUNC : PRISES DE CONTRÔLE ET MARCHÉ 471

II est donc normal que l'article 5 de son Règlement 89-03 demande


que les initiateurs et les sociétés visées par une O.P.A. établissent une note
d'information soumise à son visa préalable. Ce document peut d'ailleurs, en
cas d'offre amicale, être commun à l'initiateur et à la société visée, mais
le cas est rare.
39. — Selon l'article 6, « dès la publication par le C.B.V. de l'avis
de dépôt d'une offre publique, les dirigeants des sociétés concernées
doivent faire preuve d'une vigilance particulière dans leurs déclarations ».
De plus, sauf accord de la C.O.B., ces sociétés doivent limiter les
informations qu'elles diffusent aux éléments contenus dans les avis publiés
par la S.B.F. ou dans les notes visées par la C.O.B.
40. — L'article 7 du Règlement général exige que la note
d'information que doit préparer l'initiateur de l'offre « précise :
— l'identité et les caractéristiques de l'initiateur (sur la possibilité
d'une présentation allégée par l'établissement préalable d'un "document
de référence", v. le Rapport de la C.O.B., p. 113-114),
— ses intentions pour les 12 mois à venir, relatives à la politique
industrielle, financière et sociale des sociétés concernées, ainsi qu'à la
cotation des titres de la société visée,
— la teneur de son offre,
— le prix ou la parité proposés en précisant les éléments retenus
pour servir de base à leur détermination,
— le nombre de titres que l'initiateur s'engage à acquérir et, le cas
échéant, le nombre de titres présentés à l'offre en deçà duquel il se réserve
la faculté de renoncer à l'opération,
— le nombre de titres de la société visée qu'il détient déjà,
directement, indirectement ou de concert,
— les conditions de financement de l'opération et leurs incidences
sur les actifs, l'activité et les résultats des sociétés concernées,
— les accords relatifs à l'offre, auxquels il est partie ou dont il a
eu connaissance, ainsi que toutes indications sur les personnes avec qui
il agit de concert ».
41. — Le projet de cette note d'information doit, en vertu de l'article
8 du Règlement de la C.O.B. , être déposé à celle-ci par le présentateur
de l'offre le jour même de la publication par le C.B.V. de l'avis de dépôt
de l'offre.
Le présentateur contresigne ce document et garantit l'exactitude des
éléments donnés en application de l'article 7. Il communique en temps
ce projet à la société visée.
42. — Le contrôle de la C.O.B. sur cette note d'information et celui
du C.B.V. sur le projet d'offre sont simultanés.
Selon l'article 9 du Règlement, en effet, la C.O.B. dispose d'un délai
de cinq jours de bourse pour y apposer son visa.
Durant ce délai, « la commission recueille tout renseignement
complémentaire qu'elle juge nécessaire et peut en demander la publication »
(art. 5).
472 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1994

« Si, dans ce délai, l'initiateur de l'offre ne satisfait pas les demandes


d'explication ou de justification formulées par la Commission, celle-ci
peut, soit prolonger le délai d'une nouvelle période de cinq jours, soit,
par décision motivée, retirer son visa. Elle en informe le C.B.V. et les
sociétés concernées ; elle porte sa décision à la connaissance du public
par voie de communiqué » (art. 9).
La C.O.B. « assortit son visa de tout avertissement qu'elle estime
utile » (art. 5).
En revanche, dès que la C.O.B. a apposé son visa, l'établissement
présentateur en remet un exemplaire à la société visée.
43. — Réaction de la société visée. — La société visée doit, à son
tour, contribuer à l'information des destinataires de l'offre et du public.
Elle doit, en vertu de l'article 11 du Règlement, déposer auprès de la
C.O.B., dans les cinq jours de bourse suivant celui de la remise de la
note de l'initiateur, un projet de note d'information.
« Outre une présentation de la société, cette note mentionne :
— la répartition du capital faisant apparaître, à la date de l'offre
publique, et un an auparavant, les titres détenus par la société elle-même
et par les sociétés qu'elle contrôle...
— les accords portés à la connaissance des dirigeants de la société
visée et pouvant avoir une incidence sur l'appréciation ou l'issue de l'offre
publique ;
— l'avis motivé du conseil d'administration ou du conseil de
surveillance sur l'intérêt ou le risque que présente l'offre pour la société et pour
ses actionnaires ; les conditions de vote dans lesquelles cet avis a été
obtenu, les administrateurs minoritaires pouvant demander qu'il soit fait
état de leur identité et de leur position ».
La C.O.B. a récemment rappelé « l'importance particulière que revêt
l'avis motivé du conseil d'administration»; elle y voit «un élément
d'information essentiel des actionnaires de la société cible {Rapport, p. 14).
La C.O.B. vise cette note dans les trois jours de bourse suivant son
dépôt.
44. — Diffusion des notes. — Ces notes sont destinées aux
actionnaires et, plus largement, au public. L'article 5 du Règlement demande à
l'initiateur de l'offre de faire approuver par la C.O.B. les modalités de
diffusion de sa note.
L'article 12 du Règlement impose des mesures minimales. Les deux
notes d'information sont « mises à la disposition des actionnaires » au
plus tard le quatrième jour de bourse suivant celui où elles ont reçu le
visa.
Elles sont, de plus, diffusées par une publication dans au moins un
quotidien d'information financière de diffusion nationale.
Lorsque l'actionnariat de la société est exclusivement nominatif, la
note est adressée à tous les actionnaires.
Si la C.O.B. estime que l'information des actionnaires et du public
n'est pas suffisante, elle peut encore, exceptionnellement, demander au
C.B.V. de reporter la date de clôture de l'offre.
A. TUNC : PRISES DE CONTROLE ET MARCHE 473

