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Projet de fin d’études présenté pour l’obtention de la licence

fondamentale en droit privé

La cession d’actions dans la


société anonyme

Encadré par : Pr Abdelali ABBOUR


Réalisé par : Adil AMOURAQ

Année universitaire 2021/2022


Remerciement

Par la présente, je tiens vivement à remercier Mr le professeur Abdelali

ABBOUR de m’avoir encadré et de m’avoir prodigué tous les conseils dont j’ai

pu bénéficier à l’occasion de cette étude que j’ai eu l’opportunité de passer à ses

cotés.

2
ABREVIATIONS

Al : Alenia

AMMC : Autorité marocaine du marché des capitaux

CA : Cour d’appel

CASS. CIV : Chambre civile de la cour de cassation française

CASS. COM : Chambre commerciale de la cour de cassation française

CDVM : Conseil déontologique des valeurs mobilières

DOC : Dahir des obligations et contrats

ED : Edition

REV : Revue

GTM : Gazette des tribunaux du Maroc

JCP : JurisClasseur périodique

LGDJ : Librairie juridique de référence en ligne

N : Numéro

OP, CIT : Ouvrage précité

OPCVM : Organisme de Placement Collectif en Valeurs Mobilières

P : Page

RJDA : Revue de jurisprudence de droit des affaires

RTD. Com : Revue trimestrielle de droit commercial

SA : Société anonyme

TPI : Tribunal de première instance

3
SOMMAIRE

Introduction………………………………………………………………………………..………5

Première partie : la cession définitive de la propriété des actions.…………………...………8

Chapitre I : le principe de la libre cessibilité d’actions……………………………………………9

Section 1 : le contrat de cession d’actions……………………………………………….………10

Section 2 : les effets de la cession d’actions………………………………………………..……15

Section 3 : les garanties de la cession d’actions……………………………………………...…18

Chapitre II : les restrictions à la libre cessibilité d’actions………………………………………22

Section 1 : les restrictions légales…………………………………………………………….…22

Section 2 : les restrictions judiciaires……………………………………………………………24

Section 3 : les restrictions conventionnelles…………………………………………………..…25

Deuxième partie : la cession temporaire de la propriété des actions……………………..…34

Chapitre I : les techniques civilistes de la cession temporaire d’actions…………………...……35

Section 1 : les techniques contractuelles de droit commun…………………………………...…35

Section 2 : les techniques modernes d’inspiration civiliste…………………………………...…44

Chapitre II : les limites à l’application des techniques civilistes ……………………………..…54

Section 1 : les limites au regard du droit des sociétés……………………………………...……54

Section 2 : les limites au regard du droit des contrats………………………………………..…58

4
Introduction

« La société anonyme est une remarquable machine juridique mise au service de


l’économie capitalise 1 ». L’importance de la société anonyme tient à son rôle économique
majeur dans l’économie libérale à laquelle tous les pays ont fini par s’y railler depuis la chute du
mur de Berlin en 1989, la société anonyme a été et demeure l’instrument juridique de ce système
économique auquel elle s’identifie2.

La société anonyme n’est pas seulement un mécanisme juridique, c’est aussi un


phénomène social, source d’argent et de pouvoir. A ce titre, elle n’a laissé personne indifférent.
Elle a eu ses admirateurs. Ripert la considère comme le merveilleux instrument du capitalisme
moderne3. Murray Buttler affirme « la société anonyme est la plus grande découverte des temps
modernes. La vapeur et l’électricité elles-mêmes sont moins importantes que la société anonyme.
Sans elle, elles se trouveraient réduites à une relative impuissance ».

En guise de définition, la société anonyme est une société par actions dans laquelle les
associés reçoivent, en contrepartie de leurs apports, des titres négociables (actions) et dont la
responsabilité est limitée au montant de ces apports4. C’est une société de capitaux, dans laquelle
la personne de l’associé s’efface, en principe, derrière les apports qu’il effectue. La personnalité
des associés importe moins que la recherche de capitaux, c’est pourquoi elle a pour vocation
d’être ouverte.

Le capital de la société anonyme est divisé en actions qui sont en principe librement
négociables. Cette négociabilité marque la différence avec la cession des parts sociales des
sociétés de personnes qui est soumise aux formalités de cession de créance 5. . Mais en pratique,
on observe que cette différence tend à s’estomper, les statuts des sociétés anonymes introduisent
souvent une dose d’intuitus personae en prévoyant des clauses d’agrément en cas de cession
d’actions6. Craignant une menace contre la majorité en place et la politique qu’elle entend mener,

1
Véronique magnier, droit des sociétés, 2022 page 249
2
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 287
3
Les aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ 1956 op.cit page 16
4
Article 1 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes
5
P. Reigné et T. Delorme, réflexions sur la distinction de l’associé et de l’actionnaire, D 2002 , 1930
6
S. Hélot, la place de l’intuitus personae dans les SA, 1991 op.cit page 216

5
les associés font alors le choix de la vigilance en s’aménageant un moyen juridique de tenir les
indésirables à l’écart.

Etant négociables, les actions sont cessibles suivant les formes du droit commercial, à
savoir l’inscription dans le registre de transfert de la société pour les actions nominatives et la
simple remise du titre pour les actions au porteur.

La cession d’actions figure parmi les opérations quotidiennes de la vie économique. Elles
représentent des enjeux financiers souvent très importants et, depuis quelques années, font l’objet
d’un contentieux très abondant.

Chaque jour, circulent des milliards d’actions de sociétés cotées en bourse, chaque jour,
des praticiens organisent la transmission d’entreprises par le biais de cessions d’actions, chaque
jour, des actionnaires se retirent de la société dont ils sont membres en décidant la cession de
leurs actions, et partant leurs droits à des remplaçant. Les motivations qui poussent les associés à
quitter la structure sociétaire sont diverses ; intérêt financier, simple désaffection, mésentente
avec les autres actionnaires, oppositions à la politique poursuivie par les dirigeants sociaux 7, « la
situation d’associé n’a pas vocation à la permanence 8». Quand il acquiert sa qualité en réalisant
un apport à la société, l’associé ne s’engage pas à y demeurer éternellement. L’engagement
social n’a en principe rien de définitif et d’irrévocable.

Or, l’opération de cession d’actions est souvent rendue complexe par la nécessaire
coordination de matières diverses. C’est une opération transversale qui concerne tant la
discipline juridique que les disciplines voisines du droit comme l’économie, la finance ou
fiscalité. Elle s’inscrit principalement dans le cadre des échanges financiers. Certains
actionnaires, animés par la seule ambition spéculative, cédant aisément leurs actions, passant
d’une société à l’autre selon les mêmes perspectives financières. Leurs actions se résument alors
à un mode de placement de l’épargne et obéissent à la première règle des placements financiers ;
la recherche de la plus forte rentabilité de l’investissement. La cession d’actions est aussi une
figure bien connue de l’administration fiscale qui voie en elle une importante source de revenus.
Elle s’intéresse donc à l’opération à un double titre, la simple transmission d’actions par

7
S. Lacroix De Sousa, la cession de droit sociaux à la lumière de la cession de contrat, thèse paris 2010 page 7
8
E. Georges, essai de généralisation d’un droit de retrait dans SA, Pref de J.J Daigre, L.G.D.J 2005 op.cit ; n3

6
l’actionnaire, l’opération elle-même, est soumise au droit d’enregistrement et le résultat de
l’opération est imposable lorsque la cession a fait apparaitre une plus value.

La cession d’actions intervient encore aux confins de plusieurs branches du droit. Elle est
tout à la fois un acte purement contractuel entre deux parties (cédant et cessionnaire) et une
opération majeure du droit de sociétés en ce qu’elle touche à l’organisation et au fonctionnement
de la structure commune mise en place par les associés. Cette dualité l’oblige à se soumettre, à la
fois aux règles du droit commun des obligations et contrats et aux règles spécifiques de droit des
sociétés. Par ailleurs, dès lors que l’on considère que les droits sociaux ont la nature de biens
susceptibles d’appropriation, l’opération doit également composer avec les dispositions
spécifiques du droit des contrats spéciaux. Lorsqu’elle intervient dans une société cotée,
l’opération doit respecter la réglementation spécifique du droit boursier. Et quand elle comporte
un élément d’extranéité, elle obéit aux dispositions du droit international privé.

Constituant une opération centrale de la vie économique, la cession d’actions s’avère


aujourd’hui incontournable. Mode d’acquisitions d’une société lorsqu’elle opère cession de
contrôle. Porte de sortie d’un actionnaire en quête de liberté. Moyen de garantie conférant au
créancier un droit de propriété des actions lui garantissant le remboursement de sa créance.

De ce qui précède, il parait opportun de s’interroger sur les mécanismes des opérations
sur lesquelles porte la cession actions ?

En effet, les actions peuvent faire l’objet de nombreuses opérations qui permettent soit la
cession définitive de la propriété des actions (première partie) soit la cession temporaire de la
propriété des actions (deuxième partie).

7
PREMIERE PARTIE

La cession définitive de la propriété des actions

« L'existence des sociétés par actions repose, comme leur nom l'indique, sur la création et la
diffusion d'actions au profit de personnes venant de tout horizon, les actionnaires. La circulation
de ces actions s'opère en général de manière assez libre du fait de l'existence de différentes
règles, notamment du fait du principe de libre négociabilité des actions 9».

La société anonyme est une société de capitaux ouverte10, tout actionnaire peut en effet s’en
retirer et par conséquent se débarrasser de ses actions, contrairement aux sociétés de personnes
dont les associés sont prisonniers de leurs parts sociales. Celles-ci ne sont pas destinées à
changer de mains du fait qu’elles ne sont pas représentées par des titres négociables 11. Alors que
dans les sociétés anonymes c’est autre chose, les titres circulent d’une manière libre. Il s’agit
donc du principe de la libre cessibilité des actions (chapitre1). Cependant, ce principe souffre de
tempérament. En effet, la loi 17-95 permet l’insertion dans les statuts de certaines clauses de
nature à conditionner l’entrée d’un tiers dans la société à l’autorisation des autres actionnaires,
on parle dès lors des restrictions statutaires apportées à la libre cessibilité des actions (chapitre2)

9
Le principe de libre négociabilité des actions (doc-du-juriste.com) consulté le 15/04/20202
10
Bilanca lauret, christine bannel, veronique bourgninaud ; droit de sociétés 3ém éd, op.cit p 258
11
Francis lemeunier ; droit de sociétés, principes et pratique 11ém ed op.cit p 80

8
Chapitre I : le principe de la libre cessibilité
« En principe les actions sont non seulement des titres négociables, mais des titres librement
négociables, les actionnaires peuvent les céder quand ils veulent, à qui ils veulent, et pour le prix
qu’ils veulent sans avoir à solliciter l’accord de la société ou des autres actionnaires »12.

Lorsque les titres sont cotés, les transactions s’opèrent au moyen du marché boursier, où
chaque jour de bourse s’échangent des titres représentant des montants d’investissement
considérables, le marché boursier est un marché réglementé, où le prix des titres qui y sont cotées
résulte directement de la loi de l’offre et de la demande.

A la différence des titres cotés, les titres non cotés ne peuvent pas être échangés sur le
marché boursier, dans ce cas la cession devient plus problématique dans la mesure où le vendeur
ne peut pas se contenter de manifester sa volonté de quitter la société et de lui demander la
restitution de son apport, il doit trouver un acquéreur, un acheteur souhaitant le remplacer et
désirant devenir actionnaire à sa place, « les sociétés anonymes ne reconnaissent, en principe,
aucun droit de retrait aux actionnaires »13 .

Par ailleurs, le principe de la libre cessibilité des actions peut être considéré comme le
critère fondamental de la distinction entre actions et parts sociales et entre la qualité actionnaire
et associé14.

Cependant, l’opération portant sur la cession d’actions nécessite d’abord la formation du


contrat de cession entre le cédant et le cessionnaire (section 1), une fois formé, le contrat de
cession donne lieu à de nombreux effets (section 2), toutefois, il peut advenir que le cessionnaire
ne soit pas satisfait de son investissement et qu’il estime avoir payé trop cher les actions
acquises, ce cessionnaire à cependant la possibilité de faire appel aux garanties prévues à cet
effet (section 3).

12
Paul Didier, Philippe Didier, les sociétés commerciales 2011, page 530
13
M. Cozian, A. Viander, F. Deboissy, droit des sociétés 24 édition, page 404
14
P. Reigné et T. Delorme, réflexions sur la distinction de l’associé et de l’actionnaire, op.cit, D. 2002, 1330.

9
Section 1 : Le contrat de cession d’actions

La cession d’actions est un contrat, soumis par conséquent aux conditions de droit commun
des obligations et contrats15. Nous examinerons les conditions générales de la cession d’actions
(§1) et les conditions particulières à la cession de contrôle (§2).

§1. Les conditions générales du contrat de cession d’actions

Préludé de l’accord préliminaire (A) le contrat de cession est subordonné aux conditions de
droit commun de fond (B) et de forme (C).

A. L’accord préliminaire

L’acte de cession d’actions se précède souvent d’une période de négociation plus ou moins
longue et dense, et qui mène à l’émission d’une offre de céder ou d’acquérir une action
éventuellement acceptée.

La période de négociation comprend l’ensemble des échanges précédant la conclusion de


l’accord, et qui permettent à chaque partie au futur contrat, d’analyser et d’apprécier les chances
et les risques éventuels du contrat envisagé.

Aucune disposition légale ou réglementaire ne régit spécifiquement la conduite ou la rupture


de la négociation, « c’est donc sur le fondement des principes régissant le droit commun que les
tribunaux ont été conduits à préciser les obligations des négociateurs. Toutefois, ces derniers ont
la faculté d’encadrer contractuellement la période de négociation et de se fixer mutuellement des
obligations particulières »16. Par exemple de confidentialité ou exclusivité.

La période de négociation n’est pas engageante. Cependant, les négociateurs sont tenus de
mener la négociation de bonne foi, la rupture abusive des négociations entraine l’application des
règles de droit commun en matière de responsabilité précontractuelle.

15
M. caffin-moi, cession de droits sociaux et droit des contrats, Economica 2009. Op.cit
16
Editi1ons Francis lefebvre, Anne charveriat, cessions de parts et actions, 2014 , page 61

10
A. Les conditions de fond

Les conditions de fond doivent répondre aux dispositions de l’article 2 du DOC avec
quelques spécificités concernant surtout le consentement, l’objet et le prix.

1. Le consentement

Le consentement de l’acquéreur peut être vicié par erreur, dol ou par violence.

L’erreur : En matière de cession d’actions, on s’intéresse à l’erreur sur la valeur, cette


dernière ne constitue pas un vice de consentement. Cependant, l’erreur sur la substance ou sur les
qualités substantielles des titres cédées serait retenue17.

La jurisprudence française considère que « l’erreur existe lorsque l’acquéreur des actions
découvre, après la cession, que la société est en fait privée de la possibilité de réaliser son objet
social, dans la mesure où elle est empêchée de poursuivre son activité économique ».

Le dol : Le dol se caractérise par l’emploi par le cédant de manœuvres frauduleuses


destinées à tromper le consentement de l’acquéreur.

Afin que le dol soit frappé de nullité de la convention de cession, les agissements trompeurs
du cédant doivent être la cause déterminante du consentement de l’acquéreur, c’est typiquement
le cas de présenter à l’acquéreur des documents comptables truqués et inexacts.

