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Tunc André. Les prises de contrôle par l'intermédiaire du marché. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, Avril-
juin 1994. pp. 461-485;
doi : https://doi.org/10.3406/ridc.1994.4884
https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1994_num_46_2_4884
André TUNC
Professeur émérite à l'Université de Paris I
vote ou en vue d'exercer des droits de vote pour mettre en œuvre une
politique commune vis-à-vis de la société. »
Selon l'alinéa suivant, un tel accord est présumé exister (ce n'est
qu'une présomption) : a) entre une société, le président de son conseil
d'administration et ses directeurs généraux ou les membres de son
directoire ou ses gérants ; b) entre une société et les sociétés qu'elle contrôle ;
c) entre les sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes.
25. — Le prix est bien entendu, pour toutes les parties, un élément
essentiel de l'offre.
Sauf en cas d'offre obligatoire, il est fixé librement par l'offrant. Il
ne l'est pourtant pas arbitrairement. Aux termes de l'article 5-2-5, le
dossier de présentation de l'offre doit contenir « le prix ou les parités
d'échange auxquels l'initiateur offre d'acquérir les titres, les éléments
qu'il a retenus pour les fixer et les conditions de paiement ou d'échange
prévues ». De même, la note d'information qui sera visée par la C.O.B.
doit mentionner « les éléments retenus pour servir de base » à la
détermination du prix. Enfin, l'article 5-2-7 du Règlement général du C.B.V. permet
à ce dernier de demander le réexamen du projet s'il n'estime pas acceptable,
entre autres éléments, « le prix ou les parités d'échange proposés, en
fonction des critères d'évaluation objectifs usuellement retenus et des
caractéristiques de la société visée ».
B. — L'offre obligatoire
45. — Vue générale. — Présenter une O.P.A. est normalement une
facutlé. C'est la loi du 2 août 1989 qui a décidé que cette offre serait
dans certains cas obligatoire.
Ce principe se comprend. Il était tentant, pour une entreprise désireuse
de prendre le contrôle d'une autre, mais patiente, d'en acquérir le plus
possible de titres par petits paquets, en profitant si possible de baisses
de cours, mais en tout cas en ne donnant jamais d'ordre massif qui aurait
entraîné une hausse de ces cours. Cette pratique était pourtant contraire
à la transparence du marché. Elle permettait de cacher qu'une entreprise
était prête à acheter à un cours peut-être très supérieur à celui du marché.
On comprend que la loi de 1989 ait voulu empêcher ce ramassage.
A cette fin, la loi de 1989, modifiant la loi du 22 janvier 1988 sur
les bourses de valeurs, a permis que le Règlement général du C.B.V.
impose dans certains cas le dépôt obligatoire d'un projet d'offre publique.
La violation de cette obligation a pour sanction la privation du droit de
vote pour la fraction du capital ou des droits de vote dépassant le seuil
qui avait déclenché l'obligation. C'est dans les articles 5-4-1 à 5-4-7 du
Règlement général que la matière est régie.
Il y a lieu de préciser les cas où le dépôt d'un projet d'offre est
obligatoire et les dérogations que comporte cette obligation. Pour le reste,
la procédure est identique à celle qui s'impose dans les offres facultatives.
Aux termes de l'article 5-4-5, « ...les dispositions des articles inclus dans
le présent titre et relatifs aux offres publiques d'achat et d'échange sont
applicables aux offres publiques dont le dépôt est obligatoire ».
46. — Les cas où l'offre est obligatoire. — Le cas typique d'offre
obligatoire est celui que prévoit l'article 5-4-1 : une personne, physique
ou morale, agissant seule ou de concert (v. supra, n° 20), vient à détenir
plus du tiers des titres de capital ou plus du tiers des droits de vote d'une
société française dont les titres sont inscrits à la cote officielle ou à la
cote du second marché.