B. — L'offre obligatoire
45. — Vue générale. — Présenter une O.P.A. est normalement une
facutlé. C'est la loi du 2 août 1989 qui a décidé que cette offre serait
dans certains cas obligatoire.
Ce principe se comprend. Il était tentant, pour une entreprise désireuse
de prendre le contrôle d'une autre, mais patiente, d'en acquérir le plus
possible de titres par petits paquets, en profitant si possible de baisses
de cours, mais en tout cas en ne donnant jamais d'ordre massif qui aurait
entraîné une hausse de ces cours. Cette pratique était pourtant contraire
à la transparence du marché. Elle permettait de cacher qu'une entreprise
était prête à acheter à un cours peut-être très supérieur à celui du marché.
On comprend que la loi de 1989 ait voulu empêcher ce ramassage.
A cette fin, la loi de 1989, modifiant la loi du 22 janvier 1988 sur
les bourses de valeurs, a permis que le Règlement général du C.B.V.
impose dans certains cas le dépôt obligatoire d'un projet d'offre publique.
La violation de cette obligation a pour sanction la privation du droit de
vote pour la fraction du capital ou des droits de vote dépassant le seuil
qui avait déclenché l'obligation. C'est dans les articles 5-4-1 à 5-4-7 du
Règlement général que la matière est régie.
Il y a lieu de préciser les cas où le dépôt d'un projet d'offre est
obligatoire et les dérogations que comporte cette obligation. Pour le reste,
la procédure est identique à celle qui s'impose dans les offres facultatives.
Aux termes de l'article 5-4-5, « ...les dispositions des articles inclus dans
le présent titre et relatifs aux offres publiques d'achat et d'échange sont
applicables aux offres publiques dont le dépôt est obligatoire ».
46. — Les cas où l'offre est obligatoire. — Le cas typique d'offre
obligatoire est celui que prévoit l'article 5-4-1 : une personne, physique
ou morale, agissant seule ou de concert (v. supra, n° 20), vient à détenir
plus du tiers des titres de capital ou plus du tiers des droits de vote d'une
société française dont les titres sont inscrits à la cote officielle ou à la
cote du second marché.
Cette personne est alors tenue, à son initiative, d'en avertir
immédiatement le C.B.V. et de déposer un projet d'offre publique visant la totalité
des titres de capital et des titres donnant accès au capital ou aux droits
de vote. C'est donc le contrôle total de la société qu'on lui demande
d'accepter.
Son projet ne peut comporter aucune clause prévoyant la présentation
nécessaire d'un nombre minimal de titres pour que l'offre ait une suite
positive. Il doit être libellé à des conditions telles qu'il puisse être déclaré
recevable par le C.B.V.
47. — Les conditions d'obligation d'offre prévue à l'article 5-4-1
sont en quelque sorte amendées et rendues plus sévères par la disposition
suivante, dans le cas où le capital de la société est pour partie composé
de certificats d'investissement ou d'actions à dividende prioritaire
dépourvues du droit de vote.
L'article 5-4-2 dispose en effet que « la détermination du seuil du
tiers du nombre de titres de capital... s'entend des titres de capital conférant
474 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1994

le droit de vote... ». En fait, le seuil du tiers est donc calculé sur une
base plus étroite que le tiers du capital total.
48. — Une offre devient obligatoire dans un second cas, que prévoit
l'article 5-4-3.
Si une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert,
prenant le contrôle d'une société, se trouve ainsi détenir, directement ou
indirectement, plus du tiers des titres de capital ou plus du tiers des droits
de vote d'une société française dont les titres sont inscrits à la cote
officielle ou à la cote du second marché, elle doit lancer une O.P.A. sur
les titres de cette dernière, dès lors que les titres détenus par la société
dont le contrôle est pris « représentent une part essentielle de ses actifs ».
Il y a là une règle, certes légitime, mais dont l'application suppose
une appréciation délicate. Un auteur propose qu'en principe, la
participation requise pour son application soit des deux tiers de l'actif de la société
holding.
49. — Une dernière hypothèse d' O.P.A. obligatoire est prévue par
l'article 5-4-4. Il s'agit de personnes détenant entre le tiers et la moitié
des titres de capital ou des droits de vote d'une société et qui, dans un
laps de temps inférieur à un an, augmentent leur participation d'au moins
2 % du nombre total des titres de capital ou des droits de vote ou viennent
à détenir la majorité absolue de ce nombre total.
On voit la différence entre ce cas et celui que visait l'article 5-4-
1 : ici, la personne ne franchit pas le seuil du tiers ; elle l'avait déjà
franchi ; mais elle augmente sa participation d'une manière qui, pour être
modeste, n'est pas négligeable.
50. — Les dérogations à l'obligation. — Selon l'article 5-4-6 du
Règlement général, « Le conseil peut accorder une dérogation à
l'obligation de déposer un projet d'offre publique, si la ou les personnes visées
aux articles 5-4-1 à 5-4-4 justifient auprès de lui de la réalisation d'une
des conditions suivantes : ... ». Suit l'énoncé de huit cas de dérogation.
Il faut noter que ce texte est partiellement trompeur. Il pourrait faire
croire à un pouvoir d'appréciation du C.B.V. Or, on va voir que les huit
cas prévus énoncent parfois des faits ou des événements incontestables.
Dans ces cas, le C.B.V. a certainement l'obligation de constater que la
condition est remplie et d'accorder la dérogation.
Quoi qu'il en soit, si le C.B.V. accorde la dérogation demandée, il
le fait connaître par un avis publié par la S.B.F., en précisant le motif
de la dérogation et, éventuellement, la teneur des engagements pris par
l'acquéreur.
Les cas d'exonération concernent largement des mouvements de titres
à l'intérieur d'un groupe de sociétés ou dans des conditions de contrôle
préexistantes ; ils couvrent aussi d'autres cas où 1& volonté de prendre le
contrôle est exclue.
51. — Le paragraphe a de l'article 5-4-6 vise lui-même trois
hypothèses légèrement différentes :
— l'acquisition résulte d'une transmission à titre gratuit ;
A. TUNC : PRISES DE CONTROLE ET MARCHE 475

