E X P L O R E R L E PA S S É P O U R C O M P R E N D R E L E P R É S E N T JUILLET�AOÛT 2015 N°31 5,95 €

50 ÉNIGMES
DOSSIER SPÉCIAL
30 PAGES
QUAND
LES FEMMES
DOMINENT
LE MONDE
GIRL POWER
2 000 ANS DE COMBAT
POUR L’ÉGALITÉ
P. 62
LES SUFFRAGETTES
SE DÉCHAÎNENT
P. 72
DE NOTRE HISTOIRE
NELLIE BLY,
LA PREMIÈRE FEMME
DOSSIER AUTOUR DU MONDE
P. 74
SPÉCIAL
30
LES “FILLES
DU ROY”
À LA CONQUÊTE
DU QUÉBEC

ES
PAG
P. 59

LES FEMMES AU CŒUR

DE L’HISTOIRE P. 47
REINES OU CONCUBINES, séductr ent
ices ou
guerrières, les femmes ont eu sacrém
COLL. CHRISTOPHEL

leur mot à dire dans le déroulement es !

de l’Histoire. Faites le plein d’héroïn 47

o
29.05.15 10:44

IL Y A 40 ANS
47
W_COUV_Cahier_femmes.indd

C’ÉTAIT
COMMENT
L’ÉTÉ 75 ?

LOUIS XIV A�T�IL EU UNE FILLE NOIRE ? QU’ Y A�T�IL

SOUS LA CATHÉDRALE DE STRASBOURG ?
ROMMEL A�T�IL CACHÉ UN TRÉSOR EN CORSE ?
LE PHARE DE TÉVENNEC EST�IL HANTÉ ?...
LOUIS XVI
LE ROI QUI VOULAIT BEL : 5,95 € – CH : 9 CHF - CAN : 9,99 CAD – D : 7 € - ESP : 6.50 € - GR : 6.50 € - ITA : 6.50 € – LUX : 5,95 € – PORT.CONT. : 6.50 € –

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sZone CFP Avion : 1 400 CFP ; Bateau : 800 CFP. M 03414 - 31 - F: 5,95 E - RD
 @museecluny
musee-moyenage.fr
6 place Paul-Painlevé 75005 Paris
SOUABES
1er avril - 27 juillet 2015
DE LA FIN DU MOYEN ÂGE
SCULPTURES

Ouvert tous les jours de 9h15 à 17h45 / Fermé le mardi

Crédit : Saint Jean de calvaire, figure d’un couronnement de retable, Haute-Souabe ( ?), vers 1520, bois polychromé Cl. 15399
© RMN-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen Âge) / Michel Urtado
L’ É D I T O
JEAN�PIERRE VRIGNAUD
responsable éditorial
RAID SUR TOKYO
US AIR FORCE/SIPA
& DOMMAGES COLLATÉRAUX
LE 18 AVRIL 1942, 16 bombardiers US sous le comman-
dement du lieutenant-colonel Doolittle décollent
d’un porte-avions au milieu du Pacifique, foncent sur
Tokyo, Yokohama, Nagoya et Kobe, larguent leurs
bombes, puis s’enfuient vers la Chine, où les aviateurs
atterrissent ou sautent en parachute avant que leur
avion ne s’écrase. Aux Etats-Unis, la nouvelle du raid
déclenche des scènes de liesse. C’est la première
bonne nouvelle depuis le 7 décembre 1941, ce « jour
d’infamie » qui vit l’attaque des Zero nippons sur Pearl
Harbor. Le président Roosevelt signe là un coup de
propagande magistral. Les dégâts du bombardement
sont symboliques, mais il vient de prouver que le Ja-
pon peut être frappé au cœur. Tout y est : l’héroïsme
des boys et leur sauvetage – 69 des 80 aviateurs seront
rapidement rapatriés sains et saufs –, le charisme de
Doolittle, ex-cascadeur qui deviendra général.
OUI, TOUT Y ÉTAIT DEPUIS SOIXANTE�TREIZE ANS, jusqu’à ce
qu’un livre vienne ce printemps jeter un pavé dans
la mare. Dans Target Tokyo : Jimmy Doolittle and the Ride
That Avenged Pearl Harbor, James Scott, journaliste et
écrivain reconnu, s’est penché sur l’histoire du point
de vue des Chinois et des Japonais. Dans son récit,
l’exploit accouche d’une litanie d’atrocités. Au prin-
18 avril 1942. Un B-25
américain décolle du pont de
l’USS Hornet pour participer
au raid Doolittle sur le Japon.
temps 1942, l’état-major japonais, ulcéré par le raid,
lance une campagne de représailles contre les ré-
gions chinoises qui ont recueilli les aviateurs. A
Ihwang, un habitant qui a aidé un Américain est
attaché à une chaise, couvert d’une couverture imbi-
bée de kérosène, puis on force son épouse à appro-
cher une f lamme. A Nancheng, 800 femmes sont
rassemblées, puis violées quotidiennement par les
troupes japonaises pendant un mois. Des centaines
de villes et villages sont réduits en cendres, et leurs
habitants – hommes, femmes et enfants – massa-
crés indistinctement. Quand les Japonais quittent
une zone, des équipes spécialistes de la guerre bac-
tériologique contaminent les points d’eau et ré-
pandent des germes d’anthrax, de peste, de choléra
et de typhoïde. John Scott évalue le bilan de la ven-
geance japonaise à… 250 000 victimes. Le raid Doo-
little avait lui causé 87 morts au Japon. Selon l’auteur,
les autorités américaines, qui avaient anticipé une
possible réaction japonaise, avaient sciemment ca-
ché à leur allié chinois les détails de l’opération.
L’enjeu – remonter le moral de l’Amérique – valait
qu’on prenne le risque de « dommages collatéraux » !
« Dommages collatéraux » ? La part la plus injuste de
la guerre, aujourd’hui encore.
3
SOMMAIRE
o
JUILLET
�
AOÛT
2015
Louis XVI.
P. 40
6 L’HISTOIRE ÉCLAIRE L’ACTU
Le pharaon des catacombes, un
maître Yoda médiéval, la télé-
réalité sous l’occupation nazie.
13 MAIS QUI DONC A DIT ?
« L’argent n’a pas d’odeur »…
14 L’HISTOIRE DERRIÈRE LA PHOTO
Août 1910, naufrage en Alaska.
18 LE SANG DES RÉVOLUTIONS
En image, leur bilan humain.
20 EN COUVERTURE
50 ÉNIGMES DE
NOTRE HISTOIRE
SELVA/LEEMAGE
Pourquoi a-t-on scalpé
la marquise de Sévigné ?…
Photos de couverture : Stephen Mulcahey/Arcangel Images,
4 Granger Coll. NYC/RDA, Selva/Leemage.
48
GIRL POWER !
2 000 ANS
QU’ELLES SE BATTENT
POUR L’ÉGALITÉ
34 REPORTAGE
DES NÉO�JOUTES
MÉDIÉVALES
Des milliers d’amateurs
s’affrontent selon des règles
établies au XIIe siècle.
40 LE PORTRAIT
LOUIS XVI, LE ROI QUI
VOULAIT QU’ON L’AIME
Propulsé sur le trône à 19 ans,
il commet bourde sur bourde.
 CAHIER SPÉCIAL FEMMES
48 QUAND LES FEMMES
DOMINENT LE MONDE
Pharaonnes, reines ou chefs
d’Etat exercent-elles le pouvoir
différemment des hommes ?
A. HARLINGUE/ROGER-VIOLLET
59 L’ÉPOPÉE
LES “FILLES DU ROY”
À LA CONQUÊTE DU QUÉBEC
En 1663, Louis XIV sponsorise
l’envoi de centaines de « filles
à marier » en Nouvelle-France.
62 LE SUJET QUI FÂCHE
À QUOI LE FÉMINISME
A�T�IL SERVI ?
Droit de vote, contraception,
accès aux « postes d’hommes »
et à l’Académie française…
68 15 HÉROÏNES
QUI ONT FAIT AVANCER
LA CAUSE FÉMININE
Christine de Pisan, Louise
Weiss, Valentina Terechkova…
JUILLET�AOÛT 2015
 20
LA FRANCE MYSTÉRIEUSE
FAITS DIVERS NON
RDA
SUSANA GIRON

34 LE REVIVAL DES CHEVALIERS

LA BASTON
RÉSOLUS ET TRÉSORS COMME
INTROUVABLES AU MOYEN ÂGE
D’où vient
72 FÉMINISTES DE CHOC 86 3 872 PAGES POUR L’ÉTÉ le sac de couchage ?
LE FIGHTING SPIRIT DES Notre sélection de lectures. P. 16
SUFFRAGETTES ANGLAISES
Pour obtenir le droit de vote, 90 SAGA ET L’HOMME DEVINT
ces militantes vont devoir PÈRE DE FAMILLE
en découdre sérieusement. Homo apprend la vie de couple.

74 RÉCIT NELLIE BLY, 96 FLASHBACK MON ÉTÉ 75

LA PREMIÈRE FEMME La France en vacances.
AUTOUR DU MONDE
En 1889, une jeune 98 L’HISTOIRE INSENSÉE
journaliste fait le pari fou L’ÉTAT LIBRE DU GOULOT
de battre Philéas Fogg.
RUBRIQUES
80 DÉCRYPTAGE VICHY 16 ÇA VIENT D’OÙ ?
ET SES ENNEMIS
81 QUESTIONS�RÉPONSES
Une affiche de 1941 raconte

F. BÉNAGLIA

toutes les obsessions du 82 LE GRAND ZAPPING

régime du maréchal Pétain. 94 COURRIER DES LECTEURS PROCHAIN NUMÉRO 20 AOÛT 2015
Ce numéro comporte une carte jetée abonnement Kiosques Suisse, une carte jetée abonnement Kiosques Belgique, deux cartes jetées abonnement Kiosques France,
o un encart Multi-titres Welcome Pack sur les nouveaux abonnés et un encart Multi-titres spécial Eté pour les abonnés. 5
LA PHOTO
DU MOIS
URGENCES
À POMPÉI
PAR CLÉO LEMOISSON

UN CORPS BARDÉ DE PERFUSIONS,

UN MÉDECIN GANTÉ, EN PLEINE
INTERVENTION… Nous ne sommes
pas dans un remake de la série
Urgences, mais à proximité du site
archéologique de Pompéi, en Italie.
Le « patient » est mort le 24 août
79. Cela fait alors quatre jours que
le sol tremble. Soudain, la montagne
explose ! Elle crache une nuée ardente
pendant près de dix-huit heures. Les
habitants meurent écrasés, asphyxiés
ou brûlés vifs. Pompéi disparaît.
Il faut attendre la fin du XVIe siècle
pour qu’on redécouvre les débris de
la ville qui gisent sous six mètres de
cendres solidifiées. Avec le temps,
ces dernières se sont décomposées
et ont laissé apparaître des cavités
à forme humaine. Au XIXe siècle,
les premières fouilles révèlent des
ossements et des vêtements piégés
dans ces cendres. Des témoins de
la tragédie pompéienne qui risquent
de disparaître sous l’effet de l’éro-
sion. L’archéologue Fiorelli a alors
l’idée d’injecter du plâtre dans les
cavités. Le résultat est stupéfiant :
des centaines de « momies » sont
ainsi figées dans la douleur.
Faute d’un entretien adéquat, ces
fantômes du passé ont aujourd’hui
besoin d’être sauvés une seconde
fois. Le temps presse ! L’Union euro-
péenne a accordé 70 millions d’eu-
GENNARO GIORGIO/AGF/SIPA

ros de fonds d’urgence pour restau-

rer le site. Si aucun plan d’envergure
ne voit le jour rapidement, l’Unesco
pourrait sortir Pompéi du patrimoine
de l’humanité.

6 JUILLET�AOÛT 2015
MAI 2015
Dans le laboratoire scientifique de Pompéi (Italie), un restaurateur
méticuleux « redonne vie » au corps fossilisé d’une victime de l’éruption
du Vésuve qui a eu lieu au Ier siècle. Pour cela, il utilise des poches
à perfusion contenant un composé spécial destiné à la rénovation
de la maçonnerie. Sa formule élimine toute trace d’humidité et permet
d’enduire la matière d’un film protecteur de longue durée.
L’HISTOIRE
ÉCLAIRE
L’A C T U
PAR CYRIELLE LE MOIGNE-TOLBA

ÇA FAIT POLÉMIQUE

POUTINE,
LA TÉLÉ-RÉALITÉ
QUI VOUS PLONGE SOUS
L’OCCUPATION NAZIE

T’ES LE
D es « Vacances dans le Protectorat »,
ça vous dit ? C’est le nom d’une
émission diffusée depuis fin mai sur
la chaîne publique tchèque. Une
famille est plongée dans les conditions

MEILLEUR !
de vie de la Seconde Guerre mondiale,
époque où le pays, appelé Protectorat
A. DRUZHININ/AP/SIPA

de Bohême et de Moravie, vit sous la

coupe des nazis. Tickets de rationne-
ment, costumes d’époque et cris d’ac-
teurs jouant le rôle d’officiers de la

L
Gestapo… Le programme suscite les
foudres du journal Times of Israel :
« Heureusement pour la famille, ils ne
seront pas traités comme les 82 309
Juifs qui vivaient sous le Protectorat. »
LES ISLANDAIS N’ONT
PLUS LE DROIT DE
TUER DES BASQUES
e match n’a commencé que depuis 3 minutes. Déjà, il excelle. Il se tient à côté des En mai
dernier,
buts, reçoit la passe, dévie le palet et buuuut ! Casque rouge vissé sur le crâne, le
l’invincible
« tsar » Vladimir Poutine affronte une équipe d’anciens joueurs pro de la ligue de Poutine offre
hockey russe. Lui n’a commencé le hockey qu’en 2011. Dans la salle, nul ne songe à une éclatante
mettre en doute la régularité du match. Ici, on est sérieux. Poutine enchaîne les buts : victoire à
8 en tout ! Sous les hourras du public, il offre une victoire éclatante à son équipe. C’est son équipe
du bon sport-mégalo, et ce n’est pas une première dans l’Histoire ! Au IIe siècle, l’em- de hockey.
pereur romain Commode participe aux jeux du cirque. Au Colisée, pendant les vena-
tiones – les spectacles de chasses d’animaux – il abat à l’arc lions, gazelles et éléphants. Mais contrairement
aux Russes, les Romains goûtent peu sa passion. En décembre 192, l’empereur annonce son souhait
d’inaugurer le nouvel an déguisé en gladiateur, au lieu du traditionnel costume pourpre. L’historien romain

F in avril, le commissaire du district

des Fjords occidentaux a mis fin
à une absurdité vieille de 400 ans.
Hérodien raconte que ses proches, dont sa favorite Marcia, le supplient de renoncer à son délire : ce serait
insulter la dignité impériale. Courroucé, il décide d’exécuter ses opposants, Marcia incluse. Celle-ci
découvre le projet et soudoie un esclave, afin qu’il étrangle l’empereur mégalo. La dure loi du sport.
En 1615, Ari Magnusson, dignitaire
islandais, décrète que les Espagnols
peuvent être tués en toute impunité.
ON A GOÛTÉ UN En 2010, une cargaison de 168 bouteilles est découverte gisant
A. DAWSON/GOVERNMENT OF THE ALAND ISLANDS

Pure barbarie ? Les autorités nor-
diques réagissent en fait à un sordide
fait divers : le massacre, par des
Islandais, de 32 chasseurs de baleine
basques, qui étaient en concurrence
par 50 m de fond dans la mer Baltique. Des professeurs de bio-
CHAMPAGNE chimie alimentaire viennent d’en goûter quelques gouttes,
100 microlitres (soit 0,10 ml) chacun exactement. Ver-
DE 170 ANS dict ? Trois degrés d’alcool de moins (9,5% vol.
en moyenne) que nos champagnes et une forte

D’ÂGE !
avec les pêcheurs locaux. Pour cou- concentration en sucre. Avec 150 g par litre,
vrir ses compatriotes, Magnusson le champagne du XIXe siècle contient trois
adopte cette règle inique. Une fois plus de sucre que ce que l’on trouve
chance qu’aucun marin espagnol dans une bouteille de Coca. Un reflet des
n’ait été tué depuis… goûts de la clientèle huppée de l’époque.