D’ailleurs, Le cédant ne peut stipuler d’avance par une clause de non garantie du passif qu’il
ne sera pas tenu de son dol18.

La violence : La violence en la matière constitue un vice presque rarement existé. En effet,


dans le contrat de cession c’est plutôt le cédant qui peut s’en prétendre victime de la violence
morale. On pourrait, dès lors, concevoir que la cette violence se traduit par l’exploitation par le
cessionnaire des difficultés économiques éprouvées par le cédant, et qui le contraignent à céder
ses actions19. Ainsi, un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation française du 5 juillet

17
M. Cozian, A. Viander, F. Deboissy, droit des sociétés 24 édition, page 412
18
Article 232 du dahir des obligations et contrats
19
Samuel Berrebbi , les difficultés relatives a la cession de droits sociaux, mémoire paris 2013, page 36

11
1965 a affirmé que « l’exploitation des difficultés économiques d’autrui peut, dans certains cas,
être constitutive d’une violence moral e »20.

2. L’objet

La cession peut avoir pour objet une partie ou la totalité des actions de la société, il suffit
que les parties contractantes se mettent d’accord sur le nombre des actions cédées.

La cession qui porte sur la totalité des actions de la société ne se considère pas comme une
cession des actifs mobiliers ou immobiliers de ladite société21.

En revanche. L’administration fiscale estime que lorsque la cession totale d’actions


s’accompagne de modifications substantielles des statuts, elle est considérée comme une cession
d’entreprise22.

3. Le prix

Le prix de l’action doit être déterminé c'est-à-dire connu, ou du moins déterminable c'est-à-
dire calculable. La détermination du prix s’opère conformément aux conditions de l’article 487
du DOC. Cet article interdit toutefois de rapporter la détermination du prix à un tiers, quelque
soit sa qualité, arbitre ou expert. Cette mesure s’explique par l’influence du droit musulman qui
prohibe l’aléa dans les transactions. Cependant, les parties contractantes peuvent s’en remettre à
un tiers et le charger de fixer le prix en se référant à des éléments clairs, convenus entre les
parties, tels que « la référence à des éléments comptables tirés du bilan de la société dont les
actions sont vendues 23 ».

Il se peut que les actions d’une société soient vendues pour un dirham symbolique
notamment lorsque le passif de l’entreprise excède l’actif.

20
Cass. Com. France 5 juillet 1965. n° 62-40.577 op,cit
21
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 675
22
Note circulaire de la direction générale des impôts relative à l’impôt sur les sociétés
23
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 676

12
B. Les conditions de forme

Dans les sociétés fermées, lorsque l’action est nominative, le droit du titulaire résulte de la
seule inscription sur le registre des transferts de la société24.

L’action au porteur est transmise par simple tradition c'est-à-dire de la main à la main 25.

Dans les sociétés cotées, la cession d’actions ne requiert aucun document spécifique, elle
résulte d’un simple virement de compte à compte par le biais de la société Maroclear à travers les
teneurs de compte. Maroclear constitue, en effet le dépositaire central des titres au Maroc.

§2. Les conditions particulières à la cession de contrôle

Nous préciserons la notion et les cas de contrôle (A) avant de mettre en relief les spécificités
de la cession de contrôle (B)

A. La notion et cas de contrôle

Pour des raisons financières et pratiques. Parfois, les acquéreurs préfèrent acheter les actions
d’une société exploitant un fonds de commerce au lieu d’acheter le fonds de commerce seul, on
parle dès lors, de prise de contrôle d’une société.

Il y a contrôle d’une société lorsque quelqu’un a directement ou indirectement, la possibilité


de déterminer par les votes dont il dispose, les décisions de l’assemblée générale d’une société
ou d’exercer une influence sur sa gestion. Et ce, dans des conditions prévues par la loi.

L’article 144 de la loi 17-95 ne définit pas la notion de contrôle mais indique les cas dans
lesquels une société est considérée comme en contrôlant une autre. Au sens de cet article, le
contrôle résulte de la détention directement ou indirectement d’une fraction de capital conférant
la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de la société. Il résulte également de
la disposition de la majorité des droits de vote dans la société en vertu d’un accord conclu avec
d’autres actionnaires qui n’est pas contraire à l’intérêt de la société.

24
Article 245 al 2 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes
25
Article 245 al 5 de loi n 17-95 relative aux sociétés anonymes

13
Enfin, le contrôle peut résulter aussi de la détermination par les droits de vote que
l’actionnaire dispose, des décisions dans les assemblées générales de la société.

Si la société acquiert le contrôle d’autres sociétés en cours d’exercice, les commissaires aux
comptes en font mention dans leur rapport26 .

B. Les spécificités de la cession de contrôle

L’opération de cession de contrôle est une opération qui est caractérisée par sa complexité,
elle ne s’assimile pas à une simple vente d’objets mobiliers incorporels, mais une opération
susceptible de donner une nouvelle structure économique et juridique de la société en cause.

Vu son importance, la cession de contrôle se précède d’une phase de pourparlers contractuels


et de due diligences plus ou moins longue permettant l’appréciation de la société et la
détermination du prix des titres.

La cession de contrôle doit répondre aux conditions de fond de droit commun des obligations
et contrats. Ainsi qu’aux règles générales du contrat de vente.

Parfois, la cession de contrôle peut être subordonnée au contrôle des concentrations


économiques27.

La cession de contrôle se différencie de la cession d’entreprise, elle n’entraine pas la cession


de fonds de commerce ou la cession de clientèle

La cession de contrôle peut être soumise à autorisation préalable. C’est le cas pour les
sociétés de banque, où l’article 94 de la loi n 103-12 dispose que « l’accord de Bank Al Maghrib
est requis lorsqu’une personne physique ou plusieurs personnes physiques ayant entre elles des
liens, ou une personne morale envisage de détenir ou de céder, directement ou indirectement,
une participation dans le capital d’un établissement de crédit conférant au moins 10 %, 20 % ou
30 % du capital social ou des droits de vote dans les assemblées générales», il en est de même
pour les sociétés d’assurance, dans ce sens l’article 172 du code des assurances prévoit que «Tout
changement de majorité, toute cession de plus de dix pour cent (10%) des actions et toute prise

26
Article 172 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes
27
Lorsque les critères du chiffre d’affaires ou de parts de marché retenus par la loi 104-12 sont réunis

14
de contrôle direct ou indirect supérieur à trente pour cent (30%) du capital social doivent
recueillir l'accord préalable de l'administration. La réponse de cette dernière doit intervenir
dans les trente (30) jours à compter de la date de réception de la demande présentée à cet effet.
Tout refus doit être motivé ».

Section 2 : Les effets de la cession

Il y a lieu de distinguer entre les effets de cession à l’égard du cessionnaire (§1) de la société
(§2) des associés (§3) et des tiers (§4)

§1. A l’égard du cessionnaire

Les effets de cession à l’égard du cessionnaire s’envisagent dans le transfert de la propriété


(A) le droit aux dividendes (B) et les garanties du cédant (C)

A. Le transfert de la propriété

L’acte de cession a un effet translatif de la propriété pour le compte du cessionnaire dès lors
que les parties soient d’accord sur les éléments essentiels du contrat de cession et qui
s’envisageant dans le nombre des actions cédées et le prix de la cession conformément au droit
commun de la vente.

Pour les actions non cotées, lorsque l’action cédée est nominative, le transfert de la propriété
s’opère après la seule inscription de l’acte sur le registre des transferts de la société28, quant à
l’action au porteur, la transmission est faite par simple tradition de main à main29 .

Pour les sociétés cotées, le transfert de la propriété implique l’inscription des actions au
compte du cessionnaire.

Le transfert de propriété des titres cédés entraine transfert de la qualité d’actionnaire, à


conditions toutefois qu’aient été accomplies les formalités destinées à rendre la cession
opposable à la société et aux tiers.

28
Article 245 al 2 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes
29
Article 245 al 5 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes

15
B. Le droit aux dividendes

Les dividendes peuvent se définir comme la partie des bénéfices réalisés par la société qui,
sur décision de l’assemblée générale, est distribuée à chaque actionnaire.

L’acte de cession ouvre droit aux dividendes au profit du cessionnaire, à cet égard l’article
334 al 4 de la loi 15-97 prévoit que « en cas de cession d’actions, l’acquéreur a droit aux
dividendes non encore mis en paiement, sauf convention contraire des parties, notifiée à la
société ».

C. Les garanties du cédant

L’acte de cession confère au cessionnaire certaines garanties, qui pèsent en contrepartie sur le
cédant. Il s’agit d’une part des garanties légales qui s’incarnent dans la garantie d’éviction et la
garantie des vices cachés. Et des garanties conventionnelles de l’autre part, celles-ci sont mises
en œuvre pour combler les lacunes laissées par les garanties légales et qui s’envisagent
notamment dans la garantie de passif et l’obligation de non concurrence.

§2. A l’égard de la société

Les effets de la cession à l’égard de la société sont envisagés dans la procédure d’agrément, il
arrive que les statuts comprennent une clause d’agrément, cette dernière subordonne la vente
d’actions par un actionnaire à l’agrément de l’assemblée générale de la société, par conséquent
le cessionnaire doit être aussi agréé afin que la cession d’actions ait lieu.

§3. A l’égard des associés

Les effets de cession sur les associés portent sur le droit de préemption (A) et les clauses de
sortie (B)

A. Le droit de préemption

Inutile de discuter les effets de la cession sur les associés sans se référer au droit de
préemption. Il s’agit d’un droit qui oblige l’actionnaire voulant céder des actions, à les notifier
aux autres actionnaires pour leur permettre de les acheter en priorité, il accorde donc aux
actionnaires le droit d’acquérir en priorité les titres objet de cession.

16
La clause de préemption est prévue par l’article 257 de la loi n 17-97.

B. Les clauses de sortie

On distingue la clause de sortie conjointe de la clause de sortie forcée.

La clause de sortie conjointe est une clause qui permet, en cas de cession d’actions par un
groupe majoritaire du contrôle de la société, au groupe minoritaire de céder également ses
actions, la clause de sortie conjointe peut être stipulée soit directement dans les statuts de la
société, soit dans un pacte d’actionnaires. Appelée encore tag-along, la clause de sortie peut
prendre la forme d’une clause de sortie conjointe proportionnelle ou d’une clause de sortie
conjointe totale.

La clause de sortie forcée, également appelée encore drag-along, permet à un groupe


majoritaire du contrôle de la société voulant céder ses actions, de contraindre le groupe
minoritaire à vendre les siennes en même temps et dans les mêmes conditions, notamment le
prix, lorsque l’acquéreur exige l’achat de la totalité des actions.

§4. A l’égard des tiers

En effet, les clauses de changement de contrôle, également appelées clauses de circulation du


contrat, sont des clauses par lesquelles les actionnaires conçoivent que, dans l’hypothèse où le
contrôle de la société ferait l’objet d’une cession, la partie contractante romprait ses propres
engagements où se réserve le droit d’agréer le futur titulaire du contrôle de la société. Il
s’applique à de nombreux contrats, « on les trouve fréquemment dans des contrats commerciaux,
tels la cession de licence de marque ou encore l’octroi de licence d’exploitation de brevets, on
les rencontre aussi dans les contrats de franchise »30.

La validité de ces clauses ne s’oppose pas avec le fondement de l’article 230 du DOC.

30
www.lesechos.fr/amp/872045 consulté le 22/02/2022

17
Section 3 : les garanties de la cession

Les garanties dont dispose le cessionnaire à l’égard du vendeur sont d’ordre légal (§1) celles-
ci se révèlent insuffisantes, inadaptées ainsi qu’elles posent plusieurs difficultés d’application
pratique, c’est la raison pour laquelle les praticiens ont mis en œuvre deux garanties
conventionnelles (§2).

§1. Les garanties légales

Il s’agit des garanties incombant au cédant d’actions par application des articles 532 et
suivants du DOC, et qui s’envisagent notamment dans la garantie d’éviction du fait personnel ou
du fait des tiers (A) et la garantie des vices cachés (B).

A. La garantie d’éviction

La garantie d’éviction incombant au cédant ne porte pas sur la société mais uniquement sur
l’objet vendu à savoir les actions. On constate par conséquent que la garantie d’éviction a une
application très restrictive en matière de cession d’actions, il faut que l’acquéreur souffre
réellement d’un trouble imputable au cédant, et il est certain qu’on ne peut mettre en œuvre cette
garantie que dans les cas où elle portera sur les actions cédées. L’acquéreur doit prouver que le
fait imputable au cédant a vidé les actions de tout ou partie de leur substance 31 .

Le cédant est tenu de garantir la jouissance paisible des actions cédées. L’atteinte à cette
jouissance peut être le fait du cédant lui-même ou d’un tiers, l’éviction du fait des tiers est quasi
inexistant en matière de cession d’actions, elle repose souvent sur les troubles de droit.

Parmi les cas d’éviction retenue on trouve l’hypothèse dans laquelle « les titres vendus
n’appartiennent pas au cédant » 32 . Ou bien lorsqu’elles se trouvèrent grevés d’un droit réel
accessoire, tel un nantissement.

De même, un arrêt de la cour d’appel de paris a admis « la mise en œuvre de la garantie


dans un cas où le cessionnaire avait été durablement privé de la possession paisible d’actions

31
Samuel Berrebbi , les difficultés relatives a la cession de droits sociaux, mémoire paris 2013, page 37
32
CA Paris 21 janvier 2010, RJDA 2010, n 752

18
par une mise sous séquestre de ces derniers et par la désignation d’un administrateur
provisoire »33.

B. La garantie des vices cachés

A l’instar de la garantie d’éviction, la garantie des vices cachés porte également sur les
actions cédées, la garantie des vices cachés connait donc, encore une fois, une application
particulièrement restreinte dans la mesure où elle porte exclusivement sur les actions, les
atteintes affectant le patrimoine de la société dont les titres sont cédés sont indifférentes. Le vice
doit frapper les actions cédées et non pas le patrimoine de la société34.

Les vices cachés garantis ne peuvent être que ceux qui se rapportent aux actions elles-
mêmes et sont dès lors exclus ceux qui affectent par exemple un élément de l’actif social de la
société, la chambre commerciale de la cour de cassation française dans un arrêt du 29 novembre
1971 a affirmé que « en matière de cession de titre sociaux, le cédant doit garantir les vices
affectant les titres eux-mêmes et non pas ceux affectant la société, à moins que l’opération soit
requalifiée en une vente de fonds lui-même »35.

Ainsi, constituerait un vice caché l’existence d’un vice touchant les titres cédés suffisant
pour priver la société d’exercer l’activité économique constituant son objet social 36.

En revanche, la connaissance par l’acquéreur de l’ampleur et des conséquences du vice écarte


la mise en œuvre de la garantie37.

§2. Les garanties conventionnelles

Les garanties que la loi confère à un individu sont susceptibles toujours d’être renforcées par
l’effet d’une stipulation particulière. Il est admis donc que le cédant, par le biais d’une
convention expresse, consent de garantir la valeur des titres qu’il vend. Plus généralement toute

33
CA Paris 24 février 2006, n 04/22666
34
Samuel Berrebbi , les difficultés relatives a la cession de droits sociaux, mémoire paris 2013, page 44
35
Cass. Com. fr 29 novembre 1971, n 69-10.863
36
Cass. Com. Fr 12 décembre 1995, RJDA 10/1996, n 120
37
Cass. Civ. France 3eme 15 mars 2012, n 11-10.861

19
garantie supplémentaire peut-être stipulée 38 . En pratique nous rencontrons plus souvent la
garantie de passif (A) et parfois l’obligation de non concurrence (B).