— elle résulte d'une augmentation de capital en numéraire réservée


à des personnes dénommées (innovation du règlement de 1992 ; dans ce
cas, le désir de prise de contrôle semble exclu) ;
— elle résulte d'une opération de fusion ou d'apport partiel d'actif
approuvée par les actionnaires de la société dont les titres ont été acquis
(ayant approuvé l'opération, les actionnaires n'ont pas besoin d'une
protection complémentaire).
52. — Le paragraphe b prévoit une situation temporaire : le seuil
du tiers n'est dépassé que dans la limite de 3 % du nombre total des
titres de capital ou des droits de vote, et l'acquéreur s'engage à reclasser
les titres ou les droits de vote acquis en excédent dans un délai de dix-
huit mois.
53. — On comprend aussi que soit écartée l'obligation quand le
franchissement du seuil est involontaire : s'il « résulte de la réduction du
nombre total des titres de capital ou des droits de vote de la société »
(paragraphe c).
54. — L'obligation d'offre apparaît également injustifiée dans
l'hypothèse prévue par le paragraphe d : la personne concernée détenait déjà
le contrôle de fait de la société, elle déterminait en fait, par les droits
de vote dont elle disposait, les décisions des assemblées générales.
55. — L'obligation perd également sa raison d'être si la société
« est déjà contrôlée majoritairement » par un ou plusieurs tiers (paragraphe
e).
56. — II en est de même si le franchissement de seuil résulte de
l'achat de titres ou droits de vote d'une société déjà contrôlée par le
groupe auquel appartiennent le ou les acquéreurs (paragraphe f).
57. — Mérite également l'exonération le reclassement de titres à
l'intérieur d'un groupe, « sans que ce reclassement ait pour effet de
modifier significativement l'équilibre des partenaires sociaux dans le groupe »
(paragraphe g).
58. — Ali paragraphe h, le texte de 1992 ouvre une dernière
possibilité de dérogation, lorsque le franchissement de seuil résulte d'une
convention d'action de concert régulièrement déclarée et publiée et dont les
signataires n'ont procédé dans l'année précédente à aucune acquisition
significative de titres conférant des droits de vote, tout en s 'engageant à
ne pas modifier significativement pendant deux ans leurs participations
réciproques.

C. — Le déroulement de l O.P.A.
59. — Le déroulement de l' O.P.A. est placé par le Règlement de
la C.O.B. sous l'empire de quelques principes, qui s'imposent à l'initiateur
comme à la société visée. On les examinera en premier lieu, après avoir
noté qu'ils régissent, non seulement l'initiateur et la société visée
proprement dits, mais toute personne agissant de concert avec eux (art. 2).
476 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1994

On examinera ensuite les divers personnages de l'opération :


l'initiateur, les actionnaires de la société visée, cette société elle-même et,
finalement, les tiers, parmi lesquels un offrant concurrent, et cela dans la
procédure normale.
On étudiera enfin la procédure simplifiée.
60. — Principes généraux. — Des principes généraux, applicables
à toutes les parties en cause, sont énoncés par l'article 3 du Règlement
de la C.O.B.
En premier lieu, « pendant la période d'offre publique, l'initiateur
et la société visée s'assurent que leurs actes, décisions et déclarations n'ont
pas pour effet de compromettre l'intérêt social et l'égalité de traitement ou
d'information des détenteurs de titres des sociétés concernées ».
C'est une obligation qui, en réalité, pèse moins sur les sociétés
concernées que sur leurs organes. Ce sont les organes qui sont tentés,
dans leur intérêt, d'oublier parfois qu'ils n'occupent leurs fonctions qu'en
vue de servir l'intérêt social.
61. — D'autre part, « si les dirigeants des sociétés concernées
décident d'accomplir des actes autres que de gestion courante, ils en avisent
la Commission afin de lui permettre de veiller à l'information du public
et de faire, le cas échéant, connaître son appréciation ».
Il est clair que la notion de « gestion courante » est assez floue. Le
principe semble pourtant soumettre au contrôle de la C.O.B. toute mesure
destinée à faire réussir ou échouer l'offre.
62. — Le troisième alinéa de l'article 3 est ainsi conçu : « la
compétition que peut impliquer une offre publique s'effectue par le libre jeu des
offres et de leurs surenchères. Dès le dépôt du projet d'offre, les dirigeants
de la société visée ne peuvent accroître les participations d'autocontrôlé
existant à cette date ».
La première phrase de cet alinéa ne doit pas être considérée comme
une simple explication de la seconde. Elle pose un principe autonome.
Le 27 avril 1993, la Cour d'appel de Paris a annulé une décision du
C.B.V. déclarant recevable un projet d' O.P.A. alors que la visée exerçait
l'essentiel de ses activités commerciales par l'intermédiaire de deux
sociétés en commandite et que des conventions intervenues entre l'initiateur
et les commandités donnaient à ces derniers « la faculté discrétionnaire
de concéder à tel compétiteur de leur choix un avantage déterminant par
avance le succès de son offre publique en faussant le jeu des offres et
surenchères ».
63. — Un autre devoir s'impose aux parties, en vertu de l'article
22 du Règlement de la C.O.B. : divulguer toute opération sur le marché.
Les sociétés concernées, leurs administrateurs, les personnes détenant
au moins 5 % du capital ou des droits de vote et les autres personnes
agissant de concert avec elles, doivent déclarer à la S.B.F. chaque jour,
après la séance de bourse, les opérations d'achat ou de vente qu'ils ont
effectuées sur les titres concernés par l'offre. La même obligation s'impose
aux personnes qui ont acquis depuis le commencement de l'offre une
A. TUNC : PRISES DE CONTROLE ET MARCHE 477