8 JUILLET-AOÛT 2015
 QUI A DIT ? SCOOP

“
La vérité est qu’on apprend le latin pour être
homme du monde, pour entrer dans la société polie
et cultivée. La société polie a des exigences.”
Est-ce une citation de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education
nationale, défendant sa réforme de l’apprentissage du latin au collège ?
NON, c’est Raoul Frary, polémiste, qui rédige en 1885 un réquisitoire antilatin.
Alors que, depuis 1881, l’école française est publique et gratuite, l’auteur
s’insurge contre l’enseignement des langues anciennes. Selon lui, la « nouvelle »
école, plus populaire, doit former de bons ouvriers, et ne devra pas « multiplier
outre mesure » les avocats et les hauts fonctionnaires, adeptes du latin.
LES CONGÉS MALADIE ?
ÇA DATE DES ÉGYPTIENS
La chercheuse Anne Austin a épluché les mots
d’absence d’ouvriers vivant entre 1 300 et 1 000 ans
avant J.-C. à Deir el-Medineh. Elle a rapproché
les dates des jours chômés des registres de paie
correspondants. Scoop : une journée cloué au lit
n’entraîne alors aucune retenue sur salaire. 3 000 ans
avant la Sécu, l’Egypte a inventé les congés maladie.

DANS LE RÉTRO

CAPTURE D’ÉCRAN/PUB GENERAL MOTORS

SURPRISE !

MAÎTRE UNE PUB DE 1956 IMAGINE

YODA LA VOITURE SANS PILOTE
VIENT DU
BRITISH LIBRARY

MOYEN ÂGE
Un conservateur de la British Library est tombé sur
ce personnage aux oreilles pointues et à la peau
verte dans les Décrétales du pape Grégoire IX, un
manuscrit rédigé en France au XIVe s. George Lucas,
réalisateur de Star Wars, ne s’en serait pas inspiré,
mais la ressemblance est bluffante.
A lors que Google teste cet été son auto sans pilote, le site Spec-
trum.ieee vient d’exhumer une pub de General Motors imagi-
nant… l’auto sans pilote. On y voit une famille bloquée dans les
bouchons. Le fils trifouille la radio et propulse tout le monde en 1976.
« Nous allons vers Chicago, guidez-nous ! » demande-t-il à la tour de
contrôle. Celle-ci leur fait valider la check-list : essence OK, tempé-
rature OK… On passe alors en mode automatique. Vi-sion-naire ! A
un détail près : la Google Car n’a pas besoin de tour de contrôle. GPS,
radars et capteurs sur les roues lui permettent de garder le cap.

ÇA VIENT DE LOIN
L’AGENT ORANGE
EN PROCÈS
Pendant la guerre du Viêt Nam,
l’US Air Force déverse en masse
cet herbicide afin de déloger les
combattants communistes.
Cause de graves malformations,
le produit continue d’empoison-
ner la vie d’au moins 3 millions
de personnes. Parmi elles, Tran
LE RETOUR
DES POIGNÉES
D’AMOUR
Messieurs, annulez votre séance d’abdos. Dans un
billet partagé en masse en mai sur le Web, une
étudiante américaine loue les bedaines, ou
« dad bod » (« corps de papa »), dont Simon
Baker, le Mentalist, est malgré lui l’am-
MEDIA MODE/ABACA – ROEMER UND PELIZAEUS MUSEUM

To Nga, franco-vietnamienne, qui bassadeur. Cet engouement n’est

poursuit 26 sociétés américaines
ayant produit l’agent orange (dont
Dow Chemical et Monsanto)
devant le tribunal d’Evry (91). En
2004, dans une procédure simi-
laire aux USA, les plaignants viet-
namiens avaient été déboutés. A
la justice française de trancher.
pas nouveau. Au XXVIe s. avant J.-C.,
Hémiounou, vizir de Kheops, arbore
bourrelets et poitrine molle. Mais en
Egypte, les poignées d’amour sont sym-
boliques : elles signalent un statut
social élevé. A l’époque, être haut
fonctionnaire, c’est le top. Aujour-
d’hui, l’acteur gras est super cool.

9
L’HISTOIRE
ÉCLAIRE
L ’ A C T U UN TEMPLE
ÉGYPTIEN Cette fresque se situe
dans l’ancienne cave

G. DUVAL/GAMMA-RAPHO
des bières Gallia, à Paris.

SOUS PARIS !
Surnommée le « Cellier »,
DR/CHRISTIE’S

c’est l’une des salles

À VENDRE les plus recherchées par
les cataphiles.
CRÂNE DE
U
n pharaon sur son char tenant fermement les sous-sols ont toujours fait bon ménage à Paris. En
TRICÉRATOPS rênes d’un cheval. La fresque n’habille pas avril 1897, la police surprenait dans les galeries un

INTACT les murs d’un hypogée (tombe souterraine)

de la Vallée des Rois, en Egypte, mais les galeries
concert clandestin : les artistes en vue de l’époque
étaient venus écouter la Marche funèbre de Chopin

E nviron 65 millions d’années après

sa naissance, il a encore de belles
cornes. Un crâne de tricératops com-
des catacombes de Paris. Interdites au public, les
catacombes (littéralement « tombes souterraines »)
ou la Danse macabre de Saint-Saëns. Un répertoire
lugubre qui sied bien aux lieux : de la fin du XVIIIe
continuent pourtant d’attirer une faune de tagueurs siècle à 1933, on y a rassemblé quelque 6 millions
plet à 95%, long de 2,8 mètres, est bohèmes ou d’amateurs de rites occultes. Parmi d’ossements provenant de tous les cimetières pari-
actuellement en vente à Hongkong. ces « cataphiles », des peintres reproduisent des siens. Mais cet ossuaire, qui s’étend sur 1,7 km et
Début des enchères à 1,8 million de chefs-d’œuvre de l’art mondial, comme La Joconde se visite comme un musée, n’est qu’une infime
dollars. C’est que le « Roi Dragon » ou cette réplique de décor égyptien. Culture et partie des 300 km de labyrinthe sous-terrain.
– son surnom – est le plus beau spéci-
men de son genre. Découvert fortui-

LE PREMIER MINISTRE
tement par un quidam du Montana
(USA) en 1992, il écume maintenant,

DU JAPON EST-IL UN
au gré des ventes, les cabinets des
riches collectionneurs.

D’OÙ VIENNENT LES “NOUVEL HITLER” ?

NOMS DES ANTILLAIS ?
Après l’abolition de 1848, il a fallu don-
S i ce manifestant sud-coréen brûle un Shinzo Abe déguisé en Führer,
c’est pour dénoncer la dérive révisionniste du Premier ministre
japonais. Membre de « Nippon Kaigi », une organisation qui prône le

J. YEON-JE/AFP PHOTO
ner des noms aux ex-esclaves pour les retour à un Japon décomplexé, le chef du gouvernement conteste
inscrire à l’état civil. Comment les a-t- notamment le fait que les soldats nippons aient eu recours à des
on choisis ? En explorant les registres esclaves sexuelles enlevées en Corée, lors des guerre de colonisation
de Guadeloupe et de Martinique, l’as- menées par le Japon en Asie, dans les années 1930 et 1940.
sociation de recherches généalogiques
CM98 a découvert que les maires
déterminaient ces noms selon trois
méthodes : il s’agit en grande majorité
LE REMIX L’HYDRE DE LERNE, VERSION GEEK
d’anagrammes de prénoms (Segroeg Pour son nouveau logo dévoilé en mai, The
pour Georges), de références littéraires Pirate Bay, le site de téléchargement illégal,
(Vidocq, Ulysse) et parfois de sobri- convoque la mythologie grecque. Au célèbre
quets méprisants (Pavit pour « pas bateau de pirate, les geeks ont ajouté l’hydre
de Lerne : les multiples têtes de ce monstre
L. RICCIARINI/LEEMAGE

vite»). 153000 personnes ont ainsi été

nommées. Ce travail est consultable au repoussent en double lorsqu’elles sont coupées.
Mémorial ACTe, lieu de mémoire dédié Message limpide : malgré la décision de la justice
à l’esclavage, inauguré le 10 mai à suédoise de fermer deux noms de domaine,
Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). le site vient d’en ouvrir dans six nouveaux pays.

10
 COMMENT
LE VOLCAN TAMBORA
ÉRUPTION
LES
A CHANGÉ LE MONDE LES VOLCANS SONT LE MOTEUR DE L’HIS- en France, c’est la Révolution… Que dire
TOIRE. Ils déclenchent des révolutions ou de l’explosion du Vésuve en 79 – Pompéi
10 ET 11 accouchent d’inventions géniales. Il y a et Herculanum sont rayées de la carte –

AVRIL 65 millions d’années, plusieurs gigan-

tesques éruptions en Inde, sur un territoire
1815 grand comme quatre fois la France,
auraient précipité la fin des dinosaures.
Bien plus tard, en juin 1783, le volcan
DE islandais Laki se déchaîne pendant huit
et de celle de la montagne Pelée en 1902,
en Martinique – 29 000 morts en un jour ?
Mais l’éruption la plus meurtrière de ces
500 dernières années est celle du Tam-
bora, en Indonésie. 10 avril 1815, c’est
le chaos. Des dizaines de milliers de per-

4 300 mois. Il envoie en Europe un nuage de

poussières qui enclenche une série de
sonnes meurent en Asie, brûlées par la
lave, frappées par le tsunami ou victimes
MÈTRES phénomènes météo extrêmes, jusqu’à de la famine causée par les destructions
DE HAUT, l’hiver glacial de 1788. Un an plus tard, de cultures. Un carnage. Dans le maga-
LA MONTAGNE zine Nature Geoscience (avril 2015), des
EST RAMENÉE À scientifiques expliquent que cette érup-
ÉCRAN
2MÈTRES
850

SSPL/COSMOS
tion a eu des implications dans le monde
DE PARTICULES entier, bouleversant le commerce, les

–3°C
transports et même… l’histoire de l’art !

20 C’est la chute moyenne des

températures en Europe. Des
HEURES particules de dioxyde de
soufre, emportées dans la
D’ÉRUPTION stratosphère, piègent
les rayons du

35
soleil.

EN JUILLET, IL NEIGE LES RIZIÈRES SONT LE CIEL LES CHEVAUX

KM 3 SUR LES CULTURES INONDÉES EST TOURMENTÉ MEURENT EN MASSE
Records de froid entre juin Dans le Yunnan (Chine), des Pendant cette « année sans Victimes eux aussi de
DE MAGMA et août 1816. Les prix des paysans affamés mangent été », les Londoniens la famine, ces bêtes
DENSE céréales doublent en de l’argile, d’autres vendent admirent des couchers de ne peuvent plus tirer
Europe et aux Etats-Unis. leurs enfants. soleil rougeoyants. les attelages.
NIVEAU

7
SUR UNE
100 000 MORTS
EN EUROPE
LA CULTURE DE NAISSANCE DE INVENTION
L’OPIUM DÉCOLLE L’IMPRESSIONNISME DE LA BICYLETTE
ÉCHELLE DE 8

85 000
BIANCHETTI/LEEMAGE

MORTS
ROGER-VIOLLET

AKG-IMAGES
AKG-IMAGES

EN ASIE PENDANT
L’ÉRUPTION
La famine fait rage. Les fermiers se tournent vers Les peintres anglais Turner et Certains historiens émettent
La mortalité augmente une culture plus rentable : Constable font jaillir la couleur l’hypothèse que la pénurie
SOURCE : REVUE de 4% en France, de 6% l’opium. Le triangle d’or de sur leurs paysages. de chevaux a favorisé
SCIENTIFIQUE
NATURE GEOSCIENCE, en Prusse… de 20% la drogue, entre Chine, Leur technique annonce l’invention de la draisienne
EN ANGLAIS.
en Suisse et en Toscane. Birmanie et Laos, est né. l’impressionnisme. (vélo sans pédales) en 1817.

o 11
 NOUVEAU HORS-SÉRIE

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EXPLORER • DÉCOUVRIR • COMPRENDRE

L’HISTOIRE
ÉCLAIRE
L’A C T U Ces citations, vous les avez peut-être déjà entendues.
Mais connaissez-vous leur auteur et leur sens ?

MAIS QUI DONC A DIT ?

L
“ De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ”
Georges Danton, 1792
e 2 septembre 1792, alors que les Austro-Prussiens sont à l’offensive et menacent la
BF/ADOC-PHOTOS

Révolution, Georges Danton, ci-devant ministre de la Justice, lance un vibrant appel à

“
la résistance : « Tout s’émeut, tout s’ébranle, tout brûle de combattre […]. Une partie

L’argent n’a
du peuple va se porter aux frontières, une autre va creuser des retranchements, et la troi-
sième, avec des piques, défendra l’intérieur de nos villes […]. Nous demandons que qui-
conque refusera de servir de sa personne ou de remettre ses armes soit puni de mort […].
Le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les ennemis
pas d’odeur ”
de la patrie. Pour les vaincre, Messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, tou- Vespasien, vers 69-79

N
jours de l’audace, et la France est sauvée. » Ce qui fut fait le 20 septembre, quand les troupes on, l ’empereur r o m ain

RAFFAEL/LEEMAGE
révolutionnaires bousculèrent presque par miracle l’ennemi près du moulin de Valmy. Vespasien n’a pas inventé les
toilettes publiques, les « vespa-

“
siennes », comme on le prétend

Quand j’entends
“
parfois. En revanche, il imagina la

le mot culture, je sors Rien denouveau

collecte obligatoire des urines et
leur revente aux tanneurs qui uti-

souslesoleil”
lisaient la vapeur d’ammoniac

mon revolver”
comme dégraissant. Son fils Titus
lui reprochant ce commerce, Ves-
Le roi Salomon, vers 930 avant J.-C. pasien lui met de l’argent sous le

A
Baldur von Schirach, 1933 yant régné une quarantaine nez et lui demande s’il est impor-

P
atron des Jeunesses hitlériennes pendant les an- d’années sur Israël, Salomon tuné par l’odeur. Non, reconnaît
ULLSTEIN BILD/ROGER-VIOLLET

nées 1930, von Schirach a popularisé l’expression fait au soir de sa vie un bilan Titus. « C’est pourtant le produit de
dans un bulletin d’information du IIIe Reich. Elle bien peu enthousiaste : « Vanité l’urine », rétorque son père. CQFD :
vient d’un drame héroïque joué en 1933 pour l’anni- des vanités, tout est vanité, l’argent n’a pas d’odeur !
versaire d’Hitler, sur le destin d’un nazi s’opposant à déplore-t-il. Tout est ennuyeux. Ce
l’occupation française de la Rhénanie après 1918. Un qui fut, cela sera ; ce qui a été se
personnage, préfèrant se battre plutôt qu’étudier, y refera. Il n’y a rien de nouveau
assène : « Quand j’entends le mot culture, j’ôte le cran sous le soleil. » Et il en conclut :
de sûreté de mon Browning ! » Séduit par le « bon mot », « Tout a été fait de la poussière, et
von Schirach a juste simplifié la réplique, qu’on attri- tout retourne à la poussière. »
buera ensuite régulièrement à Goering ou à Goebbels. Voilà, tout est dit. Au suivant !

“
A
Ventre affamé n’a point d’oreilles ”
Caton l’Ancien, 184 avant J.-C.
ustère gardien de la rigueur morale de Rome, Caton l’Ancien s’op-
pose un jour à une distribution de blé par l’Etat au peuple, s’excla-
 LE LIVRE
CITATIONS HISTORIQUES
EXPLIQUÉES
(éd. Eyrolles).
Notre très érudit collaborateur
BF/ADOC-PHOTOS

Jean-Paul Roig commente

mant : « Il est difficile de parler à un ventre, citoyens, il n’a pas dans cet ouvrage passionnant
d’oreilles. » L’orateur, qui méprise les plaisirs de la table, refuse que des 150 citations historiques.
actions puissent être commandées par les sens. Un concentré de culture générale !

