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BEIHEFTE Z U R

ZEITSCHRIFT FÜR ROMANISCHE PHILOLOGIE

BEGRÜNDET VON GUSTAV GRÖBER


FORTGEFÜHRT VON WALTHER VON WARTBURG
HERAUSGEGEBEN VON KURT BALDINGER

Band 199
Madeleine Frédéric

LA REPETITION
Etude linguistique et rhétorique

MAX N I E M E Y E R V E R L A G T Ü B I N G E N
1985
La publication de cet ouvrage a été encouragée par une intervention de:
la Fondation Universitaire de Belgique,
le Ministère de l'Education nationale de Belgique (secteur francophone),
la Communauté française de Belgique.

CIP-Kurztitelaufnahme der Deutschen Bibliothek

Frédéric, Madeleine:
La répétition : etude linguist, et rhétor. Madeleine Frédéric. - Tübingen : Niemeyer,
1985.-
(Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie ; Bd. 199)
NE: Zeitschrift für romanische Philologie / Beihefte

ISBN 3-484-52199-6 ISSN 0084-5396

© Max Niemeyer Verlag Tübingen 1985


Alle Rechte vorbehalten. Ohne Genehmigung des Verlages ist es nicht gestattet, die-
ses Buch oder Teile daraus auf photomechanischem Wege zu vervielfältigen. Printed
in Germany.
•Satz und Druck: Sulzberg-Druck GmbH, Sulzberg im Allgäu
Einband: Heinrich Koch Tübingen.
Je tiens à remercier ici toutes les personnes qui m'ont permis de mener à bien
cette étude. Je songe tout spécialement à mes directeurs de thèse: MM. Albert
Henry et Marc Wilmet, et à l'appui - tant scientifique que moral - qu'ils m'ont
apporté au cours de l'élaboration de ce travail. Mes remerciements vont égale-
ment aux autres membres de mon jury: Mme Eisa Galle-Dehennin, Mlle Ma-
deleine Defrenne, MM. Albert Mingelgrün et Peter Wunderli, ainsi qu'à M.
Max Wajskop.Directeur de l'Institut de Phonétique de l'Université libre de
Bruxelles, dont les conseils m'ont été d'une aide précieuse. Ma reconnaissance
toute particulière va à M. Kurt Baldinger qui a eu la gentillesse d'accueillir le
présent ouvrage dans la collection des «Beihefte zur Zeitschrift für romanische
Philologie». Je remercie également le Fonds National de la Recherche Scienti-
fique pour l'aide financière qu'il m'a apportée tout au long de mes années de
thèse. Qu'à ces remerciements soient encore associés tous ceux qui, par leurs
conseils, leur amitié, leur soutien m'ont redonné courage dans les moments de
doute: Christian, mes parents, Claire, François, Serge, Marianne, Anne ...

V
Table des matières

PREAMBULE XIII

PREMIERE PARTIE:
LA REPETITION VUE PAR LA RHETORIQUE TRADITIONNELLE . . . 1

Chapitre 1 : Bref aperçu de la fortune de la répétition au cours du temps 3

Chapitre 2: Quelques tentatives de classement intéressantes 6

Chapitre 3 : La terminologie 22
Chapitre 4: Inventaire des différentes modalités de répétition relevées
par la rhétorique traditionnelle 27
REMARQUES PRELIMINAIRES 27
A. REPETITION DE PHONEMES 28
a) Parenté phonique seule 28
1) Répétition du ou des mêmes phonèmes au début ou à l'intérieur de plu-
sieurs mots: 28.
2) Termes présentant des flexions semblables: 28.
3) Termes présentant des terminaisons semblables: 30.
4) L'assonance et la rime: 32.
5) Termes présentant une parenté phonique qui dépasse celle que l'on
rencontre dans les figures précédentes, mais qui n'atteint cependant pas
la totalité du corps phonique: 35.
6) Termes présentant une composition phonique identique: 37.
b) Parenté phonique s'accompagnant d'une parenté sémantique 39
7) Répétition d'un terme avec variation de la flexion: 39.
8) «Emploi successif de différents mots qui viennent d'une même racine» :
42.
B. REPETITION DE MOTS 43
a) Avec modification du contenu sémantique 43
9) Jeu sur la polysémie du terme répété: 44.
10) Jeu sur le sens propre et sur un sens figuré du terme repris (non en-
core lexicalisé): 45.
11) Pseudo-répétition d'un même mot ou jeu sur l'homonymie: 46.
b) Sans modification du contenu sémantique 46
12) Répétition d'un seul mot: 46.
13) Répétition de plusieurs mots: 46.

VII
14) Répétition en contact immédiat (.. .XX...): 46.
15) Répétition en contact interrompu (.. .X.. .X...): 47.
16) Répétition en contact immédiat ou en contact interrompu: 47.
17) Répétition au début d'un membre de ce qui constituait la fin du
membre précédent (.. .X/X...): 48.
18) Figure précédente plus étendue (.. .X/X.. .Y/Y.. .Z): 48.
19) Répétition à la fin d'un membre du ou des termes qui en constituaient
le début (X...X): 51.
20) Répétition du ou des premiers termes d'un membre au début du ou
des membres suivants (X.. ./X...): 52.
21) Répétition du ou des derniers termes d'un membre à la fin du ou des
membres suivants (.. .X/...X): 53.
22) Convergence des figures 20 et 21 (X.. .Y/X.. .Y): 54.
23) Répétition de deux termes s'accompagnant d'une dissociation de ces
derniers (XY.../X.../Y...): 55.
24) Répétition au milieu d'un membre d'un ou de plusieurs mots qui en
constituaient le début: 55.
25) Répétition à la fin d'un membre du ou des termes qui en constituaient
le milieu: 56.
26) Répétition des termes se trouvant au milieu d'un même membre: 56.
27) Mélange de plusieurs figures (πλοκή): 57.
28) «Repetition au commencement et au meillieu»: 57.
29) «Répétition par refrain»: 57.
30) «Repetition meslée, reduplication»: 58.
31) Répétition de plusieurs mots dans le même ordre: 59.
32) Répétition dans laquelle l'ordre des termes n'est pas respecté (sans
modification du contenu sémantique: 59 - avec modification du con-
tenu sémantique: 59).
33) Définition à partir des effets de la reprise: 60.
34) Définition à partir des causes: 61.
35) Définition à partir des causes et de la place: 62.
36) Définition à partir de facteurs stylistiques et de l'effet: 63.

C. REPETITION D'UN T Y P E D E CONSTRUCTION SYNTAXIQUE


ET D'UN NOMBRE DE SYLLABES 64
37) Enoncés présentant un type de construction syntaxique et un nombre
de syllabes semblables: 64
38) Enoncés présentant un type de construction syntaxique et un nombre
de syllabes identiques: 64

D. ELARGISSEMENT D E LA CATEGORIE PRECEDENTE: REPE-


TITION D'UN TYPE DE CONSTRUCTION SYNTAXIQUE ET
D'UN NOMBRE DE SYLLABES S'ACCOMPAGNANT D'UNE PA-
RENTE PHONIQUE 65

39) · Elargissement de la figure 37, · Elargissement de la figure 38: 65.

E. REPETITION D'UN CONTENU SEMANTIQUE REALISEE AU


MOYEN DE MOTS DIFFERENTS 65

40) «Synonymie»: 65.


41) Distinction de Phoïbammon entre ταυτολογία et επιμονή: 68.
42) Pléonasme: 68.
43) Tautologie: 70.

VIII
F. RAPPEL DE CE QUI PRECEDE FAISANT SUITE A UN
DEVELOPPEMENT, A UNE DIGRESSION (-44) 71
G. CONVERGENCE DES FIGURES PRECEDENTES 72
Tableau 1 74

Chapitre 5: Choix des critères et méthode d'analyse 75


Conclusions 78

DEUXIEME PARTIE:
LA REPETITION A LA LUMIERE DE LA RECHERCHE
CONTEMPORAINE 81

Chapitre 1: Délimitation du phénomène 83


LA REDONDANCE 84
L'ANAPHORE GRAMMATICALE 86
«LE LOUP, IL A MANGE L'AGNEAU» 95
LES REPETITIONS INVOLONTAIRES 102
A. REPETITIONS PATHOLOGIQUES 102
— Réponse en écho: 103. - Echolalie: 103. - Contamination: 104. -
Persévération: 105. - Entraînement verbal: 105. - Palilalie: 105. (Palilalie
aphone: 105. - Paligraphie: 105). - Itération: 105. - Bégaiement: 106.
B. REPETITIONS NON PATHOLOGIQUES 107
LES REPETITIONS DU TYPE «(ET) ALORS... (ET) ALORS...» 108
LE PLEONASME 109
- Pléonasme vicieux: 111. - Pléonasme étymologique ou pléonasme dia-
chronique: 111. - Pléonasme éclairant: 111. — Pléonasme d'insistance:
112. - Epithète de nature ou pléonasme focalisant: 113.
LA TAUTOLOGIE 116
a) Première acception: 118. - b) Seconde acception: 120.

Chapitre 2:
Nouvel inventaire des faits de répétition et essai de classement 125
I. LES REPETITIONS INVOLONTAIRES 125
II. LES REPETITIONS INCONSCIENTES 125
III. LES REPETITIONS LEXICALISEES 127
IV. LES REPETITIONS DUES A UNE VOLONTE DELIBEREE DE
LA PART DU LOCUTEUR 127
CLASSIFICATION DES DIVERSES REPETITIONS A EFFETS POS-
SIBLES (REPETITIONS DELIBEREES) 129

IX
A. REPETITION FORMELLE 130

1. R é p é t i t i o n g r a p h i q u e et r é p é t i t i o n t y p o g r a p h i q u e 130
- Répétition graphique: 130. (Un graphème: 130. - Plusieurs graphèmes:
130. - Rime pour l'oeil: 131). - Répétition typographique: 131. (d'une
majuscule: 131. - d'une expression typographiquement différenciée: 132.
- d'un blanc typographique: 132).

2. Répétition phonique 133


- Allitération: 133. - Assonance: 134. - Rime: 135. - Rime inversée ou
renversée: 136. - Contre-assonance: 137. - Répétition paronymique: 137.
-simple: 137.-doublée d'un lien sémantique: 138. ( · exploitation d'une
même famille sémantique: 138. · exploitation d'une même famille sé-
mantique et/ou étymologique: 138: (a) cas simple: 138, (b) actants/circon-
stants internes paronymiques: 138, (c) polyptote: 139). - Anagrammes:
139. - Répétition homonymique: 141 (A. Homonymes homophones: 141.
B. Homonymes homographes: 142. C. Homonymes homophones et ho-
mographes: 142 e.a. actants/circonstants internes homonymiques: 143).

Passage de la reprise paronymique à lien étymologique et sémantique à la


reprise lexicale pure: 143
- Actant/circonstant interne et polyptote paronymiques: 143. - Ac-
tant/circonstant interne homonymique: 143. - Polyptote polysémique:
145.-Polyptote focalisant: 145.-Répétition lexicale polysémique: 146.-
Répétition lexicale focalisante: 147; e.a. tautologie: 148. - Répétition le-
xicale pure: 152.

3. Répétition lexicale 155


• d'un terme unique: 155 · d'un syntagme: 155 · d'une proposition: 155
• d'une phrase: 155 · d'un groupe de phrases: 155.
• Répétition lexicale immédiate: 156 · à l'initiale du groupe rythmi-
que/syntaxique: 157 · en finale: 157 · à l'intérieur: 157. •Répétition le-
xicale pseudo-immédiate: 157. • Répétition lexicale différée: 158 - Di-
stribution répétitive: 158. - Répétition lexicale isorythmique: 159. - Ré-
pétition encadrante: 160. — Anaphore: 160. - Epiphore: 160. - Refrain:
160. - Répétition avec connexion: 161. - Répétition avec dissociation:
162.

4. Répétition syntaxique 163


- Cas simple: 163. - Correspondance terme à terme: 163. - Moules synta-
xiques en chiasme: 163. - Moules syntaxiques tronqués: 164.

5. Répétition suprasegmentale 164


- Répétition syllabique: 165. - Réapparition à intervalles réguliers de la
pause: 170. — Répétition accentuelle: 173. - Retour d'une même durée:
174. - Répétition d'un même niveau d'intensité: 176. - Répétition de la
hauteur mélodique: 177. - Répétition du timbre: 178. - Répétition du dé-
bit syllabique: 178.

Convergence 178
(a) Répétition suprasegmentale + répétition typographique: 179 (Répéti-

X
tion volumique: 179 - Répétition de signes typographiques indices
d'un schéma mélodique particulier: 180).
(b) Répétition syllabique + un ou plusieurs autres types de répétition
formelle: 181.
(c) Métavocable: 182.
(d) Antimétabole: 183.
(e) Poèmes à forme fixe: 184 (Sonnet: 184 - Rondeau: 186).

B. REPETITION SEMANTIQUE 188

1. R é p é t i t i o n s y n o n y m i q u e 188
- Répétition par exploitation de la synonymie linguistique: 188. - Répéti-
tion par exploitation de la synonymie situationnelle: 190,
(a) Synonymie situationnelle: 191 (premier type: 191, deuxième type:
191, troisième type: 191),
(b) Répétition synonymique par exploitation de la synonymie situation-
nelle: 192.

2. R é p é t i t i o n f o n d é e sur la s u p e r p o s i t i o n de sens . . . . 196


(A) Superposition de sens par variation connotative 196
- Répétition fondée sur la superposition de sens linguistique: 197,
(a) Superposition de sens linguistique: 197,
(b) Répétition fondée sur la superposition de sens linguistique: 197.
- Répétition fondée sur la superposition de sens situationnelle: 197,
(a) Superposition de sens situationnelle: 197,
(b) Répétition fondée sur la superposition de sens situationnelle: 199 e. a.
répétition tropique: 201.

(B) Superposition de sens par variation dénotative 203


- Pléonasme: 204. - Série groupant des unités en gradation: 205. — Ac-
tants/circonstants internes: 205. - Répétition métasémémique: 206. -
Certains jeux sur l'étymologie: 207. - Répétition antonymique: 208. - Su-
perposition de sens réduite à la présence d'un seul sème commun: 209. -
Enumération et série homologique: 210.

(C) Superposition de sens par variation dénotative et connotative 210

3. R é p é t i t i o n t h é m a t i q u e 211
(a) Thèmes mineurs: 212.
(b) Thèmes moyens: 212.
(c) Thème majeur: 214.
(d) «Chant profond»: 215.

4. Mise en abyme 216


Icône topologique: 217.
Icône diagrammatique: 217.
Icône métaphorique: 217.

Convergence 217
C. REPETITION MORPHO-SEMANTIQUE 218

Répétition affixale 218

XI
(a) Retour d'un même affixe: 218.
(b) Présence d'affixes synonymes: 219.

CONVERGENCE 221
Tableau 2 228

Conclusions 231

BIBLIOGRAPHIE 247

LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS 269

INDEX 272

XII
Préambule

Cette étude trouve sa source dans une constatation au départ purement empiri-
que: la répétition dans le langage poétique (au sens large) fait office de révéla-
teur de l'épaisseur du texte; grâce à elle, il devient possible de cerner de façon
très précise les divers réseaux qui s'interpénétrent et les effets de sens qui peu-
vent se dégager.
Une étude théorique est cependant très vite apparue comme un préalable in-
dispensable à toute analyse stylistique; d'autant qu'il y a là un important man-
que à combler: en effet, bien que depuis l'Antiquité la répétition dans le lan-
gage ait fait l'objet de très nombreuses recherches, jamais les auteurs de traités
ne se sont attachés à livrer de ce phénomène une étude générale: la répétition
chez eux n'était pas étudiée pour elle-même, mais en fonction de critères qui lui
étaient extérieurs; ce n'est donc qu'exceptionnellement qu'ils ont procédé à des
regroupements de l'une ou l'autre figure de répétition.
Il ne faudrait cependant pas tirer argument de cette absence d'une étude gé-
nérale de la répétition pour se détourner de la rhétorique traditionnelle. Bien
au contraire, l'investigation rhétorique apparaît de toute première importance,
non seulement parce que c'est la rhétorique qui a régi l'art d'écrire et en certai-
nes circonstances de parler, depuis l'Antiquité et pendant de nombreux siècles;
mais surtout parce que l'on constate très rapidement que bon nombre de faits
de répétition du langage ont déjà été inventoriés par elle. La première partie de
la recherche visera donc à restituer l'apport de la tradition rhétorique 1 .
Je donne à l'expression rhétorique traditionnelle (on trouvera aussi rhétorique
classique dans le même sens) le sens qu'attribue R. Barthes à l'expression an-
cienne rhétorique·.

La rhétorique dont il sera question ici est ce métalangage (dont le langage-objet fut le
«discours») qui a régné en Occident du Ve siècle avant J. C. au XIXe siècle après J. C.
On ne s'occupera pas d'expériences plus lointaines (Inde, Islam), et en ce qui concerne
l'Occident lui-même, on s'en tiendra à Athènes, Rome et la France 2 .

1
Le lecteur ne doit pas s'attendre à trouver, dans cette première partie, un historique
complet et détaillé des études de la répétition dans la tradition rhétorique; je me pro-
pose seulement d'opérer un rapide survol de cette tradition, en choisissant quelques
traités parmi les plus significatifs de chaque époque.
2
Barthes (R.), L'ancienne rhétorique. Aide-Mémoire, dans Communications, 16, 1970,
pp. 1 7 2 - 2 2 9 .

XIII
Ces expressions laissent supposer l'existence d'une nouvelle rhétorique,
d'une rhétorique «moderne» qui aurait relayé l'ancienne et dans laquelle on
pourrait peut-être trouver de nouvelles réflexions sur la répétition. Celle-ci
existe et, comme l'ont montré R. Barthes et G. Genette, les préoccupations -
mais non l'esprit - de la rhétorique traditionnelle se retrouvent maintenant
chez les écrivains: principalement les poètes (Baudelaire, Mallarmé, Valéry,
Paulhan .. ,)3. Pour l'époque contemporaine, c'est donc vers ceux-ci qu'il con-
vient de se tourner par priorité; aussi la poésie constituera-t-elle le terrain d'in-
vestigation principal de la seconde partie. D'autant qu'elle occupe dans la litté-
rature un statut tout particulier: Valéry, par exemple, la considérait comme la
littérature «réduite à l'essentiel de son principe actif» et qu'en outre, la répéti-
tion semble y jouer un rôle prépondérant comme l'ont fait apparaître les tra-
vaux de R. Jakobson, S. Levin et N. Ruwet, notamment.
Les poètes choisis l'ont été parce qu'ils s'inscrivent dans un mouvement vi-
sant à libérer la poésie de la versification traditionnelle, soit en l'allégeant: no-
tamment par le recours à des mètres impairs (Verlaine), par la distribution de la
rime ou de tout autre rappel phonique à l'intérieur du vers (Verlaine, Rimbaud,
Mallarmé, Valéry ...), par le jeu de la césure (rendue mobile ou supprimée) ou
du e caduc (tantôt compté, tantôt non), etc.; soit en la délaissant pour d'autres
formes: le verset, par exemple (Claudel, Segalen, Saint-John Perse ...). Le lec-
teur ne sera cependant pas long à remarquer que la poésie de Saint-John Perse
a été pour moi le plus important réservoir d'exemples. Il n'y a à cela qu'une
seule raison: c'est au travers de son oeuvre qu'étudiante, j'ai découvert toute
l'importance de la répétition dans le langage poétique 4 .
Ces premières investigations, d'ordre poétique, ont été complétées par diver-
ses investigations théoriques - notamment par la consultation d'ouvrages de
linguistique, de sémantique, de poétique, de stylistique - et par quelques brèves

3
Cf. Barthes (R.), L'ancienne rhétorique. Aide-Mémoire, dans Communications, 16,
1970, p. 194: «[Le mot rhétorique] reçoit parfois encore des contenus originaux, des
interprétations personnelles venus d'écrivains, non de rhéteurs (Baudelaire et la rhéto-
rique profonde, Valéry, Paulhan)».
- Genette (G.), Rhétorique et enseignement, dans Figures II: «Dans la conscience litté-
raire générale, l'esprit de la rhétorique traditionnelle est mort, on le sait bien, dès le
début du XIXe siècle, avec l'avènement du romantisme et la naissance - conjointe -
d'une conception historique de la littérature» (p. 24). «[La rhétorique ancienne] a-t-
elle pour autant disparu de notre culture? Non, sans doute, car au moment même où la
situation rhétorique s'occultait dans l'enseignement, on la voyait réapparaître, sous
une nouvelle forme, dans la littérature elle-même, en tant que celle-ci, avec Mallarmé,
Proust, Valéry, Blanchot, s'efforçait de prendre en charge la réflexion sur elle-même,
retrouvant par une voie inattendue la coïncidence des fonctions critique et poétique:
en un sens, notre littérature actuelle, en ce qu'elle a de plus profond, et malgré son
anti-rhétorisme de principe (son terrorisme, dirait Paulhan), est tout entière une rhéto-
rique, puisqu'elle est à la fois littérature et discours sur la littérature. La situation rhé-
torique n'a donc fait que se déplacer.» (pp. 4 1 - 4 2 ) .
4
Cf. Frédéric (M.), La répétition et ses structures dans AMERS de Saint-John Perse,
mémoire de licence, Université Libre de Bruxelles, année académique 1 9 7 4 - 1 9 7 5 .

XIV
incursions dans le domaine romanesque (tant français, le Nouveau Roman par
exemple, que latino-américain, avec des auteurs comme Borges et Cortázar);
l'analyse a pu ainsi être élargie à d'autres types de discours que celui de la poé-
sie: discours narratif, texte publicitaire, langage familier, ou même domaine des
troubles du langage.
*

L'étude, pourtant, est loin de se prétendre exhaustive, même si la partie con-


temporaine couvre un champ nettement plus large que celui embrassé par la
rhétorique traditionnelle. Ce sont précisément les deux correctifs évoqués pré-
cédemment qui soulèvent la question d'un élargissement éventuel de cette étu-
de. Les incursions dans le domaine narratif ont fait rapidement apparaître que
la répétition semble revêtir des formes propres dans le récit - la mise en abyme,
notamment - tout comme elle le fait dans la poésie au travers de formes comme
la rime et l'assonance, par exemple; on voit ainsi s'ouvrir un large champ de re-
cherches qui, parce qu'il suppose une connaissance approfondie des mécanis-
mes de fonctionnement romanesques, n'a pu être exploré que superficiellement
dans le cadre de cette étude déjà fort vaste en soi. D'autre part, la lecture
d'ouvrages théoriques aura fait entrevoir l'intérêt d'une étude semblable dans
le domaine du discours publicitaire, de la presse, et l'on pourrait encore com-
pléter: dans celui du discours politique, du théâtre, etc. Ces études - tout
comme celle du récit - n'ont pu être qu'effleurées dans les pages qui suivent,
dans la mesure où elles supposaient des connaissances approfondies dans cha-
cun de ces domaines, sous peine de verser dans l'étude touche-à-tout et superfi-
cielle; mais aussi parce qu'elles dépassaient largement mon propos initial qui
était, rappelons-le, de rassembler en une même étude diverses modalités de ré-
pétition du langage dispersées jusqu'ici. De cette introduction il ressort donc
que la présente étude ne constitue nullement un point d'aboutissement, mais au
contraire un point de départ qui devrait mener à un polyptyque, attendu depuis
fort longtemps, où cet examen de la répétition dans le langage (spontané et éla-
boré - avec option plutôt poétique) côtoierait celui de la répétition dans le do-
maine narratif, dans le domaine théâtral, dans le discours publicitaire, dans le
discours politique, dans la presse, etc. — examen auquel les pages qui suivent
pourraient peut-être servir de base.

Un dernier point avant de clore cette introduction: ceci ne constitue pas une
étude approfondie de la répétition dans le langage (on aura déjà pu s'en con-
vaincre par ce qui précède), mais un inventaire et une mise au point des diffé-
rentes modalités de répétition du langage. Il est donc inutile de chercher dans
cet ouvrage une description complète et détaillée de la répartition des rimes en
rimes riches, pauvres, léonines; plates, suivies; etc. Il ne sera pas question non
plus d'examiner la question de la pertinence ou non de la théorie des anagram-
mes de Saussure (pas plus pour le domaine du latin que pour celui du français).
Je ne prétends pas davantage résoudre les questions fort délicates de la tautolo-
gie, de l'homonymie, de la polysémie, de la synonymie, de la métaphore, méto-
nymie, synecdoque et al. La première étape était de resituer ces faits de dis-

XV
cours dans la perspective d'une étude générale de la répétition dans le langage;
dans un second temps, on pourra se soucier de nuancer, de perfectionner l'ana-
lyse.
En définitive, ce qui est proposé ici, outre un inventaire qui se voudrait le
plus systématique et le plus complet possible, c'est une mise au point de diver-
ses données touchant à la répétition et un certain nombre de pistes de recher-
che. Il faut donc voir dans les pages qui suivent un essai de synthèse qui appelle
nécessairement d'autres recherches parallèles et/ou complémentaires.

Avril 1981.

XVI
Première partie:

La répétition vue par la rhétorique traditionnelle


Chapitre 1

Bref aperçu de la fortune de la répétition au cours


du temps

Jusqu'au XVIe siècle, l'importance des figures de mots, en général, et celle des
figures touchant à la répétition, en particulier, est indéniable. Les figures de
mots font l'objet de tous les traités; il n'y a pas que des auteurs connus qui en
parlent: l'auteur de la Rhétorique à Alexandre, celui de la Rhétorique à Heren-
nius, Cicéron, Quintilien, Bède le Vénérable, Matthieu de Vendôme, Gervais
de Melkley, Scaliger ... - même Mélanchton s'intéresse au sujet - mais elles fi-
gurent aussi chez les auteurs mineurs, aussi bien grecs que latins.
Dans l'Antiquité, les figures de mots sont d'un usage si courant que lorsque
Cicéron les passe en revue dans YOrator et dans le De oratore, il ne juge même
pas utile d'en donner des définitions ou des exemples. La justification qu'il
donne de sa démarche, dans le De oratore \ prouve d'ailleurs à suffisance le ca-
ractère bien connu des figures dont il parle:
- Quae quidem te, Crasse, video, inquit Cotta, quod nota esse nobis putes, sine defini-
tionibus et sine exemplis effudisse.
- Ego vero, inquit Crassus, ne ilia quidem quae supra dixi nova vobis esse arbitrabar,
sed voluntati vestrum omnium parui.

Au XHIe siècle encore, dans son Laborintus, Evrard l'Allemand se contente


de donner des exemples de chaque figure, sans fournir ni le terme technique
servant à la désigner, ni sa définition 2 .
A partir du XVIIe siècle, par contre, l'enthousiasme des auteurs de traités
n'est plus aussi absolu. Un auteur comme Soarez consacre tout un chapitre à
l'usage des figures de mots 3 ; il insiste sur le fait qu'il faut en user avec réserve:
les figures doivent être peu nombreuses, variées et adaptées «à l'endroit, à la
personne, au moment». Chez Lamy, le statut des figures est ambivalent, suivant
que l'on se trouve en présence des figures de discours «qu'on emploie pour le
combat» ou de celles «dont on orne le discours pour le divertissement» 4 . Les
premières, qui sont en relation étroite avec les passions ou, plus précisément,
qui en sont l'expression, qui en constituent le langage spécifique, sont utiles et
nécessaires pour trois raisons: elles permettent de faire une peinture exacte de

1
Cie., De oratore, III, p. 166.
2
Evrard l'Allemand, Laborintus in Farai: ν. 4 4 1 - 5 2 0 (figures de mots); pour les figures
de répétition: v. 4 4 3 - 4 4 9 , 4 7 1 - 4 7 8 , 4 8 5 - 4 8 6 , 5 0 1 - 5 0 4 .
3
Soarez, chap. XXIX, pp. 1 2 4 - 1 2 5 .
4
Lamy, p. 203.

3
la passion à laquelle on est soumis, par cette peinture elles nous attirent la sym-
pathie de ceux qui nous entourent et, enfin, elles offrent à l'homme le moyen de
se défendre 5 . Par contre les secondes, celles qui servent à orner le discours,
n'ont pas de valeur en elles-mêmes; mal utilisées, elles rendent le discours arti-
ficiel. C'est pourquoi seuls les auteurs médiocres les recherchent, alors que les
bons auteurs s'efforcent de les éviter. Lamy reconnaît pourtant que ces figures
«sont belles quand elles ne sont pas recherchées» et que, notamment, «il y a des
repetitions figurées qui sont naturelles et élegantes» 6 .
Au XVIIIe siècle, Crevier, Demandre et Thiébault présentent les diverses fi-
gures de répétition sans émettre de réserves; ils s'inscrivent ainsi dans la ligne
qui va de l'Antiquité jusqu'au XVIe siècle. Par contre, lorsque Blair, dans son
Cours de Rhétorique et de Belles-Lettres, passe la répétition sous silence, il laisse
prévoir un changement d'attitude à l'égard de la figure.
Au XIXe siècle, en effet, deux tendances opposées se font sentir. Le climat
général semble être celui d'un certain mépris ou, tout au moins, d'une certaine
méfiance à l'égard des figures de répétition et, en général, des figures de mots.
Dans son Cours complet de Rhétorique, Amar ne donne en tout et pour tout
qu'un seul exemple de répétition emprunté à Virgile et accompagné de sa tra-
duction française 7 . Il le fait suivre de ce commentaire:
Telle est la différence des langues, que, malgré les efforts et le talent rare du traduc-
teur, cette répétition pleine de charme et de sensibilité dans le latin, n'est plus en fran-
çois qu'une recherche froidement élégante, un tour précieux et maniéré.

Et c'est tout ce que l'auteur nous dira de la répétition 8 . On le voit, j'exagérais


à peine tout à l'heure en parlant de mépris ... Géruzez, dans son Cours de Litté-
rature, aborde la question de la répétition au chapitre de Y Elocution. En moins
de deux pages, il liquide le sujet 9 , classant les exemples non d'après le type de
répétition (les diverses figures de répétition distinguées ordinairement par la
rhétorique sont ici complètement passées sous silence), mais d'après le type de
passion qui est à l'origine de la reprise. Pas un mot concernant la nature des
éléments touchés ou les modalités de la répétition. Aucune analyse de l'envi-
ronnement. Quant à l'étude des effets et des causes de la reprise, elle est réduite
à sa plus simple expression. Géruzez revient à différentes figures touchant à la
répétition dans son étude des figures «qui se rapportent à l'harmonie des mots
et des phrases», mais ici encore l'analyse est expédiée en deux temps trois mou-

5
Lamy, pp. 1 0 8 - 1 1 4 . Parmi ce premier type de figures, on retrouve certaines figures de
répétition: cf. Lamy, pp. 1 1 9 - 1 2 1 .
6
Lamy, pp. 2 0 8 - 2 0 9 .
7
Amar (J. Α.), Cours Complet de Rhétorique, Paris, 1811, 2e éd., p. 65.
8
Elle n'est plus mentionnée qu'à la fin de l'ouvrage (Amar, p. 426): «On reproche au
style de la Bible (...) ses répétitions: il y en a bien plus dans Homère, et on les y admire
quelquefois».
9
Géruzez (E), Cours de Littérature, Paris, J. Delalain, 1852, 9e éd., pp. 1 6 0 - 1 6 1 .

4
vements 1 0 . Baron, dans son ouvrage intitulé De la Rhétorique, juge qu'il est
«inutile de s'arrêter à la répétition, ni d'en énumérer toutes les variétés indi-
quées par les rhéteurs» 1 1 .
On croit pouvoir se consoler dans le reste de l'exposé, puisqu'il nous annonce
l'étude «des répétitions qui échappent involontairement»; peut-être s'agit-il
d'un type de répétition que n'ont pas vu les auteurs précédents: la répétition qui
échappe involontairement à une personne en proie à une vive émotion. En fait,
il n'en est rien et l'on retrouve un lieu commun qui remonte à la rhétorique an-
tique: la répétition en tant que défaut de style que l'écrivain doit éviter soigneu-
sement. Puis l'auteur nous dit quelques mots de la répétition sémantique (expo-
lition, synonymie), de la gradation-climax et enfin, du pléonasme12. Peu de cho-
ses, on le voit, dans ce vaste traité, du moins en ce qui concerne la répétition et
l'on semble devoir se confirmer dans la pensée qu'elle est en train de perdre de
son importance en tant que figure de rhétorique.
Mais on trouve pourtant une exception, et d'importance, en la personne de
Fontanier, qui s'inscrit en faux par rapport à ses contemporains en accordant
aux diverses figures touchant à la répétition une réelle valeur, même s'il émet
quelques réserves à l'égard des figures d'élocution par consonance. Il apparaît
un peu comme un paradoxe: à une époque où la tendance générale va à consi-
dérer les figures de répétition comme des figures mineures, voire comme des
puérilités de style, Fontanier leur consacre, on le verra, l'étude la plus riche et la
plus fouillée de toutes celles que j'ai eu l'occasion d'examiner depuis l'Antiqui-
té. On en arrive ainsi à cette situation vraiment étonnante, que les figures de
répétition, connues et appréciées par tous les auteurs de l'Antiquité, du Moyen
Age et de la Renaissance, ne trouvent leur consécration la plus totale qu'au
XIXe siècle, à l'époque où la presque totalité des auteurs de traités proclament
leur déclin (déclin qui est loin d'être une réalité, si l'on considère l'extraordi-
naire diversité des figures de répétition qui se rencontrent dans la poésie de la
fin du XIXe siècle et dans celle du XXe).

10
Géruzez, p. 172: il ne fournit d'exemples que pour laparonomase et ne nous dit pas un
mot du sort de Yhomoeoptote et de Vhomoeotéleute en français.
" Baron (Α.), De la Rhétorique ou de la composition oratoire et littéraire, Bruxelles,
1849, p. 417.
12
Baron, pp. 4 1 7 - 4 2 1 .

5
Chapitre 2

Quelques tentatives de classement intéressantes

Alors que chez la majorité des auteurs examinés, les différentes modalités
concrètes de la répétition sont disséminées à travers l'oeuvre, d'autres, par
contre, ont procédé à un regroupement de tout ou partie de celles-ci à l'inté-
rieur d'un même passage.
Aquila Romanus, Martianus Capella et Bède le Vénérable opèrent un re-
groupement implicite (dans la mesure où aucun d'eux ne fournit la moindre jus-
tification de sa démarche) des figures de répétition à l'intérieur d'une rubrique
consacrée aux figures de mots en général 1 .
L'exposé des deux premiers offre un ordre de présentation et une terminolo-
gie rigoureusement identiques, mais aussi une parenté indéniable dans le libellé
des définitions et les exemples donnés. Cet exposé s'organise comme suit: deux
figures affectant la construction de la phrase ainsi que le nombre de syllabes
(ΐσόκωλον, πάρισον), trois figures basées sur la ressemblance phonique (όμο-
ιόπτωτον, όμοιοτέλευτον, παρονομασία), différents cas de répétition d'un
même mot: répétition s'accompagnant d'une modification du contenu sémanti-
que (πλοκή) ou non (παλιλλογία, επανάληψις, άναδίπλωσις, προσαπόδοσις,
έπαναφορά, άντιστροφή, συμπλοκή) ou encore répétition d'un même mot ac-
compagnée d'une modification de la composition phonique (πολύπτωτον),
deux types de répétition de nature sémantique (συνωνυμία, ταυτολογία), puis
l'on revient à une figure basée sur la répétition d'un même mot: le κλίμαξ. Il y a
donc une certaine logique, malgré le retour en arrière opéré en fin d'exposé.
Bède le Vénérable commence son analyse par l'examen de quelques cas de
répétition d'un même mot (anadiplosis, anafora, epanalepsis, epizeuxis), la
poursuit par celui de la répétition de termes phoniquement proches (parono-
masia), passe ensuite à une répétition essentiellement sémantique (schesis
onomaton2, pour en revenir aussitôt à des figures phoniques (parhomoeon, ho-
moeoteleuton, homoeoptoton, polyptoton), les trois premières étant proches de

'Aquila, Halm, pp. 2 2 - 3 7 et particulièrement: 3 0 - 3 5 ; - Mart. Cap., Halm,


pp. 4 4 9 - 4 9 2 et partie.: 4 8 0 - 4 8 2 ; - Beda, Halm, pp. 6 0 7 - 6 1 8 et partie.: 6 0 9 - 6 1 1 .
2
La parenté phonique qui apparaît dans le dernier exemple est extérieure à la figure.
Dans la définition on trouve, en effet, en toutes lettres l'expression «diverso sono»; le
propre de la figure est donc la parenté de seng. En fait, bien que l'auteur ne le précise
pas, cet exemple n'est autre qu'un cas de convergence entre schesis onomaton, parho-
moeon et homoeoteleuton.

6
la paronomasia, la dernière de la répétition d'un même mot. On assiste donc, ici
encore, à un retour en arrière en fin d'exposé.
Rappelons toutefois qu'aucun de ces trois auteurs ne cherche à justifier le re-
groupement opéré, ni même ne signale qu'il s'agit d'autant de réalisations con-
crètes d'une figure unique: la répétition.
Il est intéressant de constater que l'influence de Bède le Vénérable se fait en-
core sentir au Xlle siècle notamment, chez Matthieu de Vendôme, qui lui em-
prunte sa terminologie et son classement, du moins en partie. L'exposé de Mat-
thieu de Vendôme 3 s'écarte, en effet, de celui de Bède sur un point important:
celui du schesisonomaton, défini non plus comme une répétition sémantique,
mais comme une figure reposant sur l'exploitation de la parenté phonique. Dès
lors, l'exposé s'organise comme suit: l'auteur examine d'abord différents cas de
répétition de mots (anaphora, epanalensis, anadiplosis, epizeusis), puis il passe à
la répétition de sons (paronomasia, paranomeon, scesisonomaton, omoetholeu-
ton, polipteton). L'exposé obéit donc à une logique interne beaucoup plus
stricte que celui de Bède, puisque l'auteur y opère un regroupement entre les
diverses répétitions phoniques. Mais, ici encore, on est obligé de constater l'ab-
sence de toute justification et de tout commentaire. Signalons au passage qu'il
manque pourtant à cet exposé la figure de la methalemsis ou clemax, rangée, as-
sez singulièrement au nombre des tropes 4 . On peut également se demander s'il
était vraiment nécessaire de distinguer le paranomeon en tant que «figura» 5 et
en tant que «vitium»6.
*

Dans le livre IX de l'Institution Oratoire, Quintilien envisage différents cas de


répétition de mots, dans la section qu'il consacre auxfigurae per adiectionem1.
Le choix même de l'expression «verba geminantur» et la décision d'envisager
ces différentes figures en un même endroit laisseraient croire que Quintilien a
vu dans la répétition un genre regroupant plusieurs espèces de figures. Mais, en
fait, l'intuition qu'il a eue de l'unité de ce phénomène n'est que partielle.
En effet, dans son examen il mêle des éléments distincts: l'expression «verba
geminantur» recouvre différentes figures qui relèvent bel et bien de la répéti-
tion8, mais ensuite Quintilien passe sans transition à l'examen de l'accumula-
tion9; or si la répétition (geminatio, repetitio) et l'accumulation (coacervatio,
congeries) apparaissent bien comme des figurae per adiectionem, la seconde ne
rejoint la première que si les termes accumulés sont unis par une quelconque

3
M. de Vend., Farai, pp. 1 0 6 - 1 9 3 .
4
M. de Vend., Farai, pp. 1 7 6 - 1 7 7 .
5
Envisagé au paragraphe 10, M. de Vend., Farai, pp. 1 6 9 - 1 7 0 .
6
Paragraphe 16, M. de Vend., Farai, p. 171.
7
Quint., pp. 460ss.
8
Reprise de termes avec ou sans modification du contenu sémantique, répétition de
termes s'accompagnant d'une altération phonique, simple reprise d'un contenu séman-
tique réalisée au travers de termes différents présentant ou non une parenté phonique.
9
Quint., pp. 4 7 2 - 4 7 4 .

7
parenté: phonique, lexicale, syntaxique ou sémantique 1 0 . Il peut donc y avoir
convergence entre l'accumulation et la répétition, mais en soi ces figures n'ont
rien à voir l'une avec l'autre; le deuxième exemple (Mulier, tyranni saeva crude-
litas...) montre d'ailleurs que Yaccumulation peut fort bien exister sans la répé-
tition. Dans la suite du passage, Quintilien revient à une figure qui se rattache
nettement à la répétition: la gradatio ou κλΐμαξ. Il mêle donc, dans son analyse,
deux types de figures, qui, s'ils relèvent bien tous deux des figuraeper adiectio-
nem, n'en présentent pas moins des mécanismes radicalement différents, que
Quintilien n'a distingués ni par des commentaires, ni même par l'organisation
interne de son exposé.
Si l'on s'en tient uniquement aux figures qui relèvent de la répétition, on ne
voit d'ailleurs pas nettement le critère qui préside à leur classement: il semble
que l'exposé démarre sur différents cas de répétition d'un même mot, puis
Quintilien passe à l'examen du πολύπτωτον (répétition d'un même mot, mais
modification de sa composition phonique), il revient ensuite à la répétition d'un
même mot: «Sed sensus quoque toti, quemadmodum coeperunt, desinunt» et
«Interim sententia quidem repeti tur, sed non eodem verborum ordine» 1 1 , la
quitte pour l'examen de la συνωνυμία et de quelques exemples de répétition
sémantique, pour y revenir avec l'étude de la gradatio. Peut-être aurait-il été
plus simple d'envisager en bloc les différents cas de répétition d'un même mot.
Quelques pages plus loin 12 , Quintilien examine un troisième genre de figu-
res: celui qui repose sur la ressemblance, l'identité ou l'opposition des mots.
Dès les premiers exemples, on s'interroge: quelle différence y a-t-il entre le
premier exemple: Mulier omnium rerum imperita, in omnibus rebus infelix et
les exemples de la première section: Magnus est dicendi labor, magna res et Pa-
ter hic tuus? patrem nunc appellas? patris tuifilius es13? ou même entre l'exem-
ple: Quae lex privatis hominibus esse lex non videbaturu et l'exemple: Princi-
pum dignitas erat paene par, non par fortasse eorum qui sequebanturl5? Mais
l'élément le plus significatif est sans doute le fait que Quintilien recourt au
même exemple Ab Ht, excessit, erupit, evasit pour illustrer une figure de la pre-
mière section 16 et une de la troisième 17 . Toutes ces interférences ne se justifie-
raient pas si ces deux sections étaient vraiment très différentes. Autre indice de

10
C'est le cas de l'exemple 1, Perturbatio istum mentis ...: parenté sémantique accom-
pagnée d'une reprise lexicale (répétition de et)\ de l'exemple 3, Sed grave Nereidum
numen ...: répétition de sed·, et de l'exemple 4, Quaero ab inimicis ...: parenté phoni-
que unissant deux groupuscules sémantiques.
" Quint., p. 468.
12
Quint., pp. 4 8 4 - 4 9 6 .
13
Quint., p. 466. L'exemple de la troisième section aparaît lui aussi comme un exemple
de πολύπτωτον.
14
Quint., p. 484.
15
Quint., pp. 4 6 4 - 4 6 6 .
16
Quint., p. 470.
17
Quint., p. 490.

8
ce recoupement entre la première et la troisième section: l'utilisation, dans
cette dernière, du terme geminatio (rappelons que la première section s'ouvrait
par l'expression «verba geminantur»): «Quibus exemplis sum in aliud usus, sed
in uno εμφασις est et geminatio» 1 8 .
De tout ceci, il ressort que Quintilien a bien regroupé différentes modalités
de la répétition, mais les a regroupées en deux sections distinctes sans voir que
celles-ci se rejoignaient sur plusieurs points. Il reste donc trop collé au niveau
concret et ne procède pas assez à des comparaisons entre les diverses modalités
étudiées, ce qui l'aurait amené à rapprocher les sections un et trois, qui fonc-
tionnent de la même manière même si leurs constituants (et encore, pas tous)
sont différents. En outre, une comparaison entre Yaccumulation et la répétition
lui aurait révélé, par contre, qu'il se trouvait en présence de deux mécanismes
distincts par leur fonctionnement. En fait, Quintilien a eu l'intuition de la pa-
renté existant entre certaines figures, ce qui explique qu'il les regroupe en quel-
ques sections; mais le manque de systématisation lui donne une vision trop
étroite de cette parenté, ce qui entraîne des redites dans la troisième section.
Toutefois, ce qui est intéressant chez lui, c'est qu'une même expression, «verba
geminantur» soit appliquée à des modalités qui, chez d'autres, sont dissociées et
qu'au niveau d'ensemble des modalités de la répétition, l'éparpillement qui ap-
paraît chez bon nombre d'auteurs de l'Antiquité cède le pas à une concentra-
tion de celles-ci en deux sections. S'il n'est pas parvenu à fondre ces deux sec-
tions en un ensemble unitaire: celui des figures de répétition, c'est parce qu'il
n'étudie pas la répétition en soi, mais en fonction de critères extérieurs qui
l'amènent précisément à scinder l'ensemble en deux.
L'oeuvre de Quintilien joue un rôle considérable dans l'histoire de la rhéto-
rique; son influence se fait encore sentir au XVIIe siècle notamment, chez un
auteur comme Cyprien Soarez. L'organisation interne de l'exposé de Soarez
doit en effet beaucoup à celui de Quintilien 19 ; ce n'est donc certes pas son ori-
ginalité qui fait son intérêt, mais plutôt le fait que son auteur a réussi la synthèse
des points les plus intéressants de l'exposé de Quintilien. Il lui emprunte la sub-
division des «figurae verborum» en trois grandes catégories: «per adiectionem,
detractionem, similitudinem» 20 ; mais à l'intérieur de chacune d'elles, le dé-
sordre qui apparaissait chez Quintilien fait place à la clarté et à l'homogénéité.

18
Quint., p. 484.
19
Au même titre, d'ailleurs, que l'essentiel de l'exposé: la plupart des modalités de re-
prise examinées par Soarez figurent chez Quintilien; mais, surtout, Soarez lui a prati-
quement emprunté tous ses exemples. Par contre, la disposition interne de chaque sec-
tion rappellerait plutôt celle de la Rhetorica ad Herennium (paragraphes distincts com-
prenant le nom de la figure, sa définition et les exemples, alors que chez Quintilien la
division en paragraphes fait place à un exposé continu); l'auteur de la Rhetorica ad
Herennium commence d'ailleurs, lui aussi, son exposé par l'examen successif de la re-
petitio, de la conversio et de la complexio (les termes techniques sont les mêmes chez
Soarez).
20
Soarez, p. 112.

9
La première section regroupe différents cas de répétition d'un même mot 21 , la
troisième débute par l'examen de diverses figures touchant à la répétition: an-
nominatio, similiter cadens, similiter desinens, compar; entre les deux sections,
aucune interférence, nul retour en arrière. L'essai d'abstraction, de systémati-
sation, esquissé par Quintilien est ici pleinement réussi. Dommage que l'auteur
ne se soit pas expliqué sur l'organisation interne des différentes sections, qu'il
ne nous ait pas fourni les critères présidant à son classement: l'organisation de
l'exposé est très stricte, mais elle reste à un niveau purement implicite (répéti-
tion de mêmes mots, répétition de mêmes sons, répétition d'un même nombre
de syllabes et même - comme le montrent les exemples - d'un même type de
construction syntaxique).
Au chapitre des figures d'élocution par déduction22, Fontanier passe en revue
différentes espèces de répétition de mots, ainsi que la synonymie; tandis que les
diverses espèces de répétition phonique sont à chercher au chapitre des figures
d'élocution par consonance23. Une scission est ainsi opérée, une nouvelle fois,
au sein du phénomène de la répétition. Cette division n'est pas sans rappeler
celle de Quintilien (figurae per adiectionem vs figures reposant sur la ressem-
blance, l'identité ou l'opposition des mots), même si les hésitations et les re-
tours en arrière de celui-ci sont absents de l'étude de Fontanier. Ici encore, la
répétition n'est pas étudiée en elle-même, mais par le biais d'un critère qui lui
est extérieur. C'est ce qui explique que Fontanier mette sur un pied d'égalité la
répétition de mêmes mots et la synonymie, qui apparaît comme la répétition
d'un même contenu sémantique, mais aussi une figure comme la gradation,
qu'il définit indépendamment de la répétition 24 ; alors que les figures d'élocu-
tion par consonance, qui apparaissent comme autant d'exemples de répétition
de mêmes sons, restent à l'écart. En fait, chez lui comme chez presque tous les
auteurs, la répétition est limitée à la répétition de mots, à l'exclusion de la répé-
tition de sons et même, dans une certaine mesure de la synonymie. Bien sûr,
l'examen de cette dernière suit celui de la répétition, mais Fontanier n'insiste
pas assez sur le fait qu'il s'agit d'une autre espèce de répétition: celle d'un
même contenu sémantique.

21
Seule fausse note: l'examen de \asynonymia; bien sûr, il s'agit d'une «figura per adiec-
tionem», au même titre que les autres; mais comme elle consiste en une reprise du si-
gnifié (sans répétition du signifiant), elle aurait fort bien pu venir en fin de section, à la
suite de l'analyse des différentes figures reposant sur une reprise du signifié mais aussi
du signifiant. A ce niveau, l'auteur aurait pu établir une distinction entre reprise totale
du signifiant et du signifié (la répétition d'un même mot sous ses différentes formes:
repetitio, conversio, conduplicatio, etc.), reprise totale du signifiant mais pas du signifié
(«continenter unum verbum non in eadem sententia ponitur»: Soarez, p. 114) et re-
prise s'accompagnant d'une modification du signifiant (la traducilo telle qu'il la définit,
pp. 1 1 5 - 1 1 6 ) .
22
Font., pp. 3 2 9 - 3 3 6 .
23
Font., pp. 3 4 4 - 3 5 3 .
24
a . infra, figure 18.

10
D'autres faiblesses apparaissent encore, au sein de la catégorie des figures
d'élocution par consonance. Fontanier n'établit pas une distinction assez nette
entre l'assonance et la rime (consonance plus étendue dans la seconde que dans
la première). Sous le terme antanaclase, il range des figures fort différentes - il
le reconnaît d'ailleurs lui-même 25 : le premier exemple et la dernière série appa-
raissent comme autant de cas de répétition d'un même mot s'accompagnant
d'une modification du contenu sémantique (jeu sur la polysémie du terme ou
sur l'alternance entre sens propre et sens figuré), tandis que dans les autres, il
s'agit tout simplement de l'homonymie; du moins Fontanier, à la différence de
beaucoup d'auteurs, reconnaît-il que dans ce dernier cas, il ne s'agit pas d'un
même mot, mais de «mots qui ne se ressemblent que pour la forme».
En outre, au sein de cette catégorie, il n'établit pas d'échelle qui refléterait
précisément le degré de consonance de chaque figure: celui-ci croît, en effet, au
fur et à mesure que l'on passe de l'allitération et de l'assonance à la rime, à la
paronomase et enfin à l'homonymie, où la consonance est totale; tandis que
dans des figures comme l'antanaclase (au sens étroit, c'est-à-dire celui de la ré-
pétition d'un même mot s'accompagnant d'un jeu sur la polysémie du terme ou
sur l'alternance entre sens propre et sens figuré), la dérivation et le polyptote,
un autre facteur vient s'ajouter, qui était absent des figures précédentes: le fac-
teur sémantique. Au sein de ces trois dernières figures, on pourrait établir le
classement suivant:
- reprise partielle du corps phonique (d'où consonance partielle comparable à
celle que l'on trouve dans la paronomase) mais aussi du corps sémantique. A ce
stade apparaît une distinction interne entre la dérivation, qui voit la rencontre
de mots différents mais de même origine, et le polyptote qui marque au con-
traire une sorte de morcellement, d'éclatement d'un noyau central en différen-
tes parcelles (cas, genres, nombres, personnes, temps et modes),
- reprise totale du corps phonique (d'où consonance totale semblable à celle
que l'on rencontre dans l'homonymie) mais accompagnée d'un jeu sur la poly-
sémie du terme repris ou sur l'alternance entre sens propre et sens figuré: anta-
naclase au sens étroit.
Mais le chapitre des figures d'élocution par consonance a cependant le mérite
d'offrir un inventaire assez complet de ces figures, puisqu' on y retrouve l'allité-
ration, l'assonance, la paronomase, l'homonymie, la dérivation, le polyptote et
l'antanaclase.
*

Dans le passage qu'il consacre à la παρίσωσις 26 , Hermogène regroupe quel-


ques-unes des figures touchant à la répétition, tandis que d'autres sont isolées
dans l'exposé.

25
Font., p. 349; cf. aussi infra, fig. 6, 9, 10 et 11.
26
Herrn., Id., Sp II, pp. 3 3 3 - 3 3 7 .

11
Il distingue différents types de parisoses:
- les παρισώσεις κατά τας συλλαβάς qui recouvrent les παρισώσεις κατ' άρ-
χάς 27 et les παρισώσεις κατά το τέλος 28
— et les παρισώσεις κατά κώλον (...) άπαν regroupant les κατά κώλον επα-
ναφοραί 29 ,1'άντιστροφή 30 et les κατά κόμμα παρισώσεις 31 .
On est loin de la démarche empirique adoptée par de nombreux auteurs.
L'effort d'abstraction se marque non seulement dans cet essai de systématisa-
tion des figures, mais aussi dans les comparaisons qu'Hermogène opère entre
les modalités rencontrées, ί'έπαναφορά, nous dit-il, est en même temps une
παρίσωσις κατ' άρχάς, alors que cette dernière n'est pas encore une επαναφο-
ρά: dans Γέπαναφορά, il y a reprise du terme initial (des termes initiaux); tan-
dis que dans la παρίσωσις κατ' άρχάς, il n'y a répétition que de la syllabe ini-
tiale (dans l'exemple II, des deux syllabes initiales). Toute επαναφορά est
donc, en même temps, une παρίσωσις κατ' άρχάς, car elle voit la reprise totale
du premier terme et donc, notamment, de sa ou ses syllabes initiales; alors que
la παρίσωσις κατ' άρχάς n'est pas encore une επαναφορά car les constituants
de la répétition se distinguent encore par les syllabes autres que la ou les sylla-
bes initiales. Ou encore: ce qui distingue Γεπαναφορά et 1'άντιστροφή, c'est la
place de l'élément répété (au début dans l'une, à la fin dans l'autre); mais ce qui
les rapproche, c'est précisément le genre de rapport qu'elles établissent avec la
παρίσωσις κατά τάς συλλαβάς correspondante: la différence entre επαναφορά
et παρίσωσις κατ' άρχάς (reprise du terme initial et donc, entre autres, de sa ou
ses syllabes initiales vs. reprise de la ou des syllabes initiales, mais pas des au-
tres) est comparable à celle qui existe entre άντιστροφή et παρίσωσις κατά το
τέλος (reprise du terme final et donc, entre autres, de sa ou ses syllabes finales
vs. reprise de la ou des syllabes finales, mais pas des autres).
L'essai de systématisation touche encore deux autres figures: Γέπανα-
στροφή 32 et le κλιμακωτόν 33 . Hermogène constate que, comme c'était déjà le

27
- exemples de παρισώσεις κατ' άρχάς:
ex. I προσήκει προΰΰμως
ex. II Παυσανίου δε παυσαμένου, διδάσκουσι γάρ με 'ίσα λέγειν οί σο-
φοί. (Sp. II. p. 335)
28
- παρισώσεις κατά το τέλος:
ex. III tri τ ε πόλει βοηθεϊν ο'ίεται δεΐν και δίκην ύπερ αϋτοϋ λαβείν (Sp. II.
p. 335)
29
- κατά κώλον έπαναφοραί:
ex. IV μέχρι τούτου Λασθένης φίλος ώνομάζετο Φιλίππου, εως προϋδωκεν
Ό λ υ ν θ ο ν . μέχρι τούτου Τιμόλαος, εως άπώλεσε Θήβας. (Sp. II. p.
335)
30
- άντιστροφή:
ex. V πράττεται τι των ίιμίν δοκουντων συμφέρειν; άφωνος Αισχίνης, άντέκρουσέ
τι και γέγονεν οίον ούκ εδει; πάρεστιν Αισχίνης. (Sp. II, p. 336)
31
- κατά κόμμα παρισώσεις:
ex. VI ταξιάρχους παρ' ϋμών, ιππάρχους παρ' υμών. (Sp. II, p. 336)
32
Herrn., Id., Sp. II, p. 336.
33
Herrn., Id., Sp. II, p. 337.

12
cas pour la παρίσωσις, Γέπαναστροφή touche aussi bien des mots 3 4 que des
syllabes 35 . En outre, en comparant cette figure avec le κλιμακωτόν, il arrive à la
conclusion que ces deux figures sont très proches, dans la mesure où la seconde
n'est jamais qu'une έπαναστροφή plus étendue.
De l'un à l'autre de ces deux types de figures (les différentes παρισώσεις et le
couple έπαναστροφή - κλιμακωτόν), on voit se dessiner la ligne générale de la
démarche: contrairement à de nombreux auteurs qui prennent en considération
la nature des éléments touchés par la reprise (répétition de mots, de sons, etc.),
Hermogène met avant tout l'accent sur la place de celle-ci (répétition en début
de membre, répétition à la finale, répétition recouvrant tout le membre ou en-
core, répétition au début du deuxième membre de ce qui constituait la fin du
membre précédent). Ensuite seulement, il s'intéresse à la nature de l'élément
touché (syllabe ou mot). Il en vient ainsi à rapprocher des modalités qui sont,
en général, nettement dissociées dans les autres traités. Seuls échappent à ce
regroupement 1'ίσόκωλον 36 et le πολυπτωτον 37 .
Mais si Hermogène ne parvient pas à établir un mode d'organisation recou-
vrant toutes les modalités de répétition examinées, son exposé n'en obéit pas
moins à une logique beaucoup plus stricte que celle que l'on rencontrait, par
exemple, chez Quintilien.
A la suite d'Hermogène, un auteur anonyme reprend le même classement. Il
ne s'agit pas d'un plagiat; l'auteur avoue lui-même qu'il connaît l'oeuvre
d'Hermogène, comme le montre le titre de l'un de ses paragraphes: Τοΰ αύτοΰ
περί τών της διανοίας σχημάτων καθ' Ερμογένη 3 8 . En outre, le libellé des
deux exposés est différent et si l'auteur du traité reprend la plupart des exem-
ples d'Hermogène, il en ajoute cependant de nouveaux 39 .
L e classement étant semblable à celui d'Hermogène, je renvoie le lecteur à ce
dernier. Remarquons simplement que, à la différence d'Hermogène, l'auteur
ne procède pas à la comparaison entre έπαναφορά et παρίσωσις κατ' αρχάς, ni

34 - έπαναστροφή touchant des mots:


ex. VII où γαρ δήπου Κτησιφώντα μεν δύναται διώκειν δι ' έμέ, έμέ δε είπερ έξε-
λεγχειν ένόμιζεν αυτόν, ούκ άν έγράψατο.
35 - έπαναστροφή touchant des syllabes:
ex. VIII Σαμία μία ναύς
ex. IX αύτίκα βοή ήν
36 Herrn., Id., Sp. II, pp. 3 3 7 - 3 3 8 .
37 Herrn., Id., Sp. II, p. 338
38 Anon. 1, Sp. III, p. 143.
39 Parmi les exemples fournis par Hermogène, je n'ai retenu que ceux qui étaient com-
muns aux deux exposés.
Les références, pour notre anonyme, sont les suivantes:
ex. I et II d'Hermogène : Anon. 1, Sp., Ill, p. 131
ex. III : Anon. 1, Sp., III, p. 132
ex. IV : Anon. 1, Sp., Ill, p. 131
ex. V et VI : Anon. 1, Sp., Ill, p. 132
ex. VII, V i l i et IX : Anon. 1, Sp., Ill, p. 133.

13
même entre επαναφορά et αντιστροφή. En ce qui concerne Γάναστροφή 40 , il
ne dit pas explicitement que cette figure peut recouvrir des mots, mais aussi des
syllabes; cependant, les exemples qu'il fournit illustrent ces deux cas.
A ces quelques différences près, les remarques qui ont été faites à propos de
l'exposé d'Hermogène valent pour celui-ci. Notons que chez cet auteur, comme
chez Hermogène, le πολύπτωτον 41 et Γίσόκωλόν 42 échappent au regroupe-
ment.
*

L'une des tentatives de classement les plus intéressantes pour la période an-
tique est celle de Phoïbammon.
Dans la rubrique qu'il consacre à l'étude du πλεονασμός 43 , il passe en revue
différentes espèces de répétition: on y trouve aussi bien la répétition en tant
que figure (άναδίπλωσις, επαναφορά, παρονομασία, pour ne citer que trois fi-
gures qui sont envisagées dans tous les traités de rhétorique), que la répétition
imposée par un élément extérieur (c'est le cas de Γέπανάληψις, définie comme
le rappel de ce qui précède faisant suite à une digression, à un développement)
ou même, que la répétition dépourvue de toute possibilité d'effets stylistiques
(la ταυτολογία est présentée, dans la rhétorique antique, comme un défaut de
style). Or ces trois espèces sont généralement dissociées nettement l'une de
l'autre: chez Quintilien, par exemple, la ταυτολογία-επανάληψις est envisagée
au livre VIII 44 , alors que les diverses modalités de répétition de mots («verba
geminantur») sont examinées au livre IX 45 .
L'étude de Phoïbammon présente donc un double intérêt: le fait qu'il envi-
sage la répétition en un même passage de l'oeuvre semble montrer qu'il voyait
en elle un genre recouvrant plusieurs espèces; mais en outre, il s'élève d'un
degré dans l'analyse abstraite, en dépassant la simple répétition en tant que fi-
gure et en considérant en bloc toutes les espèces de répétition.
Dommage qu'il n'insiste pas sur la différence de statut existant entre ces dif-
férents types, qu'il mêle d'ailleurs constamment dans l'analyse: rien dès lors, ni
un commentaire, ni même l'ordre de présentation ne permet de les distinguer.
Mais ce que l'on peut surtout regretter, c'est qu'il n'explique pas pourquoi il a
pris l'initiative de rapprocher des types ordinairement dissociés puisque, ce fai-
sant, il s'inscrivait en marge des autres auteurs de l'Antiquité et semblait amor-
cer une étude générale de la répétition. En fait, on reste à un niveau implicite
d'abstraction. Il semble qu'il s'agisse chez lui d'un effort conscient résultant
d'une certaine intuition, mais rien ne permet de l'affirmer puisque l'auteur ne
nous fournit aucune explication de sa démarche.

40
Anón. 1, Sp. Ill, p. 133.
41
Anón. 1, Sp. Ill, pp. 1 3 8 - 1 3 9 .
42
Anón. 1, Sp. Ill, p. 155.
43
Phoïb., Sp. Ill, pp. 4 6 - 4 8 .
44
Quint., p. 238.
45
Quint., pp. 4 6 0 - 4 7 8 ; cf. supra.

14
Il n'en reste pas moins que Phoïbammon est le seul auteur de l'Antiquité à
avoir envisagé la répétition en un seul et même passage de son oeuvre et à avoir
étendu l'acception du terme à des phénomènes de reprise qui ne constituent pas
à proprement parler des figures.
Au XVIIIe siècle, on trouve un essai intéressant dans le Traité du style de
Thiébault. La répétition y est traitée à la suite de deux figures qui en sont fort
proches: le pléonasme46 et Yexpolition. Thiébault range sous le terme de répéti-
tion47 différentes modalités de reprise de mots; certaines: la conduplication,
Yanaphore et Yépistrophe font l'objet de presque tous les traités de rhétorique;
par contre, la répétition en symétrie n'a été relevée avant lui que par Crevier 48 et
quant à la répétition par refrain, Thiébault est le premier de nos auteurs à la
mettre en lumière. Mais son originalité ne s'arrête pas là: parmi les types de ré-
pétition, il cite encore, mais sans s'y attarder, les «répétitions où l'on se borne à
redire les mêmes choses sous des termes différents» (cette espèce «peut être
renvoyée à Yexpolition») «ou à représenter le même mot, pour éviter une équi-
voque ou un sens obscur» 49 («répétition purement grammaticale»). Ainsi l'on
voit se préciser et se compléter encore le tableau esquissé par Phoïbammon:
comme lui, Thiébault regroupe en un même passage pléonasme, répétition de
mots et répétition sémantique; mais il y ajoute la répétition grammaticale, qui
avait échappé à Phoïbammon. Son classement marque ainsi un degré de plus
dans l'essai de systématisation de l'étude de la répétition, puisqu'il y envisage
aussi bien la répétition en tant que figure de rhétorique (conduplication, ana-
phore, épistrophe, conjonction, expolition), que des types de reprise que l'on
pourrait appeler mixtes (le pléonasme et Yexpolition ne sont pas, par nature,
appelés à des fins stylistiques), ou même qu'une répétition de type utilitaire
(«répétition purement grammaticale»).
Seule la paronomase échappe à ce classement 50 .
Autre essai de classement intéressant: celui qui apparaît dans un traité sup-
plémentaire consacré aux Tours, ou Figures de Pensées51 et dans lequel Thié-
bault s'efforce de classer les figures d'après leur rôle.
On retrouve certaines figures touchant à la répétition parmi les «figures qui
servent plus spécialement à mettre nos pensées dans un jour plus lumineux»
(synonymie)52, les «figures qui servent spécialement à mettre plus de délica-
tesse dans nos pensées (paronomase)53 et les «figures qui servent spécialement
à augmenter la force et l'énergie de nos pensées» (répétition, anaphore, épistro-
phe, pléonasme)54. En fait, ce classement, pour original qu'il soit, ne se justifie
46
Voir plus loin (fig. 42) les différents types de pléonasme distingués par Thiébault.
47
Thiébault, I, pp. 1 2 8 - 1 3 2 .
48
a . infra, fig. 32.
49
Thiébault, I, pp. 1 3 1 - 1 3 2 .
50
Thiébault, II, p. 346.
51
Thiébault, II, pp. 3 2 9 - 3 7 0 .
52
Thiébault, II, pp. 3 3 5 - 3 3 6 .
53
Thiébault, II, pp. 3 3 7 - 3 3 8 .
54
Thiébault, II, pp. 3 5 5 - 3 5 6 .

15
pas vraiment: que signifient les expressions «figures qui servent plus spéciale-
ment à mettre nos pensées dans un jour plus lumineux» ou «à mettre plus de
délicatesse dans nos pensées»? Rares sont (du moins, il me semble) les auteurs
qui cherchent à développer dans leurs écrits des pensées obscures ou grossières
et quand bien même il faudrait, pour atteindre à la clarté et à la délicatesse de
pensée, recourir à certaines figures particulières (ce qui revient à limiter sérieu-
sement le style, qui repose à mes yeux sur la convergence de multiples élé-
ments), pourquoi la synonymie ou la paronomase conviendraient-elles mieux
que Yanaphore ou Vépistrophe, par exemple? Et réciproquement, la synonymie
ne sert-elle pas également «à augmenter la force et l'énergie de nos pensées»,
même si elle le fait d'une manière plus discrète, moins immédiatement percep-
tible que la répétition, par exemple? Qui plus est, dans son entreprise Thiébault
oublie un fait essentiel: c'est que la forme est toujours à la disposition du sens et
n'est jamais porteuse, en elle-même, d'une signification particulière. Elle cons-
titue en fait un moule dans lequel viennent se couler des contenus sémantiques
qui peuvent être fort différents. Aussi le rôle joué par telle figure dans tel con-
texte ne sera-t-il pas nécessairement le même que celui qu'elle jouera dans tel
autre.
Il n'empêche que, après avoir recouru au classement traditionnel pour nous
présenter la répétition, Thiébault aura du moins eu le mérite d'essayer de nous
offrir un classement original, même s'il reste très fragile.
*

Au XlIIe siècle, une tentative particulièrement intéressante est celle de Ger-


vais de Melkley. Sous le terme d'eufonomaton, il regroupe différentes figures
reposant sur la répétition tantôt de lettres ou de syllabes, tantôt de termes 55 . La
définition même du terme â'eufonomaton nous entraîne d'ailleurs d'emblée
dans la sphère de la répétition: «Eufonomaton est consonantia orationis que
constitit in similitudine sive idemptitate replicata tum literarum, tum sillaba-
rum, tum etiam dictionem».
La répétition de lettres et de syllabes comprend plusieurs espèces, distin-
guées par la place de l'élément répété.
Ce dernier peut se trouver au début ou au milieu de différents termes; plu-
sieurs sous-espèces se dessinent alors:
- Yannominatio ou répétition d'une lettre ou d'une syllabe située
tantôt au début de différents mots:
ex.: Fronduit in piano platanus
tantôt au milieu:
ex: Non convallibus sed trivallis
tantôt encore au début d'un mot et au milieu de l'autre:
ex: Non gena sed ingenio fronduit Ulixes

55
G. de M., Gräbener, pp. 10-20.

16
- le paronomeon ou répétition de la même lettre ou de la même syllabe au dé-
but de trois termes placés en succession immédiate:
ex.: Sole serena suo
- le polyptote ou annominatio obtenue à partir de l'infléchissement d'un terme:
ex.: Jam clipeus clipeis, umbone repellitur umbo
Ense minax ensis, pede pes et cuspide cuspis
- une annominatio obtenue en recourant à un terme dont la syllabe initiale est
identique à la syllabe finale du terme précédent:
ex.: illa latet
L'élément repris peut également se situer à la fin de différents mots; ici aussi
on voit apparaître plusieurs sous-espèces:
- la consonando simple, constituée par la simple identité de la voyelle finale:
ex.: meis ait
- la consonantia constituée de l'identité de la voyelle finale et de tout ce qui
suit:
ex.: venit, ait
- la leonitas ou consonantia des deux dernières syllabes:
ex.: Heu quam terribilis iudex immobilis
elle engendre deux couleurs de rhétorique: le similiter cadens et le similiter
desinens,
- la paronomasia, présentée comme un type de leonitas-, le terme n'est pas dé-
fini, mais l'exemple montre l'identité de termes bisyllabiques réalisée à la
première lettre près:
ex.: Hic sapit, ille capit; hic docet, ille nocet;
Acer est hic, ille sacer; hic malus, ille salus.
C'est encore le critère de la place qui permet de distinguer les différentes
espèces de répétition de mots:
- la répétition du terme initial ou repetitio,
- la répétition du terme final ou conversio,
- la répétition du terme initial et du terme final ou complexio-, aucun exemple
ne nous est fourni pour ces trois figures.
Viennent ensuite deux couleurs de rhétorique mixtes:
- la traductio, qui apparaît
• soit comme la reprise d'un terme accompagnée d'une modification casuel-
le; elle touche alors à Y annominatio:
ex.: Utraque mihi placet, utramque diligo,
de utraque cogito
• soit comme la reprise intégrale d'un terme mais doublée d'une modifica-
tion du contenu sémantique; elle est alors voisine de la répétition de mots:
ex.: Celestes ora da Christo pectus et ora.
Omni sic hora celestis queritur ora.
- la gradatio-metalempsis, qui peut être obtenue
• par infléchissement du terme précédent vers un autre cas:

17
ex.: Ira movet litem, lis prelia, prelia mortem,
Mors lacrimas, lacrime numina, numen opem.
ou vers une autre partie du discours:
ex.: Sic solatur amor: urunt solatia, lenit
Ustio, lenimen angit et angor alit
elle rejoint alors l'annominatio;
• par la reprise pure et simple de ce terme:
ex.: Venit et invenit, invenit et addidit arma;
Addidit et rabies tota Robertus erat.
elle est alors proche de la répétition de mots.
On le voit, Gervais de Melkley examine en un seul et même passage différen-
tes figures touchant à la répétition. Il s'inscrit ainsi dans la lignée de Phoïbam-
mon et, dans une moindre mesure, dans celle de Quintilien.
Toutefois, le progrès par rapport à ces deux auteurs est très net, l'inventaire
des figures de répétition étant d'une part beaucoup plus complet que celui de
Phoïbammon et d'autre part beaucoup plus homogène que celui de Quintilien;
Gervais de Melkley parvient, en effet, à envisager ensemble la répétition de
mots et la répétition de sons, dissociées chez Quintilien comme chez bon
nombre d'auteurs.
Mais son apport se situe aussi au niveau des critères présidant au classement.
Une première distribution est établie sur la base des éléments mis en cause;
on voit ainsi se dégager la répétition de sons, la répétition de mots et deux types
de reprise participant à la fois des deux répétitions précédentes: la traducilo et
la gradatio.
Un deuxième critère de classement est fourni par la place des éléments répé-
tés: répétition de l'élément initial et répétition de l'élément final sont commu-
nes à la répétition de sons et à la répétition de mots. A cela s'ajoutent encore la
reprise de l'élément central, dans le cas de la répétition de sons, et la reprise
conjuguée de l'élément initial et de l'élément final, dans le cas de la répétition
de mots.
L'étendue de la reprise a également son importance, puisque c'est elle qui
permet de définir le paronomeon et qui distingue la consonantia simple, la con-
sonantia constituée de l'identité de la voyelle finale et de tout ce qui suit, et la
consonantia reposant sur l'identité des deux syllabes finales. Enfin, l'étendue de
la reprise paraît également régir la paronomasia.
Un dernier type de critère intervient dans l'examen des couleurs de rhétori-
que mixtes que sont la traducilo et la gradatio: la modalité de la répétition; une
reprise totale du constituant phonique rapproche ces deux couleurs de la répéti-
tion de mots 56 , tandis qu'une reprise partielle les entraîne dans la sphère de
Γannominatio51.
56
Cf. ci-dessus: second exemple illustrant la traductio + dernier exemple illustrant la
gradatio.
57
Cf. ci-dessus: premier exemple de traductio + premier et deuxième exemples de gra-
datio.

18
Notons cependant que trois modalités de répétition échappent à ce regrou-
pement : la prius dicti repetitio, la conduplicatio et Yinterpretatio. Envisagées lors
de l'étude de la coadunatio dictionum, elles sont regroupées sous le terme géné-
rique de reiterano58.
Si les mêmes critères (place et cause de la reprise) président à la distinction
des deux premières, il n'en va pas de même de la troisième, qui est définie à
partir de la modalité de la reprise (répétition réalisée à l'aide de termes diffé-
rents). L'homogénéité des critères de classement est ainsi rompue, non seule-
ment au niveau particulier de la reiteratio, mais à celui de la répétition en géné-
ral. Si l'auteur avait pris en considération non la cause de la reprise, mais la na-
ture des éléments touchés, il aurait pu ranger les deux premières modalités
parmi les autres répétitions de mots, définies, rappelons-le, elles aussi, dans un
deuxième temps par la place de la reprise. Uinterpretatio serait alors apparue
comme une troisième grande espèce de reprise, au même titre que la répétition
de sons et que la répétition de mots: la répétition d'un contenu sémantique réa-
lisée au travers de mots différents.
Mais il n'en reste pas moins que Gervais de Melkley apparaît comme un au-
teur de toute première importance par l'effort de systématisation très net qu'il
tente dans son analyse et qui se traduit par le souci de concentrer en un même
passage l'examen de la répétition et de respecter, dans celui-ci, une certaine
homogénéité de critères.
Pour le XVIe siècle, retenons l'analyse de Scaliger, qui est particulièrement
intéressante parce qu'on se trouve en présence d'un exposé obéissant à une
structuration très nette, mais surtout étant donné le choix des critères.
Le classement de Scaliger59 peut être schématisé comme suit: Verba acci-
piunt figuram:
I. ex sua natura (essentia) si ponuntur
— eadem
voce et significatione: άναδίπλωσις
έπανάληψις
επαναφορά
παλιλογια
ταυτότης
αναφορά
επάνοδος
έπαναστροφή
αντιστροφή
συμπλοκή
κλΐμαξ
significatione tantum: συνωνυμία
58
G. de Μ., Gräbener, pp. 3 8 - 4 0 .
59
Seal., pp. 4 5 4 - 4 5 5 , 4 5 6 - 4 6 2 et 4 6 9 - 4 7 0 .
Ν. Β.: Ce schéma ne prétend pas restituer intégralement le classement de Scaliger; il
n'en retient que les éléments qui concernent les figures de répétition.

19
- similia: παρονομασία
II. secundum quantitatem: πάρισον
III. secundum qualitatem: όμοιοτέλευτον
όμοιόπτωτον

Parmi les critères présidant au classement, un premier est fourni, on le voit,


par la modalité de la reprise: Scaliger distingue répétition totale («eadem ver-
ba») et répétition partielle («similia verba»). Au sein de la répétition totale in-
tervient un nouveau critère: l'élément sur lequel porte la reprise; il permet de
distinguer la reprise d'un simple contenu sémantique de la répétition d'un
même mot et de son contenu sémantique. A l'intérieur de cette dernière caté-
gorie, différentes figures de répétition sont alors distinguées sur base de la place
de la reprise (άναδίπλωσις, έπανάληψις, etc.). Ce classement présente cepen-
dant un point faible: parmi les critères qu'il utilise, Scaliger ne définit pas celui
de la qualitas et l'on ne voit pas très bien le rapport qui existe entre ce critère et
des figures telles que 1'όμοιοτέλευτον et Γόμοιόπτωτον.
Mais l'exposé de Scaliger n'en comporte pas moins beaucoup de points ex-
trêmement intéressants. L'auteur y envisage en bloc les diverses figures de ré-
pétition basées sur la reprise intégrale d'un mot. Il souligne la différence, mais
aussi la ressemblance qui existe entre elles et la συνωνυμία: dans chaque cas il y
a répétition d'un contenu sémantique, mais dans l'un des deux seulement cel-
le-ci se double d'une reprise du signifiant. En rapprochant les répétitions de
mots et la παρονομασία, il s'écarte de la tradition et s'inscrit dans la lignée de
Gervais de Melkley. Enfin, les différents blocs de figures qui se dégagent de son
classement trouvent une justification dans la réalité: les diverses répétitions
d'un même mot, la συνωνυμία, le πάρισον et le couple όμοιοτέλευτον - όμο-
ιόπτωτον sont, en effet, des modalités de répétition nettement distinctes l'une
de l'autre.
L'isolation de ces quatre blocs rejoint d'ailleurs une tendance générale qui se
dessine au travers de toute la rhétorique traditionnelle et qui va à prendre en
considération l'élément sur lequel porte la reprise. En effet, alors qu'à première
vue il semble qu'il n'y ait pas beaucoup de points communs entre tous les clas-
sements étudiés jusqu'ici (en dehors des affinités que l'on a pu déceler entre des
auteurs comme Aquila Romanus et Martianus Capella, Bède le Vénérable et
Matthieu de Vendôme; Quintilien, Soarez et Fontanier; Hermogène et un au-
teur anonyme; Phoïbammon et Thiébault dans son premier classement; et en-
fin, Gervais de Melkley et Scaliger), chez bon nombre d'auteurs pourtant on as-
siste à un regroupement entre:

- répétitions de mêmes mots (rappelons-nous l'expression utilisée par Quinti-


lien: «verba geminantur»), tantôt sans, tantôt avec modification du contenu
sémantique;
- répétitions de sons, tantôt avec, tantôt sans parenté sémantique;
- répétitions d'un nombre de syllabes et d'un type de construction syntaxique;

20
- et enfin, répétitions d'un même contenu sémantique réalisées au travers de
mots différents.

Cette tendance se manifeste chez Scaliger (deuxième critère de classement),


mais aussi chez Aquila Romanus, Martianus Capella, Bède le Vénérable, Mat-
thieu de Vendôme, Quintilien, Soarez, Fontanier et Gervais de Melkley.

21
Chapitre 3

La Terminologie

Nous venons de voir, dans le chapitre précédent, que le classement opéré entre
les différentes sortes de répétition relevées par un auteur ne trouvait qu'occa-
sionnellement son correspondant chez un autre auteur 1 . Mais le manque d'ac-
cord entre auteurs se traduit également au niveau de la terminologie: ou bien
une même modalité de reprise reçoit plusieurs appellations différentes selon les
auteurs, ou bien un même terme technique recouvre en fait des modalités de
répétition différentes.
*

Qu'une même modalité de répétition est désignée par plusieurs termes tech-
niques différents, l'exposé de ces diverses modalités le montrera assez nette-
ment 2 .
Parfois l'éventail des termes est assez réduit et l'on assiste à un certain rap-
prochement entre auteurs sur tel ou tel terme particulier.
Pour désigner, par exemple, la répétition d'un même mot au début de plu-
sieurs membres (X .. ./X ...), la plupart des auteurs de l'Antiquité recourent au
terme grec επαναφορά (ou encore: άναφορά, français: anaphore). Après la
Rhetorica ad Herennium, il sera relayé par le terme latin repetido (français: ré-
pétition)3, qui fait d'ailleurs double emploi avec celui d ' è n a v a q ^ à chez trois
auteurs: Aquila Romanus, l'anonyme du Carmen de figuris vel schematibus et
Scaliger. Seul Rutilius Lupus recourt à une expression originale: επιβολή.
Un autre exemple de cette rencontre entre les auteurs est fourni par la répéti-
tion de mots du type ... X/X ... Y/Y ... Z 4 , désignée le plus souvent sous le
nom de κλϊμαξ (κλιμακωτόν) ou encore gradatio (gradatus, français: grada-
tion). Seuls se distinguent Rutilius Lupus (επιπλοκή), Martianus Capella (as-
census, ce terme fait d'ailleurs double emploi avec celui de κλϊμαξ chez Aquila
Romanus) et Fontanier (il donne à cette figure le nom de concaténation, terme
qui servait déjà de doublet - sous sa forme latine concatenatio - au terme de

1
II suffit, pour s'en convaincre, de comparer le petit nombre d'auteurs figurant au cha-
pitre précédent avec ceux qui apparaissent dans le chapitre 4: seuls onze des auteurs
étudiés ont pu être retenus; et encore, en dehors de la tendance générale évoquée en
fin de chapitre, la correspondance ne s'établit jamais qu'entre deux ou trois auteurs
maximum.
2
Cf. infra, chapitre 4.
3
a . infra, fig. 20.
4
α . infra, fig. 18.

22
κλϊμαξ chez Scaliger; tandis que la gradation est définie indépendamment de la
répétition).
Mais dans d'autres cas, l'éventail des termes est assez large et aucun d'eux ne
s'impose.
C'est le cas, entre autres, de la répétition en début de membre du terme qui
constituait la fin du précédent (... X/X ...) 5 . Les auteurs se partagent entre
trois appellations différentes: επαναστροφή (άναστροφή), έπαναδίπλωσις
(άναδίπλωσις, français: anadiplose), παλιλλογία.
Un autre exemple est fourni par la répétition en fin de membre du terme qui
en constituait le début (X ... X) 6 . Parmi les auteurs qui examinent cette figure,
certains l'évoquent sans lui attribuer de terme technique particulier; quant aux
autres ils usent d'appellations diverses: κύκλος, προσαπόδοοις — redditio (red-
ditio orationis), έπαναδίπλωσις — inclusio, epanalepsis (epanalensis), condupli-
catio.
Rappelons que le lecteur pourra compléter ces quelques exemples de concur-
rence entre termes techniques différents en se reportant à l'exposé des diverses
modalités de répétition rencontrées.
*

A l'inverse, il arrive qu'une même appellation recouvre en réalité des moda-


lités de reprise parfois fort différentes.
La παλιλλογία peut apparaître comme la répétition d'un même mot en con-
tact immédiat (... XX ...); c'est le cas de Bède le Vénérable, chez qui le terme
est doublé par celui â'épizeuxis1.
Chez Alexandre le Rhéteur, elle apparaît comme la répétition d'un même
mot en contact immédiat ou non 8 . A côté du terme παλιλλογία, on trouve aussi
ceux d ' à v a ô ^ c o o i ç et d'ênavô^T|i|>iç9.
Quant à Aquila Romanus et Martianus Capella, ils ne prennent en considéra-
tion que le nombre de termes touchés par la reprise (répétition d'un seul mot),
sans s'intéresser à la place de celle-ci10.
Tantôt encore la παλιλλογία apparaît comme la répétition en début de
membre du mot qui terminait le membre précédent (... X/X ...) C'est le cas
chez Zonaios, chez un anonyme, chez Julius Rufinianus - chez qui le terme fait
double emploi avec celui de regressio — et chez Scaliger11.
5
α . infra, fig. 17.
6
α . infra, fig. 19.
7
Beda, Halm, p. 609.
8
' Alex., Sp. III, pp. 1 9 - 2 0 .
9
Alex., Sp. III, p. 29.
10
Aquila Romanus (Aquila, Halm, p. 31) et Martianus Capella (Mart. Cap., Halm,
p. 481) opposent la παλιλλογία (répétition d'un mot) à Γέπανάληψις (répétition de
plusieurs mots), sans préciser s'il s'agit d'une répétition en contact immédiat ou non.
Mais les exemples qui illustrent la παλιλλογία contiennent une répétition en contact
immédiat; l'acception du terme par ces deux auteurs semblerait donc proche de celle
de Bède le Vénérable.
11
a . infra, fig. 17.

23
Le terme έπανάληψις est finalement chargé plus encore d'acceptions diffé-
rentes.
Quintilien l'oppose à la ταυτολογία: Γέπανάληψις est une ταυτολογία ces-
sant d'être un défaut de style pour devenir une figure 12 . Dans le traité intitulé
Schemata dianoeas quae ad rhetores pertinent, par contre, ces deux figures ne
sont plus dissociées mais assimilées13; l'auteur donne comme exemple celui qui
illustrait la ταυτολογία chez Quintilien.
Aquila Romanus 14 et Martianus Capella 15 l'opposent, en tant que répétition
de plusieurs mots, à la παλιλλογία (répétition d'un seul mot, comme nous ve-
nons de le voir).
Alexandre le Rhéteur la présente comme une répétition de mêmes mots en
contact immédiat ou non (j'ai signalé, à propos de la παλιλλογία, que les ter-
mes παλιλλογία, έπανάληψις et άναδίπλωσις coexistaient chez lui), alors que
chez Scaliger elle désigne uniquement la répétition de mêmes mots en contact
interrompu 16 .
Ailleurs encore: chez Bède le Vénérable, Matthieu de Vendôme et Fabri,
elle apparaît comme la répétition en fin d'énoncé du mot qui en constituait le
début (X ... X) 17 .
Une autre ligne d'approche est suivie par des auteurs comme Georgios
Choeroboscos et Rutilius Lupus: prenant en considération non plus la place de
la reprise mais ses effets, ils présentent Γέπανάληψις comme une répétition
d'insistance 18 .
D'autres enfin: Phoïbammon, Zonaios et un anonyme, la définissent comme
le rappel de ce qui précède faisant suite à un développement, à une digres-
19
sion .
La polysémie de chacun des deux termes examinés ci-dessus laisse déjà clai-
rement voir la confusion qui règne au niveau de la terminologie. Une comparai-
son entre les deux le montrera encore plus nettement.
Chez Alexandre le Rhéteur, παλιλλογία et έπανάληψις sont des termes sy-
nonymes, puisque tous deux désignent la répétition, en contact immédiat ou
non, d'un même mot 20 .
Chez Aquila Romanus 21 et Martianus Capella 22 , par contre, ces termes sont
très nettement des antonymes: Γέπανάληψις s'oppose, en tant que répétition
de plusieurs mots, à la παλιλλογία, qui ne met en cause qu'un seul terme.
12
Quint., VIII, p. 238.
13
Schern, dian., Halm, p. 76: ταυτολογία - epanalepsis.
14
Aquila, Halm, pp. 3 1 - 3 2 .
15
Mart. Cap., Halm, p. 481.
16
Seal., p. 456.
17
α . infra, fig. 19.
18
α . infra, fig. 33.
19
α . infra, fig. 44.
20
Alex., Sp. Ill, p. 29.
21
Aquila, Halm, pp. 3 1 - 3 2 .
22
Mart. Cap., Halm, p. 481.

24
Mais la confusion devient incohérence lorsqu'elle se manifeste chez un même
auteur: chez Thiébault le terme d'épistrophe est synonyme tantôt de celui de
complexion - il désigne alors une «espece de retour, dans lequel on répété le
même mot ou les mesmes mots, à la suite de plusieurs phrases, soit que ces mots
en fassent partie, soit qu'ils y servent de réponse» 23 ; tantôt des termes conces-
sion et consentement — dans ce cas, il désigne une figure étrangère à la répéti-
tion 24 .
En définitive pourtant, c'est encore le terme de repetitio (français: répétition)
lui-même qui reçoit le plus grand nombre d'acceptions différentes, car bien
souvent un auteur s'en sert pour désigner tout à la fois un genre de répétition
mais aussi, à l'intérieur de ce genre, une espèce particulière de reprise ou
même, souvent, plusieurs espèces différentes.
Chez Gervais de Melkley, la repetitio au sens large englobe trois figures: la
repetitio au sens étroit (type X ... /X ...), la conversio (type ... X/ .. .X) et la
complexio (type X ... Y/X ... Y) 25 ; tandis que laprius dicti repetitio désigne une
reprise de type ... X/X .. , 26 .
Le terme apparaît aussi à diverses reprises chez Jean de Garlande. Le terme
seul désigne tantôt une reprise de type X ... /X ... 2 7 , tantôt une répétition en
contact immédiat (... XX ...) ou en contact interrompu (... X ... X .. ,) 28 . Mais
on trouve aussi l'expression repetitio afine ou conversio, qui désigne une reprise
de type ... X/ ... X 29 .
Mélanchton range sous ce terme la reprise à l'initiale (X ... /X ...), la répéti-
tion en finale (... X/ ... X), la reprise de type X ... X et la répétition en contact
immédiat ( . . . X X ...) 30 .
Chez Fabri, repetition est un terme générique recouvrant plusieurs espèces: la
repetition «au commencement de plusieurs clauses», «au commencement et au
meillieu», «au commencement et a la fin», «a la fin et au commencement», «a
la fin, moyen et commencement», «a la fin tant seulement» 31 .
Lamy range sous ce terme encore un plus grand nombre de figures. On y
trouve aussi bien la répétition des «mêmes mots» que celle des «mêmes choses
en differens termes» 32 . La répétition des «mêmes mots» recouvre à son tour
différentes espèces: la répétition d'un terme avec ou sans modification de son
contenu sémantique, la reprise à l'initiale (X ... /X ...), la répétition de type X
... X, celle de type ... X/X ..., ou encore celle de typeX ... ! ... X, la répétition

23
Thiébault, I, p. 129.
24
Thiébault, II, p. 348.
25
G. de M., Gräbener, p. 18.
26
G. de M., Gräbener, p. 38.
27
J. de Garl., Lawler, pp. 20 et 112.
28
J. de Garl., Lawler, p. 176.
29
J. de Garl., Lawler, p. 112.
30
Mél., p. 475.
31
Fabri, I, pp. 1 6 0 - 1 6 1 .
32
Lamy, p. 120.

25
au milieu des membres d'une phrase, la reprise du même mot dans toutes les
parties du discours, la répétition s'accompagnant d'une inversion dans l'ordre
des termes ou d'une modification du terme répété 33 et même la convergence de
différents types de reprise. Et Lamy de conclure «Les Rheteurs donnent à ces
différentes figures, qui sont des especes de repetition, des noms particuliers: il
n'est pas necessaire de s'en charger la memoire» 34 .
Ces quelques exemples suffisent à montrer l'extraordinaire polysémie du
terme 35 .
*

L'entreprise consistant à présenter les différentes modalités de répétition re-


levées par la rhétorique traditionnelle semble donc assez difficile à mener à
bien, étant donné le manque d'accord qui règne non seulement au niveau du
classement opéré entre ces modalités, mais encore à celui de la terminologie -
l'incohérence de la terminologie apparaissant entre les différents auteurs, mais
parfois aussi chez un même auteur.
Il paraît dès lors plus simple de présenter ces diverses modalités en se ralliant
à la tendance générale décelée lors de l'examen de différents classements, et qui
allait à prendre en considération la nature de l'élément touché par la reprise.
Rappelons que l'on voyait ainsi se dégager les grandes catégories suivantes: la
répétition des mêmes mots, tantôt sans tantôt avec modification du contenu
sémantique; la reprise phonique s'accompagnant ou non d'une parenté séman-
tique; la reprise d'un nombre de syllabes et d'un type de construction syntaxi-
que; et enfin, la répétition d'un même sens réalisée à l'aide de mots différents.

33
Modification de nature phonique, dans les exemples invoqués (Lamy, pp. 206-207).
34
Lamy, pp. 203-207.
35
Cf. encore: Crevier, II, p. 126; Dem., II, pp. 3 2 3 - 3 2 4 et Font., pp. 329-332.

26
Chapitre 4

Inventaire des différentes modalités de


répétition relevées par la rhétorique traditionnelle

Remarques préliminaires

Le libellé des définitions différant d'un auteur à l'autre et la terminologie étant,


nous l'avons vu, assez flottante, je me bornerai à présenter les diverses figures
de répétition en adoptant une formule passe-partout capable de jouer le rôle de
dénominateur commun entre les différentes définitions rencontrées, j'illustrerai
chaque figure à l'aide d'exemples (dans la mesure des possibilités, je donnerai
un exemple tiré d'un traité écrit en grec, d'un traité écrit en latin et d'un traité
écrit en français) et je fournirai ensuite la liste des différentes appellations don-
nées à la figure.
Les exemples seront numérotés parce qu'il arrive qu'un même exemple se re-
trouve dans plusieurs traités pour illustrer des modalités de répétition tantôt
semblables, tantôt différentes. Dans ce cas, je ne répéterai pas l'exemple, mais
je me contenterai d'indiquer le numéro qu'il portait lors de sa première appari-
tion.
Certains auteurs distinguent typographiquement les constituants de la répéti-
tion, d'autres non. Je reproduis chaque exemple tel que je l'ai trouvé dans le
traité consulté, quitte à fournir l'une ou l'autre indication quand il est difficile
de déceler la répétition en l'absence d'une distinction typographique.
Le classement adopté dans les pages suivantes aura pour critère de base la
nature des éléments touchés par la reprise, éléments classés en fonction de leur
degré d'extension syntagmatique, du moins en ce qui concerne les diverses figu-
res de répétition à dominante formelle: on examinera successivement la répéti-
tion de phonèmes, la répétition de lexèmes et la répétition d'un type de cons-
truction syntaxique (entre autres). En ce qui concerne les figures de répétition à
dominante sémantique, le classement adopté reflète quant à lui l'attitude géné-
rale de la rhétorique qui limitait cette espèce à une seule figure; cette dernière,
qui ouvre à ce titre l'inventaire des figures de répétition sémantique, sera né-
anmoins suivie par l'une ou l'autre figure qui, tantôt gravite autour d'elle, tan-
tôt en est écartée et voit même son statut de figure mis en doute par certains au-
teurs.

27
A . Répétition d e p h o n è m e s

a) Parenté phonique seule

1. Répétition du ou des mêmes phonèmes au début ou à l'intérieur de plusieurs


mots:
ex. 1 : Benediximus vobis de domo domini: deus dominus,
et inluxit nobis. (Halm, p. 610)
ex. 2: Pour qui sont ces serpens qui sifflent sur vos têtes? ...
(Font., p. 345).