quantité de titres de la société visée représentant au moins 0,5 % de son


capital.
Les déclarations doivent préciser les noms et adresses du vendeur
et de l'acquéreur, la date de la négociation ou de la cession, le nombre
de titres traités et le cours de la transaction.
64. — L'initiateur. — L'initiateur peut être une personne physique,
ce qui est exceptionnel, ou une personne morale.
La décision de procéder à une offre est prise par les organes de
direction de la société : conseil d'administration ou directoire, sans
consultation des actionnaires.
65. — L'avis d'ouverture de l'offre, publié par la S.B.F. mais fondé
sur le dossier qui a été préparé par l'offrant, doit, selon l'article 5-2-10
du Règlement général, préciser, entre autres, « la date de clôture de l'offre...
et, d'une manière générale, le calendrier d'ensemble de l'opération ».
Cependant, le même article précise que « le délai prévu entre le jour de
la publication ou de la prise d'effet de l'avis et la date de clôture de
l'offre ne peut être inférieur à vingt jours de bourse ». C'est la durée de
validité de l'offre.
66. — Ce calendrier peut cependant se trouver modifié par la suite.
Il se peut, tout d'abord, que le contrôle des concentrations, soit
exceptionnellement par le ministère français, soit par les autorités
communautaires, oblige à retarder l'ensemble de l'opération.
Il se peut aussi que la société visée ou un tiers saisisse la justice
(v. infra, n° 86). Il semble que le juge pourrait alors ordonner la suspension
de l'opération.
De toute manière, pendant toute la période de validité de l'offre, le
C.B.V. peut en proroger la date de clôture (art. 5-2-10).
67. — C'est pourtant le dépôt d'une offre concurrente qui sera le
plus souvent l'élément perturbateur du calendrier.
Ce dépôt entraîne, en effet, la publication d'un avis de suspension
des cotations et la possibilité pour le premier offrant de faire connaître
au C.B.V., dans les cinq jours suivants, « s'il maintient ses propositions
initiales, y renonce, modifie la nature et les conditions de son offre initiale,
surenchérit sur son offre publique d'achat ou modifie son offre publique
d'échange » (art. 5-2-15).
Pour la clarté de l'opération, l'article 5-2-16 prévoit que «dans
l'hypothèse où des offres publiques sont successivement publiées, le
conseil aligne sur la date de clôture de la dernière offre les dates prévues
pour la clôture de l'offre ou des offres antérieures ».
Il ne faut pourtant pas que les actionnaires de la société visée soient
soumis à une trop longue incertitude. D'où l'article 5-2-21 du Règlement :
« lorsque plus de dix semaines se sont écoulées depuis la publication de
l'avis d'ouverture d'une offre publique, le conseil, en vue d'accélérer la
confrontation des offres publiques successives dans le respect de leur
alternance, peut fixer un délai limite pour le dépôt de chacune des
surenchères successives. Ce délai ne peut être inférieur à trois jours de bourse à
478 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1994