13
L’HISTOIRE
DERRIÈRE
LA PHOTO

LE BATEAU
QUI VOULAIT
SURFER SUR

S
LES ROCHERS
SACRÉE PHOTO ! Appuyés contre
le bastingage, les quatre marins
qui posent sur le pont du Princess
May l’ont échappé belle. Ce matin
d’août 1910, voilà leur navire
fiché sur des récifs, en équilibre,
au milieu d’un fjord au sud de
l’Alaska. Echoué, mais entier. Plus
chanceux qu’un certain Titanic,
qui se coupera en deux sous
le choc d’un iceberg deux ans
plus tard. Dans le secteur où le
Princess May s’est égaré, plus
de 80 naufrages sont enregistrés
entre 1878 et 1915. Le bateau,
piégé par la force de la marée
qui l’a empêché de se dégager à
temps, s’est presque posé sur les
rochers, ce qui lui a permis de
s’en tirer avec pour seul dommage
une balafre de 15 m de long
sur la coque. Les 148 passagers
et la cargaison d’or ont été sauvés.
Le bâtiment finira même par
être renfloué. Après avoir allégé
le bateau, on fera sauter une
partie des rochers à l’explosif
LIBRAIRIE DU CONGRÈS

avant de profiter de la grande

marée suivante pour repartir,
un mois plus tard.
ÉLODIE BARAKAT

14
 ÉCHOUÉ SUR L’ÎLE SENTINEL, dans le sud-est
de l’Alaska, ce navire à vapeur était la propriété de
la Canadian Pacific Railway Coast Service. Depuis 1901,
le Princess May assurait la liaison entre Vancouver,
en Colombie-Britannique, et la côte du golfe d’Alaska.

15
INVENTIONS, COUTUMES ET EXPRESSIONS

ÇA VIENT D’OÙ...
PAR NICOLAS FRANÇOIS - ILLUSTRATIONS FRÉDÉRIC BÉNAGLIA

… LE SAC DE
COUCHAGE ?
AU XIXE SIÈCLE, les soldats qui
doivent manœuvrer en
montagne sont confrontés
à un problème récurrent.
Comment dormir bien
au chaud ? Ils possèdent
bien une sorte de duvet,
composé de plusieurs
couvertures, mais il n’est
pas pratique. Si le soldat
bouge un peu, l’ensemble
se défait. En 1876, Pryce
Pryce-Jones, inventeur
gallois, met au point le
« Euklisia Rug ». Il s’agit d’un
long morceau de laine à
l’intérieur duquel, au niveau
de la tête, est cousu un oreiller
en caoutchouc. Il suffit de
l’étendre au sol, de s’installer
dessus et de replier les
bords sur son corps,
un peu comme une cape
(la fermeture Eclair
n’arrivera qu’à la fin du
XIXe siècle). En 1877, l’armée
russe, en guerre contre les

Turcs, en commande 60 000.
Mais une fois leur ennemi
tombé, ils annulent le reste de la
livraison. Pryce se retrouve avec
17 000 exemplaires sur les bras.
Comment les écouler ? Il les vend
par correspondance dans le
monde entier. Parmi ses premiers
clients : les associations d’aide
aux sans-abri, les pionniers
australiens et les missionnaires
européens au Congo.
… LA MARQUE HARIBO ?
EN 1920, Hans Riegel fabrique des confiseries avec son épouse Gertrud. L’entreprise
est encore modeste. Dans l’atelier de sa maison située dans la banlieue de Bonn,
il cherche LA bonne idée qui va lancer son business. En 1922, il a enfin le coup
de génie. Dans le pays, c’est la mode des montreurs d’ours, ces dresseurs qui font
fureur dans les foires et les fêtes de village. S’inspirant de ce spectacle, il met
au point « l’ours dansant » une friandise gélifiée en forme d’ours. Les enfants adorent.
L’entreprise va rapidement prospérer : elle passe de deux salariés à plus de cent
cinquante en dix ans ! En Allemagne, tout le monde connaît désormais Haribo.
Mais pourquoi ce nom ? Hans choisit un acronyme tiré de son nom et de sa ville :
Haribo, pour HAns RIegel BOnn.

16 JUILLET�AOÛT 2015
… L’EXPRESSION
“AVOIR LES JETONS” ?
AU XE SIÈCLE, le mot « jeter » signifie « pousser vivement
à l’extérieur », selon le Dictionnaire historique de la langue
française. Par extension, le terme devient familièrement
synonyme de « déféquer ». Mais l’expression « avoir
les jetons » naît pendant la Première Guerre mondiale.
Dans l’enfer des tranchées, les poilus inventent des
expressions argotiques, souvent liées à leurs conditions
de vie. Ainsi, dans un contexte où le risque de mourir
est permanent, l’expression « avoir les jetons » revient
régulièrement. Elle signifie qu’on a si peur que le
corps se relâche, et les intestins aussi.

… LA GRANDE ROUE ? LA 1RE FOIS...

EN 1889, lors de l’Exposition
universelle de Paris, les visiteurs
du monde entier n’ont d’yeux
que pour un monument :
la tour Eiffel. Les Américains
sont admiratifs… et aussi
un peu jaloux. Du coup, pour
l’Exposition universelle de
Chicago, en 1893, ils veulent à
leur tour faire sensation.
L’ingénieur américain George
Ferris décide de faire un peu
comme Eiffel : de la ferraille et de
la hauteur. En tout, 1 200 tonnes
de fer sont utilisées pour bâtir
un édifice de 80 mètres de haut
et de forme circulaire. Après la
tour Eiffel, voici… la roue Ferris.
Cette « Ferris wheel » pouvait
accueillir 2 160 personnes. La
toute première grande roue de
l’Histoire sera démontée en
1906. Elle passera à la postérité
grâce aux nombreuses répliques
dans d’autres villes. Comme à…
Paris dès 1900.
QU’ON A
MANGÉ DES
CHAMPIGNONS
C’ÉTAIT IL Y A AU MOINS 12 000 ANS,
en Cantabrie, au nord de
l’Espagne. Comment le sait-on ?
Grâce aux dents retrouvées sur
le site archéologique de El Mirón.
En les étudiant, les chercheurs
de l’institut Max-Planck ont
pu percer les secrets du régime
de nos ancêtres. Pour cela, ils
ont d’abord récupéré des résidus
de tartre encore présents sur
les dents. Puis, ils les ont passés
au microscope électronique et
aux rayons X. Résultat : les
analyses ont montré la présence
de microscopiques traces
organiques, autant d’indices sur
l’alimentation des propriétaires
de ces dents. C’est ainsi qu’au
milieu des traces de viande
et de légumes, les scientifiques
ont pu mettre la main sur des
microscopiques morceaux de
champignons. Ils ont même pu
identifier une des espèces
ingérées : des bolets. Conclusion :
nos ancêtres avaient du goût.

o 17
L’INFOGRAPHIE

RÉVOLUTIONS
LE PRIX DU SANG Quand l’homme décide de changer le cours de l’Histoire par la violence.
PAR ERWAN QUERREC

L
« a Révolution n’est pas un dî- et du nombre de morts, met en
ner de gala », écrivait Mao Ze- évidence le bilan monstrueux de
dong dans le Petit Livre rouge en la guerre de libération nationale
1966. « C’est un acte de violence », des communistes chinois entre
poursuivait-il. Accordons-lui donc 1927 et 1950. 
le mérite de la franchise à défaut
de lui prêter la moindre parcelle
de pitié pour son peuple. Cette
infographie, qui compare les prin-
cipales révolutions et guerres ci-
viles selon les critères de la durée

Nombre de morts
2 000 MORTS
Durée
1 AN
Issue

COMMUNISME
FASCISME
INDÉPENDANCE
NOUVELLE MONARCHIE
RÉPUBLICANISME
THÉOCRATIE
INFOGRAPHIE : VALENTINA D’EFILIPPO

 LE LIVRE
L’Histoire du monde en infographie
V. d’Efilippo et J. Ball (éd. Marabout).
100 infographies (dont celle de cette page)
pour voir l’Histoire autrement. Edifiant !

18 JUILLET�AOÛT 2015
 Confidences sur une bataille
devenue légendaire...

19 juin 1815, à l’aube. Le baron Larrey, chirurgien en chef de la

garde de Napoléon Bonaparte, est sur le point d’être fusillé. Gracié
in extremis, Larrey est invité à déjeuner avec le général en chef
des armées prussiennes : le feld-maréchal Blücher. Ensemble, ils
reviennent sur la bataille de Waterloo qui vit la défaite de l’Empire...

Par Bruno Falba,

Christophe Regnault
et Maurizio Geminiani

Dossier de Jean Tulard

BANDE DESSINÉE
DISPONIBLE

Découvrez aussi la biographie Par Noël Simsolo,

Jean Tulard
de Napoléon dans la collection et Fabrizio Fiorentino
ILS ONT FAIT L’HISTOIRE Tome 1 disponible
Tome 2 à paraître le 24 juin
ENCOUVERTURE
EN COUVERTURE 6 42 25

36

8
33 50
Baillet-
Baille
Ba lett--
5 3
30
27 10 Stra
SStrasbourg
r sb
sb rrgg ((67)
67)
67
34 14 9 15
18 35
11 20
12
13
32 2 22
23 49

29 39
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Digoin 71)
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28
45
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Peyrebeille
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yreebbe ((07)
77))

24

17 ((Caroline 40 21
C r ud)
dduu Sud)
Sud (33 41
NNîîm s (30)
Nîmes 1
7

CARTE : HUGUES PIOLET

NOTRE CARTE DE 31

LA FRANCE MYSTÉRIEUSE
1. Le carré magique en latin
à Oppède-le-Vieux.
2. Le secret du bestiaire
du château du Plessis-Bourré.
3. Les dés étaient-ils pipés
à la bataille de Valmy ?
4. L’or de Rommel dort-il dans
les eaux du Cap Corse ?
5. Des géants soviétiques bien
au frais dans le Val-d’Oise.
6. Un continent oublié au fond
de la mer du Nord.
7. Y a-t-il un trésor sous
le château tarnais du Castela ?
8. Ah, si les arbres de la forêt
Duclair pouvaient parler !
9. Le clapotis mystérieux de la
cathédrale de Strasbourg.
10. Mort de Zola : il n’y a pas de
fumée sans feu.
11. Mais en quoi sont faits
les murs de Sainte-Suzanne ?
12. La psalmodie spectrale du
phare de Tévennec.
13. Provocatrice, la Marie couchée
de Tronoën ?
14. Le mystère du masque de fer
rebondit.
15. A Strasbourg, en juillet 1518,
c’est l’hystérie qui mène la danse.
16. De drôles de souterrains sous
la Croix-Rousse, à Lyon.
17. Le maréchal Ney a-t-il eu
plusieurs identités ?
18. Et si la femme du Roi-Soleil
avait eu un enfant caché ?
19. En 1870, la foire aux bestiaux
de Hautefaye tourne mal.
20. Les Amish d’Alsace mettent le
cap sur le Nouveau Monde.
21. Un village damné depuis des
siècles dans l’arrière-pays niçois.
22. Une peinture perdue de David
se cache dans l’Yonne.
23. Chinoiserie architecturale
dans la forêt d’Amboise.
24. Qui a découpé le crâne de la
marquise de Sévigné ?
25. Qui veut la peau de René
Descartes, à Stockholm ?
26. Le long périple des reliques de
saint Martin de Tours.
27. Les 100 millions du Dr Petiot
sont-ils toujours à Paris ?
28. Un sordide triple meurtre au
château d’Escoire.
29. Des squelettes sous la maison
de Barbe-Bleue, en Vendée.
30. La colossale fortune de
Napoléon est-elle aux Tuileries ?
31. Quand l’Eglise fait exploser
un monastère en Ariège.
32. Les pierres levées de Carnac,
un hommage posthume ?
33. Que contient le trésor du
Télémaque coulé à Quillebeuf ?
34. Le fondateur du Mont-Saint-
Michel est une vraie tête percée.
35. Qui a bâti cette muraille de
pierre sur le mont Sainte-Odile ?
36. A-t-on levé le voile sur l’identité
de la « comtesse des Ténèbres » ?
37. Dans la Vienne, on voue un
culte à Saint-Bitochon.
38. Un mystérieux suaire dans
l’abbaye périgourdine de Cadouin.
39. Y avait-il des extraterrestres à
Beaune au XVe siècle ?
40. Qu’est-ce qui a détruit les
arches du pont d’Avignon ?
41. Des escargots de Rome ont
parcouru 1 000 km jusqu’à Nîmes.
42. Le sacrifice des bourgeois de
Calais revu et corrigé.
43. Un sort magique protège-t-il
la pyramide de Couhard ?
44. L’auberge rouge serait bien
plus qu’un sanglant fait divers.
45. Pourquoi la Vierge du Puy-en-
Velay est-elle noire ?
46. Le peintre espagnol Goya a
perdu la tête à Bordeaux.
47. A quoi pouvaient bien servir
les pointes en silex de Volgu ?
48. Qui chaussait du 90 fillette
à Clermont-Ferrand ?
49. L’ancien évêché de Bethléem
était situé dans la Nièvre.
50. Y avait-il un royaume juif à
Rouen vers l’an mil ?

20
 50
ÉNIGMES
DE L’HISTOIRE
DE FRANCE GUSMAN/LEEMAGE, AKG-IMAGES/BRITISH LIBRARY, AKG-IMAGES

DES TRÉSORS JAMAIS RETROUVÉS,

des faits divers mystérieux, des
souterrains sous des châteaux… Notre
histoire regorge d’affaires non résolues.
En route pour le jeu de piste !
PAR NICOLAS FRANÇOIS ET MARION GUYONVARCH,
AVEC AXELLE SZCZYGIEL


o 21
EN COUVERTURE
AKG-IMAGES/BRITISH LIBRARY

P. FORGET/SAGAPHOTO/ONLYFRANCE.FR

 1. Quel est le
message secret du
carré Sator ?
D ans une rue d’Oppède-
le-Vieux (Vaucluse), une
gravure attire l’attention.
Cinq mots en latin de cinq L’énigmatique
lettres sont inscrits dans palindrome une correspondance entre losophale ? Certains le événement troublant a eu
un carré de cinq cases sur d’Oppède-le- les lettres et des chiffres, croient, imaginant que les lieu. Les bijoux du trésor
cinq. Particularité, ils s’en- Vieux (84). les nombres obtenus se- animaux correspondent à royal, gardés place de la
tremêlent et peuvent être raient en réalité une évo- des éléments chimiques. Concorde, ont été dérobés.
lus dans tous les sens : SA- cation codée d’épisodes de Autre hypothèse : le bes- Danton, le député révolu-
T O R - A R E P O - T E N E T- l’Ancien Testament... tiaire serait un parcours tionnaire, a été soupçonné
OPERA-ROTAS. Un palin- initiatique, tandis que les d’avoir organisé le vol
drome complexe qu’on 2. L’étrange huit fables seraient plutôt pour acheter Brunswick,
retrouve aussi à Sienne, à
Manchester et même… à
bestiaire du château des conseils et des morales
à appliquer au quotidien.
collectionneur de pierres
précieuses. Une théorie
Pompéi. En associant ces du Plessis-Bourré L’enquête continue… « pas farfelue, mais invéri-
mots latins, on obtient des
interprétations comme
« Le laboureur dirige les
U n cerf côtoie une li-
corne, un barbier coupe
un client et se fait sermon-
3. La bataille de Valmy
fiable », selon l’historien
de la Révolution française
Jean-Clément Martin.
travaux à sa charrue » ou ner. Cette scène, on peut la était-elle truquée?
« Dieu dirige le travail de
l’homme et le produit de
la terre. » En 1926, un pas-
voir au château du Plessis-
Bourré (Maine-et-Loire).
Au plafond, sur 24 cais-
A Valmy (Marne), le
20 septembre 1792.
Soldats français et prus-
4. Le trésor de Rommel
est-il englouti au large
teur allemand, Félix Gros- sons de bois sculpté, se dé- siens se font face. Après de Bastia?
ser, affirme qu’il s’agit
d’un signe de reconnais-
sance des premiers chré-
ploient un grand bestiaire
et 8 fables illustrées. Histo-
riettes ? Messages codés ?
quelques tirs de fusils, la
redoutable armée prus-
sienne bat en retraite. A la
M ars 1943 : le général
Rommel rentre en Al-
lemagne après des défaites
tiens, les lettres formant L’œuvre est de Jean Bourré, surprise générale, c’est en Afrique du Nord. De
l’anagramme Pater Noster, conseiller et ami des rois une victoire française, la cette campagne, il aurait
à deux reprises, si on les de France à la f in du première de l’armée révo- ramené diamants, bijoux
dispose en croix, autour de XVe siècle. Ces symboles, lutionnaire ! A la tête des et lingots d’or. Mais le na-
la lettre N. Mais la présence qui rappellent la tradition combattants prussiens, le vire transportant le butin
de chrétiens à Pompéi au alchimique, seraient une général Brunswick. Ses hé- est attaqué par l’aviation
Ier siècle est peu probable. manière de transmettre sitations et atermoiements américaine, au large de
Récemment, une nouvelle son savoir de façon cryptée ont précipité la défaite de Bastia. Six caisses conte-
interprétation a vu le jour : afin qu’il reste accessible ses troupes. A-t-il vraiment nant 200 kilos d’or sont je-
en s’appuyant sur les ma- aux seuls initiés. Livrent- joué la gagne ? Quatre tées par-dessus bord, avec
thématiques anciennes et ils le secret de la pierre phi- jours avant la bataille, un l’espoir de les récupérer