Cette personne est alors tenue, à son initiative, d'en avertir
immédiatement le C.B.V. et de déposer un projet d'offre publique visant la totalité
des titres de capital et des titres donnant accès au capital ou aux droits
de vote. C'est donc le contrôle total de la société qu'on lui demande
d'accepter.
Son projet ne peut comporter aucune clause prévoyant la présentation
nécessaire d'un nombre minimal de titres pour que l'offre ait une suite
positive. Il doit être libellé à des conditions telles qu'il puisse être déclaré
recevable par le C.B.V.
47. — Les conditions d'obligation d'offre prévue à l'article 5-4-1
sont en quelque sorte amendées et rendues plus sévères par la disposition
suivante, dans le cas où le capital de la société est pour partie composé
de certificats d'investissement ou d'actions à dividende prioritaire
dépourvues du droit de vote.
L'article 5-4-2 dispose en effet que « la détermination du seuil du
tiers du nombre de titres de capital... s'entend des titres de capital conférant
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le droit de vote... ». En fait, le seuil du tiers est donc calculé sur une
base plus étroite que le tiers du capital total.
48. — Une offre devient obligatoire dans un second cas, que prévoit
l'article 5-4-3.
Si une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert,
prenant le contrôle d'une société, se trouve ainsi détenir, directement ou
indirectement, plus du tiers des titres de capital ou plus du tiers des droits
de vote d'une société française dont les titres sont inscrits à la cote
officielle ou à la cote du second marché, elle doit lancer une O.P.A. sur
les titres de cette dernière, dès lors que les titres détenus par la société
dont le contrôle est pris « représentent une part essentielle de ses actifs ».
Il y a là une règle, certes légitime, mais dont l'application suppose
une appréciation délicate. Un auteur propose qu'en principe, la
participation requise pour son application soit des deux tiers de l'actif de la société
holding.
49. — Une dernière hypothèse d' O.P.A. obligatoire est prévue par
l'article 5-4-4. Il s'agit de personnes détenant entre le tiers et la moitié
des titres de capital ou des droits de vote d'une société et qui, dans un
laps de temps inférieur à un an, augmentent leur participation d'au moins
2 % du nombre total des titres de capital ou des droits de vote ou viennent
à détenir la majorité absolue de ce nombre total.
On voit la différence entre ce cas et celui que visait l'article 5-4-
1 : ici, la personne ne franchit pas le seuil du tiers ; elle l'avait déjà
franchi ; mais elle augmente sa participation d'une manière qui, pour être
modeste, n'est pas négligeable.
50. — Les dérogations à l'obligation. — Selon l'article 5-4-6 du
Règlement général, « Le conseil peut accorder une dérogation à
l'obligation de déposer un projet d'offre publique, si la ou les personnes visées
aux articles 5-4-1 à 5-4-4 justifient auprès de lui de la réalisation d'une
des conditions suivantes : ... ». Suit l'énoncé de huit cas de dérogation.
Il faut noter que ce texte est partiellement trompeur. Il pourrait faire
croire à un pouvoir d'appréciation du C.B.V. Or, on va voir que les huit
cas prévus énoncent parfois des faits ou des événements incontestables.
Dans ces cas, le C.B.V. a certainement l'obligation de constater que la
condition est remplie et d'accorder la dérogation.
Quoi qu'il en soit, si le C.B.V. accorde la dérogation demandée, il
le fait connaître par un avis publié par la S.B.F., en précisant le motif
de la dérogation et, éventuellement, la teneur des engagements pris par
l'acquéreur.
Les cas d'exonération concernent largement des mouvements de titres
à l'intérieur d'un groupe de sociétés ou dans des conditions de contrôle
préexistantes ; ils couvrent aussi d'autres cas où 1& volonté de prendre le
contrôle est exclue.
51. — Le paragraphe a de l'article 5-4-6 vise lui-même trois
hypothèses légèrement différentes :
— l'acquisition résulte d'une transmission à titre gratuit ;
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C. — Le déroulement de l O.P.A.