Tous les auteurs définissent cette figure comme la répétition d'une même
lettre ou d'une même syllabe au début ou à l'intérieur de plusieurs mots. On
voit tout de suite le caractère beaucoup trop étroit de cette définition: le terme
lettre semble, en effet, limiter la figure au domaine de l'écrit; or l'exemple 1, no-
tamment, est tiré d'un psaume, c'est-à-dire d'un type d'oeuvre destiné à être lu
à haute voix et relevant dès lors beaucoup plus du domaine de l'oral que de
l'écrit.
Beda, Halm, p. 610: parhomoeon ; — M. de Vend., Farai, pp. 169—170: para-
nomeon\ — G. de M., Gräbener, p. 12: paronomeon·, - J. de Garl., Lawler,
p. 120.
Jean de Garlande distingue:
— Yannominacio in similitudine principii:
ex. 3: Quid me sic mordet, quare sic cogitât, et quo
Felle nocet? Feci que mala, quemue cidi? et
— Yannominacio in litteris inicialibus:
ex. 4: Donari debent socio dignissima dona
Cui dare dignetur premia digna Deus.
— Fabri, II, p. 128: paranomeon; — Encycl., t. 2, p. 204: allitération, pas d'ex-
emple; - Font., pp. 345-346: allitération, parachrèse.
Fontanier ne précise pas la place de la reprise, l'acception du terme est ainsi
élargie, puisque la figure cesse d'être limitée à une reprise à l'initiale:
ex. 5: D'une subite horreur ses cheveux se hérissent...
2. Termes présentant des flexions semblables:
ex. 6: Άλκανόρόν θ ' Άλίον τε Νοήμονα τε
Πρύτανίν τε. (Sp., III, p. 97)
ex.7: την δε διεπράθομέν τε και
ήγομεν ένθάδε πάντα. (Sp., III, p. 98)
ex. 8: Ac primùm, quanta innocentia debent esse
imperatores! quanta deinde omnibus in rebus
temperantia! quanta felicitate! quanto ingenio!
quanta humanitate! (Soarez, pp. 120-121)
ex. 9: Ηune ego non diligam? non admirer?

28
non omni ratione defendendum putem? (Soarez, p. 121 et
Font., p. 350, note 1)
ex. 10: «Son pere le hayt, sa mere le mauldit,
son frere le chasse» (Fabri, I, p. 170).
Le terme deflexion est préférable à celui de cas, qui semblerait limiter la fi-
gure aux seuls substantifs, alors que le grec πτώσις peut se traduire aussi bien
par «cas (...) d'un nom, autre que le nominatif» que par «temps d'un verbe,
autre que le présent» ou par «mode d'un verbe» (cf. diet. Bailly, v°: πτώσις,
εως). Et de fait, les exemples 6, 8 et 10 (cf. infra, la portée exacte du terme en
français) présentent des substantifs de même cas, tandis que les exemples 7 et 9
offrent des verbes de même temps, mais aussi de même personne grammaticale.
Alex., Sp. Ill, p. 36: όμοιόπτωτον; - Tib., Sp. III, p. 74: όμοιόπτωτον (envi-
sagé dans la section consacrée à la παρίσωσις); — Herod., Sp. III, p. 97: όμο-
ιόπτωτον; - Zon., Sp. Ill, p. 169: όμοιόπτωτον; — Anon. 2, Sp. III, p. 186:
όμοιόπτωτον; - Rhet. ad Her., p. 200: similiter cadens; - Cie., Orator, p. 408
«cum similiter (...) cadunt verba», pas d'exemple; - Cie., De oratore, III,
p. 164, «[illa] quae cadunt similiter», pas d'exemple; - Quint., pp. 490-492:
όμοιόπτωτον; - Rutil., Halm, pp. 18-19: όμοιόπτωτον; - Aquila, Halm,
p. 30: όμοιόπτωτον, simile casibus; — Carm., Halm, p. 67: όμοιόπτωτον,
aequeclinatum·, - Mart. Cap., Halm, pp. 480-481: όμοιόπτωτον, simile casi-
bus;-Beàa, Halm, p. 610: homoeoptoton·,-M. de Vend., Farai, pp. 170-171:
chez lui, les expressions verba similiter cadentia et omoetholeuton sont synony-
mes; - G. de V., Summa, Farai, p. 322: similitude cadens·, - G. de M., Gräbe-
ner, p. 17: similiter cadens·, — J. de Garl., Lawler, p. 116: similiter cadens in ca-
sibus similibus\ - Mél., p. 476: similiter cadens, όμοιόπτωτον; - Fabri, I,
pp. 169-170: consonance, semblable cadence,
La définition que donne Fabri de la consonance, semblable cadence est inté-
ressante car elle montre le sort de la figure en français: «Consonance ou sem-
blable cadence, se fait quant la fin des deulx dernieres sillabes de diuerses pro-
positions sont quasi leonines ou leoninees».
ex. 11: «Qui ayme iustice, il hayt malice et se garde de malefice»
«(...) Et ceste maniere de parler différé a rithme, pource que semblable mesure
de sillabes n'est point gardee. Et aussi il se peut faire au commencement des
lignes» (ex. 10) «et au commencement et a la fin de la ligne»:
ex. 12: «Les bons amys secourent au besoing, aussi
les ennemis l'en doibt guetter de loing».
De ce texte, on peut tirer les conclusions suivantes:
— la notion de cas a complètement disparu de la définition,
- la frontière, déjà très fragile, qui existait entre όμοιόπτωτον et όμοιοτέλευ-
τον semble disparaître complètement ici (c'était déjà le cas chez Matthieu de
Vendôme qui faisait de ces deux termes des synonymes). D'une part, on ne
trouve dans l'ouvrage de Fabri que l'expression semblable cadence, alors que
nulle part il n'est fait mention d'une semblable désinence; d'autre part, cette
expression englobe des exemples très différents: dans l'exemple 11, la pa-

29
renté phonique est chaque fois située en fin de proposition, ce qui est préci-
sément le cas dans Γόμοιοτέλευτον, similiter desinens. Dans l'exemple 10,
par contre, la parenté phonique est très nettement située au début de chaque
proposition; cette circonstance jointe au fait que les trois substantifs soient
tous des sujets fait de cet exemple un cas très net ά'όμοιόπτωτον, similiter
cadens. Enfin, dans l'exemple 12, la parenté phonique recouvre aussi bien le
début que la fin des propositions, ce qui ferait de cet exemple un cas de con-
vergence entre όμοιόπτωτον et όμοιοτέλευτον,
- Seal., pp. 469-470: όμοιόπτωτον, similiter cadens-, - Soarez, pp. 120-121:
similiter cadens, homoioptoton ; - Dumarsais, p. 289: similiter cadens ; - Encycl.,
t. 23, p. 417: homoctoptoton, similiter cadens; cf. aussi t. 36, v° rhétorique,
p. 737: homoeophoton; cf. encore Suppl., t. 4, p. 673: similiter cadens; — Font.,
p. 350: homoioploton, similiter cadens (Font., p. 350, note 1).
Du sort de la figure en français, Fontanier nous dit: «L'Homoioploton ne
peut guère convenir à la langue française qui n'a point de cas». Dès lors, on ne
sera pas surpris s'il ne nous en fournit que des exemples latins (reportés d'ail-
leurs en note; l'un d'eux est l'exemple 9 cité précédemment),
- Géruzez, p. 172: homoeoptote, il le définit comme «la similitude des chutes»
(ce qui n'est jamais qu'une traduction littérale du terme), mais n'en donne pas
d'exemple.
Avant de passer à l'examen de la figure suivante, il faut tout de même signa-
ler que, si les auteurs de traités ont coutume d'associer όμοιόπτωτον et όμοιο-
τέλευτον, ces deux figures n'en diffèrent pas moins sur un point essentiel: alors
que la seconde est par nature une figure de répétition phonique, il n'en va pas
de même de la première, qui peut se doubler ou non d'une reprise phonique. Ce
dernier cas est illustré notamment par les exemples 6 (Γόμοιόπτωτον va de pair
avec une répétition phonique dans le cas de 'Άλκανδρόν-Άλίον, mais pas dans
la série: Άλίον-Νοημονά-Πρύτανίν), 8 (l'avant-dernier constituant: quanto
ingenio est laissé à l'écart de la reprise phonique quanta innocentia — quanta
temperantia et quanta felicitate — quanta humanitate) et 9 (il n'y a pas de lien
phonique entre diligam, admirer et putem). Toutefois, cette autonomie de
Γόμοιόπτωτον par rapport à la répétition phonique disparaîtra totalement dans
la définition de Fabri: «... semblable cadence se faict quant la fin des deulx
dernieres sillabes de diuerses propositions sont quasi leonines ou leoninees».

3. Termes présentant des terminaisons semblables

ex. 13: Χριστός γεννάται, δοξάσατε, Χριστός εξ


ουρανών, άπαντησατε (Sp. III, p. 185)
ex. 14: Ut eius semper voluntatibus non modo
dues assenserint, sodi obtemperarint, hostes
obedierint, sed etiam venti, tempestatesqúe
obsecundarint. (Soarez, p. 121, et Font., p. 350, note 1).

30
La limite entre cette figure-ci et la précédente est très imprécise: certains ex-
emples sont ambigus (ils peuvent illustrer aussi bien une figure que l'autre), les
définitions souvent peu claires et la terminologie assez flottante (cf. les cas de
Matthieu de Vendôme et de Fabri évoqués ci-dessus).
Pour établir une distinction entre les deux figures, je me suis basée sur l'éty-
mologie des termes:

— όμοιόπτωτον: de όμοιος, ος, ov, «pareil, semblable» et πτώσις, εως, dont


nous avons vu la signification précédemment.
- όμοιοτέλευτον: de όμοιος, ος, ov et τελευτή, ής, «achèvement, fin (...) ex-
trémité d'une chose» 1 .

Je me suis également appuyée sur les quelques définitions qui tenaient comp-
te, précisément, de l'étymologie du terme et étaient en accord avec les exem-
ples donnés. Il s'agit notamment de la définition suivante, donnée par Quinti-
lien (Quint., pp.488-492): «Similium fere quadruplex ratio est (...). Tertium
est, quod in eosdem casus cadit, όμοιόπτωτον dicitur. Sed ñeque, quod finem
habet similem, utique in eundem venit finem όμοιόπτωτον; quia όμοιόπτωτον
est tantum casu simile, etiamsi dissimilia sint quae declinentur; nec tantum in
fine deprehenditur, sed respondentibus vel primis inter se vel mediis vel extre-
mis vel etiam permutatis his, ut media primis et summa mediis accommodentur,
et quocumque modo accommodari potest».
Herrn., Id., Sp. II, p. 335: pas de terme technique particulier, la figure est
rangée sous le terme παρίσωσις; — Alex., Sp. III, pp. 3 5 - 3 6 : όμοιοτέλευτον; -
Tib., Sp. III, p. 74: όμοιοτέλευτον (envisagé dans la section consacrée à la πα-
ρίσωσις); - Herod., Sp. III, p. 98: όμοιοκατάληκτον; - Anon. 1, Sp. III,
pp. 131-132: όμοιοτέλευτον (sous-espèce de la παρίσωσις); — Zon., Sp. III,
p. 169: όμοιοτέλευτον; - Anon. 2, Sp. III, p. 185: όμοιοτέλευτον, όμοιοκα-
τάληκτον; - Demetr., Sp. III, p. 267: όμοιοτέλευτον; - Rhet. ad Her., p. 200:
similiter desinens; — Cie., Orator, p.408: «cum similiter (...) verba (...) desi-
nunt», pas d'exemple; - Cie., De oratore, III, p. 164: «illa quae similiter desi-
nunt», pas d'exemple; - Quint., pp. 490-494: όμοιοτέλευτον; - Rutil., Halm,
p. 19: όμοιοτέλευτον; - Aquila, Halm, p. 30: όμοιοτέλευτον, simile determina-
tione\ - Carm., Halm, p. 67: όμοιοτέλευτον, confine-, - Mart. Cap., Halm,
p. 481: όμοιοτέλευτον, simili modo determinatum, pas d'exemple; — Beda,
Halm, p. 610: homoeoteleuton, similis terminatio,
L'acception du terme est légèrement différente chez Bède, du moins en ce
qui concerne la place de la parenté phonique: «quotiens media et postrema
[c'est moi qui souligne] versus sive sententiae, simili syllaba finiuntur»:
ex. 15: Melius est videre quod cupias quam desiderare
quod nescias.

1
Etymologie établie à l'aide du dictionnaire Bailly.
- Cf aussi, Encycl., t. 23, p. 418, v° homoioteleuton: «Le mot est formé du grec ομος,
pareil et du verbe τελεω, définio, je termine: terminaison pareille».

31
— M. de Vend., Farai, p. 170: omoetholeuton (synonyme de verba similiter ca-
dentia, comme signalé plus haut); - G. de V., Summa, Farai, p. 323: similitudo
desinens·,- G. de M., Gräbener, p. 17: similiter desinens; — J. de Garl., Lawler,
pp. 116 et 174: similiter desinens·,- Mél., p. 476: similiter desinens, όμοιοτέλευ-
τον; - Seal., pp. 469-470: όμοιοτέλευτον, similiter desinens·, - Soarez, p. 121:
similiter desinens·, — Dumarsais, pp. 289-290: similiter desinens·, — Encycl.,
t. 23, p. 418: homoioteleuton ; cf. aussi t. 36, v° rhétorique, p. 737: homoeoteleu-
ton; cf. encore Suppl., t. 4, p. 673: similiter desinens,
Du sort de la figure en français, Y Encyclopédie nous dit: «Elle n'avoit lieu
que dans la prose chez les anciens, et elle y formoit un agrément. Les modernes
l'ont bannie de la leur, comme un défaut; et au contraire, ils l'ont introduite
dans leur poésie; au moins quelques critiques pensent-ils trouver des traces de
la rime dans Yhomoïoteleuton des Grecs et des Latins, qui n'étoit autre chose
qu'une consonnance de phrase» (Encycl., t. 23, p. 418);
— Font., p. 350: homoioteleuton, similiter desinens.
Fontanier examine, lui aussi, le sort de la figure en français: «L'Homoioteleu-
ton, qui revient à-peu-près à la rime, y est de nécessité indispensable dans la
poésie. Mais on ne l'y tolère point dans la prose, à moins qu'il ne s'agisse de
quelque phrase populaire et à proverbe»,
ex. 16: Quand il fait beau, prends ton manteau;
quand il pleut, prends-le si tu veux.
«et autres semblables. Il peut aussi, à la rigueur, y avoir entrée dans une phrase
à sentence, et, qui plus est, il peut alors quelquefois, suivant Beauzée, y pro-
duire le même agrément qu'en latin, s'il sert à rendre sensible un parallélisme
d'idées, à caractériser la symétrie des différens membres du discours»,
ex. 17: Qu'il est difficile de se tenir dans les bornes
de la VERITE, quand on n'est pas dans celles
de la CHARITE!
«Cependant je croirais que ce n'est pas dans le style de la haute éloquence
qu'on peut s'en permettre l'usage».
— Géruzez, p. 172: homoeotéleute, il définit le terme ou, plus exactement, le
traduit à l'aide de l'expression «similitude des désinences» et n'en fournit aucun
exemple.

4. L'assonance et la rime:

ex. 18: Tout conspire à la fois à troubler mon REPOS,


(rime) Et c'est encore ici le moindre de mes MAUX (Dem., II, p. 332
et Encycl., t. 37, p. 39)
L'assonance:
— Dem., I, p. 154: «ASSONANCE. Est un terme usité en Rhétorique et dans
la poétique, pour signifier la propriété qu'ont certains mots de se terminer
par le même son, sans néanmoins faire ce que nous appelons rime. L'asso-

32
nance est un défaut que les bons Ecrivains françois ont soin d'éviter en pro-
se.» Demandre ne nous fournit pas d'exemple de cette figure.
- Encycl., t. 3, p. 778, l'exposé rejoint en partie celui de Demandre: «ASSO-
N A N C E , terme usité en Rhétorique et dans la Poétique, pour signifier la
propriété qu'ont certains mots de se terminer par le même son, sans néan-
moins faire ce que nous appelions proprement rime. L'assonance qui est or-
dinairement un défaut dans la langue angloise et que les bons écrivains Fran-
çois ont soin d'éviter en prose, formoit une espece d'agrément et d'élégance
dans la langue latine, comme dans ces membres de phrase, militem, exercitum
ordinavit, aciem lustravit. Les Latins appelloient ces sortes de chute similiter
desinentia, et leurs rhéteurs en ont fait une figure de mots. Les Grecs ont
aussi connu et emploié les assonances sous le titre d'c^oioxéXEDxa.»
- Font., pp. 3 4 9 - 3 5 1 : «ASSONANCE. Ce qui fait VAssonance, c'est la même
terminaison ou la même chute de différens membres d'une phrase ou d'une pé-
riode. La même terminaison s'appelle en grec Homoioteleuton, et la même
chute Homoioploton».

La rime:
- Crevier, II, p. 140: «Rime: Ici, nous éxaminons la symmétrie méchanique des
mots qui se regardent: symmétrie, dont le mérite propre est de plaire à
l'esprit par une distribution agréable, et quelquefois à l'oreille par la ressem-
blance des sons qui se répondent. Ce dernier agrément est celui de la rime
dans notre poésie: et une preuve qu'il n'est point de caprice, mais puisé dans
la nature, c'est que les Latins, qui ne la connoissoient point dans leurs vers, la
recherchoient souvent dans leur prose. Parmi nous la poésie a un privilège
exclusif pour la rime. La rime est dans notre langue un des caractères consti-
tutifs du vers, qui sans elle ne seroit pas assez distingué de la prose: et c'est
sans doute pour cette raison que notre prose évite la rime et la proscrit. Ainsi
une Rhétorique Françoise ne doit parler de la symmétrie qu'autant qu'elle
plaît à l'oeil et à l'esprit.»
- Dem., II, pp. 3 3 1 - 3 4 5 (l'exposé est assez long, je n'en retiens ici que ce qui
concerne la définition de la figure, son origine, et sa valeur en français sans
m'attarder à la question de la répartition des rimes en rimes masculines, fé-
minines, riches, suffisantes, suivies, etc.): «RIME. La rime n'est autre chose
qu'un même son placé à la fin des mots qui terminent les vers: mais ces mots
doivent être différents, au moins quant à la signification»:
ex. 18: cité précédemment
ex. 19: Tel que vous me voyez, Monsieur, ici PRESENT,
M'a d'un fort grand soufflet fait un petit PRESENT.
Demandre signale que tous ne sont pas d'accord pour reconnaître les vertus
de la rime en poésie. Pour ceux qui mettent ces vertus en doute, «la rime a
contre elle jusqu'à son origine: si elle étoit un agrément, est-il vraisemblable
que les anciens Grecs et Romains si soigneux d'orner leur Langue de tout ce
qui pouvoit l'embellir, et si libres de la plier à leur gré, l'eussent négligée?

33
Est-il croyable que ces Peuples grossiers et barbares de qui nous l'avons re-
çue, ces destructeurs farouches des Arts et des Sciences, qui inonderent l'Eu-
rope vers le dixième siècle, aient eu seuls le bonheur et le talent de la trou-
ver?»
- Encycl., t. 37, p. 38: «RIME: La rime n'est autre chose qu'un même son
placé à la fin des mots qui terminent les vers: mais ces mots doivent être dif-
férens, au moins quant à la signification. On a beaucoup discuté si la rime est
une source de beautés ou de défauts dans les vers. Les uns prétendent que
c'est une pratique barbare qui entraîne avec elle une monotonie insoutena-
ble, les autres n'y trouvent qu'une consonance qui charme l'oreille, & qui est
assez variée, non seulement par le mélange des rimes masculines & fémini-
nes, mais aussi par le grand nombre des différens sons que la langue nous
fournit pour les unes & pour les autres. Selon les premiers, la rime a
contr'elle jusqu'à son origine: si elle étoit un agrément, est-il vraisemblable
que les anciens Grecs & Romains si soigneux d'orner leur langue de tout ce
qui pouvoit l'embellir, & si libres de la plier à leur gré, l'eussent négligée?
Est-il croyable que ces peuples grossiers & barbares de qui nous l'avons re-
çue, ces destructeurs farouches des arts & des sciences, qui inonderent l'Eu-
rope vers le dixieme siecle, aient eu seuls le bonheur & le talent de la trou-
ver? Selon les seconds, quelque soit l'origine de la rime, les beautés qu'elle
fournit ne pourroient être contrebalancées que par la monotonie. Les Itali-
ens & les Espagnols n'ayant presque point de terminaisons qui ne finissent
par une voyelle proprement dite, seront, si l'on veut, dans le cas du reproche;
mais les mots françois finissant souvent par ces mêmes voyelles modifiées &
diversifiées par les différentes consonnes, nous avons de ce côté-là une ri-
chesse qui empêche cette chûte monotone qu'on voudroit nous reprocher.»
- Font., pp. 350-351: rime: «UHomoioteleuton, qui revient-à-peu-près à la
rime, y [dans la langue française] est de nécessité indispensable dans la poé-
sie. Mais on ne l'y tolère point dans la prose,» si ce n'est dans certaines con-
ditions qui ont été précisées lors de l'examen de 1'όμοιοτέλευτον:
ex. 16 et 17, cités précédemment.
Que conclure de tout ceci?
a) Rapport de ces deux figures entre elles:
chez Demandre et dans l'Encyclopédie, les termes assonance et rime s'oppo-
sent, tandis que chez Fontainier, assonance est un terme générique recou-
vrant Yhomoioploton, qui ne joue plus de rôle en français, et Vhomoioteleu-
ton, «qui revient à-peu-près à la rime» (plus loin, il nous dit encore:
«l'espèce d'Assonance en question, la rime ...»).

b) Filiation de ces deux figures par rapport à l'Antiquité:


- l'assonance: selon Fontanier, l'assonance recouvre l'homoioteleuton et
l'homoioploton.
- la rime: selon Crevier, les Latins l'utilisaient en prose, mais pas en poésie:
malheureusement, il ne nous fournit pas le terme latin correspondant au

34
français rime. Demandre semble dire, par contre, que la rime était étrangère
aux Grecs et aux Latins et qu'elle ne serait qu'une création assez tardive.
Fontanier déclare qu'elle «revient-à-peu-près» à l'homoioteleuton, mais
quelle est la valeur exacte de cet «à-peu-près»? Il doit y avoir une différence
entre les deux figures puisque Fontanier ne peut les assimiler entièrement,
mais en quoi consiste-t-elle exactement?
- la situation n'est guère plus claire dans l'Encyclopédie: à l'article assonance,
les auteurs nous disent que celle-ci correspond au similiter desinens — όμοιο-
τέλευτον; pourtant, à l'article homoioteleuton (figure précédente), on se sou-
vient qu'ils mettaient ce dernier en rapport avec la rime: «au moins quelques
critiques pensent-ils trouver des traces de la rime dans l'homoioteleuton des
Grecs et des Latins.» Dès lors, que faut-il conclure: quelle est exactement la
nature des rapports qu'entretiennent l'assonance et la rime avec l'homoiote-
leuton? d'autre part, qu'est devenu l'homoioptoton en français? d'autant que
les auteurs ne reviennent plus sur la question de la filiation à l'article rime et
que l'exemple latin qu'ils fournissent à l'article assonance: militem, exercitum
ordinavit, aciem lustravit marque en fait la rencontre de l'homoioteleuton et
de l'homoioptoton.

c) Valeur de ces figures en français:


- Seuls Demandre et les auteurs de l'Encyclopédie évoquent la valeur de l'as-
sonance en français: elle doit, nous disent-ils, être évitée en prose.
- La rime retient davantage l'attention des auteurs. Selon Crevier et Fonta-
nier, elle est essentielle à la poésie; Demandre, pourtant, avoue que tous ne
s'accordent pas à reconnaître ses mérites en poésie; enfin, les auteurs de
l'Encyclopédie fournissent des arguments pour et contre (ces derniers sont
identiques à ceux que développait Demandre) l'usage de la rime dans les
vers. Par contre, tous sont d'accord pour dire qu'elle doit être bannie de la
prose (avec quelques réserves chez Fontanier, en ce qui concerne les phrases
à proverbe et celles à sentence). Crevier et Fontanier invoquent comme rai-
son le souci d'éviter le mélange des genres: la rime étant un des éléments ca-
ractéristiques de la poésie, elle n'a rien à faire en prose. C'est ce qui explique
qu'elle soit assez négligée dans les traités de rhétorique (l'assonance aussi,
d'ailleurs), alors qu'elle occupe une place de choix dans les ouvrages qui trai-
tent de poétique (cf. la remarque de Crevier: «Ainsi une Rhétorique Fran-
çoise ne doit parler de la symmétrie qu'autant qu'elle plaît à l'oeil et à
l'esprit»),

5. Termes présentant une parenté phonique qui dépasse celle que l'on ren-
contre dans les figures précédentes, mais qui n'atteint cependant pas la tota-
lité du corps phonique:

ex. 20: ού την ΰλακήν, άλλα την φυλακήν


(Sp., III, pp. 168-169 et p. 185)

35
ex. 21 : Sic in hac calamitosa fama quasi in aliqua
perniciosissima fiamma (Quint., p. 488 et Soarez, p. 120)
ex. 22: Ne me vantez point ces sortes de scavans, ce sont
plûtost des traditeurs que des traducteurs. (Bary, I, p. 339).
N.B.: Chez les auteurs dont le nom est suivi d'un astérisque, un même terme
technique sert à désigner aussi bien la simple parenté phonique (figure 5) que la
parenté phonique doublée d'une parenté sémantique (figure 8).

Herrn., Id., Sp. II, pp. 334—335, la figure est envisagée en même temps que
la παρίσωοις: παρισώσεις κατ' άρχάς,
ex. 23: Παυσανίου δέ Παυσαμένου
- Phoïb, Sp. III, p. 47: παρονομασία; - Anon. 1, Sp. III, p. 131, envisagée elle
aussi en même temps que la παρίσωσις: παρίσωσις κατά την συλλαβήν, ex. 23;
- Zon., Sp. III, pp. 168-169: παρονομασία, παρήχησις; - Anon. 2, Sp. III,
p. 185: παρονομασία, παρήχησις; - Rhet. ad Her.*, p. 202: adnominatio; -
Cie., De oratore, II, p. 390: παρονομασία; - Quint.*, pp. 484-490: παρονο-
μασία, adnominatio; - Rutil., Halm, pp. 4 - 5 : παρονομασία; - Aquila*, Halm,
pp. 3 0 - 3 1 : παρονομασία, levis immutatio; - Rufin., Halm, p. 51: παρονομα-
σία, adnominatio, adfictio; - Carm., Halm, p. 67: παρονομασία, supparile; -
Schern, dian., Halm, p. 75: παρονομασία, denominatio; — Mart. Cap., Halm,
p. 481 : παρονομασία, levis immutatio verbi ac nominis ; - Beda*, Halm, p. 609:
paronomasia, denominatio; — M. de Vend., Farai, p. 169: paronomasia; — G. de
V.*, Summa, Farai, p. 323: annominatio; - G. de M., Gräbener, pp. 10 ss. et
p. 18,
Gervais de Melkley distingue:

- ì'annominatio (Gräbener, pp. 10 ss.). On a vu précédemment qu'il en rele-


vait différentes espèces2:
ex. 24: Fronduit in piano platanus (Gräbener, p. 11)
ex. 25: Non convallibus sed trivallis (Gräbener, p. 11)
ex. 26: Non gena sed ingenio fronduit Ulixes (Gräbener, p. 11)
ex. 27: illa latet(Gräbener, p. 15) et
- la paronomasia (Gräbener, p. 18). Le terme n'est pas défini, mais il sem-
ble qu'il désigne une figure dans laquelle l'identité phonique de termes bi-
syllabiques est assurée au premier phonème près:
ex. 28: Hic sapit, ille capit; hic docet, ille nocet;
Acer est hic, ille sacer; hic malus, ille salus.
Gervais de Melkley dissocie donc les termes annominatio et paronomasia, qui
apparaissaient comme des doublets chez Quintilien et Julius Rufinianus.
- J. de Garl.*, Lawler, pp. 116-122: annominacio; - Mél., p. 476: agnomina-
tio, παρονομασία; - Fabri, I, pp. 171-172,
Chez Fabri, la figure est rapprochée de la métathèse: «Agnomination ou libe-
ration se faict, quant, aulcunes dictions ou motz au commencement, moyen ou

2
Cf. supra, pp. 16-17.

36
fin, l'en commue une lectre ou sillabe de ung mot à l'aultre. Et conuient assez
ceste maniere de parler a une figure grammaticale nommee Peranomasia ou
Metathesis :
ex. 29: Combien ce poisson en ung mot? combien ce
moisson en ung pot?
— Seal., pp. 461—462: παρονομασία; — Soarez*, p. 120: annominatio, paro-
nomasia-, — Bary*, I, pp. 3 3 9 - 3 4 1 : paronomasie; - Dumarsais, pp. 2 8 8 - 2 8 9 :
paronomase; — Encycl., t. 32, p. 330: paronomase, paronomasie, jeux de mots-,
cf. aussi t. 36, v° rhétorique, p. 737: paronomasie-, - Font., p. 347: paronomase,
paronomasie, prosonomasie-, p. 485: insupernominatio, annominatio; — Géru-
zez, p. 172: paronomase.

6. Termes présentant une composition phonique identique:

ex. 30: 'quidam duos amicos habebat, alterum


nomine Laesium, alterum Milesium; testamento
ita cavit: amicus meus heres esto milesi:
contendunt de hereditate Laesius et Milesius.' (Halm., p. 99)
ex. 31 : Nam amari jucundum sit, si curetur ne quid
insit amari (Rhet. ad. Her., p. 186 et Quint., p. 486)
ex. 32: «Par don plusieurs gaignent pardon. » (Fabri, I, p. 162)
ex. 33: Egiste, écrivait-il, mérite un meilleur SORT.
Il est digne de vous, et des Dieux dont il SORT. (Font., p. 348).
Certains auteurs présentent comme une répétition d'un même mot s'accom-
pagnant d'une modification du contenu sémantique des exemples du type: Nam
amari jucundum sit, si curetur ne quid insit amari (ex. 31). En fait, il ne s'agit
nullement de la répétition d'un même mot, mais bien de la rencontre de deux
termes présentant une même composition phonique. Pour qu'il y ait répétition
du même mot, il faut que la répétition du corps phonique se double de celle du
contenu sémantique. Or ici les deux termes présentent bien une même compo-
sition phonique, mais ils diffèrent par le contenu sémantique et même, par le
statut grammatical: le premier amari est l'infinitif présent passif du verbe ama-
re, tandis que le second est le génitif neutre singulier de l'adjectif amarus, a, um.
Dès lors, cette figure doit trouver place non parmi les exemples de répétition de
mots où la situent ces auteurs, mais parmi les cas de simple répétition phonique.
Si l'on reprend les exemples 30 à 33, on constate que dans les exemples 30 et
32, l'identité des termes est assurée dans la prononciation, tandis qu'ils se dis-
tinguent encore dans la graphie 3 . Par contre, dans les exemples 31 et 33, l'iden-
tité phonique des termes se double de ce qu'on pourrait appeler une identité
graphique. Seul le statut grammatical des termes permet encore de les différen-

3
L'exemple 32 a été retenu parce qu'il était très proche de l'exemple 30, mais la diffé-
rence de graphie est encore plus manifeste dans l'exemple suivant:
ex. 34: ... Ecoute, mon cher COMTE,
Si tu fais tant le fier, ce n'est pas là mon COMPTE (Font., p. 348).

37
cier (verbe <—» adjectif, dans l'exemple 31 ; substantif <—» verbe, dans l'exemple
33). C'est cette identité phonique et graphique des termes qui a fait que de
nombreux auteurs ont considéré les deux formes en présence comme un seul et
même mot et qu'ils ont vu dans ce type d'exemple un cas de répétition d'un
même mot s'accompagnant d'une modification de son contenu sémantique.
Pourtant, dans ces deux exemples, les termes en présence se distinguaient en-
core par la catégorie grammaticale (c'est précisément ce qui a échappé à ces
quelques auteurs), ce qui rendait la confusion beaucoup moins facile que dans
l'exemple suivant, où l'identité touche la composition phonique des termes,
leur graphie et même leur catégorie grammaticale:
ex. 35: «Colletet, ayant reçu du cardinal de Richelieu
six cents livres pour six mauvais vers, le remercia
par ces deux vers ingénieux et naturels:
Armand, qui pour six vers m'as donné six cents LIVRES,
Que ne puis-je à ce prix te vendre tous mes LIVRES?» (Font.,
p. 348).
On se trouve ici en présence de deux substantifs que seul le genre permet en-
core de distinguer (féminin pour le premier livres, masculin pour le second).
Rhet. ad. Her: pas de terme technique, voir sous:
- traducilo (pp. 186—188): ex. 31 + exemples de même type,
- annominatio (p. 202): exemples dans lesquels les termes en présence diffè-
rent encore par la valeur d'une voyelle (brève dans un cas, longue dans l'autre);
- Quint., pp. 484-486: παρονομασία, adnominatio, traductio; - Fortun.,
Halm, p. 99: ambiguitasper distinctionem; - J. de Garl., Lawler, p. 114: traduc-
tio,
Jean de Garlande définit la figure comme suit: «Traductio est distinguens
equivoca». Il n'est donc pas question ici de répétition d'un même mot. L'exem-
ple qu'il fournit marque la rencontre entre une simple identité phonique et une
identité phonique et graphique:
ex. 36: O uirtus Parche, tu nos disiungere parce,
Corpus enim solum constat inire solum.
- Mél., p. 476: άντανάκλασις, exemple 31, repris à la rhétorique antique, mais
leçon légèrement différente: iucundum est amare ..., au lieu de amari-, — Fabri,
I, p. 162: traduction, l'auteur ne parle plus de répétition d'un même mot, mais
de «ung ou plusieurs motz de semblable prononciation et de diuerse significa-
tion»; — Soarez, p. 120: annominatio, paronomasia-, - Dem. I, pp. 455-456:
homonimes, cf. aussi, II, p. 19,
Demandre parle lui aussi, comme la plupart de nos auteurs, de même nom:
«Un nom homonime est celui qui restant toujours le même, sert à représenter
plusieurs choses différentes». Néanmoins, son analyse est très intéressante car il
y introduit une distinction entre différentes espèces d'homonymes; ainsi se dé-
gagent:
- «les homonimes pour l'écriture ou l'orthographe», exemple: «haïe, participe
féminin du verbe haïr, et haïe, cri que font les Charretiers pour animer leurs

38
chevaux». Il n'est pas possible de les confondre dans la prononciation car «le
premier forme trois syllabes, ha-ï-e\ le second n'en forme que deux, et la
premiere est une diphtongue breve»,
- «les homonimes pour le son ou la prononciation», exemple: «pain, sorte de
nourriture, et pin arbre»,
- et «les homonimes qui n'ont auccune différence ni pour l'écriture ni pour la
prononciation», exemple: «son, bruit; son, la partie la plus grossiere du bled
moulu; son, adjectif possessif ou pronominal» (I, pp. 455-456);
- Thiébault, II, pp. 281-283: homonymes-, - Encycl., t. 23, pp. 419-421: ho-
monyme,
Dans Γ Encyclopédie, il est également question de même mot, mais l'analyse
ne manque pas d'intérêt car elle fait apparaître, elle aussi, une distinction entre
différentes espèces d'homonymes:
- les homonymes univoques, qui ne diffèrent ni dans la graphie, ni dans la pro-
nonciation: «J'appellerais ... homonyme univoque tout mot qui, sans aucun
changement dans le matériel, est destiné par l'usage à diverses significations
propres, et dont par conséquent le sens actuel dépend toujours des circons-
tances où il est employé ... Tel e s t . . . en françois le mot coin, qui signifie une
sorte de fruit, malum cydonium ; un angle, angulus ; un instrument à fendre le
bois, cuneus; la matrice ou l'instrument avec quoi l'on marque la monnoie ou
les médailles, typus» (p. 419),
- et les homonymes équivoques, qui diffèrent dans la prononciation, dans la
graphie, ou dans les deux à la fois: «J'appellerais homonymes équivoques des
mots qui n'ont entr'eux que des différences très-légeres, ou dans la pronon-
ciation, ou dans l'orthographe, ou même dans l'une & dans l'autre, quoiqu'ils
aient des significations totalement différentes. Par exemple, les mots voler,
latrocinan & voler, volare, ne different entr'eux que par la prononciation; la
syllabe vo est longue dans le premier, & breve dans le second; vôler, völer.
Les mots ceint, cinctus; sain, sanus; saint, sanctus; sein, sinus; & seing, chiro-
graphum, ne different entr'eux que par l'orthographe. Enfin, les mots tâche,
pensum, & tache, macula, different entr'eux, & par la prononciation & par
l'orthographe.» (p. 419).
- Font., pp. 348-349: antanaclase, exemples 2 à 6 4 , Fontanier parle non pas
de même mot, mais de «mots qui ne se ressemblent que pour la forme, et qui
ne se rapportent pas à la même origine».
*

b) Parenté phonique s'accompagnant d'une parenté sémantique


7. Répétition d'un terme avec variation de la flexion:
ex. 37: Κλευβούλου μεν εγωγ' έρώ,
Κλευβούλω δ' επιμαίνομαι,
Κλεύβουλον δ' ίδέειν ποθέω. (Sp., III, p. 97).
4
α . supra, p. 11 et infra, fig. 9 et 10.

39
ex. 38: Pater hic tuus nunc denique est, ut egestatem
tuam debere alere videatur? Patrem nunc appellas,
quem prius egentem auxilio tuo ut alienum
deseruisti? Patris tui filius es ad potiundas opes,
cuius ad senectutem violandam crudelissimus
hostis fuisti? Nimirum nullo Consilio filios procreamus;
nam maiorem partem ex Ulis doloris et contumeliae
capimus. (Halm., p. 7 et, cité incomplètement, Quint., p. 466)
ex. 39: « Tout ce que vous avez pu et dû FAIRE pour prévenir
«ou pour apaiser les troubles, vous l'avez FAIT dès le
«commencement; vous le FAITES encore tous les jours,
«et l'on ne doute pas que vous ne le FASSIEZ jusqu'à
«la fin». (Font., p. 352).
Herrn., Id., Sp. II, p. 338: πολύπτωτον; - Alex., Sp. Ill, p. 34: πολύπτωτον;
- Herod., Sp. III, p. 97: πολύπτωτον; - Anon. 1, Sp. III, pp. 138-139: πο-
λύπτωτον; - Anon. 2, Sp. III, p. 184: πολύπτωτον; - Rhet. ad Her.,
Dans la Rhetorica ad Herennium, le terme πολύπτωτον n'apparaît pas, il faut
aller voir sous:
• traductio (Rhet. ad Her., p. 186): l'auteur ne précise pas la nature de la répé-
tition, mais la première série d'exemples apparaît comme une suite depolyp-
totes. Ce terme de traductio va connaître un grand succès dans la suite et,
chez de nombreux auteurs, il va même évincer celui de πολύπτωτον (on se
trouve dans une situation analogue à celle de Γάναφορά, repetitio5),
• adnominatio (Rhet. ad Her., p. 202): «Tertium genus est, quod versatur in
casum commutatione aut unius aut plurium nominum.»;
- Quint, pp. 466 et 484,
• Quint., p. 466: πολύπτωτον,
• on retrouve un exemple de cette figure rangée sous la παρονομασία, adno-
minatio (Quint., p. 484): «Hinc est παρονομασία, quae dicituT adnominatio.
Ea non uno modo fieri solet: ex vicinia quadam praedicti nominis ducta casi-
bus déclinât, ut Domitius Afer pro Cloatilla, Mulier omnium rerum imperita,
in omnibus rebus infelix.»;
- Rutil., Halm., p. 7: πολύπτωτον; - Aquila, Halm, p. 33: πολύπτωτον, ex
pluribus casibus; - Carm., Halm, p. 67: πολύπτωτον, multiclinatum\ - Mart.
Cap., Halm, p. 482: πολύπτωτον, ex pluribus casibus-, - Beda, Halm, p. 610:
polyptoton-, - G. de V., Summa, Farai, p. 322,

Chez Geoffroi de Vinsauf, le terme πολύπτωτον n'apparaît pas; il faut aller


voir sous celui de traductio. Mais, contrairement à l'auteur de la Rhetorica ad
Herennium, Geoffroi de Vinsauf précise dans la définition qu'il s'agit d'une ré-
pétition avec variation de cas;
- G. de M., Gräbener, pp. 15 et 18,
• Gräbener, p. 15: poliptoton,
5
Cf. supra, p. 22.

40
• mais il faut aller voir aussi sous traductio (Gräbener, p. 18), première accep-
tion du terme: «Traducitur ergo vox quandoque ad diversos casus ...»,
la figure est présentée, chaque fois, comme une sous-espèce de Yannomina-
tio;
- J. de Garl., Lawler, pp. 20, 114 et 120,
Chez Jean de Garlande, le terme πολύπτωτον n'apparaît pas; il faut aller voir
sous:
• traductio (Lawler, p. 20): «Traductio dicetur quando uidelicet una dictio tra-
ducitur de casu in casum cum frequencia» + exemple 2, p. 114:
Inter nos loca sunt; nos interualla locorum
Non potuerunt uariis dissociare locis
• annominatio in mutatione unius dictionis (Lawler, p. 120), l'exemple qu'il
donne est le suivant:
Nos Christus ditet, nostri consortia seruet,
Nobis aspiret, nos super astra leuet.
— Mél., p. 475, voir sous traductio: «Traductio repetit eandem vocem alio
casu.»; — Soarez, pp. 115—116: voir sous traductio·, — Fabri, I, pp. 161-162:
voir sous traduction, premier exemple; - Lamy, pp. 206-207: pas de terme
technique, rangée sous repetition (premier exemple); - Encycl., t. 36, v° rhéto-
rique, p. 737: poliptoton, pas d'exemple; - Font. pp. 352-353: polyptote, tra-
duction .

Cas p a r t i c u l i e r s :

1) Zon., Sp. Ill, p. 168: πολύπτωτον: «όταν ó αυτός λόγος πολλών


πτώσεων άντιλαμβάνηται». Mais l'exemple n'est pas en accord avec la défini-
tion. Celle-ci implique, en effet, une variation de cas; or, dans l'exemple fourni,
on voit subsister un même cas au travers de différents énoncés:
ούτος ήν φίλος αυτοί, ούτος προστάτης, ούτος κηδεμών ήν.
Par contre, l'exemple qui illustre la μεταβολή, définie comme suit «οταν το
άυτό νόημα διαφόρως έξαγγελθη», semblerait convenir davantage à notre fi-
gure:
τίνος διώκοντος ή συναναγκάζοντος; οϋδενός.
τίνων ιππέων, τίνος ύλακής ή κραυγής.
2) M. de Vend., Farai, pp. 170-171: «polipteton est quando multitudo ca-
suum varietate terminali distinguitur»,
ex.: Eligo, flecto, peto, confirmo, mulceo, servo
Vota, datis, stuprum, foedus, amore, fidem.
Dans cet exemple (qui lui sert à illustrer à la fois Yomoetholeuton et le polipte-
ton), il y a bien variation de cas, mais elle touche des mots différents.
3) La μετάκλισις, declinatio apparaît comme un polyptote de peu d'étendue:
ex. 40: Ά primo puerum rectum est condiscere recte.' (Halm, p. 67)
ex. 41: 'Dignos digna manent, plerumque bonis bene vortit.' (Halm, p. 67)

41
Cie., De oratore, III, p. 164: declinatio, ni définition, ni exemple; - Carm.,
Halm, p. 67: μετάκλισις, declinatio: «cum verbum declino parumper».
4) Polyptote un peu élargi: μεταβολή:
Dans cette figure, la variation touche la flexion, mais aussi les termes:
ex. 42: τίς γαρ συμμαχία σου πράξαντος γέγονε τή πόλει;
ποίαι τριήρεις; ποίοι νεώσοικοι; τίς επισκευή τειχών;
ποίον ίππικόν; (Sp. III, pp. 7 6 - 7 7 )
ex. 43: Quis nos propter te dilexit? quando aliquem tu
Iunxisti? quas res gessisti? cur ita abundas? (Halm, p. 70).
Tib., Sp. III, pp. 7 6 - 7 7 : μεταβολή; — Anon. 2, Sp. III, p. 185: μεταβολή; -
Quint., p. 466: μεταβολή; - Carm., Halm, p. 70: μεταβολή, variatio. Dans l'ex-
emple 43, on se trouve en présence de la convergence entre, d'une part, termes
phoniquement et sémantiquement proches et, d'autre part, termes phonique-
ment proches mais ne présentant pas de parenté sémantique.

8. «Emploi successif de différents mots qui viennent d'une même racine» (dé-
finition empruntée à Thiébault):

ex. 44: και μην τότε Αίγυπτος υπό βασιλεί


έγένετο, πλην Άμυρταίου του έν τοίς
ελεσι βασιλέως, τούτον δε δία μέγεθος τε
του έλους ουκ ήδύνατο έλείν. και άμα
μαχιμώτατοί είσι των Αιγυπτίων οί Έλειοι (Sp., II, p. 251 et
III, p. 116)
«"Ελος μεν γαρ ó τόπος, έλείν δε το πράγμα,
«Έλειοι δέ οί ένοικούντες» (Sp., II, p. 251)
ex. 45: εάν ής φιλομαθής, έστ) πολυμαθής. (Sp., II, p. 440)
ex. 46: supplicium - supplicatio (Quint., p. 484)
ex. 47: Ne patres conscripti videantur circumscripti
(Quint., p. 486 et Soarez, p. 120 + ex. proche dans Rhet. ad. Her., p. 202)
ex. 48: Emit morte immortalitatem. (Quint., p. 486 et Soarez, p. 120)
ex. 49: Voce vocat Hecaten. (Halm., p. 51)
ex. 50: Ire iter et castris audebit veliere signa. (Halm., p. 51)
ex. 51 : Autre chose est, dit saint Bernard, de
condamner la negligence du ministre et
de nier l'efficace du ministere. (Bary, I, p. 339)
ex. 52: «Ton bras est invaincu, mais non pas invincible.»
(Crevier, II, pp. 128-129 et Font., p. 352).
ex. 53: «Ces graves Magistrats (...) espéroient que, si
les hommes étoient mortels, au moins la dignité
de la Compagnie seroit immortelle.» (Crevier, II, p. 129).
ex. 54: Ils sont JUGÉS ici tous ces JUGES sans foi,
Qui de l'intérêt seul reconnaissaient la loi... (Font. p. 351)

42
ex. 55: Vous avez vaincu la victoire même.
(Crevier, II, p. 128; Thiébault, II, p. 346 et Font., p. 352).
Herm., Heur., Sp. II, p. 251: παρήχησίς, ex.44; - Anon. 1, Sp. III,
pp. 115-116: παρήχησίς, ex.44; - Herrn., Dein., Sp. II, p.440: πάρισον,
ex. 45; — Alex., Sp. III, p. 36: παρονομασία, ex. du type 45; - Herod., Sp. III,
p. 95: παρονομασία, ex. du type 95; - Rhet. ad Her., p. 202: adnominatio,
ex. 47; — Quint., pp. 484-486: παρονομασία, adnominatio, ex. 46, 47 et 48; -
Rufin, Halm, p. 51: παρήγμενον, derivatio, ex. 49 et 50; - Aquila, Halm,
pp. 30—31: παρονομασία, levis immutatio, ex. de type 47; - Beda, Halm,
p. 609: paronomasia, denominatio, ex. de type 47; - G. de V., Summa, Farai,
p. 323: annominatio, ex. de type 48; - J. de Garl., Lawler, p. 122: annominacio,
ex. de type 47; - Mél., p. 476: άντανάκλασις, ex. de type 47; - Soarez, p. 120:
annominatio, paronomasia, ex. 47 et 48; - Bary, I, pp. 339—341: paronomasie,
ex. 51; - Lamy, pp. 206-207: pas de terme technique propre, ex: défaut - il
faut-, - Crevier, II, pp. 128—129: dérivation, ex. 52, 53 et 55; - Thiébault, II,
p. 346: paronomase, dérivation, ex. 55; - Encycl., t. 36, v° rhétorique, p. 737:
paregmenon, pas d'exemple; - Font., pp. 351-352: dérivation (p. 486),
παρήγμενον, ex. 52, 54 et 55.

B. Répétition de mots

a) Avec modification du contenu sémantique

Remarque préliminaire:
Il est très difficile de regrouper en quelques grandes espèces les diverses figu-
res de ce type évoquées par les auteurs: la terminologie est extrêmement flot-
tante et il arrive qu'un auteur range sous un même terme technique des exem-
ples de nature différente ou que le terme technique désignant une même figure
diffère d'après les auteurs. La première situation, celle dans laquelle un auteur
range sous un même terme des exemples différents, se rencontre chez Fonta-
nier: parmi les exemples qui illustrent Yantanaclase, certains apparaissent
comme un jeu sur la polysémie du terme répété, d'autres reposent sur l'alter-
nance entre sens propre et sens figuré, d'autres enfin exploitent l'homonymie 6 ;
pourtant, tous ces exemples sont rangés sous un même terme technique. La se-
conde situation, celle dans laquelle une même figure est désignée différemment
selon les auteurs, est celle de la figure basée sur l'alternance entre sens propre
et sens figuré, appelée πλοκή - copulatio par Aquila Romanus, Martianus Ca-
pella et Mélanchton, alors que l'Encyclopédie et Fontanier la nomment antana-
clase et que Lamy, qui ne lui donne pas de terme technique propre, la range
sous le terme plus général de répétition.

6
Font., pp. 3 4 7 - 3 4 9 et supra, p. 11.

43
D'autre part, si l'on se tourne vers le libellé des définitions, on s'aperçoit que,
si tous les auteurs mentionnent la modification apportée au contenu sémanti-
que du terme répété, ils ne précisent que très rarement la nature de cette modi-
fication: en fait, ils ne le font que pour la figure basée sur l'alternance entre sens
propre et sens figuré.
En dernier recours, il ne reste que les exemples: dans le meilleur des cas, une
figure est illustrée par un exemple commun à tous les auteurs; parfois aussi, on
se trouve en présence d'exemples très proches. Le premier cas est celui de la fi-
gure qui exploite la polysémie du terme répété; il s'agit vraiment du meilleur
des cas: les auteurs sont unanimes non seulement en ce qui concerne l'exemple
illustrant la figure, mais aussi en ce qui regarde le terme technique la désignant
(néanmoins, ce dernier critère est loin d'être absolu car s'il y a bien accord entre
les auteurs sur le choix du terme antanaclase, on vient de voir que ce terme dé-
signait, chez Fontanier, des espèces très différentes). Le cas de la figure basée
sur l'alternance entre sens propre et sens figuré est également digne d'intérêt:
trois des six auteurs qui signalent cette figure la désignent, on l'a vu, sous le
nom de πλοκή — copulatio et l'illustrent à l'aide du même exemple, Lamy et
Fontanier s'en partagent un autre, quant aux exemples restants, ils apparaissent
comme très proches l'un de l'autre. Un adjuvant précieux nous est d'ailleurs
fourni par le commentaire qui accompagne ces exemples et dans lequel, on le
verra, les auteurs expliquent en quoi consiste la modification apportée au con-
tenu sémantique du terme répété.
A l'aide de ces quelques indices: la terminologie quand il y avait accord entre
les auteurs, le commentaire analytique des exemples quand il précisait la nature
de la modification apportée au contenu sémantique du terme répété, et enfin
les exemples quand les auteurs recouraient à un exemple commun ou à des ex-
emples proches, il m'a été possible de regrouper en trois grandes espèces les
différents cas de répétition de mots s'accompagnant d'une modification du con-
tenu sémantique du terme répété:

9. Jeu sur la polysémie du terme répété:

ex. 56: «Cum Proculeius quereretur de filio, quod is


mortem suam exspectaret, et ille dixisset, se
vero non exspectare: Immo, inquit, rogo exspectes.»
(Quint., p. 484 et Font., p. 348, note 1.)
L'exemple 56 se retrouve chez tous les auteurs suivants, même si la formula-
tion en est quelquefois légèrement différente: Quint., p. 484: άντανάκλασις; -
Rutil., Halm, p. 5: άνάκλασις; - Carm., Halm, p. 64: άνάκλασις, reflexio; -
Isid., Halm, pp. 5 1 8 - 5 1 9 : antanaclasis; - Font., pp. 3 4 7 - 3 4 8 : antanaclase,
Seul le premier exemple donné par Fontanier (ex. 56 ici) concerne notre fi-
gure 7 .

7
Pour les autres, cf. infra, fig. 10 et supra, fig. 6.

44
Fontanier est le seul auteur qui accompagne l'exemple d'un commentaire:
«Quintilien donne un exemple [d'antanacíase] qui, en français, restera encore le
même: le verbe Attendre y a d'abord un sens qui marque le désir, l'empresse-
ment, ou même une sorte d'impatience, et ensuite le sens plus simple de se tenir
tranquille jusqu'à ce que la chose arrive, de se conformer au temps sans précipiter
l'événement,»8

10. Jeu sur le sens propre et sur un sens figuré du terme repris (sens figuré non
encore lexicalisé, sinon on est ramené au cas précédent):

ex. 57: Sed tarnen ad ilium diem Memmius erat Memmius.


(Halm., pp. 31 et 481 et Mél., p. 475)
ex. 58: Un pere est toujours pere, et malgré son courroux,
Quand il nous veut frapper, l'amour retient ses coups.
(Lamy., p. 204 et, leçon légèrement différente, Font., p. 349 + aupa-
ravant, p. 107)
ex. 59: Plus Néron que Néron lui-même. (Font., p. 349 et, auparavant,
p. 106)

Aquila, Halm, p. 31: πλοκή, copulatio, illustrée par l'ex. 57 qu'il fait suivre
d'un commentaire: «Ita enim hoc bis positum est, ut superius quidem nomen
tantum significet hominis, posterius velit intellegi eundem qui semper fuerit ac
sui similem»; - Mart. Cap., Halm, p . 4 8 1 : πλοκή, copulatio, illustrée par
l'ex. 57, cet auteur est le seul qui ne fasse pas suivre son exemple d'un commen-
taire; - Mél., p. 475: copulatio, πλοκή, illustrée notamment par l'exemple 57
qu'il accompagne du commentaire suivant: «In hac figura posterius est descrip-
tio prioris, nam in priore tantum persona, in posteriore qualitas significatur»
[suit alors un nouvel exemple commenté] «ut in hoc tumultu consul erat consul,
id est, erat fortis et constans, qualem decet esse consulem»; — Lamy,
pp. 203—204: pas de terme technique propre, la figure est envisagée au cha-
pitre de la répétition, l'un des exemples (ex. 58 ici) est accompagné du commen-
taire suivant: «Le mot de pere est pris la seconde fois pour les mouvemens de
tendresse que ressentent les peres pour leurs enfans»; - Encycl., t. 3, p. 2: anta-
naclase, l'exemple fourni est le suivant: «laissez les morts enterrer leurs morts»;
cf. aussi, t. 36, v° rhétorique: Yantanaclase y est distinguée de laploce, mais au-
cun exemple ne nous est fourni pour cette dernière figure; - Font., p. 349, der-
nière série d'exemples 9 : antanaclase, illustrée entre autres par l'ex. 58 comme
chez Lamy, Fontanier commente ses exemples comme suit: «le mot répété pré-
sente, à côté du sens propre, un sens tropologique et figuré»; c'est ce dernier
commentaire qui m'a permis d'élaborer cette rubrique.

8
Le premier sens visé par Fontanier correspond au 4° du Robert, le second au 1°.
9
a . supra, fig. 6 et 9.

45
11. Pseudo-répétition d'un même mot ou jeu sur l'homonymie:

On a vu que certains auteurs présentaient comme une répétition d'un même


mot s'accompagnant d'une modification du contenu sémantique des exemples
du type de l'ex. 31 :
Nam amari jucundum sit, si curetur ne quid insit amari
alors qu'il s'agissait de la simple rencontre de deux homonymes 10 .
*

b) Sans modification du contenu sémantique


Pour déterminer les différents types de répétition de mots sans modification
du contenu sémantique, certains auteurs prennent comme critère le nombre
d'éléments touchés par la reprise:

12. Répétition d'un seul mot:

ex. 60: Ferro, ferro inquit, et hoc in iudicio dicit, te


reieci atque proterrui (Halm, p. 31)
Aquila, Halm, p. 31: παλιλογία, iteratio; — Mart. Cap., Halm, p. 481: παλιλ-
λογία, iteratio.

13. Répétition de plusieurs mots:

ex. 61: Non potest iam, non potest, inquam, libera haec
civitas esse (Halm, pp. 32 et 481)
Aquila, Halm, pp. 3 1 - 3 2 : έπανάληψις, repetitio; - Mart. Cap., Halm,
p. 481: έπανάληψις, repetitio.

D'autres, très nombreux, prennent en considération la place de la reprise:


14. Répétition en contact immédiat (...XX...):
ex. 62: μιαρόν μιαρόν Οηρίον, ώ άνδρες Αθηναίοι (Sp. III, p. 29)
ex. 63: O Cory don, Cory don, quae te dementia cepit!
(Halm., p. 50 et, sous une forme incomplète: Quint., p. 460)
ex. 64: Rompez, rompez, tout pacte avec l'impiété (Dem., II, p. 324)
Rufin., Halm, p. 50: άναδίπλωσις, duplicano·, - Beda, Halm, p. 609: epizeu-
xis, palinlogia; - M. de Vend., Farai, p. 169: epizeusis; - Mél., p. 475: pas de
terme technique propre, rangée sous repetitio; - Seal., p. 456: άναδίπλωσις,
duplicatio; — Lamy, p. 203: pas de terme technique propre, rangée sous repeti-
tion; - Crevier, II, p. 126: pas de terme technique propre, rangée sous répéti-
tion; - Dem., II, p. 324: la place de la reprise n'est pas précisée dans la défini-
tion de la conduplication, mais les deux exemples qui l'illustrent font apparaître
une répétition en contact immédiat; - Encycl., t. 36, v° rhétorique, p. 736: épi-
zeuxis, pas d'exemple.

10 Πsupra, fig. 6.

46
15. Répétition en contact interrompu (.. .X...X...):

ex. 65: ήν ποτε, ήν, ώ άνδρες Αθηναίοι, εν τη των


πολλών ψυχή (Sp., III, p. 20)
ex. 66: Duc, age, duc ad nos (Halm, p. 50)
Rufin., Halm, p. 50: διακοπή, διαστολή, separatio-, - Seal. p. 456: έπανά-
ληψις, resumptio.

16. Répétition en contact immédiat ou en contact interrompu:

Alex., Sp. III:


- pp. 19-20: έπανάληψις,
- cf. aussi p. 29: άναδίπλωσις, παλιλλογία, έπανάληψις,
Alexandre ne précise plus s'il s'agit d'une répétition en contact immédiat ou
en contact interrompu (il l'a déjà fait précédemment), mais il fournit un exem-
ple de chaque cas.
A la fin de la section précédente (Sp. Ill, p. 20), Alexandre signalait que cer-
tains auteurs désignent par le terme spécifique d ' à v a ô ^ o o i ç la figure qui ap-
paraît chaque fois que le second énoncé commence par ce qui constituait la fin
du précédent:
ex. 67: ώ φίλταθ ώς μ' άπώλεσας,
άπώλεσας δήτ', ώ κασίγνητον κάρα;
- Phoïb., Sp. III, p. 46: άναδίπλωσις; - Zon., Sp. III, pp. 165-166: άνα-
δίπλωσίς; - Anon. 2, Sp. III, p. 182: άναδίπλωσίς; - Quint., pp. 460-462: pas
de terme technique spécifique, rangée parmi les exemples de «verba geminan-
tur»; - Aquila, Halm, p. 31; - Mart. Cap., Halm, p. 481,
Dans l'examen qu'il fait de la παλιλλογία, iteratio (Aquila, Halm, p. 31),
Aquila Romanus signale que la répétition peut être immédiate ou interrompue
par l'apparition de l'un ou l'autre terme. Martianus Capella le signale égale-
ment (Mart. Cap., Halm, p. 481): l'exemple qui lui sert à illustrer la παλιλλο-
γία, iteratio quelques lignes plus haut marque en fait la rencontre d'une répéti-
tion en contact immédiat et d'une répétition en contact interrompu:
ex. 68: Nos, nos, dico aperte, nos cónsules desumus.
En ce qui concerne Γέπανάληψις, repetitio, par contre, aucun de ces deux au-
teurs ne nous fournit d'indication quant à la place de la reprise; seul compte
pour eux le nombre d'éléments touchés par la répétition 11 .
- J. de Garl., Lawler, p. 176: repetitio; - Soarez, pp. 114-115: pas de terme
technique propre, rangée sous conduplicatio-, — Thiébault, I, p. 128,
Chez Thiébault, la figure est définie comme suit: la conduplication «nous
offre le même mot répété plusieurs fois de suite»,
ex. 69: Fuyez, fuyez! Hâtez-vous de fuir!
La place de la reprise n'est donc pas précisée dans la définition. On peut rap-
procher cet exemple de celui de Martianus Capella (ex. 68) - une différence

11
Cf. supra, fig. 13.

47
notable apparaît toutefois: ici, la troisième occurrence, fuir, détermine avec la
deuxième un polyptote —; mais on peut aussi le considérer comme un exemple
de distribution répétitive 12 .

17. Répétition, au début d'un membre, de ce qui constituait la fin du membre


précédent (.. .X/X...):
ex. 70: τοϋδ' εγώ άντίος είμι καί ει πυρί χείρας εοικεν,
ει πυρί χείρας εοικε, μένος δ' α'ίθωνι σιδήρψ.
(Sp.II, p. 336 et Sp. III, p. 97).
ex. 71: Pierides: vos haec facietis maxima Gallo,
Gallo, cuius amor tantum mihi crescit in horas
(Halm, p. 50 et Quint., p. 470)
ex. 72: Il aperçoit de loin le jeune TELIGNY,
TELIGNY, dont l'amour a mérité sa fille ...
(Encycl., t. 16, p. 328 et Font., p. 330).
Herrn., Id., Sp. II, p. 336: έπαναστροφή; - Alex., Sp. III, p. 20: άναδίπλω-
σις, cf. ex.67 vu précédemment; - Tib., Sp.III, p. 170: αναστροφή, επανα-
δίπλωσις; - Anon. 1, Sp. III, p. 133: άναστροφή; - Zon., Sp. III, p. 165: πα-
λιλλογία; - Anon. 2, Sp. III, p. 182: παλιλλογία; - Quint., p. 470: pas de terme
technique propre, rangée parmi les cas de «verba geminantur»; - Aquila,
Halm, p. 32: άναδίπλωσις, reduplicano ; - Rufin., Halm, p. 50: παλιλογία, re-
gressio; - Mart. Cap., Halm, p. 481: anadiplosis; - Beda, Halm, p. 609: anadi-
plosis; - M. de Vend., Farai, p. 168: anadiplosis-, - Seal., p. 457: παλιλογία; -
Lamy, pp. 2 0 4 - 2 0 5 , pas de terme technique propre, rangée sous repetition:
«On place le même mot à la fin d'un membre, et au commencement du sui-
vant ...»; — Encycl., t. 2, p. 478 et t. 16, p. 328: anadiplose; cf. aussi, t. 36, v° rhé-
torique, p. 736: anadiplosis.

Cas p a r t i c u l i e r :
— Font., pp. 330—331 : dans la définition qu'il donne de l'anadiplose: répétition
qui se fait «en prenant, au commencement d'un membre de phrase, quelques
mots du membre précédent», Fontanier ne précise pas la place qu'occupaient
ces mots dans le membre précédent. Dans le premier exemple qu'il nous
donne (ex. 72 ci-dessus), nous avons affaire au type de répétition envisagé
ici; tandis que dans le second (cf. infra, ex. 100), il s'agit d'un autre type
(répétition s'accompagnant d'une disjonction des termes repris:
X Y . . . / X . . . / Y . . . , cf. infra, figure 23).

18. Figure précédente plus étendue (.. .X/X.. .Y/Y.. .Z):


ex. 73: ουκ είπον μεν ταϋτα, ουκ έγραψα δέ, ούδ'
έγραψα μέν, ουκ έπρέσβευσα δέ, ούδ'
έπρέσβευσα μέν, ουκ επεισα δέ. (Sp. II, p. 337)

12
Cf. infra, fig. 30.

48
ex. 74: Venit et invertit, invertit et addidit arma,
Addidit et rabies tota Robertus erat
(Farai, p. 323 et Gräbener, p. 20)
ex. 75: Africano virtutem industria, virtus gloriam, gloria
aemulos comparavit (Rhet. ad Her., p. 208 et Quint., p. 476)
ex. 76: N'imitez pas Nysias; la vanité l'a porté à l'estude,
l'estude l'a porté à la composition, la composition l'a
détourné de ses affaires, et le détour de ses affaires
l'a ruiné. (Bary, I, p. 455)
Herrn., Id., Sp. II, p. 337: κλιμακωτόν; - Alex., Sp. Ill, p. 31: κλίμαξ,
Alexandre ajoute que la figure peut également naître de la συνωνυμία:
ex. 77: Ηφαιστος μεν δώκε Δ ι \ Κρονίωνι άνακτι.
αύτάρ άρα Ζευς δώκε διακτόρφ Άργειφόντη.
Ερμείας δε άναξ δώκε Πέλοπι πληξίππω.
αύτάρ ό αύτε Πέλοψ δώκ' Άτρέϊ ποιμενι λαών.
«καί γαρ Κρονίων καί Ζευς συνώνυμα πώς έστι,
καί το Άργειφόντης καί Έρμης»,
- Tib., Sp. III, p. 72: κλίμαξ; - Herod., Sp. III, pp. 99-100: κλίμαξ; - Anon.
1, Sp. Ill, pp. 133-134: κλιμακωτόν; — Cie., Orator, p. 408: ni terme techni-
que (la figure est désignée comme suit: «cum gradatim sursum versus reditur»),
ni exemple; - Cie., De oratore, III, p. 164: gradatio, pas d'exemple; - Rhet. ad
Her., p. 208: gradatio; — Quint., pp. 4 7 6 - 4 7 8 : gradatio, κλίμαξ; - Rutil.,
Halm, p. 8: επιπλοκή; — Aquila, Halm, p. 34: κλίμαξ, ascensus;- Rufin., Halm,
p. 52: κλίμαξ, gradatus; — Mart. Cap., Halm, p. 482: ascensus, ni définition, ni
exemple; - Isid., Halm, p. 517: climax, gradatio; - M. de Vend., Farai, p. 176:
methalemsis, clemax; - G. de V., Summa, Farai, p. 323: gradatio,
Geoffroi de Vinsauf précise que la figure peut être obtenue par la reprise
pure et simple du terme précédent (ex. 74) ou par infléchissement de celui-ci
vers un autre cas (ex. de type 75);
- G. de M., Gräbener, p. 20: gradatio, metalempsis,
Gervais de Melkley précise, lui aussi, qu'elle peut être obtenue par la reprise
pure et simple du terme précédent ou par infléchissement de celui-ci vers un
autre cas ou vers une autre partie du discours (exemples: cf. supra, pp. 17-18);
- J. de Garl., Lawler, pp. 2 0 - 2 2 : gradatio,
Jean de Garlande signale que la répétition peut être immédiate (ex. de type
74) ou non:
ex. 78: Tres tribus urgentur: uir, serpens, femina; uictu
Vir, serpens aluo, femina prole sua.
Il précise également (Lawler, p. 122) que le mot précédent peut être repris
tel quel (ex. de type 74) ou à un cas différent (ex. de type 75);
- Mél., p. 488-.gradatio, κλίμαξ; - Seal., pp. 4 6 0 - 4 6 1 : κλίμαξ,scala, concate-
nado,
Scaliger signale, comme Alexandre le Rhéteur, que la figure peut être basée

49
sur la reprise du même mot ou sur celle d'un terme synonyme; il reprend d'ail-
leurs l'exemple d'Alexandre (ex. 77 ci-dessus);
- Soarez, pp. 116-117: gradatio; - Bary, I, p. 455: gradatio,
L'exemple 76, qui est emprunté à Bary, offre la rencontre d'une reprise pure
et simple du terme précédent et de l'infléchissement de celui-ci vers une autre
partie du discours (possibilité mise en évidence par Gervais de Melkley).

Cas p a r t i c u l i e r s :
1) Carm., Halm, pp. 6 5 - 6 6 : la définition donnée pour Γέπιπλοκή, conexio
peut s'appliquer aussi bien au type 17 (...X/X...) qu'au type 18
( . . . X / X . . . Y / Y . . . Z ) : «Επιπλοκή. Fit conexio, posterius si necto priori». Ce-
pendant, le terme επιπλοκή se retrouve chez Rutilius Lupus où il désigne la fi-
gure du type . . . Χ / Χ . . . Y / Y . . . Ζ / (cf. ci-dessus). De plus, l'exemple fourni par
l'auteur du Carmen de figuris vel schematibus est un exemple de ce même type
...Χ/Χ...Y/Y...Z/:
ex. 79: Cum sensi, dixi; cum dixem, deinde suäsi;
Cum suasissem, abii; simul atque abii, indupetravi
2) Fabri, I, p. 172: gradation, climay; la terminologie semble donc suggérer
que l'on se trouve en présence du type ... X / X . . . Y / Y . . . Z. Mais dans le Second
Livre (Fabri, II, p. 42), l'auteur associe le terme de gradation à celui à'anadi-
plosis: «Nota qu'il y a une figure nommee anadiplosis, ou couleur de rhetorique
nommee gradation, qui recommence sa ligne par la fin de l'autre». La définition
qu'il donne de cette figure est assez vague; par contre, les deux exemples qu'il
fournit apparaissent très nettement comme des exemples de type
. . . X / X . . . Y / Y . . . Z ; le second lui servait d'ailleurs, sous sa forme non versifiée,
à illustrer la gradatio dans le Premier Livre:
ex. 80: Saínete Equitaire ung diable prist,
En le prenant el le batist,
En le batant el l'enchaîna,
En l'enchaînant el Γ entraîna, etc.
Chez trois auteurs du XVIIIe siècle: Crevier (Crevier, II, p. 198), Demandre
(Dem., I, pp. 438-439) et Thiébault (Thiébault, II, pp. 358-359), la gradation
cesse d'être mise en relation avec la répétition, tant dans la définition que dans
les exemples; dans l'Encyclopédie (Encycl., 1.10, p. 100: climax, gradation),
elle cesse de l'être dans la définition (l'un des exemples renferme toutefois une
répétition partielle: (...) si stas, ingredere; si ingrederis, curre; si curris, advola).
Au XIXe siècle, Fontanier va dans le même sens, puisqu'il donne à notre fi-
gure le nom de concaténation (Font., p. 331), tandis que la gradation est, elle
aussi, définie indépendamment de la répétition (Font., p. 333). Fontanier dis-
tingue une concaténation directe (celle que nous envisageons ici et qui peut être
schématisée comme suit: . . . X / X . . . Y / Y . . . Z ) et une concaténation inverse
( . . . X / Y . . . X / Z . . . Y ) , dont il fournit l'exemple suivant:
ex. 81 : A quel point de perfection les sciences et les arts ne furent-ils pas por-
tés? Vous en serez les monuments éternels, écoles fameuses rassem-

50
blées autour du trône, et qui en assurez plus l'éclat et la majesté que les
soixante vaillants qui environnaient le trône de Salomon! L'EMU-
LATION y forma le goût: les RECOMPENSES augmentèrent
l'EMULATION; le mérite qui se multipliait, multiplia les RECOM-
PENSES.
Baron, par contre, ne précise pas la nature des rapports existant entre grada-
tion et répétition; mais l'exemple qu'il donne de la gradation, climax (Baron,
pp. 418—419) marque la convergence d'une gradation pure et simple et d'une
gradation mêlée de répétition:
ex. 82: Tu n'as pu supporter ton roi débonnaire, si facile, si familier, qui
s'était rendu comme concitoyen et bourgeois de ta ville, qu'il a enri-
chie, qu'il a embellie de somptueux bâtiments, accrue de forts et su-
perbes remparts, ornée de privilèges et exemptions honorables: que
dis-je? pu supporter! c'est bien pis, tu l'as chassé de sa ville, de sa mai-
son, de son lit! Quoi chassé? tu l'as poursuivi! Quoi poursuivi? tu l'as
assassiné, canonisé l'assassinateur et fait des feux de sa mort!

19. Répétition à la fin d'un membre du ou des termes qui en constituaient le


début ( X . . . X ) :

ex. 83: ού λέγειν είσω την χείρα έχοντα, Αισχίνη, οΰ. (Sp. III, p. 116)
ex. 84: Tibi, sceleratissime omnium, imputare omnes calamitates
suas debet res publica, tibi. (Halm., pp. 32 et 481)
ex. 85: Vous parlez comme un Cicerón, et vous pensez avec
Demosthene de quelle façon vous parlez (Bary, I, p. 334)
Anon. 1, Sp. Ill, p. 116: κύκλος; - Quint., p. 464: pas de terme technique
propre, rangée parmi les cas de «verba geminantur»; - Aquila, Halm, p. 32:
προσαπόδοσις, redditio; — Rufin., Halm, p. 50: έπαναδίπλωσις, inclusio; -
Mart. Cap., Halm, p. 481: προσαπόδοσις, redditio orationis; — Beda, Halm,
p. 609: epanalepsis; — M. de Vend., Farai, p. 168: epanalensis; - J. de Garl.,
Lawler, p. 76: conduplicatio,
Ailleurs (Lawler, p. 122), Jean de Garlande définit la conduplicatio d'après
ses causes 13 ;
- Mél., p. 475: pas de terme technique propre, rangée sous repetitio; - Fabri,
II, pp. 4 2 - 4 3 : epanalepsis,
Fabri fait remarquer que cette figure est peu utilisée. Cependant, il faut si-
gnaler que le livre II est consacré à la poétique; aussi cette réserve ne vaut-elle
peut-être pas pour le domaine de la rhétorique (encore que dans le livre I, con-
sacré précisément à la rhétorique, il ne soit pas fait mention de cette figure);
- Soarez, p. 114: pas de terme technique propre, rangée sous conduplicatio;
- Bary, I, p. 334: pas de terme technique propre, rangée sous repetition meslee,
reduplication; - Lamy, p. 204: pas de terme technique propre, rangée sous re-

13 a . infra, fig. 35.

51
petition; - Encycl., 1.16, p. 328: épanadiplose, έπαναδίπλωσις, épanalese; cf.
aussi, t. 2, p. 478: épanadiplose.

20. Répétition du ou des premiers termes d'un membre au début du ou des


membres suivants (X... /X...):

ex. 86: συ τον Γάγγην έγεφύρωσας, συ το στράτευμα


διαβαίνειν πεποίηκας. (Sp., III, p. 165)
ex. 87: Verres calumniatorem apponebat, Verres de causa
cognoscebat, Verres pronuntiabat (Halm., p. 32)
ex. 88: «Tu es mon amy, tu es seul mon bienfaicteur, tu es
iuge de ma mort et vie.» (Fabri, I, p. 160).

Herrn., Id., Sp. II, p. 335: ή κατά κώλον έπαναφορά; - Alex., Sp. III,
pp. 2 0 - 2 1 + Sp. III, p. 29: έπαναφορά,
Alexandre signale que la reprise peut se réaliser par l'intermédiaire du même
mot ou d'un mot de même force (Sp. Ill, pp. 2 0 - 2 1 ) :
ex. 89: έπέδωκα xfj πόλει χρήματα, παρέσχον
συμμάχους, έχαρισάμην όπλα.
Quelques pages plus loin (Sp. III, p. 29), à côté d'un exemple de type cou-
rant, il fournit un exemple de double anaphore (X... / Y . . . / X . . . / Y...) :
ex. 90: μέχρι τούτου φίλος ώνομάζετο Λασθένης
Φιλίππου, έως προΰδωκεν "Ολυνθον. μέχρι
τούτου Εΰδικος και Σιμός ό Λαρρισαΐος,
εως την Θεταλλίαν υπό Φιλίππω εποίησαν,
«των μεν γαρ πρώτων κώλων το μέχρι άρχει
μόριον, τών δέ δευτέρων το έως.»
- Phoïb., Sp. III, p. 46: έπαναφορά, άναφορά; - Tib., Sp. III, pp. 7 2 - 7 3 :
έπαναφορά, (Sp. III, p. 74): άναφορά; - Anon. 1, Sp. III, p. 131: έπαναφορά
κατά κώλον; - Zon., Sp. III, pp. 164—165,
Zonaios distingue:
• Γ έπαναφορά (= type courant) et
• la διπλή έπαναφορά (= type signalé, sans appellation technique, par Alex-
andre le Rhéteur), ex. de type 90;
- Anon. 2, Sp. Ill, p. 181: έπαναφορά,
L'auteur signale, comme Alexandre le Rhéteur, que la reprise peut se réali-
ser grâce aux mêmes mots ou à des mots de même puissance (ex. de type 89);
— Rhet. ad Her., p. 184: repetitio,
L'auteur de la Rhetorica ad Herennium ne dit pas explicitement qu'il s'agit
d'une reprise à l'initiale, mais tous les exemples montrent une reprise de ce
type. En outre, il définit la figure suivante, la conversio, par opposition à la re-
petitio («Conversio est, per quam non, ut ante primum repetimus verbum, sed
ad postremum continenter revertimur»); la définition complète de la repetitio
peut donc être déduite de celle de la conversio;
— Cie., Orator, p. 406, ni terme technique, ni exemple, la figure est évoquée de

52
la façon suivante: «ab eodem verbo ducitur saepius oratio»; - Cie., De oratore,
III, p. 164, pas d'exemple, la figure est désignée comme suit: «eiusdem verbi
crebra (...) a primo repetitio»; — Quint., p. 462: pas de terme technique, dési-
gnée par l'expression suivante «ab iisdem verbis plura acriter et instanter inci-
piunt»; - Rutil., Halm, p. 6: επιβολή,
Rutilius Lupus fait remarquer, lui aussi (cf. Alex, et Anon. 2), que la reprise
peut se réaliser par l'intermédiaire de mêmes mots ou de mots de même force:
ex. 91: Dolui, Athenienses, ubi ilium clandestinum hostem
impune intra murum vidi vagari: aegre tuli, quod
omnium vestri facilitatem unius fallacia tentatam
intellexi: commovit me, quod in accipienda iniuria
plerosque laetitiam ostentantes cognovi.
- Aquila, Halm, p. 32: έπαναρορά, relatum, (Halm, p. 29): repetitio; - Rufin,
Halm, p. 49: επαναφορά, iteratio; - Carm., Halm, p. 64: επαναφορά, repetitio;
- Mart. Cap., Halm, p. 481: έπαναφορά, relatio; - Beda, Halm, p. 609: anafo-
ra, relatio, epanafora; — M. de Vend., Farai, p. 168: anaphora; - G. de V.,
Summa, Farai, p. 321: repetitio; - G. de M., Gräbener, p. 18: repetitio, pas
d'exemple; - J. de Garl., Lawler, pp. 20 et 112: repetitio; - Mél., p. 475: repeti-
tio [in] initio, pas d'exemple; - Fabri, I, p. 160: repetition, alors qu'en II, p. 128,
elle est appelée anaphora (l'auteur ne fournit plus d'exemple); — Seal.,
pp. 457-458,
Scaliger distingue:
• Γέπαναφορά, repetitio, dans laquelle le même mot est repris plusieurs fois
(Seal., p. 457: «iterum ac tertio» et Seal., p. 458: «semel atque iterum» et
• Γάναφορά, relatio, où il n'est repris que deux fois (Seal., p. 458: «bis tan-
tum»).
Le critère présidant à cette distinction est donc le nombre des constituants de
la reprise.
En ce qui concerne la modalité de cette dernière: voir infra, la remarque qu'il
fait à propos de la συμπλοκή (figure 22 ci-dessous);
- Soarez, p. 113: repetitio·,- Bary, I, pp. 332-334: repetition·,- Lamy, p. 204:
pas de terme technique propre, rangée sous repetition·, - Crevier, II, p. 126: pas
de terme technique propre, rangée sous répétition ; - Dem., II, p. 323-324:
anaphore; -Thiébault, I, p. 129: anaphore; - Encycl., t. 2, p. 510: anaphore; cf.
aussi, t. 36, v° rhétorique, p. 736: anaphore; et même, t. 10, p. 753: conduplica-
tion, premier exemple (vers 1 et 2); — Font., pp. 329-330: anaphore, répétition.

21. Répétition du ou des derniers termes d'un membre à la fin du ou des


membres suivants (... X / . . . X) :

ex. 92: πλήξον τον τύραννον, σφάξον τον τύρρανον,


καρατόμησον τον τύρρανον. (Sp. III, p. 166)
ex. 93: Poenos populi Romani justitia vicit, armis vicit,
liberalitate vicit. (Rhet. ad Her., p. 184).

53
ex. 94: Tout l'univers est rempli de l'esprit DU MONDE; on juge selon
l'esprit DU MONDE. On agit et l'on se gouverne selon l'esprit DU
MONDE; le dirai-je? On voudrait même servir Dieu selon l'esprit DU
MONDE.
(Dem. II, p. 324 et, sans la première proposition, Thiébault, I,
p. 129)
Herrn., Id., Sp. II, pp. 335-336: άντιστροφή; - Alex., Sp. Ill, pp. 2 9 - 3 0 :
άντιστροφή; - Tib., Sp. III, p. 74: αντιστροφή; - Anon. 1, Sp. III, p. 132: αν-
τιστροφή ; - Z o n . , Sp. III, p. 166: άντιστροφή; - Anon. 2, Sp. III, p. 182: άντι-
στροφή; - Rhet. ad Her., pp. 184-186: conversio; - Cie., Orator, p. 406: ni
terme technique (la figure est désignée comme suit: «in idem [verbum] conici-
tur [saepius oratio]»), ni exemple; - Cie., De oratore, III, p. 164: «eiusdem
verbi crebra (...) in extremum conversio»,
Ce dernier terme de conversio se retrouve, pour désigner notre figure, chez
bon nombre d'auteurs: celui de la Rhetorica ad Herennium, Martianus Capella,
Geoffroi de Vinsauf, Gervais de Melkley, Jean de Garlande, Soarez et Fonta-
nier; l'expression in extremum conversio serait donc ici un pléonasme;
- Quint., p. 462, pas de terme technique, Quintilien l'évoque comme suit: «in
iisdem [verbis plura acriter et instanter] desinunt»; - Rutil., Halm, p. 6: έπκρο-
ρά; - Aquila, Halm, p. 33: άντιστροφή, conversum;- Rufin., Halm, p. 52: επι-
στροφή, reversio·, — Carm., Halm, p. 65: έπιφορά, desitio; — Mart. Cap., Halm,
pp. 4 8 1 - 4 8 2 : άντιστροφή, conversio; - G. de V., Summa, Farai, p. 321: con-
versio; - G. de M., Gräbener, p. 18: conversio, pas d'exemple; - J. de Garl.,
Lawler, p. 112: repetitio a fine, conversio; — Mél., p. 475: repetitio in fine, pas
d'exemple; - Fabri, I, p. 161 : pas de terme technique propre, rangée sous repe-
tition; — Seal., p. 459: antistrophe, repetitio finis.
Pour la modalité de la reprise: voir infra, la remarque que fait Scaliger à pro-
pos de la συμπλοκή (figure 22 ci-dessous);
- Soarez, pp. 113 — 114: conversio; — Crevier, II, p. 126: ni terme technique
spécifique (la figure est rangée sous le terme répétition), ni exemple; - Dem.,
II, p. 324: épistrophe, complexion; - Thiébault, I, pp. 129—130: épistrophe,
complexion; — Encycl., t. 36, v° rhétorique, p. 736: épiphore, épistrophe, pas
d'exemple; - Font., p. 330: épistrophe, épiphore, conversion.

22. Convergence des figures 20 et 21 (X.. .Y/X.. .Y):

ex. 95: έπί σαυτόν καλείς, επί τοΐις νόμους καλείς, έπί την δημοκρατίαν
καλείς. (Sp., III, p. 30)
ex. 96: Quis legem tulitl Rullus. Quis tribus sortitus est? Rullus. Quis decem-
viros creavitl idem Rullus. (Halm, p. 33 et Soarez p. 114)
ex. 97: «Liberté engendre estude, liberté croist estude, liberté entretient estu-
de.» (Fabri, I, p. 160)
Alex., Sp. Ill, p. 30: συμπλοκή, σύνθεσις; - Zon., Sp. Ill, p. 166: συμπλοκή;
- Anon. 2, Sp. Ill, p. 183: συμπλοκή; - Rhet. ad Her., p. 186: complexio; -

54
Cie., Orator, p. 406: ni terme technique (la figure est à reconnaître dans la pro-
position suivante: «ab eodem verbo duci tur saepius oratio aut in idem conici tur
aut utrumque» - c'est dans ce dernier terme utrumque qu'il faut reconnaître
notre figure), ni exemple; - Cie., De oratore, III, p. 164: ni terme technique (la
figure est évoquée comme suit: «in eadem verba impetus et concursio»), ni ex-
emple; - Quint., p. 462: pas de terme technique, rangée parmi les cas de «verba
geminantur» ; — Rutil., Halm, p. 7: κοινότης; - Aquila, Halm, p. 33: συμπλοκή,
conexum-, - Carm., Halm, p. 65: κοινότης, communio; - Mart. Cap., Halm,
p. 482: συμπλοκή, conexio; - G. de V., Summa, Farai, p. 321: complexio; — G.
de M., Gräbener, p. 18: complexio, pas d'exemple; - J. de Garl., Lawler,
p. 114: complexio·, — Fabri, I, p. 160: complexion·, - Seal., p. 459: συμπλοκή,
Modalité de la reprise (Seal. p. 459): tant pour cette figure que pour 1 'ana-
phora et Yantistrophe, la répétition peut être littérale ou non (il peut y avoir va-
riation du cas ou variation de la partie du discours);
- Soarez, p. 114: complexion.

23. Répétition de deux termes s'accompagnant d'une dissociation de ces der-


niers (XY.../X. ../Y...):
ex. 98: ó δείνα καί ό δείνα ευρέθησαν, ό δείνα μεν τόδε ποιών, ó δείνα δε
χόδε. (Sp., III, p. 46)
ex. 99: Epitus et Pelias mecum: quorum Epitus aevo iam gravior, Pelias et
vulnere tardus Ulixis (Halm., p. 76)
ex. 100: Un bruit s'épand qu'ENGUIEN et CONDE sont passés:
CONDE, dont le nom seul fait tomber les murailles,
Force les escadrons, et gagne les batailles;
ENGUIEN, de son hymen le seul et digne fruit,
Par lui, dès son enfance à la victoire instruit. (Font., p. 331)
Phoïb., Sp. Ill, p. 46: έπανάδοσις; - Quint., p. 464: επάνοδος, regressio;
- Sehern, dian., Halm, p. 76: επάνοδος; - Font., pp. 330-331: second exemple
d'anadiplose'4.

Cas p a r t i c u l i e r :
- Seal., p. 458: Scaliger fait de 1'επάνοδος, reditus une répétition dans laquelle
il y a inversion de l'ordre des termes (voir infra, fig. 32).
Certaines modalités de répétition de mots semblent n'avoir été relevées que
par quelques auteurs:
Au chapitre des «verba geminantur», Quintilien mentionne encore:

24. La répétition, au milieu d'un membre, d'un ou de plusieurs mots qui en


constituaient le début (Quint., p. 464):
ex. 101: Te nemus Angitiae, vitrea te Fucinus unda.
(Quint., p. 464 et Soarez, p. 115).

14
Cf. supra, fig. 17, sous la rubrique C a s p a r t i c u l i e r .

55
- Dans le passage qu'il consacre à la conduplicatio, Soarez cite lui aussi ce type
de répétition: «Possunt quoque media respondere (...) primis» (Soarez, p. 115)
et l'illustre à l'aide du même exemple.

25. La répétition, à la fin d'un membre, du ou des termes qui en constituaient le


milieu (Quint., p. 464):

ex. 102: Haec navis onusta praeda Siciliensi, cum et ipsa esset ex praeda
(Quint., p. 464 et Soarez, p. 115)
- Dans son examen de la conduplicatio, Soarez mentionne également la figure:
«Possunt quoque media respondere (...) ultimus» (Soarez, p. 115) et reprend
l'exemple donné par Quintilien.

26. Quintilien signale encore qu'il ne fait point de doute que l'on peut égale-
ment répéter les termes se trouvant au milieu d'un même membre (Quint.,
p. 464); mais il ne fournit pas d'exemple de cette figure.

- Lamy relève lui aussi ce type de reprise: «Cette repetition de mêmes mots se
fait dans le milieu des membres d'une sentence» (Lamy, p. 205) et nous fournit
en outre un exemple:
ex. 103: Le désir des honneurs, des biens, et des delices,
Produit seul ses vertus, comme il produit ses vices;
Et l'aveugle interest qui regne dans son coeur,
Va d'objet en objet, et d'erreur en erreur:
Le nombre de ses maux s'accroît par leur remede,
Au mal qui se guérit, un autre mal succede.
Au gré de ce tyran dont l'empire est caché;
Un peché se détruit par un autre peché.
L'absence de distinction typographique empêche de voir clairement quels
sont les mots qui sont impliqués par la reprise (objet? erreur? mal? péché?).
Mais de toute façon, quel que soit le mouvement de reprise envisagé, il semble
qu'il faille comprendre que dans sa définition, Lamy vise non pas la répétition
d'un mot qui, dans une succession de membres de phrase différents, apparaî-
trait chaque fois au milieu; mais bien plutôt la répétition d'un mot à l'intérieur
(plutôt qu'au milieu) d'un même membre de phrase - la deuxième occurrence
du terme pouvant apparaître en n'importe quel endroit (dans la partie centrale
ou même, dans le cas de peché 2, par exemple, en finale), pourvu qu'elle reste à
l'intérieur. En définitive, la figure visée par Lamy pourrait, si l'on se réfère à
l'exemple 103, être renvoyée à la figure 30, 2e type, qui sera examinée d'ici
peu: on peut voir dans l'exemple 103 un cas de distribution répétitive.
- L'Encyclopédie mentionne également ce type de répétition (Encycl., t. 10,
p. 753): «conduplication ... trope qui consiste dans la répétition des mêmes
termes au commencement, ou au milieu, ou à la fin de la phrase» et le second
exemple qu'elle fournit:

56
ex. 104: Sur le héros cinq fois la mort leva sa faulx;
Et le monstre cinq fois respecta le héros.
correspond, cette fois, à la figure visée ici.

27. Quintilien donne le nom de πλοκή à un mélange de plusieurs figures:

«figurarum mixtura (...), in qua et primum verbum longo post intervallo reddi-
tum est ultimum et media primis et mediis ultima congruunt» (Quint.,
pp. 4 6 6 - 4 6 8 ) :
ex. 105: Vestrum iam hic factum reprehenditur, patres conscripti, non meum;
ac pulcherrimum quidem factum, verum, ut dixi, non meum, sed ve-
strum.
— Fabri relève également cette figure dans son examen de la repetition ; il l'ap-
pelle la «repetition a la fin, moyen et commencement» (Fabri, I, p. 161) et l'il-
lustre en recourant à une adaptation française de l'exemple précédent:
ex. 106: Vostre faict est comprins en ce que ia (est) diet, messieurs, non pas
monfaict, mais vostre faict tant noble, tant digne de renommee, dis ie
vostre faict, et, comme i'ay tousiours diet, messieurs, non pas mon
faict, mais vostre faict.
- Dans le passage consacré à la conduplicatio, Soarez mentionne lui aussi la fi-
gure «Ille vero apud Ciceronem locus est pulcherrimus, in quo et primo verbo
longo intervallo redditum est ultimum, et media primis, et mediis ultima con-
gruunt» (Soarez, p. 115) et reprend l'exemple cité par Quintilien.

28. Fabri complète en quelque sorte l'inventaire de Quintilien en mentionnant


la «repetition au commencement et au meillieu» (Fabri, I, p. 160):

ex. 107: Se nous demandons paix, nous l'aurons par estre en humilité. Se
nous demandons humilité, nous l'aurons parfaire prieres a Dieu. Si
nous demandons a Dieu choses iustes, nous l'aurons certainement.
Il ne s'agit plus ici de la répétition, au milieu d'un membre, du ou des termes
qui en constituaient le début (figure 24, examinée précédemment); mais bien
de la répétition conjointe du ou des termes qui constituaient le début de la
phrase et de celui ou ceux qui en constituaient le milieu.

29. Thiébault semble être le seul à avoir relevé «la répétition par refrain, dans
laquelle une même pensée en termine successivement plusieurs autres»
(Thiébault, I, p. 131):

ex. 108: Voici les lieux charmants où mon ame ravie,


Passoit à contempler Sylvie
Ces tranquilles moments si doucement perdus.
Que je l'aimois alors! que je la trouvois belle!
Mon coeur, vous soupirez au nom de l'infidelle?
Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus? ...

57
C'est ici que souvent, errant dans les prairies,
Ma main, des fleurs les plus chéries,
Lui faisoit des présents si tendrement reçus.
Que je l'aimois alors! que je la trouvois belle!
Mon coeur, vous soupirez au nom de l'infidelle?
Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus?

30. Enfin, Bary désigne sous le nom de repetition meslée, reduplication, la re-
prise du «mesme mot, ou [du] mot approchant au milieu ou à la fin de la pé-
riode» (Bary, I, pp. 334-339):

Mais, si certains exemples correspondent bien à cette définition:


ex. 109: /' ay aimé Clarinde, je l'avoué; mais je l'ai aimée entant que vierge
. ex. 85, cité précédemment,
dans d'autres, par contre, la place de la répétition est beaucoup moins stricte et
le terme répété l'est en fait en n'importe quel endroit de la phrase:
ex. 110: Et puis que ses crimes ne l'ont pas encore humiliée, humiliez-la par
la justice (Bary, I, p. 335).
ex. 111 : Elle a esté sage lors que les sages mesme cessent quelquesfois de
l'estre (Bary, I, p. 335).
ex. 112: Souvenez-vous voluptueux que le plaisir des mortels est mor-
tel. (Bary, I, p. 338).
Ce deuxième type de reprise — véritable distribution répétitive — dans lequel
le terme répété l'est en n'importe quel endroit de la phrase, semble avoir éga-
lement retenu l'attention de Lamy. Au chapitre de la repetition (Lamy
pp. 205-206), il examine une figure à laquelle il ne donne pas d'appellation
spécifique, mais qu'il évoque comme suit: «On répété le même mot dans toutes
les parties du discours», sans que soit précisée la place occupée par la reprise
dans ces parties du discours. Il semblerait donc ou bien que cette place n'ait pas
d'importance, ou bien qu'elle soit impossible à préciser, en raison de son carac-
tère essentiellement variable. Comme on le voit, on touche ici à la limite du cri-
tère de la place de la répétition: en effet, si les auteurs continuent à l'évoquer,
elle n'en reste pas moins indéterminée.
Il faut toutefois remarquer que dans l'exemple fourni par Lamy:
ex. 113: Il veut, il ne veut pas: il accorde; il refuse,
Il écoute la haine, il consulte l'amour:
Il assure, il retracte, il condamne, il excuse,
Et le même objet plaît, et déplaît à son tour.
le mouvement de reprise (il) se distribue toujours au même endroit: à l'initiale
de chaque membre de phrase. Plutôt que de rapprocher cet exemple de la fi-
gure apparaissant dans les exemples 110 à 112 de Bary, dans lesquels la place
de la répétition est assez flottante, il faudrait dès lors le considérer comme un
exemple de la figure 20 (X.. ./X...). Par contre, l'exemple 103, rencontré pré-
cédemment, serait beaucoup plus à sa place ici, malgré ce qu'en dit Lamy, qui

58
veut en faire un exemple de répétition «dans le milieu des membres d'une sen-
tence» (figure 26).
D'autres auteurs prennent en considération la modalité de la reprise et cher-
chent à voir, notamment, si l'ordre des termes repris est ou non conservé:

31. Répétition de plusieurs mots dans le même ordre:

ex. 114: Hue, pater o Lenaee, tuis omnia plena


Muneribus, tibi pampineo gravidus autumno
Floret ager, spumat plenis vindemia labris:
Hue, pater o Lenaee, veni. (Halm, p. 49)
- Julius Rufinianus (Rufin., Halm, p. 49) désigne sous le nom ά'έπανάληψις la
figure dans laquelle on reprend plusieurs mots dans le même ordre et à l'inté-
rieur d'une même phrase (le critère de la place de la répétition vient donc se join-
dre à celui de la modalité), après avoir interposé d'autres termes, la répétition
apparaissant ainsi comme une conclusion de la période (un nouveau critère ap-
paraît: celui de l'effet de la reprise).
- Scaliger (Seal., pp. 458-459) donne à cette figure le nom d'épanastrophe,
reversio et la définit comme suit: «quum recto ordine restituimus sententiam».