A. La garantie de passif

Les garanties du passif sont des clauses contractuelles qui permettent à l’acquéreur des
actions, de s’assurer de la l’authenticité patrimoniale de la société dont les titres sont cédés et qui
le prémunissent contre la dévalorisation de son actif, ou plus généralement contre les
conséquences financières de tout événement dont l’origine est née antérieurement à la date de la
réalisation de la transaction mais qui surviennent postérieurement à cette date.

La clause de garantie de passif, sert donc à prémunir l’acquéreur des actions d’une société
contre l’augmentation de son passif social, se révélant après l’opération l’acquisition mais son
origine est antérieure.

L’actionnaire qui cède les actions sera tenu, par application de cette clause, à couvrir
personnellement tout ou partie des dettes de la société sous réserve qu’elles soient révélées
postérieurement à la cession, les éventuels nouveaux passifs qui naissent postérieurement à la
date de la cession ne sont pas visés par la clause.

Il s’agit principalement de garantir la réalité des éléments comptables qui constitueront la


base de la détermination du prix de la cession. Ainsi de protéger l’acquéreur contre la
découverte d’éléments du passif tels que « passif non comptabilisé (effets en circulation),
engagement hors bilan (cautions, avals), passif imprévu (redressement fiscal, condamnation
judiciaire), ce passif imprévu au moment de la cession a pour conséquence de réduire, parfois de
manière très significative la valeur des titres acquis »39.

Par ailleurs, le cessionnaire n’est pas le seul bénéficiaire de la garantie de passif, cette
garantie peut bénéficier aussi à la société dont les actions sont cédés à travers la stipulation pour
autrui, notant que la société constitue un tiers à la convention de cession, on parle dès lors de la

38
M. Jeantin, droit des sociétés, 2éme édition, op.cit, page 131
39
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 684

20
garantie indemnitaire, mais lorsque la garantie profite au cessionnaire, dans ce cas on est devant
la garantie de prix ou garantie de valeur40.

B. L’obligation de non concurrence

L’obligation de non concurrence est la clause qui interdit normalement à son débiteur toute
activité de nature à concurrencer directement ou indirectement le créancier de cette l’obligation.

La clause de non concurrence devient presque une clause de style dans le contrat de vente où
elle est fréquemment appelée clause de non rétablissement, le vendeur s’engage par cette clause
à ne pas se rétablir 41. Le non rétablissement consiste dans l’abstention d’exercer une activité
concurrente.

Ainsi, on remarque bien que la clause de non concurrence a un effet paralysant. Le débiteur
de l’obligation ne peut pas se réinstaller dans un périmètre géographique déterminé pendant une
durée précise, contrairement à la garantie d’éviction qui ne joue que lorsque l’activité
concurrente du cédant entraine impossibilité de réaliser son objet social.

D’ailleurs, l’extinction de la clause de non concurrence ne peut pas empêcher la mise en


œuvre d’une action postérieure sur la garantie d’éviction qui reste un moyen de droit autonome
se superposant à l’obligation de non concurrence42.

La clause de non concurrence incombant au cédant peut être stipulée dans l’acte de cession
lui-même, dans ce cas le cédant doit expressément manifester son consentement, mais elle peut
être prévue aussi dans le statut de la société dont les titres sont cédés.

40
Samuel Berrebbi , les difficultés relatives a la cession de droits sociaux, mémoire paris 2013, page 49
41
Drissi Alami Machichi, concurrence droit et obligations des entreprises au Maroc, 2004 page 137
42
Samuel Berrebbi , les difficultés relatives a la cession de droits sociaux, mémoire paris 2013, page 43

21
Chapitre II : Les restrictions à la libre cessibilité

Si en principe, dans les sociétés anonymes, les actionnaires sont libres de disposer de leurs
actions et de les céder à leur guise. Ce principe souffre de tempéraments. Dans certains cas c’est
le législateur qui intervient pour restreindre cette liberté, ce qu’on appelle les restrictions légales
(section1). Dans d’autres cas le juge dispose du pouvoir de prononcer l’incessibilité des actions
notamment en cas de redressement judiciaire de l’entreprise en difficultés, il s’agit des
restrictions judiciaires (section2). Enfin, les actionnaires, en ayant certaines clauses à leurs
dispositions, peuvent s’en servir en vue d’atténuer également ce principe. Ces clauses dites
contractuelles si ‘elles sont exercées, constituent des restrictions conventionnelles (sections3).

Section 1 : Les restrictions légales

Les restrictions légales résultent de la loi, elles sont d’ordre général (§1) ou particulier (§2).

§1 : Les restrictions légales d’ordre général

En cas de redressement ou liquidation judiciaire, lorsque le tribunal prononce le jugement


d’ouverture, les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ne peuvent, à peine de nullité,
céder les actions ou certificats d’investissement ou de droit de vote représentant leurs droits
sociaux dans la société qui a fait l’objet du jugement d’ouverture que dans les conditions fixées
par le tribunal, ces titres sont virés à un compte spécial bloqué, ouvert par le syndic au nom du
titulaire et tenu par la société ou l’intermédiaire financier selon le cas. Aucun mouvement ne peut
être effectué sur ce compte sans l’autorisation du juge commissaire. Le syndic fait, le cas
échéant, mentionner sur les registres de la société l’incessibilité des titres. Pour pouvoir
participer aux assemblées générales, le syndic délivre aux dirigeants un certificat. Cette
incessibilité prend fin en plein droit à la clôture de la procédure (code de commerce art 683).

§2 : Les restrictions légales particulières

Dans certaines sociétés, le législateur prévoit que la cession d’actions doit être préalablement
agréée, soit par le conseil d’administration (A) soit en vertu d’une autorisation administrative (B)

22
A. L’agrément préalable du conseil d’administration

Pour les sociétés de presse par actions, la cession des titres n’est pas libre, elle est
subordonnée à l’agrément du conseil d’administration, a cet effet, l’article 14 du code de la
presse 2003 prévoit que « dans le cas de société par actions, les actions doivent être nominatives.
Leur transfert devra être agrée par le conseil d'administration de la société. Aucune part de
fondateur ne pourra être créée ».

Dans le même cadre, le législateur prévoit que, sous réserve de certaines conditions, Les
experts comptables sont admis également à constituer pour l'exercice de leur profession, des
sociétés par actions, parmi ces conditions figure, la subordination de l’admission de tout nouvel
associé à l'accord préalable, soit du conseil d'administration, soit des propriétaires des titres (art 8
de la loi n 15-89 réglementant la profession d’expert-comptable).

Il en est de même pour les sociétés coopératives d’habitation, l’article 46 du dahir 17


décembre 1968 relatif au crédit foncier, dispose que « les actions sont émises exclusivement sous
la forme nominative. Il ne peut être émis d'actions d'une valeur nominale inférieure à 200
dirhams. Leur transmission doit être autorisée par le conseil d'administration de ladite société ».

B. L’autorisation administrative

Dans certaines sociétés, les actionnaires désirant céder leurs actions ne sont pas libres, ces
derniers se voient heurter à l’autorisation et l’agrément de l’administration.

Dans les sociétés exerçant la profession d’agent d’affaires, la cession d’actions est
conditionnée par l’autorisation du ministre des finances, conformément à l’article 5 du dahir 12
janvier 1945 réglementant la profession d’agent d’affaires 43, qui précise que « les actions de ces
sociétés devront revêtir la forme nominative. Leur cession sera soumise à autorisation du
directeur des finances ».

Sont aussi concernées par cette mesure les entreprises d’assurances et de réassurances. A la
lecture de l’article 172 du code des assurances, il résulte que « Tout changement de majorité,
toute cession de plus de dix pour cent (10%) des actions et toute prise de contrôle direct ou

43
Le projet de la loi 88-12 relatif aux agents d’affaires, adopté en conseil de gouvernement le 3 octobre 2013, est
bloqué à raison de l’opposition farouche des notaires et des associations de consommateurs.

23
indirect supérieur à trente pour cent (30%) du capital social doivent recueillir l'accord
préalable de l'administration. La réponse de cette dernière doit intervenir dans les trente (30)
jours à compter de la date de réception de la demande présentée à cet effet. Tout refus doit être
motivé ».

Ainsi, les changements qui affectent le contrôle d’un établissement de crédit doivent être
préalablement agrée par le wali de Bank Al-Maghrib, après avis du comité des établissements de
crédit44 .

De même, l’acquisition des actions des sociétés propriétaires d’immeubles agricoles ou à


vocation agricole d’origine domaniale situés à l’extérieur des périmètres urbains et qui ne sont
pas considérés comme lots de colonisations, est soumise à l’autorisation conjointe du ministre de
l’intérieur, du ministre de l’agriculture et des finances (article 11 et 12 du dahir 26 septembre
1963 fixant les conditions de la reprise pat l’Etat des lots de colonisation), aux termes de l’article
11 « sont subordonnées à la délivrance d'une autorisation administrative les opérations
immobilières y compris les ventes par adjudications publiques ainsi que la passation de tous
baux portant sur des propriétés agricoles ou à vocation agricole d'origine domaniale situées à
l'extérieur des périmètres urbains. Sont également subordonnées à autorisation administrative
les cessions de parts sociales et d'actions des sociétés propriétaires d'immeubles visés à l'alinéa
précédent ».l’article 12 précise que « elle est alors délivrée conjointement par le ministre de
l’intérieur, le ministre d’agriculture et le ministre des finances ».

Section 2 : Les restrictions judiciaires

Les restrictions judiciaires sont celles prononcées par le tribunal, à cet égard l’article 600 du
code de commerce, dispose que « lorsque la survie de l’entreprise le requiert, le tribunal sur la
demande du syndic ou d’office peut subordonner l’adoption du plan de redressement de
l’entreprise au remplacement d’un ou plusieurs dirigeants. A cette fin, le tribunal peut
prononcer l’incessibilité des actions, parts sociales, certificats de droit de vote détenus par un
ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, et décider que le droit de vote y
attaché sera exercé pour une durée qu’il fixe par un mandataire de justice désigné à cet effet, il

44
Article 43 loi 102-12 relative aux établissements de crédit

24
peut encore ordonner la cession de ces actions ou parts sociales, le prix de cession étant fixé à
dire d’expert ».

De cet article, il résulte qu’en cas de redressement judiciaire, et pour permettre à l’entreprise
en difficulté de poursuivre l’exploitation de son activité et assurer son survie, le président du
tribunal de commerce peut prononcer l’incessibilité des actions de l’entreprise en cause, ce qui
constitue aussi une restriction au principe de la libre cessibilité reconnu aux actionnaires dans les
sociétés anonymes.

Section 3 : Les restrictions conventionnelles

Avant toute cession, il importe de tenir compte des clauses qui limitent la liberté des
actionnaires de disposer de leurs actions en leur imposant par exemple l’obligation de demander
l’agrément de la société « clause d’agrément » (§1) ou l’obligation de proposer aux autres
actionnaires d’acheter les actions dont la cession est envisagée « clause de préemption ou de
préférence » (§2) ou de leur imposer une période d’incessibilité « clause d’inaliénabilité
temporaire » (§3)

§1. La clause d’agrément

« La nature de la société de capitaux, qui néglige en théorie l’intuitu personae, justifie que
quiconque puisse devenir actionnaire d’une société anonyme à la suite d’une cession, sans avoir
à solliciter l’accord des actionnaires en place. La société anonyme est tout le contraire d’un club
privé tel est le principe : la liberté de cession entre vifs, comme de transmission à cause de
mort »45.

Toutefois, le dogme souffre un tempérament, de fait, la loi 17-95 permet l’insertion des
clauses d’agrément dans les statuts, ces clauses subordonnent la cession des titres à
l’appréciation de la société. Aux termes de l’article 235 al 1 de la loi 17-95 « la cession d’actions
à un tiers à quelque titre que ce soit peut être soumise à l’agrément de la société par une clause
des statuts ».

45
M. Cozian, A. Viander, F. Deboissy, droit des sociétés 24 édition, page 406

25
La clause d’agrément peut être prévue dans les statuts lors de la constitution de la société,
comme elle peut faire l’objet d’une modification ultérieure.

Afin d’appréhender la clause d’agrément, nous analyserons successivement sa finalité (A) ses
limites (B) et la procédure de sa mise en œuvre (C).

A. La finalité des clauses d’agrément

L’agrément permet de contrôler l’entrée dans la société de nouveaux actionnaires et


d’exclure ceux dont la présence est, pour une raison quelconque, jugée non souhaitable, ces
clauses ont pour finalité d’introduire l’intuitu personae dans la société anonyme.

Autrement dit, les clauses d’agrément limitent le droit de libre cessibilité des actions, et
permettent aux associés contrôlant une société anonyme d’empêcher l’entrée dans celle-ci de
nouveaux actionnaires pouvant objecter ou se révolter contre leur pouvoir, ou tout simplement
d’exclure des tiers indésirables. Cette mesure peut se justifier plus fréquemment dans les sociétés
de famille qui sont fortement marquées par l’intuitu personae, et qui sont proches des sociétés de
personnes. « Dans certaines sociétés elle est même obligatoire. Il en est aussi lorsqu’il s’agit de
ne laisser entrer dans la société, que des gens compétents »46.

B. Les limites des clauses d’agrément

Les clauses d’agrément ne s’appliquent pas à la cession entre les membres d’une même
famille, conformément à l’article 253 al 1 de la loi 17-95 qui dispose que « sauf en cas de
succession ou de cession soit à un conjoint soit à un ascendant ou à un descendant jusqu’au
2eme degré inclus, la cession d’actions à un tiers à quelque titre que ce soit peut être soumise à
l’agrément de la société par une clause des statuts ».

Ainsi, les clauses d’agrément sont écartées de la cession des titres cotés, à cet égard l’article
255 de la loi 17-95 prévoit que « Est nulle toute clause des statuts d’une société dont les titres
sont inscrits à la cote de la bourse des valeurs qui soumet la négociabilité des actions à
l’agrément de la société ».

46
F. Bezard, la société anonyme, édition 1986, op.cit, page 419

26
Il en est de même, pour la cession d’actions au porteur, celles-ci peuvent être négociées sans
aucune restriction, contrairement aux actions nominatives qui, seules admettent la stipulation des
clauses d’agrément 47 .Toutefois les actionnaires peuvent convenir entre eux, en vertu d’une
convention de blocage des titres, de ne céder leurs actions au porteur que sous certaines
conditions, cette convention est conclue en dehors de la société dans la mesure où les statuts ne
peuvent prévoit une clause d’agrément, pour les actions au porteur48.

Les clauses d’agrément sont ainsi réputées non écrites par le nantissement des actions. Si ce
nantissement est réalisé, le cessionnaire deviendra de plein droit actionnaire et échappera de ce
fait à la procédure d’agrément. Toutefois, les statuts peuvent soumettre le nantissement des
actions à l’accord de la société dans les mêmes conditions que la cession d’actions 49 , auquel cas
le consentement de la société emportera agrément du cessionnaire, à moins que la société ne
préfère après la cession, racheter sans délai les actions, en vue de réduire le capital.

Les clauses d’agrément peuvent être mises en échec en cas de redressement judiciaire de
l’entreprise en difficulté50. Cette mesure est envisagée en vue de favoriser l’adoption du plan de
la poursuite de l’activité de l’entreprise.