compter de la date de publication de l'avis officialisant chaque


surenchère... ».
68. — L'initiateur de l'offre a lui-même la possibilité de surenchérir
sur les termes de son offre, et cela jusqu'à la clôture de celle-ci (art. 5-
2-22). Les nouvelles conditions et, le cas échéant, les nouveaux délais
font l'objet d'un avis de la S.B.F.
69. — En principe, les O.P.A. concurrentes et les surenchères sont
libellées à un prix supérieur d'au moins 2 % au prix stipulé pour chacun
des titres de la société visée dans l' O.P.A. ou la surenchère précédente
(art. 5-2-24).
Elles peuvent cependant être déclarées recevables si leur initiateur,
sans modifier le prix stipulé, se limite à supprimer la condition d'un
nombre minimal de titres présentés.
70. — Si la surenchère est, en principe, facultative, le Règlement
général, dans un souci d'égalité entre actionnnaires de la société visée,
la rend obligatoire dans un cas particulier.
L'article 5-2-23 permet à l'initiateur de l'offre et aux personnes
agissant de concert avec lui de procéder à des achats sur le marché.
Cependant, « lorsque l'intervention sur le marché est réalisée au-dessus
du prix d'offre, le relèvement de ce prix au moins à 102 % du prix
effectivement payé sur le marché est automatique, quelles que soient les
quantités de titres achetées et quel que soit le prix auquel elles l'ont été,
sans que l'initiateur ait la faculté de modifier les autres conditions de
l'offre». La suite de l'article adapte la même règle à l'achat de droits
de souscription.
71. — Des règles particulières, bien que de même inspiration,
s'appliquent en cas d'offre publique d'échange.
Certes, l'initiateur de l'offre a la faculté de modifier les termes de
son offre jusqu'à la clôture de celle-ci, à condition que l'offre rectificative
soit déclarée recevable par le C.B.V. (art. 5-2-25).
Mais, si l'offre est en concurrence avec une ou plusieurs autres offres
publiques, il appartient au conseil d'apprécier si les modifications qui
lui sont apportées améliorent significativement les conditions d'échange
stipulées et rendent nécessaire la prolongation des délais prévus (art. 5-
5-26).
Et, d'autre part, pendant la durée de l'offre, l'initiateur et les personnes
agissant de concert avec lui ne peuvent intervenir, de quelque manière
que ce soit, sur le marché de l'une quelconque des sociétés concernées
par l'opération (art. 5-2-27). Toute intervention sur le marché modifierait
les termes de l'échange qui a été proposé. De plus, il introduirait une
inégalité entre les actionnaires de la société visée, certains recevant du
numéraire et les autres des actions.
72. — Les actionnaires de la société visée. — Ces actionnaires sont
invités à apporter leurs titres. Rien ne doit les y contraindre. Ils ont la
liberté d'apporter une partie seulement de leurs titres.
A. TUNC : PRISES DE CONTRÔLE ET MARCHÉ 479

On sait que cette liberté ne peut pas être restreinte par une clause
d'agrément qui figurerait dans les statuts de la société visée (supra, n° 8).
La situation est différente pour les pactes d'actionnaires (pactes de
préférence, de préemption, d'inaliénabilité temporaire, etc.). Les parties
se sont liées par eux et doivent les respecter. S'ils les méconnaissent,
leur réponse à l'offre est valable (supra, n° 15). Ils encourent simplement
une responsabilité à l'égard de leur cocontractants. Ceux-ci pourraient
d'ailleurs, avant leur réponse, demander au juge des référés d'ordonner
une mesure conservatoire pour empêcher l'apport des titres.
73. — De nouveaux accords peuvent intervenir entre actionnaires,
mais, dans un souci de clarté, l'article 4 du Règlement de la C.O.B. édicté
que « dès l'avis de dépôt de l'offre, ou pendant toute sa durée dès leur
conclusion, les accords susceptibles d'avoir une incidence sur
l'appréciation de l'offre publique ou sur son issue, conclus par les actionnaires de
la société visée ou des personnes agissant de concert avec elle, sous
réserve de l'appréciation de leur validité par les tribunaux, doivent être
notifiés par leurs signataires au conseil d'administration ou au directoire
des sociétés concernées, ainsi qu'au C.B.V. et à la C.O.B. ».
74. — La procédure de réponse à l'offre est extrêmement simple.
Selon l'article 5-2-10 du Règlement général du C.B.V., « les ordres des
personnes répondant positivement à l'offre sont reçus par les intermédiaires
jusqu'à et y compris la date de clôture de l'offre ».
Ces intermédiaires doivent ensuite, en vertu de l'article 5-2-12,
remettre à la S.B.F. les titres offerts par leurs clients, au plus tard à la date
fixée dans l'avis d'ouverture de l'offre. Ils certifient que le dépôt est
effectué aux clauses et conditions de l'offre et déposent un bordereau
récapitulatif indiquant, par dossier de client, le nombre de titres offerts.
75. — Dans sa version de 1992, le Règlement général ne dit plus
que l'ordre de remise donné à un intermédiaire peut être révoqué.
En revanche, il est vrai que la publication d'un avis de suspension
des cotations en raison du dépôt d'un projet d'offre publique concurrente
rend nuls et non avenus les ordres de présentation des titres en réponse
à l'offre antérieure (art. 5-2-15).
76. — Pendant la durée de l'offre, tous les ordres doivent être
transmis sur le marché (art. 5-2-18).
Afin d'éviter toute opération spéculative, nombre d'ordres sont sujets
à une réglementation spéciale prévue par les articles 5-2-17 à 5-2-19 et
sur laquelle nous ne pouvons insister.
77. — La société visée. — Visée par une offre « inimicale » (ce
qui est rare en France, il faut le répéter), une société cherchera à recourir
à des mesures de défense. Nombre de textes limitent pourtant sa liberté
d'action.
78. — Comme l'initiateur, la société visée doit, dans la note
d'information qu'elle dépose au C.B.V. (supra, n° 38), émettre un avis motivé
sur l'intérêt ou le risque que présente l'offre pour la société.
480 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1994