22 JUILLET�AOÛT 2015
Le secret de la pierre philosophale
se cache-t-il dans un château en Anjou ?
plus tard. Cette histoire,
c’est Peter Fleig, ancien sol-
dat présent sur le navire
durant l’attaque, qui la ra-
conte. En 1948, il entre-
prend des expéditions
pour retrouver ce trésor.
En vain. En 2007, un cer-
tain Terry Hodgkinson af-
firme avoir localisé son
emplacement exact – en
face du village de Macinag-
gio –, grâce à un indice
trouvé sur une vieille
photo d’un officier nazi.
Malgré le sonar et les ca-
méras sous-marines, c’est
un nouvel échec. Les lin-
gots de Rommel gisent
peut-être encore au fond
de la Méditerranée…
5. Des statues russes
dans la glacière d’un
château du Val-d’Oise
A u printemps 2004, l’ar-
chéologue François
Gentili se glisse dans un
puits à glace au milieu des
ruines du château de Bail-
let-en-France (95). Il aper-
çoit un visage et les épaules
d’une femme, puis un mo-
tif inattendu : un marteau
et une faucille ! Il vient de
mettre la main sur les ves-
tiges du pavillon de l’URSS
de l’Exposition universelle
de 1937 : des statues en bé-
ton armé de plus de 2,5 m
de haut représentant des
travailleurs. Elles avaient
été récupérées par la CGT
qui les avait installées sur
le parvis du château. En
1941, les sculptures ont été
brisées par les pétainistes.
Lorsqu’elle a récupéré le
château à la Libération, la
CGT s’est contentée d’en-
treposer les vestiges dans
o 23
la glacière située dans le terre a été engloutie il y a comtesse Jeanne de Bou-
parc. Pour quelles raisons 8 200 ans par une montée logne, épouse du frère du
Staline les a-t-il laissés en des eaux. Les archéologues roi Charles V. A la mort de
France ? Il pourrait s’agir l’ont baptisée Doggerland, son époux, la voilà à la tête
d’un geste de remercie- s’inspirant du Dogger d’une belle fortune. Mais
ment envers les ouvriers Bank, un banc de sable si- son second mari va la rui-
parisiens qui ont bâti le tué au large du Yorkshire, ner. Pour maintenir son
pavillon de n’avoir jamais à faible profondeur. C’est train de vie, elle va devenir
pris part à la grève qui re- le vestige d’une ancienne experte en fausse mon-
tardait alors le chantier de terre reliant la Grande- naie ! C’est dans le souter-
l’Exposition. Une partie de Bretagne au continent. Au- rain de son château qu’elle
ces œuvres est visible au jourd’hui, les recherches battra des faux écus. Cela
musée archéologique à se poursuivent pour en ap- durera quatre ans, jusqu’à
Guiry-en-Vexin. prendre plus sur ces At- ce que son mari la dé-
lantes d’Europe du Nord. nonce, en 1422. Jeanne
6. Une Atlantide prend alors la fuite. On ne
sous la mer du Nord 7. Que dissimule l’a jamais revue. Quant au
le souterrain du trésor, on continue de le
Il y a 150 ans, les pêcheurs
de la mer du Nord ont château du Castela ?
chercher sous le château.
commencé à remonter des
restes préhistoriques dans D u château du Castela, il
ne reste que la chapelle
8. Que disent les
“arbroglyphes” de la
leurs filets : squelettes hu- dominant Saint-Sulpice,
forêt de Duclair ?
mains, défenses de mam- dans le Tarn. Erigé en
mouths, outils… En 1985,
des savants ont analysé ces
1240, l’édifice a souffert
des guerres de Religion. Le U ne série de chiffres, un
prénom de femme, un
débris. Résultat : des souterrain, en revanche, cœur, une maison… Voilà
ASTIER/ANDIA.FR
hommes vivaient bien sur est en excellent état. Au à quoi ressemblent les ins-
un continent émergé en XVe siècle, il a accueilli les criptions intrigantes gra-
pleine mer du Nord. Cette étranges activités de la vées sur une centaine 
Notre-Dame
9. D’où provient ce bruit
de Strasbourg
(67).
d’eau sous la cathédrale
de Strasbourg ?
L
es Strasbourgeois affirment entendre parfois des clapotis
lorsqu’ils pénètrent au fond de la cathédrale Notre-Dame.
La légende dirait-elle vrai ? Depuis le Moyen Age, on raconte
que sous l’édifice se trouve un lac souterrain peuplé de
monstres aux yeux flamboyants, de créatures venues tout droit
de l’enfer poussant des râles effrayants, et des bateaux
fantômes ! En fait, la cathédrale, érigée sur ordre de l’évêque
Werner, au début du XIe siècle, est bâtie sur une nappe
phréatique, située à une dizaine de mètres de profondeur. La
bâtisse repose de ce fait sur d’immenses pilotis en chêne,
plantés dans le sol marécageux. Et les seules remontées d’eau
que le lieu ait connues sont les crues du Rhin ! Mais cela a
suffi pour faire naître la légende d’un lac infernal.
EN COUVERTURE
AKG-IMAGES
 d’arbres de la forêt de Du-
clair (Seine-Maritime).
Leurs auteurs : des soldats
américains de la Seconde
Guerre mondiale. S’agit-il
de messages secrets ? Non,
mieux : des déclarations
d’amour. A proximité de
cette forêt se trouvait le
camp Twenty Grand, ré-
servé aux GI mis au repos
par l’état-major. Epuisés,
déracinés, les soldats trom-
paient l’ennui à la pointe
de leur couteau et gra-
vaient sur l’écorce leurs
initiales, le nom de leur
girlfriend, une date…
10. Emile Zola a-t-il
été assassiné par
un antidreyfusard ?
E mile Zola est un lève-tôt.
Mais ce 29 septembre
1902, alors que la pendule
affiche 9 heures à son do-
micile parisien de la rue de
Bruxelles, son valet s’in-
quiète de ne pas le voir de-
bout. Il entre dans sa
chambre et trouve l’écri-
vain au sol, inerte. Le père
des Rougon-Macquart est
mort asphyxié par l’oxyde
de carbone dégagé par le
feu de sa cheminée. L’en-
quête conclut à un décès
accidentel. Sauf que… La
veille du drame, un certain
Henri Buronfosse, natio-
naliste et militant anti-
dreyfusard, effectuait une
24
Emile Zola a-t-il été victime d’un
ramoneur nationaliste ?
opération de ramonage
près du logement de Zola.
Il en aurait profité pour 12. Le phare de Tévennec
boucher la cheminé de
l’écrivain engagé qu’il dé- est-il hanté ?
L
teste, ce qui expliquerait es gardiens ne sont jamais restés très longtemps en poste au phare de
une si forte concentration
Tévennec, au large de l’île de Sein (Finistère). Depuis sa mise en service, en
d’oxyde de carbone dans la
1874, jusqu’à son automatisation, en 1910, vingt-trois gardiens se sont succédé,
pièce. Pas vu, pas pris ! Il
aurait même avoué son certains réclamant leur mutation au bout de seulement quelques semaines,
forfait à un proche avant au bord de la folie. La nuit, ils entendaient un cri : « Kerz kuit, kerz kuit » (« Va-
de mourir, en 1926. Si ce t’en », en breton). La légende raconte qu’il s’agit du fantôme du capitaine du
scénario séduit plusieurs Saint Louis, qui s’échoua à proximité de l’îlot. Mais il y a une dizaine d’années,
historiens, il reste impos- une théorie a enfin expliqué l’étrange psalmodie. Deux plongeurs ont découvert un
sible à prouver. siphon sous-marin d’une vingtaine de mètres traversant le rocher de part en part.
Lors de fortes marées, l’air comprimé dans ce boyau s’échappe par une faille en
11. Le secret émettant un bruit effrayant. Le fantôme va-t-il enfin trouver le repos ?
des murs vitrifiés de
Sainte-Suzanne
L e petit village de Sainte-
Suzanne, en Mayenne,
abrite un curieux mur : sur
certaines portions des rem-
parts de la citadelle, les
pierres sont soudées entre
elles par un mortier noi-
râtre, qui ressemble à de la
lave refroidie. En fait, ces
pierres ont été soumises à
un feu intense, ce qui a
provoqué une fusion et
donne cette apparence vi-
trifiée. Le fruit du hasard ?
Non, car Sainte-Suzanne
est loin d’être un cas isolé :
on retrouve ce type de mur
dans plusieurs pays d’Eu-
B. STICHELBAUT/HEMIS.FR
rope : Ecosse, Angleterre,
pays scandinaves, etc. Au-
jourd’hui, la principale
théorie avancée est qu’il
pourrait s’agir d’une tradi-
tion religieuse. Toutes ces
enceintes se trouvent en 13. Pourquoi la
effet dans des régions
celtes, et ces incendies au-
Vierge de Tronoën
est-elle aussi sexy ?
Y. BOËLLE/ONLYFRANCE.FR
raient pu être volontaire-
ment allumés à l’occasion
de la fête de Beltaine au
cours de laquelle était pra-
F ormes généreuses, lignes
sensuelles, poitrine dé-
couverte : voilà une repré-
La Vierge
couchée
de Tronoën
tiqué le culte du feu. sentation de la Vierge Ma- (29).

rie en position allongée
comme on en a rarement
vue. Sculptée sur le cal-
vaire de Tronoën, dans le
Finistère, ce type de repré-
sentation de Vierge cou-
chée était en réalité cou-
rante jusqu’au XVIe siècle.
Jusqu’à ce que, en 1563, le
concile de Trente recom-
mande d’éviter les « impu-
retés » et les « attraits provo-
cants » dans l’art religieux.
14. Et si le masque
de fer était une pure
invention ?
L e 19 novembre 1703, un
prisonnier meurt à la
Bastille. Il est enterré sous
le nom d’emprunt de Mar-
chioly. Depuis les années
1660, ce détenu avait suc-
cessivement été incarcéré
dans plusieurs prisons du
royaume : à Pignerol, sur
l’île Sainte-Marguerite, au
fort d’Exilles. A partir de
1687, on ne l’a plus vu que
portant un masque de fer,
puis, à la Bastille, une ca-
goule de velours noir sur
la tête. Son identité mysté-
rieuse a alimenté tous les
fantasmes : était-ce Fou-
quet, Molière, le frère ju-
meau de Louis XIV ? L’his-
torien Jean-Christian
Petitfils, lui, a renversé le
problème. Et si c’était
Saint-Mars, le gouverneur
de toutes les prisons où est
passé le détenu masqué,
qui avait tout manigancé ?
Ce dernier surveillait de
nombreux prisonniers
d’envergure, mais aussi
des anonymes. Parmi eux,
Eustache Danger, un valet
arrêté pour avoir surpris
une discussion diploma-
o 25
Photo du film
The Man in
the Iron Mask
de 1939.
tique sensible. Saint-Mars
aurait masqué ce malheu-
reux, non pas pour préser-
ver un secret d’Etat, mais
pour son orgueil person-
nel. Car un prisonnier
mystère, ça fait jaser. Et la
célébrité du détenu dé-
teint sur celle du geôlier…
15. La folle danse
des Strasbourgeois
à l’été 1518
A Strasbourg, le 14 juillet
1518, une femme, Frau
Troffea, commence à dan-
DR
ser durant des heures, im-
possible de l’arrêter. Puis,
ses voisins l’imitent fréné-
tiquement. En août, près
de 400 habitants entrent
dans la danse. Epuisés, les
pieds en sang, ils s’agitent
dans les rues, ne cessant
que pour quelques siestes.
Jusqu’à quinze personnes
succombent chaque jour,
victimes de crises cardia-
ques ou d’accidents vascu-
laires cérébraux. Les auto-
rités interviennent : les
fous dansants sont en-
voyés à Saverne, à une
journée de route. Grâce à
cette mise à l’écart, l’épidé-
mie cesse. Mais qu’est-ce
qui a déclenché ce phéno-
mène ? Culte hérétique ?
Empoisonnement ? Pour
l’historien de la médecine
John Waller, on aurait en
réalité affaire à un phéno-
mène d’hystérie collective.
Epidémies, famine, me-
nace turque : les Strasbour-
geois vivaient alors dans
un climat de terreur et
croyaient que Dieu les
avait abandonnés. D’où
leur désespoir.
16. A quoi
servaient les galeries
souterraines de Lyon ?
D ans le quartier de la
PHOTO12/WOLFTRACERARCHIVE
Croix-Rousse à Lyon, à
une profondeur variant de
5 à 25 m, se cache un ré-
seau souterrain de plus de
2 km de long. On le sur-
nomme « les arêtes de pois-
son », car sa structure rap-
pelle celle d’un squelette
de poisson : une galerie
principale à laquelle sont
reliées 32 galeries perpen-
diculaires de 30 m de long,
se terminant en cul-de-sac.
Les experts ont d’abord
pensé qu’il s’agissait des
galeries d’une forteresse
du XVIIe siècle. Mais sur-
The quick
brown fox prise ! En 2008, des data-
tions au carbone 14 effec-
tuées sur le mortier des
murs révèlent qu’ils ont
été érigés vers l’an 0 ! Le
réseau date de l’époque
gallo-romaine. Les indices
Episode retrouvés – graffitis, osse-
d’épidémie ments – sont trop maigres
dansante, pour fournir une piste cer-
gravure du taine. « Il s’agissait peut-
XVIe siècle. être d’un lieu de stockage,
lié à un bâtiment en sur-
face, explique Emmanuel
Bernot, du service archéo-
logie de la ville de Lyon.
Mais comme on ne sait pas
ce qu’il y avait à l’époque
en surface, le mystère
reste entier… » 
EN COUVERTURE
Mais qui a osé scalper
la marquise de Sévigné ?
parle aussi plusieurs lan-
gues et monte à cheval
GUSMAN/LEEMAGE
comme un pro. Et quand
il apprend la mort de Na-
poléon, en 1821, il s’éva-
nouit. Ça fait beaucoup de
coïncidences. Le bruit se
 17. La seconde vie répand que le maréchal de
du fidèle maréchal l’Empire et l’enseignant
de Napoléon
ne font qu’un. En 1903, à
Paris, le maréchal est réha-
O fficiellement, le maré-
chal Ney a été exécuté
à Paris, le 7 décembre
bilité et sa tombe, transfé-
rée au Père-Lachaise. Là,
un fossoyeur aurait
1815, pour avoir suivi constaté que le cercueil
Napoléon Ier pendant les
Cent-Jours. Sauf que sa
était vide. Une poignée
d’historiens affirment
mort n’était peut-être que alors que Ney, aidé par des
du cinéma… Quatre ans
plus tard, à Cheraw, petit
village de Caroline du Sud.
francs-maçons, a simulé sa
mort. Pour lever le doute,
il faudrait pouvoir exhu-
Un nouvel instituteur ré- mer les deux dépouilles
pond au nom de Peter séparées par 6 500 km !
Stuart Ney. Il a le même
âge, la même chevelure
rousse, la même blessure
18. Louis XIV a-t-il
à l’épaule, et le même eu une fille noire ?
passé de militaire que son
illustre homonyme. Il
La
Religieuse
noire de
A nnées 1680. Louis de
France, Dauphin du roi
Louis XIV, chasse vers Fon-
Moret (77).
Huile sur
tainebleau. Non loin de là,
toile, au couvent Notre-Dame-
vers 1700. des-Anges de Moret-sur-
Loing (Seine-et-Marne),
sœur Louise Marie-Thé-
rèse affirme : « Là-bas, mon
frère chevauche. » Une af-
firmation d’autant plus
WWW.BRIDGEMANART.COM
surprenante que cette reli-
gieuse est noire ! Mais elle
reçoit régulièrement des
visites de la famille royale.
Cette proximité surprend,
et rappelle un épisode
tragique sur venu
le 16 novembre
1664 : Marie-
Thérèse, épouse
de Louis XIV,
a mis au
monde une
petite fille.
26
Officiellement, l’enfant est
décédé un mois plus tard.
Mais des observateurs de
l’époque racontent que le
nourrisson avait la peau
noire et qu’il a été envoyé
au couvent. De quoi ali-
menter le soupçon d’un
amour adultérin. D’autant
que la reine avait un servi-
teur noir, nommé « Nabo »,
qu’elle aimait beaucoup.
19. Pourquoi les
habitants de
Hautefaye sont-ils
devenus cannibales ?
A oût 1870. La foire aux
bestiaux se tient sur la
place de Hautefaye, petit
village de Dordogne. Près
de 800 personnes viennent
pour y échanger du bétail.
Parmi eux, Alain de Mo-
néys d’Ordières, maire ad-
joint d’une commune voi-
sine. Soudain, la foule se
jette sur lui, l’insulte, le
frappe, à coups de sabots,
de fourches. On lui crève
un œil, on veut le pendre,
avant de décider de le brû-
ler vif. Certains récupèrent
même la graisse de la vic-
time et en tartinent leur
pain, criant « On a grillé un
fameux cochon, qui veut y
goûter ? » La raison de ce
châtiment ? Monéys d’Or-
dières aurait crié « A bas la
France ! » Dans le pays, il
règne alors un climat de
haine envers tout ce qui se
déclare hostile à l’empe-
reur Napoléon III, entré en
guerre contre la Prusse.
Sans oublier un contexte
économique très tendu.
Cela aurait suffit à faire
basculer de paisibles pay-
sans dans la barbarie col-
lective. Vingt et une per-
sonnes seront condamnées,
dont quatre guillotinées.
20. Qu’est-ce qui
a poussé les Amish
à fuir l’Alsace
pour l’Amérique ?
T out commence dans le
village de Sainte-Marie-
aux-Mines (Haut-Rhin).
Une soixantaine de fa-
milles protestantes men-
nonites s’y réfugient,
fuyant les persécutions re-
ligieuses en Suisse. En
1693, leur évêque Jacob
Amman appelle ses fidèles
à se couper du monde mo-
derne pour préserver leurs
traditions. Mais en 1712, le
roi Louis XIV ordonne leur
expulsion ! Motif : ils ne
correspondent à aucune
des tendances protestantes
tolérées par les traités de
1648 qui mettent fin à la
guerre de Trente Ans. Les
Amish payent aussi leur
réussite dans l’agriculture.
Leur prospérité a provo-
qué la jalousie, et incité
certains sujets du roi à les
dénoncer aux autorités. Ils
suivront alors les premiers
émigrants anglais, direc-
COLL. DAGLI ORTI
tion le Nouveau monde,
où ils sont aujourd’hui
près de 300 000.
21. Le village
de Rocca Sparvièra
est-il maudit ?
E n 1618, un séisme pro-
voque un glissement de
terrain et coupe l’approvi-
sionnement en eau à
Rocca Sparvièra, près de
Nice. C’en est trop ! Les ha-
bitants abandonnent ce
JUILLET�AOÛT 2015
village maudit. Car depuis ainsi la marquise ? En
le XIVe siècle, la commune 1996, on réexamine ses
connaît une succession de restes et on remarque que
f léaux : peste, famine, son crâne a été découpé
séisme et même invasion avec une précision quasi
de sauterelles ! De 1326 à chirurgicale. Une explica-
1408, la population de « la tion voit alors le jour. A la
roche de l’épervier » chute fin du XVIIIe siècle, une
de 120 à 30 habitants ! Est- « science » émerge : la phré-
H. CHAMPOLLION/AKG-IMAGES