Par ailleurs, les clauses d’agrément sont interdites en cas de cession entre actionnaires de la
société, c’est ainsi que le mot tiers cité dans l’article 253 de la loi 17-95 s’applique aux non
actionnaires. « Les associés de la société ne sont pas des tiers les uns vis-à-vis des autres »51.

C. La procédure d’agrément

La procédure d’agrément si elle est encadrée par la loi, c’est surtout pour concilier entre les
intérêts de l’actionnaire voulant céder ses actions, et les intérêts de la société craignant une
intrusion non accueillie. Le législateur cherche par cette procédure à instaurer un certain
équilibre entre les intérêts pouvant se révéler contradictoires.

47
Article 254 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes
48
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 668
49
Article 256 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes
50
Article 599 al 3 du code de commerce
51
H. cherkaoui, Société Anonyme, 1ère édition page 176

27
La notification ; Dans une première étape, l’actionnaire doit préalablement notifier sa
demande à la société par lettre recommandée avec accusé de réception, la demande doit indiquée
le nom, prénom et l’adresse du cessionnaire, le nombre des actions dont la cession est envisagée
et le prix offert conformément à l’article 245 de la loi 17-95. La jurisprudence française est
particulièrement exigeante quant au respect de cette formalité, c’est ainsi que « le défaut de la
notification préalable ne peut être couvert ni par une demande d’agrément présentée
postérieurement à la réalisation de l’opération52, ni par l’agrément de l’acquéreur par le conseil
d’administration »53.

La réponse ; La société dispose de trois mois à compter de la demande qui lui a été adressée
pour prendre sa décision et la communiquer aux intéressés. Si elle accepte le candidat du vendeur
dans les délais prévus, la cession devient définitive et il ne reste plus qu’à procéder au transfert
des titres sur les registres de transfert de la société. Si elle laisse s’écouler le délai sans répondre,
elle est censée avoir agréé le cessionnaire 54. Ainsi que le précise l’article 254 al 3 de la loi 17-95
où « l’agrément résulte, soit d’une réponse favorable de la société notifiée au cédant, soit du
défaut de réponse dans un délai de trois mois à compter de la demande ».

L’organe compétent ; L’organe compétent pour statuer sur la demande est désigné dans les
statuts, c’est généralement le conseil d’administration, le conseil de surveillance le cas échéant,
plus rarement l’assemblée 55 . Dans ce sens, l’article 33 de la loi 17-95 exige l’indication, au
moyen d’un avis au bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales, de l’existence, le cas
échéant, de clauses relatives à l’agrément des cessionnaires d’actions, et la désignation de
l’organe social habilité à statuer sur les demandes d’agrément.

Le refus d’agrément ; En cas de refus d’agrément, les dirigeants de la société ont


l’obligation, dans un délai de trois mois à compter de la date du refus, d’acquérir les actions à un
prix fixé, à défaut d’un commun accord, par un expert. Cette obligation d’achat est d’ordre
public, c’est elle qui permet à l’actionnaire de ne pas demeurer prisonnier de son titre. Et ce,
conformément de l’article 254 al 4 de la loi 17-95 qui prévoit que « si la société n’agrée pas le

52
Editions Francis lefebvre, Anne Charveriat cessions de parts et actions, 2014 , page 381
53
CA Paris 19 décembre 2003 n 02-10918. 25 ch.A, SCI L’essor c/SA Charlet Crozat finance
54
Paul Didier, Philippe Didier, les sociétés commerciales 2011, page 534
55
B. Jadaud, qui décide de l’agrément à la cession d’actions ? JCP E 2001, 1946. Op.cit

28
cessionnaire proposé, le conseil d’administration ou le directoire est tenu, dans le délai de trois
mois, à compter de la notification du refus, de faire acheter les actions soit par un actionnaire
ou un tiers, soit, avec le consentement du cédant, par la société en vue d’une réduction de
capital ».

Le refus d’agrément est une décision qui n’a pas à être motivée, les tiers évincés ne peuvent
en effet invoquer aucun droit acquis à entrer dans la société. Toutefois, « les tribunaux
condamnent à des dommages intérêts au profit du cédant les auteurs des manœuvres destinées à
faire échouer la procédure d’agrément, ou refusant abusivement l’agrément, l’abus supposant
l’intention de nuire »56.

Si, à l’expiration du délai de trois mois, l’achat n’est pas réalisé par la société, l’agrément est
considéré comme donné. Toutefois, ce délai peut être prorogé une seule fois et pour la même
durée à la demande de la société par ordonnance du président du tribunal, statuant en référé57.

Le prix d’achat ; A quel prix la société va-t-elle devoir faire acquérir les actions du cédant ?
« Le prix retenu dans le projet de vente initial ne s’impose pas au nouveau candidat. Il y a donc
lieu à négociation entre lui et le cédant. Si les deux parties tombent d’accord, la nouvelle vente
est conclue et celle consentie au premier cessionnaire est caduque »58. Si les parties ne trouvent
pas l’accord, le prix des titres est déterminé par un expert choisi par les parties ou, à défaut, fixé
par le président du tribunal statuant en référé 59. Le prix fixé par l’expert s’impose aux parties à
moins que l’expert commette une erreur grave.

Le droit de repentir ; En cas de refus d’agrément de l’acquéreur proposé, le cédant peut


renoncer à l’opération de rachat par la société, c'est-à-dire exercer un droit de repentir et
conserver ses actions, même âpres fixation du prix de rachat par un expert désigné en application
de l’article 254 al 6 de la loi 17-95.

56
M. Cozian, A. Viander, F. Deboissy, droit des sociétés 24 édition, page 409
57
Article 254 al 5 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes
58
Paul Didier, Philippe Didier, les sociétés commerciales 2011, page 534
59
Article 254 al 6 loi 17-95 relative aux sociétés anonymes

29
Le droit de repentir est d’ordre public. Si les statuts n’autorisent pas au cédant l’exercice de
son droit de rétractation, la clause d’agrément se transformera en clause de préemption.
Toutefois, les statuts peuvent déterminer le délai pendant lequel le cédant se rétracte.

§2. La clause de préemption

La clause de préemption est une clause qui peut être insérée dans les statuts, et qui confère à
tous les actionnaires ou à certains d’entre eux le droit d’acquérir par priorité les actions dont la
cession est envisagée, « le mécanisme est le suivant : l’actionnaire qui désire céder ses actions
doit d’abord proposer celles-ci à ses coactionnaires, sans toujours avoir, d’ailleurs à révéler le
non du cessionnaire pressenti. Les autres associés peuvent alors racheter les actions à
proportion de leur part dans le capital, la procédure varie selon la clause »60.

A la différence de la clause d’agrément qui a un aspect négatif puisqu’elle interdit et limite


les intrusions des tiers dans la société. La clause de préemption a au contraire un aspect positif
dans la mesure où elle donne la préférence aux actionnaires sur les tiers, ce qui leur permet
d’acquérir par priorité les actions cédées, et d’augmenter leur participation dans la société.

La clause de préemption est prévue par l’article 257 de la loi 17-95. Cet article dispose, que
les conditions de cession d’actions peuvent être mentionnées dans des conventions passées entre
actionnaires, ou entre actionnaires et tiers. Le même article reprend que la cession pourrait
s’opérer de façon préférentielles, au profit des actionnaires ou non, bénéficiaires d’un droit de
préemption.

Reste à savoir quelle ‘est la finalité (A) le champ d’application (B) et la procédure (C) de la
clause de préemption.

A. La finalité de la clause de préemption

Les clauses de préemption insérées dans les statuts donnent à tous les actionnaires ou certains
d’entre eux le droit d’acquérir par priorité les actions mises en vente. Ainsi, ces clauses, en
accordant la préférence aux actionnaires sur les tiers, elles leurs permettent d’augmenter la

60
M. Cozian, A. Viander, F. Deboissy, droit des sociétés 24 édition, page 410

30
participation qu’ils possèdent dans la société. Et pour que ces clauses soient valables, il faut qu’il
y ait une volonté de vente émanant du cédant, ce qui exclut la cession imposée.

Les clauses de préemption peuvent constituer également un moyen d’empêchement, en cas


de retrait de l’un des actionnaires, de modification de la proportion existante dans la répartition
du capital61.

B. Le champ d’application de la clause de préemption

Les clauses de préemption constituent pour l’actionnaire une restriction à la liberté de céder
ses actions, leur champ d’application doit donc avoir une interprétation stricte.

C’est l’article 257 de la loi 17-95 qui détermine le champ d’application ces clauses. Il indique
que les clauses de préemption peuvent être stipulées dans les statuts entre actionnaires, à
conditions toutefois de ne pas constituer les clauses d’agrément déguisées 62. Elles peuvent être
également prévues dans les pactes d’actionnaires qui sont des conventions extrastatutaires.

Selon le même article, les clauses de préemption peuvent jouer aussi au profit d’un tiers ou
exclusivement au profit de certains actionnaires. Dans la pratique, tous les actionnaires peuvent
racheter les actions cédées à proportion de leur part dans le capital.

En revanche, les clauses de préemption ne s’appliquent pas en cas de succession ou en cas de


cession entre les membres de la famille proche, à savoir le conjoint, les parents et les
descendants.

C. La procédure de préemption

A la différence de la procédure de la mise en œuvre de la clause d’agrément qui est organisée


par la loi. La procédure du droit de préemption peut figurer dans les statuts de la société ou dans
un acte extrastatutaire, tout en accordant au cédant la garantie de sortie et la garantie de prix
juste. Les conséquences de la clause de préemption sont les mêmes qu’un refus d’agrément, car
il ne parait pas logique de donner moins de droit à l’actionnaire.

61
F, Bezard, la société anonyme, édition 1986, op.cit, page 423
62
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 672

31
La notification ; La clause de préemption prévoit généralement que l’actionnaire qui
envisage vendre ses actions doit notifier le projet de cession aux bénéficiaires de droit de
préemption (autres actionnaires, organes de gestion de la société).

Le cédant doit notifier également les modalités de cession qui s’envisagent notamment dans
le nombre des titres cédés, le prix, modalités de paiement, et l’identité du cessionnaire. Cette
dernière indication n’est pas d’une grande importance dans la clause de préemption, mais elle a
le mérite de révéler aux bénéficiaires de la clause de s’assurer de la réalité, le sérieux du projet
de paiement. Elle permet aussi au cédant de trouver un acheteur avant de mettre le bénéficiaire
en mesure d’exercer son droit, ce qui permet à ce dernier de ne se porter acheteur que si un tiers
acquéreur apparaisse63.

La réponse ; Ensuite, les bénéficiaires doivent se prononcer sur l’achat des actions dans le
délai prévu dans les statuts. En effet, le délai de l’exercice du droit de préemption ne doit pas être
aussi long qu’il conduit à empêcher l’actionnaire de céder ses actions.

Après l’écoulement du délai prévu, si les bénéficiaires ne réagissaient à la notification du


cédant, ils perdraient leur droit de préemption et le cédant deviendra libre de les céder à
l’acquéreur de son choix. Si les bénéficiaires exercent leur droit de préemption, le prix et les
modalités de cession se réaliseront tels qu’ils figurent dans la notification d projet de cession.

Le prix de cession ; Le plus souvent le droit de préemption s’exerce au même prix et dans les
mêmes conditions que ceux indiqués dans le projet de cession notifié, ainsi, le droit de
préemption doit réserver un juste prix au cédant.

Cependant en cas de désaccord ou si le cédant conteste le montant du prix de cession, celui-ci


pourrait donc être arbitré par un expert désigné par les parties ou à défaut par le juge de référé.

Le droit de repentir ; A la différence de la clause d’agrément. Le cédant ne bénéficie pas


d’un droit de repentir lui permettant de renoncer à la cession lorsque le bénéficiaire exerce son
droit de préemption. Néanmoins le droit de repentir peut jouer au profit du cédant lorsque le prix
est fixé par un expert.

63
Editions Francis lefebvre, Anne Charveriat cessions de parts et actions, 2014, page 36

32
Au cas où le cédant passe outre et cède ses actions sans notifier le projet de cession aux
bénéficiaires de la clause de préemption, le projet est réputé inopposables à ces bénéficiaires.

§3. La clause d’inaliénabilité temporaire

Les clauses d’inaliénabilité temporaires sont celles qui ont pour objet d’interdire à un ou
plusieurs actionnaires de céder ou transmettre leurs actions pendant une durée limitée dans le
temps64. Une telle clause permet de conforter l’affectio societatis et de faciliter la constitution
d’un noyau dur indispensable à la pérennité de la société, notamment lorsque il s‘agit d’une
société familiale65.

Aux termes de l’article 257 al 1 de la loi 17-95, les conventions entre actionnaires ou entre
actionnaires et des tiers portant sur la cession d’actions peuvent stipuler que cette cession ne
pourra avoir lieu qu’après un certain délai.

Ainsi, étant donné que les clauses d’inaliénabilité limitent le droit des actionnaires de céder
leurs actions, cette limitation doit se justifier par des motifs sérieux et raisonnables. Parmi ces
motif on trouve la volonté de maintenir la stabilité de l’actionnariat ou encore pour rassurer les
créanciers de la société ayant consentis un prêt à celle-ci et qui craignent la sortie de l’actionnaire
avant le remboursement de son prêt66.

Par ailleurs, l’article 429 al 1 de la loi 17-95 indique que, dans les sociétés anonymes
simplifiées, les statuts peuvent prévoir l’inaliénabilité des actions pour une durée qui n’excède
pas dix ans.

64
La clause d'inaliénabilité (lecoindesentrepreneurs.fr) consulté le 08/03/2022
65
Editions Francis lefebvre, Anne Charveriat cessions de parts et actions, 2014, page 42
66
Clause d'inaliénabilité (pacte-associes.fr) consulté le 09/03/2022

33
2ème PARTIE

La cession temporaire de la propriété des actions

La cession temporaire de la propriété des actions aura lieu principalement pour répondre
à certains besoins financiers s’envisageant notamment dans, l’initiation d’opérations d’arbitrage
ou de contrepartie. La constitution de garantie en donnant à l’acquéreur un droit de propriété sur
les actions lui permettant une garantie du remboursement de sa créance. Et la gestion des risques
de liquidité afin de garantir à l’acquéreur dans un marché à terme, la livraison des actions cédées
et pailler à une éventuelle défaillance du cédant.

La cession temporaire des actions n’est pas prévue par le législateur comme mécanisme
doté d’un ensemble de règles juridiques qui lui est propre. La réalisation de cette opération passe,
en effet, par différents contrats d’essence ou d’inspiration civiliste (chapitre1). Ces contrats sont-
ils adaptés aux exigences de la pratique en termes de sécurité juridique et efficacité
économique ? Rien n’est sur à la fois à l’égard du droit des sociétés et à l’égard du droit des
contrats, ce qui mène à s’interroger sur les limites de l’application des techniques civilistes de la
cession des actions (chapitre2).

34
Chapitre I : Les techniques civilistes de la cession temporaire des
actions

« La conception institutionnelle de la société anonyme a connu son heure de gloire avec la


loi française du 24 juillet 1966 grâce à un dispositif massif de règles impératives qui a été
globalement repris pas la loi 17-95 67»

Cependant, et à l’issue du siècle dernier, nous assistons à une sorte de réaction de rejet suite à
la multiplication des interventions législatives pour la contractualisation du droit des sociétés 68.
La contractualisation renvoie systématiquement à la liberté contractuelle et à l’application du
droit des contrats et plus particulièrement aux techniques civilistes de droit commun. Cette
réalité actuelle permet ainsi d’insérer des plages de liberté aussi bien dans les statuts que dans les
conventions extrastatutaires, elle est surtout marquée dans le droit de valeurs mobilières.