Rien n'interdit que cette note d'information évoque l'intérêt du


personnel de la société ou l'intérêt général. Il faut pourtant rappeler que
cette note doit, avant diffusion, recevoir le visa de la C.O.B.
79. — Pendant toute la période d'offre, d'autre part, elle sera
soumise aux obligations générales, assez strictes, énoncées par l'article 3 du
Règlement' de la C.O.B. , ainsi qu'à celles de l'article 22 (v. supra, nos 60
à 63).
80. — On se souvient que le troisième alinéa de l'article 3 contient
une règle spéciale à la société visée : « dès le dépôt du projet d'offre,
les dirigeants de la société visée ne peuvent accroître les participations
d'autocontrôlé existant à cette date ».
81. — Si elle se cherche des amis, les accords qui interviendraient
entre eux devraient être divulgués en vertu de. l'article 4 du Règlement
concerné par l'offre.
82. — C'est dans le cadre de ces diverses contraintes que la société
visée conserve une certaine marge de manœuvre, beaucoup plus étroite
que celle dont dispose une société américaine.
Elle peut, tout d'abord, augmenter son capital. Le conseil aura souvent
reçu de l'assemblée générale délégation de pouvoirs à cet effet. On s'est
demandé si cette délégation restait valable lorsque la société était l'objet
d'une O.P.A. La question est clarifiée par la loi de 1989, modifiant l'article
180 de la loi de 1966 : la délégation est suspendue en période d' O.P.A.,
« sauf si l'assemblée générale, préalablement à l'offre et expressément,
a autorisé, pour une durée n'excédant pas un an, une augmentation de
capital pendant ladite période et à condition que l'augmentation envisagée
n'ait pas été réservée ».
83. — A défaut de délégation, le conseil aurait peut-être le pouvoir
de convoquer une assemblée générale pour décider d'une augmentation
de capital. Mais les délais légaux de réalisation de l'opération ne rendent
la défense efficace que si la durée de l'offre se trouve, pour une raison
ou pour une autre (peut-être à raison d'une instance judiciaire),
considérablement allongée.
La situation serait différente si une assemblée générale avait, avant
l'offre, été convoquée pour une date postérieure à celle-ci. Dans une telle
situation, la C.O.B. a souhaité que l'assemblée générale soit reportée afin
que les actionnaires aient le temps d'apprécier les alternatives s 'offrant
à eux. Saisi par un actionnaire, le tribunal a ordonné ce report.
84. — La société visée peut encore faire des vœux pour que des
achats sur le marché portent ses titres à un cours supérieur à celui de
l'offre.
Certes, si ces achats sont concertés, ils peuvent conduire au seuil
où une O.P.A. concurrente devient obligatoire. En toute hypothèse, on
peut douter de leur régularité au regard du principe déjà cité de l'article
3 du Règlement de la C.O.B. : « la compétition que peut impliquer une
offre publique s'effectue par le libre jeu des offres et de leurs surenchères ».
A. TUNC : PRISES DE CONTROLE ET MARCHE 481

On a pourtant vu des offres échouer par suite de coïncidences d'achats


en bourse.
85. — Ces achats en bourse, en revanche, ne sauraient être le fait
de la société elle-même ou d'une personne financièrement aidée par elle
à cette fin sans violation du droit des sociétés (loi de 1966, art. 217).
86. — Le recours aux tribunaux de la part de la société visée a été
infiniment moins fréquent en France qu'aux Etats-Unis, du fait notamment
que la plupart des O.P.A. sont amicales. Il semble pourtant se développer.
De même, est rare le rachat de la société par la direction ou par le
personnel.
87. — Les tiers. — L' O.P.A. n'intéresse pas seulement la société
visée et ses actionnaires. Elle concerne diverses personnes et, tout
particulièrement, l'entreprise qui aurait envisagé de prendre elle-même le contrôle
de la société visée ou, en tout cas, verrait d'un mauvais œil qu'elle passe
sous le contrôle de l'initiateur.
88. — II est donc possible de présenter une offre concurrente.
Il est même possible de la préparer par des achats. Mais, dès l'avis
d'ouverture de l'offre primitive, « tous les ordres doivent être transmis
sur le marché. Les opérations de contrepartie sur blocs de titres sont
interdites. Les applications d'ordre d'achats à des ordres de vente et les
autres opérations de contrepartie ne sont autorisées qu'en séance de bourse.
Elles sont rapportées au marché dès leur réalisation » (art. 5-2-18).
On sait, de plus, que toute personne ayant acquis, depuis le dépôt
de l'offre, une quantité de titres de l'une des sociétés concernées
représentant au moins 0,50 % du capital ou des droits de vote doit en faire la
déclaration (v. supra, n° 63).
89. — Quant à l'offre concurrente elle-même, elle « peut être
présentée au conseil et déclarée recevable par lui, à la condition de satisfaire
aux règles prévues aux articles 5-2-1 à 5-2-5... et d'être déposée cinq
jours de bourse au moins avant la date de clôture de l'offre antérieure »
(art. 5-2-14).
90. — Cette offre est soumise à la condition de surenchère de 2 %
que nous avons déjà observée {supra, n° 69), puisque c'est un même texte,
l'article 5-2-24 du Règlement général, qui régit la surenchère par le premier
initiateur et le dépôt d'une offre concurrente.
91. — Ce dépôt change radicalement la situation pour les
actionnaires de la société visée et pour l'initiateur de l'O.P.A.
On comprend donc qu'elle rende « nuls et non avenus » les ordres
de présentation des titres adressés aux intermédiaires en réponse à l'offre
antérieure (art. 5-2-15).
Quant à l'initiateur de l'offre antérieure, l'article 5-2-15 lui donne
le choix entre diverses options (v. supra, n° 67).
92. — L'O.P.A. appelle également gérants de S.I.C.A.V. et de fonds
communs de placements à prendre une décision. Le Règlement 89-03 de
482 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1994