32. Répétition dans laquelle l'ordre des termes n'est pas respecté:

ex. 115: Si tibi diuitiarum et honoris Iuppiter author,


Author Iuppiter est etiam vitaeque necisque. (Seal., p. 458)
ex. 116: Dieu punit en pere qui veut guérir ses enfans; qui les aime, lors même
qu'il les châtie; puisqu'il ne les châtie que parce qu'il les aime.
(Lamy, p. 206).
Seal., p. 458: επάνοδος, reditus: «quum per eadem recurrimus verba ordine
inverso relegentes»; - Lamy, p. 206, signale un type proche: «On met dans le
même membre les mêmes mots au commencement, et puis changeant cet ordre
on les place à la fin»; - Crevier, II, pp. 126-128, signale un type de répétition
reposant sur «un ordre symmétrique, qui produit des retours entrelassés» et l'il-
lustre à l'aide de l'exemple suivant:
ex. 117: «Certes ou la Nature est imparfaite en soi,
Qui nous donne un penchant que condamne la Loi:
Ou la Loi doit passer pour une Loi trop dure,
Qui condamne un penchant que donne la Nature.»
qu'il accompagne d'un commentaire: «Je remarque l'entrelassement des mots,
placés suivant un certain ordre dans le premier membre, et reparoissans suivant
un autre dans le second».
Tous ces exemples (ex. 115, 116 et 117) n'offrent pas de différence de signi-
fication. Par contre, dans la suite de son exposé, Crevier fournit deux exemples
dans lesquels l'inversion des termes va de pair avec une modification du con-
tenu sémantique de l'énoncé (figure 32'):

59
ex. 118: «Qu'on parle mal ou bien du fameux Cardinal,
Ma prose ni mes vers n'en diront jamais rien;
Il m'a fait trop de bien pour en dire du mal:
Il m'a fait trop de mal pour en dire du bien.»
ex. 119: «Le P. Gardil, parmi les travers que produit l'opulence dans la vie
et dans les mœurs des hommes, observe qu'il s'y trouve «souvent
beaucoup de sérieux dans les frivolités, et beaucoup de frivolité dans
les affaires les plus sérieuses. »
- Thiébault, I, pp. 130-131, cite lui aussi l'exemple de Corneille (ex. 118, ci-
dessus), lorsqu'il évoque la répétition en symétrie, «qui répété plusieurs mots en
les substituant l'un à l'autre, de manière à présenter successivement des pensées
opposées ou antithétiques»; - Y Encyclopédie (Encycl., t. 36, pp. 369—370)
mentionne également ce type de reprise et en fournit un nouvel exemple: «ré-
gression : figure de rhétorique qui fait revenir les mots sur eux-mêmes, avec un
sens différent»:
ex. 120: «Nous ne vivons pas pour boire et pour manger, mais nous buvons
et nous mangeons pour vivre».
- chez Fontanier (Font., pp. 381-382) la figure, appelée réversion, est illus-
trée par de nombreux exemples, notamment par l'exemple 118 et par un exem-
ple proche de l'ex. 120.
L'inversion des termes répétés allant de pair avec une modification du con-
tenu sémantique de l'énoncé (non des termes eux-mêmes, à la différence de ce
qui se passe dans les figures 9 à 11) avait déjà été relevée par les auteurs de
l'Antiquité:
ex. 121: ει μεν θεός, ού κτίσμα, ει δε κτίσμα ού θεός
(Sp. III, p. 169 et 187)
ex. 122: Si Consul Antonius, Brutus hostis; si conservator rei publicae Bru-
tus, hostis Antonius. (Quint., p. 496 et Halm, p. 519).
- Alex., Sp. III, p. 37: άντιμεταβολή; - Tib., Sp.III, p. 70: άνα-
στροφή;-Ζοη., Sp.III, p. 169: σΰγκρισις;-Anon. 2, Sp.III, pp. 186-187:
σύγκρισις; — Rhet. ad Her., p. 216: commutano ; — Quint., p. 496: άντιμετα-
βολή; - Rutil., Halm, pp. 5 - 6 : άντιμεταβολή; - Rufin., Halm, p. 50: μετάθε-
σις; - Carm., Halm, p. 64: άντιμεταβολή, permw/atto; - Isid., Halm, p. 519: an-
timetabole.

33. Certains auteurs mettent l'accent sur les effets de la reprise:

- Herod., Sp.III, pp. 9 6 - 9 7 : επαναφορά, «εκ του διπλασιάζεσθαι έπίτασιν


δηλοϋσα»,
ex. 70, cité précédemment.
ex.123: άτε παρθένος ήΐθεός τε,
παρθένος ήΐθεός τ' όαρίζετον άλλήλοιϊν.
ex. 124: Θήβαι δε, Θηβαι, πόλις άστυγείτων, μεθ' ήμέραν έκ μέσης της
Ελλάδος άνήρπασται.

60
- Georg. Choer., Sp. III, p. 252: έπανάληψίς, «επιτάσεως είτουν αυξήσεως
χάριν»,
ex. 125: οίδα το πράγμα, οίδα
ex. 126: κακόν το άμαρτάνειν, κακόν.
- Rhet. ad Her., p. 214:
• conduplicatio, «cum ratione amplificationis aut commiserationis»,
ex. 127: «Tumultus, Gai Gracche, tumultus domésticos et intestinos com-
paras!»
ex. 128: «Commotus non es, cum tibi pedes mater amplexaretur, non es com-
motus?»
ex. 129: Nunc audes etiam venire in horum conspectum, proditor patriae?
Proditor, inquam, patriae, venire audes in horum conspectum?»
• Yinterpretatio, nous dit l'auteur, peut également être utilisée à cette fin (cf.
infra, figure 40);
- Rutil., Halm, p. 8: έπανάληψις, «quo gravius sit»,
ex. 130: (...) Cognitum enim est, TE rem publicam venalem habuisse, cogni-
tum est.
ex. 131 : Sed instigabat multitudinis animum ad bellum inferendum concitatus
iracundia furor: furor, inquam, non ratio, sine qua nihil umquam
populus ex sententia gessit.
ex. 132: At ego in his aerumnis amicis sum spoliatus omnibus; AMICIS,
INQUAM, SPOLIATUS SUM OMNIBUS, iudices; qui non quod
me odissent, sed quod inimicorum factionem pertimuissent, me in
malis deseruerunt.
- Fabri, I, p. 175: conduplication, «ou pour louenge, ou vitupere, ou pitié, ou
indignation»,
ex. 133: Dy moy, meschant malheureux, dy moy, pourquoy n'amendes tu ta
vie, vie dampnee, vie miserable, vie desuiee de toute raison? Toute
raison est contre toy. Helas! Helas! Que tu seras meschant!
- Crevier, II, pp. 123-126: définit la répétition à partir de ses effets; ceux qu'il
relève et les exemples qui les illustrent étant assez nombreux, je renvoie le lec-
teur à l'œuvre.
Si l'on prend en considération la place ou la modalité de la reprise, on s'aper-
çoit bien vite qu'il n'est pas possible de ramener les exemples à un type unique:
les exemples 70 et 123 s'apparentent à la figure 17 (...X/X...); les exemples
125 et 126 à la figure 19 (X.. .X); l'exemple 130 aussi, mais avec une légère dif-
férence cependant: la disparition, dans la seconde occurrence, d'un constituant
de la première; tandis que l'exemple 128 marque la rencontre de cette même
figure 19 avec la figure 32 (répétition dans laquelle l'ordre des termes n'est pas
respecté); etc. Le seul point commun à toutes ces figures est précisément qu'el-
les sont toutes définies à partir de leurs effets.

34. Pour définir la conduplicatio, Geoffroi de Vinsauf fait intervenir les causes
de la répétition:

61
- Documentum, Farai, p. 276: «quando idem verbum conduplicamus, quod
contingit variis ex causis, quando ex dolore, quando ex amore, quando ex indi-
gnatione». Suit un exemple pour chacune de ces causes; je n'en retiendrai que
le premier (répétition produite par la douleur),
ex. 134: Anna soror, quae me suspensam in somnia terrent,
Anna soror?
- Summa, Farai, p. 324: «quando motu irae vel indignationis idem condupli-
camus verbum»,
ex. 135: Tune patrem gladio crudelis nata necasti?
Tune patrem, pro quo tibi mors fuerat subeunda!

35. Certains auteurs s'intéressent à la fois aux causes et à la place de la reprise:

- Jean de Garlande définit la conduplicatio d'après la place de la reprise (J. de


Garl., Lawler, p. 76: cf. supra, fig. 19), mais aussi d'après ses causes (J. de
Garl., Lawler, p. 122): «Conduplicatio est iteratio eiusdem causa amplificatio-
nis aut admirationis»,
ex. 136: Numquid sepe leges uersus a me tibi versos,
Numquid? Nonne petis quod peto, nonne petis?
- Chez Gervais de Melkley, ces deux critères interviennent non plus dans deux
passages distincts, mais bien en un même passage:
• «Prius dicti repetitio est quando quod in fine est, ex ira vel indignatione reite-
ramus vel ex quacumque animi vehementia» (G. de M., Gräbener, p. 38):
ex. 137: Illud nobis supplicium contulit severitas; severitas que non potuit
verbis explanari; explanari, quis enim mentis illius venenum explica-
ret?
ex. 138: O domine, quia ego servus tuus, ego servus tuus et filius ancille tue.
• «Conduplicatio est quando motu ire vel indignationis vel alicuius anxietatis
principium iteramus» (G. de M., Gräbener, pp. 3 8 - 3 9 ) :
ex. 139: Tune duos una sevissima vipera cena?
Tune duos?
ex. 140: A - Filius ille tuus, cuius rationis acumen
Actus mirari, verba probare soles;
Β - Filius ille tuus, de quo quoque livor et hostis,
De quo mentiri Fama vel ipsa timet;
C - Filius ille tuus, qui prédicat orbis et omnis
Que sub septeno climate terra iacet.
On voit tout de suite la fragilité du critère de la cause s'il devait exister seul,
sans l'appui du critère de la place. En effet, on retrouve l'indignation et la co-
lère comme causes de la conduplicatio (aussi bien chez Geoffroi de Vinsauf que
chez Gervais de Melkley, les exemples sont d'ailleurs de même type chez ces
deux auteurs), mais aussi comme causes de la prius dicti repetitio. Dès lors, si le
critère de la place de la reprise n'intervenait pas aux côtés de celui de la cause, il
ne serait plus possible de distinguer ces deux figures.

62
Du point de vue stylistique, ce critère de la cause est d'ailleurs beaucoup plus
vague que celui des effets, puisqu'un même facteur peut être exprimé par diffé-
rents moyens: par des types de répétition différents (l'indignation et la colère
peuvent être rendues par la conduplicatio ou par la prius dicti repetitio), mais
aussi par d'autres figures de rhétorique ou même par le vocabulaire. Si l'on
prend, par exemple, comme cause première l'admiration («causa admiratio-
nis»), évoquée par Jean de Garlande, on constate qu'elle peut se traduire par
recours à une figure de répétition (la conduplicatio), à une figure extérieure à la
répétition (Y exclamation), ou encore au vocabulaire (exploitation du champ
conceptuel de l'admiration).
Qui plus est, si l'on en revient au cas de la répétition, on est bien forcé de re-
connaître que la fragilité du critère de la cause ne s'arrête pas là: non seulement
une même cause peut être à l'origine de différents types de répétition, mais en-
core un même type de répétition peut être dû à des causes très différentes. Il
suffit de considérer les différentes causes que Geoffroi de Vinsauf énumère
pour la conduplicatio: la douleur, l'amour, l'indignation, la colère - l'éventail
des possibilités s'ouvrant encore davantage dans les définitions de Gervais de
Melkley: «[motu] alicuius anxietatis», «ex quacumque animi vehementia».

36. Enfin, Fontanier donne deux exemples d'une répétition de mots particuliè-
re, à laquelle il ne trouve aucune cause, mais qu'il définit à partir de facteurs
stylistiques et de son effet:

ex. 141: Certain abbé pour lors avait la rage


D'être à Paris un petit personnage:
Au peu d'esprit que le bonhomme avait,
L'esprit d'autrui par supplément servait;
Il entassait adage sur adage,
Il COMPILAIT, COMPILAIT, COMPILAIT:
On le voyait sans cesse ECRIRE, ECRIRE
Ce qu'il avait jadis entendu dire. (Font., p. 332).

ex. 142: Mais voyager sur des nuages,


Et voir LA BAS, LA BAS, LA BAS,
La terre s'enfuir sous ses pas,
Cela dégoûte des voyages. (Font., id.)
- Font., p. 332: pas de terme technique propre, la figure est évoquée comme
suit: «Une sorte de Répétition, d'un caractère particulier, qui n'est point inspi-
rée par une passion proprement dite, qui ne parle qu'à l'esprit seul, et ne sem-
ble même appartenir qu'au style familier ou plaisant, mais qui ne saurait être
plus expressive, et par laquelle la chose dont il s'agit est présentée comme sans
bornes et sans mesure».

63
C. Répétition d'un type de construction syntaxique et d'un nombre de
syllabes

37. Enoncés présentant un type de construction syntaxique et un nombre de


syllabes semblables:
ex. 143: χρή ξείνον παρεόντα φιλεϊν, έθελοντα δε πέμπειν.
(Sp., III, p. 155)
ex. 144: Ciassem speciosissimam et robustissimam instruxit, exercitum pul-
cherrimum et fortissimum legit, sociorum maximam et fidelissimam
manum comparavit. (Halm., p. 480).

38. Enoncés présentant un type de construction syntaxique et un nombre de


syllabes identiques:

ex. 145: ή δια κρημάτων άπορίαν ή δια πολέμου μέγεθος.


(Rhet. ad Alex., p. 372)
ex. 146: Nam et multum desiderare egentis est signum, et nihil parcere eges-
tatis est initium. (Halm., p. 19)
La plupart des auteurs n'établissent pas de distinction nettement tranchée
entre figure du type 37 et figure du type 38: Hermog., Id., Sp. II, pp. 336-338:
αί ίσοκωλίαι, la figure est rangée sous la παρίσωσις; - Anon. 1, Sp. III, p. 155:
ίσόκωλον; - Rhet. ad Her., pp. 198-200: compar; - Cie., De oratore, III,
p. 164: ni terme technique (la figure est évoquée comme suit: «[ilia] quae pari-
bus paria referuntur aut quae sunt inter se similia»), ni exemple; - Quint.,
p. 492: ίσόκωλον; - Rutil., Halm, p. 19: ίσόκωλον; - Carm., Halm, p. 66:
ίσόκωλον, parimembre; — Schern, dian., Halm, p. 76: πάρισον; - J. de Garl.,
Lawler, p. 174: compar in numero syIlabarum,
De l'identité du nombre de syllabes, Jean de Garlande nous dit ceci: «Com-
par in Numero Syllabarum ponit pares sillabas in numero, in Latino sermone
precipue, quia qui componunt cenographa Romana componunt rithmos ita ut
paritas uideatur esse in sillabis licet non sit.»;
- Seal., p. 469: πάρισον, παρισότης, exaequatio\ — Soarez, pp. 121-122:
compar, isocolum; — Encycl., t. 19, v° figure, p. 192: isocolon, pas d'exemple.
Mais dans quelques traités, pourtant, les deux figures sont nettement dissoci-
ées: Aquila, Halm, p. 30 et Mart. Cap., Halm, p. 480: figure 37: πάρισον,
prope aequatum; fig. 38: ίσόκωλον, (ex)aequatum membris; — Rhet. ad Alex.,
p. 372: fig. 38: παρίσωσις; - Alex., Sp. III, p. 40: fig. 38: πάρισόν.

Cas p a r t i c u l i e r s

La définition que donne Fabri de Vequalité ne concerne que le nombre de sylla-


bes (Fabri, I, p. 169): «egalle probation de termes de semblables sillabes en di-
verses propositions». L'exemple qu'il fournit présente un même nombre de syl-

64
labes dans tous les membres, quant au type de construction, il est tantôt identi-
que, tantôt semblable:
ex. 147: Beaulté de corps, riche de sens, force d'amys, plaisir mondain, font
vivre en paix.

D. Elargissement de la catégorie précédente: répétition d'un type de


construction syntaxique et d'un nombre de syllabes s'accompagnant
d'une parenté phonique

39. - Elargissement de la figure 37:


ex. 148: εί δει σοι λόγου μίμημα, φέρε πόθου τέχνημα.
(Rhet. ad. Alex., p. 372)

- Elargissement de la figure 38:


ex. 149: τίνα μεν άνθρώπων κινήματα, τίνα δε πιθήκων όρμήματα
(Sp„ III, p. 169 et 185)
Chez deux auteurs, l'élargissement de la catégorie précédente n'est suggéré
qu'implicitement: il n'apparaît pas dans la définition, mais transparaît dans un
exemple comme celui-ci:
ex. 150: ταξιάρχους παρ' υμών, ιππάρχους παρ' υμών.
- Herrn., Id., Sp. II, p. 336 et Anon. 1, Sp. III, p. 132: παρίσωσις κατά κόμμα.
Chez deux autres, il apparaît dans la définition:
— Zon., Sp. Ill, p. 169: πάρισον: «όταν δύο ή και πλείονα κώλα μάλιστα μεν
και τάς συλλαβάς ισας εχτ) · εί δουν άλλά γε το γένος καί τον άριθμόν καΐ τον
φυθμόν»;
— Anon. 2, Sp. III, p. 185: πάρισον: «όταν δύο ή πλείονα κώλα μάλιστα μεν
καί τάς συλλαβάς ϊσας εχτ| · εί δ'ούν άλλα καί το γένος καί τον αριθμόν καί
ετι τον χρόνον καί τον φυθμόν».
Enfin, un auteur accorde à cette figure un terme technique particulier:
- Rhet. ad Alex., p. 372: παρομοίωσις, il la définit comme suit: «Παρομοίωσις
δ' εστίν μείζων της παρισώσεως.»

Ε. Répétition d'un contenu sémantique réalisée au moyen de mots


différents

40.
ex. 151: καί γινώσκεται μεν υπό τών Περινθίων καί Βυζαντίων, ουκ
άγνοεϊται δε υπό Θετταλών δεσπόζειν, άλλ'ούχ ήγεϊσθαι τών
συμμάχων προαιρούμενος, υποπτεύεται δε ύπό Θηβαίων.
(Sp., III, p. 30 et exemple proche: Sp., Ill, p. 75)

65
ex. 152: Non feram, non patiar, non sinam. (Halm, p. 518)
ex. 153: Au matin, l'en doibt boire le vin tout pur; au desiuner et au dis-
ner, on le doybt boyre sans eaue, et au soupper, ainsy que Dieu l'a
creé
(Fabri, I, p. 175).
Th., Sp. II, p. 130: πολυωνυμία; - Alex., Sp. Ill, p. 30: συνωνυμία; - Tib.,
Sp. III, p. 75: πλεονασμός, συνωνυμία; - Rhet. ad Her., pp. 214—216: inter-
pretation, - Quint., p. 470: συνωνυμία, disiunctio; - Aquila, Halm, p. 34,
Aquila Romanus distingue:
• la συνωνυμία, communio nominis: «singulae partes ex ordine idem signifi-
cantes ponuntur», ex. du type 152, et
• la ταυτολογία: «unius nominis aut verbis prius positi vis deinceps pluribus
verbis explicatur»,
ex. 154: Senatus populi Romani summum consilium, a quo ordine iura ex-
terne nationes petunt
«Hic enim unum nomen senatus prosecutionem accipit ex pluribus verbis non
aliud significantibus. Qui enim summum consilium dicit et eum ordinem, a
quo exterae nationes iura petunt, non aliud quam senatum dicit sed pro-
sequendo latius ornavit elocutionem»;
- Carm., Halm, p. 67: μετάφρασις, variado; — Schern, dian., Halm, p. 76: μετα-
βολή; - Mart. Cap., p. 482,
Martianus Capella reprend la distinction d'Aquila Romanus entre:
• συνωνυμία, communio nominis et
• ταυτολογία,
mais il ne fournit d'exemple d'aucune de ces figures;
- Isid., Halm, p. 518: synonymia; - G. de M., Gräbener, pp. 3 9 - 4 0 : interpre-
tado; - J. de Garl., Lawler, p. 124: interpretado; - Fabri, I, p. 175: interpreta-
tion; - Seal., p. 461: συνωνυμία, ποικιλία; - Soarez, p. 116: synonymia;
- Bary, I, pp. 396-402,
Bary distingue:
• lapolyonimie, qui «consiste à exprimer une mesme chose par des phrases dif-
férentes»,
ex. 155: Ce sont des effets qui relevent la dignité de la cause. Ce sont des en-
fans qui font la gloire du pere.
• la synonimie, qui «consiste à exprimer une mesme chose par des mots diffe-
rens»,
ex. 156: Ne vous attachez point à cet homme, c'est un volage, c'est un incons-
tant.
- Lamy, p. 121: synonyme; - Crevier, II, pp. 129-136,
Crevier distingue:
• la synonymie: «on accumule plusieurs [mots] qui sont semblables pour le
sens, dans la vûe d'affirmer avec plus de force»,
ex. 157: «J'assûre, dit celui qui se voit accusé, j'atteste, je certifie, que
le fait est faux»

66
et
• Γ expolition: «quand ce ne sont point des mots synonymes, que l'on accumu-
le, mais des pensées semblables pour le sens, quoique différentes pour le tour»;
les exemples étant assez longs, je renvoie le lecteur à l'œuvre;
- Dem., II, p. 19 et pp. 449-451: synonymes; - Thiébault, I, pp. 127-128 et
II, pp. 281-289,
Thiébault reprend la même distinction que celle de Bary:
• expolition (I, pp. 127-128): «réunit (...) plusieurs phrases différentes par les
termes et le tour, et semblables par le sens»,
• synonymie (II, pp. 281-289): «On appelle synonymes, des mots qui sem-
blent n'exprimer qu'une seule et même idée, quoique néanmoins ils different les
uns des autres, par les sons qui les composent» ;
- Girard, Justesse, préliminaire, pp. XXVJ ss: synonimes; - Girard, Synony-
mes françois, I, préface de Girard, pp. VIJ ss: synonymes·, II, préface de Beau-
zée, pp. VJ ss: synonymes·, - Encycl., t. 39, p. 668: synonymie; cf. aussi, t. 36, v°
rhétorique, p. 736: synonymie; - Font., pp. 332-333: métabole, synonymie;
- Baron, pp. 417-418;
Baron reprend la distinction de Crevier: «Au lieu de répéter le mot, souvent
on répété l'idée, en accumulant soit des idées semblables, ce que les rhéteurs
appellent expolition, soit les divers signes qui expriment la même idée, ce qu'ils
nomment synonyme ou métabole».

Cas p a r t i c u l i e r
Dans le Traité des tropes de Dumarsais figure un passage particulièrement in-
téressant, mais qui reste inexploité:
Nous avons vu qu'un même mot peut avoir par figure d'autres significations que celle
qu'il a dans le sens propre et primitif: voiles peut signifier vaisseaux.
Ne suit-il pas de là qu'il y a des mots synonymes, et que voiles est synonyme à vais-
seaux? ls.

En réalité, seule la première partie de la question finale retient l'attention de


Dumarsais: ce qui l'intéresse, ce n'est pas de savoir si voiles est synonyme de
vaisseaux, mais uniquement de s'interroger sur l'existence possible ou non de
synonymes dans la langue française. Dans la suite de son exposé, il fait d'ail-
leurs référence à l'Abbé Girard qui s'était longuement posé la question dans ses
traités Justesse de la langue françoise et Synonymes françois. Dumarsais rejoint
l'analyse de ce dernier tant par la démarche que par le type d'exemples invo-
qués, sans plus se préoccuper malheureusement des termes voiles et vaisseaux
cités en début d'exposé. Et pourtant, ce premier exemple soulevait une ques-
tion qui, bien qu'essentielle, semble avoir échappé à la tradition rhétorique,
même à des auteurs comme Dumarsais ou Fontanier qui ont fait des tropes le
centre de leurs préoccupations: peut-on parler de synonymie dans le cas de la
synecdoque, de la métonymie ou de la métaphore? et, dans l'affirmative, cette

15
Dumarsais, p. 352.

67
synonymie est-elle comparable à celle dont parlent Dumarsais, Girard et la rhé-
torique traditionnelle en général? Je reviendrai plus longuement sur cette ques-
tion dans la seconde partie.

41. Phoïbammon distingue:

• la ταυτολογία (Phoïb., Sp. Ill, p. 46): «Ταυτολογία λέξεων έστί ταύτό


οημαινουσών παράλληλος θέσις»,
ex. 158: όξεϊς είσι και ταχείς
et
• Γ έπιμονή (Phoïb., Sp. III, p. 47): «Επιμονή δέ έστι προφορά πλειόνων λέ-
ξεων επίσης το αΐιτό οημαινουσών, ή και λόγων, λέξεων μεν ώς ει λέγοιμεν»:
ex. 159: ό θεός ήμάς έρρύσατο συμπλοκής, άπό μάχης, άπό τραυμάτων,
άπό αιμάτων,
«λόγου δέ ώς 'ίνα είπω»:
ex. 160: ό τά έμά λαμβάνων, ó διαβάλλων με προς τους φίλους, ό έπιβου-
λεύων μοι πανταχού τι ποιεί, ώς δήλον οτι μισεί με.
En fait, ces deux figures recouvrent différents cas de répétition sémantique:
la ταυτολογία met en présence deux mots synonymes coordonnés. Le premier
exemple d'επιμovή (ex. 159) marque la rencontre de deux mots synonymes
(συμπλοκής, μάχης) mais qui, cette fois, ne sont plus coordonnés, et celle de
deux mots appartenant au même champ sémantique que les deux premiers
(τραυμάτων, αιμάτων) - il n'y a plus dans ce cas synonymie, mais simple su-
perposition de sens (le sens de cette expression sera précisé plus loin). Tandis
que le second exemple (ex. 160) paraît assez proche de l'exemple latin 154: les
trois premières propositions constituent autant de développements de la der-
nière.

42. Le pléonasme est, en général, considéré comme un défaut de style.

C'est pourquoi, la presque totalité des auteurs dissocient son étude de celle des
figures de répétition proprement dites: Quintilien, par exemple, examine le
pléonasme au livre VIII (Quint., p. 240), alors que les figures de répétition sont
envisagées au livre IX.
Il y a pourtant quelques exceptions. J'ai déjà signalé, lorsque j'ai examiné le
classement de certains auteurs, que chez Phoïbammon πλεονασμός était un
terme générique regroupant différentes catégories de répétition: aussi bien des
figures à proprement parler que des répétitions qui n'étaient pas appelées, par
nature, à des fins stylistiques. Lamy intercale l'étude du pléonasme entre celle
de la répétition et celle de la figure appelée synonyme (Lamy, p. 121). Crevier,
s'il n'accorde que peu de place au pléonasme (Crevier, II, pp. 137—138), y voit
cependant une figure à part entière; son effet, nous dit-il, «est d'insister forte-
ment, et d'inculquer sa proposition». Chez Thiébault, l'étude de la répétition est
précédée de celles du pléonasme (Thiébault, I, pp. 125-126), de la périphrase
et de Yexpolition. Chez Géruzez enfin, le pléonasme est mis sur le même pied

68
que la répétition et rangé sans réserves parmi les figures: «Le Pléonasme et la
Répétition s'emploient pour exprimer la passion» (Géruzez, p. 160) et, plus
loin, énumérant «les figures de la troisième classe, c'est-à-dire celles qui se rap-
portent à l'harmonie des mots et des phrases», l'auteur ajoute: «Il faudrait y
joindre la Gradation, le Pléonasme, la Répétition, si ces figures n'étaient pas
mieux placées parmi les figures de pensées; car si on dispose les mots dans un
ordre progressif, et si on les redouble, c'est pour donner plus de relief et de
force à la pensée» (Géruzez, p. 172).
Le manque d'accord entre les auteurs est, en fait, une conséquence du statut
ambigu du pléonasme. Il apparaît bien souvent comme une répétition inutile et
dépourvue de tout agrément, mais parfois aussi il «ajoute de l'énergie à la pen-
sée» (Thiébault, I, p. 125).
- Quintilien avait déjà mis cette ambivalence en relief (Quint., p. 240): «Est
(...) πλεονασμός Vitium, cum supervacuis verbis oratio oneratur (...). Emen-
davit hoc etiam urbane in Hirtio Cicero, cui sapasim cum declamans:
ex. 161: filium a matre decern mensibus in utero latum esse dixisset, Quid?
aliae, inquit, in perula soient ferre?
Nonnunquam tarnen illud genus (...) adfirmationis gratia adhibetur:
ex. 162: Vocemque his auribus hausi.»
- Demandre signale lui aussi (Dem., II, p. 105) qu'il n'y a pas que des pléo-
nasmes vicieux, mais que «cette figure employée à propos, ajoute à l'expres-
sion, et produit un très bel effet». Il cite, entre autres, les exemples suivants:
ex. 163: Je l'ai vu de mes yeux,
Je l'ai vu qui frappoit ce monstre audacieux ...
ex. 164: Et que m'a fait à moi cette Troye où je cours?
- Thiébault distingue pléonasme et datisme (Thiébault, I, pp. 1 2 5 - 1 2 6 ) : «On
distingue deux sortes de pléonasmes : celui que le besoin de la clarté introduit
dans l'usage de la langue, et celui qui ajoute de l'énergie à la pensée; on voit des
exemples du premier dans ... Voler en l'air-, (...) et des exemples du second
dans ... Je l'ai vu de mes yeux; je l'ai entendu de mes propres oreilles; j'irai
moi-même; et que me fait à moi cette Troye où je cours? Tout pléonasme que
l'usage de la langue n'autorise pas, est vicieux. Tout pléonasme inutile à la
clarté ou à l'énergie de la pensée, l'est également: il n'offre qu'un vain entasse-
ment de mots que l'on appelle datisme, du nom d'un certain Datis, dans les ou-
vrages duquel on retrouvoit ce défaut à chaque pas».
- L'Encyclopédie distingue pléonasme et périssologie: (Encycl., t. 34,
pp. 104—105): «le mot de. pléonasme signifie on plénitude ou superfluité. Si on
l'entend dans le premier sens, c'est une figure qui donne au discours plus de
grace, ou plus de netteté, ou plus de force. Si on le prend dans le second sens,
c'est un véritable défaut (...). Il me semble que c'est un défaut dans le langage
grammatical de désigner par un seul et même mot deux idées aussi opposées
que le sont celle d'une figure de construction et celle d'un vice d'élocution. A la
bonne heure, qu'on eût laissé à la figure le nom de pléonasme, qui marque sim-
plement abondance et richesse; mais il falloit désigner la superfluité des mots

69
dans chaque phrase par un autre terme; par exemple, celui depérissologie qui
est connu, devoit être employé seul dans ce sens.» La définition des deux ter-
mes suit cette mise au point terminologique: «Il y a pléonasme lorsque des mots
qui paroissent superflus par rapport à l'intégrité du sens grammatical, servent
pourtant à y ajoûter des idées accessoires, surabondantes, qui y jettent de la
clarté ou qui en augmentent l'énergie» (voir, notamment, l'analyse détaillée de
l'exemple je l'ai vû de mes yeux: Encycl., t. 34, p. 105). «En un mot, il suffit que
l'une des phrases dit plus que l'autre pour éviter le vice du pléonasme, c'est-à-
dire, la périssologie, qui consiste à ne dire qu'une même chose en paroles diffé-
rentes et oisives, sans qu'elles ayent une signification ni plus étendue, ni plus
forte que les premieres.» (ce n'est qu'à la fin de l'article que l'auteur nous four-
nira un exemple de périssologie, emprunté au latin: sic ore locutus; Encycl.,
t. 34, p. 107).
- Fontanier va dans le même sens (Font., p. 299): «Pléonasme a signifié dans
le principe plénitude ou superfluité. Mais, dans le sens de superfluité, le Pléo-
nasme n'est plus, au lieu d'une figure, qu'un abus, qu'un défaut, que ce qu'on
appelle Périssologie. C'est donc dans le sens de plénitude qu'il faut le prendre
ici. Or, qu'est-ce, dans ce dernier sens, que le Pléonasme? C'est une figure par
laquelle on ajoute à l'expression de la pensée, pour en augmenter la clarté ou
l'énergie, des mots d'ailleurs inutiles pour l'intégrité grammaticale. »
Le pléonasme se rattache assez nettement à l'espèce de la répétition d'un
contenu sémantique réalisée au travers de termes différents, mais la modalité
de la reprise y est autre que dans la figure 40. Dans la majorité des cas, la répé-
tition ne touche pas la totalité du contenu sémantique, mais seulement une par-
tie de celui-ci; j'aurai l'occasion de préciser davantage la nature de cette reprise
dans la seconde partie.

43. Le statut de la tautologie est assez flottant dans la rhétorique classique:

- Chez Phoïbammon (Phoïb., Sp. Ill, p. 46), le terme désigne la coordination


de deux mots synonymes: «λέξεων εστί τάυτό σημαινουσών παράλληλος θέ-
σις»,
ex. 158, cité précédemment.
- Chez Aquila Romanus (Aquila, Halm, p. 34) et Martianus Capella (Mart.
Cap., Halm, p. 482), le terme s'applique lorsqu'un mot se trouve développé par
un ou plusieurs groupes de termes,
ex. 154, cité précédemment.
Il s'agirait donc, dans les deux cas, d'une forme particulière de répétition sy-
nonymique: chez Phoïbammon, cette répétition synonymique mettrait en pré-
sence deux termes coordonnés; chez Aquila Romanus et Martianus Capella,
elle toucherait un terme et un ou plusieurs groupes de termes (non coordon-
nés).
- Chez Quintilien (Quint., p. 238), la ταυτολογία, définie comme la répétition
d'un même mot ou d'une même phrase, apparaît comme le défaut de style cor-

70
respondant à la figure appelée έπανάληψις: «ταυτολογία, id est eiusdem verbi
aut sermonis iteratio. Haec enim, quanquam non magnopere a summis auctori-
bus vitata, interim Vitium videri potest (...). Interim mutato nomine έπανά-
ληψις dicitur, atque est et ipsum inter schemata; quorum exempla ilio loco quae-
renda, quo virtutes erunt»,
ex. 165: Non solum igitur illud iudicium iudicii simile, iudices, non fuit.
— Dans le Schemata dianoeas quae ad rhetores pertinent, par contre, ταυτολο-
γία et epanalepsis ne sont plus dissociées, mais assimilées. La ταυτολογία -
epanalepsis, examinée en même temps que les autres figures de style, est défi-
nie, de la même manière que chez Quintilien, comme la répétition d'un même
mot ou d'une même phrase (Schern, dian., Halm., p. 76): «ταυτολογία, eius-
dem verbi aut sermonis iteratio, quae et epanalepsis dicitur». L'auteur donne
comme exemple celui qui illustrait la ταυτολογία chez Quintilien (ex. 165).
On le voit, Quintilien et l'auteur du Schemata dianoeas s'opposent à des au-
teurs comme Phoïbammon, Aquila Romanus et Martianus Capella, puisqu'ils
présentent la ταυτολογία non plus comme une forme particulière de répétition
synonymique et donc comme une modalité de répétition d'un même contenu
sémantique réalisée à l'aide de mots différents, mais comme une modalité de
répétition de mêmes mots. Cependant, alors que Quintilien considère la ταυτο-
λογία comme un défaut de style, l'auteur du Schemata dianoeas en fait une fi-
gure à part entière.

F. Rappel de ce qui précède faisant suite à un développement, à une


digression

44.
ex. 166: «ώς έί τις έίποι, ó δείνα στρατηγός
ήύξησε τα των στρατιωτών, είτα
μεταξύ ειπών, πώς ήύξησεν, έπαναμνήσοι
πάλιν, αύξήσαντος οϋν τούτου τα των
στρατιωτών, τάδε γέγονεν.»
(Sp. III, p. 164)
Très peu d'auteurs se sont intéressés à cette modalité de répétition d'un type
un peu particulier: - Phoïb., Sp. Ill, p. 46: έπανάληψις; - Zon., Sp. Ill, p. 164:
έπανάληψις; - Anon. 2, Sp. III, p. 181: έπανάληψις.
Ce désintérêt de la rhétorique classique à l'égard du rappel tient vraisembla-
blement au fait que le but d'une répétition de ce genre est de faciliter la com-
préhension de l'énoncé et que son rôle est donc plus utilitaire qu'esthétique.
Si j'ai rangé le rappel à la fin de cet inventaire, c'est parce qu'aucun des trois
auteurs qui en parlent ne se prononce sur la nature des éléments mis en cause
par la reprise. Et de fait, cette nature est assez hybride. Le rappel apparaît es-
sentiellement comme une répétition de mêmes mots, mais pas uniquement:

71
dans l'exemple cité, certains mots sont repris tels quels (τα των στρατιωτών),
d'autres non: le verbe qui était à l'aoriste est répété sous la forme du participe
passé (ήύξησε — άυξήσαντος), tandis que le syntagme ó δείνα στρατηγός est
repris sous la forme du démonstratif (τούτου). On pourrait même concevoir un
rappel constitué en partie d'une répétition synonymique 16 . Il n'est donc pas
possible de le réduire simplement à une répétition de mêmes mots; c'est pour-
quoi j'ai préféré en faire une catégorie à part entière.

G. Convergence des figures précédentes

Quelques auteurs signalent que différentes figures de répétition peuvent in-


tervenir conjointement dans un même passage. Certains accordent une atten-
tion toute particulière à ce phénomène de convergence, d'autres ne font qu'ef-
fleurer la question:
- A la fin du paragraphe consacré au πάρισόν (Alex., Sp. Ill, p. 40), Alex-
andre le Rhéteur signale que le phénomène de la convergence est fréquent en
discours (l'exemple qu'il cite montre la convergence entre le πάρισόν et 1'όμο-
ιοτέλευτόν).
- Quintilien s'attarde à différentes reprises au phénomène de la convergence,
qu'il s'agisse de la rencontre entre diverses modalités de la répétition17 ou de la
convergence entre celle-ci et une autre figure' 8 .
- Aquila Romanus consacre tout un alinéa à la question de la convergence
(Aquila, Halm, p. 37, alinéa 47), l'illustre par un exemple (rencontre de l'isoco-
lon, de l'homoeoptoton et d'une figure étrangère à la répétition) et insiste sur le
fait que cet exemple n'est pas unique. Auparavant déjà (Halm, p. 29, alinéa
20), il avait signalé le phénomène de la convergence à propos de la rencontre de
Yironia («figura sententiae») et de Γέπαναφορά («figura elocutionis»).
- Martianus Capella ne mentionne que ce dernier type de rencontre (Mart.
Cap., Halm, p. 480, alinéa 39).
- Dans le deuxième exemple qu'il fournit pour illustrer Yanadiplosis (M. de
Vend., Farai, p. 168), Matthieu de Vendôme signale la convergence de trois fi-
gures (anaphora, epanalensis, anadiplosis), mais sans insister davantage.
- Jean de Garlande se contente de relever la rencontre, en un même passage,
de la traductio, de Yannominatio et d'une troisième figure ne touchant pas à la
répétition·. Y exclamado (J. de Garl., Lawler, p. 176, 1er ex.).

16
Le terme synonymie est à prendre au sens traditionnel de 'synonymie linguistique' (cf.
infra, 2e partie).
17
Tantôt il se contente simplement de signaler un mélange de figures (Quint.,
pp. 4 6 6 - 4 6 8 ) , tantôt il donne en outre le nom des figures qui le constituent (Quint.,
pp. 4 9 2 - 4 9 4 ) .
18
Quint., pp. 4 6 2 - 4 6 4 : rôle de la répétition dans les antithèses, les comparaisons,
Quint., pp. 494 - 4 9 6 : nouveaux cas de convergence entre répétition et antithèse.

72
- Soarez aborde, lui aussi, la question de la convergence (Soarez, p. 124). Les
exemples qu'il en donne sont une fois de plus empruntés à Quintilien, le libellé
des commentaires est d'ailleurs rigoureusement le même, si ce n'est que Soarez
recourt aux termes techniques latins (on pourrait y voir une influence de la
Rhetorica ad Herennium), alors que Quintilien utilisait les termes grecs: corn-
par, similiter cadens, similiter desinens en face de ίσόκωλον, όμοιόπτωτον, όμο-
ιοτέλευτον.
- Dans son examen de la repetition (Lamy, p. 207), Lamy signale que «l'on
peut en même temps faire toutes les sortes de repetitions». Il fait suivre cette
constatation d'un exemple, mais sans nous dire quelles sont précisément les dif-
férentes «sortes de repetitions» qu'il met en œuvre.
- Fontanier mentionne la rencontre d'une anaphore et d'une épiphore dans un
passage de Massillon (Font., p. 330). Mais c'est surtout à la fin de son ouvrage
que la convergence va être mise en lumière de façon très nette: partant d'exem-
ples concrets, Fontanier passe en revue les diverses figures qu'ils contiennent (il
limite son analyse à l'examen des non-Tropes, à l'exclusion des Tropes). Dans
deux des trois exemples étudiés, la répétition est représentée à côté de nom-
breuses autres figures; elle apparaît tantôt sous forme de répétition proprement
dite (Font., ex. I, p. 469), tantôt sous forme d'antanaclase (Font., ex. II, p. 471).

Avant de clore ce chapitre, je rappelle succinctement, en les rassemblant dans


le tableau qui suit, les diverses modalités de répétition relevées par la rhétori-
que traditionnelle:

73
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Chapitre 5

Choix des critères et méthode d'analyse

Si l'on essaie de voir quels sont les critères qui ont guidé les auteurs dans la dis-
tinction de ces diverses modalités, on constate que le critère dominant est celui
de la nature des éléments touchés par la répétition. Le titre adopté pour les dif-
férentes rubriques du chapitre précédent est d'ailleurs un reflet de cette prédo-
minance, mais on se rappellera également que ce premier critère intervenait
dans les classements d'Hermogène et de l'anonyme qui s'en inspire, de Gervais
de Melkley, et de Scaliger.
Les auteurs attachent aussi de l'importance à la place de la répétition: ce cri-
tère intervient dans la définition des figures 1 et 3, de l'assonance et de l a r i m e \
de la μετάκλισις 2 - la définition précise qu'il s'agit d'une répétition faite en peu
de temps, à bref intervalle ( «parumper» ) - et des figures 14 à 30; mais on le re-
trouve également chez les auteurs qui viennent d'être rappelés (Hermogène +
anonyme, Gervais de Melkley et Scaliger).
D'autres facteurs interviennent encore, mais dans une mesure moindre que
les précédents; notamment la modalité de la répétition: les éléments sont-ils
repris tels quels (répétition de mots sans modification du contenu sémantique,
figure 38, classements de Gervais de Melkley et de Scaliger) ou seulement par-
tiellement (répétition d'un même mot mais modification de son contenu séman-
tique, figure 7, classements de Gervais de Melkley et de Scaliger, ainsi que l'une
ou l'autre remarque occasionnelle faite lors de l'exposé de certaines figures 3 ),
l'ordre des termes est-il gardé (figure 31 et Fontanier: concaténation directe) ou
inversé (figure 32 et Fontanier: concaténation inverse), la répétition est-elle
simple ou complexe (figure 20: double anaphore X.. ./Y.. ./X.. ./Y... distinguée
par Alexandre le Rhéteur et Zonaios)?
Certains auteurs prennent en considération le nombre d'éléments touchés
par la reprise: ce critère, retenu par Gervais de Melkley (il lui sert à définir le
paranomeon et à distinguer différentes espèces de consonantia), intervient éga-
lement dans la définition des figures 12 et 13, de la figure 38 (même nombre de
syllabes) et chez Scaliger (dans le cas de la figure 20, il lui permet de différen-
cier επαναφορά et άναφορά).

1
Cf. supra, fig. 4.
2
Cf. supra, fig. 7: C a s p a r t i c u l i e r n° 3.
3
a . supra, fig. 18: Alex., G. de V., G. de M., J. de Garl., Seal., Bary; - fig. 20: Alex.,
Anon. 2, Rutil., Seal.; - fig. 21: Seal.; - fig. 22: Seal.

75
D'autres s'intéressent aux effets de la répétition (figure 33 et deuxième clas-
sement de Thiébault) ou à ses causes (figures 34 et 44).
D'autres enfin se tournent à la fois vers sa place et vers ses causes: ces critères
président à la définition de la figure 35; quant à la figure 36, rappelons que
Fontanier, pour la définir, prend en considération non seulement la place de la
reprise et ses causes, mais encore son effet et le niveau de langage dont elle re-
lève. *

La méthode utilisée est presque toujours de nature empirique: à de rares ex-


ceptions près, tels Hermogène et Gervais de Melkley, les auteurs ne tentent pas
d'établir de comparaisons entre figures, ou alors il s'agit de simples remarques
occasionnelles dispersées au fil de l'exposé.
C'est ainsi que la plupart des auteurs comparent figure 2 et figure 3 4 , figure
17 et figure 18 (la seconde apparaissant comme une extension de la première),
ou encore figure 20 et figure 21 (la seconde étant présentée comme le contraire
de la première).
Dans la Rhétorique à Alexandre, la comparaison porte sur le couple παρίσω-
σις - παρομοίωσις 5 ; tandis que chez Aquila Romanus et Martianus Capella,
elle touche la παλιλλογία et Γεπανάληψις 6 , ainsi que Γίσόκωλον et le πάρι-
σον 7 .
Fabri compare la place de la reprise dans la conduplication et dans la repeti-
tion. «Et nota que ceste maniere de parler différé a repetition, pource que repe-
tition se fait au commencement, moyen et fin de la clause, mais conduplication
se fait incontinent l'ung aprez l'aultre, soit commencement, moyen ou fin» 8 .
Scaliger compare επαναφορά et άναφορά 9 , mais aussi επαναφορά et επα-
νάληψις: dans la première, la reprise est nécessairement située à l'initiale, tan-
dis que dans la seconde, elle peut se faire en n'importe quel endroit de la phra-
se 10 . Une dernière comparaison porte sur Yantistrophe et Yépanastrophe: dans
les deux figures, il y a reprise du ou des derniers termes d'une phrase, mais dans
la première, elle se fait à la fin de la phrase suivante, tandis que dans la seconde,
elle a lieu au d é b u t " .
Fontanier compare réduplication et anadiplose: ces deux types de répétition
diffèrent, nous dit-il, et par la place de la reprise (dans la première, la répétition
est intérieure à un même membre de phrase, tandis que dans la seconde, «elle
s'étend à deux membres de phrase») et par sa cause psychologique (l'une part
du sentiment, l'autre de la réflexion) 1 2 . Il compare aussi paronomase et antana-

4
Cf. supra, fig. 3.
5
Cf. supra, fig. 39: définition de la παρομοίωσι.ς.
6
Cf. supra, fig. 12 et 13.
7
CT. supra, fig. 38.
8
Fabri, I, p. 175.
9
Cf. supra, fig. 20.
10
Seal., pp. 4 5 6 - 4 5 7 .
11
Seal., p. 4 5 9 .
12
Font., pp. 3 3 0 - 3 3 1 .

76
clase: l'une «réunit dans la même phrase des mots dont le son est à peu près le
même», l'autre des mots dont «la forme et les sons se trouvent exactement les
mêmes» 13 . Une dernière comparaison, particulièrement intéressante, touche le
couple polyptote - dérivation : «Ce qui fait le Polyptote, c'est l'emploi de diffé-
rentes formes d'un même mot: ce qui fait la Dérivation, c'est l'emploi de mots
différens qui ont une origine commune» 14 . Fontanier est seul à avoir vu que ces
deux figures procédaient de démarches de pensée fondamentalement différen-
tes: dans l'une, il y a morcellement, éclatement d'un noyau central en parcelles
différentes (cas, genres, nombres, personnes, temps, modes); dans l'autre, au
contraire, il y a rencontre, convergence d'éléments différents vers un noyau
commun (des mots différents se regroupent d'après une origine commune).
Toutefois, en dépit de ces rares exceptions, il n'en reste pas moins que l'ex-
posé est presque toujours un simple catalogue de différentes modalités concrè-
tes de répétition.

13
Font., p. 347.
14
Font., p. 353.

77
Conclusions

L'examen de ces différents traités aura fourni plusieurs indications intéressan-


tes.
Une constatation qui s'est imposée d'emblée, c'est que chez aucun auteur on
ne voit apparaître une étude de la répétition couvrant la totalité du langage: les
auteurs limitent tous leur analyse au domaine du discours construit, sans
prendre en considération les faits d'élocution spontanée; qui plus est, ils ne re-
tiennent, comme faits d'élocution du langage élaboré, que ceux qui leur sem-
blent constituer de véritables figures.
Cette étude de la répétition limitée au domaine du langage élaboré ne consis-
te, bien souvent, qu'en un simple catalogue de diverses modalités concrètes de
répétition. La plupart des auteurs ne cherchent pas à établir de comparaison
entre ces modalités, ni à mettre en lumière les combinaisons des constituants
entre eux ou avec certaines données de langue ou certains facteurs de situation.
En outre, quand je parle des diverses modalités de répétition, je simplifie en
fait le problème, car la répétition, même limitée au domaine littéraire, n'est pas,
sauf cas exceptionnel, étudiée en soi et comme un phénomène unitaire, mais en
fonction de critères qui lui sont extérieurs; ce qui a pour conséquence immé-
diate que les différentes modalités qui s'y rattachent sont quasi toujours épar-
pillées par petits groupes dans l'exposé.
Toutefois, chez quelques auteurs, on assiste à une certaine volonté d'abstrac-
tion, de systématisation.
L'analyse du classement adopté par ces auteurs montre qu'ils sont parvenus à
dégager certains traits de fonctionnement de la répétition: les différentes places
qu'elle pouvait occuper dans l'énoncé (critère retenu par Hermogène, Gervais
de Melkley et Scaliger), sa modalité (Scaliger, Gervais de Melkley), son éten-
due (Gervais de Melkley) et la nature des éléments qu'elle peut toucher (Her-
mogène, Gervais de Melkley, Scaliger et, en général, la quasi-totalité des au-
teurs).
L'examen du classement aura aussi montré que certains auteurs (Phoïbam-
mon, Thiébault) élargissent leur étude à d'autres types que la simple répétition
stylistique. C'est ainsi qu'on assiste au regroupement de cette dernière avec:
une répétition qui apparaît comme un défaut de style (ταυτολογία), des répéti-
tions imposées par le souci de clarté (έπανάληψις ou rappel de ce qui précède
faisant suite à une digression et «répétition purement grammaticale» ) et une
reprise qui n'est pas, par nature, appelée à des fins stylistiques (pléonasme).
L'étude de la terminologie a fait apparaître que cette dernière est plus que
flottante: une même modalité de répétition reçoit plusieurs appellations diffé-
rentes selon les auteurs ou, inversement, une même appellation s'applique à des
modalités de reprise différentes chez des auteurs différents mais même, parfois
aussi, chez un même auteur.
L'inventaire des modalités dénombrées par les auteurs s'est révélé extrême-
ment riche.

78
On a vu apparaître une première espèce: la répétition de sons, au sein de la-
quelle se dégagent deux classes. La première, la répétition de sons pure et sim-
ple, recouvre plusieurs figures: la répétition du ou des mêmes phonèmes au dé-
but ou à l'intérieur de plusieurs mots, l'emploi de termes de même flexion, celui
de termes présentant des terminaisons semblables, Yassonance, la rime, l'utili-
sation de termes présentant une parenté phonique plus large que celle des figu-
res précédentes sans atteindre celle de la dernière figure, dans laquelle la pa-
renté touche la totalité du corps phonique. La seconde classe consiste en une
répétition de sons doublée d'une parenté sémantique; elle regroupe deux figu-
res: la répétition d'un terme s'accompagnant d'une variation de la flexion et
l'utilisation de termes de même racine.
Une deuxième espèce repose sur la répétition de mots. Ici encore se dégagent
deux classes. La première, la répétition d'un ou de mêmes mots s'accompa-
gnant d'une modification du contenu sémantique, peut consister en un jeu sur
la polysémie du terme répété ou en un jeu reposant sur l'alternance entre le
sens propre et un sens figuré non encore lexicalisé. La seconde classe, la répéti-
tion d'un ou de mêmes mots sans modification du contenu sémantique, re-
couvre à son tour plus de vingt figures de répétition différentes. Certaines ont
été relevées par presque tous les auteurs: c'est le cas, notamment, de la répéti-
tion au début d'un membre de ce qui constituait la fin du membre précédent, de
l'extension de cette même figure, de la répétition du ou des premiers termes
d'un membre au début du ou des membres suivants, etc. 1 D'autres n'apparais-
sent que chez quelques auteurs: telles sont, par exemple, la répétition de plu-
sieurs mots dans le même ordre ou la répétition dans laquelle l'ordre des mots
n'est pas respecté. D'autres enfin ne semblent avoir été relevées que par un au-
teur: la répétition par refrain est mise en évidence par Thiébault, tandis que
Fontanier attire l'attention sur une figure de répétition particulière qu'il définit
à partir de facteurs stylistiques et de son effet.
Une troisième espèce montre une répétition d'un type de construction et
d'un nombre de syllabes: une reprise totale de ces deux éléments donne nais-
sance à deux énoncés identiques, une reprise partielle à deux énoncés sembla-
bles.
La combinaison de la première et de la troisième espèce engendre tantôt
l'identité de deux énoncés (identité syntaxique et syllabique) doublée d'une pa-
renté phonique, tantôt leur similitude doublée elle aussi d'une parenté phoni-
que.
Une autre espèce consiste en la répétition d'un contenu sémantique réalisée
au travers de termes différents.
Enfin une répétition d'un type tout particulier est constituée par le rappel fai-
sant suite à un développement, à une digression.

' Afin d'éviter une énumération longue et ennuyeuse, je renvoie le lecteur au tableau
récapitulatif dressé à la fin du chapitre 4.

79
Quelques auteurs mettent également en lumière la possibilité de la conver-
gence de ces diverses figures de répétition en un même passage.
Le critère principal sur lequel les auteurs se sont fondés pour distinguer les
diverses figures de répétition est celui de la nature des éléments touchés par la
reprise, mais la place de celle-ci a également son importance. Parmi les critères
secondaires, citons: la modalité de la répétition, le nombre d'éléments qu'elle
touche, ses effets ou ses causes.
La méthode utilisée dans l'examen de ces figures est presque toujours de na-
ture empirique, les auteurs ne tentent pratiquement jamais d'établir des com-
paraisons entre figures, ni de mettre les traits de fonctionnement de l'une ou
l'autre en rapport avec certaines données de langue ou de discours.
Enfin, si l'on considère l'histoire et la fortune du genre lui-même, on s'aper-
çoit que certaines époques semblent accorder à la répétition une attention toute
particulière, alors que d'autres la considèrent comme une figure mineure, voire
comme une futilité de style. Dans l'Antiquité et jusqu'au XVIe siècle, son pres-
tige semble être bien établi. Par contre, au XVIIe siècle, elle subit le contrecoup
des réserves émises par certains auteurs à l'égard des figures en général. Au
XVIIIe siècle, on semble en revenir à une situation analogue à celle de départ:
les auteurs exposent les diverses figures de répétition sans émettre de réserves;
toutefois, le silence d'un auteur aussi important que Blair laisse présager une
nouvelle disgrâce de la figure. Au XIXe siècle, en effet, bon nombre d'auteurs
prennent à nouveau leurs distances par rapport à la répétition; pourtant Fonta-
nier, allant à rencontre de cette tendance, lui accorde un réel statut de figure,
même s'il se montre quelque peu réticent à l'égard des figures d'élocution par
consonance.

80
Deuxième partie:

La répétition à la lumière de la recherche contemporaine


Chapitre 1

Délimitation du phénomène

Dans la rhétorique classique, l'étude de la répétition dans le langage recevait


d'emblée deux limitations.
Tout d'abord, les auteurs se bornaient à l'examen du discours construit et ex-
cluaient ainsi, d'office, du champ de leurs investigations les différents types de
répétition qui pouvaient se rencontrer dans le langage spontané.
Ensuite, de ces répétitions proprement littéraires, ils ne retenaient que celles
qui apparaissaient, à leurs yeux, comme de véritables figures. Une remarque
s'impose à ce sujet: chez aucun auteur on ne voit apparaître de définition satis-
faisante du style, aucun auteur ne nous fournit de critères précis qui permet-
traient de discerner avec certitude une figure d'une non-figure. Ce n'est pas
qu'une telle définition — précise et univoque — du style et des figures soit sou-
haitable. Elle semble, d'ailleurs, impossible à établir car ce qui fait la figure,
c'est l'effet produit sur l'interlocuteur (le lecteur), c'est le fait que telle expres-
sion n'est pas sentie comme quelque chose de fortuit ou d'imposé, que l'effet
souhaité par le locuteur (l'écrivain) est atteint. C'est donc quelque chose d'es-
sentiellement subjectif car tel effet, souhaité par le locuteur, peut fort bien
échapper complètement à l'interlocuteur; alors que ce dernier peut voir une fi-
gure là où l'interlocuteur n'avait nullement cherché à en mettre (la confusion
est encore plus facile à faire en diachronie: à la lecture d'une oeuvre du passé,
on peut fort bien voir une figure là où il n'y avait, à l'époque, qu'une contrainte
grammaticale ou même, une convention littéraire).
Il ne faut donc certes pas déplorer cette absence de définition rigoureuse du
style; mais bien, plutôt, s'interroger sur l'interdit qui a, en quelque sorte, été
jeté sur certaines formes de répétition apparaissant dans les oeuvres littéraires
(sans compter toutes celles qui se manifestent dans le langage spontané et dont
certaines semblent tout aussi susceptibles d'être considérées comme des figu-
res).
Seuls Phoïbammon et Thiébault s'inscrivent en faux par rapport à cette tradi-
tion: le premier intègre, dans son étude des figures de répétition, une répétition
considérée dans l'Antiquité comme un défaut de style (ταυτολογία) et une ré-
pétition imposée par le besoin de clarté (έπανάληψις). Mais nous avons vu que,
nulle part, il n'insistait sur la différence de statut existant entre les différents ty-
pes de répétition envisagés dans son étude et qu'il ne cherchait pas non plus à
expliquer pourquoi il avait pris l'initiative de rapprocher des types ordinaire-
ment dissociés. Thiébault signale l'existence des «répétitions purement gram-

83
maticales» qui sont «destinées à représenter le même mot, pour éviter une
équivoque ou un sens obscur», mais il n'en fournit malheureusement pas d'ex-
emple. Par contre, son étude du pléonasme est nettement plus intéressante
puisque, on l'a vu, il en distingue différentes sortes.
Toutefois, en dehors de ces quelques tentatives (intéressantes, mais plutôt
maigres), l'étude générale de la répétition en tant que fait de langage est assez
pauvre et, si l'on peut dire, beaucoup trop sectaire.
Que manque-t-il à l'inventaire de la rhétorique?

La redondance

De prime abord, la répétition semble présenter certains traits communs avec ce


que les théoriciens de l'information appellent la redondance. Je rappelle rapi-
dement 1 que la redondance peut être définie comme suit: «d'une façon généra-
le, ce qui est dit en trop, en excès par rapport à ce qui est strictement nécessaire
pour la compréhension par le récepteur» 2 et qu'un certain taux de redondance
est souhaitable dans tout système de communication, afin de lutter contre les
bruits 3 .
Le phénomène de l'accord constitue un cas typique de redondance 4 ,
- qu'il s'agisse de l'accord en genre 5 , par exemple:
Dans le syntagme la chienne blanche, la marque du féminin apparaît trois fois
dans la graphie (présence de la forme féminine de l'article: la et de la marque
du féminin - e, avec les modifications morphologiques qu'elle entraîne aussi
bien dans le substantif: chienne au lieu de chien, que dans l'adjectif: blanche au
lieu de blanc) et trois fois dans la prononciation [1 a] au lieu de [la], [s j ε η] au
lieu de [s j ε] et [b 1 â s] au lieu de [b 1 â]. Il y a donc trois marques là où une suf-
firait et pourtant il est tout à fait impossible d'en supprimer; l'accord en genre
constitue, en effet, ici une contrainte absolue.
- ou de l'accord en nombre:
Dans le syntagme les grands arbres6, nous trouvons trois marques graphiques
1
Ceci afin de ne pas alourdir inutilement l'exposé. Pour plus de détails concernant cette
notion de redondance, cf. notamment les références citées ci-dessous et M. Frédéric,
La répétition et ses structures (étudiées plus spécialement dans l'œuvre de Saint - John
Perse), thèse de doctorat, Université Libre de Bruxelles, année académique
1 9 7 9 - 1 9 8 0 , pp. 73 ss.
2
La Communication, p. 502.
3
Cf., entre autres, J. Lyons, Linguistique générale, p. 69. Pour des exemples de bruits,
voir notamment: J. Lyons, op. cit., p. 69; A. Martinet, E. I. g., p. 180 et A. Moles,
Théorie de l'information et perception esthétique, Paris, Denoël, 1972, p. 84.
4
Dans les lignes qui suivent, j'envisagerai à titre d'exemple l'accord en genre et celui en
nombre. Je pourrais également examiner le cas de l'accord en personne; si je ne le fais
pas, c'est pour ne pas allonger inutilement l'exposé, le cas des deux types d'accord en-
visagés me paraissant suffire à la démonstration.
5
Je vise ici le genre masculin/féminin et non le genre animé/inanimé.
6
Exemple emprunté à la Rhétorique générale (Gr. μ , I, p. 39).

84
(marque -s du pluriel) et deux marques phoniques du pluriel ( [1 ε] au lieu de
[1 a] et [g r â ζ a r b r] au lieu de [g r â t a r b r]. Et pourtant, ici encore, il n'est
pas possible de supprimer l'une ou l'autre de ces marques.
Dans la phrase les chevaux paissent, il y a trois marques graphiques (marques
-s, -χ et -nt du pluriel) et trois phoniques ( [1 ε] au lieu de [1 a], [s (a) ν o] au lieu
de [s (a) ν a 1] et [ρ ε s] au lieu de [ρ ε] ) du pluriel. Mais, une nouvelle fois, il est
impossible d'en supprimer.
Si, dans ces trois exemples, il n'est pas possible de réduire le taux de redon-
dance se manifestant au niveau de la marque, en supprimant l'une ou l'autre
des occurrences de celle-ci, c'est parce que l'accord y constitue une contrainte.
Il est tout à fait impossible de dire le chienne blanche pas plus d'ailleurs que le
habitation, pour ne prendre qu'un syntagme constitué de deux éléments. On ne
peut pas dire non plus le grands arbres ou, pour prendre à nouveau un exemple
de syntagme à deux éléments, le chevaux (ou les cheval), pas plus que les che-
vaux paît.
Dans tous ces énoncés, il y a donc indiscutablement retour, réapparition d'un
même élément morpho-sémantique: la marque du genre ou celle du nombre.
Mais peut-on pour autant rattacher la redondance à la répétition? Non, sem-
ble-t-il, car à la différence de ce qui se passe dans le cas de la répétition, ce re-
tour d'une même marque n'est pas perçu par l'interlocuteur. Non pas qu'il se
soit écoulé un trop grand laps de temps entre l'apparition du premier élément et
celle des suivants: dans tous les exemples d'accord envisagés, la marque appa-
raît dans une série d'unités lexicales (mots, groupes de mots ou rencontre des
deux cas précédents) consécutives; mais parce que la redondance est imposée
par une contrainte de langue, elle-même rendue nécessaire par les conditions
dans lesquelles a lieu le message et, plus particulièrement, par l'existence de
certains bruits. Cette contrainte est tellement bien ancrée dans l'esprit du sujet
parlant, qu'elle est devenue pour lui une réelle habitude, un véritable automa-
tisme, qui fait que la réapparition de la marque passe tout à fait inaperçue aux
yeux du locuteur, aussi bien qu'à ceux de l'interlocuteur. Ce qui rend la redon-
dance encore plus difficile à percevoir, c'est - outre le fait qu'elle est devenue
un véritable réflexe - qu'elle agit sur des éléments extrêmement réduits: elle
joue au niveau des morphèmes et donc à un niveau inférieur à celui des unités
lexicales. Ceci, bien sûr, n'est pas un argument en soi: Yallitération, par exem-
ple, joue aussi à un niveau moindre que celui de l'unité lexicale. Mais cette cir-
constance vient s'ajouter au fait que la redondance est une contrainte de langue
automatisée par le sujet parlant. Elle vient s'ajouter aussi au fait que la marque
n'est pas toujours nécessairement identique dans deux mots consécutifs: dans
un syntagme tel que les chevaux, la marque du pluriel se trouve réalisée de deux
façons différentes, l'élément abstrait: marque du pluriel, reçoit deux réalisa-
tions concrètes différentes; alors que l'allitération voit le retour d'un même
élément concret (le phonème). Elle vient s'ajouter, enfin, au fait que la redon-
dance peut parfois n'apparaître que dans la graphie, alors qu'elle est absente de
la prononciation: dans la phrase les chats mangent, la marque du nombre n'ap-

85
paraît qu'une seule fois dans la prononciation ([1 ε] au lieu de [1 a]); dans ils
mangent, elle en a complètement disparu; dans l'un et l'autre de ces deux énon-
cés, il n'y a donc plus de redondance au niveau de la prononciation. L'allitéra-
tion, par contre, participe du niveau de l'oral aussi bien que de celui de l'écrit.
Si l'on compare la redondance et la répétition, on voit que la situation de
base est partiellement la même: dans l'une comme dans l'autre, il y a réappari-
tion d'un même élément, dans un intervalle de temps assez bref. Mais dans la
première, ce retour n'est plus senti par le sujet parlant, alors que dans la secon-
de, il est encore perçu par lui. Ainsi, l'on voit se dégager, l'idée que la répétition
dans le langage ne fait qu'exploiter, de façon manifeste, ouverte, ce qui existe à
l'état latent dans la redondance: quelques-uns des traits fondamentaux de la
répétition se trouvent en germe dans la redondance, mais dans cette dernière,
ils sont maintenus à un niveau implicite. En outre, la redondance est une con-
trainte inhérente à toute communication, à tout message linguistique; alors que
la répétition résulte quasi toujours (à l'exception des répétitions involontaires,
pathologiques ou non, et des répétitions inconscientes) d'un choix de la part du
locuteur et peut ne pas apparaître dans certains messages7.
La redondance s'opposerait donc à la répétition comme le non-perçu au per-
çu, comme le permanent à l'occasionnel et comme l'obligatoire au facultatif.
C'est dans la mesure où le retour d'un même élément n'est pas libre et n'est
plus perçu, ni par le locuteur, ni par l'interlocuteur, que la redondance ne peut
être ramenée à une espèce de la répétition, même si la parenté existant entre
ces deux phénomènes est indéniable.
En fait, il semblerait que redondance et répétition ne soient que les deux
espèces d'un même phénomène: celui de la récurrence linguistique, qui pourrait
être définie comme le retour, la réapparition, au sein d'un énoncé, d'un même
élément (morpho-sémantique dans le cas de la redondance; formel, sémantique
ou morpho-sémantique dans celui de la répétition 8 ). Si ce retour est libre et
perceptible pour l'interlocuteur, on se trouve en présence de la répétition; s'il
ne l'est pas, on a affaire à la redondance.

L'anaphore grammaticale

L'anaphore grammaticale, que je désignerai dorénavant sous le terme de coré-


férence, emprunté à Fauconnier - ceci afin d'éviter toute confusion possible

7
Cf. aussi J. Rey-Debove, Le sens de la tautologie, p. 323: «On a coutume de distinguer
la redondance, inhérente au langage et inscrite dans le code même, de la répétition qui
est libre et volontaire (...) nul usager de la langue ne peut y échapper. La répétition, au
contraire, est indépendante du code, et constitue dans son fonctionnement ordinaire
une insistance sémantique, une emphase».
8
Cf. infra, chap. 2.

86
avec la figure de rhétorique nommée anaphore9 - constitue, au même titre que
la redondance, l'un des mécanismes de base du système de la communication.
Si la coréférence n'existait pas, le sujet parlant ne pourrait émettre que des
énoncés du type suivant:

Le roi est environné de gens qui ne pensent qu'à divertir le roi, et à empêcher le
roi de penser au roi. Car le roi est malheureux, tout roi qu'est le roi, si le roi pense
au roi.
(G. Moignet, Pron. pers. fçs, p. 16)

On voit tout de suite que le coût d'un tel message est considérable.
Cet énoncé est proche des exemples examinés précédemment: il voit le re-
tour d'un même élément. Mais la récurrence, au lieu de se manifester au niveau
d'une marque morphématique (marque du genre ou du nombre), touche ici
tout un syntagme: le syntagme le roi (réduit au seul substantif adjectivé dans la
proposition tout roi qu'est le roi) apparaît, en effet, à neuf reprises. Cette récur-
rence est hors de proportion avec la probabilité d'une erreur.

«Il est certain», comme l'écrit J. Dubois, «que si l'on ne dispose pas de moy-
ens linguistiques pour substituer à un groupe de segments ou à un segment va-
riable 10 d'autres segments plus courts et en nombre limité afin de reprendre
l'information déjà donnée, ou du moins la partie de l'information qui est consi-
dérée comme essentielle, le message sera fort long, donc fort coûteux. Le phé-
nomène de la substitution se ramène finalement au principe de l'économie gé-
nérale du message codé (...) les moyens linguistiques mis en jeu pour obtenir
cette économie du message sont en réalité nombreux et de nature très différen-
te 11 .»

On peut recourir au pronom personnel, comme le fait Pascal dans la version


originale de l'exemple donné par G. Moignet:
ex. 1: Le roi est environné de gens qui ne pensent qu'à divertir le roi, et à
L' empêcher de penser à LUI. Car IL est malheureux, tout roi qu'IL est,
s'IL Y pense. (G. Moignet, Pron. pers. fçs, p. 16).
C'est également le pronom personnel qui sert dans les exemples suivants:
ex. 2: La mère supérieure SE regarde dans l'eau du bassin. (Fauc., p. 7).
ex. 3: Le bonheur de la femme qu'IL aime, quand ce bonheur lui vient d'un
rival, est une torture pour un jaloux. (Tesn., p. 87)
On peut faire appel au possessif (adjectif ou pronom personnel avec caracté-
risation possessive):

9
Fig. 20 de la première partie. Pour les raisons de ce choix: cf. Frédéric (M.), Anaphore
et synonymie: deux cas d'interférence entre rhétorique, grammaire, sémantique et/ou lo-
gique, communication au colloque Grammaire, rhétorique et logique. Université de
Provence, 7 - 9 mai 1981, texte à paraître dans les Actes.
10
Ici: le syntagme le roi, avec variation de l'article au roi, ou réduit au seul substantif ad-
jectivé dans la proposition tout roi qu'est le roi.
" J. Dubois, Nom et pronom, p. 91.

87
ex. 4: Une lettre de Georges est arrivée; SA santé est bonne.
(J. Dubois, Nom et pronom, p. 97)
ex. 5: On voit les maux d'autrui d'un autre oeil que LES SIENS.
(Tesn., p. 90).
au démonstratif (adjectif ou pronom):
ex. 6: (cf. ex. 3)
Le bonheur de la femme qu'il aime, quand CE BONHEUR lui vient
d'un rival, est une torture pour un jaloux. (Tesn., p. 87).
dans ce cas-ci, c'est tout le syntagme (adjectif + substantif) qui joue le rôle de
coréférent.
ex. 7: Corneille nous assujettit à ses caractères et à ses idées, Racine se con-
forme aux nôtres, CELUI-LA ( = Corneille) peint les hommes tels qu'ils
devraient être, CELUI-CI (= Racine) les peint tels qu'ils
sont. (Tesn., p. 90).
On peut utiliser le relatif (pronom ou adjectif):
ex. 8: Le nombre des sages est assez grand qui ( = les sages), en observant le
cours des astres, et l'art prodigieux QUI ( = l'art) règne dans la structure
des animaux et des végétaux, reconnaissent une main puissante QUI
(= la main) opère de continuelles merveilles. (Tesn., p. 90).
ex. 9: LEQUEL HIEROME, après plusieurs rébellions,
Aurait atteint, frappé, moi, sergent, à la joue ... (Tesn., p. 91).
Ce dernier tour (ex. 9) est rare dans le langage parlé.
Etc. 12 .
Ces quelques exemples laissent entrevoir la diversité des moyens linguisti-
ques qui s'offrent au sujet parlant pour lui permettre de limiter le coût du mes-
sage codé.
Si l'on envisage, par exemple, la première phrase du premier énoncé: le roi
est environné de gens qui ne pensent qu'à divertir le roi, et à l'empêcher de penser
à lui, on peut considérer que le syntagme le roi et le pronom le (l')/lui sont en
quelque sorte synonymes sur le plan de la désignation (ils désignent tous deux
un même être, ils ont une même référence: le roi). En outre, du point de vue
formel, le pronom a copié les traits [masc., sing.] du syntagme le roi; on serait
donc tenté de voir ici une répétition de nature morpho-sémantique (reprise
combinée d'un élément formel et d'un contenu signifié). Et pourtant, les diffé-
rences entre coréférence et répétition ne manquent pas.
A la base de ces deux phénomènes se trouvent deux démarches radicalement
différentes.
La coréférence (la substitution chez J. Dubois) obéit avant tout au principe
d'économie de la langue: l'un de ses rôles essentiels est de réduire la longueur
du message et par conséquent son coût, en substituant à une unité ou à un

12
Mon but n'étant pas d'étudier la coréférence en soi, mais uniquement dans ses rapports
avec la répétition, je ne prétends pas livrer ici une liste complète de tous les coréfé-
rents.

88
groupe d'unités lexicales une autre ou d'autres unités plus courtes tout en pré-
servant l'information portée par le message. Soit l'énoncé suivant:
ex. 10: Un visiteur est venu, il a dit qu'il repasserait demain.
Dans la seconde proposition, on substitue au syntagme un visiteur, constitué de
deux unités lexicales, une unité de moindre coût: il.
La répétition, par contre, va à rencontre de ce principe d'économie. Elle
constitue un écart par rapport à la loi du moindre effort, puisqu'elle impose
deux éléments ou plus, là où un seul suffirait ou, plus exactement, puisqu'elle
multiplie le même élément, alors qu'une occurrence aurait suffi,
ex.: Silence! Silence!
ex.: «Amitié! amitié à toutes celles que nous fûmes.» (SJP., Pl., p. 316).
L'énoncé sans répétition est tout aussi acceptable et tout aussi compréhensible:
Silence!, Amitié à toutes celles que nous fûmes! Mais l'intention de départ est ici
tout à fait différente: il ne s'agit plus de réaliser une économie, de réduire le
coût du message, comme c'était le cas pour la coréférence; mais bien, plutôt, de
faire passer coûte que coûte ce message, en luttant contre les bruits qui ris-
quent d'entraîner une perte d'information partielle (déformation du message)
ou totale (disparition du message).
Ces deux démarches sont donc situées exactement aux antipodes l'une de
l'autre.
En outre, il est des cas où la fonction première de la coréférence n'est plus
tellement de réaliser une économie dans le coût du message, mais où la coréfé-
rence apparaît très nettement comme un moyen d'éviter précisément la répéti-
tion 13 . Dans l'énoncé:
ex. 11: Pierre est venu, il a dit qu'il repasserait demain.
on ne peut dire que il réalise une économie par rapport à Pierre: les deux seg-
ments en présence ne sont pas plus courts l'un que l'autre; mais le recours au
coréférent il permet d'éviter une répétition inutile et lourde. Dans cet exemple,
la coréférence est donc précisément une échappatoire à la répétition.
Un autre facteur de différenciation entre répétition et coréférence est que la
répétition est toujours facultative 14 , alors qu'il existe des anaphores obligatoi-
res. Des énoncés tels que Silence!, Amitié à toutes celles que nous fûmes! sont,
nous l'avons vu, tout aussi acceptables et compréhensibles que les mêmes énon-
cés comportant une répétition.
Dans le cas de la coréférence aussi il existe une certaine part de liberté. Il est
possible de ne pas recourir à la coréférence et de reprendre le premier élément
sous sa forme originale; c'est ce que faisait Pascal dans la première proposition
de l'énoncé vu précédemment: Le roi est environné de gens qui ne pensent qu'à
divertir le roi. Mais cette liberté n'est pas absolue: en effet, si je substitue à

13
Cf. aussi, notamment, Ducrot-Todorov, Diet. encycL, p. 361; Le Bidois, II, p. 289, pa-
ragraphe 1219 bis; Brunot, La pensée et la langue, p. 171.
14
A situation de communication identique, bien sûr (situation «normale», courante:
celle d'un locuteur ordinaire), je n'envisage pas ici le cas des répétitions pathologiques.

89
l'énoncé la femme prit son manteau et partit (ex. 12) l'énoncé la femme prit le
manteau de la femme et partit, dans lequel je répète le syntagme la femme au
lieu de recourir au possessif, il y a beaucoup de chances pour que le second
énoncé soit compris comme 'la femmei prit le manteau de la femme2 et partit'.
L'absence de coréférence est donc ici source d'ambiguïté et il est préférable de
recourir au possessif. D e toute façon, m ê m e si en règle générale la coréférence
n'est pas obligatoire et que le sujet parlant peut, s'il le désire, reprendre pure-
ment et simplement le premier élément, elle se réalise dans la majorité des cas:
rien n'oblige le sujet parlant à recourir à l'énoncé le plus économique, mais il
est de fait que la loi du moindre effort lui fera préférer spontanément l'énoncé
coréférentiel à celui qui renferme une reprise littérale du premier élément.
U n e autre possibilité qui s'offre au locuteur consiste à pousser plus avant le
principe d'économie de la langue et à balayer tout simplement la reprise du
premier élément, aussi bien sous sa f o r m e littérale que sous une forme coréfé-
rentielle. C'est ce qui ressort de l'ex. 12, la femme prit son manteau et partit:
dans le second constituant de la coordonnée, le syntagme sujet la femme qui
apparaissait dans le premier n'est pas repris, ni sous sa forme originale, ni sous
celle d'un pronom coréférentiel (et 0 partit). Mais cette liberté, elle aussi, n'est
pas absolue: il est des cas où l'effacement du premier élément est impossible.
Soit l'énoncé suivant:
ex. 13: Aussitôt, l'enfant prenait une garde haute et sautillait sur place. De
temps en temps, il s'entraînait, provoquait Loulou et Capdeverre dans
des combats amicaux à main plate. Il s'était procuré une ficelle de
chanvre dont il se servait comme corde à sauter. (Sab., I, p. 2 1 2 ) .
L a seconde proposition de la première phrase (0 sautillait sur place) et la se-
conde de la deuxième phrase (0 provoquait Loulou et Capdeverre) apparaissent
comme de nouvelles illustrations de la non-reprise du premier élément. Par
contre, dans la première proposition de la deuxième phrase, la reprise du pre-
mier élément (réalisée sous forme du coréférent il) est obligatoire: on n'aurait
pu avoir * De temps en temps, s'entraînait15. Il en va de même pour les deux
propositions de la troisième phrase dans laquelle des tournures comme:
* S'était procuré une ficelle de chanvre dont * se servait comme corde à sauter
Il s'était procuré... dont * se servait...
* S'était procuré... dont il se servait...
étaient toutes aussi inacceptables l'une que l'autre.
Il ressort de tout ceci que la coréférence peut, dans certains cas, être écartée
au profit de la répétition pure et simple du premier élément ou au contraire de la
non-reprise de celui-ci, mais qu'il est certains cas où sa présence est obligatoire.
R e m a r q u e : Il est bien évident que lorsque le second cas (celui de la non-re-
prise du premier élément) est irréalisable et donc qu'il faut répéter à tout prix le
premier élément, celui-ci pourra être repris sous sa forme littérale ou sous
forme d'un coréférent. C'est donc la réapparition du premier élément qui est

15 Sauf en style télégraphique, bien sûr.

90
obligatoire et non la coréférence. Celle-ci est une possibilité offerte au sujet
parlant, mais pas la seule; cependant, en vertu du principe d'économie, c'est la
coréférence et non la reprise pure et simple qui est pratiquement toujours choisie.
Par contre, lorsque c'est le premier cas (celui de la répétition littérale du
premier élément) qui est irréalisable, la coréférence est la seule possibilité qui
s'offre au locuteur. Il n'est plus question alors d'un choix entre coréférence et,
par exemple, suppression pure et simple de la répétition du premier élé-
ment: * la femme prit manteau et partit est inacceptable. Ne conviennent pas
non plus des énoncés tels que la femme prit un manteau et partit ou la femme prit
le manteau et partit, dans lesquels le remplacement du possessif par l'article fait
disparaître l'idée que la femme est le possesseur du manteau.
Si, malgré les différences évoquées précédemment, on s'obstinait à voir dans
la coréférence un cas de synonymie (synonymie sur le plan de la désignation: les
unités lexicales en présence désignent le même «être» - au sens large - ; elles
ont la même référence), il n'en reste pas moins que le fonctionnement de cette
synonymie est très différent de celui de la synonymie linguistique (la synonymie
au sens courant du terme).
Dans le cas de la coréférence, les deux unités en présence sont synonymes ici,
maintenant, dans la situation (le contexte) évoquée par la phrase. Elles ne res-
tent synonymes que le temps du discours et même, dans un même discours, que
le temps d'une phrase ou d'une proposition: la preuve en est qu'un même coré-
férent peut être synonyme de plusieurs unités différentes. Il n'est que de songer
à la disponibilité du pronom il, qui est synonyme du syntagme le roi dans l'ex. 1,
du syntagme un jaloux dans l'ex. 3, du syntagme un visiteur dans l'ex. 10, du
terme Pierre dans l'ex. 11 et du syntagme l'enfant dans l'ex. 13!! Cette disponi-
bilité des coréférents se manifeste même fréquemment au sein d'un même
énoncé, comme le montre l'ex. 8, dans lequel le relatif qui est synonyme tantôt
du syntagme les sages, tantôt du syntagme l'art prodigieux, tantôt encore du
syntagme la main puissante.
Dans le cas de la synonymie linguistique, par contre, la parenté sémantique
des unités en présence dépasse le simple énoncé: la synonymie linguistique ex-
ploite, en effet, une parenté de langue, qui existe donc une fois pour toutes
quelle que soit la situation (le contexte). Cette parenté est d'ailleurs codifiée
dans les dictionnaires même les plus courants (sans compter les dictionnaires
des synonymes, les dictionnaires analogiques et les analyses de champs lexi-
caux). Prenons par exemple les deux unités apprendre et enseigner qui, dans un
environnement linguistique donné, apparaissent comme des unités synonymes.
Si l'on se réfère à un dictionnaire usuel, notamment au Petit Robert, on trouve
des indices de la parenté sémantique unissant les deux termes sous forme de
renvoi de l'un à l'autre 16 . Par contre, on ne trouvera jamais sous l'entrée il un
16
Cf. Robert: «apprendre: II 0 2°. Donner la connaissance, le savoir de quelque chose
(...). V. Enseigner.»
«enseigner: 2°. Transmettre à un élève de façon qu'il comprenne et assimile (certaines
connaissances). V. Apprendre.»

91
renvoi à roi, jaloux, visiteur, enfant et même, étant donné que les unités sy-
nonymes en présence sont cette fois une unité lexicale il et un syntagme (et non
plus deux unités lexicales, comme c'était le cas pour apprendre et enseigner), on
peut se demander s'il ne faudrait pas chercher plutôt une entrée le roi, un ja-
loux, un visiteur, l'enfant pour avoir des chances d'y trouver un renvoi à il...
Une autre différence, liée à la précédente, consiste dans la nature des élé-
ments en présence. Les constituants de la synonymie linguistique sont toujours
des mots pleins et donc de même statut grammatical.
Par contre, la plupart des coréférents mettent en présence deux termes de
statut grammatical différent, dont l'un est un mot plein et l'autre une proforme.
C'est le cas, notamment, de l'ex. 1: on y trouve un élément porteur de sens, le
roi, et une proforme, il. Même isolé dans le dictionnaire, l'élément roi charrie
un sens bien défini; il en va tout autrement du coréférent il, qui se voit défini
par sa nature et sa fonction, mais auquel on ne peut attribuer un sens précis 17 .
C'est justement ce statut de proformes qui explique l'extraordinaire disponibi-
lité des coréférents et leur aptitude à se charger d'un grand nombre de substan-
ces notionnelles différentes - dans les limites de la clarté, bien entendu, car
dans l'ex. 3, notamment, le coréférent il ne pourrait se charger en même temps
de la substance notionnelle des syntagmes un jaloux et ce bonheur. La présence
du chiasme entraîne, en effet, une dislocation des constituants de chaque paire
coréférentielle:

j^e bonh. de la f . qu'ilsaimef qd. çe bonh, lui vient... est une t. pour un jaloux.
constit. de la paire 1 const, paire 1
const, paire 2 const, paire 2

Dès lors, un énoncé comme le suivant risquait d'être ambigu: Le bonheur de la


femme qu'il aime, quand il lui vient d'un rival, est une torture pour un jaloux,
étant donné le chassé-croisé entre constituants de paires différentes. Par contre
dans l'ex. 8, le recours au même coréférent qui n'est nullement source d'ambi-
guïté, puisque le coréférent suit chaque fois le constituant avec lequel il forme
paire.
Il faut cependant remarquer que toutes les paires coréférentielles ne sont pas
nécessairement composées d'un élément plein et d'une proforme. Dans l'ex. 3,
la paire coréférentielle le bonheur de la femme qu'il aime - ce bonheur est cons-
tituée cette fois d'un élément plein (un syntagme) d'une part, et de la combinai-
son d'une proforme (le coréférent ce) et d'un mot plein qui apparaissait dans le
premier syntagme constituant (le terme bonheur) de l'autre. Dans les exemples
de descriptions définies anaphoriques fournis par G. Fauconnier 1 8 , le second
constituant n'est plus une proforme, ni même la rencontre d'une proforme et

17
Cf. Robert: «roi: I o . Chef d'état (homme) de certains pays (...) accédant au pouvoir
souverain etc.».
«il: 0 I o . Pronom personnel masculin, représentant un nom masculin de personne ou
de chose qui vient d'être exprimé ou qui va suivre.»
18
Fauc., pp. 1 6 9 - 1 7 2 .

92
d'un mot plein repêché dans le premier constituant, mais bien au contraire un
nouveau mot plein qui vient adjoindre à la substance notionnelle du premier
constituant sa propre substance. Contrairement à ce qui se passait dans les au-
tres cas, il y a donc apport (et non plus simplement rappel) de substance:
ex. 14: quand LA BALEINE sortira de l'eau, je harponnerai LE MONS-
TRE pour le tuer. (Fauc., p. 171)
Mais au total, ce sont les paires coréférentielles du premier type (celles qui
renferment des constituants de statut grammatical différent, l'un étant un mot
plein, l'autre une proforme) qui sont les plus fréquentes et de toute façon,
même s'il existe d'autres formes de coréférence, il n'en reste pas moins que la
paire contenant des termes de statut différent est une forme possible dans le cas
de la coréférence, mais jamais dans celui de la synonymie linguistique, qui met
toujours en présence des constituants de même statut (des mots pleins).
L'idée de voir dans la coréférence une répétition formelle ou, plus exacte-
ment, morpho-sémantique (le coréférent copie les traits grammaticaux du
terme ou du groupe de termes qu'il remplace) ne résiste pas non plus à l'analy-
se. Cette copie de traits grammaticaux n'est, en effet, rien d'autre qu'un aspect
du phénomène de l'accord, étudié précédemment.
Ici encore, on ne quitte pas le niveau de la redondance. Il n'est effectivement
pas possible de parler de répétition car s'il y a bel et bien retour de certains
éléments (ici, de traits grammaticaux) dans un intervalle de temps assez bref, ce
retour n'est cependant pas perçu comme tel pour différentes raisons.
Il constitue une contrainte intériorisée par le sujet parlant et est devenu un
véritable automatisme à quoi ni le locuteur ni l'interlocuteur ne sont plus sensi-
bles.
D'autre part, la copie des traits grammaticaux peut se réaliser de plusieurs
manières différentes au sein d'un même énoncé. Dans celui qui suit:
ex. 15: Les chevaux ont quitté l'écurie, ils paissent dans le pré.
la marque du pluriel apparaît cinq fois, mais elle reçoit chaque fois une réalisa-
tion concrète différente. Soit, pour l'article, dans la graphie: marque -s, dans la
prononciation: [1 ε] au lieu de [1 a]; pour le substantif, suffixe -aux au lieu de -al,
[o] au lieu de [a 1]; pour l'auxiliaire, ont au lieu de a, [5] au lieu de [a]; pour le
pronom coréférentiel, marque -s dans la graphie, pas de marque dans la pro-
nonciation; pour le verbe, marque -nt du pluriel (avec la modification qu'elle
entraîne dans le verbe), [ρ ε s] au lieu de [ρ ε]. Dans cet énoncé, il n'est donc
plus possible de sentir le retour d'un même élément; alors que la chose est aisée
dans le cas d'une allitération, par exemple: Pour qui sont ces serpents qui sifflent
sur vos têtes?
La tâche, déjà rendue difficile par le fait que la même marque peut recevoir
des réalisations concrètes très différentes, se complique encore davantage lors-
que cette marque apparaît dans la graphie, mais pas dans la prononciation.
C'est précisément le cas pour le coréférent ils, dans l'exemple donné ci-dessus.
Dans la paire coréférentielle les chevaux-ils, il y a bel et bien copie du trait plu-
riel dans la graphie (marque -s), mais pas dans la prononciation ([i 1], forme

93
unique pour le singulier et le pluriel); le trait masculin est, par contre, respecté
tant dans la graphie que dans la prononciation. Que dire alors des énoncés sui-
vants:
ex. 16: le cheval qui paît dans le pré...
la vache qui paît dans le pré...
les chevaux qui paissent dans le pré...
les vaches qui paissent dans le pré...
dans lesquels le coréférent qui ne révèle plus le moindre trait de genre ou de
nombre, ni dans la prononciation, ni même dans la graphie.
La coréférence ne peut donc être confondue avec les autres répétitions for-
melles ou morpho-sémantiques, dans la mesure où le retour des traits gramma-
ticaux du premier élément n'est pas réellement senti comme tel par le locuteur
ou l'interlocuteur. Ce retour constitue une contrainte devenue un véritable au-
tomatisme et, si au niveau abstrait c'est toujours un même élément qui revient,
il n'en est pas de même au niveau concret: dans l'énoncé, cet élément peut ré-
apparaître sous une forme différente ou même ne pas réapparaître ou ne réap-
paraître que partiellement. Il faut remarquer d'ailleurs que la quantité de traits
copiés peut se réduire suivant le coréférent qui intervient: dans l'ex. 15, le pro-
nom ils copie les traits de la personne, du nombre et du genre; alors que dans
l'ex. 4, l'adjectif possessif (en français) ne copie plus que les traits de la per-
sonne et du nombre (le trait du genre est copié non sur l'autre constituant de la
paire: Georges, mais sur le terme santé).
En résumé, la coréférence peut donc être écartée des faits de répétition pour
les raisons suivantes:
- la coréférence obéit au principe d'économie de la langue: l'une de ses fonc-
tions premières est de remplacer un segment d'énoncé par un autre plus
court. A ce titre, elle s'éloigne radicalement de la répétition, qui apparaît
comme un écart par rapport à ce même principe d'économie. Parfois même,
la coréférence abandonne cette fonction première pour devenir nettement
un moyen de lutter contre la répétition; peu importe si, dans ce cas, le coréfé-
rent ne représente pas nécessairement une économie par rapport à la répéti-
tion pure et simple du premier constituant;
- la répétition est toujours facultative, alors qu'il existe des coréférences obli-
gatoires: il est des énoncés dans lesquels la coréférence ne peut être écartée
ni au profit d'une reprise pure et simple du premier élément, ni à celui de la
non-reprise de ce premier élément;
- la coréférence repose sur une parenté passagère, liée à la situation (au con-
texte); alors que la synonymie linguistique, avec laquelle elle semble présen-
ter certains traits de ressemblance (la coréférence peut apparaître comme un
cas de synonymie sur le plan de la désignation, de la référence), exploite une
parenté de langue, indépendante de la situation (du contexte). Elles s'oppo-
sent donc l'une à l'autre comme le passager au permanent;
- la plupart des paires coréférentielles mettent en présence un terme plein et
une proforme, alors que la synonymie linguistique (et donc la répétition sy-

94
nonymique, qui l'exploite) fait toujours voisiner deux termes de même statut
grammatical (deux mots pleins);
- enfin, la coréférence ne peut être confondue avec les répétitions morpho-
sémantiques, dans la mesure où le retour des traits grammaticaux du premier
élément (qui n'est, en fait, qu'un aspect du phénomène de l'accord examiné
précédemment) n'est pas senti comme tel par le locuteur ou l'interlocuteur,
ce qui maintient la coréférence au niveau de la simple redondance.

«Le loup, il a mangé l'agneau»

Un énoncé tel que: LE LOUP, IL a mangé l'agneau19 apparaît comme un ex-


emple de coréférence un peu particulier. En effet, dans un tel énoncé, il est dif-
ficile de considérer le pronom il comme un facteur d'économie: loin de dimi-
nuer le coût du message il semble l'augmenter, puisqu'il fait voisiner dans la
même proposition deux unités lexicales coréférentielles de même fonction: le
syntagme le loup et le pronom il·, alors que le syntagme seul suffirait: l'énoncé
le loup a mangé l'agneau serait, effectivement, parfaitement compréhensible.
Cet exemple, d'un type assez spécial, est loin d'être un cas isolé, comme le
montrent les énoncés suivants:
ex. 1 : CET OLIVIER, dit le pépé voyant bailler l'enfant, IL dort, mais qu'il
dort! (Sab., III, p. 140).
ex. 2: IL est de Paris, CE GAMIN? Je l'avais deviné...
(Sab., III, p. 172).
ex. 3: Et DES RENARDS, il y EN a? (Sab., III, p. 152).
ex. 4: Il EN existe, DES CAMIONS. (Bl-Benv„ p. 316).
ex. 5: MOI, J'aime bien. Mon ami Bougras, lui, il disait que le
thé... (Sab., II, p. 83).
ex. 5': Olivier s'attendrit. Ce Marceau... LUI, IL se contentait de rêveries où
passaient la belle Renée et quelques autres chevelures entrevues.
(Sab., III, p. 177).
ex. 6: J'aimerais pas vivre comme ces gens-là, MOI!
(Sab., III, p. 175).
ex. 7: CE PETIT BOUT DE LA RUE LABAT, C'était le cinéma du pau-
vre, le paradis des mal logés, le lieu de la liberté, l'espace d'une aventu-
re. (Sab., I, p. 161).
ex. 7'-.SAUGUES, C'est bientôt! cria le conducteur à son intention.
(Sab., III, p. 19).
ex. 8: C'est chouette, LA RUE! (Sab., I, p. 133).
ex. 9: Oh! tonton! LES ELEPHANTS, CA ne pond pas des oeufs!
(Sab., III, p. 172).
ex. 10: «Voyez-vous, CA rend fou, LA LITTERATURE.»
(Le Bidois, II, p. 60).
19
Tesn., p. 172.