Dans la cession temporaire des actions, la pratique fait appel soit aux techniques
contractuelles de droit commun (section1) soit aux techniques modernes d’inspiration civiliste
(section2)

Section 1 : les techniques contractuelles de droit commun

Les techniques contractuelles de droit commun relatives à la cession d’actions se traduisent


par le recours des praticiens à des contrats, certains sont nommés (§1), d’autres dites innommés
(§2)

§1. Les contrats nommés

Parmi les contrats strictement issus du dahir des obligations et contrats, deux sont
fréquemment utilisés, le prêt d’actions de droit commun (A), et la vente à réméré d’actions (B).

67
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 692
68
P.marini, la modernisation du droit des sociétés, rapport remis au premier ministre 1996, la documentation
française 1996 ; op.cit

35
A. Le prêt d’actions de droit commun

Il est fréquent que les actionnaires, dans les sociétés anonymes, souhaitent prêter leurs
actions à une catégorie de personnes leur permettant d’exercer les fonctions qui nécessitent la
qualité d’actionnaire, il s’agit des futurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance.

A cet effet, le dahir des obligations et contrats distingue deux sortes de prêt. Le prêt à usage
ou commodat prévu par l’article 830 (1) et le prêt de consommation confiné dans l’article 856
(2) dudit dahir.

1- Le prêt à usage ou commodat

Aux termes de l’article 830 du dahir des obligations et contrats « le prêt à usage, ou
commodat, est un contrat par lequel l'une des parties remet une chose à l'autre partie pour s'en
servir pendant un temps, ou pour un usage déterminé, à charge par l'emprunteur de restituer la
chose même. Dans le commodat, le prêteur conserve la propriété et la possession juridique des
choses prêtées; l'emprunteur n'en a que l'usage ».

En effet, le prêt à usage ou commodat, s‘il a pour but de permettre au futur administrateur ou
à un membre de conseil de surveillance d’accéder à ses fonctions dirigeantes. Il demeure
néanmoins inadapté du fait que le caractère incorporel des actions empêche l’individualisation
des actions objet de prêt (a), ainsi que le prêt à usage est gratuit (b), et ne permet pas la
translation de la propriété (c).

a. Le caractère incorporel des actions objet de prêt

Si le prêt à usage semble au premier abord adapté aux actions, en raison de leur caractère de
non consomptibilité et qu’elles sont dans le commerce. Cet emploi s’avère difficile du fait de
leur caractère incorporel, chose qui pose problème de leur individualisation 69.

69
Beniost Delecourt, les contrats civils appliqués aux actions. Thèse Lille 2010, page 40

36
Par conséquent, le prêt à usage ne doit concerner que les biens corporels, dans ce sens
l’article 832 du dahir des obligations et contrats dispose que « le prêt à usage peut avoir pour
objet des choses mobilières ou immobilières ».

b. Le caractère gratuit du prêt à usage des actions

Le prêt à usage est considéré comme le contrat le plus utilisé dans des sociétés où les liens
sociaux et familiaux abondent, d’où il est appelé aussi contrat d’amis.

Le prêt à usage est par essence gratuit conformément à l’article 835 du dahir des obligations
et contrats, qui prévoit que « Le prêt à usage est essentiellement gratuit ». Cet article interdit
toute sorte de rémunération du préteur, le contrat de prêt à usage doit être envisagé dans l’intérêt
de l’emprunteur.

Or, si les actionnaires prêtent leurs actions à un administrateur ou à un membre de conseil de


surveillance, « ils n’entendent pas généralement abandonner tous les droits financiers à cet
emprunteur mais comptent au contraire de les réserver, en stipulant un intérêt ou une indemnité
prorata de la durée du contrat »70. Ces droits sont donc considérés comme la contrepartie du
préteur pour ses fonctions dans la société.

c. Le défaut de translation de propriété

Selon l’article 830 du dahir des obligations et contrats, les actionnaires s’ils prêtent leurs
actions, ils conservent la propriété et la possession juridique, l’emprunteur n’en a droit qu’à
l’usage.

Il en résulte que le prêt à usage reste inadapté aux actions, car l’emprunteur ne peut en aucun
cas devenir propriétaire des actions et partant, ne peut avoir la qualité d’actionnaire, qui exige
l’acquisition des actions à titre de propriétaire.

L’exclusion du prêt à usage ne touche que les actions nominatives, alors que les actions au
porteur sont admissibles.

70
H. huguet, droit des sociétés, 1999, op.cit page 6

37
En tenant compte de tous ces inconvénients du prêt à usage ou commodat par rapport à la
finalité poursuivie, le dahir des obligations et contrats prévoit également le prêt à consommation,
ce dernier est le seul type qui permet aux sociétés de bénéficier des services des personnes
n’ayant pas la qualité d’actionnaire.

2- Le prêt de consommation

Le prêt de consommation est défini par l’article 856 du dahir des obligations et contrats, aux
termes duquel « le prêt de consommation est un contrat par lequel l'une des parties remet à une
autre des choses qui se consomment par l'usage, ou d'autres choses mobilières, pour s'en servir,
à charge par l'emprunteur de lui en restituer autant de mêmes espèce et qualité, à l'expiration du
délai convenu ».

Le prêt de consommation, réservé en principe aux biens consomptibles, permet le transfert de


la propriété des actions71 à l’emprunteur dès la formation du contrat conformément à l’article 861
du dahir des obligations et contrats. Mais faut il que les actions soient fongibles et
interchangeables, chose qui s’oppose aux actions individualisées.

Cependant, « les numéros des titres ne privent pas les valeurs mobilières de leur
fongibilité »72. Il suffit pour l’emprunteur de se conformer aux exigences de l’article 865 du dahir
des obligations et contrats, qui l’obligent de restituer des actions semblable en quantité et qualité
à celle qu’il a reçu.

Aujourd’hui, le prêt de consommation est utilisé par les praticiens en vue de permettre au
futur administrateur ou à un membre de conseil de surveillance d’occuper les fonctions
dirigeantes dans la société73. A cet égard, l’article 44 de la loi 17-95 oblige chaque actionnaire à
être propriétaire d’un certain nombre d’actions de la société, déterminé par les statuts. La même
exigence est reprise par l’article 84 de même loi à l’égard des membres de conseil de
surveillance.

71
La jurisprudence française a validé le prêt de consommation qui porte sur les actions à conditions qu’ils soient
fongibles et non individualisées
72
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 694
73
Beniost Delecourt, les contrats civils appliqués aux actions. Thèse Lille 2010, page 43

38
Qu’en est-il si l’administrateur et le membre de conseil de surveillance, au jour de leur
nomination ne sont pas propriétaires de nombre d’actions exigé, ou s’ils cessent d’en être
propriétaire en cours de mandat ? Les articles 45 et 84 de la loi 17-95 prévoient respectivement
qu’ils sont réputés démissionnaires de plein droit à moins qu’elles régularisent leur situation dans
un délai de trois mois. A cet effet, les commissaires aux comptes sont tenus de veiller à
l’observation des dispositions relatives à la qualité d’actionnaire de l’administrateur ou du
membre de conseil de surveillance 74.

Lorsque le transfert de la propriété des actions s’opère, l’administrateur ou le membre de


conseil de surveillance jouit de tous les droits liés à la qualité d’actionnaire, à défaut, le prêt de
consommation sera requalifié de prêt à usage.

Quant au moment de la restitution des actions, le terme peut être stipulé dans le contrat ou
résulte de l’usage. Cependant, l’emprunteur peut les restituer avant l’échéance à condition de ne
pas porter préjudice à l’intérêt du prêteur. L’emprunteur n’en doit pas être contraint 75. Si aucun
terme n’a été établi, l’emprunteur doit payer à toute requête du prêteur, dans certains cas, le
tribunal fixe un délai raisonnable, en tenant compte des circonstances pour la restitution 76.

Rappelons enfin que les actions restituées au prêteur doivent avoir la même quantité, de la
même qualité, et de même catégorie que les actions prêtées. Cependant, l’emprunteur est en
mesure de conserver les dividendes qui résultent des actions lorsque le capital social augmente
par incorporation de réserves.

Toutefois, afin de permettre aux personnes non actionnaires d’accéder au poste


d’administrateur ou de membre de conseil de surveillance, le prêt de consommation de titres n’en
constitue pas la technique exclusive. La pratique s’oriente vers la technique de vente à réméré
qui présente moins de difficultés d’application.

74
Article 47 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes
75
Article 866 du dahir des obligations et contrats
76
Article 867 du dahir des obligations et contrats

39
B. La vente à réméré d’actions

La vente à réméré, régie par les articles 585 à 600 du dahir des obligations et contrats,
constitue également une technique de cession provisoire des actions au futur administrateur ou à
un membre de conseil de surveillance, en vue d’occuper les fonctions qui exigent la qualité
d’actionnaire. En outre, cette technique pose moins de problèmes d’application.

L’article 585 du dahir des obligations et contrats définit la vente à réméré ou vente avec
faculté de rachat comme « celle par laquelle l'acheteur s'oblige, après la vente parfaite, à
restituer la chose au vendeur contre remboursement du prix. La vente à réméré peut avoir pour
objet des choses mobilières ou des choses immobilières.

La vente à réméré des actions s’elle ne pose pas de difficultés d’application, reste néanmoins
soumise à certaines particularités se rapportant à sa nature juridique. En effet, La vente à réméré
des actions est considérée comme une vente à condition résolutoire potestative (1) cette
résolution est cependant limitée dans le temps, dans ce cadre, le dahir des obligations et contrats
prévoit un délai de trois ans (2)

1. La vente à réméré des actions conclue sous condition résolutoire potestative

La vente à réméré des actions s’analyse comme une vente sous condition résolutoire, la
résolution dépend assurément de la volonté du vendeur de sorte que la condition est purement
potestative. Et si l’article 112 du dahir des obligations et contrats, déclare nulle l’obligation,
lorsqu’elle dépend de la condition potestative. Le même article reprend que chacune des parties,
ou l'une d'elles, peut se réserver la faculté de déclarer, dans un délai déterminé, si elle entend
tenir le contrat ou le résilier.

La vente à réméré des actions à pour finalité de céder des titres à des personnes qui ne sont
pas actionnaires afin qu’elles puissent devenir administrateurs ou membres de conseil de
surveillance dans la société. Par conséquent, la vente à réméré s’analyse comme une forme de

40
prêt d’actions, ce qui permet au vendeur de récupérer ses actions et de contraindre
l’administrateur ou le membre de conseil d’administration de quitter son poste.

Si le vendeur opte pour la faculté de rachat qui entraine directement la démission de


l’acquéreur, cette opération ne s’interprète pas comme un événement indépendant de la volonté
des contractants. En effet, « la condition résolutoire répond précisément à la volonté d’une des
parties, a savoir le vendeur. C’est pourquoi la vente à réméré, emprunte plutôt la forme d’une
condition résolutoire potestative »77.

2. La limitation de la faculté de rachat dans le temps

La faculté de rachat doit s’exercer dans un délai de trois ans, la stipulation d’un délai plus
long ne détruit pas la faculté de rachat, elle est simplement réduite à ce terme 78 .

Cette limitation de la faculté de rachat ne semble pas poser de problèmes lorsque la vente
porte sur la cession provisoire des actions au futur administrateur ou à un membre de conseil de
surveillance pour l’exercice de ses fonctions, l’article 586 du dahir des obligations et contrats
permet la modulation de ce délai en l’adaptant à la durée du mandat social.

Si le vendeur, pendant la période de réméré cède sa faculté de rachat, il devra accomplir les
formalités de cession de créance conformément aux articles 194, 195 du dahir des obligations et
contrats. En revanche, lorsque le vendeur n’exerce pas sa faculté de rachat dans le terme établi, il
perd son droit79.

§2. Les contrats innomés : le portage

Pour éluder les problèmes liés au prêt de consommation, les praticiens peuvent recourir à la
technique du portage. En effet, « la convention de portage est celle par laquelle une personne, le
porteur, convient avec une autre personne, le donneur d’ordre, d’acquérir et conserver des

77
Perrot A. (1993), La vente à réméré de valeurs mobilières, RTD com. n°33, op.cit p. 15
78
Article 568 du dahir des obligations et contrats
79
Article 578 du dahir des obligations et contrats

41
actions pour le compte de ce dernier ou d’un tiers, à charge pour celui-ci de les lui racheter
dans un certain délai et moyennant un prix arrêté à l’avance »80.

En guise d’illustration, le porteur d’actions se trouve dans le même état que la mère porteuse
de son bébé, qui une fois grandi, n’appartient plus à sa maman.

Nous s’intéresserons aux mécanismes de la technique de portage (A) afin de déterminer son
champ d’application (B).

A. Les mécanismes de portage

Certes, le portage n’est pas une technique civiliste par nature. Mais il a le mérite de combiner
trois mécanismes civilistes, à savoir la vente d’actions (1), le mandat (2), et la double promesse
d’achat et de vente (3). Réunis, l’ensemble constitue un contrat qualifié de fiducie-gestion81.

1. La vente d’actions

La convention de portage opère la cession des actions pour le compte du porteur qui en
devient propriétaire. Toutefois, la cession n’est pas définitive car le cessionnaire s’engage à
recéder de nouveau les actions suivant les directives et les instructions du donneur d’ordre. La
propriété qui résulte du portage est donc une propriété incontestablement temporaire.

2. Le mandat

Les relations contractuelles naissant entre le porteur et le donneur d’ordre d’un coté, et entre
le porteur et la société dont les actions sont portées de l’autre coté, doivent être nécessairement
matérialisées d ans un contrat de mandat.

En effet, le contrat de mandat porte sur l’ensemble des services que le porteur droit rendre au
profit du donneur d’ordre. Et c’est à cet égard que le porteur accepte d’être actionnaire de la

80
Y. Guyon, op.cit, 2002, n°254 et G. Goffaux-Callebaut, Du contrat en droit des sociétés : essai sur le contrat
instrument d’adaptation du droit des sociétés, Ed. L’Harmattan, 2008, n°529 et s.
81
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 698

42
société. Dès lors, « le portage ne peut pas s’analyser comme une sureté, même s’il est souvent
utilisé à des fins de sureté »82.

3. La double promesse d’achat et de vente

Si la convention de portage porte sur le service rendu par le porteur, ce dernier n’accepte
d’acquérir les actions et de prendre temporairement une participation dans le capital de la société
qu’à condition d’être protégé contre l’éventuel risque social par l’engagement de rachat consenti
par donneur d’ordre. Ce dernier, de son coté, souhaite se protéger de ce que le porteur ne pourra
pas se maintenir dans la société si l’affaire s’avérait enrichissante. La promesse unilatérale de
rachat se complète donc par la promesse unilatérale de vente consentie par le porteur83.

Le porteur s’engage donc à recéder les actions objet de portage, et le donneur s’engage à les
racheter soit à son profit, soit au profit d’une tierce personne désignée par lui à cet effet, la
convention de portage précise le délai et le prix de l’opération. « Cette réciprocité des
engagements est de l’essence même du portage »84.