la C.O.B. relatif aux gestions sous mandat prescrit qu'«en cas d'offre
publique d'achat et d'échange, les titres ne doivent être apportés qu'à
l'initiateur de l'offre la plus avantageuse pour les mandants ».
En l'absence d'un texte particulier, mais en application des principes
du droit des mandats, la même règle s'appliquerait à un intermédiaire
financier gérant le portefeuille d'un client.
93. — Procédure simplifiée. — Selon l'article 5-3-1 du Règlement
du C.B.V., pour l'acquisition de titres de capital et de titres donnant accès
au capital ou aux droits de vote d'une société dont les titres sont inscrits
à la cote officielle, à celle du second marché ou négocié sur le marché hors
cote, le conseil peut autoriser dans certains cas l'emploi d'une procédure
simplifiée.
Cette procédure est très fréquemment employée (v. supra, n° 1), mais
elle n'est possible que dans les cas énumérés à l'article 5-3-2.
94. — Le paragraphe a de cet article vise l'offre « émise par un
actionnaire détenant directement ou indirectement, seul ou de concert, la
moitié au moins du capital et des droits de vote d'une société ».
On voit que le contrôle est acquis et que l'offre ne bouleverse pas
la situation. C'est l'offre dite « de fermeture », qui vise à écarter de la
société toute personne autre que celle qui la contrôle.
95. — Cette offre est soumise à une règle de fond qui lui est
particulière : en vertu de l'article 5-3-4, « le prix stipulé par l'initiateur de l'offre
ne peut être inférieur, sauf accord du conseil, au prix déterminé par le
calcul de la moyenne des cours de bourse, pondérée par les volumes de
transactions, pendant les soixante jours de bourse précédant la publication
de l'avis de dépôt du projet d'offre publique ».
96. — Le paragraphe b vise un cas un peu différent : une personne,
agissant seule ou de concert, vient d'acquérir ou même va acquérir la
majorité du capital ou des droits de vote, compte tenu des titres et des
droits qu'elle possède déjà.
On sait {supra, n° 46) que cette personne doit ou va devoir présenter
une offre d'achat à 100 %. Cette disposition lui permet de demander
l'avantage de la procédure simplifiée. Elle peut, à vrai dire, demander
aussi
nos 109le et
bénéfice
s.). d'une procédure parallèle, que nous retrouverons {infra,

97. — Le cas prévu au paragraphe c sort en réalité du cadre de


notre rapport, puisqu'il s'agit d'une offre visant à assurer à l'initiateur
une participation ne dépassant pas 10 % du capital ou des droits de vote
de la société visée, compte tenu des titres et des droits qu'il détient déjà.
98. — De même, l'initiateur, dans le cas du paragraphe d, vise
l'acquisition d'actions à dividende prioritaire ou de certificats
d'investissements (titres dépourvus du droit de vote) ou, au contraire, de certificats
de droits de vote. Le nombre de ces certificats ne peut dépasser celui
des certificats d'investissement, législativement limité. Il est exclu que
l'offre puisse faire accéder à la majorité.
A. TUNC : PRISES DE CONTROLE ET MARCHE 483

99. — Sort de même du sujet le cas du paragraphe e : une société


procède au rachat de ses propres actions en application de l'article 217
de la loi de 1966.
100. — La procédure simplifiée ne diffère de la procédure normale
que sur les points mentionnés par les règlements.
Le plus important est qu'avec l'accord du conseil, la durée de l'offre
«peut être limitée à dix jours de bourse s'il s'agit d'une offre d'achat
et à quinze jours de bourse s'il s'agit d'une offre d'échange, d'une offre
mixte ou d'une offre alternative... » (art. 5-3-3, dernier alinéa).
Par ailleurs, l'initiateur doit établir une note d'information (art. 14
du Règlement de la C.O.B.). L'offre est réalisée par achats sur le marché,
aux conditions fixées par l'avis d'ouverture. Elle est centralisée par la
S.B.F. ou, sous son contrôle, par un établissement financier (art. 5-3-3,
al. 1 et 2).

D. — L'issue de l'offre
101. — On sait (supra, n°74) que les intermédiaires qui ont reçu
les titres apportés en réponse à l' O.P.A. doivent les remettre à la S.B.F.
au plus tard à la date fixée dans l'avis d'ouverture. En pratique, le délai
est généralement de quinze jours. La S.B.F. doit elle-même dépouiller
ces réponses, ce que demande une quinzaine de jours supplémentaires.
Elle peut alors publier les résultats de l'opération.
102. — C'est par un avis qu'elle « fait connaître soit que l'offre
est déclarée sans suite, soit que l'offre comporte une suite positive »
(art. 5-2-13, al. 1).
103. — Si l'offre est déclarée sans suite, le même avis ou un avis
ultérieur précise la date à laquelle les titres déposés seront restitués aux
intermédiaires déposants (même art., al. 2).
104. — Si la suite est positive, l'avis précise le nombre de titres
acquis par l'initiateur (même art., al. 3).
105. — La question se pose pourtant de savoir si la clôture de la
période d'offre dégage entièrement les sociétés concernées des devoirs
et interdictions qui pesaient sur elles durant cette période (supra, nos 60
et s.).
Il n'en est rien. Un simple communiqué de la C.O.B. de 1989
prolongeait ces devoirs et interdictions jusqu'à publication de l'avis des résultats.
Ce communiqué n'a peut-être plus qu'une valeur relative. Mais l'article
5-2-13, dans son dernier alinéa, décide que, jusqu'à l'annonce des résultats
s'ils sont positifs ou jusqu'à la restitution des titres dans le cas contraire,
« l'initiateur de l'offre et les personnes qui ont agi de concert avec lui
ne peuvent ni céder sur le marché des titres de la société visée détenus
à la clôture de l'offre, ni acheter les titres de la même société à un prix
supérieur à celui de l'offre ».
C'est seulement après ces moments que la liberté d'opérer redevient
complète.
484 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 2-1994

106. — Si l'offre proposait, non un achat, mais un échange de titres,


il ne suffit pas qu'elle ait connu « une suite positive » pour être réalisée.
Puisqu'elle va comporter un apport de titres, elle doit être approuvée par
une assemblée générale extraordinaire de la société qui en a pris l'initiative.