95
ex. 11: «CHARMANTE, elle L'est dès maintenant...»
(Le Bidois, II, p. 70).
ex. 12: «Je LE suis, LE MAITRE, oui ou non?» (Le Bidois, II, p. 70).
ex. 13: LA MEME, comment tu LA trouves? (Sab., III, p. 42).
ex. 13': CE QU'ON DONNE AUX MECHANTS, - toujours on LE regrette.
(Tesn., p. 619).
ex. 14: Je peux LA regarder, L'ECOLE? (Sab., II, p. 59).
ex. 15: DES VACHES, j'EN avais déjà vu! (Sab., III, p. 13).
ex. 16: J'EN ai pris, DU PAIN. (Bl.-Benv., p. 48).
ex. 17: Bah! dit Olivier, MOI J'irai LA chercher, LA FLOTTE!
(Sab., III, p. 80).
ex. 18: «SON ENFANT, mais ELLE LE déteste, CETTE MERE!»
(Bally, Stylist., p. 314).
ex. 19: Dites donc, IL se LES enfonce pour de bon, LE FAKIR LES
EPINGLES? (G. Moignet, Psycho-syst., p. 96).
ex. 20: C'est même de ce jour-là, je m'en suis souvenu depuis, qu'IL a pris
l'habitude de LA rencontrer dans une salle d'attente, LA VIEILLE
MERE HENROUILLE, ROBINSON. {Groupe μ, I, p. 84).
ex. 21: De même LE COUP QU'ON VIENT DE RECEVOIR, on veut EN
différer la conscience et la douleur.
(A. Blinkenberg, Ordre/mots, II, p. 31).
ex. 22: MON MALHEUREUX COUSIN, je LUI ai offert un beau livre.
(Tesn., p. 174).
ex. 23 : «Mais comme je LUI disais à CET ARTISTE qui semble du reste très
poli..., que LUI trouvez-vous d'extraordinaire à CE VI-
TRAIL?» (Le Bidois, II, p. 60).
ex. 24: «Sais-tu ce qu'on NOUS EN a offert, à TEISSIER et à MOI, de
NOTRE FABRIQUE?...» (Le Bidois, II, p. 61).
ex. 25: Et que veux-tu que JE LUI dise, MOI, à GABRIEL?
(A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 178).
ex. 26: CA ME PLAIT, MOI, CES CHOSES-LA
A MOI (Bl.-Benv., p. 102).
ex. 27: Je LE LUI ai donné, CE LIVRE, à MARIE.
(R. Martin, Infer., p. 156).
ex. 28: — DU TEMPS, MOI? Est-ce que J'EN ai, seulement, pour Y penser, à
CETTE AFFAIRE? (Bally, Stylist., p. 311 ).
ex. 29: - LE TRAMWAY IL passe devant.
(A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 41).
ex. 30: - IL est beau VOTRE CHEVAL. (Sab., III, p. 171).
ex. 31: - C'est joli LA NEIGE (Sab., III, p. 271).
ex. 32: — Je lui ai apporté [à Marie] une médaille de Rome pour qu'elle la
glisse dans son porte-monnaie.
- Elle va L'être CONTENTE! (Sab., III, p. 239).
En ce qui concerne la nature des constituants, ces énoncés ne diffèrent en

96
rien des exemples de coréférence examinés précédemment: le pronom person-
nel ou le démonstratif désigne toujours le même «être» que l'autre élément de
la paire, auquel il emprunte d'ailleurs ses traits formels (la parenté des deux
paires le loup-il et le roi—le {1')/lui est d'ailleurs manifeste, puisque c'est le
même pronom il qui sert dans les deux cas, le premier élément des deux paires
étant constitué par un syntagme semblable: article le + substantif). De la paire
coréférentielle le loup—il il est donc possible de dire exactement la même chose
que ce qui avait été dit précédemment de la paire le roi-le (/') /lui: le syntagme
le loup et le pronom il sont en quelque sorte synonymes sur le plan de la dési-
gnation;.ils désignent tous deux un même être, ils ont une même référence: le
loup. En outre, du point de vue formel, le pronom a copié les traits [masc.,
sing.] du syntagme le loup.
Cependant, ce type d'énoncé coréférentiel diffère des autres exemples de co-
référence examinés précédemment. En effet, alors que dans le cas de ces der-
niers l'idée d'y voir un fait de répétition pouvait être écartée pour différents
motifs, deux de ces motifs ne sont plus de mise dans ce cas-ci.
Tous ces exemples vont à rencontre du principe d'économie de la langue,
puisqu'ils font voisiner dans une même proposition deux unités lexicales coréfé-
rentielles de même fonction.
Dans la coréférence simple, par contre, ou bien les unités lexicales coréfé-
rentielles appartiennent à des propositions différentes:
ex. 1 : LE ROI est environné de gens qui ne pensent qu'à (...) L'empêcher de
penser à LUI.
les unités coréférentielles le roi et /' appartiennent à des propositions différen-
tes (il en va de même du pronom lui, qui appartient à une proposition différente
de celle où apparaît le roi et différente, également, de celle où apparaît /').
ex. 7: CORNEILLE nous assujettit à ses caractères et à ses idées, RACINE se
conforme aux nôtres, CELUI-LA peint les hommes tels qu'ils devraient
être, CELUI-CI les peint tels qu'ils sont.
les unités coréférentielles Corneille et celui-là ÇRacine, celui-ci), bien que rem-
plissant la même fonction de sujet, appartiennent à des propositions différen-
tes.
Ou bien elles appartiennent à la même proposition, mais dans ce cas elles n'y
remplissent pas la même fonction:
ex. 2: LA MERE SUPERIEURE SE regarde dans l'eau du bassin.
les unités coréférentielles la mère supérieure et se apparaissent dans la même
proposition (phrase), mais elles y occupent des fonctions différentes.
En outre, dans chaque exemple du type le loup, il a mangé l'agneau, la reprise
du premier constituant à l'aide d'un coréférent est toujours facultative; la pré-
sence du premier constituant seul ne diminuerait en rien l'acceptabilité et l'in-
telligibilité du message {le loup a mangé l'agneau).
Par contre, l'effacement du coréférent est loin d'être toujours possible dans
le cas de la coréférence simple: si je puis dire LA FEMME prit son manteau et a
partit au lieu de LA FEMME prit son manteau et ELLE partit (énoncé qui ne

97
peut être rangé parmi les exemples de coréférence (»existentielle pour la pre-
mière raison évoquée ci-dessus: les unités coréférentielles/a femme et elle, bien
que remplissant la même fonction, appartiennent à deux propositions différen-
tes), on a vu qu'il y avait certaines limites à cette liberté: qu'on se rappelle le cas
de l'ex. 13. Dans l'ex. 7 non plus, il n'est pas possible de supprimer le coréfé-
rent:
ex. 7: Corneille nous assujettit à ses caractères et à ses idées, Racine se con-
forme aux nôtres, * peint les hommes tels qu'ils devraient être, * les peint
tels qu'ils sont.
En ce qui concerne les unités coréférentielles apparaissant dans la même
proposition, la situation est encore plus simple: l'effacement du coréférent n'est
jamais possible; forcément, puisque le coréférent remplit dans la proposition
une fonction propre, différente de celle de l'autre constituant de la paire:
ex. 1 : Le roi est environné de gens qui ne pensent qu'à (...)
* empêcher de penser à lui
l'empêcher de penser à *
Tiwpêsker^te^éS^^ (sens très différent, même si l'énoncé est parfai-
tement acceptable),
ex. 2: La mère l'eau du bassin (sens différent, même
si l'énoncé est, lui aussi, acceptable).
Ces deux traits: écart par rapport au principe d'économie de la langue et ca-
ractère facultatif de la démarche, tendraient donc à éloigner ce type de la coré-
férence simple et à le rapprocher des faits de répétition.
Et pourtant, si la réapparition du premier constituant est manifeste, on ne
peut pour autant limiter ces énoncés à un simple cas de répétition car celle-ci
n'y est, en réalité, qu'un épiphénomène: le phénomène de base, celui qui régit
tous ces énoncés n'est autre que ce que Ch. Bally appelle la «dislocation des
membres de phrases» 20 . Ce type d'énoncé, qu'il considère comme l'«un des ca-
ractères les plus frappants de la syntaxe parlée», se rencontre également dans la
langue écrite. Dans son ouvrage consacré à 1 Ordre des mots en français moder-
ne, A. Blinkenberg l'examine longuement et montre qu'on se trouve en pré-
sence de l'un des nombreux aspects que peut revêtir le conflit entre «ordre ha-
bituel» et «ordre occasionnel», entre «automatisme grammatical» et «libre
adaptation de la phrase à la pensée» 21 , entre «ordre grammatical et ordre psy-
chologique» 22 . Dans tous ces énoncés, «un membre de la phrase [proposition]23

20
Bally, Stylist., p. 311.
21
A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 45.
22
A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 28.
23
Si je préfère parler de proposition plutôt que de phrase - ce qui m'amène à définir la
coréférence coexistentielle comme la présence, au sein d'une même proposition, de
deux unités lexicales coréférentielles de même fonction - c'est à cause de l'existence
d'énoncés comme l'ex. 7 de coréférence simple:
Corneille nous assujettit à ses caractères et á ses idées, Racine se conforme aux nô-
tres, celui-là peint les hommes tels qu'ils devraient être, celui-ci les peint tels qu'ils
sont.

98
est isolé au début ou à la fin de la phrase [proposition] et repris ou anticipé dans
la phrase [proposition] même à l'aide d'un pronom personnel (ou démonstra-
tif). Dans cette construction - disloquée mais de nouveau soudée — se trouve
réalisé un compromis entre l'ordre libre et l'ordre grammatical, le membre isolé
représentant pour ainsi dire la liberté et le pronom l'automatisme grammati-
cal» 24 .
Le premier type d'énoncé, celui dans lequel un membre de la proposition est
isolé au début de la proposition et repris, dans cette dernière, à l'aide d'une
unité lexicale coréférentielle, est illustré par les exemples 1,3, 5, 5', 7 , 7 ' , 9,11,
13, 13', 15, 21, 22 et 29, ainsi que par l'exemple de départ Le loup, il a mangé
l'agneau.
A. Blinkenberg fournit différentes raisons possibles de ce type de construc-
tion. Elle peut tout d'abord résulter d'un processus de thématisation: le mot an-
téposé est souvent le thème (le sujet psychologique, appelé «sujet thématique»
par R. Martin) de l'énoncé. Ainsi, le point de départ de l'énoncé le loup, il a
mangé l'agneau serait à chercher dans une proposition à terme unique: le loup,
qui serait suivie d'une autre proposition: il a mangé l'agneau, qui la développe
et pour laquelle le syntagme le loup sert de thème. G. Moignet appelle ce pro-
cessus un cas de décumul du thème (sujet psychologique) et du sujet grammati-
cal.
Une autre explication possible de ce phénomène est le désir du sujet parlant
de rattacher son énoncé à ce qui a été dit précédemment. Ce serait par exemple
le cas d'un énoncé tel que Bête, il l'est - comparable à l'ex. 11 - à propos duquel
A. Blinkenberg nous dit: «C'est là la construction qui sert normalement dans la
langue parlée à affirmer ou nier un jugement antérieur» 25 . Il nous fournit d'ail-
leurs quelques exemples dans lesquels ce mécanisme apparaît bien; c'est le cas,
notamment, du passage suivant:
...La nouvelle exposition ... vivra ... dans la mémoire ... comme une des plus belles et
des plus instructives qu'il leur aura été donné d'admirer. Belle, elle l'est non seulement
par ce qu'elle nous montre, mais aussi par le décor, merveilleusement approprié, où elle
nous est présentée26.

A. Blinkenberg souligne, en outre, la valeur emphatique de cette construction.


Une autre explication résiderait dans le désir du locuteur de souligner une
opposition; c'est ce qui ressort d'énoncés comme les ex. 5 et 5'.
Le deuxième type d'énoncé, dans lequel un membre de la proposition est

En effet, si je définissais la coréférence «¡existentielle comme la présence, au sein


d'une même phrase, etc., je serais obligée de ranger cet énoncé parmi les cas de coréfé-
rence coexistentielle. Ce qui n'est pas le cas, non seulement parce que la suppression
du coréférent est ici impossible, mais en outre parce que ces unités «»référentielles ne
se font nullement concurrence, puisqu'elles apparaissent dans deux propositions diffé-
rentes, même si celles-ci appartiennent à une même phrase.
24
A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 45.
25
A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 58.
26
A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 59.

99
isolé à la fin de la proposition et anticipé, dans celle-ci, à l'aide d ' u n e unité lexi-
cale coréférentielle, est illustré par les ex. 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 19, 20, 23,
24, 25, 26, 27, 30, 31 et 32. «A l'origine, nous dit A . Blinkenberg, la première
partie de la construction (...) a constitué une phrase [proposition] complète.
C'est seulement après l'avoir prononcée que celui qui le dit s'est rendu compte
qu'il n'avait pas assez précisé le sujet de sa phrase [proposition], qu'il laissait
trop à deviner à son interlocuteur. Il a donc repris sa phrase [proposition], après
une pause, par un terme plus précis, substantif ou proposition substantive [ou
adjectif, ou p r o n o m personnel ontique, si l'on examine la situation qui se pré-
sente dans les exemples cités]» 2 7 .
L'hypothèse d'un processus de thématisation, émise par A . Blinkenberg à
propos du premier type d'énoncé, peut également trouver son application ici.
D'ailleurs, des deux exemples que fournit R. Martin, dans lesquels le «sujet
thématique» se distingue du sujet grammatical 2 8 , le premier: Pierre, Marie
l'aime tendrement se rattache nettement au premier type d'énoncé (le sujet
thématique est placé en tête de proposition), alors que le second (l'ex. 27, ci-
dessus) appartient au deuxième type (le sujet thématique est isolé en finale).
L e désir du locuteur de souligner u n e opposition, évoqué par A . Blinkenberg
à propos du premier type, peut également expliquer le deuxième et n o t a m m e n t
un énoncé comme l'ex. 6.
D e m ê m e , d'autres raisons évoquées par A . Blinkenberg semblent pouvoir
expliquer l'un et l'autre type de construction: émotion très vive du locuteur, re-
cherche de la clarté, de l'harmonie, du rythme, désir d'éviter la monotonie,
d'attirer l ' a t t e n t i o n . . .
Je ne m'attarderai pas davantage à l'examen de ces diverses raisons, étant
donné que ce type de construction n'a qu'un rapport indirect avec la répétition;
je renvoie le lecteur que ce problème intéresse aux études qui en ont été faites
et, plus particulièrement, à celle de A . Blinkenberg.
Je signalerai simplement qu'il va de soi qu'une m ê m e cause n'est pas limitée à
la production d'un seul énoncé, mais peut en engendrer plusieurs; c'est préci-
sément ce que je signalais quelques lignes plus haut, à propos des raisons qui
semblaient pouvoir expliquer aussi bien le premier type de construction que le
deuxième.
D ' a u t r e part, plusieurs causes peuvent intervenir dans la production d'un
même énoncé, ce qui est souvent le cas d'énoncés où voisinent les deux types de
construction (ex. 17, 18 et 28).
U n fait important à r e m a r q u e r est que, comme cela se produit assez fré-
quemment, ce qui était à l'origine un tour expressif tend à la longue à se gram-
maticaliser: comme le signale G. Moignet, «dans le français familier, voire po-
pulaire, on constate une tendance à employer le p r o n o m existentiel de la troi-
sième personne conjointement au substantif sujet, sans expressivité particuliè-
re, dans la phrase énonciadve, type: ton père il t'appelle il t'appelle ton
27
A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, pp. 4 5 - 4 6 .
28
R. Martin, Infer., p. 156.

106
père), sans qu'il y ait trace de pausette entre le substantif et le pronom dans la
prosodie» 29 . Cette évolution du tour est illustrée par les ex. 29 à 32.
De ce qui précède, il ressort donc que l'essentiel de ce type de construction
réside dans le fait que sous l'effet d'une ou de plusieurs causes, l'ordre gramma-
tical se voit écarté au profit de l'ordre psychologique. Ce dernier se réalise sous
forme d'une dislocation des membres de proposition et, plus spécifiquement,
sous forme de l'isolation d'un membre (parfois même, de deux ou plus) au dé-
but ou à la fin de la proposition. La présence au sein de la proposition d'un, de
deux, ou même de plusieurs coréférents (pronom personnel ou démonstratif)
qui anticipent sur le ou les membres isolés ou les rappellent n'est, en fait,
qu'une conséquence de la dislocation de la construction.
Mais la présence du coréférent n'est pas toujours obligatoire. En effet, en
face de l'ex. 1, on peut trouver l'ex. 33:
ex. 33: — LES PARISIENS, quand ils arrivent ici, posent la joue des heures
d'affilée. (Sab., III, p. 42).
en face de l'ex. 2, l'ex. 34:
ex. 34: Sont à l'Index LES MISERABLES DE VICTOR HUGO.
(A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 57).
en face de l'ex. 5 (du moins, de la première phrase), l'ex. 35:
ex. 35: MOI, ça ne marche jamais. (Bl.-Benv., p. 102).
en face de l'ex. 5' et de la seconde phrase de l'ex. 5 30 , l'ex. 35':
ex. 35 ': Se repérant à la voix, il rejoignit la mémé qui lui désigna des bolets aux
chapeaux larges. Comment faisait-elle? LUI cherchait et n'en trouvait
jamais. (Sab., III, pp. 232-233).
en face de l'ex. 14, l'ex. 36:
ex. 36: Dans une conférence sur Vieuxtemps ...le grand artiste se définissait
ainsi lui-même: ROMANTIQUE j'étais, ROMANTIQUE je suis
resté. (A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 44).
en face de l'ex. 13, l'ex. 37:
ex. 37: LE NOM DE CET HOMME, DE CE VOYOU ...Je veux savoir.
(A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 167).
en face de l'ex. 11, l'ex. 38:
ex. 38: Je n'ai pas trouvé intéressante CETTE MAISON.
(A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 185).
en face de l'ex. 21, l'ex. 39:
ex. 39: De LA VILLE AU-DESSOUS DE NOUS, nous ne voyions que le
plein de feu, les lignes de feu qui étaient les rues, les blocs de feu qui
étaient les places.
(A. Blinkenberg, Ordre/mots, II, p. 30).
29
G. Moignet, Prort. pers. fçs., pp. 1 4 7 - 1 4 8 .
30
Dans la seconde phrase de l'ex. 5: Mon ami Bougras, lui, il disait que le thé ..., la mise
en évidence est encore plus nette que dans les autres énoncés de la série: le syntagme
Mon ami Bougras, projeté en tête de phrase, est ensuite repris à l'aide du pronom per-
sonnel ontique lui, puis du pronom personnel existentiel il.

101
en face de l'ex. 22, l'ex. 40:
ex. 40: A CELA, tout d'abord, il n'avait pas songé.
(A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 176).
Les énoncés suivants marquent la synthèse des deux séries précédentes:
ex. 41: Jeanne: MOI, JE vais faire ma prière. - Julie: MOI, elle est faite.
(A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 23).
ex. 42: MOI, JE l'ignore, mais LUI le sait.
«alternant avec: LUI, IL le sait.» (G. Moignet, Pron. pers. fçs., p. 26).
ex. 42': LUI l'ignore, mais ELLE le sait
«emploi prédicatif avec pausette» alternant avec: ELLE, ELLE le sait (G.
Moignet, Pron. pers. fçs., p. 26).
Dans les exemples fournis par G. Moignet, seule la première version de
l'énoncé 42 apparaît comme une synthèse des deux séries précédentes: la va-
riante: Moi, je l'ignore, mais lui, il le sait appartient, quant à elle, à la première
série d'énoncés. Dans l'ex. 42', par contre, c'est la seconde version: lui l'ignore,
mais elle, elle le sait qui marque la rencontre des deux séries précédentes, la
première version appartenant cette fois à la deuxième série d'énoncés.
Quelle que soit la série d'exemples envisagée, on voit qu'il y a toujours dislo-
cation, mais pas toujours reprise ou anticipation à l'aide d'un coréférent.
L'absence de coréférent se marque dans la deuxième série d'énoncés, ainsi
que dans la seconde phrase du dialogue 41 (Moi, elle est faite), dans la seconde
proposition de l'ex. 42 première version (lui le sait) et dans la première version
de l'ex. 42' (lui l'ignore, mais elle le sait). De tels exemples apparaissent donc
comme étrangers à l'objet de cette étude, puisque toute répétition en est absen-
te. Or la démarche de base y reste identique à celle des autres énoncés, puisque
malgré l'absence de coréférent, il y a toujours dislocation de la construction.
Ainsi, au travers de ces trois séries d'exemples, c'est toujours un même grand
phénomène qui se manifeste: celui de la dislocation de la construction (disloca-
tion avec mise en relief ou simple grammaticalisation du tour précédent dans le
français populaire et familier). Quant à la répétition, elle n'est qu'un aspect se-
condaire, un épiphénomène - pas toujours présent - par rapport à ce phéno-
mène plus vaste de dislocation. Ce type d'énoncé peut donc être écarté de notre
étude, dans la mesure où il n'a qu'un rapport indirect, second, avec la répéti-
tion.

Les répétitions involontaires

A. Répétitions pathologiques

Le domaine des troubles du langage - troubles causés, le plus souvent, par une
lésion cérébrale survenue chez le sujet parlant - révèle de nombreux faits de
répétition. Je me contenterai ici d'en donner une rapide description; j'em-

102
prunte la plupart des éléments de cette description, ainsi que les exemples à Y.
Lebrun 31 .
- la REPONSE EN ECHO a lieu quand les patients reprennent dans leur ré-
ponse, de façon superflue, des mots entendus dans la question posée par l'inter-
locuteur 32 .
A la différence de l'écholalie, la réponse en écho constitue une vraie réponse,
mais dans laquelle réapparaissent des mots de la question:
ex.: «Etes-vous marié?» Patient: «Oui, je suis marié.» (Lebrun, Introd., p. 9).
La réponse en écho n'est pas pathologique en soi, elle ne constitue pas une
entrave à la communication et n'est pas rare dans la conversation normale 33 .
Mais parfois, pourtant, elle peut être l'indice d'un trouble réel de la parole 34 .
- l'ECHOLALIE se produit lorsque les patients répètent la question qui leur
est posée au lieu d'y répondre, un ordre au lieu de l'exécuter, et même, dans le
cas de certains patients, des phrases qui ne leur sont pas adressées 35 .
L'écholalie est PURE lorsque le malade répète les mots de l'interlocuteur
sans rien y changer 36 . Tel est le cas du «sauteur du Maine» observé par Beard
en 1881:
Pendant qu'un sauteur était assis sur une chaise et coupait son tabac, je m'approchai de
lui, et, le frappant subitement sur l'épaule, je lui dis JETTE-LE. Aussitôt il lança son
couteau qui alla se planter dans une porte vis-à-vis et, en même temps, répéta mon
ordre: JETTE-LE, avec une expression particulière de terreur et d'alarme.
(Y. Lebrun, Dwang. uit, p. 5).

L'écholalie est MITIGEE lorsque les propos de l'interlocuteur sont adaptés


grammaticalement par le locuteur:
ex.: «Comment vous appelez-vous?» Patient: «Comment je m'appel-
le?» (Y. Lebrun, Introd., p. 9).
Cet exemple montre bien la différence existant entre écholalie et réponse en
écho: le patient reprend la question de l'interlocuteur (ici, il l'adapte même
grammaticalement), mais sans y répondre; elle reste une question.
L'écholalie n'est pas toujours automatique et irrépressible: certains patients
peuvent inhiber leurs «réactions en écho» et, d'autre part, l'écholalie peut faire
intervenir des mots qui ont été compris — ce qui explique, précisément, que
dans l'écholalie mitigée le patient adapte grammaticalement les propos repris.
Elle peut couvrir toute la gamme allant de la répétition — pouvant parfois être

31
On se reportera également à l'article de G. Peuser, Romanistik und Patholinguistik:
Betrachtungen zum Phänomen repetitiver Sprachphänomene, à paraître prochainement
dans la Zeitschrift für romanische Philologie. Je tiens à remercier ici l'auteur d'avoir eu
la gentillesse de me communiquer son manuscrit.
32
Y. Lebrun, Introd., p. 7.
33
Dans certaines langues, en portugais et en anglais notamment, elle est même obligatoi-
re.
34
Y. Lebrun, On echolalia, p. 307.
35
Y. Lebrun, Introd., p. 8.
36
Y. Lebrun, Introd., pp. 8 - 9 .

103
réprimée - de ce qui a été compris à la répétition irrépressible de propos que le
patient ne comprend pas 37 .
Le premier stade est représenté par le patient nommé Marcel 38 ; chez lui, la
compréhension précède la répétition car, lorsqu'il répète la question de l'exa-
minateur, il l'a déjà adaptée grammaticalement, comme le montre le dialogue
suivant:
Examinateur: «Je voudrais encore te poser quelques questions.»
Patient: «Vous vouliez me poser quelques questions.»
(Y. Lebrun, On echolalia, p. 302).
En outre, il peut parfois réprimer sa tendance à l'écholalie: sur vingt questions
concernant sa vie privée, il parvient à donner dix-huit réponses ne présentant
aucun phénomène d'écho (parfois, cependant, il répète la question avant d'y
répondre).
Un stade intermédiaire est représenté par la reproduction incoercible de ce
qui a été compris: c'est le cas, notamment, du «sauteur du Maine» évoqué pré-
cédemment: la répétition de l'ordre et l'action de lancer le couteau sont simul-
tanées, ce qui prouve qu'il a compris les paroles de l'interlocuteur 39 .
Un autre stade intermédiaire est représenté par la patiente de Bramwell,
chez qui la répétition touche des mots dont le sens n'a pas encore été saisi:
When asked a question she often echoed the last part of it and then, after repeating some
words, seemed to understand their meaning. Thus when asked, «Are you better?» she
repeated the word «better», obviously in an automatic reflex way, then brightened up
and said intelligently, «Yes, better». (...) It was often necessary to repeat a word more
than once before she could grasp its meaning. ( γ Lebrun> ùn echolaÎia% p. 306).

Chez cette patiente, la répétition précède donc la compréhension de la ques-


tion: c'est parce qu'elle (on lui) répète la question ou une partie de celle-ci, que
la patiente parvient à la comprendre et à y répondre.
Comme dans le cas de la réponse en écho, l'écholalie n'est pas essentielle-
ment pathologique; parfois, elle peut être délibérée et naturelle: il peut arriver,
en effet, que l'on répète les paroles de quelqu'un pour marquer son accord.
Mais parfois, cependant, elle est nettement pathologique.
— la CONTAMINATION a lieu quand le patient utilise, au lieu du mot ap-
proprié, un mot
• qu'il vient d'entendre:
ex.: «Aimez-vous le football?» Malade: «Non, je préfère le football» (voulant
dire le cyclisme). (Y. Lebrun, Introd., p. 8).
• ou qui est lié à la situation:
ex.: «Le cas du patient qui emploie le mot EAU au lieu de OISEAUX parce
qu'il entend de l'eau s'écouler dans une conduite.» (Y. Lebrun, In-
trod., p. 8).
37
Y. Lebrun, On echolalia, p. 307.
38
Y. Lebrun, On echolalia, pp. 3 0 1 - 3 0 3 .
39
Cf. aussi l'exemple évoqué par Y. Lebrun: «Oh! you murdered your mother. No! No!
(Y. Lebrun, On echolalia, p. 306).

104
La différence entre écholalie et contamination n'est pas toujours facile à cer-
ner: dans la contamination, l'action de parler est sous le contrôle du patient,
mais c'est le choix des mots qui lui échappe; en ce qui concerne l'écholalie, par
contre, il peut arriver qu'elle échappe au contrôle du patient, qu'elle soit tota-
lement involontaire et irrépressible.
D'autre part, la contamination est intrinsèquement un phénomène patholo-
gique; elle peut être observée chez un sujet normal, mais elle est alors toujours
due à un mauvais fonctionnement momentané de quelque mécanisme central
de la parole. L'écholalie, par contre, n'est pas nécessairement un fait pathologi-
que, puisqu'on a vu qu'elle pouvait résulter d'une volonté consciente et délibé-
rée du sujet parlant, qui souhaitait marquer de cette façon son accord avec l'in-
terlocuteur 40 .
- la PERSEVERATION consiste dans le remplacement d'un mot (ex. 1) ou
d'un son (ex. 2) adéquat par un autre qui vient d'être utilisé:
ex. 1: «le travail de mon travail» (au lieu de: «le travail de mon mari»).
ex. 2: «Je viens de la vaison» (pour: «je viens de la maison».)
(Y. Lebrun, Introd., p. 9).
- l'ENTRAINEMENT VERBAL se produit lorsque, chez certains patients,
l'emploi d'un mot déclenche l'apparition d'une série de mots qui lui sont appa-
rentés morphologiquement ou sémantiquement 41 .
- la PALILALIE est la répétition fréquente d'une partie de phrase ou d'une
courte phrase, souvent prononcée avec une intensité décroissante.
ex. E.: «Etes-vous depuis longtemps malade?»
P.: «Depuis longtemps, depuis longtemps, depuis longtemps, depuis
longtemps, depuis longtemps.»
E.: «Etes-vous marié?»
P.: «Non, non, non, non, non, non, non, non, non.»
E.: «Comment dormez-vous?»
P.: «Je dors très mal, monsieur le docteur, je dors très mal, monsieur le
docteur, je dors très mal, monsieur le docteur.»
(Y. Lebrun, Dwang. uit., p. 7.)
Parfois les dernières répétitions sont seulement murmurées et on les désigne
sous le nom de PALILALIE APHONE.
Quand ce phénomène se produit au niveau du langage écrit, on l'appelle
PALIGRAPHIE. Tel est par exemple le cas du patient qui, prié d'écrire son
nom, l'écrit trois ou quatre fois sans raison 42 .
La palilalie peut être chronique ou temporaire 43 .
- l'ITERATION consiste en une répétition de mots ou de parties de mots.

40
Y. Lebrun, On echolalia, p. 307.
41
Y. Lebrun, Introd., p. 17, l'auteur ne fournit pas d'exemple.
42
Y. Lebrun, Introd., p. 17.
43
Y. Lebrun, Dwang. uit., p. 9.

105
«Parfois ces itérations sont nombreuses et évoquent un B E G A I E M E N T appelé
APHASIQUE» 4 4 .
Il ne faut pas confondre l'itération ou répétition de mots (de parties de mots)
avec la palilalie ou répétition de phrases (d'une partie de phrase) 45 . L'itération
se distingue encore de la palilalie dans la mesure où elle est très rapide, en outre
l'expression répétée y est ordinairement plus courte que dans la palilalie et le
nombre de fois qu'elle y est reprise moins élevé 46 .
- le B E G A I E M E N T consiste dans la répétition involontaire de ses propres pa-
roles: phonèmes, groupes de phonèmes ou petits mots47.
Y. Lebrun fournit, entre autres, l'exemple suivant, dans lequel «le (...) pa-
tient fait allusion à un de ses professeurs, C., apparemment bègue lui aussi» 48 :
ex.: il (= le professeur) dit une phrase et au moment où il sent donc qu — qu —
qu'il va accrocher il dit une autre il change sa phrase i - il donne une autre
phrase et aujourd'hui c'était euh
très — très flagrant et les élèves d'ailleurs dans la - dans la s - dans l'audi-
toire comme donc je vous dis ici c'est—c'est ce que lui fait donc j: e me suis
ren — rendu compte que
j'aurais accro enfin que j'accrocherais s — sur le «salle» et j'ai mis euh
«auditoire» à la place beh c'est ça le cas de C.
(Y. Lebrun, Schizophasie et bégaiement, p. 943).
Le bégaiement ne résulte pas toujours de lésions cérébrales: dans deux des
trois types de bégaiement rencontrés par S. Crahay, «les investigations neuro-
logiques et électroencéphalographiques ont permis de déceler des anomalies
persistantes et notables, de nature à attribuer les causes du bégaiement à une
atteinte encéphalopathique. Par contre, dans le cas de bégaiement du troisième
type, ces mêmes investigations se sont révélées négatives» 49 ; il semble que,
dans ce troisième type, le bégaiement soit «d'origine psychogénétique»50.
Selon A. Blinkenberg, «si le bégaiement (...) a lieu surtout sur la première
syllabe d'une phrase», c'est parce que, «dans tout automatisme, c'est justement
le déclenchement du mouvement qui importe. C'est la mise en mouvement qui
est le point difficile; ce point une fois passé, le reste des mouvements qui com-
posent l'acte automatisé s'enchaîne et se déroule avec la plus grande facilité» 51 .
Les répétitions de caractère pathologique ont toutes en commun d'être invo-
lontaires: elles sont la conséquence inévitable de la lésion survenue dans le cer-
veau du locuteur. Elles peuvent échapper à ce dernier sans qu'il en soit cons-

44 Y. Lebrun, Introd., pp. 7 et 17.


45 Y. Lebrun, Introd., p. 17.
46 Y. Lebrun, Dwang. uit., p. 7.
47 Y . Lebrun, Dwang. uit., p. 6.
48 Y . Lebrun, Schizophasie et bégaiement, p. 943.
49 S. Crahay, Les facteurs psychologiques dans le bégaiement, dans Acta Neurologica et
Psychiatrica Belgica, LXVII, 11, p. 946.
50 S. Crahay, op. cit., p. 9 5 3 ; cf. aussi, pour plus de détails, p. 957.
51 A. Blinkenberg, Ordre/mots, I, p. 9.

106
cient et de toute façon, même dans le cas où le locuteur prend conscience de sa
tendance à la répétition, il ne parvient pas toujours pour autant à la réprimer.
Les cas où il réussit sont même assez rares: nous avons vu celui du patient
nommé Marcel qui, questionné sur sa vie privée, parvenait à fournir dix-huit
réponses ne présentant aucun phénomène de répétition. Par contre, dans le cas
du «sauteur du Maine», ou dans celui qui servait à illustrer la palilalie, la répéti-
tion était vraiment incoercible. A cet égard, la réaction du bègue est assez signi-
ficative: si l'on se moque de lui, en voulant corriger son défaut il ne fera que
l'accentuer; il en ira de même s'il veut communiquer une chose importante et
qui n'admet pas de retard. Le bègue mis en scène par R. Sabatier dans Les Al-
lumettes suédoises n'échappe pas à cette règle:
Olivier crut entendre Lucien le Bègue murmurer pour lui seul: «Que ... que ... quel
oeuf!» (...) Son infirmité de parole lui valait des plaisanteries qui l'irritaient et ne faisaient
qu'accentuer son bégaiement. Par exemple, on engageait la conversation avec lui sur un ton
aimable et tandis qu'il vous répondait, on tournait un bouton de sa veste comme pour régler
un poste de T.S.F. Dès lors, Lucien, fasciné par ce bouton tourné et retourné entre deux
doigts, bégayait de plus en plus. (Sab., I, pp. 3 7 - 3 8 ) .

Il est bien évident que ce trait de répétition involontaire ne vaut que pour les
répétitions véritablement pathologiques, à l'exclusion des cas signalés par Y.
Lebrun dans lesquels certaines formes de répétitions pathologiques (réponse en
écho et écholalie) se retrouvaient dans la conversation normale sous forme
d'une répétition qui n'avait plus, cette fois, ni caractère pathologique, ni carac-
tère involontaire, puisque le sujet parlant se servait de la reprise des paroles de
son interlocuteur pour informer ce dernier de son plein accord.

B. Répétitions non pathologiques

D'autres répétitions involontaires peuvent être dues non à un trouble du lan-


gage causé par une lésion du cerveau, mais par exemple à une pensée qui se
cherche, qui hésite:
ex.: Entre deux bouchées de cake, Olivier risqua une question longtemps rete-
nue. Il le fit en bredouillant et la figure toute rouge:
- C'est vrai, euh ... Mado, QUE ... enfin QUE ...
- Que quoi, mon petit?
- Que vous êtes chauffeuse de taxi? (Sab., I, p. 220).
e x . : - Moi, j'aime bien. Mon ami Bougras, lui, il disait que le thé ...
Il s'arrêta brusquement, ayant conscience de l'incongruité de son propos.
• Mais l'oncle posa sur lui ses yeux clairs et demanda:
- C'est le monsieur de la bague? Que disait-il donc?
- HEU ... fit Olivier en fixant la théière en vermeil, HEU ...il disait que
c'est de l'eau chaude. (Sab., II, p. 83).
Même s'il fait un effort, le locuteur ne parviendra pas nécessairement à faire

107
cesser ses hésitations et ses répétitions. Chez certaines personnes, la répétition
de euh ..., ben ..., enfin ... devient même un véritable tic de langage.
Des répétitions involontaires peuvent encore être produites lorsque le locu-
teur est en proie à une vive émotion (peur, joie, étonnement, colère, etc.).
ex.: - Tu connais le beau Mac? demanda Olivier.
(...) L'autre jour, il m'a appris à me bagarrer ...
Là Bougras devint tout rouge. Il avala de travers, toussa et répéta plusieurs
fois: «NOM DE D'LA, NOM DE D'LA!» Il paraissait en proie à une
vive colère, mangeait hâtivement, et même avec gloutonnerie, ne regardait
plus l'enfant. (Sab., I, p. 171).
On peut également rattacher à cette espèce le bégaiement d'origine psycho-
génétique (le troisième type de bégaiement rencontré par S. Crahay).
Ces répétitions involontaires non pathologiques sont finalement assez pro-
ches des précédentes: les secondes surtout semblent proches des répétitions pa-
thologiques, dans la mesure où elles se produisent chez un locuteur en proie à
un choc psychologique d'intensité variable. La situation de départ est, dès lors,
assez semblable à celle du patient atteint de troubles du langage: chez l'un et
l'autre locuteur, en effet, une cause d'ordre psychologique (émotion vive) ou
psycho-physiologique (lésion du cerveau) provoque des troubles du langage se
manifestant, entre autres, sous forme de répétitions; toutefois, alors que chez le
premier locuteur la cause et l'effet sont passagers et appelés à disparaître dans
un laps de temps relativement bref, chez le second, par contre, ils sont perma-
nents, ils constituent un état chronique.

Les répétitions du type « (et) alors (...) (et) alors (...) »

Une forme de répétition qui semble proche de la première espèce de répétition


non pathologique consiste dans la reprise d'expressions comme (et) alors, (et)
puis.
Alors mon réveil a sonné ... Zut! que je me suis dit, on mourra bien assez tôt,
et j'ai encore dormi un quart d'heure. Et puis, j'ai fait ma grande toilette. Et puis
j'ai mis mon linge à tremper. Et puis j'ai fait mes carreaux. Et puis ...
(Sab., I, p. 226).
Elle en est proche dans la mesure où, comme la répétition de euh ..., elle peut
devenir un véritable tic de langage chez certaines personnes.
Mais elle s'en écarte cependant sur deux points.
Premièrement, il serait inexact de la considérer comme une répétition invo-
lontaire: elle n'est nullement la conséquence d'une cause psychologique quel-
conque (émotion vive), ni même d'une pensée qui se cherche; elle peut exister
chez un locuteur qui est en parfaite possession de ses moyens et dont la pensée
est pleinement élaborée et cohérente. D'autre part si, comme on le fait souvent

108
pour les enfants, on attire l'attention du locuteur sur la présence de cette répéti-
tion, il pourra s'en corriger sans trop de difficultés. Il serait donc plus exact de
parler, dans ce cas, de R E P E T I T I O N INCONSCIENTE.
La seconde différence entre ce type de répétition et la répétition de euh ... se
situe au niveau de l'apport d'information: dans l'une comme dans l'autre, l'ap-
port d'information est nul si l'on envisage le contenu du message uniquement;
mais la répétition de euh ... n'en fournit pas moins des informations en ce qui
concerne le locuteur: elle permet de supposer, chez lui, l'existence d'une pensée
qui se cherche. Par contre, la répétition du type et alors ...,et alors ... ne consti-
tue pas même un apport d'information en ce qui concerne le locuteur. Le seul
rôle éventuel de ce type de reprise - si l'on n'y voit pas un simple tic de langage
tout à fait gratuit - serait de souligner les étapes d'un raisonnement, d'un récit:
elle ne constituerait donc pas un apport d'information, mais offrirait le moyen
de mettre en lumière tout nouvel élément d'information.

Deux faits de répétition: le pléonasme et la tautologie, ont été entrevus par la


rhétorique classique, mais injustement maltraités par elle.

Le pléonasme

J'ai déjà eu l'occasion de dire quelques mots du pléonasme dans la première


partie de cette étude et de signaler que le manque d'accord entre les auteurs
— certains le considérant comme un défaut de style, d'autres comme une figure
potentielle - était, en fait, une conséquence de l'ambiguïté de son statut. Le
pléonasme apparaît, bien souvent, comme une répétition inutile et dépourvue
de tout agrément; mais parfois aussi, comme le dit notamment Thiébault, il
«ajoute de l'énergie à la pensée». Dans l'Antiquité, l'ambivalence du pléo-
nasme avait déjà été mise en relief par Quintilien, mais c'est au XVIIIe siècle
(chez Demandre et, plus encore, chez Thiébault et dans l'Encyclopédie) que
l'on trouve les idées les plus intéressantes.
Partant d'un exemple donné par Quintilien:
ex. 1 : (...) filium a matre decern mensibus in utero latum esse.
(Quint., p. 240).
et d'exemples apparaissant notamment chez Thiébault (Thiébault, I,
pp. 1 2 5 - 1 2 6 ) :
ex. 2: Voler en l'air.
ex. 3: Je l'ai vu de mes yeux.
ex. 3': Je l'ai entendu de mes propres oreilles.
il serait possible de définir le P L E O N A S M E comme étant la répétition partielle
d'un contenu signifié: le pléonasme met, en effet, en présence des unités lexica-
les présentant un ou plusieurs sèmes communs; ou encore, dans cette modalité

109
d e répétition, il y a c o n v e r g e n c e , superposition plus o u moins é t e n d u e du n o y a u
s é m i q u e d e deux o u plusieurs unités lexicales 5 2 .
C'est ce que m o n t r e n t les e x e m p l e s ci-dessus: dans l'ex. 3, entre autres, le
n o y a u s é m i q u e du v e r b e voir implique, à c ô t é d'autres s è m e s , le s è m e 'yeux' et,
r é c i p r o q u e m e n t , celui du substantif yeux implique, n o t a m m e n t , le s è m e 'voir'.
Les n o y a u x s é m i q u e s de ces deux termes se superposent d o n c partiellement.
D a n s certains cas, la superposition du n o y a u s é m i q u e des termes e n p r é s e n c e
est m ê m e totale:
ex. 4: Et que m'a fait à moi cette Troye où je cours?
me (Dem., II, p. 105; Thiébault, I, p. 1 2 6 et Font.,
p.223)
car cet e x e m p l e fait voisiner les deux f o r m e s (la f o r m e existentielle et la f o r m e
ontique) d'un m ê m e p r o n o m : celui d e la p r e m i è r e personne. Cet é n o n c é appa-
raît, en fait, c o m m e un n o u v e l e x e m p l e d e c o r é f é r e n c e coexistentielle. Mais il se
distingue d e s autres dans la mesure où il n'y a plus, cette fois, dislocation d e la
construction: la reprise est ici r e c h e r c h é e pour e l l e - m ê m e , elle n'est plus u n e
c o n s é q u e n c e d e l'extraposition d'un é l é m e n t .

52
Le noyau sémique d'une unité lexicale est l'ensemble des sèmes qui la caractérisent.
Toute unité linguistique se caractérise par un ensemble de traits sémantiques (ils cons-
tituent le sens S. L. de cette unité) qui se répartissent en deux sous-ensembles: celui
des traits dénotatifs et celui des traits connotatifs. La différence entre ces deux sous-
ensembles «est purement sémantique: elle repose sur la nature des informations véhi-
culées par le signifiant» (K.-O., p. 17).
Le sous-ensemble des traits dénotatifs ou composants (le sens dénotatif) est «celui qui
intervient dans le mécanisme référentiel», c'est «l'ensemble des informations que vé-
hicule une unité linguistique et qui lui permettent d'entrer en relation avec un objet ex-
tra-linguistique au cours des processus onomasiologique (dénomination) et sémasiolo-
gique (extraction du sens et identification du réfèrent) » (K.-O., p. 15). Les traits dé-
notatifs (composants) «apportent donc des informations explicites sur l'objet dénoté
par le message verbal» (K.-O., p. 229). Parmi les traits dénotatifs ou composants, «les
sèmes constituent un sous-ensemble, celui des composants distinctifs. Les sèmes d'une
unité représentent certaines des prédications universelles dont cette unité est l'argu-
ment, prédications sélectionnées en raison de leur fonction distinctive» (R. Martin, In-
fér., p. 137).
Le sous-ensemble des traits connotatifs (le sens connotatif) apporte des informations
«de nature et/ou de statut différent. Tantôt elles concernent autre chose que le réfè-
rent immédiat du discours (sujet énonciateur [locuteur], situation d'énonciation, type
particulier d'énoncé), tantôt elles viennent enrichir, sous forme de valeurs additionnel-
les et suggérées, le contenu dénotatif.» (K.-O., pp. 2 2 9 - 2 3 0 ; pour les exemples, cf.
aussi K.-O., pp. 94 ss.). Les traits connotatifs, en tant qu'ils apparaissent comme des
traits sémantiques supplémentaires, qui s'ajoutent à l'ensemble des traits dénotatifs,
constituent des traits seconds, mais nullement secondaires: «on ne peut concevoir de
langage connotatif qui ne se greffe sur la matérialité du langage de dénotation, pour le
«détourner» à son profit (comme on le dit d'un film, ou d'une affiche publicitaire), et
le sémantiser en des lieux inattendus. Mais il ne faudrait pas inférer, de cette subordi-
nation logique, une quelconque hiérarchie évaluative» (K.-O., p. 197).
Pour une illustration de la différence entre traits dénotatifs et traits connotatifs: cf., no-
tamment, l'exemple de pomme de terre/patate, cité par C. Kerbrat-Orecchioni (K.-O.,
pp. 1 5 - 1 6 ) .

110
Poursuivant les réflexions de Thiébault et de Y Encyclopédie, je distinguerais
ensuite différents types de pléonasme:
- le PLEONASME VICIEUX, appelé datisme chez Thiébault et périssologie
dans l'Encyclopédie, se rencontre dans des expressions du type:
ex.: la puissance aérienne de l'aviation britannique (Morier,p.830)
ex.: prévoir d'avance (Morier,p.889)
ex.: descendre en bas (Morier,p.889)
ex.: monter en haut (Morier,p.889)
ex.: reculer en arrière (Morier,p.889)
Comme le dit H. Morier, «Prévoir d'avance, descendre en bas, reculer en ar-
rière, sont des pléonasmes parce que la précaution prise contre l'inintelligibilité
paraît ridicule: on ne prévoit que d'avance, on ne recule guère qu'en arrière et
l'on ne voit pas comment on pourrait se méprendre sur la direction de la descen-
te» 53 .
Le sème 'aérienne', 'd'avance', 'en bas', 'en haut', 'en arrière' est impliqué de
manière évidente et presque automatique par le terme ou le groupe de termes
qu'il est censé compléter; cette situation se présentait déjà dans l'ex. 1 fourni
par Quintilien.
- un type de pléonasme un peu particulier est le PLEONASME ETYMOLO-
GIQUE ou PLEONASME DIACHRONIQUE; il «résulte d'une simple igno-
rance de l'étymologie» 54 :
ex.: panacée universelle (Morier, p. 830)
ex.: une secousse sismique (Morier, p. 830)
«panacée veut dire, à lui seul, remède universel: il vient de πανάκεια, formé de
πάν, 'tout', et de άκος, 'remède' (...) et sismique veut dire 'qui secoue'; il dé-
rive de σεισμός, 'ébranlement'. Disons une panacée, une secousse tellurique, ou
un séisme, un phénomène sismique, un tremblement de terre»55.
Il s'agit donc d'un pléonasme en regard de l'étymologie d'un des termes cons-
tituants; mais, à l'heure actuelle, ce pléonasme n'est plus senti comme tel par un
grand nombre de sujets parlants.
- le PLEONASME ECLAIRANT est illustré par des expressions du type:
ex. 2 ci-dessus: voler en l'air
ex. : descendre à la cave.
ex. : monter au grenier.
Dans la première expression, la spécification à l'aide du complément est né-
cessaire, en raison de la polysémie du terme voler. En effet, en l'absence de
toute spécification apportée par un complément ou de toute précision fournie
par la situation (le contexte), le verbe voler peut se comprendre aussi bien
comme 'voler en l'air' que comme 'voler de l'argent' 56 . Une personne non in-
53
Morier, p. 889. 54 Morier, p. 830. 55 Morier, p. 830.
56
Cf. aussi Beauzée, Grammaire générale, II, p. 451: «L'usage de notre langue a, dans
une vûe semblable, autorisé la phrase voler en l'air, quoiqu'on ne puisse voler qu'en
l'air; c'est que voler seul pourroit faire équivoque, parce qu'il a quelquefois le sens de
dérober.»

111
formée qui entendrait l'énoncé suivant: Et ton père, il a cessé de voler? pourrait
peut-être s'interroger sur la profession du père (aviateur? voleur rangé ou pru-
dent?) 5 7 . Mais, bien que dans l'expression voler en l'air le complément apporte
au verbe une précision nécessaire, il y est malgré tout senti comme un pléonas-
me.
Dans les deuxième et troisième expressions, le complément apporte, lui aus-
si, une précision nécessaire: il précise le lieu (on peut monter au grenier, dans sa
chambre, etc., descendre à la cave, au garage, etc.); ce qui n'était nullement le
cas des expressions descendre en bas, monter en haut, évoquées précédemment.
Toutefois, l'ambiguïté qui résulterait de l'absence de complément est moins
grave dans des énoncés du type il est monté, il est descendu que dans l'énoncé il
a cessé de voler, dans la mesure où seul le lieu reste non éclairé et non l'action
évoquée par le verbe.
- le P L E O N A S M E D'INSISTANCE est celui que l'on rencontre dans des
énoncés du type:
ex. 3 ci-dessus: je l'ai vu de mes yeux.
ex. 3' ci-dessus: je l'ai entendu de mes propres oreilles.
Il est bien évident que je vois (j'entends) au moyen d'yeux (d'oreilles) et
qu'en outre ces yeux (oreilles) m'appartiennent. La précision apportée par le
complément est donc doublement inutile: ni le substantif, ni le possessif
- renforcé, dans le second énoncé, par l'épithète propres - ne sont porteurs
d'une information supplémentaire.
Mais le but poursuivi par le locuteur n'est nullement d'informer son interlo-
cuteur; ce qu'il cherche avant tout, c'est à garantir à ce dernier la «fiabilité» de
l'information qui suivra (ou qui précède). En insistant sur le fait qu'il est un
témoin direct de la nouvelle qu'il va rapporter, il souligne une conséquence
importante: c'est que cette information a échappé à une éventuelle chaîne
d'intermédiaires qui auraient pu la déformer 5 8 .
La raison d'être de tels pléonasmes n'est donc pas d'informer, mais de mettre
l'accent sur un élément considéré comme essentiel par le locuteur.

57
L'ambiguïté est peut-être encore plus nette dans le cas d'un énoncé comme: Oh, X,
c'est un coureur... S'agit-il d'un coureur sportif (coureur cycliste, automobile, à pied)
ou d'un coureur de filles? Parfois, la situation elle-même prête à confusion: il suffit de
songer à ces paroles de la chanson de Bourvil, A bicyclette: (la fille, à bicyclette): -
Est-ce que vous êtes coureur? (Bourvil, également à bicyclette): - Non, je n'suis pas
coureur; dans ce cas, le pléonasme serait nécessaire pour lever l'ambiguïté.
58
Cf. aussi Encycl., t. 34, p. 105 et Beauzée, Grammaire générale, II, p. 452: «quand on
dit en françois,/? l'ai vu de mes yeux ·, ces mots de mes yeux sont effectivement superflus
par rapport au sens grammatical du verbe j'ai vu, puisqu'on ne peut jamais voir que des
yeux, et que qui dit j'ai vu dit assez que c'est par les yeux et de plus par les siens: ainsi il
y a, grammaticalement parlant, une double superfluité; mais ce superflu grammatical
ajoûte des idées accessoires, qui augmentent l'énergie du sens, et qui font entendre
qu'on ne parle pas sur le rapport douteux d'autrui, ou qu'on n'a pas vu la chose par ha-
sard et sans attention, mais qu'on l'a vue avec réfléxion et qu'on ne l'assûre que d'après
sa propre expérience bien constatée. C'est donc un Pléonasme nécessaire à l'énergie
du sens.»

112
Ce que l'on retrouve dans des énoncés du type:
ex. : C'est mon papa à moi.
ex. 4 cité précédemment: Et que m'a fait à moi cette Troye où je cours?
me
- L'EPITHETE DE NATURE ou PLEONASME FOCALISANT «exprime
une qualité permanente d'une chose ou d'une personne» 59 . On la rencontre,
notamment, dans les expressions suivantes:
ex. 1: VHOMME MORTEL
ex. 2: la NEIGE BLANCHE de nos Alpes (Morier, p. 890).
ex. 3: Et la bouche, fiévreuse et d'AZUR BLEU vorace.
(Mallarmé; cf. J. Cohen, p. 145).
La mortalité est bien une qualité permanente de l'homme: il n'est pas possi-
ble de mettre en regard des hommes mortels fût-ce un seul spécinisn de
l'espèce humaine qui ne serait pas mortel, l'homme ne pouvant être immortel.
Dans le cas de l'exemple 2, la qualité exprimée par l'épithète apparaît même
dans la définition du substantif neige:
cf. GLLF., v° neige: «1. Vapeur d'eau congelée et cristallisée dans l'atmos-
phère, et qui tombe en flocons blancs et légers (...) 5. Fig. De neige, d'une écla-
tante blancheur. (...) 6. Fig. Blanc comme neige.»
cf. aussi Robert, v° neige: «Eau congelée dans les hautes régions de l'atmos-
phère, qui tombe sous forme de flocons blancs et légers (...) Blancheur, éclat de
la neige (...) . Blanc comme neige.»
On le voit, le sème 'blanc' est étroitement associé au noyau sémique de neige
(dans l'expression figurée signalée en 5 dans le GLLF., le sème 'blancheur' de-
vient, d'ailleurs, l'un des deux sèmes dominants).
La situation de l'exemple 3 est identique à celle de l'exemple 2:
cf. GLLF., x° azur: «1. Vx. Très belle substance minérale de couleur bleue.
(...). 2. Verre bleui par l'oxyde de cobalt réduit en poudre et servant de colo-
rant: Le bleu d'azur. 3. Par anal. Couleur bleue. (...) 5.Absol. Le ciel (...)».
cf. aussi Robert, v° azur: « (...) 2° Verre coloré dit Bleu d'azur (...). 3°. Par
ext. Couleur d'un beau bleu clair, et,poét. la couleur du ciel, des flots. (...). 4°
Blas. Le Bleu, l'un des neuf émaux des armoiries.» Ces deux définitions mon-
trent clairement que le sème 'bleu' est, lui aussi, étroitement lié au noyau sémi-
que du terme azur.
La particularité de ce type d'expressions est que la venue de l'épithète n'y ré-
duit nullement l'extension 60 du substantif avec lequel elle fait bloc; ce qui res-
sort nettement si l'on met en regard des exemples 1, 2 et 3 l'énoncé suivant:

59
GLLF., v°. épithète, p. 1693.
60
L'EXTENSION d'un terme (d'un groupe de termes) circonscrit l'ensemble des êtres
ou des objets (réels ou idéaux, concrets ou abstraits) auxquels ce terme (ce groupe de
termes) peut être appliqué.
La COMPREHENSION d'un terme (d'un groupe de termes) est formée par l'ensem-
ble des caractères qui sont attachés à ce terme (à ce groupe de termes).
L'extension et la compréhension sont inversement proportionnelles.

113
(Bonstetten) m'a cependant exprimé une idée assez piquante sur l'origine des
idées religieuses.
L'homme actif rencontre au dehors des résistances et se fait des dieux; l'homme
contemplatif éprouve au dedans un besoin vague et se fait un Dieu.
(ex. de B. Constant, cité dans Robert, v° homme)

Dans l'expression l'homme actif, la présence de l'épithète actif indique que,


dans l'ensemble {homme}, on isole un sous-ensemble: celui des hommes ac-
tifs 61 . Dans cette expression, le substantif homme subit donc une réduction
d'extension (tandis que sa compréhension s'accroît) puisque, si le terme homme
employé seul peut être appliqué à n'importe quel élément de l'ensemble
{homme}, il n'en va pas de même du syntagmehomme actif: dans la mesure où
l'on peut mettre en regard du sous-ensemble {homme actif} un sous-ensemble
{homme contemplatif}, il existe au moins un élément de l'ensemble {homme}
(élément appartenant au sous-ensemble {homme contemplatif}) qui n'appar-
tient pas au sous-ensemble {homme actif}.
En revanche, il n'existe aucun élément du «sous-ensemble» {homme mortel}
qui n'appartienne, en même temps, à l'ensemble {homme} (tout homme étant
mortel, le «sous-ensemble» {homme non mortel} est vide). Dans l'expression
l'homme mortel, le degré d'extension est maximal (la venue de l'épithète ne ré-
duit aucunement le degré d'extension du substantif homme·, l'expression
l'homme mortel peut, dès lors, s'appliquer à la totalité de l'ensemble {hom-
me}), tandis que le degré de compréhension est extrêmement réduit (l'apport
notionnel que représente l'épithète par rapport au substantif est tout à fait nul).
Dans l'exemple 2, la venue de l'épithète blanche n'entraîne pas non plus la
moindre modification d'extension (de compréhension) du substantif neige, dans
la mesure où la blancheur est une qualité permanente de la neige (ce n'est
qu'accidentellement que la neige peut être grisâtre, brunâtre, etc., sous l'effet
de la saleté; rouge sous l'influence d'une plante microscopique 62 et de toute fa-
çon, même dans ces cas-là, elle est blanche avant que d'être grisâtre, brunâtre
ou rouge).
Enfin, dans l'exemple 3, l'épithète bleu n'entraîne pas davantage une modifi-
cation de l'extension (de la compréhension) du substantif azur, puisque l'azur
ne peut être que bleu.
Dans les exemples 1, 2 et 3, l'apport d'information que représente l'épithète
est donc nul, dans la mesure où cette épithète ne nous dit rien de plus du subs-
tantif, dont elle ne modifie nullement l'extension (la compréhension). La pré-
sence des épithètes mortel, blanche et bleu est tout aussi inutile que celle des
termes mes et yeux dans l'énoncé je l'ai vu de mes yeux. Mais ici encore, le but

61
Si l'expression l'homme actif (contemplatif) a été retenue, c'est parce que l'on y re-
trouve «l'emploi générique» de l'article le (cf., e.a., M. Wilmet, Topogénèse et topothè-
ses, dans Travaux de linguistique, 6, 1979, p. 124) qui apparaissait dans l'ex. 1.
62
Cf. GLLF., v° neige: «4. Neige rouge, neige colorée par une plante microscopique qui
prolifère parfois dans une couche de neige.»

114
poursuivi par le locuteur n'est nullement d'informer son interlocuteur, mais
bien d'épingler parmi les qualités caractéristiques d'un être ou d'une chose une
qualité particulière qu'il souhaite mettre en valeur, sur laquelle il désire insister
tout spécialement 63 ; il focalise l'attention (la sienne et celle de son interlocu-
teur) sur une qualité qu'il juge dominante, même si l'affirmation de cette qua-
lité apparaît comme un truisme, dans la mesure où il s'agit d'une qualité per-
manente de l'être ou de la chose en question. On voit, dès lors, que l'épithète de
nature tend à se rapprocher du pléonasme d'insistance par sa démarche de
base.
En définitive, les pages qui précèdent auront montré que le pléonasme re-
couvre, en réalité, plusieurs espèces distinctes; je les rappelle rapidement:
- le PLEONASME VICIEUX (type: prévoir d'avance, monter en haut, etc.),
dans lequel l'apport d'information est nul car le complément ou l'épithète ne
fait que réactiver, sans volonté d'insistance particulière, un sème impliqué de
manière évidente et presque automatique par le terme ou le groupe de ter-
mes qu'il (elle) est censé(e) compléter.
- le PLEONASME ETYMOLOGIQUE ou PLEONASME DIACHRONI-
Q U E (type: une secousse sismique, etc.), qui, en raison d'une ignorance de
l'étymologie dans le chef du sujet parlant, relève de la même erreur que le
pléonasme vicieux; mais qui n'est plus senti comme pléonasme à l'heure ac-
tuelle par un grand nombre de sujets parlants (qui ignorent, précisément,
l'étymologie des termes en présence).
- le PLEONASME ECLAIRANT (type: descendre à la cave, voler en l'air,
etc.), dans lequel le complément, réactivant un sème impliqué par le premier
constituant, apporte à ce dernier une précision nécessaire et même indispen-
sable, dans la mesure où la présence du premier constituant seul (ici, un ver-
be), sans réactivation du sème, empêcherait la compréhension d'une partie
du message (la présence de descendre seul empêche de percevoir le lieu vers
lequel s'accomplit la descente) ou même de sa totalité (la présence de voler
seul laisse dans l'ombre l'action même exprimée par le verbe).
- le PLEONASME D'INSISTANCE (type: je l'ai vu de mes yeux, c'est mon
papa à moi, etc.), dans lequel s'opère une démarche de base semblable à
celle du pléonasme vicieux (et du pléonasme étymologique), dans la mesure
où le complément réactive un sème impliqué de manière évidente et quasi
automatique par le terme qu'il est supposé compléter: mais dans lequel cette
démarche est accomplie, comme dans le pléonasme éclairant, de manière in-
tentionnée par le locuteur, dans le but non dissimulé de mettre ce sème en
évidence.

63
Cf. aussi J. Damourette et Ed. Pichón, Des mots à la pensée. Essai de grammaire de la
langue française, Paris, D'Artrey, 1 9 1 1 - 1 9 3 0 , tome second, paragr. 514, p. 42:
«L'épithète de nature», que les auteurs rangent au nombre des épithètes pictives, ex-
prime «une qualité inhérente à la substance, qualité qui n'y ajoute rien, mais sur la-
quelle on attire simplement l'attention».

115
- 1ΈΡΙΤΗΕΤΕ DE NATURE ou PLEONASME FOCALISANT (type:
l'homme mortel, la neige blanche de nos Alpes, etc.), qui est proche du pléo-
nasme d'insistance par sa démarche de base puisque, lui aussi, répond, chez
le locuteur, à un désir de mise en évidence: ici, d'une qualité d'un être ou
d'une chose que le locuteur juge fondamentale, même si l'affirmation de
cette qualité apparaît comme un truisme, dans la mesure où la venue de l'épi-
thète ne modifie nullement l'extension (la compréhension) du substantif que
l'épithète est censée compléter, la qualité envisagée étant une qualité per-
manente de l'être ou de la chose en question.
On voit que la réduction de ces différentes espèces à un seul type est illusoire
et risque, en outre, de déboucher sur la confusion, qui était celle de la rhétori-
que classique, entre pléonasme comme défaut de style et pléonasme comme fi-
gure potentielle.
Avant de clore cette rapide étude du pléonasme, je signalerai qu'il va de soi
que les espèces distinguées ci-dessus ne constituent nullement des catégories
tranchées, mais qu'il peut y avoir glissement progressif de l'une à l'autre, par
l'intermédiaire d'énoncés pléonastiques qui ne se laisseraient pas réduire à une
seule espèce.

La tautologie

Le statut de la tautologie dans la rhétorique traditionnelle est, nous l'avons vu,


assez flottant. Mais ce flottement semble s'être prolongé jusqu'à l'heure actuel-
le: le statut de la tautologie (figure ? défaut de style?) varie en fonction de l'ac-
ception qu'on donne au terme lui-même.
Dans le Dictionnaire de poétique et de rhétorique de H. Morier et dans cer-
tains dictionnaires usuels {Robert, Logos), le terme tautologie est devenu syno-
nyme de pléonasme.
Parfois aussi, la tautologie est définie comme la répétition inutile d'une
même idée sous une autre forme, et illustrée par des exemples du type vente
faite et consommée {Larousse, Littré), être sûr et certain {Quillet)·, elle serait
donc une variante de la répétition synonymique, dépourvue de toute possibilité
d'engendrer des effets stylistiques64.
On est donc bien forcé de reconnaître qu'il règne, chez tous ces auteurs enco-
re, une certaine confusion en ce qui concerne l'acception exacte de la tautolo-
gie: ils ne savent trop si elle doit être renvoyée au pléonasme ou considérée
comme un sous-produit de la répétition synonymique; en outre, ils ne fournis-

64
Ces exemples rappellent nettement celui de Phoïbammon (cf. supra, première partie,
ex. 158), puisqu'ils mettent, eux aussi, en présence deux termes synonymes coordon-
nés. Par contre, la définition de Phoïbammon ne comportait aucun jugement sur l'uti-
lité ou non de la reprise; par ce jugement de valeur porté sur la tautologie, ces défini-
tions tendraient plutôt à se rapprocher de celle de Quintilien.

116
sent pas d'exemple qui puisse éclairer leur définition (Robert, D.F. C., Acad.,
Bescherelle) ou se repassent le même exemple (Larousse, Littré).
Du côté des exemples, toujours, le seul que fournisse le Logos: il est céliba-
taire et il n'est pas marié, apparaît très nettement comme un cas de répétition
synonymique (synonymie linguistique) 65 . Or je rappelle que l'auteur du Logos
renvoyait la tautologie au pléonasme. On voit, dès lors, que le flottement qui
existe au sein de cette première tendance ne se manifeste pas seulement d'un
auteur à l'autre, mais aussi chez un même auteur.
De toute façon, qu'elle soit renvoyée au pléonasme, ou à la répétition syno-
nymique, la tautologie apparaît chez tous ces auteurs, on le voit, comme la ré-
pétition d'un contenu signifié réalisée au travers de mots différents 66 .
Une autre acception est encore signalée, notamment dans le Traité de l'Ar-
gumentation de Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca: «Lorsque, dans une dis-
cussion non formelle, la tautologie paraît évidente et voulue, comme dans les
expressions du type un sou est un sou, les enfants sont les enfants, elle devra être
considérée comme une figure. On utilise alors une identité formelle entre deux
termes qui ne peuvent être identiques si l'énoncé doit avoir quelque intérêt.
L'interprétation de la figure, que nous appellerons tautologie apparente exige
donc un minimum de bonne volonté de la part de l'auditeur» 67 .
Dans l'article qu'elle consacre au «sens de la tautologie» 68 , J. Rey-Debove
donne au terme deux acceptions: «La tautologie se présente, dans sa forme la
plus simple, comme une identité où les éléments du prédicat reprennent ceux
du sujet, selon le modèle /X est X / o u / X est Y/ étant posé que / X / et / Y / ont
même contenu» 69 .
Par sa première acception (tautologie formelle: / X est X/), la tautologie rap-
pelle nettement la tautologie apparente de Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyte-
ca; on retrouve d'ailleurs dans l'article de J. Rey-Debove des exemples qui ap-
paraissaient chez ces auteurs: Un sou est un sou, Une femme est une femme70.
Par sa seconde acception (tautologie non formelle: /X est Y/ étant posé que
/ X / et / Y / ont même contenu), elle se rapproche de Γ acception de Larousse,
Littré, Quillet, etc., puisque, ici encore, on se trouve en présence de la répétition
65
Cf. infra, même partie, pp. 188 ss.
Cet exemple est proche de l'exemple de «paraphrase [synonymie de phrases] par dou-
ble négation, l'une grammaticale, l'autre lexicale (NEG. nég.) » donné par R. Martin:
il est marié «-> il n'est plus célibataire. (R. Martin, Infér., p. 103); mais dans l'exemple
du Logos, la négation grammaticale et la négation lexicale se distribuent chacune dans
une proposition différente, tandis que chez R. Martin, elles se distribuent toutes deux
au sein de la même proposition.
66
Cette attitude rejoint celle de Phoïbammon (et, dans une certaine mesure, celle
d'Aquila Romanus et Martianus Capella, encore que l'acception de ces deux auteurs
ne semble pas avoir été retenue à l'heure actuelle).
67
Perelm., p. 292.
68
J. Rey-Debove, Le sens de la tautologie, dans Le Français Moderne, 46e année, oct.
1978, n° 4, pp. 3 1 8 - 3 3 2 .
69
J. Rey-Debove, art. cit., p. 318.
70
J. Rey-Debove, art. cit., p. 329 et Perelm., pp. 292 et 294.

117
d'un contenu signifié réalisée au travers de mots différents (cf. J. Rey-Debove:
«signifiants différents et signifiés identiques pour le sujet et le prédicat» 71 ).
En définitive, il semble donc que les acceptions, apparemment fort différen-
tes, de la tautologie se ramènent, en fait, à deux lignes de pensée fondamenta-
les.

a) La première est représentée par les exemples de tautologie fournis par les
dictionnaires: vente faite et consommée, être sûr et certain, il est célibataire et il
n'est pas marié et par la seconde acception donnée par J. Rey-Debove au terme
tautologie: la tautologie non formelle illustrée, notamment, par les exemples
suivants, un ictère est une jaunisse12, un morillon est un canard sauvage à plumes
noires73.
Tous ces exemples ne sont en réalité rien d'autre que des exemples de répéti-
tion synonymique 74 (synonymie linguistique) 75 . Le lien entre tautologie non
formelle et répétition synonymique est, d'ailleurs, clairement établi par J.
Rey-Debove: «pour affirmer que / X est Y / constitue une tautologie, il faut
disposer d'une règle de réécriture sémantique permettant de passer de / X / à
/ Y / (rejet de l'altérité des signes au profit de la synonymie) » 76 ; la relation de
synonymie entre / X / e t / Y / est donc une condition sine qua non pour parler de
tautologie non formelle. Il y a également relation de synonymie entre les termes
faite et consommée, dans l'expression vente faite et consommée11 ; entre les ter-
mes sûr et certain, dans l'expression être sûr et certain; ou encore, entre les ex-

71
J. Rey-Debove, art. cit., p. 319.
72
J. Rey-Debove, art. cit., p. 329.
73
J. Rey-Debove, art. cit., p. 331.
74
Je suis obligée ici d'anticiper sur la suite de l'exposé: la synonymie et la répétition sy-
nonymique ne seront, en effet, examinées que beaucoup plus loin (cf. infra, même par-
tie, pp. 188 ss).
Si la répétition synonymique et la tautologie ne sont pas examinées toutes les deux en
ce même passage de l'exposé, c'est parce que, alors que la répétition synonymique ne
quitte pas la catégorie des répétitions sémantiques, la tautologie, qui apparaissait dans
la rhétorique classique tantôt comme la répétition d'un contenu signifié, tantôt comme
la répétition d'un même mot, va quitter définitivement la catégorie des répétitions sé-
mantiques pour la sous-catégorie des répétitions d'un même mot (sous-catégorie des
répétitions morpho-sémantiques). Or dans l'essai de classement des faits de répétition
qui sera tenté plus loin (cf. infra, même partie, pp. 129 ss.), on verra se répartir ces
faits de répétition entre trois catégories: celle des répétitions formelles, celle des répé-
titions sémantiques et celle des répétitions morpho-sémantiques; il est donc important
de préciser, dès à présent, que la tautologie quitte définitivement la catégorie des répé-
titions sémantiques pour ne plus se rattacher qu'à celle des répétitions morpho-séman-
tiques (la répétition synonymique ne pose pas ce problème, puisqu'elle ne quitte pas sa
catégorie de départ).
75
Cf. infra, même partie, pp. 188-190.
76
J. Rey-Debove, art. cit., p. 319.
77
Comme le précise la définition de la synonymie linguistique, ces deux termes sont en
relation de synonymie dans cet environnement linguistiquç précis (dans l'expression
vente faite et consommée) et non dans tout environnement linguistique, quel qu'il soit.

118
pressions baisse de valeur de la monnaie et hausse des prix, dans l'exemple de
tautologie non apparente, cité par Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca:
ex.: Pendant longtemps les classiques affirmèrent que la dépréciation, ou
baisse de la valeur de la monnaie, provoque la hausse des prix, sans
prendre garde que baisse de la valeur de la monnaie (par rapport aux mar-
chandises) et hausse des prix sont deux expressions inversées d'un même
phénomène, et qu'il y a là, par conséquent, non une relation de cause à ef-
fet, mais une tautologie. (Perelm., p. 291).
Même lorsque les auteurs parlent de pléonasme, c'est encore à la synonymie
et à la répétition synonymique que l'on est ramené en fin d'analyse: Robert ne
fournit pas d'exemple à l'appui de sa définition qui en reste ainsi au stade de
l'affirmation gratuite, quant à l'exemple du Logos : il est célibataire et il n'est pas
marié, j'ai déjà eu l'occasion de signaler la relation de synonymie (synonymie
linguistique, toujours) qui existait entre les deux propositions.
Deux différences se marquent toutefois entre l'acception de J. Rey-Debove
et celle des dictionnaires.
Premièrement, on a vu que dans Larousse, Littré et Quillet, la tautologie est
définie comme la répétition inutile d'une même idée sous une autre forme; et
de fait, les exemples qui l'illustrent (vente faite et consommée, être sûr et certain)
font apparaître une répétition synonymique tout à fait inutile, dans la mesure
où l'apport d'information représenté par l'élément / Y / est tout à fait nul ( / Y /
ne fait que reprendre le sens de / X / déjà connu du locuteur et de l'interlocu-
teur).
En ce qui concerne les exemples signalés par J. Rey-Debove, par contre, il
convient de nuancer (je rappelle ici rapidement quelques points de l'analyse de
J. Rey-Debove): le modèle de la tautologie non formelle, nous dit l'auteur, est
la définition 78 , qui a une fonction explicative79. Dans le cas de la phrase / Un X
est un Y/, deux situations sont possibles:
- «si / X / est connu [du décodeur], la définition propose une articulation de
cette connaissance par les termes du prédicat, et réaffirme en fait plusieurs
fois cette connaissance par la redondance linguistique interne du prédicat» 80 ;
dans ce cas, on ne peut dire qu'il y ait réellement apport d'information.
- «si / X / est inconnu [du décodeur], la définition vient remplir le sujet vide de
contenu. Elle permet le décodage de la phrase totale et intègre un mot nou-
veau à l'idiolecte du décodeur» 81 ; dans ce cas, il y a bel et bien apport d'in-
formation.

78
Cf. aussi G. Thinès et A. Lempereur, Dictionnaire général des sciences humaines, Paris,
Editions Universitaires, 1975, v° tautologie ·. «.La tautologie sémantique (...) consiste à
exprimer l'équivalence de deux noms différents désignant un même objet. Elle repré-
sente la forme usuelle de la définition.»
79
J. Rey-Debove, art. cit., p. 329.
80
J. Rey-Debove, art. cit., p. 330.
81
J. Rey-Debove, art. cit., p. 330.

119
Dans les exemples de tautologie non formelle explicative (un ictère est une
jaunisse, un morillon est un canard sauvage à plumes noires)82, on se trouve
donc en présence d'une répétition synonymique qui résulte d'un souci de clarté
de la part du locuteur (encodeur) (désireux de faire comprendre à son interlo-
cuteur le sens d'un terme qui pourrait lui être inconnu) et peut correspondre à
un apport d'information chez l'interlocuteur (décodeur) 83 .
A cette première différence s'en ajoute une seconde: les prédications un ic-
tère est une jaunisse et un morillon est un canard sauvage à plumes noires sont de
type métalinguistique, ce qui n'est pas le cas de prédications telles que il est cé-
libataire et il n'est pas marié ou je suis sûr et certain.

b) A la seconde ligne de pensée se rattachent la tautologie apparente de Ch. Pe-


relman et L. Olbrechts-Tyteca, et la première acception que J. Rey-Debove
donne au terme tautologie (tautologie formelle / X est X / ) : il ne s'agit plus,
cette fois, de la répétition d'un contenu signifié réalisée au travers de mots dif-
férents (répétition de nature sémantique), mais bien de la répétition d'un même
mot ou d'un même groupe de mots (et donc, comme on le verra plus loin, d'une
répétition de nature morpho-sémantique).
Cette acception est également celle que je retiendrai ici. Je limite donc la tau-
tologie à ce que Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca appellent la tautologie
apparente et J. Rey-Debove la tautologie formelle.
La modification terminologique consistant à ne plus appliquer désormais le
terme tautologie qu'à des énoncés du type Un sou est un sou, Une femme est une
femme, Les enfants sont les enfants, revient, en définitive, à spécialiser le terme
tautologie dans la désignation d'une répétition de mots d'un type tout particu-
lier, pour laquelle il n'existe pas d'autre terme technique; et à lui éviter de faire
double emploi avec un terme technique existant, lorsqu'il désigne des répéti-
tions synonymiques (type: vente faite et consommée, être sûr et certain, un ictère
est une jaunisse, un morillon est un canard sauvage à plumes noires).
Cette mise au point terminologique étant faite, il convient à présent de préci-
ser en quoi consiste la tautologie.
A première vue, elle se présente comme un énoncé dans lequel le prédicat
semble ne rien dire de plus que le thème, du fait de la réapparition dans le pré-
dicat du ou des mots qui constituaient le thème.
Face aux énoncés suivants:
ex.: UN SOU est UN SOU (Perelm., p. 292 et J. R.-D., p. 329)

82
La définition du dictionnaire apparaît également comme une répétition synonymique
explicative, qui se réalise, cette fois, non sous la forme / X est Y / , mais sous la forme
/ X : Y / ; cf. l'exemple cité par Martinet et rappelé par J. Rey-Debove: ' R u d é r a l . . . Qui
croît dans les décombres' (J. Rey-Debove, art. cit., p. 331).
83
Cf. aussi J. Rey-Debove, art. cit., p. 331 : «Dans / u n X est un Y / , le décodeur (notam-
ment le lecteur de dictionnaire) ignore souvent le mot / X / , et dans ce cas, le prédicat
est seul à développer le contenu (...) l'information sur le signifié du sujet est [alors]
maximale».

120
ex.: LES AFFAIRES sont LES AFFAIRES (Perelm., p. 588)
ex.: LES ENFANTS sont LES ENFANTS (Perelm., p. 292)
ex.: UNE CIGARETTE est UNE CIGARETTE (J. R.-D., p. 329)
ex.: LA SUBVERSION est LA SUBVERSION (J. R.-D., p. 329) 84
on pourrait être tenté de croire que sou\ = ÎOM2, affairesi = affaires2, enfants\ =
enfantsi, etc. Et pourtant, il n'en est rien. Dans leur analyse, Ch. Perelman et L.
Olbrechts-Tyteca signalent très justement que «les deux termes [groupes de
termes] ... ne peuvent être identiques si l'énoncé doit avoir quelque intérêt» 85 .
Cette idée apparaît également chez J. Rey-Debove: «Si l'on admet que la tau-
tologie (...) est avant tout une répétition signifiante, cette interprétation trouve
son support dans un présupposé de la communication, à savoir que celui qui
parle a l'intention de dire quelque chose. Dans la forme sujet-prédicat, il pré-
dique quelque chose du sujet. Toute parole, même dans la fonction phatique, se
veut signifiante à l'encodage» 86 , et plus loin, «L'existence du sujet (comme
terme et comme désignatum) étant déjà posée par son emploi, sa réaffirmation
dans le prédicat DOIT signifier quelque chose de plus» 87 .
Ch. Perelman, L. Olbrechts-Tyteca et J. Rey-Debove présument donc qu'il

84
D'autres exemples de ce type apparaissent aussi chez E. Buyssens (E. Buyssens, Tau-
tologies, dans La Linguistique, 1970, 2, pp. 3 7 - 4 5 ) . Si je ne livre pas ici d'examen de
son article, c'est parce que E. Buyssens range sous le terme tautologies (au pluriel, dans
son article, et pour cause ...) des éléments hétérogènes (cf., notamment, les pages
3 7 - 3 9 ) . Reclasser tous ces éléments m'entraînerait trop loin (j'aurai l'occasion de le
faire ailleurs); aussi me contenterai-je, dans cette étude, de reprendre les exemples qui
me semblent pouvoir servir d'illustration à mon propos.
Parmi ceux-ci, on peut faire figurer, à la suite des exemples de Perelman-Olbrechts et
de J. Rey-Debove, les exemples ci-dessous:
Vous comprenez, c'est un langage spécial qu'il faut parler aux foules, le langage
qu'on parle aux enfants: la France sera la France, l'Europe sera l'Europe.
(Buyssens, p. 39)
Un homme est un homme. (ibid.)
Les chagrins sont les chagrins, les difficultés sont les difficultés. Mais la France est la
France.
(ibid.)
Les femmes sont les femmes, mon cher, toujours, même quand elles se donnent les
gants d'être des anges.
(ibid.)
- on voyait apparaître un exemple proche chez Perelman-Olbrechts et J. Rey-Debo-
ve: Une femme est une femme.
Eléonore est Eléonore. (ibid.)
L'heure c'est l'heure. (ibid.)
Trop, c'est trop. (ibid.)
Seul, c'est seul. (ibid.)
Un franc, c'est un franc. (ibid.)
- cf. l'exemple Un sou est un sou.
85
Perelm., p. 292.
86
J. Rey-Debove, art. cit., p. 327.
87
J. Rey-Debove, art. cit., p. 329.

121
doit y avoir, dans toute tautologie, une différence entre les constituants en pré-
sence. J'aurai l'occasion de préciser davantage en quoi réside cette différence
entre les termes ou, plus exactement, entre les deux occurrences du terme ou du
groupe de termes repris. Je me contenterai pour l'instant de dire que cette dif-
férence se situe au niveau de la connotation 88 : dans l'énoncé un sou est un sou,
les traits connotatifs adjoints à la seconde occurrence du terme sou sont diffé-
rents de ceux qui étaient attachés à la première occurrence; le signifié de con-
notation (le connoté) de la seconde occurrence est donc différent de celui de la
première. Si je n'examine pas plus en détail la nature et le mécanisme de fonc-
tionnement de la tautologie, c'est parce que ce type de répétition, dans lequel la
reprise d'un terme ou d'un groupe de termes s'accompagne d'une variation sur
le plan du connoté, ne se limite pas qu'aux énoncés tautologiques. Dans la suite,
j'examinerai plus longuement ce type de répétition 89 .
Si l'on prend en considération la nature profonde de la répétition un sou est
un sou, on comprend de moins en moins comment une telle confusion a pu s'é-
tablir entre d'une part ce type d'exemples, d'autre part des exemples comme
vente faite et consommée, être sûr et certain, baisse de valeur de la monnaie -
hausse des prix, il est célibataire et il n'est pas marié, un ictère est une jaunisse,un
morillon est un canard sauvage à plumes noires.
On voit fort bien, dès l'instant où l'on s'efforce de préciser la nature de la re-
prise, qu'il s'agit de deux phénomènes distincts: les exemples du second type
ont tous pu être renvoyés à la répétition synonymique. Or, comme on le verra
plus loin, la synonymie et la répétition synonymique qui l'exploite impliquent
que les termes en présence aient le même sens dénotatif et la même valeur con-
notative; dans le cas contraire, on sort du domaine de la synonymie (répétition
synonymique) pour entrer dans celui de (la répétition par exploitation de) la
superposition de sens 90 . Dans les exemples du premier type, si le sens dénotatif
est toujours le même, par contre le sens connotatif varie: les traits connotatifs
adjoints à la seconde occurrence du ou des termes sont différents de ceux qui
étaient attachés à la première.
On peut donc résumer la différence entre ces deux séries d'exemples sous la
forme suivante:

88
«En linguistique, le terme de connotation est ambigu dans la mesure où il désigne en
général un certain type de mécanisme sémiologique (le «phénomène de connota-
tion»); mais lorsqu'on parle de la connotation d'un terme, on entend par là sa valeur
connotative, son contenu de connotation» (K.-O., p. 19).
«Pour clarifier la situation», C. Kerbrat-Orecchioni propose d'appeler
- connotation «le mécanisme sémiologique global»
- signifié de connotation ou connoté, le contenu de connotation, la valeur connotative
du terme (K.-O., ibid.).
89
Répétition lexicale focalisante: cf. infra, pp. 1 4 5 - 1 4 6 (répétition polyptotique focali-
sante ou polyptote focalisant) et pp. 1 4 7 - 1 5 2 (répétition lexicale focalisante; en parti-
culier, pp. 1 4 8 - 1 5 2 : tautologie).
90
Cf. infra, pp. 188ss. et 196ss.

122
exemples du second type (synon.) = sens dénotatif / = sens connotatif

exemples du premier type (tautol.) = sens dénotatif / Φ sens connotatif

et, si l'on fait intervenir le signifiant (différent dans le cas du second type d'ex-
emples, identique dans le cas du premier):

exemples du second type (synonymiques):


dénoté s' s'
2 sts =f= —> 1 même soit
connoté dén oté

connoté

exemples du premier type (tautologiques):


1 même dénoté
1 même s' —» soit
2 connotés ==
| dénoté

connoté connoté

Une autre différence entre énoncés (expressions) synonymiques et énoncés


tautologiques apparaît, en outre, au niveau de l'apport d'information.
Malgré l'allure redondante que donne à tout énoncé tautologique la réappa-
rition dans le prédicat du ou des termes qui constituaient le thème, il y a bel et
bien apport d'information: au niveau du connoté, dans la mesure où la seconde
occurrence du ou des termes diffère de la première par les traits connotatifs qui
y sont adjoints.
Dans les énoncés ou expressions synonymiques, par contre, il n'y a pas néces-
sairement apport d'information: on a vu qu'il pouvait y avoir apport d'informa-
tion dans le cas de la répétition synonymique explicative / X est Y/, pour autant
que l'interlocuteur ignore le sens de / X / . De toute façon, même dans ce cas
l'information est encore différente de celle qu'apporte l'énoncé tautologique,
puisqu'elle se situe non plus au niveau du connoté, mais à celui du dénoté et, de
surcroît, au niveau métalinguistique.
Par contre, dans le cas des répétitions synonymiques mentionnées dans les
dictionnaires et dans celui de la répétition synonymique explicative / X est Y /
dans laquelle le sens de / X / est connu de l'interlocuteur, l'apport d'information
est nul.
En définitive, qu'y a-t-il de neuf par rapport à la situation de la tautologie
dans la rhétorique traditionnelle?
Tout d'abord, le terme tautologie s'est spécialisé dans la désignation d'un

123
type particulier de répétition de mots. Dès lors, il y a disparition du flottement
qui apparaissait dans la rhétorique traditionnelle, qui présentait la tautologie
tantôt comme une répétition de mots, tantôt comme une répétition d'un con-
tenu signifié réalisée au travers de mots différents.
Deuxièmement, ce type de répétition apparaît comme une figure à part
entière; qu'on se reporte au texte de Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca:
«Lorsque, dans une discussion non formelle, la tautologie paraît évidente et
voulue, comme dans les expressions du type un sou est un sou, les enfants sont
les enfants, elle devra être considérée comme une figure.» Il y a donc suppres-
sion de l'hésitation de la rhétorique traditionnelle entre la tautologie comme fi-
gure ou comme défaut de style.

Au terme de ce chapitre, il ressort que parmi certains faits du langage courant


(aussi bien écrit que parlé) qui semblaient proches de la répétition, certains ont
pu être écartés parce que, fidèles au principe d'économie de la langue, ils al-
laient radicalement à l'encontre de la démarche fondamentale de la répétition:
tels étaient les différents exemples de coréférence simple.
D'autres l'ont été parce que la répétition n'y apparaissait que comme un épi-
phénomène en regard de la dislocation de la construction: il s'agissait des struc-
tures d'extraposition se doublant d'une coréférence coexistentielle (Le loup, il a
mangé l'agneau).
D'autres encore, comme les divers exemples de redondance linguistique, sont
restés au seuil de la répétition, dans la mesure où la réapparition de certains
éléments n'y était pas réellement sentie comme telle.
Par contre, les répétitions involontaires - tant pathologiques que non patho-
logiques - et les répétitions inconscientes, qui étaient passées sous silence dans
la rhétorique traditionnelle, prennent désormais leur place dans cette étude.
Quant au pléonasme et à la tautologie, dont la rhétorique traditionnelle fai-
sait peu de cas, on a vu qu'ils ne se laissaient pas réduire si facilement à de sim-
ples défauts de style. Le premier, dans lequel il y a superposition plus ou moins
étendue du noyau sémique de deux ou plusieurs termes, apparaît comme la ré-
pétition partielle d'un contenu signifié; il recouvre, on l'a vu, différentes espè-
ces qui ne constituent nullement des catégories tranchées. La seconde, définie
provisoirement comme un énoncé dans lequel le prédicat semble ne rien dire de
plus que le thème du fait de la réapparition dans le prédicat du ou des mots qui
constituaient le thème (type: un sou est un sou), apparaît quant à elle comme
une répétition de nature morpho-sémantique.

124
Chapitre 2

Nouvel inventaire des faits de répétition et essai de classe-


ment

Il conviendrait à présent de classer les divers faits de répétition du langage en


essayant de les regrouper d'après certaines affinités éventuelles, aussi bien ceux
qui ont retenu l'attention de la rhétorique traditionnelle que ceux qui sont ve-
nus ou vont venir s'ajouter dans cette seconde partie.
Le critère de départ pourrait être celui du choix ou de l'absence de choix de
la part du locuteur qui émet ces répétitions. On verrait ainsi apparaître:

I. Les répétitions involontaires

qui échappent totalement au contrôle du locuteur, qui sont produites par lui in-
dépendamment de sa volonté. Il s'agit:
- des répétitions pathologiques (réponse en écho, écholalie, contamination,
persévération, entraînement verbal, palilalie et paligraphie, itération, bé-
gaiement du premier et du deuxième type);
- des répétitions qui sont dues à une pensée qui se cherche;
- et des répétitions qui apparaissent lorsque le locuteur est en proie à une vive
émotion (e.a., le bégaiement du troisième type).

II. Les répétitions inconscientes

Elles regroupent:
— les répétitions du type et alors. ,.,et alors..., qui échappent au contrôle du lo-
cuteur mais pas d'une façon aussi absolue que les précédentes, dans la me-
sure où elles peuvent être neutralisées par un effort de volonté de la part du
locuteur;
- le pléonasme vicieux (type: monter en haut), le pléonasme étymologique ou
diachronique (type: une secousse sismique), et les énoncés (ou expressions)
synonymiques du type il est célibataire et il n'est pas marié, apparaissent eux
aussi comme des exemples de répétition inconsciente, dans la mesure où le
locuteur ne se rend pas compte qu'il ne fait que répéter une idée contenue

125
déjà dans le premier terme, soit qu'il ignore l'étymologie de l'un des termes,
soit qu'il ne prenne pas garde, au moment où il parle, au sens des mots qu'il
utilise. Comme pour les répétitions du type précédent, il peut suffire que l'in-
terlocuteur attire l'attention du locuteur sur la présence d'un pléonasme /
d'une répétition synonymique inutile, pour que le locuteur neutralise (ou du
moins, s'efforce de neutraliser) sa tendance à la répétition lors de l'émission
d'un prochain énoncé de même type.
On ne peut soupçonner que ces diverses modalités de répétition (répétitions
involontaires et répétitions inconscientes) relèvent d'une volonté délibérée du
locuteur, soucieux de produire un effet particulier. Elles ne pourraient résulter
d'un choix délibéré du locuteur, puisque celui-ci soit n'est pas conscient de sa
propension à se répéter (ceci peut être vrai de toutes les répétitions qui ont été
envisagées ici), soit même en est conscient mais ne peut rien faire pour l'en-
rayer (c'est le cas de certaines formes d'écholalie; c'est le cas aussi du bégaie-
ment, qui ne fait que croître chez le bègue qui, à la suite d'une moquerie, essaie
de le neutraliser; cela peut être vrai, également, dans le cas des répétitions dues
à une pensée qui se cherche ou à une vive émotion du locuteur).
Le seul effet possible de ces répétitions est d'ailleurs un effet négatif: elles
constituent une entrave à la communication, puisqu'elles retardent la réalisa-
tion de l'énoncé ou même l'enrayent complètement; dès lors, elles risquent de
provoquer une certaine impatience, voire un certain énervement chez l'interlo-
cuteur. Quant aux répétitions inconscientes du type et alors ...,et alors ..., elles
alourdissent considérablement l'expression et sont, en outre, bien souvent un
facteur de monotonie qui engendre la lassitude et la déperdition d'attention
chez l'interlocuteur. Par nature, ces répétitions iraient donc à l'encontre du
phénomène stylistique.
Mais il faut cependant insister sur un point essentiel, c'est qu'il ne faut, en au-
cun cas, confondre élocution spontanée et exploitation littéraire. Toutes les
modalités envisagées ici constituent autant de faits d'élocution spontanée et, si
elles apparaissent très nettement comme des répétitions involontaires ou in-
conscientes et dépourvues de toute possibilité d'effets stylistiques, il n'en reste
pas moins que, dans le langage littéraire, elles pourront résulter d'une volonté
délibérée de la part de l'auteur et devenir une source d'effets stylistiques. Lors-
qu'on parle d'effets, il faut distinguer entre effets naturels et effets par évoca-
tion: le bégaiement par exemple, en soi, quand il apparaît chez un locuteur in-
conscient ou irresponsable, n'est pas comique; mais un auteur peut fort bien
mettre un bègue en scène et faire rire du bégaiement. De même, lorsque Saint-
John Perse dans Amers évoque l'impatience des filles qui s'ouvrent à l'amour,
«les pieds nus dans les sandales encore de l'enfance», la répétition «Nos feux ce
soir\ nos feux ce soir sur toutes rivesM...» devient un moyen de faire sentir
l'émotion du locuteur.

1 SJP, P/.,p.315.

126
III. Les répétitions lexicalisées

qui ont pu répondre, à un moment donné de leur histoire, à un souci d'expressi-


vité de la part du locuteur; mais qui ont progressivement perdu leur valeur ex-
pressive en passant dans la langue2. Tel est le cas de termes comme murmure,
tintamarre, tourterelle, etc., dans lesquels la répétition phonique n'est plus sen-
tie avec la même force que, par exemple, dans la figure nommée allitération.
Mais, ici encore, il faut établir la distinction entre le fait de langage spontané
et son exploitation dans l'œuvre littéraire: chez Saint-John Perse, la répétition
phonique, lexicalisée et fossilisée dans le terme murmure, renaît en quelque
sorte de ses cendres, dès l'instant où le terme se trouve comme multiplié par
lui-même:
ex.: murmurant murmure d'aveugle-né dans les quinconces du savoir ...
(SJP., Pl., p. 180)
la répétition lexicalisée recouvre ici son statut de figure véritable.