B. Le champ d’application de portage

Pour des raisons confidentielles, le donneur d’ordre peut faire appel à la convention de
portage qui lui permet de garder l’anonymat en vue de réaliser certaines opérations dites
délicates, c’est le cas par exemple de la prise de contrôle dans la société par acquisitions
d’actions, la prise de participation dans une société concurrente, ou le reclassement de titres. Le
donneur d’ordre craint donc que son identité fasse obstacle à la réalisation de l’opération
envisagée.

Ainsi, au lieu de recourir au nantissement des titres, la technique de portage est également
envisagée pour l’obtention d’un crédit par la cession temporaire des actions, ce qui justifie son
utilisation à des fins de sureté.

82
J. M. Mousseron, les devenirs des actionnaires de portage, Rev. Dr. Banc, 1991, 131. Op.cit
83
Caroline Leroy, le pacte d’actionnaires dans l’environnement sociétaire, thèse paris 2010, page 259
84
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 699

43
Le portage est utilisé aussi sous forme d’un montage financier85 entre la banque et son client.
La banque finance donc l’achat des actions et les porte ensuite pour le compte de son client
pendant une durée convenue, à l’issue de cette durée, la banque recède les actions au client.

En matière immobilière, le portage peut être utilisé à travers la déclaration de command. En


effet, lorsque l’immeuble saisi fait objet d’une vente aux enchères publiques, le dernier
enrichisseur (le commandé) qui est déclaré adjudicataire, aura la possibilité de déclarer qu’il a
agi pour le compte d’un tiers (le command), ce dernier, qui souhaite garder l’anonymat en
devient l’acquéreur réel.

Section 2 : Les techniques modernes d’inspiration civiliste

A cause du coût fiscal des contrats civils et les incertitudes affectant leur validité et leur
efficacité, les opérateurs sur le marché financier ont dû intervenir par le biais de nouvelles
techniques d’inspiration civiliste, afin de les substituer aux contrats civils. Ces techniques
peuvent être classées en deux catégories, l’opération de pension (§1) et le prêt de titres (§2)

§1. L’opération de pension

Aux termes de l’article 1 de la loi 24-01 relative aux opérations de pension « la pension et
l’opération par laquelle une personne morale, un fonds commun de placement, ou un fonds de
placements collectifs en titrisation, cède en pleine propriété à une autre personne morale, à un
fonds commun de placement ou à un fonds de placements collectifs en titrisation, moyennant un
prix convenu, des valeurs, titres ou effets. Le cédant et le cessionnaire s’engagent respectivement
et irrévocablement, le premier à reprendre les valeurs, titres ou effets, le second à les rétrocéder
à un prix et à une date convenus ».

L’opération de pension étant une opération de prêt ou d’emprunt, consiste dans la cession des
actions en plein propriété avec un engagement de rétrocession à un prix et à une date convenue.
Ces opérations sont effectuées de gré à gré86 entre les intervenants financiers.

85
Un montage financier représente l’ensemble des techniques permettant un prêt auprès de financeurs ou de
réaliser une optimisation d’un bilan patrimonial ou comptable.

44
L’opération de pension constitue un instrument essentiel du marché monétaire 87 notamment
pendant les périodes de crise dans la mesure où elle permet le refinancement des banques auprès
de la banque centrale88. En effet, c’est Bank Al Maghrib qui veille au bon fonctionnement du
marché des opérations de pension89 afin de réguler de marché monétaire.

Seront successivement étudier les personnes éligibles aux opérations de pension (A) les titres
prêtés (B) les organismes intervenants (C) la conclusion de l’opération (D) les modalités de
livraison (E) la rétrocession des titres (F) la résiliation des pensions (G) et le traitement
comptable et fiscal de la pension (H).

A. Les personnes éligibles aux opérations de pension

Selon l’article 1 de la loi 24-01 relatives aux opérations de pension, le contrat de pension doit
être conclu exclusivement entre les personnes morales, peu importe leur statut juridique.
Notamment les banques, les compagnies d’assurances, les fonds communs de placement, et les
fonds de placement collectif en titrisation. Toutefois, les personnes physiques sont interdites de
recourir à ce type de contrat. En pratique « la pension est le plus souvent utilisée par des
opérateurs sur les marchés financiers : les uns disposent d’importants portefeuilles de titres et
cherchent un financement ; les autres disposent de liquidités et cherchent à réaliser un
placement, à se procurer des titres dont la livraison est requise »90.

B. Les titres éligibles aux opérations de pension

Conformément à l’article 2 de la loi 24-01 relative aux opérations de pension, les titres
susceptibles d’être cédés ou mis en pension sont :

- 1° les valeurs mobilières inscrites à la cote de la Bourse des valeurs

86
Article 3 de Circulaire de Bank Al-Maghrib N° 17/G/05 du 24/08/05 relative au Marché des Opérations de
Pension
87
Le marché monétaire est un marché financier sur lequel les entreprises se refinancent à court terme
88
J. Normand, les opérations bancaires de pension, RTD com. Op.cit, 1966, 791
89
L’article 38 de la loi 24-01 relative aux opérations de pension
90
Beniost Delecourt, les contrats civils appliqués aux actions. Thèse Lille 2010, page 323

45
- 2° les titres de créances négociables définis par la loi n° 35-94 relative à certains titres de
créances négociables
- 3° les valeurs émises par le Trésor
- 4° les effets privés
- 5° les titres émis par un fonds de placement collectifs en titrisation

Cependant, le même article reprend que « la pension ne peut porter que sur les valeurs, titres
ou effets qui ne sont pas susceptibles de faire l’objet, pendant toute la durée de la pension, du
paiement d’un revenu soumis à la retenue à la source ».

C. Les intermédiaires en opération de pension

A la lecture de l’article 3 al 1 de la loi 24-01 relative aux opérations de pension, il résulte que
« Les opérations de pension ne peuvent être effectuées que par l’intermédiaire d’une banque ou
de tout autre organisme habilité à cet effet par l’administration, après avis de Bank Al
Maghrib ». La liste de ces banques et organismes habilités est dressée et publiée par Bank Al
Maghrib91.

Pour qu’ils puissent intervenir dans les opérations de pension, ces intermédiaires doivent
justifier de moyens humains, matériels et organisationnels 92 . Ainsi qu’ils sont tenus de
« s’assurer de la régularité et la conformité des conventions cadre signée entre les parties, aux
dispositions du modèle type de la convention cadre approuvé par le Ministre chargé des
Finances »93.

D. La conclusion des opérations de pension

Les opérations de pension doivent faire l’objet d’une « convention cadre » conclue par écrit
entre les parties contractantes et qui doit se conformer aux exigences du modèle type élaboré par

91
Article 7 de Circulaire de Bank Al-Maghrib N° 17/G/05 du 24/08/05 relative au Marché des Opérations de
Pension
92
Article 3 al 2 de la loi 24-01 relative aux opérations de pension
93
Article 6 de Circulaire de Bank Al-Maghrib N° 17/G/05 du 24/08/05 relative au Marché des Opérations de
Pension

46
Bank Al Maghrib et approuvé par le ministère de finance 94. A défaut, la convention sera frappée
de nullité. Les modèles les plus répandus desquels les opérateurs s’inspirent sont la convention
cadre (fédération bancaire française) et la convention cadre (association française des trésoriers
de banque).

Par ailleurs, lors de la conclusion de la convention cadre, la loi 24-01 relative aux opérations
de pension oblige les parties contractantes de se conformer aux déclarations et attestations
énumérées dans son article 5 95.

Cependant, toute pension ou l’un des droits ou obligations qui en découlent peuvent faire l’objet
d’une cession ou transfert pourvu qu’ils soient consentis par l’autre partie, et déclarés à Bank Al
Maghrib96.

E. Les modalités de livraison

L’opération de pension, à l’instar de tout contrat de cession d’actions entraine le transfert de


propriété des titres. Par conséquent, la partie cédante se trouve dans l’obligation de livrer les
titres qui deviennent propriété du cessionnaire. Dès que la livraison s’opère, La pension devient
opposable aux tiers97.

94
Article 4 al 1 de la loi 24-01 relative aux opérations de pension
95
« Chaque partie déclare et atteste lors de la conclusion de la convention cadre établie entre elles :
- qu’elle est régulièrement constituée et qu’elle exerce ses activités conformément aux lois et règlements en
vigueur, aux statuts et autres documents qui lui sont applicables
- qu’elle a tout pouvoir et capacité de conclure la convention cadre et toute pension s’y rapportant et que celles-ci
ont été valablement autorisées par ses organes de direction ou par tout autre organe compétent
- que la conclusion et l’exécution de la convention cadre ainsi que toute pension s’y rapportant ne contreviennent à
aucune disposition des lois et règlements en vigueur, des statuts ou autres documents qui sont applicables à cette
partie
- que toutes les autorisations éventuellement nécessaires à la conclusion et à l’exécution de la convention cadre et
toute pension s’y rapportant ont été obtenues et demeurent valables
- qu’aucun cas de défaillance prévu par l’article 19 de la présente loi n’existe en ce qui la concerne
- qu’elle dispose des connaissances et de l’expérience nécessaires pour évaluer les avantages et les risques encourus
au titre de chaque pension et qu’elle ne s’en est pas remise pour cela à l’autre partie
- que la convention cadre et les pensions conclues en vertu de la présente loi constituent un ensemble de droits et
obligations ayant force obligatoire à son encontre en toutes leurs dispositions, et
- qu’il n’existe pas à son encontre d’action ou de procédure arbitrale ou judiciaire, ou de mesure administrative ou
autre dont il pourrait résulter une détérioration manifeste et substantielle de son activité, de son patrimoine ou de sa
situation financière ou qui pourrait affecter la validité ou la bonne exécution de la convention cadre et toute pension
s’y rapportant ».
96
Article 4 de la loi 24-01 relative aux opérations de pension
97
Article 9 de la loi 24-01 relative aux opérations de pension

47
La livraison s’effectue à la date fixée par les parties et de façon à ce que le cessionnaire
jouisse de la pleine propriété des titres cédés. Par ailleurs « les transferts de valeurs mobilières
inscrites à la cote de la Bourse des valeurs résultant de cessions temporaires de titres, ne
nécessitent pas de déclaration au niveau de la Bourse des valeurs ; le transfert de propriété
n’étant réalisé qu’à titre temporaire »98.

Les modalités de livraison sont prévues par l’article 10 de la loi 24-01 relative aux opérations
de pension qui dispose que « Les effets privés créés matériellement sont dits livrés si, au moment
de la mise en pension, ils sont effectivement et physiquement délivrés au cessionnaire ou à son
mandataire. S’agissant d’effets à ordre, ils doivent être préalablement endossés conformément à
la législation en vigueur. Les valeurs, titres ou effets dématérialisés et circulant par virement de
compte à compte, sont dits livrés s’ils font l’objet, au moment de la mise en pension, d’une
inscription à un compte ouvert au nom du cessionnaire chez un intermédiaire habilité
conformément à la législation en vigueur ou, le cas échéant, chez la personne morale
émettrice ».

A défaut d’observer les modalités de livraison, la pension ne pourra pas être opposable aux
tiers. Par conséquent, en cas de procédure collective, les créanciers du cédant pourront saisir les
actions que le cessionnaire a achetées ainsi que la somme d’argent qu’il a remise en paiement 99.

F. La rétrocession des actions

A la date convenue pour la rétrocession, le cessionnaire doit rétrocéder les actions moyennant
le prix stipulé que le cédant doit payer.

Si les parties ne respectent pas l’obligation de rétrocession, le contrat de pension serait


transformé en contrat de vente à réméré. Chose qui entraine la déchéance des avantages fiscaux
liés à la pension100.

98
Article 6 de la note de présentation de la circulaire du CDVM n°01/07 relative aux transferts de titres cotés et
d’actions ou parts d’OPCVM
99
AUCKENTHALER (F.), Pension, J-Cl. Banque–Crédit–Bourse, 1994, fascicule n° 2123, n° 39, op.cit, p. 6.
100
Beniost Delecourt, les contrats civils appliqués aux actions. Thèse Lille 2010, page 327

48
Les titres demeurent acquis au cessionnaire si le cédant manque a son obligation de payer le
prix de rétrocession, et le cédant garde le prix de cession si le cessionnaire ne rétrocède pas les
titres, la partie non défaillante conserve les titres ou l’argent et dispose d’un droit de recours à
l’encontre de la partie défaillante101. En cas de retard dans le paiement du prix de rétrocession, le
cédant verse les intérêts de retard, si le cédant verse le prix et le cessionnaire ne rétrocède pas les
titres, celui-ci en plus de rétrocession des titres, verse les intérêts de retard102.

G. La résiliation des pensions

La résiliation de pension peut intervenir, soit en cas de défaillance de l’une des parties, soit
en cas de survenance d circonstances nouvelles pour l’une des parties.

Les cas de défaillance de l’une des parties sont énumérés par l’article 19 de la loi 24-01
relative aux opérations de pension, qui s’envisagent principalement dans l’inexécution par l’une
des parties des dispositions de la loi régissant les opérations de pension. Par conséquent, l’autre
partie victime de la défaillance aura le droit de suspendre l’exécution de ses obligations de
paiement et de livraison conformément à l’article 20 de la loi 24-01 relative aux opérations de
pension.

Les cas de survenance de circonstances nouvelles pour l’une des parties résultent, de
l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou d’une nouvelle réglementation ou leur modification qui
mettent en question la pension, elles résultent également de toute fusion ou scission affectant la
partie concernée ou toute cession d’actif entrainant une détérioration de son activité, de son
patrimoine ou de sa situation financière 103.

Ainsi, l’article 22 de la loi 24-01 relative aux opérations de pension dispose que lorsque l’une
des parties fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, la
convention cadre peut stipuler la résiliation de plein droit de l’opération de pension.

101
Article 21 de la loi 24-01 relative aux opérations de pension
102
Article 14 de la loi 24-01 relative aux opérations de pension
103
Article 23 de la loi 24-01 relative aux opérations de pension

49
§2. Le prêt des titres

Le prêt de titre se définit par l’article 1 de la loi 45-12 relative au prêt des titres comme « un
contrat par lequel une partie remet en pleine propriété à une autre partie, moyennant une
rémunération convenue, des titres et par lequel l’emprunteur s’engage irrévocablement à
restituer les titres et à verser la rémunération au prêteur à une date convenue entre les deux
parties ».

Les opérateurs sur le marché financier à terme ont donc la possibilité de couvrir leurs
engagements pour une durée fixe par l’emprunt des titres. C’est à cet égard que la loi 45-12
prévoit une réglementation stricte pour le prêt de titres104.

Seront successivement étudiés les personnes éligibles à l’emprunt (A) les titres prêtés (B) la
durée du prêt (C) la conclusion du contrat de prêt (D) les garanties de la restitution des titres (E)
et la résiliation du contrat de prêt (G)

A. Les personnes éligibles à l’emprunt

Les personnes pouvant emprunter les titres sont listées par l’article 2 de la loi 45-12 relative
au prêt des titres et qui sont « les personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés, les
organismes de placement collectif en valeurs mobilières, et les organismes de placement en
capital risque ».

B. Les titres prêtés

Les titres éligibles aux opérations de prêt s’envisagent dans :

- Les valeurs mobilières inscrites à la cote de bourse des valeurs


- Les titres de créances négociables
- Les valeurs émises par le trésor105.