ce la faute d’une malédic- nologie, l’étude des liens

tion ? En 1348, selon la lé- entre forme du crâne et
gende, la reine Jeanne de aptitudes intellectuelles.
Naples se réfugie dans ce L’un de ses fondateurs,
village pour fuir son beau- Franz Joseph Gall, aurait
frère qui l’accuse d’avoir récupéré le crâne pour ten-
tué son époux. Le soir de ter d’y trouver l’origine des
Noël, elle retrouve ses en- qualités littéraires de la
fants assassinés par ses op-
posants et servis pour le 23. Que fait cette pagode grande épistolière. Mais on
n’a jamais retrouvé la
souper. Elle jette alors un
sort sur Rocca Sparvièra, chinoise en forêt d’Amboise ? pièce à conviction…

A 25. René Descartes

réclamant sa perte. u-dessus du péristyle de cette pagode située au bord du lac des
jardins de Chanteloup, à Amboise (Indre-et-Loire), des idéogrammes a-t-il été assassiné à
22. Une toile de chinois indiquent : « Reconnaissance aux amis ». Lesquels ? Ceux du duc de la cour de Suède ?
David est-elle cachée Choiseul, ancien Premier ministre de Louis XV. Tombé en disgrâce, il remercie
à Saint-Fargeau ? ceux qui lui sont restés fidèles. Mais pourquoi en chinois ? Parce que lors de sa
C haque matin, depuis
septembre 1649, René

L ouis-Michel Lepeletier de construction en 1775, c’est la grande mode des chinoiseries. Cette pagode
Saint-Fargeau, député s’inspire de la Chine mais conserve des attributs architecturaux français.
ayant voté la mort de
Louis XVI, est assassiné immortalisé dans une
par un royaliste en 1793. peinture, Les Derniers Mo-
Considéré comme un mar- ments de Michel Lepeletier, par
tyr de la République, il est le maître Jacques-Louis Da-
vid. Mais cette toile, per-
sonne ne l’a vue depuis
1825, année de la mort du
peintre. Car les descen-
dants de Lepeletier ont re-
nié le passé révolution-
naire de leur aïeul. Après
avoir racheté le tableau, sa
fille, madame de Mortefon-
taine, décide de soustraire
à la vue du public cet hom-
mage gênant d’un régime
désormais honni. Qu’en a-
Escalier t-elle fait ? Mystère. L’écri-
semi-
vain Jean d’Ormesson, des-
circulaire
du château cendant de Lepeletier, a
de Saint- confié que la légende fami-
Fargeau (89). liale voulait que l’œuvre
soit cachée dans les épais
murs du château de Saint-
Fargeau. Des radiesthé-
sistes les ont analysés, sans
résultat probant.
24. Pourquoi a-t-on
“scalpé” la marquise
de Sévigné ?
R éputée pour sa corres-
pondance avec sa fille,
la marquise de Sévigné
meurt le 17 avril 1696, à
Grignan (Drôme). A la Ré-
volution, sa tombe est pil-
lée. En 1870, lors de tra-
vaux de rénovation du
château, sa sépulture est
rouverte. Surprise : tout le
sommet du crâne manque.
Qui donc a pu « scalper »
Descartes donne des cours
de philosophie à la reine
Christine de Suède. Mais
l’hiver arrive, et dans le
froid château de Stock-
holm, Descartes contracte
une pneumonie. Il meurt
en février 1650. Sauf que
pour l’universitaire alle-
mand Theodor Ebert, au-
teur de L’Enigme de la mort
de Descartes, les symptômes
décrits à l’époque sont
ceux d’un empoisonne-
ment à l’arsenic ! Qui en
voulait au philosophe ? Se-
lon Ebert, c’est François
Viogué, prêtre chargé d’ac-
compagner Christine de
Suède dans sa conversion
au catholicisme. Ce der-
nier craignait que l’in-
fluence de Descartes per-
turbe le projet religieux de
la reine. Pour éviter qu’elle 

o 27
EN COUVERTURE

ISADORA/LEEMAGE
de 27 meurtres pendant
l’Occupation. Déjà, les ac-
AKG-IMAGES

quéreurs se pressent pour

acheter l’hôtel particulier,
au 21, rue Le Sueur, à Pa-
ris. C’est ici que le Dr Petiot
attirait ses victimes, sou-
vent des Juifs auxquels il
 ne se questionne trop, il faisait miroiter une fuite
aurait empoisonné le phi- hors de France. Pourquoi
losophe avec une hostie à vouloir à tout prix acheter
l’arsenic… ce lieu macabre ? Pour ré-
cupérer le butin ! Selon les
26. Que font les estimations, Petiot a volé
reliques de saint près de 100 millions de
Martin de Tours dans francs à ses victimes. Les
acquéreurs successifs ont
Barbe-Bleue
tenant son
le Cantal ? fouillé le logement de fond couteau,

E n 1667, dans l’église de en comble, sans succès. En illustration

de 1900.
Marcolès (Cantal), le 1952, l’hôtel a été démoli

29. A-t-on retrouvé

curé découvre des osse- avec précaution. Mais au-
ments cachés dans une sta- cun lingot, diamant ou bi-

les victimes de Barbe-Bleue ?

tue. Un parchemin précise jou n’a jamais été retrouvé.
qu’il s’agit des reliques de Depuis, un nouvel im-
saint Martin. Que font- meuble d’habitation a été
elles à 400 km du tombeau
de l’ancien évêque de
construit à cet endroit.
S ous les tribunes du château de Tiffauges, en Vendée, se cachaient
quinze tombes et deux squelettes, mis au jour en mars 2013.
Tours ? « Elles ont pu être 28. Qui a commis Nous sommes dans l’ancienne demeure de Gilles de Rais, l’homme qui inspira le
personnage de Barbe-Bleue. S’agit-il de ses victimes ? Ce fidèle lieutenant de
volées par le comte Géraud
d’Aurillac », explique l’his-
un triple meurtre au Jeanne d’Arc fut jugé coupable d’avoir violé et tué 140 enfants entre 1432 et 1440,
torien Donatien Mazany. château d’Escoire ? et condamné à mort… bien qu’aucun corps n’ait été retrouvé dans le château.
Le comte s’est rendu sur le
tombeau de saint Martin à
la fin du Xe siècle. Connu
L e 25 octobre 1941,
Georges Girard, haut
fonctionnaire du régime
Jusqu’à cette récente découverte qui pourrait mettre fin à ce mystère vieux de
700 ans. Pour cela, il faudra dater les cadavres. Les analyses au carbone 14 n’ont
pas encore été effectuées. D’après les premières observations, les archéologues
pour être un amateur de de Vichy, est retrouvé
reliques, il les aurait em- mort, assassiné à coups de pensent plutôt avoir découvert un cimetière datant du Xe ou du XIe siècle.
portées à Aurillac. Mais en serpe dans son château
1232, les bourgeois de la d’Escoire, en Dordogne. Sa Henri Girard. Immédiate- jamais analysé les traces de
ville en révolte vandalisent sœur, Amélie Girard, et sa ment soupçonné, il clame sang retrouvées sur le pan-
l’abbaye. Pour protéger les domestique, Louise Sou- Château son innocence. Pourtant, talon du gardien ? de-
reliques, un bourgeois ou deix, ont subi le même d’Escoire, c’est lui qui a demandé à mande-t-il. Henri est fina-
en Dordogne
un clerc les auraient cachées sort. Seul survivant, le fils, son père de venir à Escoire. lement acquitté et partira
(24).
à Marcolès, non loin de là. C’est lui encore qui a em- en Amérique, d’où il re-
J. C. SOULANET/PHOTO PQR/SUDOUEST/MAXPPP

prunté la serpe au gardien viendra en 1950 sous le

27. Les millions du du château. C’est lui enfin
Docteur Petiot sont-ils qui, à Paris, a dépensé sans
compter et fréquenté la
encore rue Le Sueur ? pègre… Bref, la guillotine
pseudo de Georges Arnaud
avec un roman, Le Salaire de
la peur. Il connaît bientôt
la gloire. L’auteur du triple

C e 25 mai 1946, le coupe-

ret de la guillotine
s’abat sur le cou de Marcel
est déjà prête. Son avocat
Maurice Garçon pointe les
failles d’une enquête bâ-
meurtre, lui, n’a jamais
été identifié. Les fantômes
du château d’Escoire at-
Petiot, reconnu coupable clée. Et pourquoi n’avoir tendent toujours justice.