IV. Les répétitions dues à une volonté délibérée de la part du locuteur

Elles regroupent:
- la réponse en écho et l'écholalie lorsqu'elles sont non pathologiques;
- diverses répétitions répondant à un souci de clarté de la part du locuteur.
Cette sous-catégorie recouvre:
• le rappel faisant suite à un développement, à une digression, qui correspond
dans l'inventaire de la rhétorique classique à la figure 44:
ex.: «QU'ON M'APPORTE - je veille et je n'ai point sommeil - QU'ON
M'APPORTE ce livre des plus vieilles Chroniques ...»
(SJP., Pl., pp. 67-68)
• le pléonasme éclairant (type: voler en l'air, descendre à la cave);
• la répétition synonymique explicative de forme /X est Y/ (type: un ictère est
une jaunisse, un morillon est un canard sauvage à plumes noires).
Toutes ces répétitions résultent d'un choix délibéré chez le locuteur et sont
susceptibles d'engendrer certains effets. Toutefois, il faut reconnaître que
ceux-ci sont relativement limités: telle répétition servira au locuteur à marquer
son accord (écholalie), telle autre à faciliter à l'interlocuteur la compréhension
de l'énoncé (rappel après un développement/pléonasme éclairant, répétition

2
Qui plus est, les répétitions de ce type (qui se rattachent à la catégorie de ce que Saus-
sure appelle les onomatopées authentiques) «une fois introduites dans la langue, (...)
sont plus ou moins entraînées dans l'évolution phonétique, morphologique, etc. que
subissent les autres mots» (F. de Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot,
1969, p. 102); ce qui risque, à plus ou moins brève échéance, d'entraîner chez le sujet
parlant une perte de la conscience de l'onomatopée. L'exemple que fournit Saussure
est désormais célèbre: «pigeon, du latin pipió, dérivé lui-même d'une onomatopée» (F.
de Saussure, op. cit., p. 102).

127
synonymique explicative / X est Y/). La réponse en écho et l'écholalie peuvent
être utilisées à dessein de façon systématique, en vue de provoquer un certain
énervement chez l'interlocuteur. Dans des prestations de serment, par exemple,
la réponse en écho peut servir à conférer à une affirmation une dimension plus
solennelle, etc. Il faut cependant remarquer que dans le cas des deux derniers
effets évoqués, ce n'est pas tant le recours à la réponse en écho ou à l'écholalie 3
que l'emploi systématique d'un même procédé de répétition qui provoque l'ef-
fet recherché. Mais, en définitive, il faut bien reconnaître que même si ces répé-
titions offrent un champ d'effets possibles, ce dernier est assez restreint.
En outre, il faut faire la part des phénomènes de convergence stylistique.
Dans l'exemple suivant:

Quand on revient d'une bonne balade à la campagne, du côté de Bougival ou de Crois-


sy, après les moules et les frites et les grenadines pour les enfants, sur le quai de la gare
quand le train arrive qui va vous ramener dans Paris et qu'on songe nostalgiquement à
cette bonne journée de plaisir déjà oui déjà fondue dans la mémoire en un fade sirop où
tournent déjà oui déjà à l'aigre le saucisson, l'herbe rase et la romance, A CE MO-
MENT ON DIT, et le train commence à s'allonger le long du long long quai, il s'agit de
ne pas se faire devancer et de bien calculer son coup pour piquer des places assises espoir
insensé, tout au moins faut pas rester en carafe ou faire le trajet sur les tampons ce qui est
particulièrement dangereux quand on y entraîne sa famille. A CE MOMENT ON DIT
en général ce qu'on dit en pareille circonstance: «Ce soir, on sentira pas le renfermé.»
(Queneau, Gr. μ, I, p. 76).

le rappel a peu de part à l'effet comique: ses deux constituants font en quelque
sorte l'office de points d'orgue, qui ralentissent le débit de la phrase et contri-
buent à mettre la conclusion - assez surprenante - en évidence. Mais l'effet
comique est dû essentiellement au contraste entre l'étirement du début et cette
conclusion, extrêmement brève, qui provoque la surprise par l'effet de rac-
courci résultant de sa très faible étendue, mais aussi de l'extrême pauvreté de
son contenu sémantique. Le comique vient aussi de l'oscillation constante entre
le côté poétique et le côté prosaïque qui culmine dans la partie finale et surtout
dans la conclusion. On le voit, le rappel n'est qu'un moyen de mettre la conclu-
sion en évidence; mais l'effet comique est dû avant tout à cette dernière et aux
rapports qu'elle entretient avec le reste du texte.
Les répétitions délibérées recouvrent également:
— le pléonasme d'insistance (type: je l'ai vu de mes yeux, c'est mon papa à moi);
- l'épithète de nature ou pléonasme focalisant (type: l'homme mortel, la neige
blanche de nos Alpes);
— la tautologie (type: un sou est un sou);
- les diverses modalités de répétitions relevées par la rhétorique classique et
celles qui ont pu l'être, pour l'époque actuelle, dans les pages suivantes.

3
L'anaphore ou l'épiphore, par exemple, pourraient tout aussi bien intervenir.

128
Classification des diverses répétitions à effets possibles (répétitions dé-
libérées)

L'inventaire qui suit se voudrait, mais ne se prétend nullement être, le plus


complet possible. Il regroupe essentiellement des modalités de répétition ap-
partenant au domaine de la poésie, mais il a pu être élargi quelque peu par le
recours à divers ouvrages théoriques qui ont permis l'une ou l'autre incursion
dans le langage courant.
Il n'est évidemment pas le correspondant exact de celui qui avait été établi,
dans la première partie, pour la rhétorique classique et ceci pour les raisons sui-
vantes: la première est que les diverses modalités de répétition relevées par la
rhétorique traditionnelle ne se retrouvent pas telles quelles dans le langage du
vingtième siècle. Si certaines ont pu arriver jusqu'à nous sans subir de modifica-
tions, d'autres n'ont pas survécu jusqu'à l'époque actuelle (c'est le cas de Γho-
méoptote, par exemple), tandis que d'autres encore se retrouvent aujourd'hui
mais légèrement modifiées (la figure 40, notamment). La seconde raison est
que l'inventaire de la rhétorique classique était incomplet, les pages qui précè-
dent visaient d'ailleurs à combler ses lacunes. C'est ainsi que dans la famille des
faits de répétition qui nous retient actuellement (répétitions résultant d'une vo-
lonté délibérée du locuteur) sont venues s'ajouter: la réponse en écho et l'écho-
lalie délibérées, diverses espèces de pléonasme (pléonasme éclairant, pléo-
nasme d'insistance et épithète de nature ou pléonasme focalisant), la répétition
synonymique explicative (type / X est Y / ) et la tautologie. D'autre part, à la
lecture des divers ouvrages théoriques évoqués au paragraphe précédent, j'ai
été amenée à compléter encore cet inventaire.
Afin de rétablir la filiation entre les deux inventaires: celui de la rhétorique
classique et celui de l'époque actuelle, je signalerai, chaque fois que l'occasion
s'en présentera, la correspondance que l'on peut établir entre telle modalité du
vingtième siècle et telle autre de la rhétorique traditionnelle.
Le critère qui préside à ce classement interne des répétitions délibérées est
celui de la nature des éléments touchés par la répétition (on se rappellera qu'il
constituait le principal critère retenu par la rhétorique classique). Il va de soi
que ce critère peut s'appliquer à toutes les formes de répétition existant dans le
langage, qu'elles soient involontaires, inconscientes ou délibérées. Toutefois, si
j'ai retenu comme critère de départ celui du choix (de l'absence de choix) de
préférence à celui de la nature des éléments mis en cause, lorsqu'il s'est agi de
classer les faits de répétition du langage, c'est pour les raisons suivantes: en pri-
vilégiant le critère de la nature des éléments, j'aurais fait éclater des classes uni-
taires: celle des répétitions répondant à un souci de clarté de la part du locuteur
(le pléonasme éclairant et la répétition synonymique explicative / X est Y / relè-
vent de la répétition sémantique, tandis que le rappel ne se laisse réduire à au-
cune catégorie bien précise: il se rattache aussi bien à la répétition morpho-sé-
mantique qu'à la répétition sémantique), mais, surtout, celle des répétitions pa-
thologiques. En outre, à l'intérieur de cette dernière classe, il aurait fallu mor-

129
celer un même fait de répétition, en distinguant par exemple, au sein de l'en-
traînement verbal, une répétition de nature morphologique et une répétition de
nature sémantique, ou, au sein de l'itération, une itération lexicale (répétition
de mots) et une itération phonique (répétition de parties de mots), une distinc-
tion semblable se retrouvant au sein de la persévération, etc. Bien sûr, on pour-
rait objecter que c'est précisément ce même critère du choix qui a abouti, entre
autres, à morceler la catégorie du pléonasme. Mais on a vu que ce morcelle-
ment était souhaitable et même nécessaire, puisque l'étiquette pléonasme re-
couvrait, en fait, des espèces très différentes et que la réduction de ces espèces à
un seul type débouchait inévitablement sur la confusion de la rhétorique entre
pléonasme comme défaut de style et pléonasme comme figure potentielle.
Des pages qui précèdent il ressort que la répétition, en tant que fait de lan-
gage, peut porter tantôt sur un élément formel (un ou plusieurs phonèmes, par
exemple), tantôt sur un contenu signifié (un ou plusieurs sèmes, notamment),
tantôt encore sur la combinaison de ces deux éléments (un ou plusieurs lexe-
mes, entre autres). Une première distinction pourrait donc être établie entre
répétition formelle, répétition sémantique et répétition morpho-sémantique 4 .

A. Répétition formelle

La répétition formelle peut porter sur des graphèmes (répétition graphique) ou


sur un type d'impression du texte (répétition typographique) — ces deux types
de reprise sont limités au langage écrit; sur des phonèmes (répétition phoni-
que), des mots (répétition lexicale), ou des moules syntaxiques (répétition syn-
taxique) - toutes reprises qui concernent aussi bien le langage oral que le lan-
gage écrit; ou encore, sur des éléments suprasegmentaux (répétition supraseg-
mentale) — cette dernière catégorie de répétition ressortit essentiellement, mais
pas uniquement, au langage oral.

1. Répétition graphique et répétition typographique


La reprise graphique consiste dans le retour d'un (a) ou de plusieurs (b) gra-
phèmes:
(a) ex.: Cerise cuve de candeur (Gr. μ, I, p. 57).
Cet exemple d'Eluard repose en fait sur la rencontre d'une répétition graphique
(répétition du graphème c à l'initiale des trois substantifs) et d'une reprise pho-
nique (répétition du phonème [k] à l'initiale des deux derniers).

4
Presque toujours, la répétition morpho-sémantique sera envisagée en même temps
que la répétition formelle si, dans l'espèce de répétition rencontrée, l'élément domi-
nant est de nature formelle et en même temps que la répétition sémantique, si l'élé-
ment dominant est de nature sémantique. Seule une espèce n'a pu être réduite à l'une
ou l'autre de ces deux modalités de répétition: il s'agit de la répétition affixale, qui ap-
paraît comme une espèce unitaire morpho-sémantique.

130
(b) ex.: Lune couleur d'alun (SJP., PI, p. 345).
L'exemple repose, une nouvelle fois, sur la convergence entre la répétition gra-
phique (n'était l'adjonction d'un graphème - à la fin du premier terme, au dé-
but du second - l'identité graphique des substantifs lune et alun serait parfaite)
et la répétition phonique (allitération en [1], qui touche les trois substantifs).
ex.: signes — songes (SJP., Pl., p. 97)
un exemple proche apparaît dans Sécheresse:
ex.: Songe — Singe (SJP., Séch., p. 9).
Dans ces deux exemples, on assiste une fois de plus à la rencontre d'une répéti-
tion graphique (n'était le deuxième graphème et, dans le premier exemple, la
métathèse de g et n, une identité graphique parfaite serait assurée chaque fois
entre les deux termes) et d'une répétition phonique (allitération en [s] doublée,
dans le second exemple, d'une allitération en [z]; et retour du [a]).
La reprise graphique est également à la base de ce que l'on appelle la RIME
POUR L'OEIL ou homologie purement graphique (homographie), entre deux
ou plusieurs groupes rythmiques, ou entre deux ou plusieurs groupes syntaxi-
ques, de leur dernière voyelle tonique ainsi que de tous les graphèmes qui éven-
tuellement la suivent:
ex.: mer — aimer, hiver — élever (Gr. μ, I, p. 58)
Tunis — réunis, nus — Vénus (Elwert, p. 101).
L'homographie s'étend à toute la syllabe (y compris la consonne initiale). La
répétition graphique est, ici encore, appuyée par la répétition phonique (allité-
ration: en [m] dans la première paire, en [v] dans la deuxième, en [n] dans la
troisième et la quatrième; et assonance: en [i] dans la troisième paire, en [y]
dans la quatrième).
La reprise typographique voit le retour d'un même type d'impression du tex-
te, qu'il s'agisse du type de caractère utilisé ou de la mise en page. Il peut y
avoir retour:
- d'une majuscule
ex.: «Et toi l'amour et toi la haine, l'Inexorable et ¡'Exorable»
(SJP., Pl., p. 380).
La présence de la majuscule à l'initiale des deux derniers substantifs contraste
avec le reste du verset tout en minuscules.
ex.: Dans la Récitation à l'éloge d'une reine, la majuscule joue un rôle encore
plus important puisque, loin d'être limitée à deux termes, elle marque chacun
des qualificatifs appliqués à la Reine et intervient ainsi au niveau de toute la
première partie 5 de LA GLOIRE DES ROIS:
«Aînée! ô plus Paisible qu'un dos de fleuve» (SJP., Pl., p. 58)
«O bien-Assise, ô Lourde!» (SJP., Pl., p. 59)
«ô Affable! ô Tiède, ô un-peu-Humide, et Douce» (SJP., Pl., p. 60)

5
Pour le sens du terme partie, je renvoie le lecteur à la note terminologique d'A. Henry
(A. Henry, Questions de terminologie, dans Cahiers Saint-John Perse, 2, 1979,
pp. 1 4 7 - 1 5 1 ) .

131
«Ha Nécessaire! et Seule!...» (SJP., Pl., p. 61)
« (...) ô Légale!» ( S J P . , « . , p. 61)

- d'une expression typographiquement différenciée: notamment, une expres-


sion mise en italiques dans un texte en caractères romains ou l'inverse.
Il est assez surprenant de constater que cette espèce de répétition n'intervient
que deux fois dans l'œuvre poétique de Saint-John Perse et ceci dans deux par-
ties consécutives d'un même poème (du moins, si l'on se réfère à l'édition de la
Pléiade 6 ): Récitation à l'éloge d'une reine et Amitié du prince, et dans les mêmes
conditions d'emploi, pourrait-on dire, puisque la mise en caractères italiques 7
touche chaque fois le refrain clôturant les différentes suites8 de la partie - re-
frain précédé, dans les deux cas, d'un tiret:
ex.: — Mais qui saurait par où faire entrée dans Son coeur?
(SJP., Pl., pp. 57, 58, 59, 60 et 61)
ex.:
- C'est du Roi que je parle, ornement de nos veilles,honneur du sage sans
honneur.
(SJP., Pl. , pp. 66, 68, 70 et 72)

- d'un blanc typographique:


La répétition des blancs typographiques constitue l'une des caractéristiques
majeures (depuis le XIXe. siècle, elle a cessé d'être omniprésente) de la poésie.
Dans l'œuvre poétique de Saint-John Perse, entre autres, elle est à la base de la
subdivision en versets, laisses, et - aux côtés d'autres espèces de répétitions ty-
pographiques: répétition d'un astérisque, d'un chiffre arabe, d'un chiffre ro-
main, etc., — en tirades, développements, suites, etc. 9
J'aurai l'occasion de revenir aux répétitions typographiques par la suite.
Avant de clore cet examen, je signalerai que la répétition typographique a
laissé entrevoir une partie des possibilités qu'elle offre au poète au travers des
calligrammes d'Apollinaire: je songe, notamment, au poème II pleut (Apoll.,
Pl., p. 203), dont on trouve un écho dans le poème Du coton dans les oreilles

6
Dans l'édition de la Pléiade, qui date de 1972, Récitation à l'éloge d'une reine et Amitié
du prince constituent deux parties consécutives du poème LA GLOIRE DES ROIS;
tandis que si l'on se réfère à «la dernière liste des oeuvres poétiques qu'ait établie
Saint-John Perse, [qui] figure au verso de la page de faux-titre de CHANT POUR U N
EQUINOXE, Gallimard, 1975: ELOGES - LA GLOIRE DES ROIS - AMITIE D U
PRINCE - A N A B A S E - EXIL - VENTS - AMERS - CHRONIQUE - OISEAUX
- CHANT POUR U N EQUINOXE», on est bien forcé de constater, avec A. Henry,
que AMITIE D U PRINCE constitue, cette fois, «un titre à part en dehors de LA
GLOIRE DES ROIS» (A. Henry, ibid.).
7
Dans l'édition de la Pléiade toujours, car l'intention de départ de Saint-John Perse
était de mettre tout en caractères italiques, à l'exception du refrain qui aurait figuré en
caractères romains; ce que montrent, notamment, l'édition de l'Oeuvre poétique de
1953 et celle, revue et corrigée, de 1960.
8
Pour le sens du terme suite, cf. A. Henry, ibid.
9
Pour le sens de ces différents termes, cf. note ci-dessus.

132
(Apoll., Pl., p. 290) et dans un poème épistolaire destiné à Louis de Gonzague
Frick (Apoll., Pl., p. 797).

2. Répétition phonique
La reprise phonique, qui voit le retour d'un ou de plusieurs mêmes phonèmes,
recouvre différentes espèces:
- l'ALLITERATION ou répétition de consonnes, notamment les consonnes
initiales, dans une suite de mots rapprochés:
Elle correspond à la figure 1 du premier inventaire, même si les auteurs de la
rhétorique traditionnelle définissent partiellement - à tort, on l'a vu - cette fi-
gure 1 comme la répétition d'une même lettre
ex.: «Par les sentiers de ronce où frayent, frémissants, les vieux flocons
d'écume jaunissante, avec la plume et le duvet des vieilles couvai-
sons.» (SJP, Pl., p. 316).
Ce passage constitue un exemple de reprise des consonnes initiales (allitération
en fricative + liquide [fr]).
ex.: Entends claquer les bêtes creuses dans leurs coques
x X X x
(SJP., Pl., p. 14)
«Et la merX à laXronde
X
roule son bruit
X
de crânes
X
sur les
X X
grèves» (SJP.,
Pl., p. 124).
Dans ces deux exemples, la reprise touche les consonnes initiales, mais aussi les
consonnes intérieures.
Dans les exemples suivants, la consonne touchée par la reprise se trouve cha-
que fois à une même place accentuelle:
- à l'initiale du terme monosyllabique accentué, dans une succession de deux
groupes rythmiques 10 :
ex.: Sir(e), Maître du spi, voyez qu'il neige (SJP., Pl., p. 437)
- à l'initiale de la syllabe accentuée de deux groupes rythmiques:
ex.: «Grand âge, nous voici — et nos pas d'hommes vers l'issue
X
(SJP., Pl., p. 403)
- à l'initiale de la syllabe et du terme monosyllabique accentués, dans une suc-
cession de deux groupes rythmiques isosyllabiques (chacun comporte six sylla-
bes):
10
Le G R O U P E RYTHMIQUE (P. R. Léon et Ph. Martin, Prolégomènes..., p. 44; A.
Rigault, L'accent..., pp. 2—3; ainsi que: M. et P. R. Léon, M. Boudreault, G. Faure,
B. Malmberg, entre autres, cités dans P. Wunderli, Französische Intonationsforschung,
p. 180) - appelé aussi MEMBRE RYTHMIQUE (J. Mazaleyrat, Eléments de métri-
que française, Paris, A. Colin, 1974, p. 14), MESURE RYTHMIQUE (Morier,
p. 257), GROUPE ACCENTUEL (Elwert, p. 23), G R O U P E PROSODIQUE (A. Di
Cristo et A. W. Grundstrom, cités dans P. Wunderli, op. cit., p. 180), MOT PHONI-
Q U E (E. Companys et D. Laroche-Bouvy, cités dans P. Wunderli, op. cit., p. 180),
GROUPE D E SENS (S. Karcevskij, A. Rigault et O. Mettas, cités dans P. Wunderli,
op. cit., p. 180) est un ensemble de syllabes unissant en une seule émission de voix plu-
sieurs mots constituant un tout syntaxique et sémantique, et se terminant normalement
par l'accent de groupe.

133
ex.: La nuit d'été s'éclaír(e) / à nos persiennes clós(es)
(6) (6) (SJP., Pl., p. 431)

- dans l'exemple suivant, les deux sous-groupes isosyllabiques11 (ils compor-


tent chacun quatre syllabes) qui se suivent appartiennent même à des versets
différents:
ex.: Première-Né(e) \ - le mil en fléurs, \
(4) (4)
Et tant de flû / tes aux cuisin(es) ... | (SJP., Pl., p. 83)
(4) (4)

- enfin, dans l'exemple qui suit, la consonne reprise est située tantôt à l'initiale
de la syllabe accentuée, tantôt à l'intérieur; les groupes rythmiques étant, une
fois de plus, isosyllabiques:

ex.: L'ânierpleurait Isous les lambris (SJP., Pl., p. 83)


X
(4) (4)

- L'ASSONANCE est la répétition d'une voyelle et, notamment, la répétition


de la dernière voyelle accentuée, dans une succession de groupes rythmiques ou
de groupes syntaxiques12, cette homophonie 13 étant suivie d'une hétéropho-
nie 14 .
Elle correspond à la figure 4 du premier inventaire, du moins en partie, car la
rhétorique traditionnelle n'envisageait pas, semble-t-il, que l'assonance pût
être située ailleurs qu'en fin de mot — possibilité qui est illustrée, notamment,
par l'exemple suivant:
ex.: «M'es-tu la mer elle-mgme voyageuse, où nul, le mpne se mêlant, ne
s'est jamais deux fois mêlé?» (SJP., Pl., pp. 347-348).
Dans cet exemple, la voyelle reprise est tantôt accentuée (même), tantôt inac-
centuée (mêlânt — mêlé).
Dans les exemples suivants, la voyelle reprise est toujours accentuée:
ex.: «Les revendications de l'âme sur la chair sont extrém(es). Qu'elles
nous tiennent en haléin(e)!» (SJP., Pl., p. 193).

11
II n'est pas possible de parler ici de groupes rythmiques car dans le second verset, lés
deux groupes intérieurs tétrasyllabiques ne constituent ni l'un ni l'autre un tout synta-
xique et sémantique (le terme flûtes se voit partagé entre les deux groupes).
12
J'entends par GROUPE SYNTAXIQUE un syntagme complexe (i.e. un syntagme
composé de deux ou plusieurs syntagmes), une proposition, ou une phrase, consti-
t u é ^ ) de plusieurs groupes rythmiques.
13
HOMOPHONIE - identité des phonèmes.
14
Les termes assonance (ce dernier étant pris dans son acception plus particulière de 'ré-
pétition de la dernière voyelle accentuée, dans une succession de groupes rythmiques
ou de groupes syntaxiques') et rime doivent être pris ici dans un sens large; en effet, le
verset, en principe, ne demande ni l'une ni l'autre; toutes deux ne sont donc jamais
qu'un appoint et non une servitude préalable à laquelle l'écrivain décide de se plier.

134
ex.: «O fac(e) insigne de la Térr(e), | qu'un cri pour toi se fass (e) en-
(8) (8)
téndr(e), | dernièr(e) venu(e) dans nos louáng(es)!|»
(8) (SJP., Pl., p. 402).
Dans cet exemple, la voyelle touchée par la reprise se trouve chaque fois à la
même place accentuelle, puisqu'elle apparaît dans des groupes isosyllabiques
(chaque groupe rythmique est constitué de huit syllabes),
ex.: Aux salles blánch(es) | comme semóul(e) |
(4) (4)
Le Scribe rár}g(e) \ ses pains de térr(e). \
(4) (4)
L'ordre reprénd \ dans les grands Livr(es) | (SJP., Pl., p. 84)
(4) (4)

Ici aussi, l'assonance apparaît dans des groupes - ou plutôt, dans des sous-
groupes (la voyelle reprise se trouve, chaque fois, à «l'hémistiche» du verset)
isosyllabiques (constitués, tous trois, de quatre syllabes).

— La RIME ou homophonie, entre deux ou plusieurs groupes rythmiques, ou


entre deux ou plusieurs groupes syntaxiques, de leur dernière voyelle tonique
ainsi que de tous les phonèmes qui, éventuellement, la suivent 15 :
Elle correspond à la figure 4 du premier inventaire, à cette différence près
qu'elle n'est plus située nécessairement en fin de vers (ici de verset), mais peut
apparaître à l'intérieur, comme le montre le dernier verset de l'exemple sui-
vant:
ex.: Cependant la sagesse du jour prend forme d'un bel arbre
et l'arbre balancé
qui perd une pincée d'oiseaux
aux lagunes du ciel écaille un vert si beau qu'il n'y a de plus vert que la pu-
naise d'eau. (SJP., Pl., p. 51).
L'homophonie ne touche ici que la voyelle tonique (oiseáux—beáu—eáu), cette
dernière n'étant pas suivie d'autres phonèmes,
ex.: Et le matin pour nous mène son doigt d'augure parmi de saintes écritures
(SJP., Pl., p. 125).
ex.: Rien là de symbolique: simple fait biologique. (SJP., Pl., p. 409)
L'homophonie touche ici la voyelle tonique (augure — écritures, symbolique -
biologique), ainsi que tous les phonèmes suivants; si l'homophonie ne touchait
que la voyelle tonique, nous serions ramenés au cas de l'assonance.

15
- Pour la valeur exacte du mot rime, cf. note précédente.
- Ceci n'est pas une étude sur la rime, on ne trouvera donc pas dans les pages qui sui-
vent - pas plus d'ailleurs que dans la première partie - un inventaire érudit de toutes
les espèces de rime susceptibles de se rencontrer dans la langue française. Je renvoie le
lecteur que cette question intéresse aux ouvrages spécialisés.

135
ex. : «Mer de Baal, Mer de Mammon, Mer de tout âge et de tout nom,
* » Λ "
«O Mer sans âge ni raison, ô Mer sans nate ni saison»
(SJP., Pl., p. 365).
Ici, assonance et rime sont présentes en même temps: l'homophonie de la voy-
elle tonique [a] (Baàl — âge — Hâte) est, en effet, chaque fois suivie d'une hétéro-
phonie, il s'agit donc d'une assonance; par contre, dans les termes Mammón -
nóm - raison —saison, l'hétérophonie disparaît d'elle-même, puisque la voyelle
tonique [5] n'est plus suivie d'autres phonèmes, nous sommes donc en présence
d'une rime (nous rejoignons le cas du premier exemple).
Seule la consonne initiale permet encore de distinguer les paires monosylla-
biques suivantes:
ex.: Mais de plus hautes crues en marche vers le large descendent, ràng sur
rang, les degrés de mon chant
(SJP., Pl., p. .206)
L'homophonie ne touche que la voyelle tonique (ráng - chánt), cette dernière
n'étant pas suivie d'autres phonèmes,
ex.: Et tout cela qu'un homme entend aux approches du soir, et dans les gran-
des cérémonies majeures où coule le sang d'un cheval noir...
(SJP.,P/., p. 196)
L'homophonie couvre la voyelle tonique, ainsi que le phonème suivant (soir —
noir).

Dans les exemples suivants, la rencontre de l'allitération et de la rime fait que


les constituants de cette RIME ELARGIE se répondent (faisant parfois songer
à un véritable écho: vivant — vent) à une syllabe (vivant — vent, temps — instant)
ou même à un phonème (reître - prêtres) près:
ex.: Et si un homme auprès de nous vient à manquer à son visage de vivant,
qu'on lui tienne de force la face dans le vent! (SJP., Pl., p. 191).
ex.: Et vous avez si peu de temps pour naître à cet instant!
(SJP., Pl., p. 181).
ex.: «... Hiver bouclé comme un traitant et comme un reître,, vieux soldat de
métier à la solde des prêtres»
^~^ (SJP., Pl., p. 203).
- Dans la RIME INVERSEE (ou RENVERSEE), «la voyelle tonique ainsi
que les consonnes demeurent les mêmes, mais leur place change» 16 .
La rime inversée apparaît, le plus souvent, comme un exemple de conver-
gence entre assonance et allitération:
ex.-.çoc. — encore, rue - dur (Elwert, p. 95)
ex.: niche - Chine (GLLF., v° rime, p. 5214)
Parfois aussi, elle illustre la rencontre de la répétition phonique (dans l'ex-
emple ci-dessous, assonance et allitération) et de la répétition graphique (répé-
tition du s):

16
Elwert, p. 95.

136
ex.: troi§ - soir (Elwert, p. 95)
Tandis que dans l'exemple suivant, elle n'apparaît plus que comme une répé-
tition graphique (retour du t, du i et du n):
ex.: bénit - brigantin

- la CONTRE-ASSONANCE (appelée improprement CONTRE-RIME) ap-


paraît comme le procédé inverse de l'assonance; en effet, comme le fait remar-
quer notamment Th. Elwert, «alors que dans l'assonance les voyelles toniques
s'harmonisent, mais non les consonnes, dans [la contre-assonance] au contraire
ce sont les consonnes précédant et suivant la voyelle tonique qui sont identi-
ques, et c'est la voyelle tonique qui varie» 17 :
ex.: Ce Franc-Nohain nous enrhume
Par ces vers d'étrange arom,e;
Battons nos gammes de rimes
Sur nos coeurs, Tristan De rème
Tel émeut un flot de rame. (Elwert, p. 95).

- La REPETITION PARONYMIQUE consiste dans la présence, au sein d'un


même énoncé, de deux ou plusieurs unités lexicales présentant des sonorités
voisines (rencontre de l'allitération, de l'assonance et/ou de la rime).
Elle recouvre trois figures du premier inventaire: si la répétition paronymi-
que est simple, elle correspond à la figure 5, du moins en partie car on se rap-
pellera que certains auteurs désignaient par un même terme aussi bien la pa-
renté phonique simple que celle qui se doublait d'une parenté sémantique. Si la
répétition paronymique se double d'une répétition sémantique, elle correspond
tantôt à la figure 8 1 8 (types a et b, examinés ci-dessous), tantôt à la figure 7
(type c).
Les exemples de répétition paronymique simple abondent dans l'œuvre de
Saint-John Perse: nitre - natron (SJP., Pl., p. 137), vaisseaux - naissain (SJP.,
Pl., p. 158), l'enchaînement du chant (SJP., Pl., p. 181), l'antiphonaire des ty-
phons (SJP., Pl., p. 193),pur(es) -puéril (SJP., Pl., pp. 213 et 346), berçant -
pressant (SJP., Pl., p. 349), ciel-siècle (SJP., Pl., p. 437), corne - écorce (SJP.,
Séch., p. 4), ombrageux (SJP., Noct., p. 1) - orageux (SJP., Noct., p. 3), etc.
Dans certains cas, la parenté phonique est si parfaite qu'elle recouvre l'inté-
gralité du mot à un phonème près: fable — table (SJP., Pl., p. 28), miel — mil
(SJP., Pl., p. 83), Détroits - étroit (SJP., Pl., p. 96), lèvres - Livres (SJP., Pl.,
p. 126), veille - vaille (SJP., Pl., p. 142), Siècle - cycles (SJP., Pl., p. 205), la
mer - la mort (SJP., Pl., p. 360), l'amour - la mer (SJP., Pl., p. 340), la mort -
l'amour (SJP., Pl., p. 337), race -face (SJP., Pl., p. 393), Song-gongs (SJP.,
Pl., p. 419), prodige - prodigue (SJP., Séch., p. 4), etc.
Si l'on quitte un moment le domaine du discours pour celui de la langue, on

17
Elwert, p. 95.
18
On se rappellera que cette figure 8 regroupait, notamment, les auteurs qui désignaient
par un seul terme technique aussi bien la figure 5 que la figure 8.

137
constate que la paronymie y atteint des proportions assez considérables: les pai-
res et même les séries paronymiques y sont, en effet, très nombreuses. Dans ses
Eléments de linguistique générale, A. Martinet, parlant de l'utilité de l'opposi-
tion |â| et |ô|, nous fournit quelques exemples de paires paronymiques (auxquel-
les il ne donne pas de nom précis):
ex.: temps - ton, lent — long, blanc — blond, semence — semonce, penser -
poncer (A. Martinet, E.l.g., p. 201)
tandis que dans La linguistique synchronique, il énumère deux séries paronymi-
ques (ici encore, il n'utilise pas de terme technique particulier pour désigner ce
type de phénomène):
ex. : banc, pan, van, faon, dent, temps, zan, sang, gens, champ, gant, camp,
lent, rang, ment. (A. Martinet, La ling, synchr., p. 69)
ex.: bout, pou, vous, fou, doux, toux, zou, sou, joue, chou, goût, cou, loup,
roue, mou. (ibid., p. 70).
Notons qu'on voit en outre s'établir une correspondance verticale entre les cons-
tituants de ces deux séries (banc et bout, pan et pou, van et vous, etc., cons-
tituent autant de paires paronymiques) et, si l'on remonte au premier exemple,
on voit se constituer de véritables triades paronymiques: temps - ton - toux ou
encore lent - long — loup, et l'on pourrait même compléter: penser — poncer —
pousser.
Bon nombre d'exemples de répétition paronymique se rattachent également
à la répétition morpho-sémantique: cherchant les rapprochements phoniques,
on tombe:
- dans une même famille sémantique (i. e. un ensemble de termes présentant
un ou plusieurs sèmes communs). C'est ainsi que C. Kerbrat-Orecchioni signale
l'existence, en langue, de paires telles que: père - mère, merise - cerise (K.-O.,
p. 117).
- dans une même famille (sémantique et) étymologique: les paronymes en pré-
sence ont le même radical:
(a) Une première série de paronymes de ce genre rappelle nettement les ex-
emples 44 à 48 et 51 à 54 de la première partie (figure 8).
Elle est constituée par des exemples du type: innombrable - nombres - dé-
nombrements (SJP., Pl., p. 376), mille — milliers —millénaires (ibid., p. 282), re-
cours — course (SJP., Séch., p. 1), élite — élus (ibid.).
Dans la paire suivante: ber — berceau (SJP., Pl., p. 329), les termes en pré-
sence remontent même carrément au même étymon (<berz).
(b) Parmi ces paronymes à lien sémantique et étymologique, un type parti-
culier nous est fourni par le couple composé d'un verbe et d'un substantif (ac-
tant ou circonstant) de même radical que le verbe.
Ce deuxième type correspond aux exemples 49,50 et 55 de la même figure 8.
sx.: Des VOYAGEURS au loin VOYAGENT, que nous n'avons interpel-
lés». (SJP., Pl., p. 341)
ex.: «DERANGEREZ-vous l'ordre et le RANG?» (SJP., Pl., p. 83)
ex.: «Ceux qui SONGEAIENT les SONGES» (SJP., Pl., p. 190)

138
ex.: «.pour AUNER à son AUNE l'espace d'un tel an»(SJP., Pl., p. 399)
ex.: «je m ' EN FIE VRA IS de cette FIEVRE» (SJP., Séch., p. 7)
ex.: Les fleuves CROISSENT dans leurs CRUES! (SJP., Pl., p. 201)
Ces exemples d'ACTANTS/de CIRCONSTANTS INTERNES 1 9 PARO-
NYMIQUES 20 , qui présentent chacun une différence de catégorie grammati-
cale entre un verbe et un substantif, sont très proches du polyptote.
(c) Le POLYPTOTE consiste dans le retour d'un même terme sous plu-
sieurs des formes grammaticales 21 qu'il est susceptible d'adopter.
Il correspond à la figure 7 de la première partie,
ex.: Où ETES-vous qui ETIEZ là? (SJP., Pl., p. 234)
reprise d'un terme à des temps différents.
ex.: louait — louant; dirai - dite (SJP., Pl., p. 260)
reprise d'un terme à des modes et à des temps différents.
ex.: entendra — entendre — entendront (SJP., Pl., p. 260)
différence de mode entre d'une part l'infinitif entendre, d'autre part le couple à
l'indicatif entendra — entendront, ce couple de même mode n'en présentant pas
moins une différence de nombre,
ex.: votre coeur vivant de FEMME en toutes FEMMES suppliciée...
(SJP., Pl., p. 160)
reprise d'un terme à des nombres différents.
Dans le langage courant, c'est le polyptote qui intervient dans le procédé de
renforcement suivant, signalé par L. Tesnière: «un substantif peut être renforcé
par son propre pluriel transféré en adjectif. Ce procédé est extrêmement ancien
et remonte à l'hébreu.» 22 :
ex.: le saint des saints, le cantique des cantiques, le roi des rois, la reine des rei-
nes, le Solfège des Solfèges. (Tesn., p. 446).

- Les ANAGRAMMES, mises en lumière par F. de Saussure, apparaissent


comme une modalité de reprise phonique très proche de la répétition parony-
mique (cf. le rapprochement esquissé, par l'auteur lui-même, entre l'ana-

19
L'expression courante complément interne ne permettait pas de recouvrir des exemples
comme le premier, dans lequel le substantif est sujet et non complément du verbe avec
lequel il forme paire; c'est pourquoi j'ai préféré l'expression actant/circonstant interne
qui, si elle est plus lourde et peu élégante, apporte au moins cette précision supplémen-
taire.
20
Les actants/circonstants internes paronymiques ne constituent qu'une partie de l'en-
semble des actants/circonstants internes. Celui-ci comprend les actants/circonstants
internes simples, dans lesquels la parenté sémantique n'est plus, comme ici, doublée
d'une parenté phonique (type: dormez votre sommeil·, cf. infra p. 206); les actants/cir-
constants internes paronymiques (ici même) et les actants/circonstants internes homo-
nymiques (type: rêve ton rêve-, cf. infra p. 143), qui joignent tous deux à la parenté sé-
mantique une parenté phonique.
21
Temps, mode, genre, nombre et - pour les quelques vestiges qui ont subsisté jusqu'à
nous - cas.
22
Tesn., p. 446.

139
gramme et la paronomase 23 ). F. de Saussure les définit comme suit: «phonisme
dirigé sur un nom, et cherchant la reproduction de ce nom» 24 .
A ce stade, il convient de distinguer:
- l'anagramme, dans laquelle la reproduction du mot-thème est parfaite,
- et Yanaphonie, dans laquelle cette reproduction est imparfaite; F. de Saus-
sure la définit comme une «anagramme incomplète, qui se borne à imiter
certaines syllabes d'un mot donné sans s'astreindre à le reproduire entière-
ment» ou encore, «simple assonance à un mot donné, plus ou moins déve-
loppée et plus ou moins répétée, mais ne formant pas anagramme à la totalité
des syllabes»25.
Le procédé anagrammatique, consistant à «souligner un nom, un mot, en
s'évertuant à en répéter les syllabes, et en lui donnant ainsi une seconde façon
d'être, factice, ajoutée pour ainsi dire à l'original du mot» 26 , peut se réaliser
sous plusieurs formes:
- l'anagramme, lorsque les éléments du mot-thème utilisés dans le texte sont
des monophones 27 ,
- l'hypogramme, lorsque les éléments utilisés sont des diphones 28 ,
- le mannequin, qui consiste en un «groupe restreint de mots, dont l'initiale et
la finale correspondent à l'initiale et à la finale du mot-thème, et en constitu-
ent l'indice» 29 :
cf. notamment les différents complexes-mannequins imitant «Priamides»:
tempus erat quo || PRÎMÂ QÛtËS ||, PERQVÉ PÉDËS |, || PUPPIBUS
IGNËS II, Κ PLÛRÎMÂ MÜRÖS ||, EX - || PROMERE VOCES ||30,
cf. aussi la rencontre d'anagrammes, d'hypogrammes et de mannequins exé-
cutant le nom d'Apollon: AD MEA TEMPLA Ρ Ö R T Ä T Ö , Dônôm AM-
PLÖM VICTOR, dvellö perfecto31 ; ou encore, le mot postscënia32,
cf. encore les anagrammes suivantes signalées, pour le domaine français, par
J. Starobinski:
ex.: Tout /lu / i était sou / ci / , chagrin, b/le / ssure
LU Cl LE
ex.: Je sent /i /s ma gorge [ s j errée par la main /terri /ble de l'hystérie
HY S \ TER1E
ex.: La mer, la mer toujours recommencée!
O récompense après une pensée [...]

23
F. de Saussure, Ms. fr. 3966, dans Starobinski, p. 32.
24
F. de Saussure, Ms. fr. 3962, dans Starobinski, p. 61.
25
F. de Saussure, Ms. fr. 3963, dans Starobinski, p. 27.
26
F. de Saussure, Ms. fr. 3965, dans Starobinski, p. 31.
27
Starobinski, p. 46.
28
Starobinski, p. 46.
29
Starobinski, p. 50; cf. aussi, pp. 7 9 - 8 0 .
30
F. de Saussure, Ms. fr. 3964, dans Starobinski, pp. 5 3 - 5 4 .
31
F. de Saussure, Ms. fr. 3962, dans Starobinski, pp. 7 0 - 7 3 .
32
F. de Saussure, Ms. fr. 3964, dans Starobinski, pp. 1 0 0 - 1 0 6 .

140
dans ce dernier exemple, «le second vers est construit sur l'imitation phonique
de recommencée»3*.
Avant de clore cet examen, signalons que le procédé anagrammatique se si-
tue, en fait, à la limite du domaine de la répétition. En effet, si dans le cas des
anagrammes postscenio, Lucile, hystérie, recommencée, le mot-thème apparaît
dans l'énoncé (le texte) 3 4 , dans celui de Priamides, par contre, F. de Saussure
écrit en toutes lettres que ce nom «n'est pas prononcé dans le texte» 3 5 . Dans ce
dernier cas, il n'est plus vraiment possible de parler de répétition, puisque seule
une des deux occurrences de la reprise (l'anagramme) apparaît dans l'énoncé;
ce qui explique d'ailleurs qu'en l'absence d'un mot-thème explicité, on puisse
voir en un même passage plusieurs systèmes d'anagrammes 3 6 , ou même n'être
sensible à aucun, puisque la lecture n'a pas, au préalable, été orientée.

- La R E P E T I T I O N H O M O N Y M I Q U E exploite l ' H O M O N Y M I E , c.à.d.


l'identité phonique et/ou graphique totale de deux ou plusieurs termes; les ter-
mes unis par une parenté de ce genre portent le nom d ' H O M O N Y M E S .
Elle correspond à la figure 6 de la première partie; quant à la distinction qui
va être faite entre différents types d'homonymes, elle prolonge celle de De-
mandre et, en partie du moins, celle de Y Encyclopédie31.

A. Les H O M O N Y M E S peuvent être simplement H O M O P H O N E S : seule


l'identité phonique est assurée, les termes en présence se différenciant encore
dans la graphie.
Ce premier type correspond, dans la première partie, aux exemples 30, 32 et
34, à l'exemple 36 qui marque la convergence des types A et C, à l'exemple de
Demandre: pain—pin et à celui de Y Encyclopédie: ceint, sain, saint, sein, seing.
ex.: «Tressaille, ô MERE des présages, jusqu'en nos linges d'épousailles! (...)
ô MER mimée des femmes en travail» (SJP., Pl., p. 300)
Un exemple proche apparaît dans C H R O N I Q U E :
ex.: «L'étage est le plus vaste, et le site si haut que la mer est partout — MER
d'outre-mer et d'outre-songe et nourrice d'eaux MERES»
(SJP., Pl., p. 398).
C. Kerbrat-Orecchioni fournit des exemples de répétitions homonymiques
homophones apparaissant dans des slogans publicitaires:

33
Starobinski, p. 158.
34
- postscenio: v. 1185: « (...) qvo magis ipsae vitae postscenia celant», cf. F. de Saussu-
re, Ms. fr. 3964, dans Starobinski, p. 101,
- Lucile: «Lucile et moi nous étions inutiles», Starobinski, p. 158,
- hystérie: apparaît dans le vers même où il est exécuté,
- recommencée: figure dans le premier vers.
35
F. de Saussure, Ms. fr. 3964, dans Starobinski, p. 53.
36
Starobinski, p. 55.
37
Dans la mesure où, comme le signale l'Encyclopédie elle-même, « les mots tâche et ta-
che diffèrent entr'eux et par la prononciation et par l'orthographe», ils n'ont pas à figu-
rer ici (ils relèvent de la paronymie).

141
ex.: «Le cherry de mon CHERI est mon CHERRY» (K.-O., p. 141)
ex.: «Et ça se RELIT... et ça se RELIE». (K.-O., p. 141)
La répétition homonymique homophone peut dépasser le mot pour atteindre
un syntagme:
ex.: Vivez SANS FOIE, vivez CENT FOIS avec Vichy Saint- Yorre
(K.-O., p. 142)
ex.: QUAND PARIS dort, c'est CAMPARI (K.-O., p. 142)
ou même une phrase:
ex.: Gall, amant de la Reine, alla, tour magnanime,
Galamment de l'arène à la Tour Magne, à Nîmes.
(A. Martinet, La ling, synchr., p. 56)
ex.: Où, dure, Eve d'efforts sa langue irrite (erreur!)
Ou du rêve des forts alanguis rit (terreur!) (Gr. μ, I, p. 58)
Si l'on quitte le niveau du discours pour celui de la langue, on constate que les
homonymes homophones n'y sont pas rares:
ex.: cahier (le grand cahier) - caillé (le lait caillé)
(A. Martinet, E.l.g., p. 34)
ex.: saint — sain — sein — ceint — etc.
cou — coup — coût — etc. (J. Lyons, pp. 33—34).

B. Les HOMONYMES peuvent aussi être simplement HOMOGRAPHES:


seule l'identité graphique est assurée, les termes en présence se différenciant
encore dans la prononciation.
Ce deuxième type correspond à l'exemple de Demandre: haïe - haïe et à ce-
lui de l'Encyclopédie: voler — voler (exemple qui, à l'époque actuelle, relève du
type C).
ex.: «Les poules du COUVENT COUVENT.» (K.-O., p. 141)
ex.: «Je VIS des VIS sur cette table» (K.-O., p. 141)
ou encore, pour le domaine de la langue:
ex.: fils (masc. difille) et fils (pluriel de fil) (J. Lyons, p. 33)
ex.: portions (les portions) et portions (nous portions)
(R. Martin, Polys., p. 132, n. 11)

C. Enfin, les HOMONYMES peuvent être à la fois HOMOPHONES et


HOMOGRAPHES: l'identité phonique et l'identité graphique sont toutes
deux assurées.
Ce dernier type correspond aux exemples 31, 33 et 35, à l'exemple 36 qui
voit la rencontre des types A et C, à l'exemple de Demandre: son («bruit»),
son ( «partie la plus grossiere du bled moulu» ), son ( «adjectif possessif ou pro-
nominal») et à celui de l'Encyclopédie: coin («sorte de fruit»), coin («angle»),
coin («instrument à fendre le bois»), coin («matrice ou instrument avec quoi
l'on marque la monnoie ou les médailles» ) - ceci dans l'optique de l'Encyclo-
pédie du moins, car à l'heure actuelle, l'exemple se rattacherait au type A pour
la première occurrence, désormais orthographiée coing, et à la répétition lexi-

142
cale polysémique (voir plus loin le sens de cette expression) pour les trois autres
occurrences.
A. Martinet et J. Dubois signalent, pour la langue, les homonymes homo-
phones et homographes suivants:
ex.: cousin: «sorte de parent» et cousin: «insecte»
(A. Martinet, E.l.g., p. 35)
ex.: un / une livre un / une tour
un / une vapeur le / la vase
un / une somme le / la manche
un / une greffe le / la physique
le / la mode le / la voile
un / une crêpe le / la poste
le / la garde le / la moule
etc. (J. Dubois, Nom et pronom-, p. 58).
- Les exemples d'homonymes homophones et homographes rencontrés dans
l'œuvre de Saint-John Perse sont d'un type tout particulier:
ex.: REVE tout haut ton REVE d'homme et d'immortel!
(SJP „Pl., p. 267)
ex.: la Mer (...), comme une Pâque d'herbe verte et comme FETE que l'on
FETE (SJP., Pl., p. 259)
Ce qui distingue de tels exemples de celui de J. Dubois le/la livre, par exem-
ple, c'est que l'identité phonique et graphique des termes en présence s'y dou-
ble chaque fois d'une parenté sémantique; la simple répétition formelle fait
donc place à une répétition de nature morpho-sémantique. Nous rejoignons, en
effet, le cas de la répétition paronymique à lien sémantique et étymologique
constituée d'un verbe et d'un actant/circonstant de même radical que le verbe
(actants/circonstants internes paronymiques du type: songer un songe).
Des exemples de ce type pourraient être appelés des ACTANTS/
CIRCONSTANTS INTERNES HOMONYMIQUES.
Pour atteindre le niveau de la répétition lexicale pure, il suffirait que soient
assurées entre les deux termes en présence une identité de catégorie grammati-
cale, ainsi qu'une identité sémantique (ici, le noyau sémique du premier terme
n'est repris que partiellement dans le second, ce qui réduit l'identité sémantique
à une simple parenté).
*

Il y aurait, selon moi, un passage tout progressif de la reprise paronymique à


lien étymologique et sémantique à la reprise lexicale pure 38 .
Dans un premier temps, nous trouverions l'actant/le circonstant interne
(type: songer un songe) et le polyptote (type: entendre — entendra - entendront)
paronymiques.

38
Toutes les modalités de reprise qui vont être envisagées dans les pages suivantes, jus-
ques et y compris la répétition lexicale pure, apparaissent comme des exemples de ré-
pétition morpho-sémantique.

143
Les deux termes en présence se différencient encore tant au point de vue
formel (dans le premier cas, ils se distinguent par la catégorie grammaticale:
verbe d'une part, substantif de l'autre; dans le second, par la forme grammati-
cale: dans l'exemple cité, par le mode et le nombre; et, dans les deux cas, par
une partie des phonèmes et des graphèmes qui les composent), qu'au point de
vue sémantique (seule une partie du noyau sémique du premier terme est re-
prise dans le second).
*

Viendrait ensuite l'actant/le circonstant interne homonymique (type: rêve


ton rêve).
En effet, même si l'identité formelle n'est pas encore atteinte, la parenté
formelle des termes en présence est cependant beaucoup plus nette que dans le
cas précédent (les deux termes se différencient encore par la catégorie gramma-
ticale; cependant, leur identité phonique et graphique est cette fois assurée);
quant à la reprise du noyau sémique du premier terme, elle est toujours aussi
imparfaite que dans le cas précédent.
*

Ensuite trouverait place un exemple comme celui de Pascal:


ex.: Le coeur a ses RAISONS que la RAISON ne connaît pas39.
(Morier, p. 111)
dan1; lequel il y a retour, à un nombre différent, d'un terme pris dans un sens ou
dans une acception différente 40 de celui ou celle qu'il revêtait lors de sa pre-
mière apparition.

39
Robert: v°. raison:
I, I o «La faculté pensante et son fonctionnement chez l'homme (...) V. Compréhen-
sion, connaissance, entendement, esprit, intelligence, pensée» = raison2
III. «cour. La cause, ce qui permet d'expliquer (un acte, un sentiment). V. Motif» =
raisons λ
40
J'envisage ici la polysémie en bloc, qu'il s'agisse de la polysémie vraie, qui repose sur
une pluralité de sens, ou de la polysémie reposant sur une pluralité d'acceptions (pour
une analyse plus détaillée de la polysémie et des différents types de polysémie: cf. R.
Martin, Polys. pp. 125 ss. et, surtout, tableau pp. 133-134).
- R. Martin parle de pluralité de sens (polysémie vraie) dans les cas de substitution
(c. à. d. d'addition et d'effacement) de sèmes: «L'opération de substitution ... explique
que l'on ne puisse en aucun cas se servir de Σ 1 pour définir Σ 2 (ou inversement) ... En
d'autres termes, il n'existe pas de relation immédiate entre Σ 2 et Σ 1 . Nous parlerons
dès lors de polysémie vraie et nous appellerons Σ 1 et Σ 2 des sens d'un même mot. La
polysémie se définit dans ce cas comme une pluralité de sens. » (R. Martin, Polys.,
p. 133).
NOTE: Σ symbolise «le sens considéré globalement, composé d'un certain sémème
(le sémème est l'ensemble des sèmes composant un sens) ». Dans le cas de la
polysémie, le terme envisagé présente plusieurs sens ou plusieurs acceptions
différent(e)s et donc plusieurs sémèmes; ceux-ci sont numérotés à l'aide
d'exposants: Σ 1 , Σ 2 etc.
- Quant à la polysémie définie comme une pluralité d'acceptions, elle se rencontre

144
Ce type de répétition pourrait s'appeler POLYPTOTE (en raison de la varia-
tion de forme grammaticale) POLYSEMIQUE (en raison du jeu sur la polysé-
mie du terme repris). Il correspond à l'exemple 56 (figure 9) de la première
partie.
Le polyptote polysémique marque un nouveau stade dans la progression vers
la répétition lexicale pure - du moins en ce qui concerne l'aspect formel: il n'y a
plus ici de différence de catégorie grammaticale entre les constituants de la re-
prise, c'est le même terme qui est repris et, n'était la différence de nombre,
l'identité formelle serait assurée comme dans la répétition lexicale pure. En ce
qui concerne l'aspect sémantique, la différence de sens ou d'acception main-
tient ce type de reprise à l'écart de la répétition lexicale pure, dans laquelle le
noyau sémique du terme repris est conservé intégralement.
*

Ensuite viendrait le POLYPTOTE FOCALISANT, tel qu'on le trouve dans


l'exemple suivant:
ex.: Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin:
Et ROSE elle a vécu ce que vivent les ROSES,
L'espace d'un matin.
(Malherbe, Consolation à Mr. Du Périer, Pl., p. 41 ; cf. aussi Lausberg, I, p. 334
et Morier, p. 909)
qui consiste dans le retour, à un nombre différent, d'un même terme, retour
s'accompagnant d'une focalisation sur un ou des traits connotatifs particuliers
attachés au terme repris. Dans l'exemple cité, l'esprit du locuteur se détourne
des traits connotatifs adjoints habituellement au terme rose (beauté, délicates-
se, fraîcheur) pour ne plus considérer que le caractère fragile et éphémère des
roses 41 .

dans les cas d'addition ou d'effacement de sèmes. Dans ces cas-là, au contraire, «il
existe entre Σ 2 et Σ 1 une relation immédiate: Σ 1 peut toujours entrer dans la définition
de Σ 2 (ou inversement dans le cas de l'«extension de sens» ) . . . Dans ce cas nous appel-
lerons Σ 1 et Σ 2 des acceptions d'un même mot. La polysémie se définit alors comme
une pluralité d'acceptions» (R. Martin, Polys., p. 133).
41
La leçon retenue ici, Et rose elle a vécu ce que vivent les roses, est celle qui apparaît, no-
tamment, dans les éditions suivantes des œuvres de Fr. de Malherbe:
- Les oeuvres de M essire François de Malherbe, Gentil-homme Ordinaire de la
Chambre du Roy, Troyes, J. Balduc, 3e éd., 1635, p. 178.
- Poésies de Malherbe, ornées de son Portrait et d'un Fac-Simile de son écriture, Paris,
J. J. Biaise, 1822, p. 32.
- Poésies de François Malherbe, avec un commentaire inédit par André Chénier, Paris,
Charpentier, 1842, p. 39.
- Oeuvres poétiques de Malherbe, Paris, Hachette et C'e, 1863, p. 82.
- Oeuvres, Edition présentée, établie et annotée par A. Adam, Paris, Gallimard, 1971
(Bibliothèque de la Pléiade), p. 41.
A côté de cette leçon, il en existe une autre: Et Rose elle a vécu ce que vivent les roses ;
on la trouve, notamment, dans les éditions suivantes:

145
Ce type de répétition se distingue du précédent, dans la mesure où le polyp-
tote polysémique intervient au niveau dénotatif: il joue sur la pluralité de sens
dénotatifs ou d'acceptions du terme repris; alors que le polyptote focalisant in-
tervient au niveau de la valeur connotative, le sens dénotatif ne changeant pas.
La différence sémantique (S.L.) entre les deux occurrences du terme est donc
plus implicite dans le cas du polyptote focalisant (on ne peut, par exemple, en
trouver d'indices au dictionnaire, puisque le sémème ne varie pas). A u point de
vue formel, par contre, la situation du polyptote focalisant est identique à celle
du polyptote polysémique.

Viendrait ensuite la REPETITION L E X I C A L E POLYSEMIQUE, ou ré-


apparition d'un même terme pris dans un sens ou dans une acception différente
de celui ou celle qu'il revêtait lors de sa première apparition.
ex.: «leurs filles tributaires nous prodiguant les assurances de leur FOI, et le
Maître qui dit: j'ai FOI dans ma fortune .. ,»42
(SJP., Pl., p. 103).
ex.: la TABLE plus proche de la Mer - invitée à ma TABLE de plein air43
(SJP., Pl., p. 237).

- Les oeuvres de Mre François de Malherbe, Gentil-homme ordinaire de la chambre du


Roy, Paris, Ch. Chapellain, 1630, p. 213.
- Les poésies de M. François de Malherbe Gentilhomme ordinaire de la Chambre du
Roy, Paris, A. de Sommaville, 1660, p. 223.
- Les oeuvres de François de Malherbe, avec les observations de Mr. Ménage et les re-
marques de Mr. Chevreau sur les poésies, Paris, Barbou, 1723, 3 vol.; I, p. 197.
Il s'agit, dans ce cas, non plus d'un polyptote focalisant mais d'une répétition homo-
nymique (homonymes homophones Rose - roses).
Une troisième leçon apparaît encore: Et Rose elle a vescu ce que vivent les Roses. Elle
figure, notamment, dans les éditions suivantes:
- Les poésies de M. de Malherbe, Edition critique précédée d'une introduction par J.
Lavaud, Paris, Droz, 1937, 2 vol.; II, p. 244.
- Malherbe. Oeuvres poétiques, Texte établi et présenté par R. Fromilhague et R. Le-
bègue, Paris, Les Belles Lettres, 1968, 2 vol. (Les Textes français); I, p. 158.
On le voit, cette leçon ne nous permet pas de trancher entre les deux précédentes, en
raison de la généralisation de la majuscule R.
42
Robert: v° foi:
I. «Vx. ou en loc. Sens objectif. (...) 4° Vx. Fidélité à quelqu'un». = / o n
II. «Sens subjectif. I o Le fait de croire quelqu'un, d'avoir confiance en quelque chose»
= /oi2
43
Robert: v° table:
I. «Objet formé essentiellement d'une surface plane horizontale, généralement sup-
portée par un pied, des pieds, sur lequel on peut poser des objets. Q I o Surface plane
dressée à une hauteur convenable pour recevoir tout ce qui est nécessaire aux repas» =
table 2.
II. «(.·.) 0 Surface plane naturelle» = table Λ.
On trouve un emploi comparable à la fin de ce même développement. Et l'homme seul
comme un gnomon sur la table des eaux... (SJP., Pl., p. 238); ainsi que dans la Dédi-
cace d'AMERS: et l'An de mer à son plus haut sur la table des Eaux...

146
Cette fois, l'identité formelle est assurée entre les deux occurrences du terme
(il n'y a plus entre elles ni différence phonique, ni différence graphique, ni dif-
férence de catégorie grammaticale, ni différence de nombre), mais il n'y a tou-
jours entre elles qu'une simple parenté sémantique: la même que l'on rencon-
trait dans le polyptote polysémique.

L'avant-dernière étape serait marquée par la REPETITION LEXICALE


FOCALISANTE ou retour d'un même terme s'accompagnant d'une focalisa-
tion sur un ou des traits connotatifs particuliers attachés au terme repris.
Ce type de répétition correspondrait à la figure 10 de la première partie.
L'analyse qu'avait donnée de cette figure la rhétorique classique était extrê-
mement floue et embryonnaire: les auteurs s'en tenaient à un commentaire très
imprécis d'un exemple c o n c r e t . La seule exception était représentée par Fon-
tanier, chez qui le commentaire des exemples révélait un relatif effort d ' a b s -
t r a c t i o n : il parlait d'une alternance entre le sens propre et le sens figuré. Cette
hypothèse fait place, dans les pages qui suivent, à celle d'une focalisation sur un
ou des traits connotatifs particuliers.
ex.: La longueur de temps qu'il a fallu à l'HOMME pour élaborer l'HOMME
(Gide, cité dans Lausberg, I, p. 334 et Morier, p. 908).
Le locuteur, qui a tout d'abord envisagé l'espèce humaine en général, adjoint
à la seconde occurrence du terme homme toute une série de traits connotatifs
mélioratifs qui caractérisent l'homme à ce stade précis de son évolution (au
moment où le locuteur parle): l'homme considéré dans ses qualités d'être civili-
sé, réfléchi, tourné vers le progrès, les arts, etc.
Ici, comme dans la répétition lexicale polysémique, l'identité formelle est as-
surée entre les deux occurrences du terme, qui ne se distinguent plus ni par la
composition phonique, ni par la composition graphique, ni par la catégorie
grammaticale, ni par le nombre. Mais il n'y a toujours entre elles qu'une simple
parenté sémantique, identique à celle qui caractérisait le polyptote focalisant.
Il y a donc entre la répétition lexicale polysémique et la répétition lexicale fo-
calisante la même différence que celle qui existait entre le polyptote polysémi-
que et le polyptote focalisant: la répétition lexicale polysémique offre une diffé-
rence de sens dénotatif ou d'acception entre les deux occurrences du terme, la
différence se situe donc au niveau dénotatif (l'extension et la compréhension du
terme varient); dans la répétition lexicale focalisante, par contre, la différence
intervient au niveau connotatif, le sens dénotatif ne changeant pas (l'extension
et la compréhension du terme ne varient pas). Un indice matériel de cette diffé-
rence de situation: au dictionnaire, le terme touché par le polyptote polysémi-
que ou par la répétition lexicale polysémique présente toujours deux ou plu-
sieurs sémèmes sur lesquels le locuteur (l'auteur) joue; alors que dans le polyp-
tote focalisant et la répétition lexicale focalisante, ou bien le terme impliqué par
la reprise n'offre jamais qu'un sémème ou bien s'il en offre plusieurs, c'est tou-

147
jours le même qui est visé44. La répétition lexicale focalisante (le polyptote fo-
calisant) marque ainsi un degré de plus dans l'évolution vers la répétition lexi-
cale pure, par rapport à la répétition lexicale polysémique (au polyptote poly-
sémique), puisque la différence de valeur connotative joue à un niveau beau-
coup moins explicite, moins immédiat, que la différence dénotative: on ne peut
en trouver d'indice dans les dictionnaires.
N'était la différence de valeur connotative, parfois infime et difficile à saisir,
la reprise lexicale focalisante pourrait d'ailleurs se confondre avec la répétition
lexicale pure puisque, dans cette dernière aussi, ou bien le terme repris n'offre
qu'un sémème au dictionnaire ou bien s'il en offre plusieurs, c'est toujours le
même qui est impliqué dans la reprise.
Une espèce particulière de répétition lexicale focalisante nous est fournie par
la T A U T O L O G I E , qui consiste, on l'a vu, en un énoncé dans lequel le prédicat
semble ne rien dire de plus que le thème du fait de la réapparition, dans le pré-
dicat, du ou des mots qui constituaient le thème:
ex.: UN SOU est UN SOU (Perelm., p. 292)
ex.: LES AFFAIRES sont LES AFFAIRES (Perelm., p. 588)
ex.: LES ENFANTS sont LES ENFANTS45 (Perelm., p. 292)
ex.: UNE CIGARETTE est UNE CIGARETTE (J.R.-D., p. 329)
ex.: LA SUBVERSION est LA SUBVERSION (J.R.-D., p. 329)
etc.
On pourrait croire, comme je l'ai fait remarquer dans la première partie, que
sou\ = sou-2, affaires ι = affaires^, enfantsι = enfants2, etc.; alors qu'il n'en est
rien. Ici encore, comme dans la répétition lexicale focalisante, le second consti-
tuant de la reprise se distingue du premier par les traits connotatifs qui y sont
rattachés. Je reprendrai ici l'explication de S. I. Hayakawa car elle s'applique à
des exemples proches des exemples ci-dessus (son exemple de départ n'est
autre que l'équivalent anglais du deuxième exemple):
«I don't think we should go through with this deal, Bill. Is it altogether fair to the rail-
road company? »
«Aw, forget it! BUSINESS is BUSINESS, after all.»

«Such an assertion, although it looks like asimple statement of fact, is not simple
and is not a statement of fact. The first business D E N O T E S transaction under
discussion; the second business invokes the C O N N O T A T I O N S of the word.
The sentence is a D I R E C T I V E , saying, Let us treat this transaction with com-

44 Robert ·. v° rose:
1Â1 I o Fleur du rosier, d'une odeur suave, ornementale, dont le type primitif est d'un
rouge très pâle.
v° homme·.
I «Etre appartenant à l'espèce animale la plus évoluée de la Terre.»
45 Un exemple proche de celui-ci nous est fourni par l'énoncé de Pascal:
Mais UN ENFANT \ftls de l'homme] reste UN ENFANT [être faible, ou innocent, ou
dénué d'expérience, ingénu, etc.] (Morier, p. 111).
dans lequel l'auxiliaire être a fait place à l'auxiliaire rester.

148
píete disregard for considerations other than profit, as the word 'business' sug-
gests. Similarly, when a father tries to excuse the mischief done by his sons, he
says, Boys will be boys·, in other words, Let us regard the actions of my sons with
that indulgent amusement customarily extended toward those whom we call
'boys'»46.
On le voit, ce type d'énoncé apporte une information non au niveau du déno-
té, mais à celui du connoté. L'énoncé les affaires sont les affaires n'apprend rien
sur les affaires, mais il est un indice de l'attitude du locuteur face à l'objet de
son discours: le sujet parlant qui recourt à un énoncé de ce genre souhaite atti-
rer l'attention de son interlocuteur sur un trait caractéristique de l'être ou de
l'objet désigné par !e terme repris, que l'interlocuteur n'a pas envisagé ou n'a
pas voulu envisager. La seconde occurrence du terme se voit ainsi chargée d'un
certain nombre de traits connotatifs que le locuteur désire réactiver pour son
interlocuteur.
La démarche de base de la tautologie et de la répétition lexicale focalisante
en général est proche de celle du pléonasme focalisant (épithète de nature):
dans chaque cas, il y a focalisation sur un ou même, dans le cas des deux pre-
mières, plusieurs traits caractéristiques de l'être ou de l'objet visé dans le dis-
cours. Mais dans le pléonasme focalisant, le trait focalisé est explicité: le sème
'blanc' se retrouve dans l'expression la neige blanche de nos Alpes ; tandis que
dans la tautologie et la répétition lexicale focalisante en général, le ou les traits
épinglés par le locuteur n' apparaissent pas dans l'énoncé, ils ne font que trans-
paraître en filigrane derrière les occurrences du terme repris. Autre différence
entre ces deux types de répétition: dans le pléonasme focalisant, le dénoté varie
car seule une partie (un sème) du noyau sémique du terme neige est reprise par
le terme blanche·, alors que dans la tautologie et la répétition lexicale focali-
sante en général, le dénoté ne varie pas: les sèmes de affaires^, (homme\) se re-
trouvent dans affairesi (homme2), mais c'est la configuration des traits conno-
tatifs qui varie de la première occurrence à la seconde.
Quand ce type d'énoncé est isolé, il est facile de dire qu'il ne proclame qu'une
évidence criante: que pourraient être les affaires sinon les affaires? les enfants
pourraient-ils être autre chose que les enfants? Mais quand il s'agit d'interpré-
ter un tel énoncé, cela devient beaucoup plus difficile car une foule d'interpré-
tations possibles se présentent, comme le montre, entre autres, l'énoncé sui-
vant, retenu par Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca: «une femme est une
femme, peut être manière de poser que toutes les femmes se valent, mais aussi
de poser qu'une femme doit se conduire comme une femme» 47 . Pour com-
prendre cet énoncé, il devient dès lors nécessaire et même indispensable de re-
courir à la situation/au contexte (d'où, nouvelle différence avec le pléonasme
focalisant, qui n'a pas besoin de l'appoint contextuel) car un tel énoncé n'est
pas gratuit: il possède un sens (S.L.) bien précis, lié à une situation précise/à un

46
Hayakawa, pp. 2 1 9 - 2 2 0 .
47
Perelm., p. 294.

149
contexte précis. Aussi, isolé arbitrairement de la situation/du contexte, plutôt
que de ne pas avoir de sens (S.L.), cet énoncé en a trop et au delà de son appa-
rente évidence, il ne laisse pas facilement saisir lequel de ces sens possibles doit
être retenu.
Ce type d'énoncé a également retenu l'attention de Jean Paulhan: dans son
Entretien sur des faits divers*8, Paulhan ( = M.) et Martin ( = R. M.) s'interro-
gent sur le sens (S.L.) de la conversation suivante, tenue par deux jeunes fem-
mes:

En chemin de fer, j'avais à côté de moi un peintre.


Oh! un homme élégant, très bien mis, un homme du monde.
- Oui, mais il voyageait en troisième.
- Vous savez, un peintre est un peintre.
- Oui, mais une troisième est une troisième.
(...)
R. M. - Au fait, que voulaient-elles dire?
M. - Eh bien, tout d'abord qu'un peintre ne fait rien comme tout le monde.
R. M. - Et que si l'on voyage en troisième, ce n'est pas par caprice; c'est par nécessité.
M. - Il s'agirait donc d'évoquer quelque lieu commun qui fixe, une fois pour toutes, un
sens de la troisième ou du peintre, auquel on ne songeait pas.
R. M. - La mère qui dit à son enfant, pour le retenir d'être dépensier, ou, j'en ai peur,
charitable: «Un sou est un sou ...»
M. - ... songe à quelque chose comme: un sou ne se trouve pas sous le pied d'un che-
val.
R.M. - Un sou, c'est beaucoup plus qu'un sou.
(...)
R.M. - Et le second sou n'est pas tout à fait le même que le premier. Bien. Mais qu'a
donc l'argument de si convaincant?
M. - Vous reconnaissez qu'il montre un sens fort clair, et comme nécessaire? C'est le
sens de nos philosophes: A est A.
R.M. - Oui.
M. - Vous m'avouerez aussi qu'il présente, sous ce sens apparent, un sens second, qui
sert notre opinion personnelle ...
R. M. - Sans doute.
M. - . . . et qui cependant demeure inexprimé. De sorte que force est à notre interlocu-
teur de l'inventer en quelque façon contre lui-même, s'il veut du moins comprendre ce
qu'on lui dit.

Ce dialogue fait ressortir quelques traits de ce type d'énoncé: la différence de


statut existant entre les deux occurrences du terme repris ( «le second sou n'est
pas tout à fait le même que le premier» ), la présence d'un sens implicite (le sens
connotatif), dissimulé derrière le sens apparent A est A qui va de soi (le sens
dénotatif) ( «il montre un sens fort clair, et comme nécessaire ... A est A . . . il
présente, sous ce sens apparent, un sens second . . . qui cependant demeure
inexprimé» ) et le souci du locuteur de rappeler précisément ce sens second à
son interlocuteur qui n'y songe pas à ce moment ( «évoquer quelque lieu com-

48
Paulhan (J.), Entretien sur des faits divers, Paris, Gallimard, 10e éd., 1945,
pp. 142-145.

150
mun qui fixe, une fois pour toutes, un sens de la troisième ou du peintre auquel
on ne songeait pas»),
La différence de statut existant entre les deux occurrences du terme repris
apparaît plus nettement dans des exemples tels que:
ex.: Paris n'est plus Paris.
ex.: La France ne serait pas la France s'il en était autrement.
(De Gaulle, Discours, 3, p. 262).
En effet, la non-équivalence des deux réalités visées par le terme repris y est
cette fois exprimée explicitement: n'est plus, ne serait pas. Ici encore, le locuteur
adjoint à la seconde occurrence du terme/du syntagme des traits connotatifs
différents de ceux qui étaient attachés à la première: dans un cas Paris/La
France se charge de traits connotatifs plutôt péjoratifs (valorisation négative en
Parisi/La France\), dans l'autre de traits connotatifs mélioratifs (valorisation
positive en Paris2, La France2). La démarche du locuteur qui recourt à cet
énoncé / A n'est pas (plus) A / e s t donc identique à celle qu'adopte le locuteur
émettant un énoncé du type / A est A / ; mais dans le premier type d'énoncé, la
différenciation entre les deux occurrences du terme est rendue explicite par le
recours à la négation; alors que dans le second, elle reste à un niveau implicite.
Un cas intermédiaire entre les énoncés de type / A est A / (chez J. Rey-De-
bove: / X est X / ) et / A n'est pas (plus) A / est représenté par les exemples de
répétition lexicale focalisante du type /il y a A et A/ 4 9 :
— cf. Beauzée: «Nous disons (...) en françois, au moins dans le style simple et
familier,
il y a coutume et coutume
il y a livre et livre
il y a donner et donner
pour marquer la diversité des coutumes, des livres, et des manières de don-
ner» 50 ;
— cf. aussi ce passage de La Maternelle de L. Frapié:
Ma mère était cardeuse de matelas et, à cette époque-là, on défaisait la laine à la main:
c'était mon ouvrage. (...) Dame, on en boulotte de la poussière! et puis n'est-ce pas? les
gens ne font guère carder les matelas qu'après un décès; en v'ià de la mauvaise poussiè-
re! car IL Y A POUSSIERE ET POUSSIERE, mais celle-là c'est rudement de la mau-
vaise. J'en ai-t-y attrapé des drôles de maladies!
(L. Frapié, La Maternelle, pp. 1 5 5 - 1 5 6 ) .
— cf. encore, les exemples suivants, fournis par E. Buyssens:
ex.: Il y a fagots et fagots (Buyssens, p. 43)
ex.: Il y a buveur et buveur (ibid.)
ex.: Il y a périodisation et périodisation (ibid.)
Dans ce type d'énoncé, le locuteur souligne la différence existant entre les deux
occurrences du terme plus nettement que dans l'énoncé de type / A est A / , dans

49
Si je ne parle pas ici de tautologie, c' est parce que les deux occurrences du terme repris
ne sont plus distribuées, cette fois, l'une dans le thème, l'autre dans le prédicat.
50
Beauzée, Grammaire générale, II, p. 458.

151
la mesure où il n'y a plus le signe d'identité trompeur est (sont); mais pas aussi
nettement toutefois que dans l'énoncé de type / A n'est pas (plus) A / , en raison
de la disparition de toute négation.
Notons enfin que la mise en relation d'un thème et d'un prédicat s'accompa-
gnant de la reprise, dans le prédicat, du ou des termes qui apparaissaient dans le
thème (caractéristique de toute tautologie) peut parfois se réaliser sans l'inter-
médiaire de la copule est/sont, comme le montrent notamment les exemples
suivants:
ex.: «Je ne veux pas de ce vice-là, maintenant... quand elle aura l'âge, elle
aura l'âge ...» (L. Frapié,La Maternelle, p. 93)
ex.: Ca veut dire ce que ça veut dire (M. Tutescu, p. 153)
ex.: Les hommes sont devenus ce qu'ils sont devenus (J. Cohen, p. 413)
ou encore, les exemples suivants, disséminés dans l'article de E. Buyssens:
ex.: Ce qui reste à faire reste à faire, et ce qui doit être fait doit être fait
(Buyssens, p. 39).
ex.·.L'article 11 signifie ce qu'il signifie. (ibid.)
ex.: Il faut ce qu'il faut. (ibid.)
ex.:S'il meurt, il meurt. (ibid.)
ex.: On est ce qu'on est. (ibid.)
ex.: Je suis comme je suis. (ibid.)
ex.: Quand on est mort, on est mort. (ibid.)
ex.: Vous verrez ce que vous verrez. (Buyssens, p. 40)
ex. : Je suis qui je suis. (ibid.)
ex.: Je fais grâce à qui je fais grâce, et miséricorde à qui je fais miséricorde.
(ibid.)
ex.: Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit. (ibid.)
Pour clore cette analyse tout en rétablissant la filiation entre la tautologie et
la répétition lexicale focalisante, dont elle n'est - on l'a vu - qu'une sous-espè-
ce, je donnerais de la tautologie la définition qui suit: la TAUTOLOGIE est
une modalité particulière de répétition lexicale focalisante, dans laquelle il y a
mise en relation d'un thème et d'un prédicat avec reprise, dans le prédicat, du
ou des termes qui apparaissaient dans le thème — reprise s'accompagnant,
comme dans toute répétition lexicale focalisante, d'une focalisation sur un ou
des traits connotatifs particuliers attachés au(x) terme(s) repris.

Enfin, au terme de la progression viendrait la REPETITION LEXICALE


(PURE).
Elle consiste dans la reprise intégrale d'un terme ou d'un groupe de termes,
ce qui signifie que tout terme repris doit l'être avec la catégorie grammaticale à
laquelle il appartient, la totalité des phonèmes et des graphèmes qui le compo-
sent, ainsi qu'avec l'intégralité de son noyau sémico-connotatif.
Avant d'aborder l'étude de la répétition lexicale pure, je voudrais encore si-
gnaler qu'il devient possible, à présent, de compléter le tableau esquissé, dans

152
cette même partie, lors du premier examen de la tautologie (les faits de répéti
tion déjà envisagés auparavant sont mis entre crochets):
[Répétition synonymique]
st. st.
dénoté
2sts Φ meme. soit:
_ connoté dénoté

connoté

Répétition lexicale polysémique.


2 dénotés Φ S'.
le m. st. soit:
m. connoté (le plus dén. dén.
généralement*)
connoté

Ν. Β. La présence de la flèche unissant les deux cases «dénoté» est destinée à


refléter la relation sémantique qui existe t o u j o u r s entre les deux occurrences
en présence, m ê m e dans le cas de l'identité minimale: celle du 6e type dégagé
par R. Martin dans son inventaire des différents cas de polysémie (exemple de
plateau)51 «où les deux sens n'ont en commun qu'un seul sème spécifique» (R.
Martin, Polys., p. 133).
* Le plus généralement, mais pas toujours: parfois la seconde occurrence du
terme présente non seulement un sémème différent, mais même une valeur
connotative différente, par rapport à la première occurrence. Ce que l'on trou-
ve, par exemple, dans un énoncé comme:
Il y a HIRONDELLE et HIRONDELLE

hirondellei, désignant l'oiseau et hirondelle2, l'aagent cycliste; ces deux occur-


rences du terme hirondelle présentent deux sémèmes différents; mais en outre,
hirondelle2 diffère de hirondelle \ par le trait connotatif [langage populaire].
Le schéma devient alors:
2 dénotés Φ s·.
le m. s'. soit:
2 connotés Φ
den. dén.

conn. conn.
51
R. Martin, Polys., p. 132:
«Soit le mot plateau. Le Pt. ROB distingue:
Σ1: «Support / S1 / plat / s' / servant à poser et à transporter des objets / ... /».
Σ2: «Etendue de pays / S 2 / assez / s2· / plate / s? / et dominant les environs / s i . . . /».
Soit: Σ1 = S ' n s | n s ] . . .
s 2 = s 2 n sj.n sí η si...
Ces deux sens ne présentent qu'un seul sème spécifique commun ...».

153
Répétition lexicale homonymique

' 2 dénotés Φ S'.


le m. s'. soit:
_ m. connoté (le plus génér.*) dén. dén.

connoté

Ν. Β. : On le voit, la seule différence entre ce schéma et le pénultième réside


dans l'absence de flèche entre les deux cases «dénoté» car, comme le dit R.
Martin, dans le cas de l'homonymie, les termes en présence n'offrent aucun
sème commun, leurs sémèmes sont totalement disjoints (R. Martin, Polys.,
p. 132, n. 11) 52 .
* Le plus généralement, mais pas toujours: dans la paire la CAVE (Robert:
«Local souterrain, etc.») - le CAVE (Robert: «Celui qui se laisse duper; qui
n'est pas du milieu»), cave2 diffère de caveι par le trait connotatif [langage po-
pulaire].
Le schéma devient alors:

2 dénotés Φ S'.
le m. s'. soit:
. 2 connotés Φ dén. dén.

conn. conn.

Bien sûr, les deux dernières paires de schémas ne s'appliquent qu'aux cas
bien tranchés: ceux dans lesquels il est possible de décider, en toute certitude, si
l'on se trouve en présence d'une répétition homonymique ou d'une répétition
polysémique. Il ne rend pas compte des exemples où il est difficile de distinguer
la répétition homonymique de la répétition polysémique (problème des rela-
tions sémiques médiates dont parle R. Martin; R. Martin, Polys., p. 135, re-
marque 1).

[Tautologie] + répétition lexicale focalisante en général.


m. dénoté S'.
le m. s'. —> soit:
. 2 connotés Φ dénoté

conn. conn.

52
Cf. aussi Heger (Κ.), La sémantique et la dichotomie de langue et de parole, dans Tra-
vaux de Linguistique et de Littérature, VII, 1, 1969, pp. 1 1 0 - 1 1 1 : homonymie : dis-
jonction sémémique sans sème commun; polysémie: disjonction sémémique à sème
commun.

154
Répétition lexicale pure
m. dénoté S*.
le m. s'. soit:
m. connoté dén.

conn.

3. Répétition lexicale

La répétition lexicale peut toucher:


- un terme unique:
ex.: Je sais! ...Ne rien RE VOIR! — Mais si tout m'est connu, vivre n'est-il que
REVOIR? (SJP., Pl., p. 237)
Elle correspond alors à la figure 12 de la première partie; tandis que les
quatre modalités qui vont suivre rejoignent en même temps qu'elles dépassent
la figure 13.
- un syntagme:
ex.: Or voici bien, à votre porte, laissés pour compte à l'Etrangère,
CES DEUX RAILS, CES DEUX RAILS - d'où venus? - qui n'ont pas
dit leur dernier mot. (SJP., Pl., p. 167)
- une proposition:
ex.: CEUX QUI SAVENT LES SOURCES sont avec nous dans cet exil;
CEUX QUI SA VENT LES SOURCES nous diront-ils au soir
sous quelles mains pressant la vigne de nos flancs
nos corps s'emplissent d'une salive? (SJP., Pl., p. 109)
- une phrase:
ex.: L'EXIL N'EST POINT D'HIER! L'EXIL N'EST POINT D'HIER!
(SJP., Pl., p. 125)
ex.: Et il y a là encore matière à suspicion ...
(VENTS, II, 5; SJP., Pl., p. 210)
Et il y a là encore matière à suspicion ...
(VENTS, II, 6; SJP., Pl., p. 213)
Et il y a là encore matière à suspicion.
(VENTS, II, 6; SJP., Pl., p. 214)
- un groupe de phrases: - en poésie: une strophe/une laisse, une tirade, un dé-
veloppement, une suite, etc.:
ex.: dans le Pont Mirabeau d'Apollinaire, la strophe-refrain:
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure53;
ex.: dans ce poème des Ariettes oubliées de Verlaine, le retour des strophes 1
et 2:

53
Cf. infra, même partie, pp. 167 ss.

155
Dans l'interminable Le ciel est de cuivre
Ennui de la plaine Sans lueur aucune.
La neige incertaine On croirait voir vivre
Luit comme du sable. Et mourir la lune.
Le ciel est de cuivre Corneille poussive
Sans lueur aucune. Et vous, les loups maigres,
On croirait voir vivre Par ces bises aigres
Et mourir la lune. Quoi donc vous arrive?
Comme des nuées Dans l'interminable
Flottent gris les chênes Ennui de la plaine
Des forêts prochaines La neige incertaine
Parmi les buées. Luit comme du sable.

- en prose: un alinéa, un paragraphe, un chapitre, etc.


ex.: les multiples reprises qui jalonnent le roman d'A. Robbe-Grillet La mai-
son de rendez-vous et qui dépassent d'ailleurs largement le simple cadre
de la répétition lexicale (un échantillon en sera fourni à la fin de cet ou-
vrage 54 )
ex.: dans le Tablero de dirección de Rayuela, Julio Cortázar suggère un ordre
de lecture destiné à faire apparaître le deuxième des livres contenus dans
son roman. La fin de la liste est la suivante (les chiffres renvoient aux
numéros des chapitres):
77 - 131 - 58 - 131
l'auteur invite donc explicitement le lecteur à relire le chapitre 131 après le
chapitre 58 55 .
ex.: la répétition peut même porter sur plusieurs chapitres: que l'on songe à
la fiction Pierre Menard, autor de EL QUIJOTE de Borges, dans la-
quelle un écrivain entreprend de «producir unas páginas que coinci-
dieran - palabra por palabra y línea por línea — con las de Miguel de
Cervantes» 56 et parviendra, au terme d'un travail extrêmement comple-
xe, à reproduire les chapitres IX et XXXVIII de la première partie du
don Quijote, ainsi qu'un fragment du chapitre XXII 57 .

Lorsque le mouvement de reprise suit immédiatement le terme ou le groupe


de termes répété, nous nous trouvons en présence d'une REPETITION LE-
XICALE IMMEDIATE (ou répétition en contact immédiat) 58 .

54
Cf. infra, même partie, pp. 223 ss.
55
Cortázar (J.), Tablero de dirección, dans Rayuela, Buenos Aires, Editorial Sudameri-
cana, 1968, p. 7.
56
Borges (J. L.), Ficciones, dans Prosa completa, I, Bruguera, Narradores de Hoy,
p. 334.
57
Borges (J. L.), op. cit., p. 334.
- Cf. aussi le fragment que nous livre Borges de l'œuvre de Pierre Menard et l'analyse
critique qu'il en fait: Borges (J. L.), op. cit., pp. 3 3 7 - 3 3 8 .
58
Répétition en contact: cf. Lausberg (H.), Handbuch der literarischen Rhetorik, Mu-
nich, Hueber, 1960,1, § 617.

156
Ce type de reprise correspond à la figure 14 de la première partie.
- le mouvement de reprise peut être concentré à l'initiale d'un même groupe
rythmique, ou d'un même groupe syntaxique:
ex.: « J ' A V A I S , J'AVAIS ce goût de vivre chez les hommes, et voici que la
terre exhale son âme d'étrangère ...» (SJP., Pl., p. 147)
ex.: «QUE NUL NE SONGE, QUE NUL NE SONGE à déserter les
hommes de sa race!» (SJP., Pl., p. 240)
- il peut, également, être rejeté en finale:
ex.: Je me souviens des pleurs
d'un jour trop beau DANS TROP D'EFFROI, DANS TROP
D'EFFROI!... (SJP., Pl., p. 26)
ex.: «nos beaux cimiers de plume rose et nos coiffures des camps barbares à
double corne de métal, nos boucliers massifs aux gorges de déesses,
NOUS DEPOSONS, NOUS DEPOSONS!» (SJP., Pl., p. 291)
- ou même, apparaître à l'intérieur du groupe rythmique et du groupe syntaxi-
que:
ex.: La mer aux spasmes de méduse MENAIT, MENAIT ses répons d'or, par
grandes phrases lumineuses et grandes affres de feu vert.
(SJP., Pl., p. 274)
ex.: Mais l'anneau mâle, au mufle des musoirs, sous le trophée de plume
blanche, REVAIT, REVAIT, parmi l'écume,
De plus lointains relais où fument d'autres encolures ... (ibid.).

Les exemples suivants apparaissent comme des cas intermédiaires entre la


répétition lexicale immédiate et la répétition lexicale différée. A défaut d'un
terme plus élégant, on pourrait appeler ce type de reprise: REPETITION LE-
XICALE PSEUDO-IMMEDIATE:
ex.: Dites aux femmes QU'ELLES NOURRISSENT,
QU'ELLES NOURRISSENT sur la terre ce filet mince de fumée ...
(SJP., Pl., p. 79).
Les deux constituants de la reprise sont séparés par le blanc typographique
(ils appartiennent à deux versets différents),
ex.: on largue l'échelle, NOUS PARTONS. NOUS PARTONS dans le clair-
de-lune! (Cl., p. 107).
Les deux constituants de la reprise sont séparés par un signe de ponctuation
forte.
ex.: Tu entasses les efforts comme les pèlerins les pierres: EN HOMMAGE.
EN HOMMAGE à ton altitude, Montagne. (Seg., p. 104).
Cet exemple voit la rencontre des deux cas précédents: les constituants de la
reprise sont séparés par un signe de ponctuation forte et appartiennent, en ou-
tre, à deux versets différents.
Ces trois exemples s'apparentent à la figure 17 de la rhétorique traditionnel-
le.
La présence d'une interjection peut également entraîner une disjonction des

157
constituants de la reprise. Ce type de répétition serait l'équivalent actuel de la
figure 15, rencontrée dans la première partie.
ex.: REVE, ô REVE tout haut ton rêve d'homme et d'immortel!...
(SJP., n , p . 2 6 7 )
ex.: on leur criait, on leur criait-ah! que ne leur criait-on pas? - qu'ils S'EN
REVINSSENT, ah! S'EN REVINSSENT parmi nous ...
(SJP., Pl., p. 208).
Ce dernier exemple voit la convergence d'une répétition lexicale immédiate
(on leur criait, on leur criait) et d'une répétition lexicale pseudo-immédiate
(qu'ils s'en revinssent, ah! s'en revinssent).

Lorsque la seconde occurrence du terme ou du groupe de termes est séparée


de la première par la présence d'un ou de plusieurs autres termes, nous avons
affaire à une REPETITION LEXICALE DIFFEREE (ou répétition en con-
tact interrompu).
L'expression «répétition lexicale différée» («répétition en contact interrom-
pu» ) est ici une expression générique recouvrant tous les faits (toutes les figures
potentielles) de répétition qui vont suivre, jusques et y compris la répétition
avec disjonction. Il n'y a donc pas de correspondance entre ce type de répéti-
tion et la figure 15 de la rhétorique traditionnelle, dont il vient d'être question.
Plusieurs cas se présentent, selon que le mouvement de reprise est intérieur à
un même groupe rythmique / à un même groupe syntaxique, ou qu'il touche
une succession de groupes rythmiques / de groupes syntaxiques, selon encore la
place occupée par le mouvement de reprise dans ce ou ces groupes rythmiques /
dans ce ou ces groupes syntaxiques.

- La DISTRIBUTION REPETITIVE est la réapparition d'un même terme ou


d'un même groupe de termes en un endroit quelconque d'un même groupe
rythmique / d'un même groupe syntaxique, ou même de plusieurs groupes
rythmiques / de plusieurs groupes syntaxiques successifs.
Elle correspond à la figure 30, deuxième type, de la rhétorique traditionnel-
le; mais j'ai également regroupé sous la dénomination «distribution répétitive»
ce qui constituait, dans la première partie, les figures 24, 25, 26, 27 et même
30: premier type.
ex.:... C'étaient DE TRES GRANDS VENTS sur la terre des hommes -
DE TRES GRANDS VENTS à l'oeuvre parmi nous,
Qui NOUS CHANTAIENT l'horreur de vivre, et NOUS CHAN-
TAIENT l'honneur de vivre, ah! NOUS CHANTAIENT et NOUS
CHANTAIENT au plus haut faîte du péril,
Et sur les flûtes sauvages du malheur, nous conduisaient, hommes nou-
veaux, à nos façons nouvelles.
(SJP., Pl., p. 249).
Les deux mouvements de distribution répétitive de très grands vents et nous
chantaient se relaient dans le passage.

158
ex.: Dans la suite VIII de Oiseaux, la distribution répétitive se fait d'une
phrase à l'autre et même, d'une laisse à l'autre:
(laisse 2) Dans la maturité d'un texte immense en voie toujours de formation, ils
ont mûri comme des fruits, ou mieux COMME DES MOTS: à même la
sève et la substance originelle. Et bien sont-ils COMME DES MOTS
sous leur charge magique: noyaux deforce et d'action, foyers d'éclairs et
d'émissions, portant au loin l'initiative et la prémonition.
(laisse 3) Sur la page blanche aux marges infinies, l'espace qu'ils mesurent n'est
plus qu'incantation. Ils sont, comme dans le mètre, quantités syllabiques.
Et procédant, COMME LES MOTS, de lointaine ascendance, ils per-
dent, COMME LES MOTS, leur sens à la limite de la félicité.
(laisse 5) Oiseaux, nés d'une inflexion première pour la plus longue intonation ...
Ils sont, COMME LES MOTS, portés du rythme universel; ils s'inscri-
vent d'eux-mêmes, et comme d'affinité, dans la plus large strophe errante
que l'on ait vue jamais se dérouler au monde.
(SJP., P/., pp. 4 1 7 - 4 1 8 ) .

Le premier mouvement de reprise: comme des mots, qui dépasse, cette fois,
le cadre de la phrase, est relayé par un second mouvement fort proche: comme
les mots, qui reste d'abord intérieur à une même phrase (laisse 3), mais finit par
s'étendre jusqu'à la laisse 5.

- Dans la REPETITION LEXICALE ISORYTHMIQUE 5 9 , les occurrences


du terme ou du groupe de termes touché par la répétition suivent chaque fois
un même nombre de syllabes:
ex.: (Et qui donc/NE ROMPRAIT, / du talon /NE ROMPRAIT
(3) ' (3)
l'enchaînement du chant?) (SJP., Pl., p. 181)
Les deux occurrences du groupe repris occupent chacune les quatrième, cin-
quième et sixième syllabes d'un groupe rythmique,
ex.: Un homm (e) EST dur,/ sa fill(e) EST douc(e)./ (SJP. Pl., p. 7)
(2) (1) (1) (2) (1) (1)
Cette fois, les deux occurrences du terme repris sont non seulement précé-
dées, mais même suivies d'un nombre de syllabes qui reste identique d'une pro-
position à l'autre (deux syllabes avant l'occurrence, une syllabe après).
Ce dernier exemple correspond exactement à l'exemple 104 de la première
partie, dans lequel les deux occurrences du syntagme repris étaient, elles aussi,
précédées et suivies d'un même nombre de syllabes (4 syllabes avant le syntag-
me, 6 syllabes après). Toutefois, cette situation a échappé à Γ Encyclopédie, qui
fait de l'exemple un simple cas de répétition «au milieu de la phrase».

59
Le terme isosyllabique aurait eu l'avantage de présenter le même radical que le terme
syllabe et donc de refléter en partie le mécanisme de ce type de répétition, mais l'ex-
pression répétition lexicale isosyllabique avait un inconvénient non négligeable: elle
suggérait que la répétition lexicale ainsi désignée comportait un même nombre de syl-
labes, ce qui est fatalement toujours le cas, pour n'importe quel type de répétition lexi-
cale, puisque c'est toujours le même terme ou le même groupe de termes qui réappa-
raît d'où, fatalement, le même nombre de syllabes.

159
- La REPETITION ENCADRANTE voit le retour, à la fin d'un groupe
rythmique ou d'un groupe syntaxique, d'un terme ou d'un groupe de termes fi-
gurant déjà au début du groupe.