III. LA CESSION DE CONTROLE

107. — Pour des raisons évidentes, le contrôle d'une société peut


être désirable, donc a une certaine valeur pécuniaire. Celui qui, en cédant
des titres, permet à l'acquéreur d'accéder au contrôle de la société, peut-
il conserver pour lui la prime qu'il a pu obtenir, ou doit-il la partager
avec les autres actionnaires ?
La question a été discutée en France comme ailleurs. Soucieuse de
« l'égalité de traitement entre tous les actionnaires », la C.O.B. a décidé,
en 1973, que l'acquéreur d'un bloc de contrôle devait offrir à tous les
actionnaires d'acquérir leurs titres aux mêmes conditions. La mesure a
été mal acceptée, car elle obligeait l'acquéreur à investir dans l'opération
une somme supérieure à celle dont il avait voulu disposer et d'un montant
indéterminé. La décision de la C.O.B. était, de plus, d'une validité
douteuse.
La règle a été maintenue, mais elle est désormais assise sur un
fondement juridique incontestable. La loi de 1989 a ajouté à la loi de
1988 sur les bourses de valeur un article 6 bis donnant au C.B.V. le
pouvoir de réglementer l'opération. Cette réglementation a figuré dans le
Règlement général de 1989, puis dans celui de 1992, qui l'a beaucoup
simplifié en en faisant une sorte de double de la procédure simplifiée
d'O.P.A. Elle est fréquemment employée (v. supra, n° 1).
108. — L'article 5-3-2 vise en effet, au paragraphe b, le cas où
« une personne, agissant seule ou de concert,... acquiert ou est convenue
avec un ou plusieurs actionnaires d'une société, cédants, d'acquérir un
bloc de titres de cette société lui conférant la majorité du capital ou des
droits de vote de cette société, compte tenu le cas échéant des titres ou
droits de vote que cette personne détient déjà ».
Cette personne, en vertu de l'article 5-4-1 (supra, n° 46), est tenue
de déposer un projet d'offre publique, soit immédiatement si elle acquiert
la majorité, soit un peu plus tard, quand elle l'aura acquise. L'article 5-
3-3 lui ouvre la possibilité de demander au C.B.V. le bénéfice d'une
procédure simplifiée (supra, n° 96).
109. — Elle dispose pourtant d'une autre voie, l'article 5-3-5 lui
permet de « demander au conseil d'être autorisée à mettre en œuvre une
garantie de cours par laquelle elle s'engage à se porter acquéreur sur le
marché, pendant une période comprise entre dix et quinze jours de bourse,
de tous les titres présentés à la vente au cours ou au prix auquel la cession
des titres a été ou doit être réalisée... ».
110. — On voit que cette procédure est très proche de celle d'une
O.P.A. simplifiée, et qu'elle écarte le risque d'une surenchère.
A. TUNC : PRISES DE CONTROLE ET MARCHE 485

Le Règlement de la C.O.B., article 20, prévoit que la garantie de


cours donne lieu, par la personne chargée d'assurer la garantie, à
l'établissement d'une communiqué soumis à l'appréciation de la commission.
« Ce communiqué, publié au plus tard la veille de l'ouverture de la
procédure, dans au moins un quotidien d'information financière de
diffusion nationale, précise :
— les éléments d'appréciation du prix,
— les intentions des acquéreurs,
— les circonstances de l'opération,
— les modalités du financement ».
A l'issue de la période de garantie de cours, l'initiateur fait connaître
le nombre de titres acquis pendant cette période à la S.B.F. qui en assure
la publication.
111. — On peut noter que, pour des raisons touchant à l'histoire,
l'acquisition d'un bloc de titres susceptibles de conférer le contrôle
majoritaire d'une société dont les titres sont négociés sur le marché hors-cote
donne obligatoirement lieu à une garantie de cours (art. 5-2-6).
112. — Au principe, posé par l'article 5-3-5, de la garantie au cours
ou au prix de cession, le reste de la disposition apporte pourtant un
aménagement : « sauf pour le conseil à autoriser un prix garanti inférieur
dans l'hypothèse où la cession serait assortie d'une clause de garantie
visant un risque identifié ou d'un règlement différé, pour la totalité ou
pour partie. Dans le cas d'un différé de règlement, le taux d'actualisation
retenu ne peut être supérieur au taux du marché constaté lors de la
cession ».
113. — Ajuste titre, le règlement général du C.B.V. prévoit
également, dans son article 5-3-7, la prise de contrôle indirecte : « les personnes
physiques ou morales agissant seules ou de concert sont tenues au respect
des procédures définies au présent chapitre lorsque, en prenant le contrôle
d'une société, elles viennent à détenir, directement ou indirectement, la
majorité du capital ou des droits de vote d'une société française dont les
titres sont inscrits à la cote officielle ou à la cote du second marché ou
négociés sur le marché hors cote, dès que les titres détenus par la société
dont le contrôle est pris représentent une part essentielle de ses actifs ».
On retrouve donc ici la condition déjà rencontrée dans l'article 5-
4-3 (supra, n° 48). Elle donne lieu, bien entendu, aux mêmes incertitudes.

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