28 JUILLET�AOÛT 2015
Avant de revendre le monastère,
l’Eglise a exigé de dynamiter les bâtiments
30. Où est passé le
magot de Napoléon ?
J
« ’ai 200 millions dans les
caves des Tuileries »,
fanfaronnait Napoléon au
sommet de sa gloire. Plus
tard, dans son testament,
il répartit cette colossale
fortune entre ses compa-
gnons d’exil et ses soldats,
à qui il lègue 100 millions
de francs-or ! Sauf que cette
montagne d’argent semble
s’être envolée : à sa mort,
en 1821, seuls 4,5 millions
dorment dans les coffres
du banquier Laffitte. Où
est passé le reste de sa for-
tune ? Pendant des décen-
nies, on va croire que ce
trésor est caché, bien à
l’abri. Les émissaires de
Louis XVIII vont même
fouiller les Tuileries. Rien !
C’est Adolphe Thiers qui
va lever le mystère, au mi-
lieu du XIXe siècle. Pour
lui, ce trésor n’existe tout
simplement pas. Il suffit
juste de faire le calcul. Re-
tour en 1814 : l’Empereur
est riche, mais il a prêté la
plus grande partie de sa
fortune à l’Etat, pour fi-
nancer ses guerres. En es-
pèces sonnantes et trébu-
chantes, il ne dispose que
de 15 millions de francs.
Lors de la première abdica-
tion, Marie-Louise, sa se-
conde épouse, s’enfuit
avec 10 millions… vite in-
terceptés par les hommes
de Louis XVIII. En 1815,
Napoléon dispose encore
de 5 millions, qu’il dépose
chez Laffitte. Il emporte
300 000 francs, et pense
toucher le reste lorsqu’il
réussira à fuir en Amé-
rique. Raté, il échoue à
o 29
E. BERTHIER/HEMIS.FR
Sainte-Hélène. Ce qui reste
du magot dort à la banque
et sera distribué à ses léga-
taires à sa mort. Les autres
millions correspondent à
des créances jamais rem-
boursées. En fait, de son
trésor, il ne reste rien.
31. Pourquoi
a-t-on dynamité le
monastère de Carol ?
E n 1859, un prêtre jésuite,
Louis de Coma, hérite
d’une terre au Carol, sur la
commune de Baulou
(Ariège). Une aubaine pour
cet ambitieux. Son idée :
bâtir un monastère. Il se
Site
met en quête de dons. Pour
mégalithique 32. Alignements érigé pour célébrer la mort
booster la générosité des
fidèles, il n’hésite pas à prê-
de Kermario,
à Carnac
de Carnac : la piste du d’un illustre personnage,
probablement le chef d’un
ter des vertus miraculeuses (56). tombeau se précise peuple disparu. Puis
aux eaux d’une fontaine
voisine. En 1900, les tra-
vaux sont enfin finis. Mais
D es milliers de pierres le-
vées ont été alignées, il
y a quelque 4 000 ans, sur
d’autres pierres ont été
ajoutées au fil du temps
pour honorer sa mémoire.
personne n’y logera. Et trois sites de la commune
Louis meurt en 1911. En de Carnac (Morbihan). Un 33. Le trésor du
1957, un agriculteur veut
racheter la terre. Le diocèse
calendrier agricole ? Peu
probable, car les popula-
Télémaque est-il sous
accepte à la condition que tions paysannes laissent le terrain de foot ?
tous les bâtiments reli-
gieux soient dynamités.
Pourquoi l’Eglise a-t-elle
des traces caractéristiques,
comme du mobilier, qu’on
ne retrouve pas sur le site
L e 2 janvier 1790, dans le
port de Quillebeuf-sur-
Seine (Eure), le Télémaque
voulu faire disparaître le pour cette période. Les bâ- attend des conditions de
lieu ? Mystère. Dans ses En- tisseurs n’étaient donc pas navigation favorables
quêtes sur la France mysté- des cultivateurs. Non loin pour franchir l’estuaire de
rieuse, David Galley rap- des mégalithes, on trouve la Seine. Surpris par une
pelle que l’architecte qui d’autres éléments de ré- vague, le bateau chavire.
avait dessiné les plans du ponse. Deux des trois sites Officiellement, il était
monastère a été démis de de Carnac abritent un chargé de barils d’huile et
ses fonctions par le diocèse. tertre. A l’intérieur, des os- de bois de construction.
Quelque chose devait clo- sements humains. Il s’agit Mais en pleine période ré-
cher dans les bâtiments… d’un monument funé- volutionnaire, on mur-
De plus, Louis de Coma a raire. Dans la sépulture, mure qu’il transportait en
apporté des modifications des colliers réalisés avec réalité des biens précieux
au plan initial, y intégrant des pierres semi-pré- que Louis XVI voulait
un cercle de pierres levées. cieuses. Preuve que le dé- mettre à l’arbi. En 1939,
Des fantaisies qui n’ont funt était un dignitaire. lors d’une tentative de ren-
sans doute pas plu aux au- Dès lors naît une hypo- f louage, on a effective-
torités religieuses. thèse : un menhir a pu être ment retrouvé des pièces 
 EN COUVERTURE
SELVA/LEEMAGE
 d’or à l’effigie du roi. Les
traces d’une précieuse car-
gaison ? Selon l’historien
local Jacques Langlois, le
navire transportait plutôt
un trésor historique : les
archives royales secrètes.
Difficile d’en avoir le cœur
net : depuis le réaménage-
ment des berges par la
commune, le Télémaque se
trouve… sous le terrain de
football de la commune !
34. Pourquoi le
fondateur du Mont-
Saint-Michel a-t-il
le crâne perforé ?
P ièce emblématique du
trésor de la basilique
Saint-Gervais d’Avranches
(Manche), le crâne de saint
Aubert est perforé sur le
dessus. Selon la légende,
au VIIIe siècle, l’archange
saint Michel aurait visité
Aubert pour lui demander
d’édifier un sanctuaire en
son honneur. Comme ce
dernier traînait un peu,
saint Michel l’aurait
alors littéralement
poussé à obéir de son
doigt divin, lui lais-
sant une marque
indélébile sur le
crâne. Aubert se
serait alors consa-
cré corps et âme à
bâtir une abbaye sur
le mont Tombe, de-
venu depuis le Mont-
Saint-Michel. Le
mythe a définitivement
été déboulonné en 2003,
lorsqu’une équipe de
scientifiques a examiné le
crâne de saint Aubert.
30
Gloire à Saint-Bitochon
et zut aux aristos !
Après avoir écarté l’hypo- des analyses génétiques
thèse d’un accident, d’une sur leurs corps. Verdict : la
mise en scène post-mor- femme voilée décédée en
P. CLEMENT/BENELUXPIX/MAXPPP
tem ou même d’une trépa- Allemagne en 1837 n’est
nation, ils ont conclu que pas liée à la famille royale.
l’évêque souffrait en fait Mais, grâce à une séquence
d’un kyste épidermoïde de ADN qu’ils ont isolée, les
la voûte, une affection bé- chercheurs espèrent re-
nigne qui lui déformait le trouver un jour sa mère
cuir chevelu à la manière pour percer le mystère de
d’une grosse bosse ! Le Mur païen vie n’a été retrouvée à l’in- son identité.
en Alsace, térieur... Selon Francis
35. Pourquoi a-t-on
sur la
commune
Mantz, président de la So- 37. Qui a érigé
bâti le “Mur païen” ? d’Ottrott
ciété pour la conservation
du Mur païen, l’enceinte a
un phallus géant en
(67). Haute-Saône ?
A utour du mont Sainte-
Odile, sur la commune
d’Ottrott (Bas-Rhin), une
été construite pour servir
de refuge, peut-être pour
se prémunir des attaques P rès des lieux dits Béroute
et Bastard, sur la com-
muraille longue de des Teutons et des Cimbres mune de Marnay (Vienne),
10,5 km, haute de 5 m et
large de 1,80 m, encercle
qui ont menacé la région
vers – 115. Le mur n’au-
une sculpture de pierre de
6 m de haut, en forme de
une zone de 117 hectares. rait finalement pas servi. phallus, surplombe un
Sa construction daterait
d’avant l’ère chrétienne
(entre – 300 et – 100), ce
En tout, 300 000 pierres
ont été empilées et reliées
par des tenons de bois.
abri troglodyte. Dans les
années 1970, des plaisan-
tins lui ont donné un nom,
qui lui a valu le nom de Saint-Bitochon, et ont or-
« Mur païen ». A quoi ser- 36. Qui était ganisé un culte parodique,
vait-il ? Les archéologues
ont d’abord pensé qu’il en-
la “comtesse des et des soirées libertines,
autour de l’étrange idole.
cerclait un oppidum, un Ténèbres” ? Mais qui en est l’auteur ?
E
village fortifié gaulois. Crâne de n 1807, deux étranges L’érection de Saint-Bito-
Sauf qu’aucune trace de saint Aubert, personnages arrivent chon serait le résultat
à Avranches
(50). dans la ville allemande de d’une provocation. En
Hildburghausen. Le comte 1866, la marquise du Lau
Vavel de Versay et sa fait bâtir le château du
femme, voilée en toutes Gué. Son voisin, Louis
circonstances, vivent à Bourdier, animé par des
l’écart de toute vie sociale sentiments anti-aristo-
et affichent un train de vie crates, décide de lui gâcher
digne d’une prestigieuse la vue. Il érige la sculpture
famille. Ce qui leur vaut le devant sa demeure. Cho-
surnom de « comte » et quée, la marquise aurait
« comtesse des Ténèbres ». fait murer les fenêtres don-
Un sobriquet aussi obscur nant sur l’œuvre obscène.
que l’identité de ma-
dame… On a long-
temps suspecté qu’elle
38. Les mystères du
était la fille de Louis XVI suaire de Cadouin
et de Marie-Antoinette,
O n ne sait pas vraiment
T. SENI/HEMIS.FR
Marie-Thérèse de France. quand ni comment ce
En 2012, une radio alle- suaire est arrivé à l’abbaye
mande décide de lancer de Cadouin (Dordogne). Ce
JUILLET�AOÛT 2015
 une telle pression. C’est le
changement climatique
qui aurait affaibli le pont.

41. Que font

ces escargots de

J. P. DUMONTIER/LA COLLECTION
Rome dans les
arènes de Nîmes ?
E n 1903, le malacologue
(spécialiste des mol-
lusques) Georges Coutagne
observe un drôle d’escar-
39. Est-ce un ovni que l’on aperçoit got dans une anfractuosité
des pierres des arènes de

sur la tapisserie de Beaune ? Nîmes. Il appartient à l’es-

pèce « clausilies ro-

S ur l’un des dix-neuf tableaux de la Tenture de la vie de la Vierge, tapisserie exposée à la

collégiale de Beaune (Côte-d’Or), on distingue en haut à gauche (voir photo ci-dessus) un objet fin et
oblong qui ne ressemble à rien de connu, si ce n’est… à une soucoupe volante ! Pierre Spicre, auteur de
maines ». D’habitude, ces
escargots ne se trouvent
que sur les falaises des
ce chef-d’œuvre tissé en laine et en soie, a-t-il apporté ainsi la preuve de la présence d’extraterrestres dans le ciel Apennins, près de Rome.
bourguignon au XVe siècle ? Dans les années 1970, les chercheurs d’ovnis y croient dur comme fer. Mais les Que font-ils dans le Gard ?
Après enquête, on a peut-
historiens avancent une autre explication : et si cet objet volant dans le ciel était en réalité un chapeau ? Plus
être trouvé l’explication.
précisément, le couvre-chef du cardinal Jean Rolin, évêque d’Autun et premier commanditaire de la tapisserie, Lors de la construction de
en 1474. Pourquoi cette idée ? Parce qu’il était alors de coutume de faire figurer les donateurs sur l’œuvre. Mais l’édifice, en l’an 90, des
plutôt que de tisser les armoiries de l’homme d’Eglise, l’artiste a préféré représenter son chapeau. matériaux ont été impor-
tés de Rome. Quelques pas-
Ci-dessus
qui est sûr, c’est qu’en 40. Pourquoi La Vierge crues du Rhône, s’ef- sagers clandestins s’y sont
1214 un chroniqueur
évoque la présence d’un
le pont d’Avignon se rend chez
son époux,
fondrent les unes après les
autres. Les Avignonnais les
greffés. Pour en avoir le
cœur net, il faudrait effec-
étrange tissu blanc ra- était-il si fragile ? l’un des reconstruisent à chaque tuer un séquençage géné-

E
mené de Terre sainte. Le
suaire de Cadouin aurait
entouré la tête de Jésus
après sa crucifixion. Il de-
vient un objet de culte, les
pèlerinages se multiplient
jusqu’au XXe siècle. Mais
en 1933, un jésuite ob-
serve des inscriptions en
arabe sur le linceul. Après
analyse, le verdict tombe :
il s’agit d’un tissu ayant
appartenu à un calife
égyptien du XIe siècle. Mais
ce faux historique reste vi-
sible au cloître de Cadouin.
Et on ne sait toujours pas
comment le suaire d’un
calife d’Egypte s’est re-
trouvé en Dordogne.
n 1170, un jeune berger
du nom de Benoît (Béne-
zet, en provençal) quitte
l’Ardèche, guidé par la voix
de Dieu qui lui demande
de bâtir un pont sur le
Rhône. Les travaux du
pont Saint-Bénezet, plus
connu sous le nom de pont
d’Avignon, débutent en
1177 et dureront une cen-
taine d’années. L’ouvrage,
qui compte alors 22 arches
pour une longueur totale
de 915 m, devient une
route économique ma-
jeure reliant Avignon à Vil-
leneuve-lès-Avignon. Mais
à partir des années 1600,
les arches, subissant les
19 tableaux fois. Mais elles s’effritent à tique des deux popula-
composant
la tenture de nouveau… Vers 1670, les tions de gastéropodes, afin
Beaune (21). habitants, découragés, dé- de déterminer quand elles
cident d’abandonner leur ont été séparées.
pont. Seules les quatre pre-
mières arches resteront fi- 42. Les six bourgeois
nalement debout. Le pont
aurait-il été mal bâti ? Une
de Calais ont-ils
équipe du CNRS vient de réellement existé ?
travailler sur une reconsti-
tution en 3D de l’édifice, et
propose une autre explica-
L ’histoire est immortali-
sée par une sculpture de
Rodin, Les Bourgeois de Ca-
tion. Lors du « petit âge de lais. Elle trône dans la ville
glace », entre le XVe et le du Pas-de-Calais, en réfé-
XVIIIe, les crues ont été rence à un épisode célèbre
plus importantes et les de la guerre de Cent Ans.
nappes phréatiques se sont 1348, la ville est assiégée
gonflées davantage. Bâties par le roi Edouard III d’An-
en période aride, les arches gleterre. Six notables de la
n’ont pas pu supporter cité se rendent au roi et 

o 31
EN COUVERTURE
Comment le dieu Mercure
est-il descendu du Puy-de-Dôme ?
où était installé le cime-
tière de la ville », précise-
45. D’où vient la a conclu qu’à l’origine elle
n’était pas noire. Elle au-
t-on au musée Rolin Vierge noire du Puy ? rait été peinte au début du
AKG-IMAGES

d’Autun. Un indice a été

trouvé dans les années
1960. A la base de la pyra-
D ans la cathédrale Notre-
Dame-de-l’Annoncia-
tion du Puy-en-Velay
XVIe siècle grâce à des ban-
delettes de toile, un pro-
cédé utilisé pour la réfec-
mide, on a récupéré une (Haute-Loire) se trouve une tion de statues anciennes.
tablette de plomb de 15 Vierge singulière : la statue Pourquoi en noir ? A
cm avec des formules ma- est de couleur noire. On l’époque, l’Eglise catho-
 proposent de se sacrifier giques en grec et en latin pense qu’elle a pu être ra- lique est confrontée à la
pour sauver les autres ha- Ci-dessous, au sens toujours obscur. menée d’Orient et offerte baisse de fréquentation
bitants. Au moment de dessin Parmi elles, cinq noms à par Louis IX au retour de des sanctuaires de pèleri-
vers 1910
leur exécution, la reine pour illustrer consonance romaine et la 7e croisade, mais on n’a nage et à la remise en ques-
Philippa, épouse du roi, le récit la mention « ont été en- toujours pas percé le mys- tion du culte de la Vierge
intervient pour empêcher L’Auberge sorcelés ». Peut-être une tère de sa couleur. En Marie. Or, la couleur brune
leur mort. Sauf que… cette sanglante de menace pour décourager 1778, un géologue a exa- évoquant la Terre sainte et
histoire, longtemps pré- Peyrebeille les pilleurs. miné la statue de cèdre et sa reconquête par les croi-
sente dans les manuels sco- (07).

44. L’auberge rouge, un procès politique ?

laires, est l’invention d’un
chroniqueur de l’époque,
récupérée au XIXe siècle
par les mouvements pa-
triotiques français, comme
le rappelle l’historien Jean-
L e 2 octobre 1833, les aubergistes Pierre et Marie Martin, et leur domestique Jean Rochette,
sont guillotinés. Ils sont accusés d’avoir dépouillé et tué des centaines de voyageurs qui faisaient halte
dans leur auberge de Peyrebeille (Ardèche). Des crimes que le couple a toujours niés. En 2007, nouvelle théorie.
Marie Moeglin dans son Pour l’historien Gérald Messadié, ce fait divers cache une affaire politique. Après la révolution de 1830, le libéral
ouvrage Les Bourgeois de Ca-
Louis-Philippe est monté sur le trône. L’absolutisme est désormais très loin. Mais Pierre Martin est engagé en
lais. En vérité, le roi a sim-
politique auprès de la très active fédération royaliste d’Aubenas. Il aurait été victime de la vengeance de
plement demandé à ce
qu’on vienne implorer sa bourgeois locaux, opposés politiquement et jaloux de sa réussite en affaires. Sous l’œil bienveillant de la justice
clémence, comme c’était du nouveau pouvoir défavorable à ce foyer de nostalgiques de l’Ancien Régime…
l’usage au Moyen Age. Les
six bourgeois ne risquaient
donc pas grand-chose.

43. La pyramide
de Couhard est-elle
ensorcelée ?
U ne pyramide de pierre
haute de 25 m trône
dans le village de Cou-
hard (Saône-et-Loire), à
proximité de la ville
d’Autun, une ancienne
cité romaine du Ier siècle
av. J.-C. La pyramide
pourrait donc dater aussi
de cette époque. Mais sur
RUE DES ARCHIVES

l’édifice, aucune inscrip-

tion. « Il s’agit sans doute
d’un monument funé-
raire, car c’est une zone

32 JUILLET�AOÛT 2015
sés, on a pu la peindre
ainsi pour redonner de
l’ardeur aux croyants. Im-
possible de l’étudier plus
précisément : le 8 juin
verts en 1874, près de comte doit honorer sa pro-
Digoin-sur-Loire (Saône- messe et accueille l’évêché
et-Loire). Datant de la à Clamecy, à 70 km au
période solutréenne nord de Nevers. Une situa-
(– 22000 à – 17000), ces tion qui a duré jusqu’en