Elle correspond à la figure 19 de la première partie.


ex.: «LA PIERRE DU SEUIL est en travers du seuil, et la mer au-delà de
LA PIERRE DU SEUIL» (SJP., Pl., p. 342)
ex.: L'EAU
Toujours s'en vient retrouver L'EAU (Cl., p. 237)

- L'ANAPHORE est le retour, au début de deux ou plusieurs groupes rythmi-


ques ou de deux ou plusieurs groupes syntaxiques, d'un même terme ou d'un
même groupe de termes.
Elle coïncide avec la figure 20 de la rhétorique traditionnelle, mais je consi-
dère également comme des anaphores les reprises du type de la figure 28.
ex.: SOIS immobile et sûre, SOIS la haie de nos transes nocturnes!
(SJP „ P l . , p. 61)
ex.: ET C'EST DEJA LE TROISIEME AN que le fruit du mûrier fait aux
chaussées de votre rue de si belles taches de vin mûr, comme on en voit au
coeur des althaeas, comme on en vit aux seins des filles d'Eloa. ET C'EST
DEJA LE TROISIEME AN qu'à votre porte close,
comme un nid de Sibylles, l'abîme enfante ses merveilles: lucioles!
(SJP., Pl., p. 171)
- L'EPIPHORE est la réapparition, à la fin de deux ou plusieurs groupes
rythmiques ou de deux ou plusieurs groupes syntaxiques, d'un même terme ou
d'un même groupe de termes.
Elle correspond à la figure 21 de la première partie,
ex.: Cette heure peut-être la dernière, cette minute même, CET INSTANT!...
Et nous avons si peu de temps pour naître à CET INSTANT!
(SJP., Pl., p. 230)
ex.: (laisse 1, verset 4): Mais le chagrin au coeur DES GRANDS
(laisse 4, verset 3): Ne ferez plus la moue DES GRANDS
(laisse 5, verset 5): «Ah! pour qui donc, fille DES GRANDS?»
(SJP.,P/., p. 83)
L'anaphore et l'épiphore convergent en de nombreux passages, nous rame-
nant ainsi à la figure 22 de la rhétorique traditionnelle,
ex.: mais par-dessus les actions des hommes sur la terre, BEAUCOUP DE
signes EN VOYAGE, BEAUCOUP DE graines EN VOYAGE, et sous
l'azyme du beau temps, dans un grand souffle de la terre, toute la plume
des moissons!... (SJP., Pl., p. 113)
ex.: «ET mon amour EST SUR LES MERS! ET ma brûlure EST SUR LES
MERS!... (SJP., Pl., p. 329)

- Le REFRAIN consiste en la réapparition périodique d'un même terme ou

160
d'un même groupe de termes 60 , généralement 61 à la fin de deux ou plusieurs
unités textuelles de même nature: vers/versets, strophes/laisses, tirades, etc. ou
encore, couplets d'une chanson.
Il correspond à la figure 29, relevée par Thiébault.
Lorsqu'il clôture chaque fois des unités textuelles de même nature, le refrain
apparaît comme une forme particulière d'épiphore. Cette dernière pourrait
alors être redéfinie comme la réapparition, à la fin de deux ou plusieurs groupes
rythmiques, ou de deux ou plusieurs groupes syntaxiques, ou même de deux ou
plusieurs unités textuelles de même nature, d'un même terme ou d'un même
groupe de termes.
ex.: A. Marchese fournit, comme exemple de refrain à un seul terme, «il
Chiù ... dell' «Assiuolo», che conclude ogni strofa rimando col sesto ver-
so.» (A. Marchese, p. 220, v° refrain)
ex.: la phrase, déjà citée, qui clôture chaque suite dans:
• Récitation à l'éloge d'une reine:
— Mais qui saurait par où faire entrée dans Son coeur?
(SJP., Pl., pp. 5 7 - 6 1 )
• Amitié du prince:
- C'est du Roi que je parle, ornement de nos veilles, honneur du sage sans
honneur. (SJP., Pl., pp. 66, 68, 70, 72)
ex.: la strophe-refrain du Pont Mirabeau, évoquée précédemment:
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

- La REPETITION AVEC CONNEXION est un mouvement de reprise qui


fait voisiner, au sein d'un même groupe syntaxique ou d'un même groupe ryth-
.mique, deux termes ou deux groupes de termes ou même encore un terme et un
groupe de termes qui, lors de leur première apparition, appartenaient à deux
groupes syntaxiques/à deux groupes rythmiques différents:
ex.: Les armes AU MATIN sont belles ET LA MER. A nos chevaux livrée la
terre sans amandes
nous vaut ce ciel incorruptible. Et le soleil n'est point nommé, mais sa
puissance est parmi nous
ET LA MER AU MATIN comme une présomption de l'esprit.
(SJP., Pl., p. 93)

60
Cf. - A. Marchese, p. 220: v° R E F R A I N « (...) In senso lato si può considerare un re-
frain la ripresa periodica di uno o più versi, ma anche di una o più parole, come in certe
poesie del Pascoli».
- Elwert, p. 139: «Il peut consister en un seul mot ou en quelques mots, en toute une
ligne, en plusieurs lignes et même en toute une strophe; les mêmes termes doivent être
repris.»
61
Cf. Elwert, p. 139: «La place du refrain est normalement à la fin, mais il peut aussi se
trouver à l'intérieur d'une strophe, ou au début.»

161
Les syntagmes au matin, et la mer appartenaient, dans la première phrase, à
deux groupes syntaxiques (propositions) différents; ils ont fusionné dans la
dernière.
ex.: «... Je vous ferai PLEURER, c'est trop DE GRACE parmi nous.
«PLEURER DE GRACE, non de peine, dit le Chanteur du plus beau
chant.» (SJP., Pl., p. 260).
Ici aussi, les constituants de la reprise, qui appartenaient dans la première
phrase à deux groupes syntaxiques (propositions) différents, se retrouvent dans
un même groupe, dans la dernière.
Un exemple de constituants appartenant à deux groupes rythmiques diffé-
rents sera fourni plus loin 62 .
- La REPETITION AVEC DISJONCTION (DISSOCIATION) - ou mou-
vement inverse du précédent - dissocie deux termes ou deux groupes de termes
ou même encore un terme et un groupe de termes qui étaient unis lors de leur
première apparition.
Elle correspond à la figure 23 de la première partie.
ex.: et si l'on trouve faute en moi, que je sois congédiée! sinon,
que J'AILLE SOUS LA TENTE, QUE J'AILLE nue,
près de la cruche, SOUS LA TENTE (SJP., Pl., p. 110).
ex.: Enfance, mon amour! c'est le matin, ce sont
DES CHOSES DOUCES QUI SUPPLIENT, comme la haine de
chanter,
DOUCES comme la honte, qui tremble sur les lèvres, DES CHOSES
dites de profil,
ô DOUCES, et QUI SUPPLIENT, comme la voix la plus douce du
mâle (SJP., Pl., p. 38)

Avant de clore cet examen de la répétition lexicale, signalons encore que les
modalités de reprise suivantes ne peuvent se réduire uniquement à des sous-
espèces de la répétition lexicale:
- la réponse en écho et l'écholalie délibérées et donc susceptibles d'engendrer
certains effets apparaissent avant tout comme des répétitions lexicales lorsque
le locuteur reprend tels quels les mots ou certains des mots utilisés par l'interlo-
cuteur, mais pas uniquement: en effet, lorsque les propos de l'interlocuteur sont
adaptés grammaticalement par le locuteur, ces deux modalités de reprise rejoi-
gnent le polyp tote;
- le rappel faisant suite à un développement, à une digression, apparaît lui
aussi avant tout comme une répétition lexicale63, mais pas uniquement: lorsque

62
Cf. infra, même partie, sous la rubrique Convergence, point (b), dernier exemple de
convergence entre répétition syllabique et répétition lexicale: M'es-tu le fleuve, m'es-tu
la mer? ou bien le fleuve dans la meri».
63
Cf. supra, même partie: exemple de Saint-John Perse, p. 127 et exemple de Queneau,
p. 128.

162
les termes repris subissent une variation dans leur forme grammaticale, le rap-
pel rejoint le polyptote 64 et lorsque la reprise se fait à l'aide de termes synony-
mes, le rappel quitte la catégorie des répétitions morpho-sémantiques (répéti-
tion lexicale et polyptote) pour celle des répétitions sémantiques 65 .

4. Répétition syntaxique:

Elle consiste dans la distribution de formes (moules, matrices) syntagmatiques


similaires, à l'intérieur de deux ou plusieurs phrases / de deux ou plusieurs
membres de phrase ou encore, pour la définir plus simplement, elle consiste
dans le retour d'un même type de construction, à l'intérieur de deux ou plu-
sieurs phrases / de deux ou plusieurs membres de phrase.
Elle correspond aux figure 37 et 38 de la première partie, du moins partiel-
lement car il manque la répétition syllabique.
ex.: Nulle oraison sur terre n'égale notre soif; nulle affluence en nous n'étan-
che la source du désir. (SJP., Séch., p. 6)
permanence du moule syntaxique: syntagme nominal sujet (renfermant, cha-
que fois, un complément prépositionnel) - verbe — syntagme nominal objet,
ex.: Sagesse de l'écume, ô pestilences de l'esprit, dans la crépitation du sel et le
lait de chaux vive! (SJP., Pl., p. 125).
permanence d'un même moule A de B.

- Dans certains cas, la parenté des moules syntaxiques est à ce point parfaite
qu'il s'établit, entre les groupes syntaxiques en présence, une véritable corres-
pondance terme à terme:

ex.: S'en fut l'ânier, s'en vint le Roi! (SJP., Pl., p. 84)

ex.: Les vents sont forts! la chair est brève!... (SJP., Pl., p. 213)

Du fait de la répétition syllabique (permanence du tétrasyllabe dans chaque


exemple), ces exemples sont le correspondant exact de la figure 38 de la rhéto-
rique classique.

- En certains passages, le moule syntaxique d'ensemble est toujours le même,


mais l'ordre des constituants a été inversé:
ex.: «pilote très habile, trop soucieux amant!» (SJP., Pl., p. 330)
soit le schéma: substantif - syntagme adjectif

syntagme adjectif - substantif

64
Cf. supra, première partie, figure 44, ex. 166: ήυξησε-άυξήσαντος.
65
Cf. supra, première partie, figure 44, ex. 166: ó δείνα στρατηγός-τούτου: synonymie
situationnelle, du troisième type, cf. infra, même partie, p. 191.

163
ex.: «EPONYME, L'ANCETRE, et SA GLOIRE, SANS TRACE
(SJP., P/., p. 395)
soit le schéma: adjectif - syntagme substantif

syntagme substantif — syntagme adjectif


De tels exemples pourraient être appelés des MOULES SYNTAXIQUES
EN CHIASME.
- En d'autres passages encore, du fait de la construction zeugmatique, le
moule syntaxique du second membre est identique à celui du premier, à la dis-
parition d'un élément près:
ex.: Et ceux qui l'auront vu passer diront: QUI FUT CET HOMME, et
QUELLE, SA DEMEURE? (SJP., Noct., p. 3)
ex.: «Et LE VOYANT N'AURA-T-IL PAS SA CHANCE? L'ECOUTANT
SA REPONSE? ...» (SJP., Pl., p. 230)
Il s'agit, dans chacun de ces exemples, de ce que j'appellerais des MOULES
SYNTAXIQUES TRONQUES.
Dans les exemples suivants, moules syntaxiques en chiasme et moules synta-
xiques tronqués convergent:
ex.: A LA QUEUE DE L'ETANG DORT LA MATIERE CASEEUSE. Et
LA BOUE DE FEUILLES MORTES AU BASSIN D'APOLLON.
(SJP., Pl., p. 246).
A l'intérieur de ce chiasme syntaxique, le deuxième moule est lui-même
tronqué.
ex.: «QU'IL NOUS PIETINE DU SABOT, et NOUS MEURTRISSE DU
ROSTRE, et DU TIMON BOSSELE DE BRONZE QU'IL NOUS
HEURTE!» (SJP., Pl., p. 336)
Dans ce passage voisinent deux moules syntaxiques en chiasme (moules 1 et
3) et un troisième moule, tronqué (moule 2).
ex.: « (PROCELLAIRES EST LE NOM, PELAGIQUE L'ESPECE, et LE
VOL ERRATIQUE comme celui des noctuelles.)» (SJP., Pl., p. 310)
Dans cet exemple, le deuxième moule est tronqué, tandis que le troisième est
à la fois tronqué et en chiasme - à ces deux éléments de modulation s'en ajoute
un troisième: la venue de la comparaison finale.

5. Répétition suprasegmentale:

Les répétitions suprasegmentales posent le problème de la lecture idéale du


fragment de discours étudié: dans le cas d'un discours littéraire, par exemple,
on peut considérer comme lecture idéale celle qui obtiendrait l'assentiment de
l'auteur lui-même (lecture faite par lui ou par une autre personne), encore
qu'elle ne soit pas la seule possible. Mais on ne possède pas toujours le témoi-
gnage de l'auteur: si, pour le XXe. siècle, on dispose de quelques enregistre-
ments (ceux des poèmes Marie, le Pont Mirabeau et Le Voyage d'Apollinaire,
par exemple) ou de l'une ou l'autre indication fournie par l'auteur (Y. Le Hir

164
interrogeant Fr. Mauriac sur ses vers) 66 , ce n'est pas vrai pour tous les auteurs;
en outre, un auteur comme Saint-John Perse s'opposait même à toute lecture à
voix haute de sa poésie, vraisemblablement dans le désir de ne pas imposer un
canon de lecture.
L'analyse des faits suprasegmentaux peut être menée sur trois plans diffé-
rents: le plan articulatoire, le plan acoustique et le plan auditif. C'est essentiel-
lement (pas uniquement, comme le feront apparaître les notes relatives à
l'examen de la répétition accentuelle) l'analyse acoustique qui a été retenue ici:
les travaux consultés 67 ne fournissaient pas d'exemple pour l'analyse articula-
toire et ils ne procuraient de résultats, pour l'analyse auditive, qu'en ce qui con-
cerne le poème d'Apollinaire: Le Pont Mirabeau.
La répétition suprasegmentale, comme son nom l'indique, consiste en la ré-
apparition d'éléments suprasegmentaux. D. Laroche-Bouvy donne de ces der-
niers la définition suivante: «On englobe sous les termes de traits prosodiques,
ou d'éléments suprasegmentaux, les pauses, les accents et la mélodie de la
phrase (ou l'intonation), c'est-à-dire l'ensemble des coupures et la somme des
changements de hauteur et d'intensité d'une unité syntaxique» 68 .
Elle recouvre plusieurs cas d'espèce:

- La REPETITION SYLLABIQUE (ou ISOSYLLABISME) consiste dans la


réapparition de groupes rythmiques ou de groupes syntaxiques isosyllabiques,
c'est-à-dire de groupes rythmiques ou syntaxiques comportant le même
nombre de syllabes69.

66
Le Hir (Y.), La versification de François Mauriac, dans Le vers français au XXe. siècle,
pp. 6 5 - 7 6 .
67
Les exemples qui suivent sont tirés de l'article de P. R. Léon et R. A. Baligand: Deux
interprétations du «Pont Mirabeau ». Etude du rythme et de sa perception, dans Phoneti-
ca, 19, 1969, pp. 8 2 - 1 0 3 ; de la communication de Y. Le Hir: La versification de Fran-
çois Mauriac (cf. note ci-dessus) et de celle de N. Beauchemin: Etude du rythme d'un
poème de Grandbois, d'après la lecture de l'auteur, dans Le vers français au XXe. siècle,
pp. 2 3 3 - 2 4 4 .
68
Laroche-Bouvy (D.), Remarques sur les fonctions des éléments suprasegmentaux en
français, dans Etudes de linguistique appliquée, Nouvelle série, 3, juillet - septembre
1971, p. 15.
- Cf. aussi P. Wunderli, Französische Intonationsforschung, p. 57: «Wir können (...)
feststellen, daß die intonativen (suprasegmentalen) Erscheinungen weder aufgrund ih-
rer Substanz noch aufgrund der Ausdehnung über mehrere Phoneme hinweg definiert
werden können: entscheidendes Kriterium ist vielmehr, daß ihnen eine von den ver-
schiedenen segmentalen Bereichen im allgemeinen und vom Phonembereich im be-
sonderen unabhängige Funktion zukommt.» Suit alors une définition de D. Crystal:
«More precisely and positively, we may define prosodie systems as sets of mutually de-
fining phonological features which have an essentially variable relationship to the
words selected, as opposed to these features (for example, the (segmental) phonemes,
the lexical meaning) which have a direct and identifying relationship to such words.»
69
Si j'envisage en premier lieu ce type de répétition, c'est parce que dans la poésie fran-
çaise traditionnelle il est mis artificiellement en avant, dans la mesure où le vers est es-
sentiellement syllabique et accentuel. Mais il est bien évident que dans le langage quo-
tidien, ce type de répétition suprasegmentale est nettement moins important et moins

165
Elle correspond aux figures 37 et 38 de la première partie, du moins partiel-
lement car il manque la reprise syntaxique.
Le décompte des syllabes en français moderne pose le problème de la diérèse
(prononciation dissyllabique de deux voyelles se heurtant à l'intérieur d'un
mot), de la synérèse (prononciation monosyllabique de deux voyelles se heur-
tant à l'intérieur d'un mot) et du e caduc 70 :
- Plantier signale, notamment, les diérèses suivantes chez Fr. Mauriac:
ex.: Et MARSYAS, chair baptisée en proie aux mouches,
(Le vers français au XXe siècle, p. 77)
ex.: La MACERATION des landes inondées ...
(Le vers français au XXe siècle, ibid.)
- Fr. Mauriac insiste auprès de Y. Le Hir: «n'oubliez pas que je suis d'un pays
où le e compte» 71 :
ex.: Une chevelur(e) odorante de feuillag(e)
(Le corps fait arbre, dans Le vers français au XXe siècle, p. 70)
Y. Le Hir fait d'ailleurs la constatation suivante: «Un e non élidé se trouve
parfois à la sixième syllabe alors qu'une licence paraissait si commode:
où la trace est encore de leurs furieux gestes (La marée infidèle)
En regard de:
Il ne sait pas encor sa victoire future (Atysj
Mais ce e atone a partie liée avec la synérèse furieux gestes, précipitant deux
mots l'un sur l'autre, à l'image de l'idée» 72 .
Si le e compte presque toujours chez Fr. Mauriac, par contre, comme le si-
gnale N. Beauchemin: «La règle que suit Grandbois est bien celle d'un langage
parlé, d'un niveau assez familier pour une oreille française, si l'on considère la
facilité avec laquelle l'[e] disparaît» 73 .
ex.: Roulant douc(e)ment sur les point(e)s de la nuit
ex.: O bell(e) pur(e) danseus(e) innocent(e)
«Mais à la lecture, l'auteur se sert parfois du [e] instable pour équilibrer un
vers qu'il veut rendre fort par la symétrie rythmique qui vient en appuyer le
74
sens» :
ex.: Je niais le temps / j'assassinais 1(e) temps
P. R. Léon et R. A. Baligand signalent, chez Apollinaire, un traitement un
peu particulier du e caduc en fin de vers: «On notera (...) qu'en fin de vers,
Apollinaire prononce les E caducs - ajoutant ainsi un pied rythmique au vers -

aisément perceptible que par exemple la présence, au sein d'un même énoncé, de deux
phrases exclamatives, ce qui entraîne automatiquement la réapparition d'une même
courbe d'intonation (réapparition conjointe de la courbe de hauteur et de la courbe
d'intensité caractéristiques de l'exclamation).
70
Cf. notamment Elwert, pp. 3 4 - 5 7 .
71
Le vers français au XXe siècle, p. 69.
72
Le vers français au XXe siècle, p. 70.
73
Le vers français au XXe siècle, p. 234.
74
ibid.

166
et que cet E caduc peut être plus long que la moyenne syllabique qui est de 29
es. Mais cet E caduc prononcé a probablement joué dans la conscience lin-
guistique du poète le rôle d'un prolongement musical qui fonctionne comme un
soupir à la fin du vers» 75 .
Ce traitement n'est pas appliqué uniformément, comme le montre par exemple
l'analyse du refrain:

Is Vienne la nuit sonne l'heure

Durée des
vje na la nui so ne lœ ra pauses de
fin de vers

es 38 16 19 46 37 16 34 13 63
Apollinaire db 18 17 17 18 17 17 19 13,5
cps 137/163 163 163 175 163 160 150 175

es 31 22 11 43 (20) 23 14 49 13 64
Chamarat db 18 17 15,7 18 15,7 17 17 13,5
cps 85/100 100 100 100 105 95 100

I6 Les jours s'en vont je demeure.

Durée des
le 3ur sa v5 33 da mœ ra pauses de
fin de vers

es 17 36 38 45 23 10 30 25 85
Apollinaire db 13,5 13,5 14 13,5 13,5 13,5 13,5 9
cps 125/150 155 150 163 163 163 150/175/150

es 26 32 35 47 (35) 14 15 30 160
Chamarat db 15,7 11 16 17 8 11 9
cps 85 95 100 90/100 85 100 85

II5 Vienne la nuit sonne l'heure

Durée des
vje na la nui S3 na lœr 0 pauses de
fin de vers

es 31 15 20 44 44 18 74 0 50
Apollinaire db 17 15,7 17 13,5 17 17 17
cps 125/150 155 163 170 165/175 170 150/175

es 33 22 20 30 (20) 23 10 35 98
Chamarat db 13,5 15,7 17 17 15,7 13,5 13,5
cps 80 85 85 80 87 85 90

75
Léon (P. R.) et Baligand (R. Α.), art. cit., p. 93.

167
Les jours s'en vont je demeure.

Durée des
le 3ur sà v5 33 da mœr 0 pauses de
fin de vers

es 20 39 36 47 19 19 55 0 70
Apollinaire db 17 15,7 17 17 17 17 15,7
eps 125/150 150 140 140 137 135 125/100

es 26 34 39 39 (35) 13 20 56 160
Chamarat db 13,5 14 11 13,5 9 9 4,5
eps 80 80 87 87 70 70 70

Ills Vienne la nuit sonne l'heure

Durée des
vji Π3 la nui so na lœr 0 pauses de
fin de vers

es 43 17 22 46 43 15 49 0 60
Apollinaire db 17 17 17 13,5 17 17 15,7
eps 125 150 150 165/150 140 160 150

es 35 17 21 44 37 16 42 77
Chamarat db 17 17 17 17,2 15,7 17 19
eps 90 85 95 85/80 90 85 75

III6 Les jours s'en vont je demeure.

Durée des
le 3ur sa v5 33 da mœr 0 pauses de
fin de vers

es 21 43 26 37 18 25 49 0 65
Apollinaire db 15,7 14 15,7 16 13,5 17 15,7
eps 125 150 135 125/140 137 140/125 150/125

es 29 25 41 51 (60) 21 15 42 155
Chamarat db 15,7 14 15,7 16 13,5 15,7 13,5
eps 85 95 100 90 90 87 87

IV5 Vienne la nuit sonne l'heure

Durée des
vjf na la nui so na lœ ra pauses de
fin de vers

es 42 13 21 47 50 13 36 26 71
Apollinaire db 18 11 15,7 13,5 17 15,7 15,7 9
eps 100/135 137 150 140/125 137/150 135 135 150

168
lœr
es 37 13 26 40 (15) 38 20 40 110
Chamarat db 16 17 19,2 17 15,7 15,7 14
eps 75 100 95 100 85 100 100/85

IV6 Les jours s'en vont je demeure.

Durée des
le 3ur sä v5 33 da mœr 0 pauses de
fin de vers

es 19 47 32 50 19 14 41 0
Apollinaire db 15,7 13,5 15,7 17 18 9 13,5
eps 100 125 125 140 130 130 120/135/110

es 28 41 32 47 10 7 45
Chamarat db 16 15,7 15,7 13,5 13,5 13,5 9
eps 80/90 100 100 100 87 100 85

Dans le premier vers du refrain: Vienne la nuit sonne l'heure, le e caduc final
est prononcé en RI et RIV, mais pas en RII et RIII; tandis que dans le second
vers: Les jours s'en vont je demeure, il est prononcé en RI et nulle part ailleurs.
C'est précisément le poème d'Apollinaire qui sera retenu pour illustrer la ré-
pétition syllabique.
Si l'on tient compte du traitement un peu particulier réservé (par Apollinaire
et, dans une mesure nettement moindre, par Chamarat) au e caduc final, on
peut schématiser comme suit les deux lectures du Pont Mirabeau :
N.B. Le chiffre désigne le nombre de syllabes que compte le vers:

Lecture d'Apollinaire Lecture de Chamarat

10
4
6
10
R

II 11 10
4 4
7 6
11 10
7 7
7 7

169
Dans le cas de la lecture d'Apollinaire, on constate que les strophes I et II
comportent chacune un vers de 11 syllabes, un vers de 4 syllabes, un vers de 7
syllabes et un nouveau vers de 11 syllabes. Il y a donc isosyllabisme, au niveau
local de la strophe, entre le premier et le dernier vers (11 syllabes dans chaque
vers; ceci vaut également pour le premier et le dernier vers de la strophe IV);
mais aussi, au niveau d'ensemble des deux strophes, entre chaque vers d'une
strophe et son correspondant dans l'autre. En ce qui concerne le refrain, il y a
isosyllabisme au niveau local de RI, dont les deux constituants comportent cha-
cun 8 syllabes; tandis que dans les deux refrains suivants, l'isosyllabisme appa-
raît non seulement au niveau local de chaque refrain, mais aussi à celui de l'en-
semble, dans la mesure où les constituants de RH et RIII comportent tous 7 syl-
labes.
Si l'on prend comme point de départ la lecture de Chamarat, on remarque
que les trois premières strophes comportent chacune un vers de 10 syllabes, un
vers de 4 syllabes, un vers de 6 syllabes et un nouveau vers de 10 syllabes; l'iso-
syllabisme se manifeste donc, au niveau local de chaque strophe, entre le pre-
mier et le dernier vers (décasyllabique dans les deux cas); mais aussi, au niveau
d'ensemble des trois strophes, entre chaque vers de l'une et son homologue
dans les deux autres. Du côté du refrain, l'isosyllabisme apparaît au niveau local
de RH, RIII et RIV; mais aussi, à celui de l'ensemble de ces trois refrains, dans
la mesure où ils comportent tous des vers de 7 syllabes.

- L'une des conséquences de l'isosyllabisme est la REAPPARITION, A IN-


TERVALLES REGULIERS, DE LA PAUSE.
Du moins, elle en est une conséquence dans le cas de groupes rythmiques iso-
syllabiques: la pause de fin de groupe réapparaît, en effet, après un nombre de
syllabes qui reste constant.
Lorsque l'isosyllabisme touche des groupes syntaxiques ou des unités ryth-
miques (par exemple, un vers) comportant plusieurs groupes rythmiques inté-
rieurs, la situation est un peu différente: la pause finale de chaque groupe syn-
taxique / de chaque unité rythmique réapparaît, elle aussi, à intervalles régu-
liers; mais pour peu que les groupes syntaxiques / les unités rythmiques en pré-

170
sence soient constitués de groupes rythmiques hétérosyllabiques et que ceux-ci
ne trouvent pas leur correspondant d'un groupe/d'une unité à l'autre, la pause
intérieure aux groupes syntaxiques / aux unités rythmiques ne réapparaîtra plus
à intervalles réguliers et le rythme sera rompu.
A ce propos, la comparaison entre les deux lectures du Pont Mirabeau est in-
téressante.
Dans la mesure où Apollinaire n'introduit pas de pause à l'intérieur du vers,
l'isosyllabisme décelé précédemment va toujours de pair avec un retour régu-
lier de la pause.
Dans le cas de la seconde lecture: celle de Chamarat, l'introduction d'une
pause à l'intérieur de certains vers a pour conséquence l'apparition, au sein de
ces derniers, de deux groupes rythmiques distincts; ce qui donne lieu au schéma
suivant:
N.B.: Le chiffre représente le nombre de syllabes précédant la pause:

I 6-4
4
6
2-8
RI 4-4
4-3
II 10
4
5-1
6-4
RII 4-3
4-3
III 4-6
4
6
3-7
RUI 7
4-3
IV 11
4
4+2
6+4
RIV 4-3
7
La pause introduite à l'intérieur du vers divise ce dernier en deux groupes
rythmiques hétérosyllabiques.
Une exception toutefois: dans le premier vers de RI, la pause suit chaque fois
un groupe rythmique tétrasyllabique; le mouvement se prolonge d'ailleurs en
partie dans le vers suivant, dont le groupe rythmique initial est lui aussi tétrasyl-

171
labique. La réapparition de la pause toutes les quatre syllabes engendre un
rythme régulier qui ne sera brisé qu'à la fin du second vers.
Le cas de RII n'est pas moins intéressant: la division hétérosyllabique de
chaque vers n'empêche pas pour autant la création d'un rythme régulier dû au
retour régulier de la pause (elle réapparaît selon une succession 4-3-4-3).
La distribution de la pause dans les strophes I et III est également digne d'in-
térêt car elle y engendre (partiellement, du moins) un rythme régulier, malgré
l'hétérosyllabisme des vers dans lesquels elle intervient. La pause divise, en ef-
fet, le premier vers en deux groupes rythmiques qui trouvent leur correspon-
dant dans les vers suivants, ce qui donne une succession régulière des silences
(de type 6-4-4-6 en I, 4-6-4-6 en III). Assez paradoxalement, la régularité du
rythme engendré par la pause est chaque fois brisée par le seul vers qui trouvait
son correspondant dans la strophe: le dernier vers, décasyllabique comme le
premier.
L'introduction d'une pause dans le troisième vers de la strophe finale fait que
la pause réapparaît, un bref moment (l'espace de deux vers), selon un rythme
régulier (après deux groupes de 4 syllabes qui se suivent immédiatement).
La seconde lecture fait donc apparaître les points suivants:
- la présence de vers isosyllabiques n'entraîne pas nécessairement le retour ré-
gulier de la pause; chaque vers peut, en effet, être subdivisé en groupes rythmi-
ques qui ne trouvent pas leur correspondant dans les autres vers (c'est le cas no-
tamment de RIII ou de RIV, ou encore de la strophe II).
- la présence de vers hétérosyllabiques n'empêche pas le retour régulier de la
pause; chaque vers peut, en effet, être subdivisé en groupes rythmiques qui
trouvent leur correspondant dans les autres vers (c'est le cas des vers 1 à 3 de la
strophe I ou de la strophe III, ainsi que des vers 2 et partiellement 3 de la stro-
phe IV; c'est également le cas, en partie, de RI).
La situation se complique encore davantage si l'on tient compte du «carac-
tère non systématique» de la pause 76 : celle-ci peut apparaître alors qu'on ne
l'attendait pas ou, au contraire, être absente alors qu'on prévoyait normale-
ment sa venue (la réalisation ou la non-réalisation de la pause est soumise, no-
tamment, à d'éventuels blocages respiratoires ou à l'une ou l'autre hésitation
survenant chez le locuteur). Ce caractère non systématique de la pause a été
souligné par de nombreux auteurs 77 , notamment par D. Laroche-Bouvy qui en
arrive à définir le mot phonique comme «une unité phonique pourvue d'un seul
accent et d'une pause virtuelle» 78 . Dès lors, en l'absence d'indications précises
comme celles que fournit, par exemple, la lecture du Pont Mirabeau par Apol-
76
P. Wunderli, Französische Intonationsforschung, p. 186: «In der neueren Literatur
wird immer wieder auf den physiologisch begründeten, unsystematischen Charakter
der Atempausen verwiesen.»
77
P. R. Léon et Ph. Martin, Prolégomènes ..., pp. 4 4 - 4 5 ; ainsi que E. Pulgram, G. La-
voie, W. Zwanenburg, entre autres, cités dans P. Wunderli, Französische Intonations-
forschung, pp. 1 8 6 - 1 8 7 .
78
D. Laroche-Bouvy, art. cit., p. 16; cf. aussi, P. Wunderli, Französische Intonationsfor-
schung, p. 187 note 85 et p. 188.

172
linaire lui-même, on ne pourra jamais déduire en toute certitude que l'isosylla-
bisme apparaissant dans tel ou tel fragment de discours s'accompagne nécessai-
rement d'une réapparition régulière de la pause: les groupes rythmiques en pré-
sence peuvent comporter un nombre différent de pauses, il se peut même que
certains d'entre eux s'enchaînent sans la moindre pause (si le débit du locuteur
se précipite).
En outre, il faut tenir compte, précisément, d'éventuelles variations de débit
qui pourraient empêcher la réapparition à intervalles réguliers de la pause,
quand bien même on se trouverait en présence de groupes rythmiques isosylla-
biques pourvus d'une seule pause (si un groupe est émis avec un débit plus ra-
pide qu'un autre, la pause qui le suit apparaîtra fatalement après un laps de
temps plus court).
- L a REPETITION ACCENTUELLE voit le retour, à intervalles réguliers, de
l'accent.
Elle semble être le corollaire immédiat de l'isosyllabisme: en effet, dans le
cas de groupes rythmiques isosyllabiques, l'accent de groupe réapparaîtra tou-
jours après le même nombre de syllabes.
Mais c'est compter sans l'accent d'insistance 79 , qui peut intervenir à l'inté-
rieur d'un groupe rythmique, mais pas à l'intérieur des autres; ou même dans
plusieurs groupes rythmiques, mais à des endroits différents. Un exemple nous
est fourni par la lecture du Pont Mirabeau que donne Apollinaire: P. R. Léon et
R. A. Baligand font remarquer que «dans la 2ème strophe, la première syllabe
de restons est légèrement plus longue de 7 es. Il s'agit vraisemblablement alors,
comme le prouvera 80 l'analyse auditive, d'un accent d'insistance. Le même
phénomène se produit avec la première syllabe de violente»81.
Or, on se souvient que la lecture d'Apollinaire faisait apparaître une répéti-
tion syllabique entre les strophes I et II (chacune comportait un vers de 11 syl-
labes, un vers de 4 syllabes, un vers de 7 syllabes et un nouveau vers de 11 syl-
labes). Si dans ces deux strophes n'intervenait que l'accent de groupe, la répéti-
tion syllabique irait de pair avec une répétition accentuelle. Mais, du fait de

79
Je donne à l'expression accent d'insistance le sens générique que lui attribue, notam-
ment, P. Wunderli (P. Wunderli, Französische Intonationsforschung, p. 341), qui dis-
tingue deux sortes d'accent d'insistance:
- l'accent d'insistance emphatique (culminatif), qui recouvre tous les phénomènes
culminatifs ou, selon le cas, contrastifs, qu'ils soient émotionnels (affectifs) ou logiques
(intellectuels):
ex.: J'ai dit sulfure et non sulfate (P. Wunderli, op cit., p. 332)
- l'accent d'insistance distinctif, qui sert à indiquer le début d'un mot, lorsque cette
indication est nécessaire pour distinguer deux contenus signifiés différents:
ex.: des petits # trous Ivi des petites # roues (P. Wunderli, op. cit., p. 341).
- Cf. aussi, G. Faure, Accent, rythme et intonation, dans Le Français dans le Monde,
t. 57, 1968, p. 18.
80
Ou du moins, comme pourrait le suggérer l'analyse auditive.
81
Léon (P. R.) et Baligand (R. Α.), art. cit., p. 93.

173
l'apparition d'un accent d'insistance dans le premier vers de la strophe II, le pa-
rallélisme entre répétition syllabique et répétition accentuelle est rompu, au ni-
veau des vers endécasyllabiques, entre le premier vers de la strophe II et d'une
part le dernier vers de cette même strophe, d'autre part les deux vers endécasyl-
labiques de la strophe I: le premier vers de la strophe II comporte deux accents
(de nature et de statut différents, bien sûr, puisque l'un est l'accent de groupe,
l'autre l'accent d'insistance), alors que les trois autres vers endécasyllabiques
n'en comportent qu'un seul 82 .
Par contre, au niveau du refrain, le parallélisme entre répétition syllabique et
répétition accentuelle se maintient en RI, RII et RIII, dans la mesure où Apol-
linaire ne fait pas intervenir d'accent d'insistance 83 .
Il va de soi qu'il n'y a pas que l'accent de groupe qui soit susceptible de don-
ner naissance à la répétition accentuelle: il peut également y avoir répétition de
l'accent d'insistance, c'est-à-dire réapparition, à intervalles réguliers, de l'ac-
cent d'insistance au sein d'un ou même de plusieurs groupes rythmiques / syn-
taxiques. Mais je n'ai pas trouvé d'exemple de ce type dans les ouvrages consul-
tés.
Il peut également y avoir répétition combinée de l'accent de groupe et de
l'accent d'insistance dans deux ou plusieurs groupes rythmiques / syntaxiques.
Mais, à nouveau, je n'ai pas trouvé d'exemple.
Ici encore, il faut tenir compte d'éventuelles variations de débit qui pour-
raient empêcher la réapparition à intervalles réguliers de l'accent, quand bien
même on se trouverait en présence de groupes rythmiques / syntaxiques isosyl-
labiques bâtis sur une même distribution de ce dernier (qu'il soit de groupe,
d'insistance ou des deux types).

- RETOUR D'UNE MEME DUREE: il y a répétition de la durée lorsque


«des éléments d'égale durée se répètent selon des intervalles assez rapprochés
dans l'ensemble de la chaîne parlée» 84 .

L'analyse et les exemples qui suivent sont empruntés à N. Beauchemin:


«Si, par hasard ou autrement, il arrive qu'un ensemble de syllabes ait une durée sensi-
blement égale à celle d'un autre ensemble assez voisin, ou encore si divers ensembles

82
P. R. Léon et R. A. Baligand font remarquer que l'analyse auditive fait apparaître la
possibilité de percevoir un accent d'insistance sur la syllabe tan- de tandis que, dans le
deuxième vers de la strophe II (Léon (P. R.) et Baligand (R. Α.), art. cit., p. 100). Le
cas échéant, le parallélisme entre répétition syllabique et répétition accentuelle serait à
nouveau rompu, au niveau des vers tétrasyllabiques, cette fois (celui de la strophe I ne
comporte qu'un accent, alors que celui de la strophe II en compterait deux).
83
Encore que l'analyse auditive fasse apparaître la possibilité de percevoir un accent
d'insistance sur la syllabe de- de je demeure, dans le second vers de RIII (Léon (P. R.)
et Baligand (R. Α.),art. cit., p. 100); auquel cas, le parallélisme entre répétition sylla-
bique et répétition accentuelle serait rompu, au niveau de RIII, mais aussi entre RIII
et RII (sur l'ensemble de ces quatre vers heptasyllabiques, les trois premiers ne com-
porteraient qu'un accent, alors que le dernier en compterait deux).
84
Beauchemin (N.), art. cit., p. 238.

174
de syllabes sont séparés par des silences égaux, il n'y a pas de doute que l'esprit d'un
auditeur averti y perçoit un rythme qui, sans être aussi conscient que le rythme syllabi-
que, n'en est pas moins important. L'enregistrement à l'oscillographe du texte étudié
nous permet de constater certains faits de durée physique qui ne semblent pas de purs
hasards» 85 .
«Les silences observés dans l'ensemble du poème [d'Alain Grandbois], mise à part la
strophe 6, peuvent être groupés en deux classes assez homogènes. Il y a d'une part un
certain nombre de silences marquant un arrêt de sens ordinaire, et d'autre part les si-
lences qui séparent les strophes. Les premiers, de l'ordre de 50 à 60 centisecondes,
comprennent quelques égalités frappantes; les v. 9-12-16-17-23-28-31 sont tous sui-
vis d'un silence d'environ 55 es. Quant aux silences qui marquent la fin d'une strophe,
ils sont tous supérieurs à 1 seconde, et sauf le vers 5, aucun vers n'est suivi d'un silence
du même ordre de durée, s'il n'est pas le dernier d'une strophe. (Le silence du vers 5,
lui, s'explique facilement par l'importance du vers suivant qui avait été préparé par
toute la strophe) >>86.

N. Beauchemin constate que: «le jeu des durées physiques des éléments
rythmiques se fait selon quatre modèles principaux 87 . Seul le premier nous in-
téresse; il s'agit de celui qui repose sur «une symétrie parfaite, engendrée par
une suite d'éléments de durées égales» 88 :

«La symétrie parfaite ne semble pas exister au niveau de la strophe. On pourrait


s'amuser à compter la durée totale de chaque strophe et constater par exemple que les
quatre premières ont une durée totale très voisine de 13 secondes chacune ... Mais
c'est là une durée trop étendue pour qu'on en perçoive certainement l'égalité à la seule
audition. Au niveau du vers et des éléments rythmiques, il en est tout autrement. Aux
vers 10 et 11, l'égalité relative de 66-65-64 centisecondes est facilement perceptible.
De même aux vers 15 et 16, dont la durée est de 154-155 es, ou au vers 23 dont les
deux hémistiches ont respectivement 103 et 104 es, ou au vers 37 dont les deux der-
niers éléments ont chacun 76 es ... etc. Il faut noter que dans les exemples cités ici, la
constitution physiologique des phonèmes en présence n'appelle pas nécessairement
ces égalités. Si on les retrouve c'est qu'elles ont été voulues: elles sont là, semble-t-il,
soit pour appuyer ou renforcer la symétrie d'un mètre syllabique, soit pour mieux
équilibrer un dimètre asymétrique, comme c'est le cas au vers 23 par exemple89.»
N. Beauchemin signale encore que les vers 63 et 64, «deux dimètres asymétriques de
coupe 5/3 et 4/3, ont une symétrie frappante dans leurs durées:
Au-delà des mémoires / abolies /
5 (87) 3 (57)
Au-delà des temps / révolus Ì
4 (83) 3 (57)
Le ralentissement sensible de leur rythme et la similitude insistante de leurs durées
permettent une amplification quasi-fantastique de cette opposition entre le décor spa-
tio-temporel où s'est déroulé le songe et cet immortel instant impossible par l'absolu de
son caractère» 90 .

85 ibid.
86 Beauchemin (N.), art. cit., P· 238.
87 Beauchemin art. cit., P- 239.
(N.),
88 Beauchemin art. cit., P· 239.
(N·),
89 Beauchemin (N.), art. cit., p. 239.
90 Beauchemin (N.), art. cit.,,p. 240.

175
- REPETITION D'UN MEME NIVEAU D'INTENSITE:
L'intensité est une grandeur extrêmement difficile à mesurer et à spécifier;
les définitions généralement adoptées sont vagues. Je retiendrai ici la définition
de G. Faure qui présente l'intensité comme:
la puissance sonore liée à la force expiratoire et qui se mesurera, sur le plan auditif, en
décibels 91 .

La notion de sortie a été mise au point pour traduire, en fonction de la fré-


quence, l'intensité acoustique sur le plan subjectif; elle est définie comme suit:
La sortie est le caractère subjectif d'un son qui détermine la grandeur de la sensation
auditive produite par ce son. Elle s'exprime (en dB) pour une onde plane:
S = 20 logio P/Po;
on utilise comme unité le sorte92.

La répétition d'un même niveau d'intensité peut se réaliser de différentes


manières:
- le niveau d'intensité reste le même d'une syllabe à l'autre d'un groupe ryth-
mique ou syntaxique (courbe d'intensité régulière);
- la courbe d'intensité présente des variations d'amplitude très semblables;
- une courbe d'intensité régulière subit, à intervalles réguliers, de brusques va-
riations d'amplitude.
Dans l'exemple qui sera retenu ici, les deux lectures du Pont Mirabeau, seuls
les deux premiers cas se présentent; P. R. Léon et R. A. Baligand n'ont pas
constaté, en effet, de brusques variations du niveau d'intensité.
si - comme on l'a déjà noté - l'intensité a relativement peu d'importance en français,
en tant que marque délimitative ou rythmique de la prose parlée - elle semble en avoir
encore moins dans la diction de la poésie lyrique. Les variations d'intensité sont ici de
très faible importance; la majorité des différences (80%) se situe entre 0 et 1 db 93 .

Pour le premier cas (courbe d'intensité régulière), on peut relever, chez


Apollinaire, le second vers de RI (13,5-13,5-14-13,5-13,5-13,5-13,5-(9)), le
troisième vers de la strophe II (17-17-17-17-17-17-(9) ), le deuxième vers de la
strophe III (17-16-17-17); chez Chamarat, la première proposition (Vienne la
nuit) du premier vers de RIII (17-17-17-17,2); et chez Apollinaire et Chama-
rat, le deuxième vers de la strophe IV (Apollinaire: 15,7-15,7-15,7-16; Cha-
marat: 17-17-17-19).
Pour le deuxième cas (la courbe d'intensité présente des variations sembla-
bles), on peut retenir, chez Apollinaire, le premier vers de RI (18-17-
17-18-17-17-19-(13,5)); pour Chamarat, le premier vers de RII (13,5-
15,7-17-17-15,7-13,5-13,5), tandis que le premier vers de la strophe II marque

91
Faure (G.), lors de la discussion qui a suivi l'exposé de Y. Le Hir, dans Le vers français
au XXe siècle, p. 79.
92
Piraux (H.), Dictionnaire général d'acoustique et d'électroacoustique, Paris, Editions
Eyrolles, 1964, v° sonie, p. 263.
93
Léon (P. R.) et Baligand (R. Α.), art. cit., p. 94.

176
la s y n t h è s e des deux premiers cas (16,5-19,2-19,7-19,7-19,2-17-17-17-17-
(15,7)).

- REPETITION D E LA H A U T E U R MELODIQUE:
L e locuteur (Apollinaire o u Chamarat) pourrait tirer des e f f e t s m é l o d i q u e s
de la distribution, dans le p o è m e , d e g r o u p e s rythmiques ou syntaxiques pré-
sentant:
- u n e hauteur m é l o d i q u e constante d e syllabe à syllabe;
- d e s variations très semblables de hauteur m é l o d i q u e ;
- ou e n c o r e , d e brusques variations d e hauteur intervenant à intervalles régu-
liers.
Mais, e n fait, P. R. L é o n et R. A . Baligand sont bien forcés d e reconnaître
que la hauteur, tout c o m m e l'intensité, j o u e un rôle très p e u important:

les variations de hauteur, bien plus nuancées chez Apollinaire, sont dans le cas des
deux interprètes relativement peu importantes; (...) elles peuvent être totalement in-
existantes chez Chamarat pendant de longues séquences 9 4 .

Et les auteurs d e rappeler l'opinion d ' A . Spire à p r o p o s de la lecture du Pont


Mirabeau par Apollinaire:

J'ai eu l'impression de monotonie analogue à celle de la récitation en vers de certaines


mélodies enfantines 9 5 .

P. R. L é o n et R. A . Baligand poursuivent:

Jean Cohen remarque également à ce sujet: dès qu'on arrive au poème lyrique, c'est-
à-dire au poème purement poétique, le rapport se renverse. La diction doit se faire
inexpressive. C'est bien le cas dans les deux interprétations auxquelles on a affaire ici:
diction dépourvue d'effets intonatoires confiant presqu'entièrement le message musi-
cal du poème au seul rythme 9 6 .

Les conclusions de P. R. L é o n et R . A . Baligand concernant ces trois derniers


paramètres: intensité, d u r é e et hauteur m é l o d i q u e , sont les suivantes:

Si l'on voulait établir une hiérarchie - ou tout au moins des catégories - entre les trois
paramètres acoustiques considérés, on serait tenté de dire que, pour la perception du
message poétique en français:
1. l'intensité joue un rôle mécanique secondaire et conditionné par la structure pho-
nématique de la langue 9 7 , 2. la durée prend le rôle essentiel non pas tant comme mar-
que «démarcative» - au sens où l'entend Martinet - mais surtout comme signe perti-
nent du rythme poétique, 3. l'intonation qui a normalement un rôle important pour la
transmission des fonctions distinctives peut disparaître dans le type de diction plane, à
la mode depuis la fin du XIXe siècle 98 .

94
Léon (P. R.) et Baligand (R. Α.), art. cit., p. 95.
95
ibid.
96
ibid.
97
U n e augmentation de l'intensité peut correspondre à une syllabe longue et/ou à une
voyelle ouverte.
98
Léon (P. R.) et Baligand (R. Α.), art. cit., p. 101.

177
- Les paramètres que sont:
• le TIMBRE ou «qualité vocalique» 99 , défini par J. Marouzeau comme:
Qualité spécifique du son, qui nous permet, indépendamment de la hauteur, de l'in-
tensité, de la durée, de distinguer par exemple une note de flûte d'une note de clairon,
un a, d'un o, un e ouvert, d'un e fermé, etc. Les nuances de timbre des voyelles sont
fonction des modifications subies par le résonateur que constitue l'appareil vocal, en
particulier du point d'articulation et du degré d'aperture 100 ,

• et le DEBIT SYLLABIQUE ou tempo, défini par P. Wunderli comme:


Frequenz bestimmter segmentaler Einheiten pro Zeiteinheit 101 - l'unité de temps
pouvant être la seconde ou la minute,

peuvent également fournir les matériaux d'une répétition suprasegmentale.

Convergence
Les différentes rubriques qui viennent d'être distinguées au sein de la répétition
suprasegmentale ont, en fait, un caractère artificiel dans la mesure où, pour la
commodité de l'exposé, j'isole de façon totalement arbitraire des faits dont les
chercheurs s'accordent à reconnaître l'interdépendance.
La durée d'une séquence, par exemple, est fonction du débit syllabique et,
même dans le cas où celui-ci reste constant, elle dépend du nombre de syllabes
que comporte la séquence, mais aussi de la structure de celles-ci (la durée varie
selon qu'il s'agit de syllabes ouvertes ou de syllabes fermées, selon qu'il y a ou
non accumulation de consonnes, etc.).
Dans le domaine de l'accentuation, P. R. Léon remarque que la «proémi-
nence accentuelle qui signale la fin de groupe rythmique est le plus souvent
marquée par un changement intonatif [i.e. de hauteur], accompagnant une mo-
dification d'intensité et de durée» 102 . Quant à l'accent d'insistance, il est -
comme le dit P. Wunderli - marqué par les paramètres prosodiques normaux:
hauteur, intensité, durée et/ou pause; auxquels viennent encore s'ajouter,
comme variables spécifiques, l'aspiration et l'allongement (ou l'intensification)
des consonnes initiales de la syllabe touchée, ainsi que le coup de glotte 103 .
La présence, au sein du même énoncé, de deux ou plusieurs phrases exclama-
tives entraîne automatiquement la réapparition, dans cet énoncé, de la courbe
d'intonation exclamative (réapparition conjointe de la courbe de hauteur et de
la courbe d'intensité caractéristiques de l'exclamation).

99
Cf. P. Wunderli, Französische Intonationsforschung, e.a., p. 79: «die Vokalqualität
(Timbre) ».
100
Marouzeau (J.), Lexique de la terminologie linguistique; français, allemand, anglais,
italien, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 2e éd. augmentée et mise à jour,
1961, v° timbre.
101
P. Wunderli, Französische Intonationsforschung, p. 80: P. Wunderli donne à ce para-
mètre le nom de tempo.
102
P. Wunderli, Französische Intonationsforschung, p. 178.
103
P. Wunderli, Französische Intonationsforschung, p. 337.

178
Q u e le schéma mélodique d'un groupe rythmique, d'un groupe syntaxique,
ou plus généralement d'un énoncé repose toujours sur une combinaison de dif-
férents paramètres (tous les paramètres n'interviennent pas nécessairement en
même temps, comme le signale notamment P. Wunderli 1 0 4 ), dont il faut rendre
compte dans l'analyse, c'est ce qui ressort, entre autres, de l'analyse du Pont
Mirabeau faite par P. R. Léon et R. A. Baligand. En effet, dans la description
qu'ils donnent de chaque vers, les auteurs font toujours intervenir les paramè-
tres primaires de la durée (des syllabes, mais aussi de la pause), de l'intensité et
de la hauteur; tandis qu'une comparaison est également établie entre le débit
syllabique des deux lecteurs.
L'interdépendance des faits suprasegmentaux est d'ailleurs apparue très tôt
dans cet exposé. On a vu, en effet, que l'isosyllabisme pouvait avoir pour con-
séquence la réapparition, à intervalles réguliers, de la pause et/ou de l'accent. Il
est donc possible qu'au sein de deux ou plusieurs groupes rythmiques ou synta-
xiques, il y ait convergence entre la répétition syllabique, la répétition de la
pause et la répétition accentuelle: dans la lecture du Pont Mirabeau donnée par
Apollinaire, c'est le cas de RI, RII et RIII (dans les strophes I et II, il y a con-
vergence de la répétition syllabique et de la répétition de la pause; tandis que
l'intervention d'un accent d'insistance empêche la réalisation de la répétition
accentuelle); dans la lecture de Chamarat, c'est le cas de RII.
Il ressort de ce qui précède que le phénomène de la convergence joue un rôle
non négligeable dans le domaine suprasegmental et, par voie de conséquence,
dans celui des répétitions suprasegmentales.

Mais ce phénomène de convergence n'est pas limité à la seule répétition su-


prasegmentale. Il peut également y avoir rencontre d'une ou de plusieurs espè-
ces de répétition suprasegmentale avec une ou plusieurs espèces appartenant
aux catégories relevées précédemment.

(a) C'est ainsi que l'on voit souvent converger la répétition suprasegmentale
et la répétition typographique.
- Tel est le cas de la R E P E T I T I O N V O L U M I Q U E (REPETITION D E VO-
LUMES TEXTUELS), qui consiste en la réapparition d'unités textuelles de
même volume: phrases ou paragraphes comportant un même nombre de lignes,
chapitres regroupant un même nombre de pages, strophes comptant un même
nombre de vers; ou, dans le cas de la poésie de Saint-John Perse par exemple,
versets comportant un même nombre de lignes, laisses groupant un même
nombre de versets, etc.
Dans A M E R S de Saint-John Perse, on voit apparaître une tirade constituée
de 4 laisses comptant chacune 4 lignes (SJP., Pl., p. 348):

KM Ρ Wunderli, Französische Intonationsforschung, p. 81.

179
«... Celle qui s'épanche à mon épaule gauche et remplit
l'anse de mon bras, gerbe odorante et lâche, non liée
(et très soyeuse fut l'histoire, à mon toucher, de ces
tempes heureuses),
«Celle qui repose sur sa hanche droite, la face close
contre moi (et de grands vases ainsi voyagent, sur
leur affût d'un bois très tendre et sur leur selle
de feutre blanc),
«Celle qui s'anime dans le songe contre la montée
des ombres (et j'ai tendu le tendelet contre l'embrun
de mer et la rosée nocturne, la voile est éventée
vers le plus clair des eaux),
«Celle-là, plus douce que douceur au coeur de l'homme
sans alliance, m'est charge, ô femme, plus légère
que chargement d'épices, d'aromates - semence très
précieuse et fret incorruptible au vaisseau de mes bras ...»

La conséquence de cette identité des volumes est que la pause qui marque la
fin de chaque laisse (indiquée par le blanc typographique) réapparaît à interval-
les réguliers 105 .
Chaque tirade de la Chanson du Présomptif (SJP., Pl., p. 75) est constituée
de 5 versets couvrant au total 6 lignes. La pause qui marque, cette fois, la fin de
la tirade (indiquée par le blanc et l'astérisque) réapparaît ici encore à intervalles
réguliers 105 .
Dans la Récitation à l'éloge d'une reine (SJP., PL, pp. 57 ss.), chaque suite est
constituée d'une première tirade comportant 7 versets et d'une seconde qui
n'en compte qu'un seul. Il y a donc alternance régulière des silences de fin de ti-
rade et des silences de fin de suite 105 .
Dans la Berceuse (SJP., Pl., pp. 83-84), une répétition volumique parfaite
est assurée sur les deux axes 105 : sur l'axe horizontal, chaque verset comporte 8
syllabes (il y a donc isosyllabisme) et sur l'axe vertical, chaque laisse comporte 5
versets.
Il ressort de ces exemples que la répétition volumique a un aspect visuel, ty-
pographique (il y a identité des surfaces imprimées); mais aussi, sonore (il y a
réapparition régulière des silences 105 ).

- Certains signes typographiques peuvent être l'indice d'un schéma mélodique


particulier et leur réapparition entraîne nécessairement le retour de ce même
schéma mélodique.
Il peut s'agir:
- d'un point d'exclamation, tel celui qui suit chaque fois, entre autres, le subs-
tantif Palmes ! dans Pour fêter une enfance (SJP., Pl., pp. 23—30). Dans cet ex-
emple convergent la répétition typographique (retour du point d'exclamation,
mais aussi de la majuscule à l'initiale du substantif), la répétition suprasegmen-

105
Dans le cas d'une lecture à voix haute (cf. supra, ce qui en a été dit dans le cas de la
poésie de Saint-John Perse): pour autant que le débit reste constant, bien entendu.

180
tale (le point d'exclamation est l'indice d'une intonation exclamative et donc
d'une courbe de hauteur, mais aussi d'une courbe d'intensité particulières; la
réapparition de ces courbes est entraînée automatiquement par celle du point
d'exclamation) et la répétition lexicale (anaphore du substantif).
- d'un point d'interrogation:
ex.: «Faut-il crier? faut-il créer?» (SJP., Pl., p. 366)
«Faut-il crier? faut-il louer?» (SJP., Pl., p. 368)
«Faut-il crier? faut-il prier?» (SJP., Pl., p. 377)
L'exemple montre la convergence de la répétition typographique (retour des
guillemets et du point d'interrogation), de la répétition suprasegmentale (re-
tour de la courbe intonative de la question et donc de la courbe de hauteur et de
la courbe d'intensité qui la caractérisent + répétition syllabique: il y a perma-
nence de l'octosyllabe, tandis que chaque occurrence de la reprise repose
elle-même sur une répétition syllabique intérieure, due à la permanence du té-
trasyllabe), de la répétition lexicale (anaphore Faut-il crier!) ou même lexico-
syntaxique (métavocable - cf. ci-dessous, point (c): faut-il crier? - faut-il créer?
-faut-il louer? - faut-il prier?) et de la répétition phonique (répétition parony-
mique: crier — créer, crier — prier + assonance: prier, crier - louer ou rime: créer
- louer).
*

(b) Il y a fréquemment convergence entre la répétition syllabique 106 et l'un


ou l'autre, ou même plusieurs autres types de répétition rencontrés jusqu'ici:
- Répétition phonique:
ex.: «O fac(e) insigne de la Térr(e),/qu'un cri pour toi sefass(e) enténdr(e),/
dernièr(e) venu(e) dans nos louáng(es)!/» (SJP., Pl., p. 402)
Assonance enténdr(e) - louáng(es) et retour de l'octosyllabe,
ex.: Ah! qu'on nous laisse seulemént/
ce brin de paill(e) entre les dénts!/ (SJP., Séch., p. 3)
Rime seulemént - dénts et retour de l'octosyllabe.
- Répétition lexicale:
ex.: L'oiseau plus vaste sur SON err(e)/voit l'homme libre de SON ombr(e), /
à la limite de SON bien/ (SJP., Pl., Dédicace d'AMERS)
Répétition lexicale isorythmique du possessif son (il occupe chaque fois la 7e
syllabe du groupe) et permanence de l'octosyllabe,
ex.: A VOIX PLUS BASSE pour les morts,/A VOIX PLUS BASSE dans
le jour/ (SJP., Pl., p. 105).

106
Parmi les différentes espèces de répétitions suprasegmentales signalées, seule la répé-
tition syllabique sera envisagée ici. Etant donné l'absence de témoignage de l'auteur
(Saint-John Perse se refusait à toute lecture à voix haute de son oeuvre), il est impos-
sible de se prononcer sur les autres types de répétition suprasegmentale et, même
dans le cas de la répétition syllabique, le traitement qui sera réservé au e caduc, no-
tamment, peut être sujet à discussion; la solution adoptée n'est, en effet, jamais la
seule possible.

181
Anaphore à voix plus basse et permanence de l'octosyllabe.
ex.: «M'ES-TU LE FLEUV(E), / M'ES-TU LA MER? / ou bien LE
FLEUVE dans LA MER?/» (SJP., Pl., p. 347).
Convergence d'une double reprise lexicale (anaphore m'es-tu et reprise des
attributs sous forme d'une répétition avec connexion), et d'une reprise syllabi-
que (présence de deux groupes rythmiques isosyllabiques, puis d'un troisième
groupe proportionnel du simple au double). Le mouvement syllabique est lui-
même une forme expressive du contenu sémantique (S.L.): la fusion des deux
premiers groupes rythmiques (4 + 4) en un octosyllabe apparaît, en effet,
comme la concrétisation textuelle de la fusion, de la confluence réelle du fleuve
et de la mer.
- Répétition syntaxique:
ex.: «Soufflé l'avoir / doublé(e) la mis(e) /» (SJP., Pl., p. 246).
Correspondance terme à terme entre les deux moules syntaxiques en pré-
sence et permanence du tétrasyllabe. Cet exemple correspond parfaitement à la
figure 38 de la rhétorique traditionnelle.
ex.: «L'alternanc(e) est sa loi, / l'ambiguïté son règn(e)/ (SJP., Pl., p. 409)
Deuxième moule tronqué et permanence de l'hexasyllabe.
- Dans le Choeur d'AMERS, l'isosyllabisme est appuyé par de multiples repri-
ses:
ex.: «Mer de Baal, j Mer de Mammon / — Mer de tout âg(e) et de tout nom,/
«O Mer sans âge ni raison, / ô Mer sans hâte ni saison /
«Mer de Baal, et de Dagon /—face première de nos song(es)/
«O Mer promesse de toujours / et Cell(e) qui passe tout(e) promess(e)./
«Mer antérieur(e) à notre chant / — Mer ignorance du futur /
«O Mer mémoir(e) du plus long jour /et comm(e) doué(e) d'insanité /»
(SJP., Pl., p. 365)
Répétition syllabique, répétition phonique (assonance, rime, répétition pa-
ronymique), répétition lexicale (anaphore, distribution répétitive), répétition
syntaxique.
- La reprise de toute une proposition ou de toute une phrase, dont il a été
question lors de l'examen de la répétition lexicale, est simultanément une répé-
tition phonique, une répétition syntaxique, une répétition syllabique et plus gé-
néralement - si la proposition ou la phrase est reprise avec le même contour in-
tonatif - une répétition suprasegmentale. Il en va de même pour la reprise d'un
alinéa, d'un paragraphe ou d'un chapitre (d'un verset, d'une laisse, d'une tira-
de, d'une suite, etc.), toutes reprises qui sont en même temps aussi des répéti-
tions volumiques.
*

(c) En de nombreux passages, Saint-John Perse fait converger reprise lexi-


cale et reprise syntaxique (à l'intérieur de cette dernière, une stricte correspon-
dance terme à terme est maintenue entre les différents moules syntaxiques en
présence); ainsi apparaît un type de reprise très particulier, que l'on pourrait

182
désigner par le terme de METAVOCABLE, et qui consiste à passer d'une
phrase à une autre / d'un membre de phrase à un autre par le simple remplace-
ment d'un (ou de plusieurs) terme(s) par un autre (par d'autres):
ex.: DES enfants COURENT AUX RIVAGES! DES chevaux COURENT
AUX RIVAGES!... (SJP., Pl., p. 49)
ex.: PORTES OUVERTES SUR les sables, PORTES OUVERTES SUR l'exil
(SJP., Pl., p. 123)
ex.: C'est de pierre aujourd'hui qu'il s'agit, et de combler, d'un seul tenant,
l'espace DE PIERRE ENTRE DEUX mers, le temps DE PIERRE
ENTRE DEUX siècles. (SJP., Pl., p. 211)
ex.: LA course EST faite ET N'EST POINT faite; LA chose EST dite, ET
N'EST POINT dite. (SJP., Pl., p. 397)
ex.: BREVE LA vie, BREVE LA course, et la mort nous rançonne!
(SJP., Séch., p. 6)
Parfois, les éléments de modulation montrent une parenté phonique évidente:
ex.: SUR LE miel et SUR LE mil (SJP., Pl., p. 83)
ex.: O VOUS TOUTE présence, O VOUS TOUTE patience!
(SJP., Pl., p. 160)
ex.: HA! OUI, TOUTES CHOSES descellées, HA! OUI, TOUTES CHOSES
lacérées! (SJP., Pl., p. 192)
ex.: Avertissement DU DIEU! Aversion DU DIEU!... (SJP., Pl., p. 211)
ex.: NOS corps QUI SE SONT TANT aimés, NOS coeurs QUI SE SONT
TANT émus... (SJP., Pl., p. 341)
Dans l'exemple suivant, la répétition lexicale pure est relayée par le polypto-
te:
ex.: A PLUS amer VA NOTRE sang, A PLUS sévère VONT NOS soins
(SJP., Noct., p. 2)
*

(d) L'ANTIMETABOLE ou répétition, dans un ordre modifié, des mêmes


termes, tantôt sous forme d'une répétition lexicale pure, tantôt sous forme d'un
polyptote, apparaît elle aussi comme un exemple de convergence.
Elle correspond aux figures 32 et 32' de la première partie, mais la rhétori-
que traditionnelle ne signalait que le changement survenu dans l'ordre des
mots, sans voir que parfois la forme grammaticale des termes variait également
(lorsque la répétition lexicale pure fait place à une répétition polyptotique).
— Répétition lexicale pure, dans les exemples suivants:
ex.: Je l'ai prouvé, prouvé je l'ai (Morier, p. 113).
ex.: Rome est dans notre camp et notre camp dans Rome (Morier, ibid.).
Ce deuxième exemple marque la convergence de la répétition lexicale pure
avec une répétition syntaxique (le second moule est tronqué par rapport au
premier) et une répétition syllabique (retour de l'hexasyllabe).
ex.: Dieu s'use contre l'homme, l'homme s'use contre Dieu
(SJP., Séch., p. 7)

183
Cet exemple fait lui aussi apparaître la rencontre d'une répétition lexicale
pure, d'une répétition syntaxique et d' une répétition syllabique (retour de
l'hexasyllabe).
ex.: MISERE DE LA PHILOSOPHIE. Réponse à la PHILOSOPHIE DE
LA MISERE de M. Proudhon (K. Marx)
Dans cet exemple, il y a convergence d'une répétition lexicale pure et d'une
répétition syntaxique (même moule A de B).
— Répétition lexicale pure et polyptote, dans les exemples suivants:
ex.: Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien (Morier, p. 113)
Convergence de la répétition lexicale pure, du polyptote et de la répétition
syllabique (retour de l'hexasyllabe).
ex.: Il avait peur de tout, tout avait peur de lui (Morier, ibid.)
Convergence de la répétition lexicale pure, du polyptote, de la répétition syn-
taxique (correspondance terme à terme entre les deux moules) et de la répéti-
tion syllabique (retour de l'hexasyllabe).
*

(e) Le phénomène de convergence se manifeste également au niveau des


poèmes à forme fixe (i. e. des poèmes «qui sont composés selon un schéma dé-
terminé qui embrasse le poème entier» 107 ).
C'est le cas, par exemple, du SONNET (pour prendre un exemple de poème
à forme fixe qui est redevenu à la mode dans la seconde moitié du XIXe siècle
et qui sera utilisé notamment par Baudelaire, Mallarmé, Verlaine et Valéry),
dont W. Th. Elwert a fourni une description détaillée dans son Traité de versifi-
cation française des origines à nos jours108.
- Si l'on se réfère à l'exemple qui suit (sonnet régulier, du type ab b a ab b a
c c d e e d, en alexandrins):
PIERROT
Ce n'est plus le rêveur lunaire du vieil air
Qui riait aux aïeux dans les dessus de porte;
Sa gaité, comme sa chandelle, hélas! est morte,
Et son spectre aujourd'hui nous hante, mince et clair.
Et voici que parmi l'effroi d'un long éclair
Sa pâle blouse a l'air, au vent froid qui l'emporte,
D'un linceul, et sa bouche est béante, de sorte
Qu'il semble hurler sous les morsures du ver.
Avec le bruit d'un vol d'oiseaux de nuit qui passe,
Ses manches blanches font vaguement par l'espace
Des signes fous auxquels personne ne répond.
Ses yeux sont deux grands trous où rampe du phosphore
Et la farine rend plus effroyable encore
Sa face exsangue au nez pointu de moribond.
(Verlaine, Jadis et Naguère, Pl., pp. 3 2 0 - 3 2 1 )

107
Elwert, p. 169.
108
Elwert, pp. 1 7 8 - 1 7 9 .

184
on constate que le poème repose sur la convergence de la répétition volumi-
que 109 (retour du quatrain, puis du tercet), de la répétition syllabique (perma-
nence de l'alexandrin), de la répétition typographique (réapparition de la ma-
juscule au début de chaque vers et retour du blanc typographique: horizonta-
lement, après chaque groupe de 12 syllabes; verticalement, deux fois après un
groupe de 4 vers, puis deux fois après un groupe de 3 vers) et de la répétition
phonique (rime).
- L'exemple suivant, fourni par W. Th. Elwert («allégement de la forme au
XIXe siècle, a b b a c d d c e f e f g g, vers de neuf syllabes») 110
VENDANGES
Les choses qui chantent dans la tête
Alors que la mémoire est absente,
Ecoutez, c'est notre sang qui chante ...
O musique lointaine et discrète!
Ecoutez! c'est notre sang qui pleure
Alors que notre âme s'est enfuie,
D'une voix jusqu'alors inouïe
Et qui va se taire tout à l'heure.
Frère du sang de la vigne rose,
Frère du vin de la veine noire,
O vin, ô sang, c'est l'apothéose!
Chantez, pleurez! Chassez la mémoire
Et chassez l'âme, et jusqu'aux ténèbres
Magnétisez nos pauvres vertèbres
(Verlaine, Jadis et Naguère; dans Elwert, p. 181)

fait lui aussi apparaître la convergence de la répétition volumique 109 (retour du


quatrain, puis du tercet), de la répétition syllabique (permanence de l'ennéasyl-
labe), de la répétition typographique (réapparition de la majuscule en tête de
vers et retour du blanc typographique: horizontalement, après chaque groupe
de 9 syllabes; verticalement, deux fois après un groupe de 4 vers, puis deux fois
après un groupe de 3 vers) et de la répétition phonique (rime).
- Enfin, un dernier exemple, emprunté également à Elwert ( «sonnet shakes-
pearien, ab ab c d c d e f e f g g, octosyllabes» 11
Tout à coup et comme par jeu
Mademoiselle qui voulûtes
Ouïr se révéler un peu
Le bois de mes diverses flûtes
Il me semble que cet essai
Tenté devant un paysage
A du bon quand je le cessai
Pour vous regarder au visage

109
Dans le cas d'une lecture à voix haute: pour autant que le débit reste constant, bien
entendu.
110
Elwert, p. 181.
111
Elwert, p. 181.

185
Oui ce vain souffle que j'exclus
Jusqu'à la dernière limite
Selon mes quelques doigts perclus
Manque dé moyens s'il imite
Votre très naturel et clair
Rire d'enfant qui charme l'air
(Mallarmé, Feuillets d'Album, dans Elwert, pp. 181-182).

marque, une nouvelle fois, la convergence de la répétition volumique 1 1 2 (per-


manence du quatrain, à l'exception de la strophe finale), de la répétition sylla-
bique (permanence de l'octosyllabe), de la répétition typographique (réappari-
tion de la majuscule au début du vers et retour du blanc typographique: hori-
zontalement, après chaque groupe de 8 syllabes et verticalement, trois fois
après un groupe de 4 vers, puis une fois après un groupe de 2 vers) et de la ré-
pétition phonique.
C'est le cas également du R O N D E A U , qui a été redécouvert au X I X e siècle
et utilisé notamment par Mallarmé. Voici les caractères essentiels que donne
W . Th. Elwert de la f o r m e «qui prévaut vers le milieu du X V I e siècle et devient
la forme classique»:

La première et la dernière strophe comptent 5 décasyllabes, à rimes embrassées, la


strophe centrale trois vers; celle-ci et la strophe finale se terminent par le rentrement
[«on appelle rentrement le début du premier vers servant de refrain»] tétrasyllabique
(et de ce fait sont hétéromètres): a a b b a a ab R a a b b a Rnî.

— f o r m e fixe définitive

Ma foy, c'est fait de moi, car Isabeau


M'a conjuré de luy faire un Rondeau.
Cela me met en une peine extresme.
Quoi treize vers, huit en EAU, cinq en ES ME;
Je luy ferois aussi-tost un bateau.
En voilà cinq pourtant en un morceau.
Faisons en huit, en invoquant Brodeau,
Et puis mettons, par quelque stratagème:
Ma foy, c'est fait!
Si je pouvois encor de mon cerveau
Tirer cinq vers, l'ouvrage serait beau.
Mais cependant, je suis dedans l'onzième,
Et si je crois que je fais le douzième,
En voilà trèze ajustez au niveau.
Ma foy c'est fait.
(Voiture, Rondeaux, 23; dans Elwert, p. 172)

Cet exemple fait apparaître que le rondeau, dans sa f o r m e classique, repose


sur la convergence de la répétition syllabique (la première strophe, les trois
premiers vers de la deuxième et les cinq premiers vers de la dernière sont cons-
titués de décasyllabes; quant au rentrement qui suit la strophe centrale et la

112 Cf. ce qui a été dit précédemment, dans le cas d'une lecture à voix haute.
113 Elwert, p. 171.

186
Strophe finale, il comporte chaque fois 4 syllabes), de la répétition typographi-
que (réapparition de la majuscule au début de chaque vers, tandis que le retour
du blanc typographique est moins régulier que dans les exemples précédents:
horizontalement, il réapparaît tantôt après des groupes de 10 syllabes, tantôt
après des groupes de 4 syllabes; verticalement, il réapparaît après des groupes
de vers inégaux en volume, mais assez proches cependant: 5 vers, 4 vers, 6
vers), de la répétition phonique (rime) et de la répétition lexicale (refrain).
- l'une des formes que revêt le rondeau chez Mallarmé:

RONDEL II
Si tu veux nous nous aimerons
Avec tes lèvres sans le dire
Cette rose ne l'interromps
Qu'à verser un silence pire
Jamais de chants ne lancent prompts
Le scintillement du sourire
Si tu veux nous nous aimerons
Avec tes lèvres sans le dire
Muet muet entre les ronds
Sylphe dans la pourpre d'empire
Un baiser flambant se déchire
Jusqu'aux pointes des ailerons
Si tu veux nous nous aimerons
(Mallarmé, Feuillets d'Album, Pl., p. 62).

Il y a ici convergence de la répétition volumique 114 (la première et la deu-


xième strophe comportent chacune 4 vers), de la répétition syllabique (perma-
nence de l'octosyllabe), de la répétition typographique (réapparition de la ma-
juscule en tête de vers, tandis que le retour du blanc typographique est, à nou-
veau, plus régulier: horizontalement, il réapparaît après des groupes de 8 sylla-
bes; verticalement, après 2 groupes de 4 vers, puis après un groupe de 5 vers),
de la répétition phonique (rime) et de la répétition lexicale (refrain: on passe de
la reprise de deux vers, dans la deuxième strophe, à celle d'un seul vers, dans la
dernière).

Il va de soi que le phénomène de la convergence, qui vient d'être évoqué


dans ces quelques pages, n'est pas limité à la répétition formelle, mais qu'il se
manifeste aussi entre variantes de la répétition sémantique et même entre répé-
tition formelle et répétition sémantique, puisque c'est précisément la conver-
gence de ces deux types de reprise qui donne naissance à la répétition morpho-
sémantique.

114
Cf. ce qui a été dit précédemment, dans le cas d'une lecture à voix haute.

187
Β. Répétition sémantique
La répétition sémantique recourt essentiellement à la reprise d'un noyau sémi-
co-connotatif - soit totale (répétition synonymique), soit partielle (répétition
fondée sur la superposition de sens) — à celle d'un thème (répétition thémati-
que), ou encore à celle d'un réfèrent plus complexe (mise en abyme) - cette
dernière modalité nous fait quitter le domaine de la poésie pour celui du récit,
en même temps qu'elle met en lumière de nouvelles modalités de répétition
sémantique qui semblent relever essentiellement du domaine romanesque.
La filiation est difficile à établir entre ces différentes espèces de répétition et
les figures de répétition sémantique rencontrées dans la première partie: la des-
cription de ces figures par la rhétorique est, on l'a vu, très sommaire; qui plus
est, les auteurs n'établissent pas de distinction entre répétition synonymique et
répétition fondée sur la superposition de sens, comme l'a fait apparaître l'exa-
men des figures 40 et 41. Quant à la répétition thématique et à la mise en aby-
me, les auteurs n'en parlent pas (dans le cas de la seconde, ceci n'a rien d'éton-
nant, puisque l'on fait traditionnellement remonter le procédé à A. Gide).

1. Répétition synonymique

La répétition synonymique consiste dans la présence, au sein du discours, de


deux ou plusieurs unités lexicales en relation de synonymie (S.L.).
Deux ou plusieurs unités lexicales sont dites en relation de synonymie (S.L.),
si elles sont senties comme équivalentes pour le locuteur, tantôt en toute situa-
tion (synonymie linguistique), tantôt dans une situation ou un contexte donnés
(synonymie situationnelle)1.
- REPETITION SYNONYMIQUE PAR EXPLOITATION DE LA SY-
NONYMIE LINGUISTIQUE (ou SEMANTIQUE) 2 :
Elle consiste dans la présence, au sein du discours, de deux ou plusieurs uni-
tés lexicales en relation de synonymie linguistique.
Dans un environnement linguistique donné, deux ou plusieurs unités lexica-
les sont dites en relation de synonymie linguistique si elles ont le même sens dé-
notatif (c'est-à-dire, si leur noyau sémique est identique) et la même valeur
connotative; de sorte que, pour tout locuteur et en toute situation, la substitu-
tion d'une unité à l'autre (d'une unité à une autre) n'entraîne aucune altération
du message3.

1
L'adjectif situationnelle est pris, ici, dans un sens large: la synonymie situationnelle re-
lève avant tout du domaine de l'oral, mais elle se rencontre aussi dans le domaine de
l'écrit (le contexte).
2
La distinction entre synonymie linguistique (ou sémantique) et synonymie situationnelle
(ou pragmatique) est inspirée de celle que R. Martin établit entre paraphrase linguisti-
que (ou sémantique) et paraphrase situationnelle (ou pragmatique)·, cf. R. Martin, In-
fér., pp. 8 0 - 8 7 .
3
Pour le choix de cette définition, de nature sémique, de la synonymie linguistique: cf.
Frédéric (M.), Anaphore et synonymie: deux cas d'interférence entre rhétorique, gram-

188
La synonymie linguistique telle qu'elle est définie ici correspond au deuxième
type relevé par R. Martin dans son essai de typologie des relations synonymi-
ques 4 :
« = D E N O T / = C O N N Û T / * TOT: synonymie absolue, mais non totale,
c'est-à-dire limitée à certains environnements».
Quant au premier type: = D E N O T / = C O N N O T / = TOT (synonymie à la
fois absolue et totale), s'il n'apparaît pas ici c'est parce que, ainsi que R. Martin
nous le dit lui-même, son existence est contestée par les linguistes. H. M. Gau-
ger, notamment, écrit à ce sujet:
«En comparant les contenus des mots dits synonymes, on découvre toujours entre eux
des différences plus ou moins marquées, quoique souvent difficilement exprimables.
Jusqu'ici, personne (...) n'a fourni un exemple convaincant de parfaite identité de con-
tenu. Il semble n'exister de synonymes parfaits que dans le domaine des langages
techniques; dans les langues naturelles, les langues qui se sont formées historique-
ment, on n'en trouve pas5».
«La complète identité de contenu est un phénomène de la parole (performance), elle
n'est pas un phénomène de la langue (compétence). Dans la langue, il n'y a que la simi-
litude qui peut être plus ou moins grande. (...). La langue n'a pas besoin de mots aux
sens absolument identiques (...), parce qu'elle a toujours la possibilité de créer, grâce
au contexte non synonymique6, une identité totale de contenu dans ses énoncés»7.
« (...) la synonymie (...) définie (...) comme similitude des contenus (...) n'apparaît
pas dans la langue, mais seulement dans la parole, dans des conditions spécifiques»8.

Les unités synonymiques en présence dans la répétition peuvent être:


- des mots:
ex.: O Maia, (...) CONCILIATRICE et MEDIATRICE entre toutes factions
terrestres (SJP., Séch., p. 3)°
ex.: La MENADE affolée par le tambour! au cri perçant du fifre, la BAC-
CHANTE roidie dans le dieu tonnant! (Cl., p. 231) 1 0
Dans le premier exemple, le lien sémantique qui rapproche les unités en pré-
sence (conciliatrice — médiatrice) se double d'un lien phonique (répétition paro-

maire, sémantique et/ou logique, communication au colloque Grammaire, rhétorique et


logique, Université de Provence, 7 - 9 mai 1981, texte à paraître dans les Actes.
4
R. Martin, Infér., pp. 115-116.
5
Gauger (H. M.), Apport au problème de la synonymie, dans Μετα, t. 15, n° 3, sept.
1970, pp. 148-149.
6
i.e. le contexte dans lequel les synonymes «ne sont pas thématisés selon leur ressem-
blance et leur diversité» (H. M. Gauger, op. cit., p. 151).
7
H. M. Gauger, op. cit., p. 158.
8
H. M. Gauger, op. cit., p. 158.
9
Robert: «conciliateur, trice: Celui, celle, qui s'efforce de concilier [mettre d'accord,
amener à s'entendre] les personnes entre elles. V. arbitre, médiateur. »
«médiateur, trice: Celui, celle qui s'entremet pour effectuer un accommodement, un
accord, entre deux ou plusieurs personnes, deux ou plusieurs partis. V. arbitre, conci-
liateur, etc.».
10
Robert: «bacchante: Antiq. Prêtresse de Bacchus, femme qui célébrait les Bacchana-
les.»
«ménade: Antiq. Bacchante.»

189
nymique); nous sommes donc en présence d'un nouvel exemple de reprise
morpho-sémantique.
- deux ou plusieurs groupes de mots:
ex.: Ce jour qui est le sixième, celui qui précède le sabbat et qui suit les cinq
premiers (Cl., p. 287)
ex.: (Strophe 3, vers 1). Les wagons filent en silence
(Strophe 4, vers 1). Le train glisse sans un murmure (Verl., p. 201)
ex.: «Quand vous aurez fini de me coiffer, j'aurai fini de vous haïr.»
«Quand vous m'aurez coiffé, je vous aurai haïe.» (SJP., Pl., p. 51).
Cet exemple, qui contient des paronymes présentant un lien sémantique (les
deux paires polyptotiques coiffer - coiffé et haïr — haïe), apparaît comme un
nouvel exemple de répétition morpho-sémantique.
Avant de conclure, j'ajouterais que si l'on voulait rétablir la filiation entre ce
premier type de répétition sémantique et les figures de la rhétorique tradition-
nelle, il correspondrait à la figure 40; mais aussi, partiellement du moins, à «la
figure» (qui en fait en recouvre deux) 41: si dans ce dernier cas la correspon-
dance n'est que partielle, c'est - on s'en souvient - parce que le premier exem-
ple ά'έπιμονή (ex. 159) marquait la rencontre de la répétition synonymique et
de la répétition fondée sur la superposition de sens; il correspondrait enfin, par-
tiellement toujours, à la figure 43 et, plus précisément, à la tautologie telle
qu'elle est définie par Phoïbammon, Aquila Romanus et Martianus Capella.
Mais, de toute façon, quel que soit le degré de filiation que l'on puisse établir
entre ce premier type et les figures précitées, cette filiation est à considérer avec
toutes les réserves dues au fait que les auteurs de traités ne se prononcent ja-
mais sur la nature exacte du lien sémantique unissant les divers constituants de
la reprise.

- REPETITION SYNONYMIQUE PAR EXPLOITAT!ON DE LA SY-


NONYMIE SITUATIONNELLE (ou PRAGMATIQUE):
Elle consiste dans la présence, au sein du discours, de deux ou plusieurs uni-
tés lexicales en relation de synonymie situationnelle.
Je reprendrai ici l'analyse de R. Martin (avec l'une ou l'autre modification
d'ordre terminologique) ou du moins, j'en rappellerai les grandes lignes11.
Toutefois, l'analyse de R. Martin porte sur la synonymie situationnelle et non
sur la répétition synonymique par exploitation de la synonymie situationnelle.
C'est pourquoi, je serai amenée dans un premier temps à définir la synonymie
situationnelle (plus exactement, à rappeler la définition qu'en donne R. Martin)
et ce n'est qu'ensuite que je passerai à l'examen de la répétition synonymique
qui l'exploite. Rien de différent par rapport à ce qui s'est fait pour la répétition
synonymique par exploitation de la synonymie linguistique? Si, car dans cette
précédente analyse, le passage de la synonymie linguistique à la répétition sy-
nonymique qui l'exploitait était immédiat, il se faisait sans difficulté; alors qu'il

11
Pour plus de détails: cf. R. Martin, Infér., pp. 8 0 - 8 4 .

190
existe, on le verra, un fossé assez net entre la synonymie situationnelle et la ré-
pétition qui l'exploite.

(a) Synonymie situationnelle:


1. Pj est en relation de synonymie situationnelle avec Pi «si, dans une situation
donnée, Pj se réfère à la même intention que Pi. Ainsi, il y a du courant d'air
peut renvoyer à 'je veux que l'on ferme la fenêtre', aussi bien que la phrase
Fermez la porte [sic! la fenêtre], s.v.p. La relation entre le courant d'air et la
fermeture de la fenêtre est une donnée d'expérience, indépendante de la
langue, mais commune à un grand nombre de personnes, de telle sorte que
deux phrases de sens distinct peuvent (...), grâce à une expérience d'univers
commune,» 12 être senties comme étant en relation de synonymie situationnelle.
«On observera que l'intention du locuteur peut être réelle: mais qu'il se peut
aussi que l'interlocuteur la lui attribue à tort. Le «sens situationnel» ou «prag-
matique» est un sens interprétatif dont la responsabilité incombe à l'interlocu-
teur seul. Ainsi la phrase il y a du courant d'air, agissant comme stimulus, peut
entraîner cette réaction que l'interlocuteur aille fermer la fenêtre, alors que le
locuteur souhaitait peut-être remettre sa veste ou quitter la pièce .,.» 13 .
2. Pj est en relation de synonymie situationnelle avec Pi «si, dans une situa-
tion donnée, Pj renvoie aux mêmes faits ou aux mêmes événements d'univers
que Pi. Ainsi:
Le Général s'est retiré définitivement en 1969 à Colombey-les-deux-Eglises
peut être équivalent à:
De Gaulle a quitté définitivement le pouvoir après le référendum de 1969.
Ou bien:
Le vainqueur d'Ièna est mort en 1821» <—> Le vaincu de Waterloo est mort en
1821»u.
3. Pj est en relation de synonymie situationnelle avec Pi «si • (Pj Pi) et si,
dans une situation donnée, les arguments de Pj sont les mêmes que les argu-
ments de Pi, c'est-à-dire si leur référence est identique. Soit Pj = Prenez ce siè-
ge. Pj est pragmatiquement équivalent à Pi (Pi = Prenez cette chaise), si le déic-
tique (ce/cette) a même référence. Pj et Pi se trouvent, linguistiquement, en re-
lation d'implication converse; elles ne deviennent des [phrases synonymiques]
qu'à la faveur d'une situation où les arguments renvoient aux mêmes objets.
Autre exemple:
Px: L'architecte a décidé de ...
Py: L'architecte des Monuments historiques a décidé de ...
Px et Py sont en relation d'implication converse: • (Px <— Py). Si l'article le de
Px et l'article le de Py sont coréférents, alors (Px <—> Py). De même pour Pz et
Px, où Pz — Il a décidé de ...»15.
12
R. Martin, Infér., p. 82.
13
R. Martin, Infér., p. 82.
14
R. Martin, Infér., p. 82.
15
R. Martin, Infér., pp. 8 2 - 8 3 .

191
(b) Répétition synonymique par exploitation de la synonymie situationnelle:

Ce dernier exemple fait apparaître le fossé qui existe entre synonymie situa-
tionnelle et répétition synonymique par exploitation de la synonymie situation-
nelle.
En effet, les énoncés: L'architecte des Monuments historiques a décidé de ...
et II a décidé de ... apparaissent comme un nouvel exemple de la coréférence
simple, examinée précédemment. Si l'on considère les trois énoncés:
Px: L'architecte a décidé de ...
Py: L'architecte des M. H. a décidé de ...
Pz: Il a décidé de ...
et que l'on suppose que le locuteur désire émettre l'énoncé A a décidé de ..., il
peut avoir en tête, au moment où il construit son énoncé, les trois unités lexica-
les: l'architecte, l'architecte des M. H., et il. Au niveau paradigmatique, ces trois
unités sont en relation de synonymie situationnelle. Par contre, après qu'il a
choisi l'une des trois unités (par exemple, l'architecte) et qu'il a formulé l'énon-
cé: L'architecte a décidé de ..., au niveau syntagmatique, il n'y a nullement ré-
pétition synonymique, puisque seul un des constituants de la relation synony-
mique paradigmatique figure dans l'énoncé. Il n'y a pas répétition synonymique
situationnelle, ce qui n'empêche pas l'unité lexicale l'architecte d'être toujours
en relation de synonymie situationnelle avec les unités l'architecte des M. H. et
il·, dans ce cas, il y a donc relation de synonymie situationnelle, mais il n'y a pas
répétition synonymique.
De toute façon, nous avons vu que, même dans le cas où les unités en relation
de coréférence simple étaient présentes simultanément dans le discours (avec
ce que le terme de coréférence simple implique concernant la distribution des
constituants) - par exemple, si le locuteur émet l'énoncé suivant: J'en ai parlé à
L'ARCHITECTE DES M. H.·, IL a décidé de ..., les différences entre coréfé-
rence simple et répétition ne manquaient pas (la répétition - synonymique lin-
guistique, entre autres - va à rencontre du principe d'économie de la langue,
elle est facultative, etc.). Ceci vaut d'ailleurs également pour l'exemple 166 de
la rhétorique traditionnelle, dans la mesure où il rejoint, partiellement du
moins, l'exemple précité: les constituants de la paire ό δείνα στρατηγός — τού-
του y sont, eux aussi, unis par une relation de synonymie situationnelle du troi-
sième type relevé par R. Martin.
La coréférence ne devient véritablement répétition synonymique que dans
les cas de coréférence coexistentielle car la distribution des constituants y est
telle que ceux-ci se font concurrence dans l'énoncé (d'où, il y a entorse - nulle-
ment obligatoire - par rapport au principe d'économie de la langue).
Dans un énoncé comme:
ex.: LE LOUP, IL a mangé l'agneau
il y a non seulement synonymie situationnelle, mais encore répétition synony-
mique. Si ce type d'énoncé a dû être écarté de cette étude, c'est parce que la ré-
pétition synonymique situationnelle n'y était en fait qu'un épiphénomène, pas

192
toujours présent, en regard de la dislocation de la construction (en faisant de ce
type d'énoncé un fait de répétition et rien que cela, on passe sous silence les cas
d'extraposition sans coréférence).
Par contre, dans les énoncés:
ex.: Et que M'a fait à MOI cette Troye où je cours?
ex.: C'est MON papa à MOI.
non seulement les unités lexicales m' - moi d'une part, mon — moi de l'autre
sont en relation de synonymie situationnelle; mais en outre, elles déterminent
une répétition synonymique situationnelle. Dans ces deux énoncés, la coréfé-
rence coexistentielle n'est plus une conséquence de l'extraposition d ' u n élé-
ment, mais elle est recherchée pour elle-même, dans un but d'insistance non
dissimulé.
Cette répétition synonymique situationnelle du troisième type relevé par R.
Martin se retrouve, dans la rhétorique traditionnelle, au travers de deux exem-
ples: l'exemple 164 (fourni par Demandre et Thiébault) bien sûr, puisqu'il n'est
autre que le premier exemple cité ici et l'exemple J'irai moi-même apparaissant
chez Thiébault. Mais, ici encore, les auteurs n'ont pas cherché à cerner avec
précision la nature du lien sémantique unissant les constituants de la reprise, ni
même à distinguer ces deux exemples de ceux dans lesquels le pléonasme nais-
sait d'une reprise partielle du contenu sémantique.
Dans le cas dè la coréférence (qui apparaît comme l'un des cas de synonymie
situationnelle du troisième type), le passage de la synonymie situationnelle à la
répétition synonymique situationnelle ne se fait donc que dans les cas de coré-
férence coexistentielle.
Pour ce qui est des autres exemples de synonymie situationnelle, la définition
de la répétition synonymique S.L. et celle de la répétition synonymique situa-
tionnelle en particulier précisent nettement que, pour qu'il y ait répétition sy-
nonymique, il faut que tous les constituants de la relation de synonymie soient
présents dans le discours.
La phrase: Il y a du courant d'air est en relation de synonymie situationnelle
avec la phrase: Fermez la fenêtre, s'il vous plaît-, mais on ne passera de la rela-
tion de synonymie situationnelle à la répétition synonymique situationnelle que
si l'interlocuteur dit: Il y a du courant d'air ... Fermez la fenêtre, s.v.p. (les
points de suspension pouvant correspondre, par exemple, à une situation dans
laquelle une personne se trouvant juste à côté de la fenêtre ne réagit pas à la
première phrase; dès lors, le locuteur décide de reformuler sa demande autre-
ment).
Il en va de même de tous les autres exemples cités par R. Martin: ils ne don-
neront naissance à une répétition synonymique situationnelle que si tous les
constituants de la relation synonymique situationnelle coexistent dans l'énoncé.
Les exemples qui ont été donnés de la synonymie linguistique ne posaient pas
de problème car les unités synonymes en présence appartenaient chaque fois au
même discours: les unités conciliatrice et médiatrice, par exemple, coexistent
dans la même phrase; il en va de même des phrases Les wagons filent en silence

193
et Le train glisse sans un murmure, qui coexistent dans le même discours; ces
unités synonymes coexistantes déterminent donc, dans chacun de ces deux ex-
emples, une répétition synonymique.
La conclusion qui s'impose dans tous les cas de non-concordance entre syno-
nymie et répétition synonymique est donc que si la répétition synonymique im-
plique nécessairement la présence de la synonymie, par contre, la synonymie
n'implique nullement l'existence d'une répétition synonymique; la répétition
synonymique ne peut exister sans la synonymie, mais la synonymie peut fort
bien exister en dehors de toute répétition synonymique.
La différence commune entre les trois cas de synonymie situationnelle et la
synonymie linguistique est que, dans la synonymie situationnelle, la relation
d'équivalence des éléments en présence - phrases ou constituants - «n'est pos-
sible que dans une situation donnée, pour des interlocuteurs déterminés» 1 6 (ce
qui lui vaut, précisément, son nom de synonymie s i t u a t i o n n e l l e ) . L'expres-
sion «dans une situation donnée» revient d'ailleurs comme un leitmotiv dans la
définition de chacun des trois cas de synonymie situationnelle.
Dans la synonymie linguistique, par contre, la relation d'équivalence existant
entre les éléments en présence - phrases ou constituants, toujours - vaut «pour
tout locuteur et en toute situation» (cette dernière expression se retrouve dans
la définition qui a été donnée, précédemment de la synonymie linguistique et
dans celle que R. Martin donne de la paraphrase [synonymie de phrases] lin-
guistique 17 ).
La synonymie situationnelle et la synonymie linguistique s'opposent donc
comme le provisoire au permanent.
En fait, l'indépendance de la synonymie linguistique vis-à-vis de la situation
est liée à une autre différence existant entre synonymie linguistique et synony-
mie situationnelle.
La synonymie linguistique exploite une parenté sémantique et même séman-
tico-logique, donnée en langue (ce qui lui vaut, précisément, son nom de syno-
nymie l i n g u i s t i q u e ) et existant donc une fois pour toutes, quelle que soit la
situation. Cette parenté est d'ailleurs codifiée dans les dictionnaires de langue,
sous forme de renvoi d'une unité à l'autre 1 8 .
Par contre, la synonymie situationnelle exploite toujours une parenté extra-
linguistique. Dans le premier type, comme le dit R. Martin, «La relation entre
le courant d'air et la fermeture de la fenêtre est une donnée d'expérience, i n -
d é p e n d a n t e d e la l a n g u e (c'est moi qui souligne), mais commune à un

16
R. Martin, Infer., p. 81.
17
Si je remplace le terme paraphrase, retenu par R. Martin, par le syntagme synonymie
linguistique de phrases (synonymie phrastique), c'est pour préserver le caractère uni-
taire de la synonymie linguistique. Celle-ci est en effet un même genre, dont la syno-
nymie de phrases (la «paraphrase», chez R. Martin) et la synonymie de constituants (la
«synonymie», chez R. Martin) sont des espèces.
18
J'ai déjà eu l'occasion d'aborder cette question lors de l'examen de la coréférence; cf.
supra, même partie, pp. 9 1 - 9 2 .