59. — Le déroulement de l' O.P.A. est placé par le Règlement de
la C.O.B. sous l'empire de quelques principes, qui s'imposent à l'initiateur
comme à la société visée. On les examinera en premier lieu, après avoir
noté qu'ils régissent, non seulement l'initiateur et la société visée
proprement dits, mais toute personne agissant de concert avec eux (art. 2).
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On sait que cette liberté ne peut pas être restreinte par une clause
d'agrément qui figurerait dans les statuts de la société visée (supra, n° 8).
La situation est différente pour les pactes d'actionnaires (pactes de
préférence, de préemption, d'inaliénabilité temporaire, etc.). Les parties
se sont liées par eux et doivent les respecter. S'ils les méconnaissent,
leur réponse à l'offre est valable (supra, n° 15). Ils encourent simplement
une responsabilité à l'égard de leur cocontractants. Ceux-ci pourraient
d'ailleurs, avant leur réponse, demander au juge des référés d'ordonner
une mesure conservatoire pour empêcher l'apport des titres.
73. — De nouveaux accords peuvent intervenir entre actionnaires,
mais, dans un souci de clarté, l'article 4 du Règlement de la C.O.B. édicté
que « dès l'avis de dépôt de l'offre, ou pendant toute sa durée dès leur
conclusion, les accords susceptibles d'avoir une incidence sur
l'appréciation de l'offre publique ou sur son issue, conclus par les actionnaires de
la société visée ou des personnes agissant de concert avec elle, sous
réserve de l'appréciation de leur validité par les tribunaux, doivent être
notifiés par leurs signataires au conseil d'administration ou au directoire
des sociétés concernées, ainsi qu'au C.B.V. et à la C.O.B. ».
74. — La procédure de réponse à l'offre est extrêmement simple.
Selon l'article 5-2-10 du Règlement général du C.B.V., « les ordres des
personnes répondant positivement à l'offre sont reçus par les intermédiaires
jusqu'à et y compris la date de clôture de l'offre ».
Ces intermédiaires doivent ensuite, en vertu de l'article 5-2-12,
remettre à la S.B.F. les titres offerts par leurs clients, au plus tard à la date
fixée dans l'avis d'ouverture de l'offre. Ils certifient que le dépôt est
effectué aux clauses et conditions de l'offre et déposent un bordereau
récapitulatif indiquant, par dossier de client, le nombre de titres offerts.
75. — Dans sa version de 1992, le Règlement général ne dit plus
que l'ordre de remise donné à un intermédiaire peut être révoqué.
En revanche, il est vrai que la publication d'un avis de suspension
des cotations en raison du dépôt d'un projet d'offre publique concurrente
rend nuls et non avenus les ordres de présentation des titres en réponse
à l'offre antérieure (art. 5-2-15).
76. — Pendant la durée de l'offre, tous les ordres doivent être
transmis sur le marché (art. 5-2-18).
Afin d'éviter toute opération spéculative, nombre d'ordres sont sujets
à une réglementation spéciale prévue par les articles 5-2-17 à 5-2-19 et
sur laquelle nous ne pouvons insister.
77. — La société visée. — Visée par une offre « inimicale » (ce
qui est rare en France, il faut le répéter), une société cherchera à recourir
à des mesures de défense. Nombre de textes limitent pourtant sa liberté
d'action.
78. — Comme l'initiateur, la société visée doit, dans la note
d'information qu'elle dépose au C.B.V. (supra, n° 38), émettre un avis motivé
sur l'intérêt ou le risque que présente l'offre pour la société.
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la C.O.B. relatif aux gestions sous mandat prescrit qu'«en cas d'offre
publique d'achat et d'échange, les titres ne doivent être apportés qu'à
l'initiateur de l'offre la plus avantageuse pour les mandants ».
En l'absence d'un texte particulier, mais en application des principes
du droit des mandats, la même règle s'appliquerait à un intermédiaire
financier gérant le portefeuille d'un client.