1794, les révolutionnaires
l’ont brûlée. Aujourd’hui,
c’est une réplique qui
trône dans la cathédrale.
46. Où est passée
la tête de Goya ?
F rancisco de Goya s’éteint
à Bordeaux, où il vivait
depuis quatre ans, le
16 avril 1828. Le peintre
espagnol est inhumé au
cimetière de la Chartreuse.
En 1888, l’Espagne de-
mande le rapatriement du
corps de l’artiste. Mais à
l’ouverture du tombeau,
surprise ! La tête du sque-
lette a disparu. On re-
trouve sa trace en 1928,
sur un tableau de Dionisio
Fierros intitulé Crâne de
Goya. La toile date de 1849,
soit vingt et un an après la
mort du maître. Son crâne,
probablement exhumé de
sa tombe bordelaise, aurait
donc circulé dans l’atelier
de Fierros. D’autres sources
évoquent son utilisation
pour des recherches scien-
tifiques. Ce qui collerait
aussi : le fils de Fierros fut
étudiant en médecine et à
pu emporter le crâne pour
ses cours. Avant de le lais-
WWW.BRIDGEMANART.COM
quinze silex mesurent 1801, date du Concordat
entre 30 et 35 cm, 6 à qui régissait les rapports
8,8 cm de large et ne font entres les religions et l’Etat
que 6 à 8 mm d’épaisseur ! français.
Ces pierres taillées très fra-
giles risquent de se briser
à tout moment. Appelées
ils forment un pied
chaussé d’une san-
50. Rouen abritait-
« feuilles de laurier », elles dale décorée de divers elle un royaume juif ?
Trois pointes
servaient en général de
couteaux pour dépecer le
gibier. Mais celles de Volgu
dentelées
de Volgu,
près de
motifs. Le tout devait
appartenir à une statue
de 2,5 à 3,5 m de haut.
E n août 1976, on découvre
un bâtiment enfoui sous
le palais de justice de
semblent avoir peu servi, Digoin-sur- Pour les historiens de l’art, Rouen (Seine-Maritime).
et sont si fragiles qu’elles Loire (71). le style rappelle celui de Des fouilles sont lancées :
n’auraient pas résisté à un Zénodore, un sculpteur ro- il s’agit d’un édifice du
tel usage. Par ailleurs, ces main. Justement, les textes XIIe siècle ! Le lieu est situé
lames sont taillées dans un de Pline l’Ancien évoquent près de la rue aux Juifs, qui
silex particulier, sans dé- la réalisation par l’artiste rappelle la forte implanta-
faut, venant de la région d’une statue du dieu Mer- tion de cette communauté
de Gien (Loiret), à 150 km cure, en 60 av. J.-C. Mais dans la ville. Sur les murs,
de là, et leur finesse in- pas à Clermont-Ferrand, un graffiti en hébreu in-
dique qu’elles étaient en haut du Puy-de-Dôme ! dique : « Que cette maison
l’œuvre de tailleurs d’ex- Comment son pied a-t-il soit sublime. » Cette de-
ception. Du coup, certains pu se retrouver à 15 km du meure aurait pu être le do-
chercheurs estiment que site, et 1 000 m plus bas ? micile d’un notable juif,
ces pointes étaient peut- Difficile à dire, d’autant voire une école rabbinique
être une démonstration que le reste de la statue n’a destinée à l’étude des
du savoir-faire solutréen. toujours pas été retrouvé. textes sacrés. L’historien
Norman Golb va encore
48. A qui appartient 49. Que fait l’ancien plus loin : ce serait un ves-
le pied de bronze évêché de Bethléem tige… du royaume des
géant de Clermont- dans la Nièvre ?
Juifs en France. En 1007,
d’après une chronique mé-
Ferrand ?
L ors de fouilles sur le site
d’une ancienne gare
P endant près de 600 ans,
de 1223 à 1801, le siège
épiscopal de la ville pales-
diévale, un certain Jacob
bar Jequthiel, venu de
Rouen, réussit à convaincre
routière de Clermont- tinienne de Bethléem était le pape de faire cesser une
Ferrand, en 2007, l’Institut situé… dans la Nièvre. vague de persécutions.
D. BAGAULT/C2RMF

ser à disposition des cher-
cheurs, et de le perdre.
47. Les curieuses
pointes de Volgu
national de recherches ar- Tout est parti d’une pro-
chéologiques préventives messe faite en 1167, au
tombe sur sept fragments moment des croisades, par
de bronze. Reconstitués, le comte de Nevers, Guil-
laume IV. Celui-ci assure à
Le colossal
pied antique l’évêque de Bethléem qu’il
Pour Golb, ce serait le roi
des Juifs ! Selon le cher-
cheur, les rois carolingiens
auraient nommé des Rex
judaeorum pour être le re-
lais de leur communauté.

U n silex, ça peut servir à

faire du feu, chasser,
gratter, percer, couper...
de Clermont-
Ferrand (63).
est prêt à l’accueillir en cas
d’invasion des musul-
mans. C’est ce qui arrive
Ces représentants auraient
disposé de pouvoirs diplo-
matiques et politiques
Sauf ceux de Volgu, décou- vingt ans plus tard. Le dignes de souverains. 

o 33
REPORTAGE

ILS SE BATTENT COMME AU

MOYEN ÂGE
ET BIM ! DANS TON HEAUME ! La très officielle Fédération
internationale de combat médiéval rassemble des milliers
de jouteurs issus de 23 pays qui s’affrontent selon des
règles établies au XIIe siècle.
PHOTOS : SUSANA GIRON-TEXTE : KARINE PARQUET

34
 Mai 2014,
dans la cour du
château de
Belmonte, en
Espagne. Deux
chevaliers
espagnols
tentent de gagner
leur place pour
le championnat
du monde 2015
en Pologne.
Chaque combat,
très intense,
ne dure que
deux minutes.

o 35
REPORTAGE

PLUS DE 30 KILOS
SUR LES ÉPAULES
Ce chevalier américain se concentre
avant d’entrer en lice, le nom du terrain
ceint d’une palissade de bois utilisé
pour la joute. Réalisés par des artisans
spécialisés, les équipements s’inspirent
de sources historiques précises allant
du XIIIe au XVIe siècle. L’ensemble doit
être cohérent en temps et en lieu.
Impossible de porter un heaume
français du XVe siècle avec une épée
anglaise du XIIIe ! Comme avant,
selon les moyens du chevalier, l’armure
est en acier doux ou trempé et coûte
de 500 à 10 000 euros.

Ce combattant allemand met une

heure pour enfiler son armure qui pèse
plus de 30 kilos. Sorte de kit de
plaques d’aciers, elle doit recouvrir
entièrement le corps et s’adapte selon
le type de combat. Des tissus et
cottes de maille renforcent le tout.
 Ce heaume masqué servait autant à
reconnaître le combattant qu’à effrayer
l’adversaire. Il s’inspire des casques
russes des XIIe et XIIIe siècles. Le dessus
conique absorbe mieux les chocs.

UN COMBAT
DANS LES RÈGLES
Toutes les touches sont autorisées, sauf
« férir d’estoc », c’est-à-dire frapper avec
la pointe de l’épée. Comme autrefois,
on ne sépare pas le poids plume du poids
lourd, David peut lutter contre Goliath !
En Pologne, chaque année, plus de
5 000 chevaliers s’affrontent dans des lices
pour célébrer la victoire en 1410 des
royaumes de Pologne et Lituanie contre
l’ordre Teutonique à la bataille de Grunwald .

37
REPORTAGE
En 2015 comme
au XIIe siècle,
le spectacle
est total, voire
théâtralisé. Les
chevaliers portent
des étoffes ou
des heaumes avec
leurs emblèmes
pour être reconnus.
Au public de
choisir son héros !

T
TOURNOYER COMME Guillaume le Maréchal – le
« meilleur chevalier du monde » – au XII siècle. Voilà
e
le rêve de passionnés qui, partout en Europe, redonnent
vie à ces fêtes chevaleresques depuis une dizaine d’an-
nées. Certains en ont fait leur métier : on compte en
Russie près de 5 000 jouteurs professionnels qui y
trouvent, comme autrefois, une source de revenus non
négligeable. Mais ces combats médiévaux réunissent
avant tout des amateurs férus d’histoire ou en quête
de sensations fortes. « Certains y voient un défouloir,
pratiquant le béhourd comme au XIIe siècle. Pour notre
part, nous cherchons à retrouver le geste historique,
l’esprit noble et chevaleresque des tournois des XVe et
XVIe siècles », précise Gilles Carrière, vice-président de
la Fédération française médiévale et Renaissance.
Historiquement, les premiers tournois datent de la fin
du XIe siècle. Ce sont alors des entraînements pour ap-
prendre à combattre en rangs serrés, mais ils tournent
vite au jeu. Un divertissement peu apprécié de l’Eglise,
qui condamne d’abord cette pratique, préférant voir
les chevaliers s’engager dans les croisades. Certains
tournois pouvaient être sanglants : en 1240, à Nuys,
près de Cologne, l’un d’eux coûta la vie à 60 chevaliers
VICTOIRE AUX
POINTS
Le vainqueur du tournoi est le chevalier qui a cumulé
le plus de points lors de ses combats, à cheval ou à
pied. Le nombre de points marqués varie selon
l’endroit où l’on frappe l’adversaire et le nombre de
touches. En 1596, au tournoi de Kessel (Belgique
actuelle), il fallait, par exemple, porter trois touches à
la tête – la partie la plus noble du corps– pour gagner.
et écuyers. Mais les princes y voyaient l’occasion d’éta-
ler leur puissance et de fédérer leurs guerriers. Fin XIVe,
les tournois se codifient et deviennent plus pacifiques.
Véritables shows, ils sont parfois même théâtralisés à
grand renfort de références à la légende arthurienne.
« On est là pour briller en société, note Gilles Carrière.
Le but n’est pas de blesser l’adversaire mais de mar-
quer des points en touchant son armure en divers en-
droits ou en y brisant sa lance. Il y a une forme de
fair-play, on ne frappe pas dans le dos, ni un chevalier
qui a perdu son heaume. » En 1559, le roi Henri II avait,
lui, bel et bien succombé après avoir reçu une lance
dans l’œil lors d’une joute. Les tournois furent alors
abandonnés peu à peu et les nobles ont fini par se li-
miter aux parades dans les carrousels. 

38 JUILLET�AOÛT 2015
 900 ANS
QUE ÇA DURE
Remis au goût du jour par les Russes
il y a une dizaine d’année, le béhourd
– le nom de cette discipline – se pratique
dès le XIIe siècle : deux groupes
de chevaliers s’affrontent dans un
simulacre de bataille, rangés par équipe
de 5, de 21, voire de 50 ! L’équipe
gagnante est la dernière qui maintient
au moins un combattant debout.

Une participante finlandaise au festival de Grunwald

(Pologne) en tenue médiévale. Si aujourd’hui dans certains
rassemblements les femmes sont autorisées à combattre, au
Moyen Age, elles étaient uniquement spectatrices. Les
tournois étaient l’occasion d’un jeu de séduction entre
dames et chevaliers qui se battaient souvent en leur nom.

DES RÉPLIQUES
FIDÈLES
Epée à une ou deux mains, arme d’hast,
sabre, fauchon, hache, masse... toutes
les armes utilisées dans les joutes de
la Fédération internationale de combat
médiéval sont des répliques d’originaux
historiques et sont émoussées
comme au Moyen Age pour limiter les
blessures. Aux XVe et XVIe siècles
cependant, les chevaliers n’utilisaient
que les quatre armes nobles : l’épée,
la dague, la lance et la hache noble.

o 39
LE PORTRAIT

23 AOÛT 1754
LA CHRONO

Naissance de
Louis Auguste
de France.

21 MARS 1761
Son frère meurt
de la tuberculose.

20 DÉC. 1765
Décès de son père.
Louis Auguste
devient dauphin
de France, héritier
du trône.

19 AVRIL 1770
Mariage avec
Marie-Antoinette
d’Autriche.

10 MAI 1774
Louis XVI succède
à son grand-
père sur le trône.
Il a 19 ans.

15 AOÛT 1785
WWW.BRIDGEMANART.COM, SELVA/LEEMAGE

Début de l’affaire
du collier de la
reine.

5 MAI 1789
Ouverture des
Etats généraux
à Versailles.

26 AOÛT 1789
La Déclaration
des droits de
l’homme et du
citoyen est votée.

21 JUIN 1791
Arrestation
de Louis XVI
et de sa famille
à Varennes.

13 AOÛT 1792
Emprisonnement
de la famille
royale au Temple.

21 JANV. 1793
Exécution
de Louis XVI
à 38 ans.

40 JUILLET�AOÛT 2015

LOUIS XVI
LE ROI QUI VOULAIT
QU’ON L’AIME
LOUIS AUGUSTE A GRANDI AVEC LE SENTIMENT D’ÊTRE
UN “VILAIN PETIT CANARD”. Propulsé sur le trône
à 19 ans sans y être préparé, il va essayer de plaire
à tout le monde. Et commettre bourde sur bourde…
PAR JULIA ZIMMERLICH
L
e 9 mai 1774, la prière des agonisants
résonne dans tout Versailles. Une odeur
pestilentielle gagne la cour de marbre du
Grand Trianon. Les fenêtres de la
chambre de Louis XV sont grandes ou-
vertes : le monarque est rongé par la pe-
tite vérole, le corps recouvert de pustules.
La famille royale et quelques courtisans
se sont réunis dans la chapelle du châ-
teau pour chanter les prières des Qua-
rante Heures. Parmi eux, le jeune Louis Auguste,
19 ans, petit-fils de Louis XV. Demain, il sera à la tête
d’une des plus puissantes nations européennes.
D’autres, à sa place, se seraient réjouis : enfin roi !
Lui pleure toutes les larmes de son corps. Empli de
compassion et de charité, il a demandé au contrôleur
général de prélever 200 000 livres sur ses pensions et
de les distribuer aux pauvres. Louis XVI n’est pas en-
core sur le trône que déjà il cherche à séduire le
peuple. Trois semaines plus tard, dans son premier
édit, il renonce au « don de joyeux avènement », un
impôt qui frappe tous les sujets du royaume à chaque
accession au trône d’un nouveau souverain. Le
o 41
DANS LA TÊTE
DU ROI
No 6
manque à gagner s’élève à 24 millions. Louis XVI est-
il fou de renoncer à ce pactole ? Du tout. Par ce geste,
il n’aspire qu’à une seule chose : être aimé. Ce joli
cadeau fait grimper en flèche sa cote de popularité,
tout en révélant une faille psychologique bien embê-
tante pour un monarque : Louis XVI est un gentil, un
vrai, de ceux qui veulent satisfaire tout le monde, en
toutes circonstances.
UN GRAND FRÈRE QUI LUI FAIT DE L’OMBRE
Toute sa vie, Louis-Auguste a cherché à s’excuser de
vivre. A 6 ans, il est séparé prématurément de sa
nourrice, madame Marsan, pour tenir compagnie à
son frère de trois ans son aîné, le duc de Bourgogne,
atteint de la tuberculose. Louis est traumatisé de quit-
ter « maman Marsan », sa mère de substitution. La
sienne, Marie-Josèphe de Saxe, est bien trop occupée
à sa toilette, aux prières et aux diverses mondanités.
Pendant six mois, son frère lui fait vivre un enfer.
Sous prétexte qu’il souffre, il ne faut pas le contra-
rier. Il est le fils chéri, celui qu’on regrettera pour son
intelligence et sa maturité. Le petit Louis Auguste
devient son souffre-douleur, jusqu’à son décès en 
LE PORTRAIT

En 1781, il finance la création de nouveaux dortoirs

à l’Hôtel-Dieu sur ses deniers personnels
 mars 1761. Quelques jours plus tard, à peine, Louis
est carrément installé dans la chambre du mort. Un
enfant à côté d’un macchabée ? Personne ne lui de-
mande son avis… et le petit ne se plaint pas. Toujours
cette volonté de ne pas faire de vagues. L’événement,
pourtant, marquera profondément le futur Louis XVI.
« Toute sa vie, il souffrira de ce “syndrome du frère
Portrait du duc
de Berry, par
Jean-Martial
Frédou (1760).
C. FOUIN/RMN-GRAND PALAIS
mort”, analyse le docteur Kummer, psychiatre et au-
teur de L’Histoire de France sur le divan (éd. de l’Oppor-
tun). Il a grandi dans l’ombre de cet aîné, idéalisé par
ses parents, et avec ce sentiment qu’il était le vilain
petit canard, qu’il aurait dû mourir à sa place. » Le
jeune Louis développe tous les traits de caractère liés
au manque d’estime de soi : timide, discret, solitaire
et un peu lent d’esprit. Comme pour se faire pardon-
ner de ne pas être à la hauteur de son frère, il va s’ef-
forcer d’être gentil, aimable, serviable. Pas exactement
les qualités numéro 1 d’un roi des Français !
TROP SENSIBLE POUR GOUVERNER
Une fois sur le trône, Louis XVI se révèle un roi très
charitable. Il prend l’habitude de se rendre à pied,
de bon matin, chez les familles les plus pauvres de
Versailles. On n’avait plus vu ça depuis Henri IV ! En
avril 1781, alors qu’il visite incognito l’Hôtel-Dieu,
où les malades dorment à 3 ou 4 par lit, il ressort en
pleurs et décide de financer personnellement la créa-
tion de nouveaux dortoirs. Louis XVI ne peut pas s’en
empêcher, il veut aider son prochain. Sur sa propre
cassette, il entretient des familles entières de nobles

ou d’officiers sans fortune, des veuves et des orphe-

lins de militaires. Pendant le terrible hiver de 1783-
1784, ému par les conditions de survie de son peuple,
il décide de lever un impôt spécial sur les plus riches

LE TROISIÈME FILS
PORTRAIT DU FUTUR LOUIS XVI À 6 ANS. Louis Auguste est le troisième garçon du
dauphin Louis Ferdinand (et le 5e enfant sur un total de 9). Sa naissance survient
six mois après le décès de son frère Xavier, emporté par la coqueluche, et suscite
peu d’enthousiasme. Mal placé dans la hiérarchie familiale pour espérer devenir
roi, le sort lui donne un coup de pouce en 1761 : Louis Joseph, son frère aîné,
meurt de la tuberculose. Il devient alors héritier direct du trône… après son père !
(princes, seigneurs, gens d’Eglise, etc.). L’ISF avant
l’heure ! Trois millions de livres sont ainsi redistri-
buées aux indigents et les impôts sont réduits dans
les provinces les plus touchées par la misère. Pour
Louis, le roi bienfaisant, c’est l’état de grâce. A Paris,
le peuple érige une statue de neige à l’effigie de son
héros sur le Pont-Neuf, avec cette inscription : « Notre
amour pour lui nous réchauffe. »

C’ÉTAIT COMMENT LE XVIIIE SIÈCLE ?