194
grand nombre de personnes» 19 . Cette relation n'est pas codifiée dans les dic-
tionnaires de langue et, qui plus est, elle est loin d'être la seule possible: dans
l'exemple évoqué plus haut, la phrase II y a du courant d'air est en relation de
synonymie situationnelle avec la phrase «Fermez la fenêtre, s.v.p.»; mais,
comme le dit R. Martin, «dans telle autre situation, [Il y a du courant d'air] si-
gnifiera peut-être 'Remets ta veste', ou bien 'Tirez les rideaux', ou (que sais-
je?) 'On se sent mieux', ou encore 'Quittons la pièce .. .' 20 ». Ces deux circons-
tances: absence de toute codification dans le cas de la synonymie situationnelle
et multiplicité d'interprétations possibles pour une même phrase expliquent
d'ailleurs les erreurs d'interprétation évoquées par R. Martin: lorsque l'interlo-
cuteur qui entend la phrase II y a du courant d'air va fermer la fenêtre, alors que
le locuteur souhaitait, par exemple, remettre sa veste, la relation de synonymie
situationnelle qui s'établit, au d é p a r t d ' u n e m ê m e p h r a s e , n'est pas la
même chez l'interlocuteur et chez le locuteur. Ceci ne se produit jamais dans le
cas de la synonymie linguistique car, même si l'on suppose que l'interlocuteur
établisse une relation de synonymie linguistique entre une phrase de départ ρ et
une autre phrase z, alors que le locuteur avait établi, au départ de la même
phrase p, une relation de synonymie linguistique entre ρ et q; en vertu de la
transitivité de la synonymie linguistique21, q et ζ seront également en relation
de synonymie linguistique.
Dans le deuxième type de synonymie situationnelle, les phrases en présence
renvoient, on s'en souvient, «aux mêmes faits ou aux mêmes événements d'uni-
vers» 22 . Il s'agit donc, une nouvelle fois, de données extra-linguistiques. Dès
lors, si l'interlocuteur ignore ces données, il n'établira pas de relation de syno-
nymie situationnelle entre les phrases entre lesquelles le locuteur en établissait
une et il risque, par exemple, de considérer que le vainqueur d'Ièna et le vaincu
de Waterloo sont deux personnes différentes qui sont mortes la même année.
Par contre, dans le cas de la synonymie linguistique existant, par exemple, entre
la phrase Pierre a enlevé son manteau et Pierre a ôté son manteau, l'interlocu-
teur qui ignore le sens précis de ôter pourra en prendre connaissance en se réfé-
rant à un dictionnaire de langue et, du même coup, il prendra conscience de la
relation de synonymie linguistique existant entre les deux phrases ou, plus exac-
tement, entre les constituants enlevé et ôté de ces phrases. Il en prendra d'au-
tant plus facilement conscience qu'il trouvera à l'article consulté, différents
renvois à l'article enlever et que le verbe enlever intervient même dans plusieurs
paraphrases définitoires de ôter23.
19
R. Martin, Infér., p. 82.
20
R. Martin, Infér., p. 81.
21
Pour la transitivité de la relation de synonymie linguistique de trois ou plusieurs phra-
ses (appelée, chez R. Martin, relation de paraphrase linguistique): cf. R. Martin, Infér.,
p. 85.
22
R. Martin, Infér., p. 82.
23
Robert: «ôter: v. tr. (Oster, 1119; lat. obstare «faire obstacle», bas lat. «enlever»)
REM. Oter est d'un emploi moins courant qu'enlever (sauf dans les parlers régionaux).
(...) 2° (Xlle). Enlever (ce qui vêt, couvre, protège). (...) «Tous ces vêtements peuvent

195
D a n s le t r o i s i è m e t y p e d e s y n o n y m i e s i t u a t i o n n e l l e , la r é f é r e n c e des é l é m e n t s
e n p r é s e n c e est i d e n t i q u e . J ' a i d é j à eu l'occasion, lors d e l ' e x a m e n d e la c o r é f é -
r e n c e , d e m o n t r e r ce qui distinguait ce t y p e d e s y n o n y m i e s i t u a t i o n n e l l e d e la
s y n o n y m i e l i n g u i s t i q u e 2 4 ; j e n e r e v i e n d r a i d o n c plus sur ce p o i n t .
Ainsi, en c o n s i d é r a n t les d i f f é r e n c e s qui v i e n n e n t d ' ê t r e é v o q u é e s d a n s ces
q u e l q u e s p a g e s , il est possible d e r é s u m e r l ' o p p o s i t i o n d e n a t u r e e n t r e s y n o n y -
m i e linguistique et s y n o n y m i e s i t u a t i o n n e l l e d e la m a n i è r e suivante: la s y n o n y -
m i e linguistique et la s y n o n y m i e s i t u a t i o n n e l l e s ' o p p o s e n t c o m m e le p e r m a n e n t
a u p r o v i s o i r e (on a vu q u e , d a n s le cas d e la s y n o n y m i e situationnelle d u troi-
s i è m e t y p e , ce côté p r o v i s o i r e d e la r e l a t i o n d e s y n o n y m i e p o u v a i t p a r f o i s ê t r e
e x t r ê m e m e n t p o u s s é : a u sein d u m ê m e é n o n c é , le relatif qui était t o u r à t o u r
s y n o n y m e d e trois s y n t a g m e s d i f f é r e n t s 2 5 ) et c o m m e le linguistique à l ' e x t r a -
linguistique (la s y n o n y m i e linguistique exploite u n e p a r e n t é s é m a n t i c o - l o g i q u e
d o n n é e en l a n g u e et codifiée d a n s les d i c t i o n n a i r e s ; alors q u e la s y n o n y m i e si-
t u a t i o n n e l l e exploite t o u j o u r s des d o n n é e s i n d é p e n d a n t e s d e la l a n g u e : i n t e n -
tion, fait o u é v é n e m e n t d ' u n i v e r s , r é f é r e n c e — la r e l a t i o n existant e n t r e ces d o n -
n é e s n ' é t a n t j a m a i s codifiée d a n s les d i c t i o n n a i r e s ) .

2. Répétition fondée sur la superposition de sens

L a r é p é t i t i o n f o n d é e sur la s u p e r p o s i t i o n d e sens consiste d a n s la p r é s e n c e , au


sein d u discours, d e d e u x o u p l u s i e u r s u n i t é s lexicales en relation d e s u p e r p o s i -
tion s é m a n t i q u e ( s u p e r p o s i t i o n d e sens S . L . ) .
D a n s u n e n v i r o n n e m e n t linguistique d o n n é , d e u x o u plusieurs u n i t é s lexica-
les s o n t dites en r e l a t i o n d e s u p e r p o s i t i o n s é m a n t i q u e S . L . , si elles sont senties
c o m m e p r o c h e s mais n o n é q u i v a l e n t e s p o u r le l o c u t e u r , soit q u ' e l l e s n ' a i e n t p a s
e x a c t e m e n t la m ê m e v a l e u r c o n n o t a t i v e ( A ) , soit q u ' e l l e s n ' a i e n t p a s e x a c t e -
m e n t le m ê m e sens d é n o t a t i f ( B ) , d e telle s o r t e q u e la s u b s t i t u t i o n d ' u n e u n i t é à
l ' a u t r e ( d ' u n e u n i t é à u n e a u t r e ) e n t r a î n e u n e a l t é r a t i o n - d e d e g r é v a r i a b l e sui-
v a n t les cas - d u m e s s a g e .

( A ) S u p e r p o s i t i o n d e sens p a r variation c o n n o t a t i v e 2 6

D e u x o u p l u s i e u r s u n i t é s lexicales sont dites en r e l a t i o n d e s u p e r p o s i t i o n sé-

être ôtés en un tour de main» (TAINE). Oter son chapeau, ses gants, ses chaussures.»
Je n'ai repris, dans cette note, que ce qui était en rapport direct avec la phrase Pierre a
ôté son manteau. La démonstration est encore plus convaincante si on lit l'article au
complet.
24
Cf. supra, même partie, pp. 91 ss.: analyse valable aussi bien dans le cas de la coréfé-
rence simple que dans celui de la coréférence «¡existentielle.
25
Cf. supra, même partie, p. 91.
26
Pour tout ceci, cf. encore: Frédéric (M.), Anaphore et synonymie: deux cas d'interfé-
rence entre rhétorique, grammaire, sémantique et/ou logique, communication au Collo-
que Grammaire, rhétorique et logique, Université de Provence, 7 - 9 mai 1981, texte à
paraître dans les Actes.

196
mantique par variation connotative si, présentant le même sens dénotatif, elles
diffèrent par la valeur connotative:
- REPETITION FONDEE SUR LA SUPERPOSITION DE SENS LIN-
GUISTIQUE:

(a) Superposition de sens linguistique:


ex.: mourir - crever — (Gr. μ, I, p. 59).
crever reprend le sens dénotatif de mourir, mais il y ajoute le trait connotatif
[langage populaire].
ex.: policier - flic (R. Martin, Infér., p. 114)
flic ajoute au sens dénotatif de policier le trait connotatif [langage populaire],
ex.: livre - bouquin (R. Martin, Infér., p. 114)
bouquin reprend le sens dénotatif de livre, mais y ajoute le trait connotatif
[langage familier].

(b) Répétition fondée sur la superposition de sens linguistique:

Au point précédent figuraient une série de termes en relation de superposition


sémantique en langue, tandis que dans les exemples suivants, les unités en rela-
tion de superposition sémantique apparaissent au sein d'un même énoncé:
ex.: «Et toi plus chaste d'être plus NUE, DE TES SEULES MAINS VETUE».
(SJP., Pl., p. 328).
le syntagme de tes seules mains vêtue reprend le sens dénotatif de nue, mais y
ajoute le trait connotatif [tournure poétique], véhiculé, entre autres, par la
rime. Dans cet exemple, le lien sémantique qui rapproche les unités en présence
(nue - de tes seules mains vêtue) se double d'un lien phonique (rime unissant
nue-vêtue); nous sommes une nouvelle fois en présence d'une répétition mor-
pho-sémantique.
ex.: On sonne la cloche,
DORMEZ, les bons prisonniers!
On sonne la cloche:
FAUT QUE VOUS DORMIEZ. (Verl., p. 498)
La phrase/awi que vous dormiez reprend le sens dénotatif de dormez, mais en
y ajoutant le trait connotatif [tournure familière], véhiculé par le tour ellipti-
que: faut que. La présence du polyp tote dormez-dormiez fait de cet exemple un
nouveau cas de répétition morpho-sémantique.

- REPETITION FONDEE SUR LA SUPERPOSITION DE SENS SITUA-


TIONNELLE.

(a) Superposition de sens situationnelle:

Type 1. ex.: Ça caille vachement ici - Fermez la fenêtre, s.v.p.


La phrase ça caille vachement ici se réfère à la même intention que fermez la

197
fenêtre, s.v.p. ; mais elle ajoute au sens dénotatif de cette dernière le trait conno-
ta tif [tournure populaire].
Type 2. ex.: - De Gaulle a quitté définitivement le pouvoir après le référendum
de 1969. - Le Grand Charles s'est barré une fois pour toutes en 69.
La seconde phrase renvoie aux mêmes faits ou aux mêmes événements d'uni-
vers que la première; mais elle y adjoint les traits connotatifs [expression fami-
lière] (le Grand Charles) et [langage populaire] (s'est barré une fois pour toutes
en 69).
Type 3. ex.ι moi-mézigue nous — nozigues
toi - tézigue vous - vozigues
soi ou lui - sézigue eux - leurzigues
celui-là - cézigue
(A. Simonin, Petit Simonin illustré par l'exemple, Paris, Galli-
mard, 1968, p. 169, v° mézigue).
Moi et mézigue (toi et tézigue, etc.) ont la même référence, mais le second
ajoute au premier le trait connotatif [langage argotique],
ex.: le Prince de Talleyrand-Périgord — le Diable Boiteux.
Les syntagmes le Prince de Talleyrand-Périgord et le Diable Boiteux ont la
même référence; mais le second ajoute au premier les traits connotatifs [tour-
nure figurée] (métaphore métonymique) et [expression péjorative].
ex.: Le Cygne de Cambrai — Fénelon
L'Aigle brillant de Meaux — Bossuet (Font., p. 99).
Le syntagme Le Cygne de Cambrai et le terme Fénelon ont la même référen-
ce, mais le premier ajoute au second le trait connotatif [tournure figurée] (mé-
taphore); il en va de même du syntagme L'Aigle brillant de Meaux et du terme
Bossuet.
C'est également le lieu, ici, de rappeler l'intuition de Dumarsais qui, dans son
Traité des tropes, s'était demandé si voiles ne pouvait pas être considéré comme
synonyme de vaisseaux, mais malheureusement n'avait pas poussé plus loin ses
investigations. En fait, il semble que l'on puisse donner à cette question la ré-
ponse suivante: voiles et vaisseaux ne sont que partiellement synonymes et, de
toute manière, la relation de synonymie qui s'établit entre eux est différente de
celle qui retenait l'attention de Dumarsais, Girard et la rhétorique traditionnel-
le, dans la mesure où loin d'être une relation de synonymie linguistique, il s'agit
d'une relation de synonymie situationnelle du troisième type (voiles et vais-
seaux ont la même référence); synonymes, ces deux termes le sont donc au ni-
veau dénotatif (dans le contexte précis évoqué par Dumarsais, bien entendu, et
non en toute circonstance). Par contre, il n'en va pas de même au niveau conno-
tatif, puisque si voiles et vaisseaux ont la même référence, le premier n'en
ajoute pas moins au second les traits connotatifs [tournure figurée] (synecdo-
que) et [langage littéraire/élaboré]. Autrement dit, on voit s'établir entre voiles
et vaisseaux, au lieu de la relation de synonymie suggérée par Dumarsais, une
relation de synonymie au point de vue dénotatif (synonymie situationnelle du
troisième type et non synonymie linguistique) et une relation de superposition

198
sémantique au niveau connotatif; ce qui donne, en fin de compte, une relation
non de synonymie, mais de superposition sémantique de type A (superposition
de sens par variation connotative).

(b) Répétition fondée sur la superposition de sens situationnelle:

Pour que tous ces exemples de superposition de sens situationnelle deviennent


des exemples de répétition fondée sur la superposition sémantique situationnel-
le, il faut que les unités lexicales en relation de superposition sémantique
coexistent dans le discours (en ce qui concerne les exemples de coréférence:
dans les conditions définies lors de l'examen de la coréférence coexistentielle).
Tel est le cas des unités cézigue - le dans l'exemple de coréférence coexisten-
tielle suivant:
CEZIGUE, certains LE prennent pour une épée: en fait, c'est un drôle de
hotu! (A. Simonin, ibid.).
Dans cet exemple du type 3, la répétition (simple répétition fondée sur la su-
perposition de sens car si le et cézigue ont même référence, le second ajoute au
premier le trait connotatif [langage argotique]) n'est, ici encore, qu'un épiphé-
nomène par rapport à la dislocation de l'énoncé.
Dans l'exemple suivant:
Mon cheval arrêté sous l'arbre plein de tourterelles (...)
Mon cheval arrêté sous l'arbre qui roucoule (...) (SJP. Pl., p. 117)
les syntagmes arbre plein de tourterelles et arbre qui roucoule déterminent une
répétition fondée sur la superposition sémantique situationnelle du troisième
type (comme dans l'exemple précédent): en effet, s'ils ont même référence (si
donc au point de vue dénotatif, ces deux syntagmes sont en relation de synony-
mie situationnelle du troisième type), le second syntagme ajoute au premier le
trait connotatif [tournure figurée] (métonymie de l'effet pour la cause) lui-
même porteur du trait [poésie]; il y a donc, comme dans l'exemple précédent,
synonymie au point de vue dénotatif, mais simple superposition sémantique au
point de vue connotatif entre les deux occurrences de la reprise. Notons que la
rencontre de la répétition lexicale et de la répétition sémantique fait de cet ex-
emple un nouveau cas de répétition morpho-sémantique 27 .
Un exemple de répétition fondée sur la superposition sémantique situation-
nelle du deuxième type serait fourni par le passage suivant d'AMERS 2 8 :
... Or il y avait un si long temps que j'avais goût de ce poème, mêlant à mes propos du
jour toute cette alliance, au loin, d'un grand éclat de mer - comme en bordure de forêt,
entre les feuilles de laque noire, le gisement soudain d'azur et de ciel gemme: écaille vive,
entre les mailles, d'un grand poisson pris par les ouïes! (SJP., Pl., p. 263)

27
Cf. aussi Frédéric (M.), La répétition et ses structures dans l'œuvre poétique de Saint-
John Perse, Paris, Gallimard, 1984 (Publications de la Fondation Saint-John Perse),
chap. 1 et 2.
28
Exemple repris à A. Henry: Henry (Α.), Métonymie et métaphore, Paris, Klincksieck,
1971, p. 130; cf. aussi Frédéric (M.) op. cit., chap. 1.

199
en effet, les propositions comme en bordure de forêt, entre les feuilles de laque
noire, le gisement soudain d'azur et de ciel gemme et écaille vive, entre les mail-
les, d'un grand poisson pris par les ouïes renvoient aux mêmes faits ou aux mê-
mes événements d'univers que la première proposition: mêlant à mes propos du
jour toute cette alliance, au loin, d'un grand éclat de mer, mais elles y ajoutent les
traits connotatifs [tournure figurée] et [poésie]; à ce niveau, elles se distinguent
l'une de l'autre par la nature de la tournure figurée: formulation comparative
d'une part, formulation métaphorique de l'autre.
C'est également à la répétition fondée sur la superposition sémantique situa-
tionnelle du deuxième type que l'on pourrait rattacher l'ex. 155 de la rhétori-
que traditionnelle, bien que Bary dans son examen de la polyonimie n'ait pas
précisé la nature de la relation qui unit les constituants en présence:
ex. 155: Ce sont des effets qui relevent la dignité de la cause. Ce sont des en-
fans qui font la gloire du pere.
La première phrase renvoie, en effet, aux mêmes faits ou aux mêmes événe-
ments d'univers que la seconde, mais elle lui adjoint les traits connotatifs [tour-
nure figurée] (métaphore métonymique) et [langage littéraire/élaboré].
La distinction qui vient d'être faite entre superposition de sens situationnelle
et répétition fondée sur la superposition de sens situationnelle rejoint celle qui
avait été établie précédemment entre synonymie situationnelle et répétition
fondée sur la synonymie situationnelle (répétition synonymique par exploita-
tion de la synonymie situationnelle). La différence est particulièrement nette
dans le cas des énoncés figurés; en effet, si dans l'exemple:
Mon cheval arrêté sous l'arbre plein de tourterelles
Mon cheval arrêté sous l'arbre qui roucoule
il y a bel et bien répétition fondée sur la superposition sémantique situation-
nelle du troisième type - réalisée, dans ce cas précis, sous forme d'une répéti-
tion métonymique - ce n'est plus le cas dans l'exemple suivant:
J'ai là bien des successions (A. Henry, Méton. et métaph., p. 68).
On y retrouve la métonymie de l'effet pour la cause, mais toute répétition
métonymique a disparu. Dans l'esprit du locuteur: la Brinvilliers, qui «appelait
successions les poisons qu'elle conservait dans sa cassette» 29 , successions et poi-
sons sont en relation de superposition sémantique situationnelle du troisième
type (ils ont la même référence, mais le premier ajoute au second le trait conno-
tatif [tournure figurée]); toutefois, au niveau du discours, il n'y a plus comme
chez Saint-John Perse répétition fondée sur la superposition sémantique situa-
tionnelle du troisième type, puisque le locuteur n'a fait passer qu'une des deux
occurrences dans son énoncé. De même, si dans l'exemple:
... Or, il y avait un si long temps ... écaille vive, entre les mailles d'un grand
poisson pris par les ouïes!
il y a répétition fondée sur la superposition sémantique situationnelle du deu-

29
Henry (Α.), op cit., p. 68.

200
xième type - répétition qui se réalise sous forme d'une répétition comparative,
puis d'une répétition métaphorique - par contre, dans l'exemple suivant:
un mammouth arrive (A. Henry, Méton. et métaph., p. 98)
on retrouve la métaphore, mais toute répétition métaphorique a disparu. Dans
l'esprit du sujet parlant, qui désigne de la sorte «un homme très corpulent et de
haute taille» 30 , mammouth et homme très corpulent et de haute taille sont en re-
lation de superposition sémantique situationnelle du troisième type (ils ont la
même référence, mais le premier ajoute au second le trait connotatif [tournure
figurée]); toutefois, ici encore comme dans l'énoncé de la Brinvilliers, il n'y a
plus, au niveau du discours, répétition fondée sur la superposition sémantique
situationnelle (comme c'était le cas chez Saint-John Perse), dans la mesure où
le sujet parlant n'a fait passer dans son énoncé qu'un seul des constituants de la
paire. Dans tous les cas de figure in absentia, la REPETITION TROPIQUE 3 1
ne pourra donc jamais s'établir.
Il faut cependant remarquer qu'il existe une différence notable entre la paire
L'architecte des Monuments historiques — il et les paires l'arbre plein de tourte-
relles — l'arbre qui roucoule, successions — poisons, mammouth — homme très
corpulent et de haute taille, ou encore la triade mêlant à mes propos du jour...
- comme en bordure de forêt... - écaille vive...: alors que la première, nous
l'avons vu, met en présence deux constituants de nature différente, dans la me-
sure où l'un est composé de mots pleins, alors que l'autre est une proforme qui
se charge de la substance notionnelle du premier constituant, les autres paires
par contre mettent en présence des constituants homogènes puisque tous sont
composés de mots pleins, ce qui les rapprocherait de la synonymie linguistique,
dans laquelle les constituants sont également des mots pleins (ce qui tendrait
également à les rapprocher des paires coréférentielles du type la baleine - le
monstre). Mais il n'en reste pas moins que, contrairement à ce qui se passe dans
le cas de la synonymie linguistique où les constituants gardent chacun leur sens,
dans les paires métonymiques, métaphoriques ou autres, les constituants se
chargent en partie de la substance notionnelle l'un de l'autre (dans l'énoncé un
mammouth arrive, par exemple, mammouth n'a plus son strict sens de 'mam-
mouth' tel qu'il apparaît au dictionnaire) par effet de transfert 32 .
30
Henry (Α.), op cit., p. 98.
31
Qu'elle soit métaphorique, synecdochique, métonymique et même comparative, si l'on
en croit G. Genette, qui considère comme «assez concevable» l'existence de «compa-
raisons motivées ou non avec ellipse du comparant (mon amour est brûlant comme ...
ou mon amour est comme ...) ou du comparé (... comme une flamme brûlante, ou ...
comme une flamme): ces formes en apparence purement hypothétiques ne sont pas
tout à fait à négliger, comme l'a bien vu Jean Cohen: qui par exemple se souvient du
comparé des beau comme ... de Lautréamont» ; Genette (G.), La rhétorique restreinte,
dans Figures III, p. 31.
32
Le transfert n'est pas complet dans la mesure où, comme le fait remarquer G. Genette,
«il y a dans toute métaphore à la fois la mise en œuvre d'une ressemblance et celle
d'une différence, une tentative d'«assimilation» et une résistance à cette assimilation,
faute de quoi il n'y aurait qu'une stérile tautologie»; Genette (G.), Proust palimpseste,
dans Figures I, p. 46. Il parlera plus loin de «synthèse impossible» (ibid., p. 51).

201
Il serait d'ailleurs intéressant de comparer la situation de ces paires métapho-
riques, métonymiques, etc. avec celle d'une paire comme la baleine —le monstre
dans laquelle il y a également transfert de substance notionnelle (le transfert
est-il de même nature, s'opère-t-il dans les mêmes proportions, dans les mêmes
conditions, etc.).
Il faut également tenir compte de l'usure des figures: dans le cas des figures
lexicalisées - de certaines du moins - s'opère, semble-t-il, un double déplace-
ment.
Examinons, par exemple, le cas de la métaphore lexicalisée poutre:
cf. Robert, poutre: «(1318, métaph. de l'a. fr.poutre «pouliche»; Cf. Poutrel
«jeune cheval», X l l e [comme dans chevalet]·, lat.
pop. .pullitra d'apr. pulletrus, class, pullus «petit d'un
animal» ). 4 1 ° . Grosse pièce de bois équarrie servant de
s u p p o r t . . . V. Madrier»
Actuellement, la métaphore originelle n'est plus sentie par le sujet parlant;
aussi, poutre par rapport à madrier n'est-il nullement marqué des connotations
[tournure figurée] (métaphore) et [langage littéraire/élaboré]. Il n'y a donc
plus, contrairement à ce qui se passait dans les exemples précédents, de diffé-
rence connotative entre les deux occurrences en présence; ce qui nous fait quit-
ter le domaine de la superposition sémantique pour celui de la synonymie.
D'autre part, au point de vue dénotatif, poutre et madrier sont en relation de
synonymie pour tout locuteur et en toute situation 33 , et non dans une situation
ou un contexte donnés; ce qui nous fait quitter, cette fois, le plan de la synony-
mie situationnelle pour celui de la synonymie linguistique. Mais si ceci est vrai
pour ce type de figure lexicalisée, il ne faudrait cependant pas généraliser trop
vite: la double modification qui vient d'être évoquée est vraie, semble-t-il, pour
autant que la figure lexicalisée n'ait pas été versée dans un niveau de langue
«marqué»: chèvre, par exemple, est plus technique que grue et dans ce cas, on
semble ramené à la situation des exemples examinés en cours-d'exposé: chèvre
par rapport à grue est marqué par le trait connotatif [langage technique],
comme voiles par rapport à vaisseaux était marqué par le trait connotatif [lan-
gage littéraire/élaboré], etc.
Il faut donc tenir compte du degré de lexicalisation progressive des figures,
mais aussi d'une spécialisation éventuelle du terme envisagé (cf., par exemple,
le domaine de l'argot, où les figures s'usent très rapidement).
Signalons encore que dans le cas des tropes 3 4 , il est important de ne pas con-
fondre la relation qui s'établit entre les occurrences en présence à la suite de
l'opération de «synecdochisation», «métaphorisation», «métonymisation»,

33
Avec les limitations dues au fait que la synonymie absolue et totale n'existe pas, bien
évidemment.
34
L'exemple le Prince de Talleyrand-Périgord— le Diable Boiteux, les exemples de Fon-
tanier, celui de Dumarsais et les différents cas de répétition tropique: exemples de
Saint-John Perse et ex. 155 de la rhétorique traditionnelle.

202
(etc.) avec celle qui existe antérieurement à cette opération et qui précisément
la permet. Alors que dans tous ces exemples, en fin d'opération, on a vu s'étab-
lir entre les constituants en présence un même type de relation sémantique -
plus précisément, une relation de synonymie au point de vue dénotatif et une
relation de superposition sémantique au point de vue connotatif - par contre, à
la base de chacune de ces opérations se trouve un type différent de relation sé-
mantique: rapport de similarité dans le cas de la métaphore et de la comparai-
son, rapport de contiguïté dans celui de la métonymie et de la synecdoque; à ce
stade et pour une distinction plus précise entre ces différentes figures, je ren-
voie le lecteur aux ouvrages spécialisés.
Rappelons pour conclure qu'en dehors de l'intuition toute passagère de Du-
marsais concernant voiles et vaisseaux, la possibilité de rapprocher les tropes de
la répétition par le biais de la synonymie (dans certaines conditions du moins,
puisqu'on a vu que les tropes in absentia empêchaient la répétition synonymi-
que de s'établir 35 ) a échappé à la rhétorique traditionnelle. Celle-ci isolait d'ail-
leurs leur étude de celle des autres figures, notamment de la répétition: chez
Fontanier, par exemple, les tropes font l'objet d'un premier traité, le Manuel
classique pour l'étude des tropes, alors que les autres figures sont regroupées
dans un second, dont l'intitulé même trahit la dépendance par rapport au pre-
mier: Traité général des figures du discours autres que les tropes·, quant à Du-
marsais, il n'envisage que les tropes et passe les autres figures sous silence.

(B) Superposition de sens par variation dénotative

Dans le cas de la superposition de sens due à la non-identité 36 du sens dénotatif,


l'identité des noyaux sémiques qui caractérisait la synonymie linguistique37 se
réduit à une simple parenté de degré variable; la superposition de sens lin-

35
D'autre part, l'hypothèse avancée ici ne vaut, pour le moment du moins, que pour le
type d'exemples proposés dans ces quelques pages. La présente étude portant au dé-
part sur la répétition et non sur les tropes, je n'ai pu tenir compte de l'ensemble des ca-
dres syntaxiques dans lesquels est susceptible de naître la figure. Il serait intéressant
d'élargir l'examen à d'autres types et de voir ce qu'il adviendrait, par exemple, dans le
cas d'une métaphore verbale, d'une métaphore adjective, dans celui d'un moule A de
B, etc.
36
Non-identité et non pas différence car, pour qu'il soit possible de parler de superposi-
tion sémantique, il faut un certain degré de parenté sémantique (degré variable, selon
les cas) entre les unités en présence; d'où, dans la définition générale de la superposi-
tion de sens, le recours à l'expression «qu'elles n'aient pas e x a c t e m e n t le même sens
dénotatif», de préférence à «qu'elles n'aient pas le même sens dénotatif», qui pourrait
s'appliquer aussi bien à des unités en relation de superposition sémantique, qu'à des
unités présentant des sens totalement distincts (type A de relation de substance entre
deux formes différentes: indépendance, aucun trait commun; cf. Pottier (B.), Vers une
sémantique moderne, dans Travaux de Linguistique et de Littérature, II, 1, 1964,
p. 135).
37
J'imagine difficilement ce que pourrait être une superposition de sens par variation
dénotative de type situationnel. Aussi, dans les pages suivantes, ne sera-t-il plus ques-
tion que de la superposition de sens de nature linguistique.

203
guistique exploite, en effet, toutes les nuances de parenté sémantique comprises
entre la synonymie 38 et l'antonymie. Aussi le passage de la synonymie (identité
des noyaux sémiques) à la superposition de sens (présence de sèmes communs,
en nombre variable) est-il presque imperceptible car, plus la parenté des termes
en présence sera étroite, plus la superposition de sens tendra à se rapprocher de
la synonymie 39 .

- Le PLEONASME fait, en quelque sorte, figure de zone de transition:


• tantôt il y a identité sémique entre les unités en présence; le pléonasme appa-
raît alors comme un fait de répétition synonymique. C'est le cas des deux ex-
emples de pléonasme d'insistance suivants, qui servaient d'ailleurs à illustrer
la répétition synonymique situationnelle du troisième type:
ex.: Et que M'a fait à MOI cette Troye où je cours?
ex.: C'est MON papa à MOI.
On se rappellera que le premier exemple figurait dans la rhétorique tradi-
tionnelle: chez Demandre, Thiébault et Fontanier, notamment.
• tantôt la parenté sémantique se réduit à la présence d'un ou de quelques sè-
mes communs; le pléonasme constitue, dans ce cas, un fait de répétition ba-
sée sur la superposition sémantique:
- présence de quelques sèmes communs dans l'exemple de pléonasme d'in-
sistance suivant:
ex.: Je l'ai vu de mes yeux,
qui constitue, en réalité, un cas de convergence: le pléonasme y est tantôt un
fait de répétition synonymique (je et mes sont en relation de synonymie situa-
tionnelle du troisième type: on le voit, on est ramené au cas précédent), tantôt
comme un fait de répétition basée sur la superposition sémantique (présence
d'un sème commun: voir implique 'yeux' et yeux implique 'voir').
Cet exemple apparaissait dans la rhétorique traditionnelle, chez des auteurs
comme Demandre, Thiébault et Fontanier, ainsi que dans Y Encyclopédie.
- présence d'un sème commun dans les cas suivants:
0 pléonasme éclairant du type:
voler en l'air
descendre à la cave
Le premier exemple figurait déjà chez Thiébault.
Le pléonasme éclairant se rattache, on s'en souvient, aux faits de répétition ré-
pondant à un souci de clarté de la part du locuteur

38
Les termes synonymie et superposition de sens doivent être pris, dans les pages qui sui-
vent, au sens (traditionnel) de 'synonymie linguistique' et 'superposition de sens lin-
guistique' (cf. ce qui a été dit dans la note précédente).
39
La distinction qui avait été établie entre exemples de synonymie et exemples de répéti-
tion synonymique va disparaître dans les pages suivantes: tous les exemples qui vont y
être livrés constituent des faits de discours; dans chacun d'eux, les unités en relation de
superposition sémantique coexistent dans l'énoncé; il y a donc répétition par exploita-
tion de la superposition de sens, et non plus simple relation de superposition sémanti-
que.

204
0 épithète de nature ou pléonasme focalisant du type:
la neige blanche de nos Alpes
l'homme mortel
0 et même, pléonasme vicieux (ou datisme, ou périssologie) du type:
monter en haut
(écarté des faits de répétition à effets possibles, dans la mesure où il apparais-
sait comme un exemple de répétition involontaire) lorsque, dans le langage lit-
téraire, détourné de sa nature première, il résulte d'une volonté délibérée de la
part de l'auteur 40 - possibilité qui semble avoir échappé complètement à la rhé-
torique traditionnelle:
ex.: Il reprit son chemin et, SONGEUSEMENT QUANT A LA TETE,
D'UN PAS NET QUANT AUX PIEDS, il termina sans bavures son iti-
néraire. (Gr. μ., I, p. 103)
Dans cet exemple, le pléonasme vicieux devient source d'effet comique.

- Non loin de la répétition synonymique, on trouve la série groupant des unités


lexicales sémantiquement proches, mais au sein de laquelle le poète introduit
une gradation:
ex.: «J'ai crainte, et l'inquiétude habite sous mon sein».
(SJP., Pl., p. 330).
Ces deux propositions ont la même valeur connotative: elles ont en commun
le trait connotatif [langage littéraire] et, au point de vue du sens dénotatif, la se-
conde proposition pourrait apparaître comme synonyme de la première si la
présence du verbe habiter ne venait mettre en lumière un sème qui est absent de
la première proposition: le sème 'installation durable'. Avec la venue de ce
sème, on voit se dessiner l'idée d'une crainte persistante, idée qui n'apparaissait
pas dans la première proposition,
ex.: Elle MANGEAIT, MACHAIT, BROYAIT, DEVORAIT, ENGLOU-
TISSAIT, mais avec l'air le plus léger et le plus insouciant du monde.
(Baudel, p. 295).
La gradation est encore plus nette dans cet exemple-ci (le nombre de sèmes
communs à mangeait et mâchait, mâchait et broyait, etc., est plus réduit que
dans le cas des deux propositions précédentes). On voit ainsi la répétition fon-
dée sur la superposition de sens s'éloigner progressivement de la répétition sy-
nonymique.

- A proximité de la répétition synonymique, toujours, on trouve les AC-


TANTS/CIRCONSTANTS INTERNES; qu'il s'agisse:
• de l'actant / du circonstant interne paronymique, type: songer un songe-,
• de l'actant / du circonstant interne homonymique, type: rêve ton rêve41;

40
Cf. ce qui a été dit précédemment de la nécessité d'une distinction entre élocution
spontanée et exploitation littéraire.
41
Si j'ai choisi d'anticiper sur la présente analyse, en envisageant l'actant/le circonstant
interne paronymique et l'actant/le circonstant interne homonymique auparavant, c'est
parce que j'avais besoin d'eux pour illustrer le passage progressif de la répétition pho-

205
• ou de l'actant / du circonstant interne simple, que l'on rencontre dans l'ex-
emple suivant:
ex.: DORMEZ votre SOMMEIL, riches de la terre, et demeurez dans votre
poussière (Bossuet)
Dans tous ces exemples, le noyau sémico-connotatif du verbe et celui de l'ac-
tant se superposent largement: sommeil est le nom d'action de dormir, comme
rêve est le nom d'action de rêver, et songe le nom d'action de songer*2.
- La METASEMIE se caractérise elle aussi par la présence de sèmes communs
en nombre variable. B. Pottier la définit comme «un concept qui permet de
réunir plusieurs mots sous un même intitulé» 43 .
Ce «procédé de réduction sémique» 44 se rencontre notamment dans les titres
d'oeuvres 45 - dans certaines limites bien entendu, comme le fait remarquer B.
Pottier 46 , car s'il est vrai que ses exemples%«Le malade imaginaire» et «L'étran-
ger» peuvent bel et bien être considérés comme des réductions sémiques du
texte de la pièce ou du roman correspondants, il n'en va pas de même d'un titre
commè «L'automne à Pékin», donné par Boris Vian à un roman où il n'est ques-
tion ni de l'automne, ni de Pékin.
Ainsi, dans tous les cas de métasémie véritable, on voit s'établir entre le titre
et le texte de l'oeuvre une relation de superposition sémantique - superposition
qui sera plus ou moins large selon que le titre reprendra un nombre plus ou
moins important des sèmes véhiculés par le texte (mais qui, bien sûr, est nettement
plus réduite que dans la modalité précédente) 47 . Dès lors, pour en revenir au
cas précis des exemples fournis par B. Pottier, il est possible de dire que le titre
«Le malade imaginaire»/«L'étranger» détermine avec le texte de la pièce/du
roman une répétition fondée sur la superposition de sens, dans la mesure où les
deux occurrences en relation de superposition sémantique (le titre et le texte)
coexistent au sein d'un même énoncé S.L.: la pièce/le roman; je proposerais
d'appeler ce type de reprise une REPETITION METASEMEMIQUE.

nique à la répétition lexicale. Il n'en reste pas moins - comme je l'ai déjà précisé dans
une note précédente - que l'actant/le circonstant interne paronymique, l'actant/le cir-
constant interne homonymique et l'actant/le circonstant interne simple constituent une
classe unitaire: celle des actants/circonstants internes.
42
Cf. aussi Grevisse, § 599, pp. 5 3 8 - 5 3 9 : «Certains verbes intransitifs s'emploient par-
fois comme les verbes transitifs avec un objet direct exprimant l'idée nominale conte-
nue dans le radical du verbe ou une idée analogue à celle de ce radical:
ex. : Vivre sa vie; jouer gros jeu; dormez votre sommeil, riches de la terre; Quel rêve,
grand Dieu, je rêvai!»
43
Pottier (B.), Présentation de la linguistique, Paris, Klincksieck, 1967, p. 60.
44
Pottier (B.) op. cit., p. 60.
45
Notamment, car — comme le précise B. Pottier — «les réductions sémiques peuvent être
effectuées à tous les niveaux (énoncé, réplique, scène, acte, pièce . . . ) » ; cf. Pottier (B.),
op. cit., p. 61.
46
Pottier (B.),op. cit., pp. 6 0 - 6 1 : «Les titres des ceuvres jouent s o u v e n t [«souvent» et
non «toujours»] ce rôle».
47
Cf. aussi, Pottier (B.), op. cit., p. 61: «A ce niveau [au niveau des titres des œuvres] la
distance entre le texte et la métasémie est énorme, mais la relation subsiste».

206
- Dans les jeux sur l'étymologie auxquels se livre parfois Saint-John Perse, la
superposition sémantique se réduit à quelques sèmes communs, parfois même à
un seul:
ex.: Et la terre ANCILLAIRE, mise à nu, refait au Ciel d'hiver le lit de sa
SER VANTE (SJP., Pl., p. 203)
ex.: Ou bien un homme s'approchant des GRANDES cérémonies MAJEU-
RES. (ibid., p. 182)
ex.: Sous la PESEE du ciel GRAVIDE. (ibid., p. 211).
Dans ces exemples, il y a véritablement projection de la parenté sémantique
sur l'axe de la diachronie: ancillaire ( « < ancillaris, de anelila «servante» ) -ser-
vante-, grandes ( « < grandis, qui a éliminé magnus», dont maior > majeur est le
comparatif) — majeures-, pesée — gravide (« < gravida «enceinte», de gravis
«lourd»).
La parenté sémantique est plus importante dans les deux premiers exemples,
dans lesquels les noyaux sémiques des unités en présence se recouvrent assez
largement. Dans le dernier exemple, par contre, la parenté entre les deux ter-
mes se réduit à la présence d'un sème commun: le sème 'poids', qui est en fait
un sème assez périphérique dans l'acception du terme pesée retenue ici48 et qui,
à l'heure actuelle, est pratiquement sorti du noyau sémique de l'adjectif gravi-
de 49 - ce sème est, en quelque sorte, revivifié ici par suite de la convergence, en
un même syntagme, des termes pesée et gravide.
Ce jeu sur l'étymologie est très proche de celui que l'on rencontrait dans le
cas des paronymes appartenant à une même famille étymologique; mais, dans
ces derniers, le lien sémantique et étymologique avait subsisté jusqu'à l'heure
actuelle.

- L'ANTONYMIE repose elle aussi sur la présence d'un ou de plusieurs sèmes


communs 50 . Reprenons quelques-uns des exemples fournis par R. Martin lors
de son examen de l'antonymie:
ex.: père — mère
chaud - froid
acheter — vendre (R. Martin, Infér., p. 66)
«père, nous dit R. Martin, personne de sexe masculin qui a un ou plusieurs en-
fants» s'oppose à mère par le seul couple sémique masculin/féminin»51; ces
deux termes ont donc en commun les sèmes 'personne' et 'qui a un ou plusieurs
enfants'. En ce qui concerne chaud et froid, ils «ont en commun les sèmes de
causation, de sensation, de toucher, de température: mais l'un suppose une
température élevée («qui cause une sensation tactile de chaleur»), l'autre une

48
Robert, «pesée: 3°. Poussée effectuée sur un objet pour déplacer quelque chose.»
49
Robert, «gravide: Méd. Qui contient un embryon, un foetus (...) Zool. Qui est fécon-
dé.»
50
Cf. aussi R. Martin, Infér., p. 66: «Les sémèmes antonymiques comportent toujours
des sèmes communs».
51
R. Martin, Infér., p. 66.

207
température basse» 52 . «Acheter, c'est «obtenir une chose contre de l'argent»,
vendre c'est «céder une chose contre de l'argent» 53 ; ces deux termes ont donc
en commun les sèmes 'une chose' et 'contre de l'argent',
ex.: père — fils
les deux sens du mot polysémique hôte
les deux sens de chasser (R. Martin, Infér., p. 66)
«père s'oppose à fils par l'antonymie de donner et recevoir (la v/e)» 54 ; ils ont
donc en commun le sème 'la vie'. «Les deux sens du mot polysémique hôte ont
en commun le sème d'hospitalité, mais ils s'opposent par le couple donner/rece-
voir»55 (situation analogue à celle du premier exemple: père - fils)·, «de même
les deux sens de chasser ont en commun le sème de poursuite et se différencient
par l'opposition s'emparer de/se débarrasser de» 56 .
Dans la première série, les constituants de chaque paire ont donc en commun
plusieurs sèmes; alors que dans la seconde, ils n'en partagent qu'un seul; il n'en
reste pas moins que, dans les deux cas, il y a superposition sémantique (de
degré variable) entre les termes en présence.
Pour passer de la superposition sémantique à la répétition fondée sur la su-
perposition sémantique, de l'antonymie à la REPETITION ANTONYMI-
QUE, il suffirait que l'antonymie se réalise non plus au niveau de la langue,
mais à celui du discours; ce qui se produit notamment dans les exemples sui-
vants, empruntés à Saint-John Perse:
ex.: Un homme est dur, sa fille est douce (SJP., Pl., p. 7)
dur et douce ont en commun les sèmes 'coeur', 'humanité', 'indulgence' et, dans
ce contexte précis, 'se dit d'une personne'; tandis qu'ils s'opposent par le couple
sémique 'qui manque de'/'qui fait preuve de'. Cet exemple apparaît comme un
nouveau cas de répétition morpho-sémantique, puisque l'on y voit converger
répétition sémantique et répétition formelle: les deux adjectifs antonymiques -
et donc en relation de superposition sémantique - sont en outre rapprochés par
l'allitération (même attaque en dentale [d]), tandis que l'ensemble de chaque
proposition donne naissance à une répétition lexicale (répétition lexicale iso-
rythmique de est·, chaque occurrence est précédée de deux syllabes et suivie de
une), à une répétition syntaxique (correspondance terme à terme parfaite) et à
une répétition syllabique (permanence du tétrasyllabe).
ex.: Et l'ombre et la lumière alors étaient plus près d'être une même chose ...
(SJP., Pl., p. 25).
La parenté sémantique de ombre et lumière est d'autant plus nette que le se-
cond terme intervient dans la périphrase définitoire du premier:
cf. Robert: v°. ombre: «Zone sombre créée par un corps opaque qui inter-

52
ibid.
53
ibid.
54
ibid.
55
ibid.
56
ibid.

208
cep te les rayons d'une source lumineuse; obscurité, a b s e n c e d e l u m i è r e
(surtout celle du soleil) dans une telle zone».
L'exemple rappelle l'oxymore que l'on rencontre chez Corneille:
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
dans lequel l'antonymie se manifeste cette fois entre deux termes de catégorie
différente: un adjectif et un substantif, mais qui sont intérieurs à un même syn-
tagme.
Pour clore ce rapide examen, signalons que la possibilité de rattacher l'anto-
nymie (et avec elle l'antithèse, l'oxymore et les figures apparentées) à la répéti-
tion par le biais de la présence d'un ou de plusieurs sèmes communs semble
avoir complètement échappé à la rhétorique traditionnelle.

- La superposition de sens réduite à la présence d'un seul sème commun se re-


trouve dans les exemples suivants:
ex.: «Me voici, fidèle à l'écho de ta voix, TACITURNE, INEXPRIME».
(Seg., p. 67).
Les deux termes en relation de superposition sémantique occupent des posi-
tions symétriques par rapport au sème commun '0 dire, 0 exprimer' (taciturne
= 'qui ne dit pas, qui n'exprime pas' —» lié au domaine de l'actif; inexprimé =
'qui n'est pas dit, qui n'est pas exprimé' —» domaine du passif),
ex.: -nous portons à l'honneur les instruments USES de notre office
(SJP.,Pl., p. 291).
-tout l'appareil CADUC du drame et de la fable, nous déposons!
(ibid., p. 292).
La parenté des adjectifs usés et caduc réside dans la présence du sème com-
mun 'vieux' 57 .
Se rattache également à ce type la répétition qui repose sur l'exploitation de
termes appartenant à un même champ sémantique. On la rencontre, notam-
ment, à la fin du poème de Prévert En sortant de l'école·.
ex.: A pied à cheval en voiture et en bateau à voiles
(Prévert, Histoires, p. 145)
qui n'est, en effet, rien d'autre qu'un élargissement de l'exemple dont se sert B.
Pottier pour illustrer le type Β de relation de substance entre deux formes diffé-
rentes = intersection (affinité):
«B: sémème de bateau: s \ s 2 , s 3
sémème de train·, s 3 , s 6 , s 7
Un sème commun s 3 (/«moyen de communication»/).
C'est ce genre d'affinité qui est utilisé intuitivement pour établir les champs
sémantiques» 58 .

57
Robert: «caduc: Io. Vx. Qui touche à sa fin, menace ruine. V. (...) vieux».
«usé: I o Altéré par un usage prolongé, par des actions physiques (frottements ...) V.
vieux.»
58
Pottier (B.), Vers une sémantique moderne, dans Travaux de Linguistique et de Littéra-
ture, II, 1, 1964, p. 135.

209
C'est à ce type de reprise que se rattache, partiellement du moins, l'exemple
159 de la rhétorique classique: on se souviendra, en effet, que ce dernier mar-
quait la rencontre de deux termes synonymes (συμπλοκής, μάχης) et de deux
termes appartenant au même champ sémantique que les premiers (τραυμάτων,
αιμάτων).

— Enfin, la superposition de sens réduite à la présence d'un trait commun est,


entre autres, — à côté, notamment, de la parenté formelle - à la base de l'énu-
mération et de la série homologique: l'énumération déploie les exemples d'une
même réalité, alors que la série homologique passe en revue les différentes
espèces d'un même genre; elles procèdent donc d'une démarche semblable,
puisque, dans chaque cas, il s'agit de l'expression analytique d'un ensemble.
Qu'il s'agisse d'une énumération ou d'une série homologique, les constituants
en présence sont donc toujours unis, au moins, par cette parenté sémantique de
base: l'appartenance à un même ensemble qui les dépasse. Pour les exemples
d'énumération et de série homologique, je renvoie le lecteur au volet de cette
étude consacré aux structures de répétition 59 .

(C) Superposition de sens par variation dénotative et connotative:

ex.: fatigué - crevé


Le lien (et la différence) existant entre ces deux unités peut être résumé
comme suit:
Robert: «crevé, ée: 3°. Fam. Très fatigué».
— noyau sémique de crevé = noyau sémique de fatigué + un sème: le sème
'très'.
— noyau connotatif de crevé = noyau connotatif de fatigué + un trait connota-
tif: le trait [langage familier].
Les variations qui constituent les Exercices de style de R. Queneau apparais-
sent à mes yeux comme autant d'exemples de répétition fondée sur la superpo-
sition sémantique par variation dénotative et connotative; mais une étude dé-
taillée m'entraînerait beaucoup trop loin.
Si l'on récapitule les différents types de superposition de sens, on peut com-
pléter le tableau esquissé avant l'étude de la répétition lexicale pure, en y ajou-
tant le schéma suivant:

59
Cf. Frédéric (M.), op. cit., chap. 3.

210
Répétition fondée sur la superposition de sens:
(A) Superp. de sens m. dénoté S'. S1.
par variai, connot. Soit:
dénoté
2 conn. Φ
conn. conn.

(B) Superp. de sens 2 dénotés Φ* s·. S'.


par variai, dénot. Soit:
dén?~ ~^dén.
m. conn.
connoté

(C) Superp. de sens 2 dénotés Φ * S'. s·.


par variat. conn, et dén. Soit.
dén. dén.
2 conn. Φ
conn. conn.

N.B.* ... partiellement, mais pas complètement du moins, auquel cas on serait
en présence du type A de relation de substance décrit par B. Pottier (cf.
supra, note 36); d'où la présence de la flèche entre les deux cases
«dénoté».

3. Répétition thématique

La répétition thématique consiste dans le développement d'un même thème, le


mot thème étant pris, ici, au sens de 'sujet d'un discours ou d'un passage de dis-
cours, le «condensé sémantique» 60 de ce discours, de ce passage de discours'.
Proche des deux espèces précédentes, la répétition thématique n'est cepen-
dant réductible à aucune d'elles. Elle se rapproche de la répétition fondée sur la
superposition de sens par le biais de la répétition métasémémique: l'extraction
du thème d'un discours/d'un passage de discours résulte d'une démarche ana-
logue à celle qui préside à l'établissement du titre d'une oeuvre (qu'on se rap-
pelle d'ailleurs ce que disait B. Pottier: «les réductions sémiques peuvent être
effectuées à tous les niveaux: énoncé, réplique, scène, acte, pièce ...»). Toute-
fois, dans la mesure où ce condensé sémantique qu'est le thème se répète, on se
trouve dans une situation proche, cette fois, de celle de la répétition synonymi-
que; proche, mais non semblable, étant donné que la répétition synonymique
est limitée à la phrase (elle ne peut porter que sur des mots, des groupes de
mots ou des phrases), alors que la répétition thématique est par essence trans-
phrastique; étant donné aussi que, en ce qui concerne la répétition thématique,
à côté du condensé sémantique (le noyau thématique) qui reste constant, exis-
tent toute une série de sèmes (ceux qui échappent à la réduction sémique) qui
60
Cette expression est empruntée à C. Kerbrat-Orecchioni (K.-O., p. 51).

211
peuvent fort bien varier d'une unité thématique à l'autre, alors que ceci est im-
possible dans le cas de la répétition synonymique, puisque la synonymie impli-
que l'équivalence des unités synonymiques en présence. C'est ainsi que dans le
premier exemple ci-dessous, il y a répétition thématique d'une laisse à l'autre,
mais pas répétition synonymique; et ceci parce que, en dépit des variations ap-
portées par chaque laisse (variations qui interviennent même déjà au niveau de
chacune des propositions initiales et empêchent jusqu'à celles-ci de dessiner
une répétition synonymique), le noyau thématique (thème de la pluie) reste
constant.
Au sein de la répétition thématique se fait jour une certaine hiérarchie entre
thèmes développés. C'est ce qui apparaît, par exemple, à la lecture du poème
AMERS de Saint-John Perse.

a) Le développement des thèmes mineurs est généralement concentré en un


même passage du poème; c'est le cas, notamment, du thème de la pluie appa-
raissant dans la cinquième séquence (développement 1, tirade 2) de la Strophe
IX (SJP.,/7., pp. 344-345):
Les quatre dernières laisses recréent successivement:
- son approche:
- «Il va pleuvoir avant le jour (...) »
- la chute des premières gouttes:
— «Entends la chute, sur le toit, des petites noix de palme (...) »
- la pluie qui bat son plein:
— «Il pleut sur les terrasses et les toitures cannelées (...) »
- la fin de la pluie et le lever du jour:
— «// a plu, c'est le jour (...) »
Chaque laisse actualise donc un moment de la pluie, précisé dans la première
proposition et développé dans les suivantes.
La présence de la répétition polyptotique (il va pleuvoir - il pleut - il a plu)
fait de cet exemple un nouveau cas de répétition morpho-sémantique.
Mais certains de ces thèmes, dont le développement est concentré en un
même passage, peuvent réapparaître çà et là dans le poème; c'est le cas, par ex-
emple, du thème des Amants, qui remplit toute la suite IX de la Strophe et ré-
apparaît encore dans la série homologique du Choeur (L'amante au torse de
l'amant comme à l'autel des naufragés-, SJP., Pl., p. 373), ainsi que dans la Dédi-
cace (L'amant se lave de ses nuits). Un thème semblable se situe, en fait, à la li-
mite entre thèmes mineurs et thèmes moyens.

b) Ces derniers dépassent le niveau local pour réapparaître en de multiples


passages de l'oeuvre et jouent ainsi, dans la partition poétique, le rôle de basse
continue. Tel est, par exemple, le thème du soir, c'est-à-dire le thème de la cir-
constance temporelle accompagnant l'événement:
- Et ce fut telle douceur un soir de lui marquer sa prévenance (SJP., Pl., p. 264)
- «Nous fréquenterons ce soir le sel antique du drame, la mer qui change de dialecte à
toutes portes des Empires» (SJP., Pl., p. 302)

212
- «Notre naissance est de ce soir, et de ce soir notre croyance.»
(SJP., Pl., pp. 305-306)
- Amants qui vous taisiez au sein des foules étrangères,
Vous témoignerez aussi ce soir en l'honneur de la Mer (SJP., Pl., p. 325).
- Et voici d'un grand vent descendu darts le soir à la rencontre du soir de mer, la foule
en marche hors de l'arène (SJP., Pl., p. 379).

Cette circonstance temporelle constitue le leitmotiv de la suite VII de la


Strophe·, elle apparaît déjà dans la rubrique:
«Un soir promu de main divine ...»
et jalonne toute la suite:
- «Nos feux ce soir! nos feux ce soir sur toutes rives! ...Et notre alliance! - dernier
"»>•'·'·'···» (SJP., Pl., p. 315).
- «Demain, nous chausserons les brodequins du drame, et ferons face, sans joyaux, aux
grandes euphorbes de la route; mais ce soir, les pieds nus dans les sandales encore de
l'enfance,
Nous descendons au dernier val d'enfance, vers la mer».
(SJP., Pl., p. 316).
- «Un soir couleur de sciite et de scabieuse, lorsque la tourterelle verte des falaises élève
à nos frontières sa plainte heureuse de flûte d'eau - la cinéraire maritime n'étant plus
feuille que l'on craigne et l'oiseau de haute mer nous dérobant son cri -
«Un soir plus tiède au front que nos ceintures dénouées, lorsque l'aboi lointain des Par-
ques s'endort au ventre des collines - Clélie la grive des jardins n'étant plus fable que
l'on craigne et la mer étant là qui nous fut de naissance -
«Nous avons dit l'heure plus belle que celle où furent, de nos mères, conçues les filles les
plus belles. La chair ce soir est sans défaut. Et l'ablution du ciel nous lave, comme d'un
fard ... Amour, c'est toi! nulle mégarde!
«Qui n'a aimé de jour, il aimera ce soir. Et qui naît à ce soir, nous l'en tenons complice
pour jamais. Les femmes appellent dans le soir. Les portes s'ouvrent sur la mer. Et les
grandes salles solitaires s'enfièvrent aux torches du couchant». (SJP., Pl.,
pp. 316-317).
- etc.61

Tel est encore le thème de l'écume, qui n'est en fait qu'un aspect particulier
du thème majeur:
- «Lèvres errantes sur les mers, et tout cela qu'enchaîne, sous l'écume, la phrase nais-
sante qu'elles n'achèvent...»
(SJP., Pl., p. 309).
- «La mer ensemencée d'écume assemble au loin pour nous ses chevaux de para-
de». (SJP., Pl., p. 342).
- «Ah! tout n'est-il que cette éclosion de bulles heureuses qui chantent l'heure avide et
chantent l'heure aveugle?»
(SJP., Pl., p. 309).
- «Aux baies de marbre noir striées de blanches couvaisons
«La voile fut de sel, et la griffe légère.»
(SJP., Pl., p. 321).
- «qui donc pour nous affranchira nos invisibles Soeurs captives sous l'écume? - Mê-
lées de ruches et d'ombelles, roueries d'ailes rétives et cent bris d'ailes rabrouées»
(SJP „Pl., pp. 309-310).

Pour une analyse plus détaillée de ces thèmes, cf. Frédéric (M.), op. cit., chap. 1.

213
- «Un million de bulles plus qu'heureuses, dans le sillage et sous la quille ... Et la mer
elle-même, notre songe, comme une seule et vaste ombelle ...Et son million de capitules,
de florules en voie de dissémination. »
(SJP., Pl., p. 341).
- etc.62

c) Le thème majeur, le leitmotiv qui domine tout le poème, n'est autre que
le thème de la mer. La Mer, qui s'infiltre au plus profond de l'oeuvre et envahit
les premiers et les derniers mots 6 3 , n'épargne pas même le titre: les amers sym-
bolisent, en effet, l'alliance entre la terre et la mer.
U n passage du poème est très significatif de cette perpétuelle infiltration de
la mer, jusque dans la vie - même intérieure - du poète:
- ... Or il y avait un si long temps que j'avais goût de ce poème, mêlant à mes propos du
jour toute cette alliance, au loin, d'un grand éclat de mer — comme en bordure de forêt,
entre les feuilles de laque noire, le gisement soudain d'azur et de ciel gemme: écaille vive,
entre les mailles, d'un grand poisson pris par les ouïes! (SJP., Pl., p. 263) 64 .

Il fait, en quelque sorte, écho à ce passage de VENTS:


...la table plus proche de la Mer. (Et de toutes parts au loin elle m'est présente et proche,
et de toutes parts au loin elle m'est alliance et grâce, et circonlocution - invitée à ma table
de plein air et mêlée à mon pain, à l'eau de source dans les verres, avec la nappe bleuis-
sante et l'argent, et le sel, et l'eau du jour entre les feuilles). (SJP., Pl., p. 237)6S.

Mais, en même temps, il représente, par rapport au passage de VENTS, un


degré supérieur dans la hiérarchie des thèmes, dans la mesure où, derrière ce

62
Cf. note précédente.
63
Invocation 1: Et vous, Mers, qui lisiez dans de plus vastes songes (SJP., Pl.,
p. 259).
Dédicace: Et l'homme au masque d'or se dévêt de son or en l'honneur de la Mer.
64
Cf. supra, même partie, pp. 199-200 et Frédéric (M.), op. cit., chap. 1.
65
— Cf. supra même partie, p. 146 (répétition lexicale polysémique table—table) et Fré-
déric (M.), op. cit., chap. 4.
- Le thème de la mer dépasse, on le voit, le poème AMERS pour s'étendre à d'autres
poèmes (ou à d'autres parties de poème) de l'œuvre de Saint-John Perse; cf. encore,
entre autres: Images à Crusoé (SJP., Pl., pp. 11, 13), Pour fêter une enfance (ibid.,
pp. 28, 29), Eloges (ibid., pp. 37, 38, 39,46,49), Chanson du présomptif, ANABASE
(ibid., p. 93, 103), EXIL (ibid., pp. 124, 132), CHRONIQUE (ibid., pp. 389, 398),
Sécheresse (SJP., Séch., p. 2).
Le thème de la mer n'est pas le seul à dominer toute l'œuvre poétique de Saint-John
Perse; c'est le cas aussi, notamment, du thème de la mort; cf., entre autres: Eloges
(SJP., Pl., pp. 40, 44), Histoire du régent, Berceuse, ANABASE (ibid., p. 97), EXIL
(ibid., p. 131), VENTS (ibid., p. 238), AMERS (ibid., pp. 260, 290, 301, 326, 329,
336, 337, 338, 342-343, 348, 366, Dédicace), CHRONIQUE (ibid., pp. 391, 397,
399, 403, 404), OISEAUX (ibid., p. 426), Chanté par celle qui fut là (ibid., p. 432),
Sécheresse (SJP., Séch., p. 6) - et de son corollaire l'oubli, cf., entre autres: CHRO-
NIQUE (SJP., Pl., p. 395), Chanté par celle qui fut là (ibid., p. 433), Nocturne (SJP.,
Noct., p. 3). C'est également le cas du thème de l'homme: cf. entre autres, ANABASE
(SJP., Pl., pp. 94, 97, 102-103, 112-113), EXIL (ibid., pp. 132-134, 148-149,
150-151), VENTS (ibid., p. 190 + Chants III et IV), AMERS (ibid., pp. 287, 293,
295), etc.

214
thème de l'omniprésence de la mer, se fait jour un autre thème: celui de la créa-
tion poétique qui hante le poète.

d) Car le thème de la mer n'est, en fait, que «le fidèle allié» 66 de ce que A.
Henry appelle «le chant profond» 6 7 de l'oeuvre. Ce chant profond, celui de
«l'invention poétique dans son élan même, dans toutes ses angoisses, et toutes
ses ambitions, et toutes ses duretés» 6 8 va en quelque sorte se matérialiser, ou
plutôt, se révéler au travers du thème de la mer. C'est en effet au travers du
mouvement perpétuel de la mer que va se faire jour le dynamisme de la créa-
tion poétique. Comme le dit A. Henry: «Emportement lyrique et mouvement
marin sont tellement proches dans leurs formes que la fusion du thème princi-
pal et du chant profond (...) est absolue. Saint-John Perse chante toujours
[comme dans les poèmes précédents: Anabase, Exil, Pluies, Neiges et Vents] la
croissance de l'oeuvre dans son déroulement, mais cette aventure est indissolu-
blement mer dans sa mouvance et amour dans son exultation, au monde inté-
rieur du poète» 6 9 . Et le poète d'évoquer les différents moments de cette aven-
ture fabuleuse.
Je ne retiendrai, ici, que les moments exposés dans l'Invocation; une étude
exhaustive du chant profond d ' A M E R S constituerait, en effet, en soi un sujet
de travail presque inépuisable, le chant profond apparaissant constamment en
filigrane jusque dans le vocabulaire même de l'oeuvre. Et que dire alors d'une
étude portant sur l'ensemble de l'oeuvre poétique de Saint-John Perse ...
Dans le développement 1 de l'Invocation, l'éveil de la vocation poétique se
fait jour au travers d'un vocabulaire extrêmement bien choisi [aube, Pâque70,
naissance]. Le poète demande même à la brise de mer de parfaire cette naissan-
ce:
— Inonde, ô brise, ma naissance!
l'impératif inonde (< in-undare) signifie, en effet: 'plonge cette naissance dans
le mouvement marin'; ainsi imprégné, le poète pourra restituer ce mouvement
dans ses écrits.
Le poète évoque, ensuite ce que sera cette oeuvre qu'il sent confusément mû-
rir en lui (Développements 2, 3 et 4).
Dans le développement 5, le poète rappelle combien cette vocation est an-
cienne et reconnaît que la création poétique a toujours été au centre de ses pré-
occupations.
Le développement 6, enfin, retrace la montée de l'inspiration 71 .

66
A. Henry, Amers ..., p. 153.
67
ibid.
68
ibid.
69
ibid., pp. 1 6 8 - 1 6 9 .
70
«Remarquons (...) le singulier désignant la fête juive qui, plus que la fête chrétienne
(au pluriel) signifie passage : une Pâque d'herbe verte est donc bien synonyme d'un
printemps, d'une résurrection (...) »; Noulet (Emilie), Alphabet critique 1924—1964,
Presses Universitaires de Bruxelles, 1 9 6 4 - 1 9 6 5 , t. IV, p. 36, note 4.
71
Pour de plus amples informations concernant les thèmes d'AMERS et leurs rapports

215
4. Mise en abyme

Une brève incursion dans le domaine romanesque semble nécessaire ne fût-ce


que pour mentionner au passage un procédé de répétition sémantique extrê-
mement complexe: celui de la mise en abyme. Si je le signale sans m'y attarder,
c'est principalement pour deux raisons.
La première est que cet ouvrage est essentiellement tourné vers le domaine
de la poésie, or la technique de la mise en abyme relève avant tout du roman et
son étude nécessite, dès lors, des investigations approfondies dans ce domaine;
elle suppose une connaissance la plus complète possible des mécanismes de
fonctionnement du récit romanesque (mécanismes qui ne sont pas comparables
à ceux de la poésie), permettant de replacer le procédé dans l'économie géné-
rale du roman; elle suppose, bien évidemment aussi, l'examen d'exemples con-
crets - ceci afin d'éviter de ne livrer du procédé qu'une analyse gratuite et, de
toute manière, incomplète.
La seconde raison est que l'étude de la mise en abyme fait à son tour appa-
raître toute une série de répétitions qui semblent caractériser essentiellement le
roman (répétition de la structure d'un récit, du fil principal de l'histoire, du
mode de narration dominant, de la vision - erronée ou correcte - de quelque
protagoniste, etc. 72 ) et dont l'étude ne pourrait être menée sérieusement à bien
en l'espace de quelques pages, pour les raisons qui ont été évoquées précé-
demment.
La mise en abyme, tout comme la répétition thématique, apparaît comme un
procédé de répétition transphrastique.
La description qui va en être livrée dans les pages suivantes, repose essentiel-
lement sur l'analyse de M. Bal 73 . Cette dernière nous propose de la mise en
abyme la définition suivante:
est mis en abyme tout signe ayant pour réfèrent un aspect pertinent et continu du texte,
du récit ou de l'histoire qu'il signifie, au moyen d'une ressemblance, une fois ou plu-
sieurs fois 74 .

Dans la mise en abyme il y a donc reprise d'un référent (qui doit être un
aspect pertinent et continu du texte, du récit ou de l'histoire; ce qui implique,
comme le précise M. Bal, «que le réfèrent doit concerner le récit entier, mais il
n'en représentera toujours qu'un aspect: structure, fil principal de l'histoire,
mode de narration dominant, vision - erronée ou correcte - de quelque prota-
goniste, etc.» et qu'en outre, «cet aspect ne peut pas avoir un intérêt mineur
dans la totalité du récit» 75 ) à l'aide de n'importe quel élément textuel:
avec les poèmes précédents, le lecteur pourra se reporter au chapitre IX de l'ouvrage
d'A. Henry, Amers..., pp. 151 ss.
72
Bal (M.), Mise en abyme et iconicité, dans Littérature, n° 29, févr. 1978, p. 125.
73
Bal (M.), art. cit., pp. 1 1 6 - 1 2 8 .
- Cf. aussi Dällenbach (L.), Le récit spéculaire. Essai sur la mise en abyme, Paris,
Seuil, 1977.
74
Bal (M.), art. cit., p. 123.
75
ibid. p. 125.

216
ex.: «la page blanche du Voyeur, mise en abyme du blanc dans la conscience
de Matthias» 76 .
Cet exemple illustre le premier type de relation entre le signe iconique (la
page blanche) et son réfèrent (le refoulement de Matthias): celle que M. Bal
dénomme icône topologique (relation spatiale: figurative, picturale).
ex.: «la description de Rouen dans Madame Bovary», dont «les éléments
entretiennent entre eux une relation d'opposition entre le positif et le
négatif, opposition qui manifeste une structure fluctuante jusqu'à se ré-
soudre dans le négatif absolu», mise en abyme de «la relation entre les
différents éléments (étapes) de la vie d'Emma» 77 .
L'exemple illustre, cette fois, le deuxième type de relation entre le signe ico-
nique (la description de Rouen) et son réfèrent (les étapes de la vie d'Emma):
relation appelée icône diagrammatique (dans laquelle «la ressemblance se situe
dans la relation entre les éléments du signe et celle entre les éléments du réfè-
rent» 78 ).
ex.: dans Le procès, la relation entre le personnage hypodiégétique de la pa-
rabole et ce qui lui arrive qui «ressemble à celle entre K. et les événe-
ments auxquels il se heurte» (icône - mise en abyme diagrammatique),
mais est en même temps mise en abyme de la relation «entre le lecteur et
sa vie». Comme le précise M. Bal, «cette dernière relation, médiate, ne
peut être rattachée au récit du Procès que si le lecteur veut bien lui attri-
buer cette signification métaphorique» 79 .
L'exemple illustre le troisième type de relation entre le signe iconique (la re-
lation entre le personnage et ce qui lui arrive, qui ressemble à celle entre K. et
les événements auxquels il est confronté) et son réfèrent (la relation entre le
lecteur et sa vie): l'icône métaphorique («Le signe susceptible d'être appelé
icône métaphorique se caractérise par le fait qu'il dénote deux référents en
même temps, l'un immédiat, l'autre médiat. Le rapport de ressemblance, dans
ce cas, se situe au niveau de la relation entre ces deux référents» 80 ).
Ainsi, ce très rapide examen de la mise en abyme suffit à mettre en lumière la
nécessité d'une étude approfondie portant sur les procédés de répétition dans le
domaine romanesque (je songe, notamment, à la réapparition d'un personnage
tel celui de Vautrin dans La comédie humaine, ou encore à la répétition d'une
situation, d'une structure de récit, d'un type de focalisation, etc.). On le voit,
c'est tout un livre et non quelques pages qu'il faudrait consacrer à la question.

Convergence

Le phénomène de la convergence, mentionné déjà lors de l'examen de la répé-


tition formelle, se manifeste également au niveau de la répétition sémantique.
76
ibid., p. 126.
77
ibid., p. 127.
78
ibid., p. 126.
79
ibid., p. 127.
80
ibid., p. 127.

217
Si l'on considère, par exemple, le passage de VENTS cité précédemment
(SJP., Pl., p. 237), on y voit converger répétition thématique et répétition fon-
dée sur la superposition de sens: les termes eau (eau du jour) et sel appartien-
nent, en effet, au champ sémantique du terme mer.
L'exemple de Queneau, déjà cité partiellement 81 :
Il reprit son chemin et, songeusement quant à la tête, d'un pas net quant aux
pieds, il termina sans bavures son itinéraire. Des radis l'attendaient et le chat
qui miaula espérant des sardines, et Amélie qui craignait une combustion trop
accentuée du fricot. Le maître de maison grignote les végétaux, caresse l'animal
et répond à l'être humain qui lui demande comment sont les nouvelles au-
jourd'hui:
— Pas fameuses. (Gr. μ, I, p. 103)
marque la convergence du pléonasme vicieux: songeusement— quant à la tête et
d'un ~pas net - quant aux pieds (répétition fondée sur la superposition sémanti-
que de type Β : par variation dénotative) et de la répétition tropique (synecdo-
chique): des radis — les végétaux, le chat - l'animal, Amélie — l'être humain (ré-
pétition fondée sur la superposition sémantique de type A: par variation conno-
tative).

Nous aurons l'occasion de revenir à la convergence au terme de ce chapitre.

C. Répétition morpho-sémantique
La répétition morpho-sémantique consiste, on s'en souvient, dans la répétition
combinée d'un élément formel et d'un contenu signifié.
Je ne reviendrai pas ici à l'examen des différents cas d'espèce qui ont déjà été
envisagés en même temps que la répétition formelle si, dans le fait de répétition
rencontré, l'élément dominant était l'élément formel; en même temps que la
répétition sémantique, si l'élément dominant était l'élément sémantique.
Il y a cependant une espèce de répétition morpho-sémantique qui n'a pu se
voir réduire ni à une espèce de la répétition formelle, ni à une espèce de la répé-
tition sémantique, sous peine de faire éclater une classe fondamentalement uni-
taire: il s'agit de la répétition affixale, qui va être examinée à présent.
— Répétition affixale

La répétition affixale consiste dans la réapparition d'un même affixe (a) (préfi-
xe, infixe ou suffixe) ou dans la présence de deux ou plusieurs affixes synony-
mes (b), au sein d'un même énoncé.

(a) ex.: Je n'ai plus que les os, un squelette je semble,


Décharné, dénervé, démusclé, dépoulpé, (Ronsard)

81
Cf. supra, même partie, p. 205.

218
La répétition du préfixe dé- a pour conséquence la réapparition de la valeur dé-
notative privative attachée à ce préfixe 82 ; il y a donc répétition d'un contenu si-
gnifié réalisée au travers de la réapparition d'un même signifiant83.
Remarquons, au passage, que la répétition affixale se double d'une répétition
phonique (rime) et d'une répétition syllabique (permanence du trisyllabe); cet
exemple apparaît ainsi comme un nouvel exemple de convergence.
Il peut également y avoir répétition d'un affixe véhiculant une valeur non
plus dénotative, mais connotative. Tel serait le cas du suffixe - ard:
cf. Robert·, «-ard. Elément, d'o. germ., de noms et d'adjectifs auxquels il
donne une nuance péjorative ou vulgaire (ex.: froussard, revanchard)»,
mais je n'ai pas eu l'occasion d'en trouver d'exemple en discours.
La répétition peut aussi porter sur un affixe véhiculant une valeur à la fois
dénotative et connotative, tel le suffixe -ouille, porteur d'une valeur dénotative
fréquentative 84 et d'une valeur connotative péjorative due à l'influence de ter-
mes comme fripouille, arsouille, etc. Malheureusement, dans le seul exemple
que j'ai rencontré en discours, ouille n'est véritablement suffixe que dans le
dernier terme:
ex.: tout ce qui grouille, grenouille, scribouille (Gr. μ, p. 62).
Notons, ici encore, que la répétition - affixale ou non — se double d'une répé-
tition phonique par exploitation de la paronymie (rencontre de ouille faisant of-
fice de rime et de l'allitération en [g r], dans les deux premiers termes; réduite à
[r], dans le troisième - la palatale [k] y apparaissant comme l'écho assourdi de
la sonore [g]). Nous nous trouvons, une nouvelle fois, en présence d'un exemple
de convergence.

(b) ex.: Cela qui nous donne la vie et (...) qui ourdit notre substance, qui nous
inspire et nous emmembre , „,
y
(Cl., p. 164).
Dans cet exemple, c'est au travers de deux signifiants différents (préfixes in- et
en-as) que se réalise, cette fois, la reprise du même contenu signifié (valeur dé-
notative locative 'dans').
82
Robert: «dé-. Elément du lat. dis-, qui indique l'éloignement, la séparation, la priva-
tion.»
83
Cf. aussi Saussure (F. de), Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1969:
-exemple de répétition d'un préfixe: série dé-faire —* décoller - déplacer - découdre
etc. (p. 178).
-exemple de répétition d'un suffixe: série désir-eux, chaleur-eux, chanc-eux, etc.
(p. 176).
-exemple de répétition d'un préfixe et d'un suffixe: in-décor-able («mot improvisé»)
—* impardonnable, intolérable, infatigable, etc. (p. 173). La répétition n'est que par-
tielle dans les séries:
indécorable, pardonnable, maniable, etc. (p. 227).
et:
indécorable, inconnu, insensé, etc. (p. 227).
84
GLLF; I, p. XV: suffixe de verbe -ouiller : origine, latin - oculare; valeur, fréquentatif.
85
Robert: «2. in-. Elément locatif, du lat. in, prépos. «en, dans».
«en- ou em- (devant b, m,p). Elément du lat. in- et im-, de in «dans».

219
J'ai retenu cet exemple parce qu'il appartenait au langage poétique, mais il
peut ne pas paraître tout à fait convaincant, dans la mesure où les deux affixes
en présence remontent au même élément latin in (reproche qui ne vaut qu'en
diachronie, or cette partie-ci est une étude synchronique ...).
Quoi qu'il en soit voici, emprunté au langage courant, plus exactement à la
langue courante, un exemple où la réapparition d'un contenu signifié (réappari-
tion mais non répétition car on est ici en langue et non plus en discours, or la
répétition ne prend existence qu'au niveau du discours) se réalise, cette fois, au
moyen de deux préfixes d'origine tout à fait différente:
ex.: aphone - illettré,
de l'un à l'autre de ces deux adjectifs se retrouve le même contenu signifié (va-
leur dénotative privative 'sans'), réalisé au travers d'un préfixe d'origine grec-
que a- 8 6 et d'un préfixe d'origine latine: il-87.
Il pourrait également y avoir rencontre de deux affixes différents véhiculant
tous deux une même valeur connotative. Je songe, par exemple, à la rencontre
des deux suffixes à valeur péjorative — ard et-ouille dont il a été question pré-
cédemment:
ex.: fripouille — fêtard,
ici encore, la réapparition d'un contenu signifié - valeur connotative péjorative
- se réalise au moyen de deux affixes différents (réapparition et non répétition
car nous sommes, une nouvelle fois, au niveau de la langue).

Dans ces deux séries d'exemples, c'est toujours le même mécanisme qui se
retrouve: il y a chaque fois répétition / réapparition d'un même contenu signifié
(valeur dénotative privative, valeur connotative péjorative, valeur dénotative
fréquentative + valeur connotative péjorative, valeur dénotative locative, va-
leur dénotative privative, valeur connotative péjorative), réalisée au travers
d'un (d') élément(s) de nature affixale.
On voit, dès lors, qu'il serait assez maladroit de rompre l'unité du phéno-
mène en distinguant:
- une répétition sémantique: dans les exemples du type (b) (affixes différents
véhiculant la même valeur dénotative ou la même valeur connotative), la ré-
pétition du contenu signifié se fait par l'intermédiaire de deux signifiants dif-
férents.
- et une répétition morpho-sémantique: dans les exemples du type (a) (retour
du même affixe), la répétition du contenu signifié se fait au travers du même
affixe.
D'ailleurs, que deviendrait l'exemple suivant:
ex.: la Mer, étrange, là, et qui veillait sa veille d'Etrangère — inconciliable, et
singulière, et à jamais inappariée - (SJP., Pl., p. 266)

86
Robert: «2. a-, an-. Elément tiré du grec exprimant la négation (pas), ou la privation
(sans), et d i t e privatif.·»
87
Robert: «1. in-. Elément négatif, du lat. in- (...) (im- devant b,m,p; il- devant l; ir-
devant r).»

220
ou, mieux encore, la série:
ex.: inapte — inconciliable - illettré — irresponsable - imprudent.
Si l'on veut y voir une répétition morpho-sémantique - distincte des exem-
ples du type (b), renvoyés quant à eux à la répétition sémantique - (ce qui re-
vient à déplacer le problème sans le résoudre car, à ce stade-là, on ne sait tou-
jours pas si ce qui domine c'est l'aspect formel - auquel cas ces deux exemples
doivent être renvoyés à la répétition formelle - ou l'aspect sémantique - auquel
cas ils doivent être renvoyés à la répétition sémantique), faut-il parler d'une ré-
pétition graphique (in-) unissant inapte et inconciliable (ou, dans le premier ex-
emple, inconciliable et inappariée), d'une répétition phonique (assonance [i])
unissant inapte — illettré - irresponsable ou encore (assonance [ε]): inconciliable
et imprudent?
D'ailleurs, même ainsi, il y a des maillons plus faibles: quel lien formel exis-
te-t-il entre inapte et imprudent, entre imprudent et illettré - irresponsable en
dehors de la répétition graphique initiale i, qui ne touche même pas la totalité
du préfixe? Faut-il, dans ce cas, parler de répétition graphico-sémantique ou de
répétition uniquement sémantique? N'est-il pas plus simple de parler de répéti-
tion affixale du type (a) (répétition du même préfixe négatif/n-)? ... 8 8 .

Convergence

Comme on l'a déjà signalé au terme de l'examen de la reprise formelle, les dis-
tinctions établies entre toutes ces modalités de répétition, tant formelles que
sémantiques ou morpho-sémantiques, ont en réalité un caractère tout à fait ar-
tificiel car dans le langage et tout particulièrement dans le langage littéraire, el-
les n'interviennent presque jamais isolément, mais se conjuguent pour donner
naissance à des réseaux répétitifs parfois extrêmement complexes, comme le
font apparaître les exemples suivants, empruntés les uns au domaine de la poé-
sie, le dernier à celui du roman:
ex.: Nos actes nous devancent, et l'effronterie nous mène: dieux et faquins sous
même étrille, emmêlés à jamais à la même famille. Et nos voies sont com-
munes, et nos goûts sont les mêmes. (SJP., Séch., p. 6).
La première dyade: nos actes nous devancent — et l'effronterie nous mène,
lexicale (distribution répétitive de nous), syntaxique (correspondance terme à
terme), syllabique (permanence de l'hexasyllabe) et sémantique (superposition

88
Pour la réalisation différente du même préfixe, cf. aussi Saussure, op. cit., p. 220: «Le
préfixe re- (reprendre, regagner, retoucher, etc.) est réduit à r- devant voyelle (rouvrir,
racheter, etc.). De même le préfixe in-, très vivant bien que d'origine savante, apparaît
dans les mêmes conditions sous deux formes distinctes: ë- (dans inconnu, indigne, in-
vertébré, etc.), et in- (dans inavouable, inutile, inesthétique, etc.). Cette différence ne
rompt aucunement l'unité de conception, parce que sens et fonction sont conçus
comme identiques et que la langue est fixée sur les cas où elle emploiera l'une ou
l'autre forme.»

221
de sens entre devancent et mène)89 est relayée par une nouvelle dyade: dieux et
faquins sous même étrille - emmêlés à jamais à la même famille, phonique (rime
unissant étrille - famille) et lexicale (la répétition du terme-clef même, expri-
mant l'identité de plusieurs êtres ou choses, contribue à souligner encore da-
vantage le parallélisme), qui enchaîne à son tour sur une nouvelle dyade: Et nos
voies sont communes - et nos goûts sont les mêmes, lexicale (anaphore lexico-
polyptotique et nos + répétition lexicale isorythmique sont), syntaxique (cor-
respondance terme à terme), syllabique (permanence de l'hexasyllabe) et sé-
mantique (superposition de sens entre communes et les mêmes)90.
ex.: «conciliatrice et médiatrice, institutrice de nos lois» (SJP., Pl., p. 372)
A l'idée d'une recherche de la paix, que l'on rencontrait déjà dans la dyade:
O Maia, conciliatrice et médiatrice entre toutes factions terrestres91, vient s'ajou-
ter celle de la consécration de cette paix par les lois, qui codifient les conditions
nécessaires à sa préservation. Comme on le voit, l'unité de contenu de cette
triade épithétique (la relation de synonymie linguistique qui unit les deux pre-
miers constituants fait place, dans le troisième, à une relation de superposition
sémantique) est soulignée, sur le plan formel, par la rime (les deux premiers
constituants déterminant même une véritable répétition paronymique) née de
la répétition affixale (retour du suffixe d'agent-atrice /—trice)92 et par la répéti-
tion syllabique (les deux premiers constituants sont isosyllabiques, le troisième
proportionnel du simple au double),
ex.: Là nous allions parmi les hommes de toute race. Et nous avions beaucoup
vécu. Et nous avions beaucoup erré. Et nous lisions les peuples par na-
tions. Et nous disions les fleuves survolés, et les plaines fuyantes, et les cités
entières sur leurs disques qui nous filaient entre les doigts — grands vire-
ments de comptes et glissements sur l'aile. (SJP., Pl., pp. 242-243).
Le premier mouvement de reprise, Et nous avions beaucoup vécu — Et nous
avions beaucoup erré: métavocable doublé d'une répétition syllabique (perma-
nence de l'octosyllabe) enchaîne sur un nouveau mouvement: Et nous lisions les
peuples par nations — Et nous disions les fleuves survolés qui le prolonge dans
une certaine mesure, puisqu'on y retrouve l'anaphore Et nous. Ce deuxième
mouvement, lexical (cf. l'anaphore déjà signalée), phonique (répétition paro-
nymique lisions - disions) et syllabique (retour du décasyllabe), contient les
germes d'un nouveau mouvement de reprise: dans le second constituant, le syn-

89
Robert: v°. devancer: «I o . Etre devant (d'autres qui avancent), laisser derrière soi.»
v°. mener: «B Mener qqn., qqch. I o . Etre en tête de (un cortège, une file).»
90
Robert: v°. commun, une: «I. Adj. I o . Qui appartient, qui s'applique à plusieurs per-
sonnes ou choses. ( . . . ) Avoir des intérêts communs avec qqn. (...). Un but commun. V.
Même. »
91
Cf. supra, même partie, p. 189.
92
Robert: «-ateur, -atrice. Elément, du lat. -ator, -atrix, servant à former des noms
d'agent et des adjectifs (ex. : calomniateur, salvatrice) »
«-teur, -trice. Suffixe, de l'accus. lat. -torem, -tricem (ex.: protecteur, protectrice). V.
-Ateur, -atrice. »

222
tagme COD les fleuves survolés présente le même moule syntaxique: article +
substantif + participe à valeur adjective (épithète) que le COD suivant les plai-
nes fuyantes. Ce troisième mouvement débouche à son tour sur un mouvement
de reprise, la répétition du jonctif et: et les plaines fuyantes — et les cités entières,
suivie elle-même de l'allitération disque-doigts (le terme à l'initiale duquel ap-
paraît l'allitération clôture chaque fois un groupe rythmique), tandis que le ver-
set s'achève sur une dyade syllabique (permanence de groupes rythmiques he-
xasyllabiques) et affixale (réapparition du suffixe - ment): grands virements de
comptes - et glissements sur l'aile,
ex.: Tache frappée comme d'un sceau, elle n'est pourtant chiffre ni sceau,
n'étant signe ni symbole, mais la chose même dans son fait et sa fatalité —
chose vive, en tout cas, et prise au vif de son tissu natal: greffon plutôt
qu'extrait, synthèse plus qu'ellipse. (SJP., Pl., p. 411).
La laisse débute par un mouvement de reprise lexicale (épiphore de sceau),
dont le second constituant est entraîné dans un nouveau mouvement de reprise,
lexico-syntaxique cette fois (réapparition du moule A ni B). La phrase se pour-
suit par la distribution répétitive de chose — suspendue un instant par la reprise
phonique et graphique fait -fatalité - qui enchaîne sur une répétition polypto-
tique (vive-vif). La laisse est alors clôturée par la dyade greffon plutôt qu'extrait
-synthèseplus qu'ellipse, syntaxique (une correspondance terme à terme par-
faite est assurée entre les deux constituants), sémantique (parenté sémantique
et étymologique unissant plutôt et plus, le premier étant dérivé pour une partie
du second: plutôt < plus + tôt), lexicale (répétition isorythmique - elle ouvre la
cinquième syllabe de chaque constituant - de la conjonction que) et syllabique
(permanence de l'hexasyllabe) 93 .
Le domaine du roman offre lui aussi de nombreux exemples de convergence
répétitive, comme le font déjà apparaître les deux extraits suivants, empruntés
au roman d'A. Robbe-Grillet, La maison de rendez-vous:
- Et soudain des paroles se détachent sur ce fond sonore: «Jamais!... Jamais!... Ja-
mais!». Le ton est pathétique, même un peu théâtral. Bien que grave, la voix est assuré-
ment celle d'une femme, qui doit se trouver tout près, sans doute juste derrière la haute
touffe de ravenalas qui borde Vallée sur la droite. La terre molle ne fait heureusement
aucun bruit sous les pas de celui qui s'y aventure. Mais, entre les minces troncs surmon-
tés de leur bouquet de feuilles en éventail, il n'y a rien de discernable, que d'autres troncs
identiques, de plus en plus serrés, formant une forêt infranchissable qui s'étend proba-
blement sur une grande profondeur.
En me retournant, j'ai aperçu d'un seul coup la scène: deux personnages immobilisés
dans des attitudes dramatiques, comme sous le choc d'une intense émotion. Ils étaient
cachés tout à l'heure par un buisson assez bas, et c'est en m'avançant jusqu'au massif de
ravenalas, puis en gravissant la pente de terre nue, que j'ai atteint cette position d'où il est
aisé de les apercevoir, dans un halo de lumière bleue qui provient de la maison, plus
proche tout à coup que le chemin parcouru ne le laissait prévoir, et dans une perspective
brusquement dégagée, juste à cet endroit. La femme est en robe longue, blanche, à jupe

93
Pour une analyse plus détaillée de ces quatre exemples, cf. Frédéric (M.), op. cit.,
chap. 1 et 2.

223
très bouffante, avec les épaules et le dos nus; elle est debout, le corps assez rigide, mais la
tête détournée et les bras esquissant un mouvement ambigu d'adieu, ou de dédain, ou
d'expectative: la main gauche à peine écartée du corps, à la hauteur de la hanche, et la
droite levée jusqu'au niveau des yeux, le coude à demi plié et les doigts étendus, disjoints,
comme si elle s'appuyait à une paroi de verre. A trois mètres environ dans la direction
que cette main semble condamner — ou craindre — se tient un homme en spencer blanc
qui paraît sur le point de s'écrouler, comme s'il venait d'être frappé d'un coup de pisto-
let, la femme ayant lâché l'arme aussitôt et restant ainsi la main droite ouverte, abasour-
die par sa propre action, n'osant même plus regarder l'homme qui a seulement fléchi sur
ses jambes, le dos un peu courbé, une main crispée sur la poitrine et l'autre étendue de
côté, vers l'arrière, ayant l'air de chercher un appui où se raccrocher. (A.R.-G.,
pp. 63-64).
- La fin du premier acte approche: l'héroïne, qui avait gardé la bouche close et les pau-
pières baissées pendant tout le discours de son partenaire (et jusqu' à la phrase finale:
«Ce sera comme vous voudrez • • • J'attendrai aussi longtemps qu'il sera nécessaire ...Et
un jour ...»), relève enfin le visage pour dire avec lenteur et véhémence, en regardant
l'homme droit dans les yeux: «Jamais! Jamais! Jamais!» Le bras nu de la jeune femme
en robe blanche esquisse un geste de dédain, ou d'adieu, la main levée jusqu'au niveau
du front, le coude à demi replié, les cinq doigts étendus et disjoints, comme si la paume
s'appuyait à une invisible paroi de verre.
En m'approchant de quelques mètres encore, sur la terre molle qui étouffe le bruit des
pas, je constate que l'homme, dont une branche basse dissimulait en partie les traits, n'est
pas Johnson comme je l'avais cru d'abord, abusé par la douteuse clarté bleuâtre que ré-
pandent alentour les murs de la maison, mais ce jeune homme insignifiant avec lequel
Lauren passe généralement pour fiancée (bien qu'elle le traite le plus souvent, sans souci
du public, avec dureté ou indifférence); le garçon ne doit d'ailleurs se trouver là, ce soir,
que pour cette raison, car il n'est guère un habitué des réceptions de Lady Ava. Sous le
coup d'un congé aussi catégorique, qui vient d'être prononcé contre lui d'une voix sans
appel, il semble maintenant s'affaisser sur lui-même: ses jambes fléchissent, son dos se
courbe, sa main gauche se crispe sur la poitrine, l'autre main, étendue de côté, vers l'ar-
rière, a l'air de chercher à tâtons un appui où se retenir, comme s'il craignait de perdre
l'équilibre sous la violence du choc. (A.R.-G., pp. 93-94).

D e l'un à l'autre de ces deux extraits, on voit se dessiner cinq mouvements de


reprise:

1) - «Jamais!... Jamais!... Jamais!» (p. 63)


- «Jamais! Jamais! Jamais!» (p. 93).

Ce premier mouvement est à la fois lexical et typographique: chacun des


deux constituants, mis entre guillemets, est précédé des deux points et voit le
retour du point d'exclamation; chaque occurrence est, en outre, bâtie elle-
même sur la triple répétition de Jamais.
2) — La terre molle ne fait heureusement aucun bruit sous les pas de celui qui s'y aven-
ture. (p. 63)
- (...) sur la terre molle qui étouffe le bruit des pas, (p. 93)

La répétition lexicale du syntagme la terre molle s'unit à une répétition sé-


mantique fondée sur la superposition de sens, elle-même appuyée par l'une ou
l'autre reprise lexicale interne (bruit, les pas : dans la seconde occurrence, l'ar-
ticle les entre en composition avec l'inverseur de).

224
3) - dans un halo de lumière bleue qui provient de la maison, (p. 63)
- abusé par la douteuse clarté bleuâtre que répandent alentour les murs de la mai-
son (pp. 9 3 - 9 4 )

On assiste à une première convergence entre répétition phonique (parony-


mes à lien sémantique et étymologique bleue - bleuâtre) et répétition sémanti-
que: la synonymie unissant lumière et clarté94 se réduit à la superposition sé-
mantique dans le cas de halo - superposition assez large toutefois, puisque l'ad-
jectif lumineux intervient à deux reprises dans la périphrase définitoire du ter-
me 95 . La répétition fondée sur la superposition de sens se retrouve dans les re-
latives qui provient de la maison - que répandent les murs de la maison, où elle
est, en outre, secondée par la répétition lexicale (épiphore de la maison).
4) - La femme est en robe longue, blanche, à jupe très bouffante, avec les épaules et le
dos nus; elle est debout, le corps assez rigide, mais la tête détournée et les bras es-
quissant un mouvement ambigu d'adieu, ou de dédain, ou d'expectative: la main
gauche à peine écartée du corps, à la hauteur de la hanche, et la droite levée jus-
qu'au niveau des yeux, le coude à demi plié et les doigts étendus, disjoints, comme
si elle s'appuyait à une paroi de verre. (pp. 63—64).
- Le bras nu de la jeune femme en robe blanche esquisse un geste de dédain, ou
d'adieu, la main levée jusqu'au niveau du front, le coude à demi replié, les cinq
doigts étendus et disjoints, comme si la paume s'appuyait à une invisible paroi de
verre. (p. 93).