93. — Procédure simplifiée. — Selon l'article 5-3-1 du Règlement
du C.B.V., pour l'acquisition de titres de capital et de titres donnant accès
au capital ou aux droits de vote d'une société dont les titres sont inscrits
à la cote officielle, à celle du second marché ou négocié sur le marché hors
cote, le conseil peut autoriser dans certains cas l'emploi d'une procédure
simplifiée.
Cette procédure est très fréquemment employée (v. supra, n° 1), mais
elle n'est possible que dans les cas énumérés à l'article 5-3-2.
94. — Le paragraphe a de cet article vise l'offre « émise par un
actionnaire détenant directement ou indirectement, seul ou de concert, la
moitié au moins du capital et des droits de vote d'une société ».
On voit que le contrôle est acquis et que l'offre ne bouleverse pas
la situation. C'est l'offre dite « de fermeture », qui vise à écarter de la
société toute personne autre que celle qui la contrôle.
95. — Cette offre est soumise à une règle de fond qui lui est
particulière : en vertu de l'article 5-3-4, « le prix stipulé par l'initiateur de l'offre
ne peut être inférieur, sauf accord du conseil, au prix déterminé par le
calcul de la moyenne des cours de bourse, pondérée par les volumes de
transactions, pendant les soixante jours de bourse précédant la publication
de l'avis de dépôt du projet d'offre publique ».
96. — Le paragraphe b vise un cas un peu différent : une personne,
agissant seule ou de concert, vient d'acquérir ou même va acquérir la
majorité du capital ou des droits de vote, compte tenu des titres et des
droits qu'elle possède déjà.
On sait {supra, n° 46) que cette personne doit ou va devoir présenter
une offre d'achat à 100 %. Cette disposition lui permet de demander
l'avantage de la procédure simplifiée. Elle peut, à vrai dire, demander
aussi
nos 109le et
bénéfice
s.). d'une procédure parallèle, que nous retrouverons {infra,
D. — L'issue de l'offre
101. — On sait (supra, n°74) que les intermédiaires qui ont reçu
les titres apportés en réponse à l' O.P.A. doivent les remettre à la S.B.F.
au plus tard à la date fixée dans l'avis d'ouverture. En pratique, le délai
est généralement de quinze jours. La S.B.F. doit elle-même dépouiller
ces réponses, ce que demande une quinzaine de jours supplémentaires.
Elle peut alors publier les résultats de l'opération.
102. — C'est par un avis qu'elle « fait connaître soit que l'offre
est déclarée sans suite, soit que l'offre comporte une suite positive »
(art. 5-2-13, al. 1).
103. — Si l'offre est déclarée sans suite, le même avis ou un avis
ultérieur précise la date à laquelle les titres déposés seront restitués aux
intermédiaires déposants (même art., al. 2).
104. — Si la suite est positive, l'avis précise le nombre de titres
acquis par l'initiateur (même art., al. 3).
105. — La question se pose pourtant de savoir si la clôture de la
période d'offre dégage entièrement les sociétés concernées des devoirs
et interdictions qui pesaient sur elles durant cette période (supra, nos 60
et s.).
Il n'en est rien. Un simple communiqué de la C.O.B. de 1989
prolongeait ces devoirs et interdictions jusqu'à publication de l'avis des résultats.
Ce communiqué n'a peut-être plus qu'une valeur relative. Mais l'article
5-2-13, dans son dernier alinéa, décide que, jusqu'à l'annonce des résultats
s'ils sont positifs ou jusqu'à la restitution des titres dans le cas contraire,
« l'initiateur de l'offre et les personnes qui ont agi de concert avec lui
ne peuvent ni céder sur le marché des titres de la société visée détenus
à la clôture de l'offre, ni acheter les titres de la même société à un prix
supérieur à celui de l'offre ».
C'est seulement après ces moments que la liberté d'opérer redevient
complète.
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