104
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 707
105
Article 4 de la loi 45-12 relative au prêt des titres

50
Cependant, « le prêt de titre ne peut porter que sur les titres qui ne sont pas susceptibles de
faire l’objet, pendant toute la durée du prêt, du paiement d’un revenu soumis à la retenue à la
source, d’un amortissement, d’un tirage au sort pouvant conduire au remboursement, d’un
échange ou d’une conversion prévus par le contrat d’émission 106 ».

Concernant les titres fongibles, le prêt de titres est assimilé à un prêt de consommation
réglementé par les articles 856 à 869 du dahir des obligations et contrats.

Le prêt de titre se trouve donc régi en même temps par les dispositions du dahir des
obligations et contrats sur le prêt de consommation et par les dispositions de la loi 45-12 relative
au prêt des titres, étant précisé que leur inobservation entraine la nullité en plein droit.

C. Les organismes intermédiaires

Les prêts de titres doivent être effectués par l’intermédiaire des banques ou tout autre
organisme habilité par le ministère de finance, après avis de l’autorité marocaine du marché des
capitaux.

Pour qu’ils puissent intervenir dans les opérations de pension, ces intermédiaires doivent
justifier de moyens humains, matériels et organisationnels 107.

D. La durée du prêt

Le prêt des titres est fixé dans un délai qui ne peut excéder un an. Ainsi, les parties peuvent
d’un commun accord modifier la durée initialement convenue à conditions d’indiquer les
événements entrainant le droit à modification, la durée de préavis et l’identité financière
éventuelle108.

En cas de retard dans la remise des titres par le prêteur, celui-ci est tenu de verser les intérêts
de retard. Il en est de même pour l’emprunteur qui restitue les titres avec retard109. Ces intérêts

106
Article 6 de la loi 45-12 relative au prêt des titres
107
Article 6 de la loi 45-12 relative au prêt des titres
108
Article 13 de la loi 45-12 relative au prêt des titres
109
Article 14 de la loi 45-12 relative au prêt des titres

51
de retard sont dû de plein droit, sans délai déterminé, et sans mis en demeure de la partie
défaillante110.

E. La conclusion du contrat de prêt

Les contrats de titres prêtés font l’objet d’une convention cadre conclue par écrit
conformément au modèle type élaboré par l’autorité marocaine du marché de capitaux et
approuvé par le ministère de finance. A défaut, la convention sera frappée de nullité. Les
modèles type les plus souvent utilisés dans la pratique sont la convention cadre (association
française des professionnels des titres) et la convention cadre (Overseas Securities Lending
Agreement).

Cependant, tout prêt de titres ou l’un des droits ou obligations qui en découlent peuvent faire
l’objet d’une cession ou transfert pourvu qu’ils soient consentis par l’autre partie, et notifiés à
l’autorité marocaine du marché des capitaux111.

Par ailleurs, lors de la conclusion de la convention cadre, la loi 45-12 relative au prêt de titres
oblige les parties contractantes de se conformer aux déclarations et attestations énumérées dans
son article 10 qui reprend identiquement les déclarations et attestations listées dans l’article 5 de
la loi 24-01 relative aux opérations de pension susmentionné.

F. Les garanties de la restitution des titres

Afin que la restitution des titres soit garantie, la convention cadre doit stipuler la remise
d’espèce ou de titres. C’est ainsi que en cas de défaillance de l’une des parties, l’autre partie
devient de plein droit propriétaire des espèces ou des titres remis. En outre, les parties ont la
possibilité de convenir des remises supplémentaire en plein propriété des espèces ou des titres
en vue de tenir compte de l’évolution de la valeur des titres prêtés112.

110
Article 15 de la loi 45-12 relative au prêt des titres
111
Article 9 de la loi 45-12 relative au prêt des titres
112
Article 12 de la loi 45-12 relative au prêt des titres

52
G. La résiliation du contrat de prêt

La résiliation de l’opération de prêt de titre peut intervenir, soit en cas de défaillance de l’une
des parties, soit en cas de circonstances nouvelles.

Les cas de défaillance de l’une des parties sont énumérés par l’article 19 de la loi 45-12 sur
le prêt des titres, il s’agit principalement de l’inexécution par l’une des parties des dispositions de
la loi régissant le prêt des titres113. Par conséquent, la partie non défaillante aura le droit de
suspendre l’exécution de ses obligations de paiement et de livraison conformément à l’article 20
de la loi 45-12 relative au prêt des titres.

Les cas de survenance de circonstances nouvelles pour l’une des parties résultent, de
l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou d’une nouvelle réglementation ou leur modification qui
mettent en question la l’opération de prêt des titres, elles résultent également de toute fusion ou
scission affectant la partie concernée ou toute cession d’actif entrainant une détérioration de son
activité, de son patrimoine ou de sa situation financière 114.

113
Article 19 de la loi 45-12 relative au prêt des titres
114
Article 21 de la loi 45-12 relative au prêt des titres

53
Chapitre 2 : les limites à l’application des techniques civilistes de la cession
temporaire des actions

La validité des techniques civilistes de la cession temporaire des actions se voient heurter
principalement à deux difficultés, un transfert temporaire de la propriété des actions qui en
nécessite la restitution, et un acquéreur des actions qui n’acquiert pas la qualité d’associé. Il
importe dès lors d’apprécier ces restrictions au regard des règles du droit des sociétés (section1)
et du droit civil (section2).

Section 1 : Les limites au regard du droit des sociétés

Le recours aux techniques civilistes pour la cession temporaire des actions entraine de
nombreuses difficultés quant à la qualité d’associé (§1) à la mise en œuvre de la clause
d’agrément (§2) à la validité de la convention de vote (§3) à la légitimité des opérations de prêt
en période d’assemblée générale (§4) et à l’annulation du droit préférentiel de la souscription
(§5)

§1. Les difficultés relatives à la qualité d’associé

D’abord, toute société anonyme suppose que ses actionnaires partagent les bénéfices qu’elle
réalise, et contribuent aux pertes qu’elle subit. « La part de chaque associé dans les bénéfices et
dans les pertes est en proportion de sa mise 115». La qualité d’actionnaire suppose donc l’élément
de participer au gain et de contribuer aux pertes de la société.

Dans le contrat de cession définitive des actions, il est normal que le cessionnaire porte son
intérêt aux bénéfices et aux pertes de la société car il est devenu son actionnaire. Mais, lorsque le
contrat a pour objet la cession temporaire les actions, le porteur ou l’emprunteur ne s’intéressent
pas aux gains dont le prêteur ou le donneur d’ordre peuvent bénéficier, et ne se soucient non plus
des risques des pertes. Les actions cédées temporairement seront restituées avec leur bénéfice et
leur perte. Par conséquent, le porteur ou l’emprunteur se trouve dépourvu de la volonté de
participer aux résultats de l’entreprise, chose qui est en contradiction avec la qualité d’associé.

115
Article 1033 du dahir des obligations et contrats

54
Par ailleurs, l’affectio societatis constitue également un élément fondamental que requiert la
qualité d’associé étant donné qu’elle est à la source de la société. En effet, la notion affectio
societatis suppose la volonté commune de l’ensemble des associés de collaborer d’une manière
effective à la réalisation de l’objet social de l’entreprise. Certains s’accordent à dire que son
absence est une cause de la nullité de l’entreprise. « Les juges du fond ont un pouvoir souverain
d’appréciation pour déterminer si les éléments constitutifs de l’affectio societatis se trouvent
réunis 116». Ainsi la jurisprudence française est plus exigeante quant à l’existence de cet esprit
sociétaire.

Toujours, il est que la cession temporaire des actions se voie heurter, en matière de droit des
sociétés, à l’absence de l’affectio societatis, le porteur ou l’emprunteur n’est pas animé de la
volonté et de l’intention de collaborer au succès de l’entreprise dans la mesure ou il n’est que un
associé de passage ou un associé à éclipse117, et qui n’est pas voué à rester dans la société lorsque
son rôle se termine, il n’est que un sleeping partner indifférant de la vie sociale de l’entreprise
est donc dépouillé de tout affectio societatis. En conséquence, il n’aura pas un véritable statut
d’associé.

§2. Les difficultés relatives à la mise en œuvre de la clause d’agrément

Puisque les techniques civilistes de la cession temporaire des actions, notamment le prêt, le
portage et la vente à réméré entrainent un transfert de propriété, il y a lieu d’appliquer la clause
d’agrément si le statut de la société la prévoit, la demande d’agrément est présentée au conseil
d’administration (le conseil de surveillance le cas échéant), plus rarement l’assemblée118 qui sont
habilités de décider de l’agrément. La procédure l’agrément s’observe ici en deux phases. La
phase de la cession des actions à l’emprunteur, au porteur ou à l’acquéreur à réméré, et la phase
de la récupération des actions par le préteur. Cette procédure pouvant faire échouer l’opération
de la cession temporaire des actions pourrait ainsi être levée par plusieurs manières.

116
TPI Casablanca , 19 Novembre 1931, GTM 1932, 12. Op.cit
117
Y. Guyon, traité des contrats, les sociétés aménagements statutaires et conventions entre associés, LGDJ 1997.
Op,cit , n° 267
118
B. Jadad, qui décide de l’agrément à la cession d’actions, JCP E 2001, 1946

55
D’abord, la mise en œuvre de la procédure d’agrément n’est pas autorisée dans les sociétés
cotées, conformément à l’article 255 de la loi 17-95 qui, déclare « nulle toute clause des statuts
d’une société dont les titres sont inscrits à la cote de la bourse des valeurs qui soumet la
négociabilité des actions à l’agrément de la société ». Or, la majorité des opérations de transfert
temporaire de propriété se rattachent aux actions inscrites à la cote de la bourse.

Ensuite, le prêteur, le vendeur à réméré ou le donneur d’ordre peut échapper à la procédure


d’agrément par le biais de la conservation d’une action dans la société en vue de pouvoir céder
temporairement ses actions en toute liberté.

Enfin, dans certains cas, les statuts types stipulent généralement la libre cessibilité des
actions au profit des administrateurs ou des membres de conseil de surveillance pour qu’ils
occupent les fonctions dirigeantes dans la société.

§3. Les difficultés relatives à la validité de la convention de vote

L’acte de cession temporaire des actions comprend généralement une clause sur le droit de
vote lié aux actions cédées et qui confère au prêteur ou au donneur d’ordre le pouvoir d’orienter
le vote119. En principe, le droit de vote s’exerce dans la société en toute liberté par son titulaire
qui est l’actionnaire, c’est un droit fondamental qui permet la participation aux décisions
collectives, toute clause ayant pour objet de porter atteinte à la liberté de l’exercice de ce droit est
nulle120.

Si l’article 144 de la loi 17-95 permet les conventions de vote qui ne sont pas contraire à
l’intérêt de la société, l’article 387 du même loi condamne d’une peine d’emprisonnement d’un à
six mois et/ou d’une amende de 8 000 à 40 000 DH ceux qui se seront fait accorder, garantir, ou
promettre des avantages pour voter dans un certain sens ou pour s’empêcher de voter.

La convention de vote qui se rattache au prêt de titres ou au portage, s’établit habituellement


de façon qu’elle prive l’emprunteur ou le porteur de toute liberté, ceux-ci peuvent se voir leur

119
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 713
120
A. constantin, réflexions sur la validité des conventions de vote, mélanges J. Gherstin, LGDJ 2001 op,cit 253

56
responsabilité engagée vis-à-vis le prêteur ou le donneur d’ordre si ‘ils n’observent pas les règles
de vote qui leur sont imposées.

Si l’emprunteur ou le porteur ne se conforment pas aux directives donnés par le prêteur ou le


donneur d’ordre, la validité de la convention de vote est douteuse. Rappelons enfin que la
convention de vote n’est valide qu’à conditions de ne pas être contraire à l’intérêt de la société et
non pas à l’intérêt d’un seul actionnaire.

§4. Les difficultés relatives à la légitimité des opérations de prêt des actions en période
d’assemblée générale

Lors de la période d’assemblée générale des actionnaires, les opérations de prêt des actions
posent question quant à leur légitimité car les droits de vote liés aux actions empruntées peuvent
appuyer les titres ponctuels afin d’influencer la marche des assemblée ou bien d’obtenir le
contrôle de la société, sans pour autant courir le risque capitalistique et en toute opacité envers
les autres associés et le marché 121.

Cette contrainte peut être rencontrée dans toutes les opérations de cession temporaire
d’actions, que ce soient celles régies par le dahir des obligations et contrats (vente à réméré, prêt
de consommation) ou celles prévues par des textes spéciaux (pension, prêt de titre) 122.

La contestation de la légitimité de vote découlant des opérations de prêt des actions par les
moyens classiques tel que les déclarations de franchissement de seuil ou l’abus de droit de vote
est difficile. La solution qui parait la plus adéquate est d’exiger que les actions prêtées soient
rendues au préteur lors de période des assemblées.

A cet égard, l’article 34 de la loi 45-12 dispose que « en cas de convocation à une assemblée
donnant lieu à l’exercice des droits de vote des titulaires des titres prêtés et sauf accord
particulier dans la convention cadre, le prêteur peut avancer la date de restitution des titres
pour exercer les droits en cause ». Pour le faire, le prêteur doit notifier la restitution anticipée

121
Rapport de l’autorité des marchés financiers sur les opérations de prêt emprunt de titres en période d’assemblée
générale d’actionnaire, janvier 2008
122
Z. Ramid, Sur l’activisme du cessionnaire temporaire et le risque de déstabilisation de l’ordre sociétaire, cf,
op,cit. 87

57
dans les deux jours ouvrables en plus les délais habituels de livraison avant la tenue de
l’assemblée générale d’actionnaire.

§5. Les difficultés relatives à la suppression et à la renonciation au droit préférentiel de


la souscription

Le droit préférentiel de souscription est un droit lié à la qualité d’associé, par ce droit
l’associé peut souscrire, par préférence aux tiers, des actions nouvelles à l’occasion de toute
augmentation du capital en numéraire, ce droit préférentiel est proportionnel au nombre d’actions
que l’associé détient dans la société123.

Certaines opérations indispensables à la continuité et au développement de l’entreprise


peuvent être entravées par l’existence des droits préférentiels de souscription. En outre, le
renforcement de position d’un actionnaire de préférence est parfois dans l’intérêt de la société.
C’est la raison pour laquelle le législateur autorise la suppression et la renonciation totale ou
partielle au droit préférentiel à travers le vote de l’assemblée général extraordinaire 124 . Ainsi
l’actionnaire à le pouvoir de renoncer à titre individuel à son droit préférentiel.

Lorsque la suppression ou la renonciation concerne le porteur, « les actionnaires seront


induits en erreur sur la véritable identité du bénéficiaire, ils peuvent contester la décision de
suppression ou leur renonciation pour défaut de sincérité de l’information qui leur a été donnée
sur la véritable identité du bénéficiaire 125».

Section 2 : Les limites au regard du droit des contrats

S’agissant du droit des contrats, l’application des techniques civilistes de cession temporaire
des actions soulève de difficultés par rapport à la validité du portage (§1) au pacte commissoire
(§2) à la consomptibilité des actions (§3) et à l’efficacité des promesses de vente (§4)

123
Article 189 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes
124
Article 192 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes
125
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 715

58
§1. La remise en cause de la validité du portage

Le portage réalise une simulation car le porteur se considère par les tiers et la société
émettrice comme un actionnaire, alors qu’en réalité, il n’est qu’un porteur des actions du donneur
d’ordre qui est le véritable actionnaire, c’est ce dernier qui exerce les droits attachés aux actions
portées par l’interposition du porteur.