La répétition lexicale domine très nettement: répétition avec modulation in-


terne au second constituant due à l'adjonction de l'épithète: la femme - la jeune
femme, répétition avec connexion: en robe longue, blanche — en robe blanche;
tandis que dans la dyade complexe avec les épaules et le dos nus (...) et les bras
esquissant un mouvement ambigu d'adieu, ou de dédain (...) — le bras nu (...)
esquisse un geste de dédain, ou d'adieu, la répétition lexicale, polyptotique cette
fois, avec connexion et chiasme (nus + les bras —» le bras nu) - préparée déjà
par la présence, dans le circonstant, des substantifs épaules et dos en relation de
superposition sémantique avec le terme bras (rapprochés par le sème 'partie du
corps') — s'unit au polyptote esquissant — esquisse, à la répétition lexico-séman-
tique un mouvement - un geste (reprise du déterminant et répétition synonymi-
que 96 ) et à la répétition lexicale pure réalisée sous forme de chiasme d'adieu ou
de dédain — de dédain ou d'adieu ; notons en outre le chiasme La femme (...)
dont les bras - le bras (...) de la jeune femme. Dans la dyade la main gauche (...)
et la droite levée jusqu'au niveau des yeux — la main levée jusqu'au niveau du

94
Robert: v°. lumière: «I o . Ce par quoi les choses sont éclairées. V. Clarté».
v°. clarté: «I o . Lumière (souvent caractérisée d'une manière affective). Faible clarté.»
95
Robert: v°. halo: «Auréole lumineuse diffuse autour d'une source lumineuse.»
96
Robert: v°. geste: «I o . Mouvement du corps (principalement des bras, des mains, de la
tête) volontaire ou involontaire, révélant un état psychologique, ou visant à exprimer,
à exécuter qqch. V. Attitude, mouvement.»
v°. mouvement: «B (Matière vivante). • I o . U N M O U V E M E N T : changement de posi-
tion ou de place effectué par un organisme ou une de ses parties. Mouvements du corps
ou d'une partie du corps humain. V. Geste.»

225
front, la répétition lexicale n'est que partiellement pure (levée) au niveau du
syntagme substantif la droite levée - la main levée, étant donné que le premier la
joue le rôle d'anaphorique, alors que le second garde sa pleine valeur d'article;
quant au syntagme prépositionnel, il détermine un métavocable à lien syllabi-
que et sémantique (permanence de l'hexasyllabe et répétition fondée sur la su-
perposition de sens unissant yeux et front qui désignent tous deux une partie de
la tête). Répétition lexicale pure et paronymes à lien sémantique et étymologi-
que convergent dans la dyade le coude à demi plié —le coude à demi replié, pour
faire place à la répétition lexicale pure (les doigts étendus et disjoints), appuyée
par la répétition fondée sur la superposition de sens (elle est en relation de coré-
férence avec le syntagme la [main] droite, lui-même en relation de superposi-
tion de sens linguistique avec le terme paume, qui désigne «l'intérieur de la
main» 97 ) dans la dyade finale comme si elle s'appuyait à une paroi de verre —
comme si la paume s'appuyait à une paroi de verre.

5) - l'homme qui a seulement fléchi sur ses jambes, le dos un peu courbé, une main
crispée sur la poitrine et l'autre étendue de côté, vers l'arrière, ayant l'air de cher-
cher un appui où se raccrocher. (p. 64).
- ses jambes fléchissent, son dos se courbe, sa main gauche se crispe sur la poitrine,
l'autre main, étendue de côté, vers l'arrière, a l'air de chercher à tâtons un appui
où se retenir, (p. 94).

Répétition lexicale pure (ses jambes, dos, main, sur la poitrine, étendue de
côté, vers l'arrière, de chercher un appui) et répétition polyptotique (a fléchi -
fléchissent, courbé —se courbe, crispée —se crispe, ayant l'air — a l'air et la paire
l'autre - l'autre, dans laquelle, malgré l'identité apparente, le premier article
joue un rôle d'anaphorique, alors que le second garde sa valeur d'article) domi-
nent très nettement ce passage, tandis que dans la relative finale, la répétition
lexicale pure converge avec une reprise sémantique doublée d'une répétition
affixale (les verbes se raccrocher et se retenir, en relation de synonymie lin-
guistique 98 , débutent tous deux par le même préfixe re-).
Toute cette longue description avait pour objectif de montrer l'extrême com-
plexité et la richesse des réseaux répétitifs pouvant se tisser au sein d'une
oeuvre littéraire (phénomène particulièrement sensible chez un auteur comme
A. Robbe-Grillet"). Toutefois, coupée de tout commentaire stylistique, elle
apparaît quelque peu gratuite et fastidieuse; c'est pourquoi, je ne multiplierai
pas ici les exemples, d'autant qu'on en trouvera en abondance (pour le domaine
de la poésie) dans un autre volet de cette étude, consacré à l'examen des struc-
tures de répétition chez Saint-John Perse 100 .
*

97
Cf. Robert, v°. paume.
98
Robert: v°. raccrocher: «4°. Pronom. Se retenir (à un point d'appui).»
v°. retenir: 8III SE R E T E N I R , v. pron. • I o . Faire effort pour ne pas tomber. (...) V.
Accrocher (s').»
99
A ce propos, voir notamment Genette (G.), Vertige fixé, dans Figures I, pp. 83 ss.
100
Frédéric (M.), op. cit.

226
Les pages qui précèdent auront montré que la répétition à effets possibles (la
répétition délibérée) (qui n'est, rappelons-le, qu'un aspect de la répétition en
langage, à côté des répétitions involontaires - pathologiques ou non - des répé-
titions inconscientes et des répétitions lexicalisées) pouvait revêtir des formes
extrêmement diverses.
Si l'on tente d'établir un certain classement au sein de toutes ces formes en
prenant comme critère de départ la nature des éléments touchés par la reprise,
on voit se dégager une première grande distinction entre répétition formelle
(répétition d'un même élément formel), répétition sémantique (répétition d'un
même contenu signifié) et répétition morpho-sémantique (répétition combinée
d'un élément formel et d'un contenu signifié).
Chacune de ces trois espèces se présente, à son tour, sous des formes variées.
Il me paraît plus simple de les rappeler en les rassemblant dans le tableau qui
suit (et qui répond à celui de la première partie):

227
Ce classement n'est nullement définitif: les catégories qu'il regroupe consti-
tuent des ensembles ouverts, susceptibles de recevoir de nouvelles espèces de
répétition.
Ces catégories sont, par ailleurs, extrêmement fluides et souples et le passage
de l'une à l'autre se fait aisément.
Qu'on se rappelle le passage tout progressif de la répétition phonico-séman-
tique à la répétition lexicale pure.
Dans le tableau, cette souplesse se marque, notamment, dans la catégorie ré-
pétition thématique: la présence de traits intermédiaires est destinée à suggérer
(à rappeler) que le passage se fait de façon presque insensible des thèmes mi-
neurs aux thèmes moyens.
Le glissement d'une catégorie à l'autre est encore favorisé par le phénomène
de la convergence, qui apparaît à tous les niveaux (entre catégories de même
niveau, mais aussi de niveau différent). Dans le tableau, les flèches qui partent
d'une catégorie vers une autre sont d'ailleurs un indice de ce phénomène.
Extraordinaire variété des formes de répétition à effets possibles, aspect ou-
vert et souple des catégories relevées, souplesse favorisée encore par le phéno-
mène de la convergence: voilà les quelques grands traits qui se dégagent de ce
chapitre.
Une dernière remarque avant de le clore tout à fait: si quelques faits de répé-
tition sont restés un peu à l'écart de ce classement (réponse en écho et écholalie
délibérées, rappel, pléonasme éclairant), c'est parce que le critère de la nature
des éléments touchés semblait impropre à les caractériser de manière satisfai-
sante. La réponse en écho et l'écholalie délibérées apparaissent presque tou-
jours comme des répétitions lexicales pures, mais parfois aussi elles rejoignent
le polyptote; quant au rappel faisant suite à un développement, il se rattache
tantôt aux répétitions morpho-sémantiques (répétition lexicale pure ou polyp-
tote), tantôt aux répétitions sémantiques; on voit, dès lors, combien ce critère
est non pertinent, dans ce dernier cas surtout (la réponse en écho et l'écholalie
délibérées, au moins, ne quittent pas la catégorie des répétitions morpho-sé-
mantiques). D'autre part, même lorsque ce critère semble pouvoir être appli-
qué - il permet de rattacher le pléonasme éclairant aux répétitions sémantiques
fondées sur la superposition de sens - il ne fait que cerner un seul aspect du
phénomène et, qui plus est, un aspect qui n'est que secondaire car ce type de
pléonasme se rattache, avant tout, à la catégorie des répétitions répondant à un
souci de clarté de la part du locuteur - au même titre, d'ailleurs, que le rappel
évoqué précédemment - on voit ainsi que le critère principal (celui qui permet
la meilleure caractérisation de ces faits de répétition) est celui de l'intention
présidant à la reprise (le critère de la nature des éléments touchés étant un cri-
tère secondaire).

230
Conclusions1

Quels sont les résultats que tentait d'apporter cette deuxième partie?
Le premier est qu'il semble désormais possible d'établir une définition cer-
nant la répétition dans le langage (aussi bien élaboré que spontané) en tant que
phénomène unitaire. Ceci manquait dans la rhétorique traditionnelle où l'on
n'avait défini que des modalités de répétition, sans chercher à cerner le genre.
Lacune qui s'explique fort bien par le fait que, dans la rhétorique classique, la
répétition n'est pas, sauf cas exceptionnel, étudiée en soi, mais en fonction de
critères qui lui sont extérieurs; ce qui expliquait aussi, nous l'avons vu, la dissé-
mination, dans l'exposé, des diverses modalités examinées.
Cette définition pourrait être la suivante:
L A REPETITION, EN TANT QUE FAIT DE LANGAGE, CONSISTE DANS LE
RETOUR, LA REAPPARITION AU SEIN D'UN ENONCE - REAPPARITION
NULLEMENT IMPOSEE PAR UNE QUELCONQUE CONTRAINTE DE
LANGUE - SOIT D'UN MEME ELEMENT FORMEL, SOIT D'UN MEME CON-
TENU SIGNIFIE, SOIT ENCORE DE LA COMBINAISON DE CES DEUX ELE-
MENTS.
Elle appelle quelques remarques:
- la réserve «réapparition nullement imposée par une quelconque contrainte
de langue» permet de distinguer redondance et répétition;
- l'expression «réapparition d'un même élément formel permet de recouvrir la
répétition d'un graphème (répétition graphique) ou celle d'un type d'impres-
sion du texte (répétition typographique) - deux reprises qui sont limitées au
langage écrit; celle d'un phonème (répétition phonique), d'un mot (répéti-
tion lexicale, qui constitue en fait une modalité de répétition morpho-séman-
tique) ou d'un moule syntaxique (répétition syntaxique) - toutes reprises qui
concernent aussi bien le langage oral que le langage écrit; ou encore, la répé-
tition d'éléments suprasegmentaux (répétition suprasegmentale) - qui relève
essentiellement, mais pas uniquement, du langage oral;
- l'expression «réapparition d'un contenu signifié» recouvre la répétition d'un
noyau sémico-connotatif (répétition synonymique et répétition fondée sur la
superposition de sens), celle d'un thème (répétition thématique) ou encore,
celle d'un réfèrent plus complexe (mise en abyme);
- enfin, l'expression «réapparition de la combinaison de ces deux éléments
(élément formel et contenu signifié) » permet de recouvrir, notamment, la
répétition d'un même affixe (répétition affixale).
*

Un deuxième apport se manifeste en ce qui concerne la délimitation du phé-


nomène.
1
Je renvoie également le lecteur aux conclusions partielles faites à la fin de chaque cha-
pitre.

231
Une constatation qui s'est imposée d'emblée est qu'il fallait faire éclater le
cadre trop étroit de la rhétorique traditionnelle - cadre préalablement reconsti-
tué (objectif de la première partie), après inventaire des diverses figures de ré-
pétition répertoriées, mais aussi éparpillées, dans les ouvrages de rhétorique. Il
fallait, de toute nécessité, élargir le champ d'investigation de la rhétorique clas-
sique, laquelle se bornait à l'examen des oeuvres littéraires et excluait ainsi
d'office de son champ de recherche les divers faits de répétition du langage
spontané. Parmi les répétitions proprement littéraires, la rhétorique imposait
encore une seconde limitation, en ce sens qu'elle ne retenait que les répétitions
lui apparaissant comme de véritables figures.
En cherchant à voir quels phénomènes de langage pouvaient être rangés
parmi les faits de répétition, on a vu se dégager un résultat important: la répéti-
tion n'est qu'une facette d'un phénomène de langage plus vaste, celui de la ré-
currence linguistique, qui consiste dans le retour d'un même élément (formel,
sémantique, morpho-sémantique), à l'intérieur d'un énoncé. Si ce retour est
libre et perçu par l'interlocuteur, on se trouve en présence de la répétition; s'il
ne l'est pas (c'est le cas pour la réapparition de la marque du genre ou du nom-
bre, par exemple), on a affaire à la redondance.
Poursuivant la tâche qui consistait à inventorier les divers faits de répétition
(à l'exclusion des faits de redondance et, plus généralement, de récurrence) du
langage, j'ai écarté ceux qui n'avaient pas de rapport avec la répétition (la coré-
férence simple) ou qui n'avaient avec elle qu'un rapport indirect (les structures
d'extraposition avec coréférence coexistentielle).
Ensuite sont venus s'ajouter à mon inventaire toute une série de faits de ré-
pétition qui n'auraient jamais pu trouver place dans le cadre de la rhétorique
traditionnelle, en raison des deux limitations de départ, évoquées précédem-
ment: il s'agissait des répétitions involontaires - répétitions pathologiques (ré-
ponse en écho, écholalie, contamination, persévération, entraînement verbal,
palilalie et paligraphie, itération, bégaiement du premier et du deuxième type)
et répétitions non pathologiques (dues à une pensée qui se cherche ou à une
forte émotion de la part du locuteur) - et des répétitions inconscientes du type
et alors ..., et alors ...
D'autres faits de répétition — le pléonasme et la tautologie — avaient été rele-
vés par la rhétorique classique, mais elle n'en avait livré qu'un examen assez
embryonnaire.
En ce qui concerne le pléonasme, l'analyse de différents cas concrets aura fait
apparaître plusieurs espèces (pléonasme vicieux, pléonasme étymologique,
pléonasme éclairant, pléonasme d'insistance et épithète de nature - pléonasme
focalisant) et aura montré que la réduction de ces différentes espèces à un seul
type - réduction opérée par la rhétorique traditionnelle - était illusoire et ris-
quait de déboucher sur la confusion — que n'a d'ailleurs pas manqué de faire la
rhétorique - entre le pléonasme comme défaut de style et le pléonasme comme
figure potentielle.

232
Quant à la tautologie, la notion aura elle aussi dû être reprécisée et la tauto-
logie, réhabilitée, étant donné son statut de figure potentielle.

Après avoir procédé à cet élargissement du cadre de la rhétorique classique


- en procédant à l'analyse des catégories de faits de répétition qui n'avaient pas
été examinées par elle (répétitions involontaires et répétitions inconscientes) et
en approfondissant l'étude d'un fait (la tautologie) ou d'une catégorie de faits
(les différentes espèces de pléonasme) de répétition qui avaient été analysés par
la rhétorique, mais de manière incomplète - j'ai tenté de classer les faits de ré-
pétition du langage.
En retenant comme critère de départ celui du choix ou de l'absence de choix
de la part du locuteur, on a vu se dégager quatre grandes catégories:
- les répétitions involontaires, qui sont produites par le locuteur indépendam-
ment de sa volonté, regroupent les répétitions pathologiques et deux faits de
répétition d'origine non pathologique: les répétitions dues à une pensée qui
se cherche et celles qui apparaissent chez un locuteur en proie à une forte
émotion;
- les répétitions inconscientes, qui échappent au contrôle du locuteur, mais
dans une mesure moindre, cependant, que les précédentes, en ce sens qu'el-
les peuvent être neutralisées par un effort de volonté de la part du locuteur.
Elles englobent la répétition du type et alors ...et alors ..., le pléonasme vi-
cieux et le pléonasme étymologique;
- les répétitions lexicalisées, qui ont pu correspondre, à un moment donné de
leur histoire, à une intention délibérée de la part du locuteur, soucieux d'une
certaine expressivité; mais qui ont progressivement perdu toute valeur ex-
pressive en passant dans la langue;
- et enfin, les répétitions délibérées, qui regroupent un tel nombre de faits de
répétition qu'il a fallu procéder à un nouveau classement, en prenant cette
fois comme critère de base celui de la nature des éléments touchés par la re-
prise (critère qui avait l'avantage de pouvoir s'appliquer à la presque totalité
des faits de répétition appartenant à cette dernière catégorie, en n'en laissant
de côté qu'un très petit nombre: la réponse en écho et l'écholalie non patho-
logiques, ainsi que les répétitions répondant à un souci de clarté de la part du
locuteur (rappel, pléonasme éclairant et répétition synonymique explicative
de forme / X est Y/). Je ne rappellerai pas ici tous les faits de répétition qui
ont pu être relevés pour cette catégorie: l'énumération en serait longue et
ennuyeuse, aussi je renvoie le lecteur à la conclusion du chapitre 2 et, no-
tamment, au tableau récapitulatif.

Quelles sont, dans les grandes lignes, les modifications apportées par cet in-
ventaire des faits de répétition délibérée (pour le détail des points communs à
ces deux inventaires, je renvoie le lecteur à l'essai, tenté en cours d'analyse, qui

233
visait à établir la correspondance de tel fait de répétition relevé pour l'époque
actuelle avec telle figure de répétition inventoriée par la rhétorique classique)?
Du côté des répétitions formelles sont venues s'ajouter, notamment, la répé-
tition graphique (j'ai eu l'occasion de signaler que lorsque les auteurs parlaient
de répétition de la même lettre à propos de la fig. 1, correspondant à l'allitéra-
tion, le terme lettre était chaque fois mis pour celui de phonème) et la répétition
typographique.
L'assonance et la rime, mal distinguées par la rhétorique (je rappelle que
seuls Demandre et l'Encyclopédie établissaient une distinction entre ces deux
figures et encore, celle-ci n'était-elle pas très claire), ont été dissociées ici.
La répétition d'un type de construction et d'un même nombre de syllabes a
été scindée en deux faits de répétition: la répétition syntaxique et la répétition
syllabique (la convergence des deux permettant de retrouver la figure de la rhé-
torique classique). On a vu, par ailleurs, que la répétition syllabique n'était
elle-même qu'une espèce d'une catégorie plus vaste: celle des répétitions su-
prasegmentales. Que cette dernière catégorie ait échappé aux auteurs de la rhé-
torique traditionnelle n'a rien d'étonnant, si l'on songe que les éléments supra-
segmentaux sont difficiles à évaluer: il faut, pour ce faire, des appareils de me-
sure assez perfectionnés, qui n'ont été mis au point qu'au XXe. siècle (et malgré
tout, à l'heure actuelle, bon nombre de questions restent encore ouvertes). De
toutes les répétitions suprasegmentales, la répétition syllabique était la plus ai-
sément décelable (elle ne nécessite pas d'appareil de mesure, pour autant qu'on
ne cherche à évaluer que le nombre de syllabes et non leur durée) et il n'est
donc pas surprenant qu'elle ait trouvé place dans de nombreux traités.
Dans la rhétorique classique, un flottement très net se manifestait dès l'ins-
tant où intervenait l'aspect sémantique de la répétition.
En ce qui concerne les répétitions morpho-sémantiques, on a vu s'élargir
quelque peu la classe des paronymes à lien sémantique: en effet, les paronymes
de même famille sémantique (type: père - mère) sont venus s'ajouter aux paro-
nymes de même radical (type: innombrable — nombres — dénombrements, ac-
tant/circonstant interne paronymique, polyptote) relevés par la rhétorique.
Mais le flottement se faisait surtout sentir au niveau du passage progressif du
polyptote à ce qui est devenu, dans la deuxième partie, la répétition lexicale
pure. Certains stades manquaient: l'actant/le circonstant interne homonymi-
que, le polyptote focalisant et la répétition lexicale polysémique (pour la tauto-
logie: voir ce qui a été dit précédemment). Les stades du polyptote, de l'ac-
tant/du circonstant interne paronymique, du polyptote polysémique et de la ré-
pétition lexicale focalisante peuvent être retrouvés à partir des exemples: mais,
dans le cas des trois derniers, il faut y mettre beaucoup de bonne volonté: l'ac-
tant/le circonstant interne paronymique n'est pas distingué de la répétition pa-
ronymique exploitant des constituants d'une même famille étymologique (dans
cette deuxième partie, cas (a) des répétitions paronymiques à lien sémanti-
co-étymologique); quant au polyptote polysémique et à la répétition lexicale
focalisante, les auteurs les présentent, en bloc, comme des répétitions d'un

234
même mot avec modification du contenu sémantique, sans établir aucune dis-
tinction entre répétition polyptotique et répétition sans modification de la com-
position phonique (et graphique), mais aussi sans préciser en quoi réside la mo-
dification du contenu sémantique du terme repris (une seule exception: Fonta-
nier, mais son analyse est, il faut bien le reconnaître, assez embryonnaire); et,
de toute façon, sans chercher à cerner la différence existant entre ces figures,
certains auteurs allant même jusqu'à présenter comme des répétitions d'un
même mot s'accompagnant d'une modification du contenu sémantique, des ex-
emples de répétition homonymique véritable ...
Parmi les faits de répétition lexicale pure (elle correspond, dans la première
partie, aux différents cas de répétition d'un même mot sans modification de son
contenu sémantique), on a vu s'élargir la catégorie de la distribution répétitive
(elle regroupe plusieurs figures de la première partie) et celle de l'anaphore
(elle recouvre deux figures de la première partie). On a vu également appa-
raître deux nouveaux faits de répétition: la répétition isorythmique (qui était
pourtant contenue en germes dans l'un des exemples de répétition «au milieu
de la phrase» fournis par l'Encyclopédie) et la répétition avec connexion qui fait
pendant à une répétition relevée par la rhétorique classique: la répétition avec
disjonction (dissociation).
Le flottement se faisait également sentir, dans la rhétorique, au niveau de la
vaste catégorie fourre-tout que représentait la répétition d'un même contenu
sémantique (catégorie E) — l'adjectif sémantique est pris ici dans son sens tradi-
tionnel de 'dénotatif car la rhétorique n'envisageait que la répétition d'un
noyau sémique, sans prendre en considération l'aspect connotati?.
Quand ils s'intéressaient à la répétition synonymique, les auteurs n'établis-
saient pas de distinction entre répétition synonymique linguistique et répétition
synonymique situationnelle.
Ils n'accordaient pas de place distincte de la synonymie à la catégorie des ré-
pétitions fondées sur la superposition de sens (un auteur comme Phoïbammon,
par exemple, rangeait sous la figure de Γέπιμονή aussi bien des exemples se rat-
tachant à la répétition synonymique que des exemples relevant de la répétition
fondée sur la superposition sémantique).
Enfin, ils ne faisaient mention, nulle part, de la répétition thématique ni de la
mise en abyme.
Ce flottement qui surgit lorsqu'intervient l'aspect sémantique était déjà à
l'origine de l'analyse et de la condamnation trop hâtives du pléonasme.
On a vu s'accroître considérablement l'importance du phénomène de la con-
vergence (cf., notamment, le tableau qui clôture le chapitre 2). Dans la rhétori-
que traditionnelle, lorsque les auteurs abordaient la question de la convergen-
ce, ils le faisaient toujours sous forme de remarques occasionnelles disséminées

2
On a vu pourtant, lors de l'examen de la superposition de sens par variation connota-
tive (superposition de sens situationnelle), que l'exemple de Dumarsais voiles — vais-
seaux nous entraînait dans la sphère de la connotation.

235
dans l'exposé; la seule exception était constituée par Fontanier, qui concentrait
son étude en un même passage. De toute façon, leurs remarques ne portaient
jamais que sur la convergence de telle et telle figure particulière, or on a vu que
si la convergence touchait des faits de répétition particuliers, elle se manifestait
aussi au niveau des grandes catégories, puisque c'est précisément la conver-
gence de la répétition formelle et de la répétition sémantique qui donne nais-
sance à la répétition morpho-sémantique.

Du côté des critères retenus pour établir ce nouveau classement (je n'envi-
sage pas ici le classement des faits de répétition du langage en général, mais
uniquement celui qui rassemble les faits de répétition susceptibles d'engendrer
certains effets, puisque c'est lui qui correspond au classement de la rhétorique
classique), on retrouve le critère de la nature des éléments touchés par la repri-
se: il préside à la distinction entre répétition formelle, répétition sémantique et
répétition morpho-sémantique; puis, dans un second temps, entre les différen-
tes espèces de répétition formelle. Au sein de la répétition sémantique, c'est ce
même critère qui permet de dissocier la répétition thématique (répétition d'un
même thème) de la mise en abyme (répétition d'un réfèrent plus complexe), ou
encore de la répétition synonymique et de la répétition fondée sur la superposi-
tion de sens (répétition d'un noyau sémico-connotatif) ; tandis que c'est le cri-
tère de la modalité de la reprise, retenu également par la rhétorique, qui permet
alors de distinguer la répétition synonymique (répétition totale du noyau sémi-
co-connotatif) de la répétition fondée sur la superposition sémantique (répéti-
tion partielle du noyau sémico-connotatif). Les diverses espèces de répétition
morpho-sémantique, participant à la fois de la répétition formelle et de la répé-
tition sémantique, verront intervenir conjointement ces deux critères (ex.: po-
lyptote = «retour d'un même terme» —> critère de la nature, «sous plusieurs des
formes grammaticales qu'il est susceptible d'adopter» —• critère de la modalité;
cf. encore: répétition lexicale pure = «reprise intégrale» —» critère de la moda-
lité, «d'un terme» —» critère de la nature; cf. enfin, antimétabole: «répétition,
dans un ordre modifié» —» critère de la modalité, «des mêmes termes» —• cri-
tère de la nature «tantôt sous forme d'une répétition lexicale pure, tantôt sous
forme d'un polyptote» —» à nouveau critère de la modalité; etc.). Le critère de
la modalité de la reprise intervient encore, mais seul cette fois, pour distinguer
les diverses espèces de la répétition syntaxique.
Le critère de la place de la répétition, retenu par la rhétorique, se retrouve
également: c'est lui qui intervient - aux côtés du critère de la nature (qui per-
met la distinction entre répétition de consonnes et répétition de voyelles) -
dans la définition de l'allitération, de l'assonance et de la rime. C'est lui aussi
qui permet d'établir la distinction entre les différentes formes de répétition
lexicale pure.
En revanche, on a vu disparaître les critères de la cause et de l'effet (le critère

236
du nombre d'éléments touchés par la reprise se retrouvera lors de l'étude des
structures de répétition 3 ).

Un autre intérêt de cette étude est d'avoir éclairé certains mécanismes de


fonctionnement de la répétition.
La confrontation de la répétition avec la redondance et la coréférence simple
(l'«anaphore») apporte les informations suivantes: contrairement à la coréfé-
rence simple, la répétition fait entorse au principe d'économie de la langue. La
répétition est essentiellement facultative: elle résulte quasi toujours (à l'excep-
tion des répétitions involontaires - pathologiques ou non - et des répétitions
inconscientes) d'un choix de la part du locuteur et peut fort bien être absente du
message; alors que la redondance apparaît comme une contrainte inhérente à
tout message 4 et qu'il existe certains cas dans lesquels la coréférence simple est
obligatoire.
D'autre part, les pages qui précèdent ont fourni les éléments de réponse à
une question qu'il semble logique de se poser au terme de cette étude: la répéti-
tion en tant que fait de langage relève-t-elle du niveau de la langue ou de celui
du discours?
Un indice nous est déjà fourni par la définition générale qui vient d'être don-
née de la répétition: «... réapparition au sein d'un énoncé ...». La répétition se
situe, en effet, très nettement au niveau du discours.
Ce qui n'empêche pas qu'elle puisse recourir à des données de langue: la ré-
pétition homonymique et la répétition polysémique, par exemple, exploitent
une donnée de langue: l'homonymie/la polysémie ou existence, dans le lexique,
de signifiants identiques renvoyant à des signifiés différents. La répétition pa-
ronymique exploite, elle aussi, un fait de langue: la paronymie ou présence,
dans le lexique, de signifiants semblables renvoyant les uns à des signifiés diffé-
rents, les autres à des signifiés semblables. Si l'on se reporte au schéma de Saus-
sure
enseignement

apprentissage

/ armement
éducation

etc.
3
Frédéric (M.), op. cit., chap. 1.
4
Cette contrainte intériorisée par le sujet parlant et devenue, chez lui, un véritable au-
tomatisme constitue l'un des volets du phénomène plus général qu'est la récurrence
linguistique, l'autre volet étant représenté par la répétition (l'autre ou l'un des autres,
si l'on considère la coréférence simple comme un troisième volet, dans la mesure où
elle ne se laisse réduire ni à la redondance ni à la répétition).
5
Saussure (F. de), Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1969, p. 175.

237
on constate que le premier paradigme (enseignement, enseigner, enseignons ...)
fournit les éléments de la répétition paronymique à lien sémantique et étymo-
logique, le deuxième (enseignement, instruction, apprentissage, éducation ...6)
ceux de la répétition fondée sur la superposition sémantique et ceux de la répé-
tition synonymique, le troisième (enseignement, armement, changement ... ou
encore désir-eux, chaleur-eux, peur-eux .. . 7 ) ceux de la répétition affixale et le
quatrième (enseignement, justement, clément ...) ceux de la rime.
Par contre, une forme de répétition telle que la répétition thématique
ne semble pas, quant à elle, sortir du niveau discursif, dans la mesure où elle fait
appel à une donnée non de langue, mais de discours: le thème, défini, rappe-
lons-le, comme le sujet d'un discours ou d'un passage de discours, le «condensé
sémantique» de ce discours, de ce passage de discours. Il en va de même de la
répétition typographique qui relève, elle aussi, exclusivement du domaine du
discours.
Mais, de toute façon, qu'elle fasse appel à des données de langue ou de dis-
cours, la répétition ne prend sa réalité qu'au niveau du discours. Pour que l'ho-
monymie (la paronymie, etc.) devienne répétition homonymique (répétition
paronymique, etc.), il faut que les occurrences en relation d'homonymie (de pa-
ronymie, etc.) soient présentes conjointement dans l'énoncé. Dans un exemple
comme le suivant:
J'ai la toux dans mon jeu
C'est ainsi que je gagne
Les cœurs aventureux
Qui battent la campagne
le poète exploite la relation homonymique la toux—l'atout sans qu'il soit possi-
ble pour autant de parler de répétition homonymique, puisque seule une occur-
rence apparaît au niveau de l'énoncé, alors que la répétition en suppose au
moins deux. Dans ce cas, il y a donc exploitation de l'homonymie; mais pas ré-
pétition homonymique.
De même dans l'exemple suivant:
Dites-lui seulement que je viens
De la part de Monsieur Tartuffe pour son bien
Molière exploite la polysémie du terme bien8 sans que l'on puisse pour autant
parler de répétition polysémique, puisque seule une occurrence figure dans
l'énoncé.
On rejoint ici l'idée de S. Levin qui, partant de l'idée saussurienne que le
rapport syntagmatique est in praesentia alors que le rapport associatif unit des

6
Saussure (F. de), op. cit., p. 174.
7
ibid.
8
Cf. Robert: v° bien: «I • I o . Ce qui est avantageux, agréable, favorable, profitable; ce
qui est utile à une fin donnée. V. (...) intérêt, service.»
φ 2°. Chose tangible, susceptible d'appropriation. V. Capital, (.. Sfortune, (...)patri-
moine.»

238
termes in absentia, montre que l'effet du couplage est d'unir in praesentia des
termes qui par ailleurs sont liés in absentia9.
Lorsqu'on examine les éléments qu'elle est susceptible de faire intervenir, on
constate qu'ils peuvent être de nature graphique, typographique (caractère uti-
lisé, mise en page), phonique (voyelle et/ou consonne), lexicale (mot, syntag-
me, proposition, phrase, paragraphe, chapitre, etc.), syntaxique, suprasegmen-
tale (nombre de syllabes, pause, accent, durée, intensité, hauteur mélodique,
timbre, débit syllabique), affixale (préfixe, infixe, suffixe), sémantique (noyau
sémique et/ou valeur connotative, thème, réfèrent plus complexe) ou complexe
(volume textuel, signe typographique indice d'un schéma mélodique particu-
lier, etc.).
Une ligne de recherche qui se dessine au terme de cette étude consiste à se
demander si la répétition opère en toute liberté ou si son fonctionnement est
régi par certaines contraintes (de langue? de discours? d'environnement socio-
culturel? ...).
En ce qui concerne d'éventuelles contraintes de langue, il faudrait aller voir
du côté des parties du discours (le verbe se répète-t-il comme le substantif? et
même, à l'intérieur de la catégorie verbale, le sort du verbe qui garde son plein
statut de verbe est-il le même que celui des auxiliaires ou du verbum vicarium
faire? etc.), du côté des fonctions (le sujet se répète-t-il comme le complément
direct ou comme le complément circonstanciel? etc.). L'étude devrait prendre
en considération tous les faits de répétition relevés dans cette deuxième partie:
comportement des différentes parties du discours et des différentes fonctions
vis-à-vis de la répétition polyptotique (la catégorie de l'adverbe semble ne pas
pouvoir l'admettre, mais? cas de tout? etc.), comportement vis-à-vis de la répé-
tition immédiate (l'article employé seul peut-il l'admettre? etc.), de la répéti-
tion différée, de l'anaphore, etc.
On peut également s'interroger sur l'influence possible de certaines données
de discours: la répartition des faits de répétition est-elle identique dans le mes-
sage écrit et dans le message oral? (non puisque, notamment, la répétition gra-
phique et la répétition typographique sont exclues du message oral), les faits de
répétition qui relèvent des deux types de message passent-ils aussi bien dans
l'un que dans l'autre? (on peut être sensible à la présence d'une répétition syn-
taxique dans le message parlé, mais la répétition syntaxique passe mieux dans le
message écrit; les répétitions suprasegmentales ne sont pas exclues du message
écrit, qui dispose, on l'a vu, de différents adjuvants typographiques pouvant
servir d'indices, mais elles sont plus aisément perceptibles dans le message
oral). On pourrait encore se demander si la répartition des faits de répétition

9
Ruwet (N.), Langage, musique, poésie, Paris, Seuil, 1972, p. 158. Le couplage apparaît
comme un fait répétitif de convergence essentiellement syntaxique, phonique et/ou
sémantique. S'il n'a pas été étudié ici, c'est parce qu'il le sera dans l'autre volet de cette
étude: il rejoint, en effet, l'une des structures de répétition décelées dans l'oeuvre poé-
tique de Saint-John Perse; cf. Frédéric (M.), op. cit., chap. 1.

239
suprasegmentale ne varie pas suivant qu'ils apparaissent dans un énoncé spon-
tané ou dans un texte lu, etc.
Quel rôle peut-on attribuer au facteur ethno-culturel (l'importance et la ré-
partition des faits de répétition sont-elles identiques dans toutes les langues?
l'essai, tenté dans le deuxième chapitre, de mettre en rapport les figures de la
rhétorique et les faits de répétition décelés pour l'époque actuelle fournit déjà
des bribes de réponse en ce qui concerne les domaines grec, latin et français),
au facteur socio-linguistique (quelle est, par exemple, l'importance relative des
faits de répétition en français standard, en français familier, en français recher-
ché?), au genre littéraire (la situation est-elle la même pour l'art oratoire, le
théâtre, le roman, la poésie - en vers, en prose - etc.? les brèves incursions qui
ont été faites dans le domaine romanesque sembleraient montrer que le roman,
tout comme la poésie, possède des formes de répétition qui lui sont propres, tel-
les la réapparition d'un personnage, la répétition d'une situation, d'une struc-
ture de récit, d'un type de focalisation, etc.), à la personnalité de l'écrivain
(Claudel, Segalen, Saint-John Perse, qui adoptent tous la forme du verset, ré-
servent-ils le même sort aux faits de répétition? etc.), au type de sujet, à l'épo-
que ...
*

Cette étude a fourni quelques indications concernant ce dernier point (statut


de la répétition en fonction de l'époque), tant au niveau de la répétition en gé-
néral, qu'à celui de l'un ou l'autre fait de répétition particulier.
En ce qui concerne l'histoire et la fortune du genre lui-même, on a vu dans la
première partie que certaines époques semblent accorder à la répétition une
réelle valeur (c'est le cas depuis l'Antiquité jusqu'au XVIe siècle, puis à nou-
veau au XVIIIe siècle), alors qu'à d'autres moments elle est considérée comme
une figure mineure, voire comme une futilité de style (notamment au XVIIe
siècle, où elle subit le contrecoup des réserves émises par certains auteurs à
l'égard des figures en général); les deux tendances se heurtent au XIXe siècle,
où bon nombre d'auteurs prennent leurs distances par rapport à la répétition,
alors que Fontanier lui accorde un réel statut de figure (avec quelques réserves,
toutefois, à l'égard des figures d'elocution par consonance).
Pour ce qui touche à l'histoire de l'un ou l'autre fait de répétition particulier,
on peut constater, à la lecture de la première partie, qu'elle ne fait l'objet que
de remarques occasionnelles dans les ouvrages de rhétorique: Jean de Garlande
signale que la figure du Compar in Numero Syllabarum (figure 38) n'a plus,
dans la littérature romane, le statut qu'elle avait en latin; Crevier, Demandre et
Y Encyclopédie s'intéressent à l'histoire de la rime, mais ils ne s'accordent pas
sur son origine. Seul Fontanier s'attarde davantage à la question: il s'intéresse à
la fortune desfigures par consonance en général, puis à celle de trois d'entre el-
les en particulier (valeur de la paronomase en français et aboutissement, en
français toujours, de Yhomoioploton et de Yhomoioteleuton).
Dans la deuxième partie, les conclusions de P.R. Léon et R. A. Baligand con-
cernant les deux lectures du Pont Mirabeau ont fait entrevoir un aspect de

240
l'évolution des faits de répétition suprasegmentale en poésie: «l'intonation qui
a normalement un rôle important pour la transmission des fonctions distinctives
peut disparaître dans le type de diction plane, à la m o d e depuis la fin du X I X e
siècle» 1 0 .
U n e démarche intéressante consisterait à suivre complètement l'évolution
d'un p o è m e à f o r m e fixe, par exemple, de manière à voir si la répartition des
faits de répétition sur lesquels il repose varie au cours du temps - par suite, no-
tamment, de la disparition de l'un ou l'autre fait - (dans la deuxième partie, on
a entrevu l'évolution du sonnet et celle du rondeau).

U n autre intérêt de cette étude est qu'elle permet d'affiner considérablement


la notion de rythme, fondamentale en poésie.
La définition du rythme souligne d'emblée le lien qui l'unit indissolublement
à la répétition:
«Le rythme, dans l'acception générale du terme, se définit par le retour d'un
p h é n o m è n e à des intervalles réglés et perceptibles» 1 1 .
Or qui dit retour d'un élément dit répétition; la répétition est donc la condi-
tion indispensable à l'existence du rythme 1 2 , ce dernier lui apportant, en con-
trepartie, u n e certaine organisation ( « r e t o u r . . . à des intervalles réglés»).
Les pages qui précèdent apportent des éclaircissements concernant la nature
du p h é n o m è n e susceptible d'engendrer le rythme.
On reconnaît traditionnellement que la composante principale du rythme
français est l'accent:
«la base constante du rythme verbal en français est d'abord Yaccent (...) Si
(...) les accents tombent à des intervalles ordonnés en rapports sensibles -
égalité (...), proportion (...), progression (...) ou autres combinaisons élé-
mentaires d'immédiate perceptibilité - , la chaîne verbale acquiert cadence et
rythme» 1 3 .
D a n s le cas précis où les accents tombent à des intervalles ordonnés en rap-
ports sensibles d'égalité, la base du rythme verbal, en français, est donc fournie
par la rencontre de la répétition syllabique et de la répétition accentuelle 1 4 : la

10
Cf. supra, p. 177.
" GLLF., article Le rythme, p. 5302.
12
Cf. aussi: - Fraisse (P.), Les structures rythmiques. Etude psychologique, Bruxelles -
Louvain, 1956, pp. 1 - 2 : «une structure n'est dite rythmique que si l'on envisage sa ré-
pétition au moins virtuelle. Il n'y a d'ailleurs expérience rythmique qu'à cette condi-
tion.»
- et Groupe μ, II, p. 132: «C'est la répétition régulière isochrone d'un événement qui,
établissant une forte autocorrélation, mène à la perception du rythme, crée la prévisi-
bilité et provoque l'attente. Nous sommes donc en face de deux conditions fondamen-
tales et non d'une seule: répétition et isochronisme.»
13
GLLF, p. 5302.
14
Cf. aussi GLLF, article Le vers, p. 6436: «Discuter de la question de savoir si le vers
français est syllabique ou accentuel, c'est poser un faux problème en établissant une

241
première, dans la mesure où elle repose sur le retour de groupes rythmiques
isosyllabiques, ramène l'accent de groupe à des intervalles égaux - compte
tenu, naturellement, des accidents secondaires qui peuvent venir modifier ce
rythme initial. Notamment, si au lieu de toucher des groupes rythmiques, la ré-
pétition syllabique touche des groupes syntaxiques composés quant à eux de
groupes rythmiques hétérosyllabiques. Dans ce cas, l'accent de fin de groupe
syntaxique réapparaîtra à des intervalles égaux, mais la perception du rythme
ainsi engendré sera rendue moins facile par le fait que, à l'intérieur des groupes
syntaxiques en présence, le retour de l'accent de fin de groupe rythmique se fait
à des intervalles irréguliers. Le rythme initial peut encore être modifié par l'in-
tervention d'un accent d'insistance. C'est le cas, on s'en souvient, dans le Pont
Mirabeau, où la lecture d'Apollinaire fait apparaître un accent d'insistance dans
le vers initial de la strophe II notamment; la présence conjointe de l'accent d'in-
sistance et de l'accent de groupe modifie le rythme de ce vers par rapport à celui
des autres endécasyllabes, dans lesquels seul intervient l'accent de groupe. Plus
exactement, dans ce vers la présence de l'accent d'insistance crée un décalage
entre le niveau syllabique (l'isosyllabisme se maintient) et le niveau accentuel
(la répétition accentuelle, qui tendrait à s'installer par suite de la réapparition
de l'accent de groupe après un intervalle fixe de 11 syllabes, s'en voit empêchée
par la venue de l'accent d'insistance). Parmi les accidents rythmiques, signalons
encore le rejet, le contre-rejet et l'enjambement (ce sujet, abondamment traité
dans les ouvrages de métrique, ne nous retiendra pas davantage).
Mais, si la répétition syllabico-accentuelle est la composante principale du
rythme français, elle n'en est cependant pas la seule: en réalité, tous les faits de
répétition inventoriés dans la deuxième partie peuvent intervenir dans la cons-
titution du rythme. Il peut s'agir, par exemple, des autres faits de répétition su-
prasegmentale. Cet élargissement de la notion de rythme apparaît notamment
chez P. Wunderli, pour qui le rythme «n'est jamais qu'un des retours plus ou
moins réguliers de g r o u p e s d ' i n t o n a t i o n [c'est moi qui souligne] ou de
groupes accentuels donnés» 15 . C'est ainsi que dans VENTS IV, 2 (SJP., Pl.,
pp. 235—236), le rythme de la deuxième tirade naît de la rencontre entre la ré-
pétition d'une même courbe de hauteur et d'une même courbe d'intensité
(courbe de hauteur et courbe d'intensité caractéristiques de la question), la ré-
pétition syllabique (retour de l'hexasyllabe) et la répétition lexico-syntaxique
(métavocable):
verset final de la laisse 1: — Qu'irais-tu chercher là?
verset final de la laisse 2: — Qu'irais-tu sceller là?
verset final de la laisse 3: - Qu'irais-tu clore là?
Il peut aussi s'agir du matériel phonique. Si le GLLF mentionne «l'assonance

fausse opposition. Le vers français est syllabique ET accentuel. Il est fondé sur un sys-
tème rythmique qui ordonne en structure, par des rapports accentuels, une matière
verbale formée d'unités syllabiques. Le mode de composition du système et la matière
syllabique à laquelle il s'applique importent donc également à son fonctionnement».
15
P. Wunderli, Französische Intonationsforschung, p. 77.

242
du vers médiéval» et «la rime du vers traditionnel» comme composantes du
rythme 16 , on peut tout aussi bien y ajouter l'assonance et la rime S.L. telles
qu'on les rencontre, notamment, dans les versets de Saint-John Perse; ainsi que
l'allitération, la répétition paronymique, etc.
Le rythme peut également naître du matériel lexical. Le GLLF fournit l'ex-
emple suivant 17 :
Messieurs, il nous faut DE L'AUDACE, encore DE L'AUDACE, toujours
DE L'AUDACE (Danton)
Le rythme sera d'autant plus sensible que les termes réapparaîtront à une
même place; ce qui est le cas de l'épiphore, dont la phrase précédente fournit
un exemple; mais aussi de l'anaphore, de la répétition lexicale isorythmique et
du refrain. Dans ce fragment de Neiges:
Ceux qui campent chaque jour plus loin du lieu de leur naissance, ceux qui ti-
rent chaque jour leur barque sur d'autres rives, savent mieux chaque jour le cours
des choses illisibles (SJP., Pl., p. 162).
la rencontre de l'anaphore et de la répétition lexicale isorythmique donne nais-
sance à un rythme d'une étonnante régularité.
La répétition syntaxique intervient également, bien que de façon beaucoup
plus discrète que les faits de répétition précédents. Dans le début du Choeur
d'AMERS:
Mer de Baal, / Mer de Mammon / - Mer de tout âg(e) et de tout nom, /
O Mer sans âge ni raison, / ô Mer sans hâte ni saison/
Mer de Baal, et de Dagon / — face première de nos song(es)/
O Mer promesse de toujours / et Cell(e) qui passe tout(e) promess(e).
Mer antérieur(e) à notre chant / - Mer ignorance du futur/
O Mer mémoir(e) du plus long jour/et comm(e) doué(e) d'insanité/
(SJP., Pl., p. 365).
le rythme naît, on l'a vu, de la convergence entre répétition syllabique, répéti-
tion phonique (assonance et rime S.L., répétition paronymique), répétition le-
xicale (anaphore, distribution répétitive) et répétition syntaxique.
En outre, si l'on se reporte à la définition générale du rythme, donnée par le
GLLF, on voit que le phénomène-repère peut être de «nature auditive», mais
aussi «visuelle»18. Cet aspect visuel du rythme dans le langage a échappé à de
nombreux auteurs: J. Mazaleyrat, lorsqu'il rédige l'article du GLLF, ne le si-
gnale pas, alors que nous l'avons vu élargir la notion de rythme linguistique au
domaine lexical et au domaine phonique 19 . Par contre, les théoriciens du
16
GLLF., p. 5302.
17
GLLF., p. 5302.
18
GLLF., p. 5302.
19
Dans son ouvrage intitulé Pour une étude rythmique du vers français moderne, lorsqu'il
aborde la question des éléments visuels dans la poésie française, J. Mazaleyrat se con-
tente de faire remarquer que «plus d'une fois le dessin familier non plus seulement so-
nore, avec ce qu'il comporte de souvenirs et d'habitudes, mais encore graphique du
vers a contribué à lui conserver son rythme.» [Mazaleyrat (J.), Pour une étude rythmi-
que du vers français moderne. Notes bibliographiques, Paris, Minard (Collection
«Langues et Styles»), 1963, p. 109],

243
Groupe μ attirent l'attention sur l'importance considérable de cet aspect du
rythme en poésie:
L'événement [rythmique] peut être visuel aussi bien que sonore (cf. le rôle de la dispo-
sition en lignes et strophes pour la poésie) 20 .

Ce point est important car il permet un nouvel élargissement du rythme lin-


guistique auquel on peut attribuer deux composantes supplémentaires: la répé-
tition graphique et la répétition typographique ( + la répétition typographico-
intonative, dans le cas où la répétition touche des signes typographiques qui
sont l'indice d'un schéma mélodique particulier). Dans le sonnet régulier, par
exemple, naît un rythme sonore engendré par la répétition syllabique, la répéti-
tion accentuelle, la répétition de la pause (sauf accidents secondaires, bien en-
tendu) et la rime; mais aussi un rythme visuel suscité par la réapparition de la
majuscule en tête de chaque vers et par le retour du blanc typographique: hori-
zontalement, après chaque groupe de 12 syllabes; verticalement, deux fois
après un groupe de 4 vers, puis deux fois après un groupe de 3 vers. Dans la Ré-
citation à l'éloge d'une reine, le rythme est lui aussi sonore et visuel: il naît de la
rencontre de la répétition volumique (chaque suite est constituée d'une pre-
mière tirade comportant 7 versets et d'une seconde qui n'en compte qu'un seul)
avec la répétition lexicale, la répétition typographique et la répétition typogra-
phico-intonative (le refrain, mis en caractères italiques/romains, est précédé
d'un tiret et suivi d'un point d'interrogation). Il en va de même pour la Berceu-
se, dans laquelle le rythme repose sur la convergence de la répétition volumi-
que, de la répétition syllabique (permanence de l'octosyllabe), de la répétition
phonique (allitération, assonance, rime, répétition paronymique), de la répéti-
tion lexicale (anaphore, épiphore, répétition en contact immédiat), de la répéti-
tion syntaxique et de la répétition typographique (retour de la majuscule au dé-
but de chaque verset) 21 .
En ce qui concerne un éventuel élargissement de la notion de rythme au do-
maine sémantique, c'est à nouveau vers l'ouvrage du Groupe μ qu'il faut se
tourner (l'article du GLLF ne mentionnant pas plus l'aspect sémantique que
l'aspect visuel du rythme dans le langage):
«Bien que des répétitions sur le plan des signifiés puissent déclencher un effet
rythmique, la chaîne sonore et visible se prête évidemment mieux aux condi-
tions perceptives qui viennent d'être évoquées» 2 2 .
Dès lors, si la répétition sémantique est doublée, par exemple, d'une répéti-
tion intervenant au niveau de la chaîne sonore, la perceptibilité du rythme sera
considérablement accrue. C'est le cas de ce passage d'AMERS:
conciliatrice, et médiatrice, institutrice de nos lois (SJP., Pl., p. 372)
dans lequel le rythme naît de la convergence entre répétition sémantique (ren-

20
Gr. μ, II, p. 131.
21
Cf. supra, 2 e partie, entre autres sous Convergence, p. 180.
22
Gr. μ, II, p. 133.

244
contre de la synonymie et de la superposition de sens), répétition phonique
(rencontre de la répétition paronymique et de la rime) et répétition syllabique
(présence de deux groupes rythmiques isosyllabiques et d'un troisième, propor-
tionnel du simple au double).
Ainsi, tous les faits de répétition inventoriés dans la deuxième partie peuvent
intervenir dans la constitution du rythme; seul variera le degré de perceptibilité
du rythme ainsi engendré 23 .
L'intérêt de ce type d'analyse est d'ouvrir de nouvelles perspectives de re-
cherches: pour un chercheur qui s'engagerait dans cette voie, un premier objec-
tif serait d'arriver à cerner le plus près possible les rapports entre répétition et
rythme; une étude qui s'appuierait sur la répétition permettrait sans doute aussi
d'affiner considérablement la comparaison entre rythme et mètre; une investi-
gation plus poussée des phénomènes-repère moins traditionnels (syntaxiques,
sémantiques, graphiques, typographiques, ou suprasegmentaux autres que le
phénomène-repère syllabico-accentuel) fournirait, sans aucun doute, nombre
d'indications précieuses concernant le rythme; il serait également intéressant de
comparer l'importance respective des différents phénomènes-repère d'une
langue à une autre, d'un genre littéraire à un autre, d'un auteur à un autre, etc.

Il semble également que cette étude de la répétition puisse fournir certaines


données intéressantes en regard d'un autre effet général (à côté de la création
du rythme) de la répétition: celui de l'engendrement de l'isotopie. Notamment,
en ce qui concerne la nature des «unités linguistiques (manifestes ou non, du
plan de l'expression ou du plan du contenu) redondantes» qui constituent l'iso-
topie 24 .
La deuxième partie permet, en effet, d'élargir considérablement l'inventaire
traditionnel de ces unités linguistiques redondantes: l'isotopie du contenu peut
naître d'unités en relation de synonymie (linguistique ou Situationnelle), en re-
lation de superposition de sens (connotative, dénotative, connotative et déno-
tative), de la récurrence d'un même thème et/ou de la répétition d'un référent
plus complexe (mise en abyme et autres modalités de répétition sémantique
propres au roman). L'isotopie de l'expression peut être engendrée par une ré-
pétition graphique, par une répétition typographique, par une répétition typo-
graphico-intonative, par une répétition phonique, par une répétition syntaxi-
que, et/ou par une répétition suprasegmentale. Enfin, l'isotopie de l'expression
et du contenu peut naître de la convergence des deux catégories précédentes
ou encore, d'une répétition lexicale (pure ou polyptotique, à l'exception des ré-

23
On verra que les structures de répétition jouent, elles aussi, un rôle considérable dans
l'engendrement du rythme; Frédéric (M.), op. cit., conclusions.
24
Arrivé (M.), Pour une théorie des textes poly-isotopiques, dans Langages, 31, p. 54.

245
pétitions polysémiques), d'une répétition affixale, et/ou d'une répétition pho-
no-sémantique (paronymes à lien sémantique 25 ).
*

On le voit, une étude générale de la répétition dans le langage apparaît


comme fondamentale, tant par les apports qui s'en dégagent (occasion de suivre
la fortune critique de la répétition depuis l'Antiquité jusqu'à l'époque actuelle,
possibilité de définition et de délimitation du phénomène, mise en lumière de la
nature extrêmement variée des faits de répétition dans le langage, essai de clas-
sement de ces derniers, possibilité d'éclairer certains mécanismes de fonction-
nement de la répétition, affinement des notions de rythme et d'isotopie), que
par le très grand nombre de recherches sur lesquelles elle s'ouvre (approfondis-
sement de l'examen des mécanismes de fonctionnement, du rythme ou de l'iso-
topie; mais aussi, examen de la possibilité ou non de l'existence, derrière les
faits de répétition du langage, de structures répétitives qui viendraient les orga-
niser, étude des effets, etc.). La répétition offre ainsi à la rhétorique, à la lin-
guistique, à la stylistique un champ d'étude d'une très grande richesse.

25
Ici encore, on verra que l'étude des structures de répétition fournit, elle aussi, des don-
nées intéressantes concernant l'isotopie; Frédéric (M.), op. cit., conclusions.

246
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quence des Prédicateurs·, abbé Batteux, De la construction oratoire·, Beccaria, Recher-
ches sur le Style ·, Boileau, Art poétique-, Condillac, Traité de l'Art d'Ecrire et Disserta-
tion sur l'Harmonie du Style; Du Cygne, Ars rhetorica; Du Vair, De l'Eloquence Fran-
çoise·, Fénelon, Dialogues sur l'Eloquence; Frain du Tremblay, Traité des Langues;
François de Neufchâteau, Les Tropes, ou les figures de mots; La Mothe-Levayer, La
rhetorique du prince et Considérations sur l'éloquence françoise de ce temps ; Latini, Li
livres dou Tresor (première partie du livre III, consacrée à la rhétorique); Longin, Περί
ϋψους; Rapin, Réflexions sur la poétique de ce temps et sur les ouvrages des poètes anci-
ens et modernes et Réflexions sur l'éloquence, la poétique, l'histoire et la philosophie;
Robortello, De artificio dicendi ; Rivarol, Discours sur l'universalité de la langue fran-
çoise; Vauquelin de la Fresnaye, Art poétique; Vida, Poeticorum libri III ; Vossius, De
logices et rhetoricae natura libri II.
Dans les ouvrages suivants, les auteurs abordent uniquement la question de la rime et
celle des poèmes à forme fixe: Becq de Fouquières, Traité général de versification fran-
çaise; Blair, Cours de rhétorique et de belles-lettres; de Deimier, L'Académie de l'art
poétique; Deschamps, L'art de dictier; Du Bellay, Deffence et illustration de la langue
françoyse; de Gourmont, Esthétique de la langue française ; Langlois, Recueil d'arts de
seconde rhétorique (Legrand, Des rimes; anonyme, Les règles de la seconde rhétorique;
Baudet Herenc, Le doctrinal de la seconde rhétorique ; anonyme, Traité de l'art de rhéto-
rique; Molinet, L'Art de rhétorique; anonyme, Traité de rhétorique; anonyme, L'art et
science de rhétorique vulgaire); de Laudun d'Aigaliers, L'art poétique françois; Peletier
du Mans, L'Art poétique ; Ronsard, Art poétique françois ; Sebillet, Art poétique fran-
çoys.
Si les ouvrages consacrés à l'art poétique (la «seconde rhétorique» ) - dont ces quelques
titres ne sont qu'un échantillon - n'ont pas été retenus dans l'inventaire des figures de
répétition, c'est parce qu'ils marquent un net déséquilibre en faveur de la rime et de la
répétition syllabique, au détriment des autres figures de répétition relevées dans les
ouvrages de rhétorique.

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249
- Ερμογένους τέχνης όηιορικης περί εύρέσεως, II, pp. 175 ss.
- Ερμογένους περί ιδεών, II, pp. 263 ss.
- Ερμογένους περί μεθόδου δεινότητος, II, pp. 426 ss.
- Αλεξάνδρου περί σχημάτων, III, pp. 7 ss.
- Φοιβάμμωνος σχόλια περί σχημάτων φητορικών, III, pp. 41 ss.
- Τιβερίου φήτορος περί σχημάτων, III, pp. 57 ss.
- Αίλίου Ήρωδιανοϋ περί σχημάτων, III, pp. 83 ss.
- Ανωνύμου περί των τοϋ λόγου σχημάτων, III, pp. 110 ss.
- Ζωναίου περί σχημάτων των κατά λόγου, III, pp. 161 ss.
- Ανωνύμου περί των σχημάτων τοϋ λόγου, III, pp. 174 ss.
- Γεωργίου τοϋ Χοιροβόσκου περί τρόπων ποιητικών, III, pp. 244 ss.
- Δημητρίου περί έρμενείας, III, pp. 257 ss.
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plétée et présentée par C. Pichois, Paris, Gallimard, 1961 (Bibliothèque de la Pléiade).
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Claudel (P.), Oeuvre poétique, textes établis et annotés par J. Petit, Paris, Gallimard,
1967 (Bibliothèque de la Pléiade).
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- Les oeuvres de Messire François de Malherbe, Gentil-homme ordinaire de la Chambre
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- Les poésies de M. François de Malherbe, Gentil-homme ordinaire de la Chambre du
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- Les oeuvres de François de Malherbe, avec les observations de Mr. Ménage et les remar-
ques de Mr Chevreau sur les poésies, Paris, Barbou, 3 vol., 1723.
- Poésies de Malherbe ornées de son portrait et d'un Fac-Simile de son écriture, Paris, J. J.
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- Poésies de François Malherbe, avec un commentaire inédit par André Chénier, Paris,
Charpentier, 1842.
- Oeuvres poétiques de Malherbe, Paris, Hachette et Cie, 1863.
- Les poésies de M. de Malherbe, Edition critique précédée d'une introduction par J. La-
vaud, Paris, Droz, 2 vol., 1937.
- Malherbe. Oeuvres poétiques, Texte établi et présenté par R. Fromilhague et R. Lebè-
gue, Paris, «Les Belles Lettres», 2 vol., 1968 (Les Textes français).
- Oeuvres, Edition présentée, établie et annotée par A. Adam, Paris, Gallimard, 1971
(Bibliothèque de la Pléiade).

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- Sécheresse, dans Nouvelle Revue Française, n° 258, 1974, pp. 1 - 9 .
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Simonin (Α.), Petit Simonin illustré par l'exemple, Paris, Gallimard, 1968.
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2
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Fuchs, La paraphrase, PUF, 1982 (Coll. «Linguistique nouvelle») - ouvrage que j'ai
malheureusement connu trop tard, mon manuscrit ayant été déposé au printemps 1981
déjà.

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268
Liste des principales abréviations

Les abréviations dont la liste est donnée ci-après renvoient à divers ouvrages repris dans
la bibliographie, mais seuls le nom de l'auteur et les premiers mots du titre seront indi-
qués ici.
Alex.: Spengel (L.), Rhetores graeci... Αλεξάνδρου περί σχημάτων ...
Anon 1: Spengel (L.), Rhetores graeci... Ανωνύμου περί των του λόγου ...
Anon 2: Spengel (L.), Rhetores graeci... Ανωνύμου περί των σχημάτων ...
Apoll., PI: Apollinaire, Oeuvres poétiques ...
Aquila: Halm (C.), Rhetores latini... Aquilae Romani...
Bally, Stylist. : Bally (Ch.), Traité de stylistique ...
Baudel.: Baudelaire, Oeuvres complètes ...
Beda: Halm (C.), Rhetores latini... Bedae Venerabilis ...
Bl.-Benv.: Blanche-Benveniste (Cl.), Recherches ...
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Buyssens: Buyssens (E.), Tautologies ...
Carm. : Halm (C.), Rhetores latini... Carmen de figuris ...
Georg. Choer.: Spengel (L.), Rhetores graeci... Γεοργίου ...
Cie. De oratore: Cicéron, De oratore ... Loeb ...
Cie. Orator: Cicéron, Orator ... Loeb ...
Cl.: Claudel, Oeuvre poétique ....
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Demetr.: Spengel (L.), Rhetores graeci... Δημετρίου ...
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Gr. μ, II: Groupe μ, Rhétorique de la poésie ...
Halm: Halm (C.), Rhetores latini minores ...
Herrn., Dein. : Spengel (L.), Rhetores graeci... Ερμογένους περί μεθόδου ...

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Herrn., Id. : Spengel (L.), Rhetores graeci... Έρμ. περί ιδεών ...
Herrn., Heur. : Spengel (L.), Rhetores graeci... Έρμ. περί ευρέσεως ...
Herod.: Spengel (L.), Rhetores graeci... Αίλίου Ήρωδιανού περί σχημάτων ...
Isid. : Halm ( C ) , Rhetores latini ...Ex Isidori ...
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Zon.: Spengel (L.), Rhetores graeci ...; Ζωναίου ...

271
Index des Termes Grecs

- άναδίπλωσις: 6, 14, 19, 20, 23, 24, - έπαναστροφή: 12, 13, 13 notes 34 et
47, 48 35, 19, 23, 48
- άναδίπλωσις — παλιλλογία — έπανά- - έπαναφορά: 6, 12, 13, 14, 19, 22, 52,
ληψις: 47 60, 72, 75, 76
- άναδίπλωσις - duplicatio: 46 - έπαναφορά - άναφορά: 52
- άναδίπλωσις - reduplicado: 48 - έπαναφορά - iteratio: 53
- άνάκλασις: 44 - έπαναφορά - relatum (relatio): 53
- άνάκλασις - reflexio: 44 - έπαναφορά - repetitio: 53
- άναστροφή: 14, 23, 48, 60 - έπαναφορά κατά κώλον: 52
- άναστροφή - έπαναόίπλωσις: 48 - έπάνοδος: 19, 55
- άναφορά: 19, 22, 40, 75, 76 - έπάνοδος - reditus: 55, 59
: voir έπαναφορά - άναφορά - έπάνοδος - regressio: 55
- άναφορά - relatio: 53 - έπιβολή: 22, 53
- άντανάκλασις: 38, 43, 44 - έπιμονή: 68, 190, 235
- άντιμεταβολή: 60 - έπιπλοκή: 22, 49, 50
- άντιμεταβολή - permutatio: 60 - έπιπλοκή - conexio: 50
- άντιστροφή: 6, 12, 12 note 30, 14, - έπιστροφή - reversio: 54
19, 54 - έπιφορά: 54
- άντιστροφή - conversum (conversio): - έπιφορά - desitio: 54
54
- ίσόκωλον: 6, 13, 14, 64, 73, 76
- διακοπή - διαστολή - separatio: 47 - ίσόκωλον - (ex) aequatum membris:
- διπλή έπαναφορά: 52 64
- ίσόκωλον - parimembre: 64
- έπαναδίπλωσις: 23
: voir άναστροφή - έπαναδί - - κατά κόμμα παρίσωσις: 12, 12 note
πλωσις 31
: voir épanadiplose, έπανα- - κατά κώλον έπαναφορά: 12, 12 note
δίπλωσις - epanalese 29, 52
- έπαναδίπλωσις - inclusio: 2 3 , 5 1 - κλιμακωτόν: 12, 13, 22, 49
- έπανάδοσις: 55 - κλίμαξ: 6, 19, 22, 23, 49
- έπανάληψις: 6, 14, 19, 20, 23, 23 : voir gradatio - κλίμαξ
note 10, 24, 47, 59, 61, 71, 76, 78, 83 - κλίμαξ - ascensus: 49
: voir άναδίπλωσις — παλιλλο- - κλίμαξ - gradatus: 49
γία - έπανάληψις - κλίμαξ — scala — concatenado: 49
: voir ταυτολογία - έπανάληψις - κοινότης: 55
- έπανάληψις - repetitio: 46, 47 - κοινότης - communio: 55
- έπανάληψις - resumptio: 47 - κύκλος: 23, 51

272
μεταβολή: 41, 42, 66 - παρίσωσις: 11, 13, 29, 31, 36, 64, 76
μεταβολή - variatio: 42 - παρίσωσις κατ' άρχάς: 12, 12 note
μετάθεσις: 60 27, 13, 36
μετάκλισις - declinatio: 41, 42, 75 - παρίσωσις κατά κόμμα: 65
μετάφρασις - variatio: 66 - παρίσωσις κατά κώλον άπαν: 12
- παρίσωσις κατά τας συλλαβάς: 12,
όμοιοκατάληκτον: 31 36
: voir όμοιοτέλευτον - όμοιο- - παρίσωσις κατά το τέλος: 12, 12 note
κατάληκτον 28
όμοιόπτωτον: 6, 20, 2 9 - 3 0 , 31, 73 - παρομοίωσις: 65, 76, 76 note 5
— - — : voir similiter cadens - όμοιό - - παρονομασία: 6, 14, 20, 36, 37, 38,
πτωτον 43
όμοιόπτωτον - aequeclinatum: 29 : voir agnominatio - παρονομα-
όμοιόπτωτον - simile casibus: 29 σία
όμοιόπτωτον - similiter cadens: 29, - παρονομασία - παρήχησις: 36
30 - παρονομασία - adnominatio: 40, 43
όμοιοτέλευτον: 6, 20, 29, 3 0 - 3 1 , 32, - παρονομασία - adnominatio - adfic-
33, 34, 73 tio: 36
— : voir similiter desinens - όμοιο- - παρονομασία - adnominatio - traduc-
τέλευτον ilo: 38
όμοιοτέλευτον - όμοιοκατάληκτον: - παρονομασία - denominatio: 36
31 - παρονομασία - levis immutatio: 36,
όμοιοτέλευτον - confine: 31 43
όμοιοτέλευτον - simile determinatio- - παρονομασία - levis immutatio verbi
ne: 31 ac nominis: 36
όμοιοτέλευτον - simili modo determi- - παρονομασία - supparile: 36
natimi: 31 - πλεονασμός: 14, 68, 69
όμοιοτέλευτον - similiter desinens: - πλεονασμός - συνωνυμία: 66
30, 31, 32 - πλοκή: 6, 57
: voir copulatio - πλοκή
παλιλλσγία (παλιλογία): 6, 19, 23, - πλοκή - copulatio: 43, 44, 45
23 note 10, 24, 48, 76 - ποικιλία: voir συνωνυμία - ποικιλία
: voir άναδίπλωσις - παλιλλο- - πολύπτωτον: 6, 8, 8 note 13, 13, 14,
γία - έπανάληψις 40-41
παλιλλσγία (παλιλογία) - iterado: 46, - πολύπτωτον - ex pluribus casibus: 40
47 - πολύπτωτον - multiclinatum: 40
παλιλογία — regressio: 48 - πολυωνυμία: 66
παρήγμενον: voir dérivation - παρήγ- - προσαπόδοσις: 6
μενον - προσαπόδοσις - redditio (redditio
παρήγμενον - derivatio: 43 orationis): 23, 51
παρήχησις: 43
: voir παρονομασία - παρήχη- - σύγκρισις: 60
σις - συμπλοκή: 6, 19, 53, 54, 55
πάρισον: 6, 20, 43, 64, 65, 72, 76 - συμπλοκή - σύνΦεσις: 54
πάρισον — παρισότης - exaequatio: - συμπλοκή - conexum (conexio): 55
64 - σύνθεσις: voir συμπλοκή - σύνθεσις
πάρισον - prope aequatum: 64 - συνωνυμία: 6, 8, 19, 20, 49, 66
παρισότης: voir πάρισον - παρισότης : voir πλεονασμός - συνωνυμία
- exaequatio - συνωνυμία - ποικιλία: 66

273
- συνωνυμία - communio nominis: 66 - ταυτολογία - έπανάληψις: 14
- συνωνυμία - disiunctio: 66 - ταυτολογία - epanalepsis: 24 note 13,
71
- ταυτολογία: 6, 14, 24, 66, 68, 70, 71, - ταυτότης: 19
78, 83

274
Index des Termes Latins

- adfictio: voir παρονομασία - adnomi- - clemax: voir methalemsis - clemax


natio - adfictio - climax - gradatio: 49
- adnominatio: 36, 40, 43 - communio: voir κοινότης - communio
: voir παρονομασία - adnomi- - communio nominis: voir συνωνυμία
natio - communio nominis
— : voir παρονομασία - adnomi- - commutatio: 60
natio - adfictio - compar: 10, 64, 73
— : voir παρονομασία - adnomi- - compar - isocolum: 64
natio - traductio - compar in numero syllabanim: 64,
: voir aussi agnominatio, anno- 240
minacio, annominatio - complexio: 9 note 19, 17, 25, 5 4 - 5 5
- aequeclinatum: voir όμοιόπτωτον - - concatenatio: 22
aequeclinatum : voir κλϊμαξ - scala - concate-
- agnominatio - παρονομασία: 36 natio
- ambiguitas per distinctionem: 38 - conduplicatio: 10 note 21, 19, 23, 47,
- anadiplosis: 6, 7, 48, 72 51, 56, 57, 61, 62, 63
: voir gradation - anadiplosis - conexio: voir επιπλοκή - conexio
- anafora: 6 - conexum: voir συμπλοκή - conexum
: voir aussi anaphora (conexio)
- anafora - relatio - epanafora: 53 - confine: voir όμοιοτέλευχον - confine
- anaphora: 7, 53, 55, 72 - consonantia: 17, 18, 75
- annominacio: 36, 43 - conversio: 9 note 19, 10 note 21, 17,
- annominacio in litteris inicialibus: 25, 52, 54
28 : voir repetitio a fine - conversio
- annominacio in similitudine principii: - conversum: voir άντιστροφή - conver-
28 sum (conversio)
- annominatio: 10, 16, 17, 18, 36, 38, - copulatio - πλοκή: 45
41, 43, 72 : voir πλοκή - copulatio
- annominatio in mutatione unius dic-
tionis: 41 - declinatio: voir μετάκλισις - declinado
- annominatio - paronomasia: 37, 38, - denominatio: voir παρονομασία - de-
43 nominate et paronomasia - denomi-
- annominatio: voir insupernominatio natio
- annominatio - derivatio: voir παρήγμενον - derivatio
- antanaclasis: 44 - desitio: voir έπιφορά - desitio
- antimetabole: 60 - disiunctio: voir συνωνυμία - disiunctio
- ascensus: 22, 49 - duplicatio: voir άναδίπλωσις - dupli-
: voir κλϊμαξ - ascensus catio

275
- epanafora: voir anafora - relatio - - leonitas: 17
ep an afora - levis immutatio: voir παρονομασία —
- epanalensis: 7, 23, 51, 72 levis immutatio
- epanalepsis: 6, 23, 51 - levis immutatio verbi ac nominis: voir
: voir ταυτολογία - epanalepsis παρονομασία — levis immutatio verbi
- epizeusis: 7, 46 ac nominis
- epizeuxis: 6, 23, 46
- epizeuxis - palinlogia: 46 - metalempsis: voir gradatio - meta-
- eufonomaton: 16 lempsis
- exaequatio: voir πάρισον - παρισότης - methalemsis - clemax: 7, 49
- (ex)aequatum membris: voir ίσόκωλον - multiclinatum: voir πολύπτωτον -
- (ex)aequatum membris multiclinatum
- ex pluribus casibus: voir πολύπτωτον
- ex pluribus casibus
- omoetholeuton: 7, 41
: voir verba similiter cadentia
- geminatio: 7, 9 - omoetholeuton
- gradatio: 18, 18 notes 56 et 57, 22,
49, 50 - palinlogia: voir epizeuxis - palinlogia
- gradatio - κλίμαξ: 8, 49 - paranomeon: 7, 28, 75
- gradatio - metalempsis: 17, 49 : voir aussi paronomeon
- gradatio: voir climax - gradatio - parhomoeon: 6, 6 note 2, 28
- gradatus: 22 - parimembre: voir ίσόκωλον - pari-
: voir κλίμαξ - gradatus membre
- paronomasia: 6, 7, 17, 18, 36
- homoctoptoton - similiter cadens: 30 - paronomasia - denominatio: 36, 43
- homoeophoton: 30 - paronomasia: voir aussi annominatio
- homoeoptoton: 6, 29, 72 - paronomasia
- homoioploton: 33, 34, 240 - paronomeon: 17, 18, 28
- homoioploton - similiter cadens: 30 - permutatio: voir άντιμεταβολή - per-
- homoioptoton: voir similiter cadens mutado
- homoioptoton - polipteton: 7, 41
- homoeoteleuton: 6, 6 note 2, 32, 240 - poliptoton: 40
- homoeoteleuton - similis terminatio: - polyptoton: 6, 40
31 - prius dicti repetitio: 19, 25, 62, 63
- homoioteleuton: 32, 33, 34, 35 - prope aequatum: voir πάρισον -
- homoioteleuton — similiter desinens: prope aequatum
32
- redditio: voir προσαπόδοσις — redditio
- inclusio: voir έπαναδίπλωσις - inclu- (redditio orationis)
sio - reditus: voir επάνοδος - reditus
- insupernominatio - annominatio: 37 - reduplicado: voir άναδίπλωσις — re-
- interpretado (interpretado): 19, 61, duplicado
66 - reflexio: voir άνάκλασις - reflexio
- isocolon: 72 - regressio: 23
- isocolum: voir compar - isocolum - regressio - επάνοδος: 55
- iteratio: voir επαναφορά - iteratio - regressio: voir παλιλογία - regressio
: voir παλιλλογία (παλιλογία) - reiterado: 19
- iteratio - relatio: voir άναφοπά - relatio

276
: voir έπαναφορά - relatum (re- - similiter cadens - όμοιόπτωτον: 29,
latio) 30
: voir anafora - relatio - epana- - similiter cadens - homoioptoton: 30
fora - similiter cadens: voir όμοιόπτωτον -
relatum: voir έπαναφορά — relatum similiter cadens
(relatio) : voir homoctoptoton - similiter
repetitio: 7, 9 note 19, 10 note 21, cadens
17, 22, 25, 40, 46, 47, 51, 52, 53 : voir homoioploton - similiter
: voir έπαναφορά - repetitio cadens
: voir έπανάληψις - repetitio - similiter cadens in casibus similibus:
repetitio [in] initio: 53 29
repetitio a fine - conversio: 25, 54 - similiter desinens: 10, 3 1 - 3 2 , 73
repetitio finis: voir antistrophe - repe- - similiter desinens - όμοιοτέλευτον:
titio finis 32, 35
resumptio: voir έπανάληψις - resump- - similiter desinens: voir όμοιοτέλευτον
tio - similiter desinens
reversio: voir επιστροφή - reversio : voir homoioteleuton - similiter
: voir épanastrophe - reversio desinens
- similitudo cadens: 29
scala: voir κλϊμαξ - scala - concatena- - similitudo desinens: 32
te - supparile: voir παρονομασία - suppa-
schesis onomaton (schesisonomaton): rile
6, 6 note 2, 7 - synonymia: 10 note 21, 66
separatio: voir διακοπή - διαστολή -
separatio
- traductio: 10 note 21, 17, 18, 18 no-
simile casibus: voir όμοιόπτωτον - si-
tes 56 et 57, 38, 40, 41, 72
mile casibus
: voir παρονομασία - adnomi-
simile determinatione: voir όμοιοτέ-
natio - traductio
λευτον - simile determinatione
simili modo determinatimi: voir όμοιο-
τελευτον - simili modo determinatimi - variatio: voir μεταβολή - variatio
similis terminatio: voir homoeoteleu- : voir μετάφρασις - variatio
ton — similis terminatio - verba similiter cadentia - omoetholeu-
similiter cadens: 10, 2 9 - 3 0 , 73 ton: 29, 32

277
Index des Termes Francais

- accent de groupe: 173, 174 - assonance: 11, 3 2 - 3 5 , 75, 79, 131,


- accent d'insistance: 173, 174, 178, 134-135, 136, 137, 181, 182, 221,
179 234, 236, 242, 243, 244
- accent d'insistance emphatique (culmi-
natif) / accent d'insistance distinctif: - bégaiement: 106, 107, 108, 125, 126,
173 note 79 232
- actants / circonstants internes: - bégaiement aphasique: 106
138-139, 2 0 5 - 2 0 6
- actants / circonstants internes simples: - calligrammes: 132
139 note 20, 206 - chant profond: voir thème
- actants / circonstants internes homo- - climax - gradation: 50
nymiques: 139 note 20, 143, 144, - climax: voir gradation - climax
205, 234 - climay: voir gradation - climay
- actants circonstants internes parony- - comparaison: 200, 201, 203
miques: 138-139, 143, 205, 234 voir aussi répétition comparative
- agnomination - licteration: 36 - complexes - mannequins: 140
: voir aussi peranomasia - me- - complexion: 25, 54, 55
tathesis : voir épistrophe - complexion
- allitération: 11, 28, 85, 88, 131, - concaténation: 22, 50
133-134, 136, 137, 208, 219, 223, - concaténation directe/concaténation
234, 236, 243, 244 inverse: 50, 75
- anadiplose: 23, 48, 55, 76 - conduplication: 15, 46, 47, 53, 56, 61,
- anagrammes: 139-141 76
- anaphonie: 140 - conjonction: 15
- anaphore (rhétorique): 15, 16, 22, 53, - consonance - semblable cadence: 29
73, 87, 128 note 3, 160, 181, 182, - contamination: 104-105, 125, 232
222, 235, 239, 243, 244 - contre-assonance (contre-rime): 137
- anaphore - répétition: 53 - conversion: voir épistrophe - épiphore
- «anaphore» grammaticale: 8 6 - 9 5 , - conversion
237 - coréférence («anaphore» grammatica-
: voir aussi coréférence le):
- antanaclase: 11, 39, 43, 44, 73, 76, - coréférence simple: 8 6 - 9 5 , 9 7 - 9 8 ,
77 124, 192-193, 194 note 18, 196, 199,
- antimétabole: 1 8 3 - 1 8 4 , 2 3 6 201, 226, 232, 237
- antistrophe: 55, 76 - coréférence coexistentielle: 9 5 - 1 0 2 ,
- antistrophe - repetitio finis: 54 110, 124, 192-193, 196, 199, 232
- antithèse: 209 - couplage (couplings): 239, 239 note
- antonymie: 204, 2 0 7 - 2 0 9 9

278
datisme: 69, 111, 205 - homographie: 131
débit syllabique (tempo): 178 - homonimes: 3 8 - 3 9
dérivation: 1 1 , 4 3 , 7 7 - homonimes pour l'écriture ou l'ortho-
dérivation - παρήγμενον: 43 graphe: 3 8 - 3 9 / homonimes pour le
dérivation: voir paronomase - dériva- son ou la prononciation: 39 / homo-
tion nimes qui n'ont aucune différence ni
description définie anaphorique: 92 pour l'écriture ni pour la prononcia-
diérèse: 166 tion: 39
distribution répétitive: 58, 158-159, - homonyme (homonymes): 39
182, 221, 223, 235, 243 - homonymes univoques / homonymes
équivoques: 39
écholalie: 103-104, 105, 107, 125, - homonymes: 141-143
126, 127, 129, 162, 230, 232, 233 - homonymes homophones: 141-142,
écholalie pure / écholalie mitigée: 103 145-146 note 41 / homonymes ho-
entraînement verbal: 105, 125, 130, mographes: 142 / homonymes homo-
232 phones et homographes: 142-143
énumération: 210 - homonymie: 1 1 , 4 3 , 4 6 , 141, 154, 154
épanadiplose: 52 note 52, 237, 238
épanadiplose - έπαναδίπλωσις - epa- - homophonie: 134
nalese: 52 - hypogramme: 140
epanalese: voir épanadiplose - έπα-
ναδίπλωσις - epanalese - icône: 217
épanastrophe - reversio: 59, 76 - icône diagrammatique / icône méta-
épiphore: 73, 128 note 3, 160, 161, phorique / icône topologique: 217
223, 225, 243, 244 - intensité: 176, 177
épiphore - épistrophe: 54 - interpretation: 66
épiphore: voir épistrophe - épiphore - isocolon: 64
- conversion - isosyllabisme: 133, 134, 135, 170,
épistrophe: 15, 16, 25 171, 172, 173, 174, 179, 180, 182,
épistrophe - complexion: 54 242, 245
épistrophe - épiphore - conversion: 54 voir aussi répétition syllabique
épistrophe: voir épiphore - épistrophe - isotopie: 2 4 5 - 2 4 6
épithète de nature (pléonasme focali- - isotopie du contenu / isotopie de l'ex-
sant): 113-115, 115 note 63, 116, pression / isotopie de l'expression et
128, 129, 149, 205, 232 du contenu: 245
épithètes pictives: 115 note 63 - itération: 105-106, 125, 130, 232
equalité: 6 4 - 6 5
expolition: 5, 15, 67, 68 - jeu sur l'alternance entre sens propre
et sens figuré: 11, 4 3 - 4 5 , 79, 147
gradation: 10, 2 2 - 2 3 , 50, 51, 69 - jeu sur la polysémie: 11, 4 3 - 4 5 , 79
gradation - anadiplosis: 50 - jeux de mots: voir paronomase - pa-
gradation - climax: 5, 51 ronomasie - jeux de mots
gradation - climay: 50
gradation: voir climax - gradation - licteration: voir agnomination - licte-
groupe rythmique: 133 ration
groupe syntaxique: 134
- mannequin: 140
homoéoptote: 5 note 10, 30, 129 - métabole: voir synonyme - métabole
homoeotéleute: 5 note 10, 32 - métabole - synonymie: 67

279
métaphore: 198, 200, 201, 202, 203 - paronymes simples: 137-138 / paro-
voir aussi: répétition métaphorique nymes à lien sémantique et / ou éty-
métaphore métonymique: 198, 200 mologique: 1 3 8 - 1 3 9 , 2 0 7 , 2 2 5 , 2 2 6 ,
métasémie: 206 234, 246
metathesis: voir peranomasia - meta- - peranomasia - metathesis: 37
thesis : voir aussi agnomination - libe-
métavocable: 181, 182-183, 222, ration
226, 242 - périssologie: 6 9 - 7 0 , 111,205
métonymie: 199, 200, 201, 202, 203 - persévération: 105, 125, 130, 232
voir aussi répétition métonymique - pléonasme: 5, 15, 15 note 46, 6 8 - 7 0 ,
mètre: 245 78, 84, 109-116, 117, 119, 124,
mise en abyme: 188, 2 1 6 - 2 1 7 , 231, 125-126, 129, 130, 204-205, 232,
235, 236, 245 233, 235
m o t - t h è m e : 140-141 - pléonasme éclairant: 111-112, 115,
moules syntaxiques en chiasme: 127, 129, 204, 230, 232, 233
163-164 - pléonasme étymologique (pléonasme
moules syntaxiques tronqués: 164, diachronique): 111, 115, 125, 232,
182, 183 233
- pléonasme focalisant: voir épithète de
noyau sémique: 110, 110 note 52 et
nature (pléonasme focalisant)
passim
- pléonasme d'insistance: 112, 115, 128,
onomatopée: 127 note 2 129, 204, 232
oxymore: 209 - pléonasme vicieux (datisme, périssolo-
gie): 111, 115, 125, 205, 218, 232,
paligraphie: 105, 125, 232 233
palilalie: 105, 106, 125, 232 - ploce: 45
palilalie aphone: 105 - polyonimie: 66, 200
parachrèse: 28 - polyptote: 11, 17, 77, 139, 162, 163,
paraphrase: 117 note 65 183, 184, 190, 197, 212, 222, 223,
paraphrase linguistique: 188 note 2, 225, 226, 230, 234, 235, 236, 239, 245
194 - polyptote - traduction: 41
paraphrase situationnelle (pragmati- - polyptote focalisant (répétition polyp-
que): 188 note 2 totique focalisante): 122 note 89,
paregmenon: 43 145-146, 147, 148, 234
paronomase: 5 note 10, 11, 15, 16, - polyptote paronymique: 143
37, 76, 140, 240 - polyptote polysémique: 144-145,
paronomase - dérivation: 43 146, 147, 148, 234
paronomase - paronomasie - proso- - polysémie: 111, 144-145 note 40,
nomasie: 37 153, 154 note 52, 208, 237, 238
paronomasie: 37, 43 - polysémie: voir jeu sur la polysémie
paronomase — paronomasie - jeux de - prosonomasie: voir paronomase - pa-
mots: 37 ronomasie - prosonomasie
paronomasie: voir paronomase - pa-
ronomasie - jeux de mots - rappel: 7 1 - 7 2 , 7 9 , 127-128, 129,
paronomasie: voir paronomase - pa- 162-163, 230, 233
ronomasie - prosonomasie - réapparition à intervalles réguliers de
paronymes (paronymie): 137-139, la pause: 170-173, 179, 180, 244
141 note 37, 2 3 7 - 2 3 8 - réapparition d'un personnage: 217,
voir aussi répétition paronymique 240

280
récurrence linguistique: 86, 232, 237 de sens: 122, 188, 190, 196-211,
note 4 230, 231, 235, 236, 238
redondance (linguistique): 8 4 - 8 6 , 87, - répétition fondée sur la superposition
93, 95, 119, 124, 231, 232, 237 de sens linguistique: 197, 204 note 39,
réduplication: 76 218, 224, 225 / répétition fondée sur
reduplication: voir repetition meslee la superposition de sens situationnelle:
refrain: 160-161, 167 ss., 186-187, 197-203
243, 244 - répétition graphique: 130-131, 136,
: voir aussi répétition par refrain 137, 221, 223, 231, 234, 239, 244,
régression: 60 245
rentrement: 186-187 - répétition homonymique: 141-143,
répétition (repetition): 10, 15, 16, 22, 145-146 note 41, 235, 237, 238
2 5 - 2 6 , 41, 43, 45, 46, 48, 50, 51, 52, - répétitions inconscientes: 109, 124,
53, 54, 57, 58, 61, 63, 68, 69, 72, 73, 125-126, 129, 227, 232, 233, 237
76, 8 4 - 8 6 , 8 8 - 9 5 , 9 6 - 9 8 , 100, 102, - répétitions involontaires: 102-108,
124, 130, 192, 203, 209, 231, 232, 124, 125, 129, 205, 227, 232, 233,
237, 2 4 1 - 2 4 5 et passim, 237
répétition: voir anaphore - répétition - répétition lexicale (répétition de
répétition accentuelle: 173-174, 179, mots): 4 3 - 6 3 , 130, 152, 155-163,
241, 242, 244 181, 182, 183, 184, 231, 243, 244,
répétition affixale: 130 note 4, 245 et passim.
2 1 8 - 2 2 1 , 222, 223, 226, 231, 238, - répétition (lexicale) avec connexion:
246 161-162, 182, 225, 235
répétition antonymique: 2 0 8 - 2 0 9 - répétition (lexicale) avec disjonction
répétition comparative: 201, 201 note (dissociation): 158, 162, 234
31 - répétition lexicale différée (répétition
répétition de la hauteur mélodique: en contact interrompu): 1 5 8 - 1 6 2 , 2 3 9
177, 242 - répétition lexicale focalisante: 122
répétition de la vision d'un protagonis- note 89, 147-152, 154, 234
te: 216 - répétition lexicale homonymique: 154
répétitions délibérées: 127 ss., 233 - répétition lexicale immédiate (répéti-
répétition du fil principal d'une histoi- tion en contact immédiat): 156, 157,
re: 216 158, 239, 244
répétition du mode de narration domi- - répétition lexicale isorythmique: 159,
nant: 216 181, 208, 222, 223, 235, 243
répétition d'un même niveau d'intensi- - répétition (lexicale) polysémique:
té: 1 7 6 - 1 7 7 , 2 4 2 146-147, 148, 153, 154, 214 note 65,
répétition d'une situation: 217, 240 234, 237, 238, 245
répétition d'une structure de récit: - répétition lexicale pseudo-immédiate:
216, 217, 240 157-158
répétition d'un type de focalisation: - répétition lexicale pure: 143-148,
217, 240 152, 155-163, 182, 183, 184, 224,
répétition encadrante: 160 225, 226, 230, 234, 235, 236, 245 et
répétition en contact immédiat: passim.
voir répétition lexicale immédiate - répétitions lexicalisées: 127, 227, 233
répétition en contact interrompu: - repetition meslee - reduplication: 51,
voir répétition lexicale différée 58
répétition en symétrie: 15, 60 - répétition métaphorique: 201, 201
répétition fondée sur la superposition note 31

281
répétition métasémémique: 206,211 - répétition syntaxique: 130, 163-164,
répétition métonymique: 200, 201 166, 182, 183, 208, 221, 222, 223,
note 31 231, 234, 236, 239, 243, 244, 245
répétitions non pathologiques: - répétition thématique: 188, 211—215,
107-108, 124, 227, 232, 233 218, 230, 235, 236, 238, 245
répétition par refrain: 15, 5 7 - 5 8 , 79 - répétition tropique: 201, 202, 218
: voir aussi refrain - répétition typographique: 130-133,
répétition paronymique: 137-139, 179-181, 185, 186, 187, 224, 231,
181, 182, 189, 190, 219, 222, 237, 234, 238, 239, 244, 245
238, 243, 244, 245 - répétition volumique (répétition de vo-
répétition paronymique simple: lumes textuels): 179-180, 182, 185,
137-138 / répétition paronymique 186, 187, 244
doublée d'un lien sémantique et / ou - réponse en écho: 103, 104, 107, 125,
étymologique: 137, 138-139, 127, 128, 129, 162, 230, 232, 233
143-144, 189-190, 234, 238 - retour d'une même durée: 174-175
répétitions pathologiques: 89 note 14, - réversion: 60
102-107, 124, 125, 129, 227, 232, - rime: 11, 32, 3 2 - 3 5 , 75, 79, 134 note
233 14, 135-136, 137, 181, 182, 185,
répétition phonique: 2 8 - 4 3 , 46, 127, 186, 187, 197, 219, 222, 234, 236,
130, 131, 133-154, 181, 231, 243, 238, 240, 243, 244, 245
244, 245 et passim, - rime: voir aussi rithme
répétition polyptotique: voir polyptote - rime élargie: 136
répétition purement grammaticale: 15, - rime inversée (rime renversée):
83-84 136-137
répétitions répondant à un souci de - rime pour l'oeil: 131
clarté: 127, 129, 204, 230, 233 - rithme: 29
répétition suprasegmentale: 130, - rondeau: 186-187, 241
164-178, 178-182, 183, 184-187, - rythme: 175, 177, 241-245, 246 et
231, 234, 239, 240, 242, 245 passim.
répétition syllabique (isosyllabisme):
162 note 62, 163, 165-170, 173, 174, - semblable cadence: voir consonance
179, 180, 181-182, 183, 184, 185, - semblable cadence
186, 187, 208, 219, 221, 222, 223, - série homologique: 210, 212
226, 234, 241, 242, 243, 244, 245 - sone: 176
: voir aussi isosyllabisme - sonie: 176
répétition synecdochique: 201 note - sonnet: 184-186, 241, 244
31, 218 - substitution: 87, 88
répétition synonymique: 116,117, - superposition sémantique (de sens):
118, 119, 120, 122, 123, 125, 126, 122, 196, 245
153, 188-196, 203, 204, 205, - superposition de sens linguistique:
211-212, 225, 231, 235, 236, 238 197, 203 note 37, 204 note 38,
répétition synonymique explicative: 221-222, 224, 225, 226, 2 4 4 - 2 4 5 /
123, 127, 128, 129, 233 superposition de sens situationnelle:
répétition synonymique par exploita- 197-199, 2 0 0 - 2 0 2 , 203 note 37, 226
tion de la synonymie linguistique (sé- - superposition de sens par variation
mantique): 188-190 / répétition sy- connotative: 196-203, 211, 218, 235,
nonymique par exploitation de la sy- 245 / superposition de sens par varia-
nonymie situationnelle (pragmatique): tion dénotative: 203-210, 211, 218,
190-196, 200, 204 245 / superposition de sens par varia-

282
tion dénotative et connotative: 210, - tautologie apparente: 117, 120 / tau-
211, 245 tologie non apparente: 119
- synecdoque: 198, 201 note 31, 203 - tautologie formelle: 117, 120 / tauto-
: voir aussi répétition synecdo- logie non formelle: 117, 118, 119 /
chique tautologie non formelle explicative:
- synérèse: 166 120, 120 note 82, 123
- synonyme - métabole: 67 - tautologie sémantique: 119 note 78
- synonymie (synonimie, synonyme(s), - termes appartenant à un même champ
synonimes): 5, 10, 15, 16, 66, 67, 68, sémantique: 209-210, 218
88, 9 1 - 9 3 , 94, 97, 116 note 64, 118, - thème: 211, 238
119, 122, 123, 163, 188, 189, 198, - thèmes mineurs: 212, 230 / thèmes
199, 203, 204, 205, 210, 212, 245 moyens: 212-214, 230 / thème ma-
: voir aussi répétition synonymi- jeur: 213, 2 1 4 - 2 1 5 / chant profond:
que 215
- synonymie: voir métabole - synonymie - timbre (qualité vocalique): 178
- synonymie linguistique: 72 note 16, - traduction: 38, 41
9 1 - 9 3 , 94, 118, 118 note 77, 119, — : voir polyptote-traduction
188, 189, 193-196, 198-199, 201, - traits connotatifs: 110 note 52 et pas-
202, 203, 204, 204 note 38, 222, 225, sim.
226, 235, 245 / synonymie situation- - traits dénotatifs: 110 note 52 et pas-
nelle: 163 note 65, 188, 190-191, sim.
192-196, 198, 199, 200, 203, 204, - tropes: 202
235, 245 : voir aussi répétition tropique,
comparaison, métaphore, métonymie,
- tautologie: 70, 109, 116-124, 128, synecdoque.
129, 148-151, 151-152, 154, 190,
232, 233,234

283

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