Le droit de contrats frappe de nullité les conventions qui réalisent une simulation dans un but
d’accomplir une opération illicite ou frauduleuse. Le portage valide se distingue du portage
frauduleux par la finalité poursuivie, il crée soit une apparence positive ou négative.

Quant à l’apparence négative, la finalité poursuivie c’est de dissimuler le donneur d’ordre


aux yeux des tiers. Dans ce cas « elle apparait bien comme une alternative à une convention de
126
prête-nom permettant de réaliser une véritable simulation ». Par conséquent, si cette
simulation à pour objectif la réalisation frauduleuse, la convention sera frappée de nullité en vue
de ne prendre en considération que la réalité.

Dans l’apparence positive, la finalité est licite. En conséquence, le portage l’est aussi. Cette
règle découle du principe de neutralité de simulation en vertu duquel « ne rend pas nul ce qui est
valable, mais ne rend pas non plus valable ce qui est nul 127 ». La validité du contrat est donc
déterminée par sa cause. « Il faut que le portage ait une cause licite, c’est-à-dire ne soit pas
conclu en vue de tourner une réglementation d’ordre public, notamment une interdiction
d’acquérir qui atteindrait le donneur d’ordre128 ».

Dans le même sens, l’article 142 du code général des impôts, considère nulle toute
convention dont la finalité poursuivie est de dissimuler partie du prix d’une vente immeuble,
d’un fonds de commerce, d’une cession de clientèle, d’une cession de droit de bail. Ainsi, les
tribunaux ne tolèrent pas ce genre de convention en leur prévoyant des sanctions.

126
f. GUYON (Y.), Traité des contrats, Les sociétés, Aménagements statutaires et conventions entre associés,
L.G.D.J., 4ème éd., 1999, n° 256, op.cit, page. 319.
127
MALAURIE (Ph.) et AYNES (L.), Cours de droit civil, Tome VI, Les obligations, Cujas, 10ème éd., 1999, n°
626, op.cit, page. 363.
128
GUYON (Y.), Traité des contrats, Les sociétés, Aménagements statutaires et conventions entre associés,
L.G.D.J., 4ème éd., 1999, n° 256, p. 320.

59
Le recours à la fraude dans le portage peut être fait en vue de porter préjudice aux droits des
actionnaires de la société émettrice à travers l’intervention du porteur pour éviter par exemple un
refus d’agrément, ou par l’exercice du droit de préemption si l’identité du donneur d’ordre était
révélée129.

La fraude peut également être utilisée en vue de contourner les dispositions de l’article 750
du code de commerce qui prévoit la déchéance commerciale emportant l’interdiction de
l’exercice des fonctions dirigeantes dans la société. Si le donneur d’ordre est frappé de cette
déchéance commerciale, le recours au portage constitue une infraction.

§2. La prohibition du pacte commissoire130

Les techniques civilistes de cession temporaire des actions peuvent dissimuler un prêt sur
gage afin de contourner la prohibition du pacte commissoire131. Sachant que l’appropriation du
gage en cas de non paiement doit se faire selon les formalités prescrites par la loi sous peine de
nullité132.

Le portage lorsqu’il couvre une garantie, il sera assimilable à une apparence négative dont il
crée dans la mesure où la convention dissimule un prêt d’argent garanti par les actions portées.
En conséquence, le portage constitue bel est bien un pacte commissoire. La cour de cassation
française affirma a cet égard que « en l’espèce, le portage litigieux a été annulé sur le fondement
de la prohibition des pactes commissoires133 ».

La vente à réméré, lorsqu’elle constitue un nantissement, les effets du contrat entre les parties
seront régis par les dispositions relatives au gage, conformément à l’article 600 du dahir des
obligations et contrats. Ainsi, la jurisprudence estime qu’en prohibant le pacte commissoire, le

129
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 716
130
Le pacte commissoire est une clause de gage, par laquelle le créancier deviendra conventionnellement
propriétaire de la chose gagée, si le débiteur ne paie pas au terme fixé
131
B. treille, les conventions de portage, rev. Soc. Op.cit 1997, 79
132
Article 1226 du dahir des obligations et contrats
133
Cass. com., 13 janvier 1965. Cf. MARTIN (D. R.), J.C.P.éd. G. 1966, II, 14469.

60
législateur a voulu interdire au créancier l’appropriation, sous l’apparence de vente à réméré, du
bien donné en nantissement par la seule faute de paiement au terme fixe 134.

Ainsi, l’opération de pension n’est pas épargnée de la prohibition du pacte d’actionnaire que
le législateur est intervenu par le biais de l’article 21 de la loi 24-01 sur les opérations de pension
pour l’exclure.

Enfin, la même règle s’applique aux opérations de prêt de titres conformément à l’article 24
de la loi 45-12 relative au prêt des titres d’où le risque de requalification est plus grand que le
législateur a dû intervenu.

§3. Le caractère consomptible des actions

Les actions ne peuvent faire l’objet de prêt de consommation que s’ils sont consomptibles.
Ainsi, Les actions ne sont pas des biens consomptibles naturellement ou civilement, étant donné
que « les choses qui se consomment par l’usage sont celles que l’on ne peut employer à l’usage
auquel elles sont naturellement destinées sans les détruire matériellement (consommation
naturelle) ou sans les faire sortir du patrimoine de celui auquel elles appartiennent
(consommation civile) 135 ».

Si en principe, les actions ne sont pas consomptibles naturellement ou civilement, elles


peuvent cependant revêtir ce caractère artificiellement par la volonté des parties. Dès lors, le
prêt de consommation pourrait donc porter sur les actions 136 . Dans ce cas, on dit que la
consomptibilité des actions est d’origine conventionnelle, les parties doivent stipuler qu’ils
entendent conférer aux actions le caractère consomptible et partant, l’emprunteur se voit
reconnaitre le droit d’en disposer librement, voire les consommer.

La cour de cassation française a validé le prêt de consommation qui porte sur les actions,
sous réserve que les titres soient fongibles et non individualisées 137 .

134
Rabat 3 décembre 1948, RACAR T, XV 256
135
AUBRY (C.) et RAU (C.), Droit civil français, Tome II, par ESMEIN (P.), Librairies Techniques, 7ème éd.,
1961, op.cit page. 58.
136
Beniost Delecourt, les contrats civils appliqués aux actions. Thèse Lille 2010, page 52
137
Cass, civ 8 mai 1950, JCP G 1950, II, n° 5602

61
Au Maroc, avec la promulgation de la loi 45-12 relative au prêt de titres, l’opération de prêt
de titres devient soumise aux dispositions du dahir des obligations et contrats sur le prêt de
consommation. Toutefois, le prêt des titres qui n’est pas régi par la loi 45-12 ouvre encore débat.

§4. L’inefficacité des promesses de vente

L’opération de portage se compose de promesse d’achat d’actions assortie d’une promesse de


vente dans les mêmes conditions, cette technique de double promesse pose de difficultés.

D’un coté, elle évoque systématiquement le droit de vente et emporte la mise en œuvre des
ces règles particulières liées au contrat, notamment la possibilité pour l’acquéreur de faire valoir
la garantie des vices cachés. En conséquence, le donneur d’ordre intente une action en justice
contre le porteur lorsque les actions portées sont dépréciées.

D’autre coté, la double promesse d’achat et de vente simultanément conclues dans les mêmes
conditions rend la vente parfaite conformément aux dispositions de l’article 488 du dahir des
obligations et contrats. « Si ce raisonnement doit prévaloir, la propriété des titres serait
transférée au donneur d’ordre, non pas à la sortie de l’opération, mais dès la conclusion de
celle-ci, ce qui rendrait le portage sans objet138 ».

138
M. El mernissi, traité marocain de droit des sociétés 2019, page 718

62
BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

Mohamed El Mernissi. Traité marocain de droit des sociétés 2019

Véronique Magnier. Droit des sociétés, 2022

Paul Didier, Philippe Didier. Les sociétés commerciales 2011

Maurice Cozian, Alain Viander, Florence Deboissy. Droit des sociétés 24 édition

Hassania Cherkaoui. La société anonyme, 1ère édition

Editions Francis lefebvre, Anne charveriat, Cession des parts et actions, 2014

Drissi Alami Machichi. Concurrence droits et obligations des entreprises au Maroc, 2004

François Collart Dutilleul, Philippe Delebecque. Contrats civils et commerciaux 11 édition 2019

Thèses et mémoires

Sandie Lacroix De Sousa. La cession des droits sociaux à la lumière de la cession de contrat,
thèse paris 2010

Samuel Berrebbi. Les difficultés relatives à la cession de droits sociaux, mémoire paris 2013

Beniost Delecourt. Les contrats civils appliqués aux actions. Thèse Lille 2010

Caroline Leroy. Le pacte d’actionnaires dans l’environnement sociétaire, thèse paris 2010

Textes et documents

Loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes

Loi n° 45-12 relative au Prêt de titres

63
Loi n° 24-01 relative aux opérations de pension

Loi n° 15-95 formant code de commerce

La loi n° 103.12 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés

Dahir formant code des obligations et contrats

Circulaire de Bank Al-Maghrib N° 17/G/05 relative au Marché des Opérations de Pension

Sites internet

https://www.doc-du-juriste.com/

https://www.lesechos.fr/

https://www.lecoindesentrepreneurs.fr/

https://www.pacte-associes.fr/

64
Table des matières

Introduction……………………………………………………..………………………………...5

Première partie : la cession définitive de la propriété des actions ……...……………………8

Chapitre I : le principe de la libre cessibilité d’actions……………………...………………...9

Section 1 : le contrat de cession d’actions………………………………………..………….…10

§1 : Les conditions générales du contrat de cession d’actions……………………..…………....10

A- L’accord préliminaire………………………………………………………...…………..10
B- Les conditions de fond ...…………………………………………………….....………..11
1) Le consentement…………………………………………………………...…………11
2) L’objet…………………………………………..………………………….....……...12
3) Le prix…………………………………………….………………………………….12
C- Les conditions de forme………………………………..….……………………..…..…..13

§2 : Les conditions particulières à la cession de contrôle………..…………….……………...…13

A- La notion et cas de contrôle ……………………………..………………………………13


B- Les spécificités de la cession de contrôle …………….…………….………………...…14

Section 2 : les effets de la cession d’actions………………..……………………………......….15

§1 : A l’égard du cessionnaire…………………………….……………………………….…….15

A- Le transfert de la propriété……………………….………………………………………15
B- Le droit aux dividendes…………...…………….……………………………………….16
C- Les garanties du cédant………………………….………………...………………….....16

§2 : A l’égard de la société…………………………………………………………………...….16

§3 : A l’égard des associés …………………………..………………………………………......16

A- Le droit de préemption………………………….………………………………………..16
B- Les clauses de sortie………………………………….………………………....…….….17

65
§4 : A l’égard des tiers…………………………………………………………………….……..17

Section 3 : les garanties de la cession d’actions………………………………………….…….18

§1 : Les garanties légales…………………………………………………………………..…….18

A- La garantie d’éviction……………………………………………………………………18
B- La garantie des vices cachés……………………………………………………………..19

§2 : Les garanties conventionnelles……………………………………………………………...19

A- La garantie du passif……………………………………………………………………..20
B- L’obligation de non concurrence………………………………………………………...21

Chapitre II : les restrictions à la libre cessibilité d’actions………………………………..…22

Section 1 : les restrictions légales…………………………………………………………….…22

§1 : Les restrictions légales d’ordre générale………………………………………...………….22

§2 : Les restrictions égales particulières………………………………….……………………...22

A- L’agrément préalable du conseil d’administration………………………………………23


B- L’autorisation administrative…………………………………………………………….23

Section 2 : les restrictions judiciaires………………………………………………………...…24

Section 3 : les restrictions conventionnelles……………………………………………………25

§1 : La clause d’agrément………………………………………………………………………..25

A- La finalité des clauses d’agrément……………………………………………………….26


B- Les limites des clauses d’agrément……………………………………………………....26
C- La procédure d’agrément………………………………………………………………...27

§2 : La clause de préemption…………………………………………………………………….30

A- La finalité de la clause de préemption……………………………………………...……30


B- Le champ d’application de la clause de préemption…………………………………..…31

66
C- La procédure de préemption……………………………………………………………..31

§3 : La clause d’inaliénabilité temporaire………………………………………………………..33

Deuxième partie : la cession temporaire de la propriété des actions………………………..34

Chapitre I : les techniques civilistes de la cession temporaire d’actions……………………35

Section 1 : les techniques contractuelles de droit commun…………………………………….35

§1 : Les contrats nommés………………………………………………………………………..35

A- Le prêt d’actions de droit commun………………………………………………...…….36


1) Le prêt à usage ou commodat………...………………………………………..…….36
2) Le prêt de consommation……………………………………………….……………38
B- La vente à réméré d’actions……………………………………………………..……….40
1) La vente à réméré des actions conclue sous condition résolutoire potestative……...40
2) La limitation de la faculté de rachat dans le temps………………………………….41

§2 : Les contrats innomés, le portage…………………………………………………………….41

A- Les mécanismes de portage……………………………………………………………...42


B- Le champ d’application de portage………………………………………………...…….43

Section 2 : les techniques modernes d’inspiration civiliste…………………………………….44

§1 : L’opération de pension……………………………………………………………….……..44

A- Les personnes éligibles aux opérations de pension…………………………………...….45


B- Les titres éligibles aux opérations de pension………………………………………...….45
C- Les intermédiaires en opérations de pension…………………………………………….46
D- La conclusion des opérations de pension…………………………….……………….….46
E- Les modalités de livraison…………………………………………...…………………..47
F- La rétrocession des actions………………………………………………………..……..48
G- La résiliation de pension…………………………………………………………………49

§2 : Le prêt des titres……………………………………………………………………………..50

67
A- Les personnes éligibles à l’emprunt……………………………………………………...50
B- Les titres prêtés…………………………………………………………………………..50
C- Les organismes intermédiaires………………………………………………………...…51
D- La durée du prêt………………………………………………………………………….51
E- La conclusion du contrat du prêt…………………………………………………………52
F- Les garanties de la restitution des titres……………………………………………...…..52
G- La résiliation du contrat de prêt………………………………………………………….53

Chapitre II : Les limites à l’application des techniques civilistes……………………………54

Section 1 : les limites au regard du droit des sociétés………………………………………..…54

§1 : Les difficultés relatives à la qualité d’associé……………………………………………....54

§2 : Les difficultés relatives à la mise en œuvre de la clause d’agrément…………………….…55

§3 : Les difficultés relatives à la validité de la convention de vote……………………………...56

§4 : Les difficultés relatives à la légitimité des opérations de prêt des actions………………….57

§5 : Les difficultés relatives à la suppression et à la renonciation au droit préférentiel de la


souscription……………………………………………………………………………………....58

Section 2 : les limites au regard du droit des contrats………………………………….………58

§1 : La remise en cause de la validité du portage………………………………………………..59

§2 : La prohibition du pacte d’actionnaire……………………………………………………….60

§3 : Le caractère consomptible des actions…………………………………………………..…..61

§4 : L’inefficacité des promesses de vente……………………………………………...……….62

Bibliographie................................................................................................................................63

Table des matières………………………………………………………………………………65

68
69

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