LA TORTURE
pudiquement appelée « la question
, 2
PERSONNES SUR
16 JOURS
La durée du voyage Paris-Toulouse

10
préparatoire » en cas de procès, est abolie par en voiture publique en 1765, et 12 jours pour
Louis XVI, le 24 août 1780. aller à Marseille depuis la capitale.

50%
La part du budget familial consacrée au pain,
seulement échappent à la petite vérole
(ou variole) à la fin du XVIIIE siècle. Mortel
dans 8 à 10% des cas, le « fléau des
familles » tue essentiellement les enfants
JUIFS ET PROTESTANTS
sont reconnus par l’état civil à partir
du 29 janvier 1788. Désormais,
les non-catholiques ont un statut juridique
qui constitue la base de l’alimentation. A la veille
de la Révolution, ce chiffre atteint 90%. de moins de 10 ans. et peuvent se marier sans se convertir.

42 JUILLET�AOÛT 2015

PHOTO JOSSE/LEEMAGE
Mais le rôle du gentil n’est guère tenable pour un roi
de France ! A force de vouloir contenter chacun,
Louis XVI va finir par démystifier la fonction royale
et bel et bien précipiter la fin de la monarchie. Dès
son accession au trône, à l’été 1774, il se sépare des
ministres de son grand-père pour, dit-il, « faire une
révolution morale ». Puis il revient sur la réforme
– très impopulaire – du système judiciaire de 1771,
qui avait écrasé le pouvoir des parlementaires. Ainsi,
le 12 novembre, sont restaurés le parlement de Paris,
le Grand Conseil, la Cour des aides et les parlements
de province. Le monarque de 19 ans ne pouvait pas
prendre meilleure décision pour s’assurer l’amour
du peuple (et la paix sociale). Partout on l’appelle
Louis le « Désiré » ou Louis le « Bienfaisant ». On le
compare à Louis XII et Henri IV. Sous la statue de ce
dernier, au milieu du Pont-Neuf, quelqu’un a accro-
ché un écriteau : Resurrexit (Il est ressuscité). On vend
même des boîtes au fond desquelles sont représentés
les trois rois avec cette devise : « XII et IV font XVI ».
Le roi est f latté : pour la première fois de sa vie, il se
sent aimé et désiré. Il vient pourtant de commettre
« la première grande erreur de son règne, celle de
relever de ses ruines une force d’opposition arro-
gante (les parlementaires, NDLR), enivrée d’un esprit
de revanche, qui allait contrecarrer les indispen-
sables efforts de rénovation de la monarchie qu’il
désirait », met en garde Jean-Christian Petitfils dans
o 43
HUMAIN ET CHARITABLE
Louis XVI faisant l’aumône à une famille
de paysans durant le rude hiver 1783-1784.
Le roi a pris l’habitude de rendre visite
aux familles les plus pauvres de Versailles.
Au début de son règne, on le compare
même à ses très populaires prédécesseurs
Louis XII et Henri IV. Trait d’humanité de
Louis XVI, peinture de 1785.
Louis XVI, sa biographie du souverain (éd. Perrin).
« Sans s’en rendre compte le petit-fils de Louis XV
avait sacrifié sa sécurité à sa popularité. » Et effecti-
vement, moins d’un mois plus tard, le nouveau Par-
lement se réunit pour discuter des limites à imposer
à l’autorité royale.
IL PEINE À PRENDRE DES DÉCISIONS
Sur le plan international, c’est la même chose : Louis
est bien trop bon ! La situation de la France n’est
plus ce qu’elle était au Grand Siècle de Louis XIV,
et l’Angleterre domine les océans depuis le traité de
Paris (1763). Mais voilà que les treize colonies 
UN AMANT PAS TRÈS DOUÉ AU LIT
À LA DIFFÉRENCE DE SES AÎNÉS, LOUIS XVI EST UN AMANT COMPLÈTEMENT
EMPOTÉ. Après sept ans de mariage, il ne s’est toujours rien passé dans la
couche royale ! Il faudra une discussion d’homme à homme avec l’Empereur
Joseph II, le frère de Marie-Antoinette dépêché tout spécialement de Vienne,
pour débloquer la situation. Joseph est stupéfait par ce que lui apprend son
beau-frère, et retranscrit l’entrevue à son frère Léopold, le 22 avril 1777 :
« Voici le secret : dans le lit conjugal, il (Louis XVI) a des érections fortes, bien
conditionnées ; il introduit le membre, reste là sans se remuer, deux minutes
peut-être, se retire sans jamais décharger, toujours bandant, et souhaite le
bonsoir. […] Il faudrait le fouetter, pour lui faire décharger de colère comme les
ânes. Ma sœur, avec cela, a peu de tempérament, et ils sont là comme deux
francs maladroits ensemble. » Le 18 août – entre 10 et 11 h 15 – la « petite
difficulté » qui retenait le roi fut enfin levée et le mariage consommé. Alléluia !
LE PORTRAIT

Accablé par la situation désespérée de l’Etat et la perte

de son seul ami, Louis XVI semble entrer en dépression

“
 anglaises d’Amérique du Nord commencent à se
révolter. « Bien fait ! » se réjouissent les ministres de
Louis XVI, qui voient là un moyen d’affaiblir le rival
britannique. Ils pressent le roi de soutenir financiè-
rement la rébellion américaine. Le monarque hésite,
comme à son habitude. Cette indécision permanente
l’empêche même d’exposer son point de vue de peur
de froisser les susceptibilités. C’est tout lui ! Début
1776, le roi cède à la pression de ses conseillers. Mais
pose une condition : pour ne pas accabler son peuple
en prélevant un nouvel impôt, il charge son ministre
Jacques Necker de mener une politique d’emprunts
Elle ne pense qu’à faire la fête pour échapper à l’éti-
quette française, qu’elle juge beaucoup trop rigide.
Son attitude choque et fait beaucoup parler. Mais au
Je meurs lieu de la rappeler à l’ordre, Louis XVI laisse faire.
« Il ne cherche pas à la contrôler, ni même à lui for-
innocent muler des reproches, car il a une peur maladive du
de tous conflit », analyse le Dr Kummer. Une attitude passive
qu’il finira par payer… Dès l’automne 1776, soit
les crimes après deux ans de règne de Louis XVI, l’Autrichienne
qu’on devient la cible de toutes sortes de textes diffama-
toires. Avec ses goûts de luxe et ses caprices d’enfant
m’impute. gâtée, on lui reproche de gaspiller l’argent de l’Etat.

massifs. Nouvelle erreur stratégique ! Au bout de
sept ans de conf lit, en 1783, la dette de la France
est gigantesque (estimée à 1 milliard de livres) et le
pays court à la banqueroute. Pour plaire à ses
conseillers, Louis XVI a mis en danger le royaume.
Sa pusillanimité est en train de le perdre.
DANS SON COUPLE AUSSI, IL FUIT LE CONFLIT
D’autant que, sur le plan personnel, il passe pour un
homme sans poigne face à Marie-Antoinette, sa
femme délurée. Dès son arrivée à la cour de Versailles
en 1770, Maria Antonia Josepha Johanna, quinzième
des seize enfants de François et Marie-Thérèse d’Au-
triche, s’entoure d’une suite de jeunes courtisans.
SCANDALE AU SOMMET DE L’ÉTAT
L’AFFAIRE DU COLLIER DE LA REINE
Je
Libelles et pamphlets l’accusent d’adultère, d’orgies,
de saphisme, d’inceste et on raconte que les pièces
pardonne du château du Petit Trianon, où elle s’isole, sont ta-
pissées de diamants… Après la naissance du Dau-
aux phin en 1781, Marie-Antoinette « devient le symbole
auteurs de de tous les vices, de toutes les tares de la société aris-
tocratique, analyse Jean-Christian Petitfils. Dans
ma mort.” cette haine se mêlaient naturellement xénophobie
Mots prononcés et nationalisme. La haïr, c’était à travers elle, haïr
par Louis XVI l’Autriche. » Et dans tout ça, Louis XVI, le monarque
sur l’échafaud.
tient littéralement le rôle du mari cocu...
Ce qui a le plus manqué à ce roi, c’est la fermeté et la
confiance en soi. Trop modeste, trop « aimable », il
refuse les statues et les médailles à son effigie. Il va
jusqu’à interdire la publication d’un panégyrique
qu’il trouve trop glorieux ! C’est le roi antimégalo. A
la cour, il est un fantôme. On le voit de moins en
moins. Avec le temps, les courtisans, qui vivent désor-

A
lors que Louis XVI est déjà
très décrédibilisé, la reine se
retrouve, à l’été 1785, prise au
piège dans une escroquerie.
C’est « l’affaire du collier », arnaque
fomentée par la comtesse de la Motte.
L’intrigante réussit à convaincre le
cardinal de Rohan, tombé en disgrâce,
qu’elle peut lui organiser une rencontre
avec la reine. Le rendez-vous secret a
lieu la nuit du 11 août 1784 dans les
jardins de Versailles. Le cardinal croit
s’entretenir avec Marie-Antoinette,
alors qu’il s’agit d’une complice de la
comtesse de la Motte apprêtée comme
la reine. Celle-ci lui demande de jouer
l’intermédiaire afin acquérir un collier
de diamants d’une valeur de 1 600 000
livres. Croyant rendre service à la
reine, le cardinal achète le collier à
crédit aux joailliers de la cour pour
le compte de l’épouse de Louis XVI.
Mais c’est la comtesse de la Motte
qui, dupant encore une fois le cardinal,
finit par mettre la main sur le bijou…
LA PREMIÈRE TRAITE tardant à être
réglée, les créanciers s’adressent
directement à Marie-Antoinette, qui
découvre alors la supercherie. Alors
que d’ordinaire ce genre d’affaire se
règle dans le secret, Louis XVI prend
une surprenante décision : il rend
publique l’arrestation du cardinal de
Rohan, le 15 août 1785. Celui-ci est
jugé devant le parlement de Paris…
qui l’acquitte en mai 1786. Rohan non
coupable ? Quel désaveu pour la reine !
Pour le peuple, elle devient alors la
principale coupable et son impopularité
rejaillit sur le roi. « Ce procès a enseveli
sous la cendre la dignité royale et
porte un coup mortel au dernier
prestige de la monarchie », conclut
l’historien Jean-Christian Petitfils.
mais à la capitale, ne viennent à Versailles que pour
les week-ends ou les jours de bal. Ce n’est plus ici que
les modes et les nouvelles idées jaillissent, mais dans
les salons parisiens. Le roi n’est plus le centre.
SEUL À LA TÊTE D’UN PAYS SURENDETTÉ
En 1786, la situation de l’Etat est désespérée. Les
caisses sont vides et le déficit est abyssal. Louis XVI,
dans un dernier élan, tente une réforme fiscale
ambitieuse qui tend à plus d’égalité. Mais il se heurte
aux parlements, ceux-là même qu’il avait renforcés
quelques années plus tôt, et qui rejettent désormais
chacune de ses propositions de réforme. En février
1787, le roi perd un allié de taille, le comte de
Vergennes, son ministre des Affaires étrangères.
Son décès l’affecte profondément : « Je perds le seul
ami sur lequel je pouvais compter, le seul ministre
qui ne me trompa pas. » Louis XVI semble entrer dans
une sorte d’état dépressif. « Le roi venait chaque jour
chez la reine et il était ému et si désolé de la position

44 JUILLET�AOÛT 2015

LE ROI SERRURIER
DÈS SON PLUS JEUNE ÂGE, LOUIS
AUGUSTE montre des talents pour les
travaux manuels. Son dada, c’est l’art de
la serrurerie. Après son couronnement,
son cabinet s’enrichit d’une forge, d’un
établi, de deux enclumes et de toute
la panoplie nécessaire pour travailler le
fer. Il confectionne des serrures à secret
– dont l’ouverture est compliquée par
la présence d’un mécanisme parfois très
sophistiqué. Il aime aussi travailler
avec les maçons ou les menuisiers. A la
cour, on se moque de son passe-temps
et Louis XVI doit se faire discret sur ses
hobbies peu dignes d’un monarque.
M.BURRY/PHOTO12
Si on lui avait demandé son avis, Louis
le Bienfaisant eût sûrement préféré
le métier de serrurier à celui de roi.
o 45
RDA/TAL
LE LIVRE
LOUIS XVI
de JEAN�CHRISTIAN
PETITFILS (édition
Perrin).
L’historien dresse
le portrait d’un
roi moderne, qui a
tenté de réformer
CONDAMNÉ À MORT l’Etat en douceur
mais que l’Histoire
Place de la Révolution (actuelle a injustement réduit
place de la Concorde, à Paris) au à sa passion pour
matin du 21 janvier 1793. Louis XVI, la serrurerie et à ses
sur le point d’être décapité, s’adresse problèmes de libido.
une dernière fois à son confesseur Mille pages pour
l’abbé Edgeworth. Huile sur toile de une vie qui a marqué
Charles Benazech (1793). un tournant dans
l’histoire de France.
critique où se trouvait son royaume qu’il versait
des larmes », rapporte une dépêche diplomatique
de mai 1787. Dans le royaume, la contestation
monte. Pour sortir de l’impasse, Louis XVI annonce
en août 1788, la réunion des états généraux – qui
rassemblent les 1139 députés des trois ordres – pour
le 1er mai 1789. Mais c’est trop tard. Les événements
semblent lui échapper. Le 4 juin 1789, en pleine
négociation des états généraux, le décès de son
fils aîné, Louis-Joseph de France, âgé de 7 ans et demi,
le laisse désemparé. Louis XVI, accablé de douleur,
sait alors qu’il n’est plus maître de rien. Plus aucun
tour de passe-passe ne lui permettra de redevenir le
bien-aimé. Pour négocier, s’opposer, imposer son
point de vue, il n’a pas les outils. Il s’abandonne
à la fatalité. Trois ans et demi plus tard, les sans-
culottes décapitent le roi le plus gentil de l’histoire
de France.
À VOS PLUMES !

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SPÉCIAL AUTOUR DU MONDE
P. 74

30 LES “FILLES
DU ROY”
À LA CONQUÊTE
PAGES DU QUÉBEC
P. 59

LES FEMMES AU CŒUR

DE L’HISTOIRE P. 47
REINES OU CONCUBINES, séductrices ou
guerrières, les femmes ont eu sacrément
leur mot à dire dans le déroulement
COLL. CHRISTOPHEL

de l’Histoire. Faites le plein d’héroïnes !

o 47
LE DOSSIER DE LA RÉDACTION

WU ZETIAN LOUISE DE SAVOIE ROSA LUXEMBURG

L’AMBITIEUSE LA PACIFISTE LA RÉVOLUTIONNAIRE
La petite favorite Elle convainc son fils La cofondatrice de la
manipulatrice devient François Ier de signer ligue spartakiste galvanise
impératrice de la paix avec son l’extrême gauche allemande
Chine au VIIe siècle. ennemi juré en 1529. du début du XXe siècle.
Gouache sur papier. Gravure colorisée. Portrait de 1915.

48 JUILLET�AOÛT 2015
 QUAND

L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
LES FEMMES
DOMINENT
LE MONDE
EXISTE�T�IL UN “SOFT POWER” FÉMININ ?
Quand elles sont aux manettes, les femmes sont-
PORTRAITS : WWW.BRIDGEMANART.COM, ADOC-PHOTOS, LEEMAGE. FOND : GETTY IMAGES. MÉDAILLON : COLL. CHRISTOPHEL

elles plus pacifiques et plus éclairées que les

hommes ? Notre journaliste a interrogé l’Histoire.

A
PAR ÉRIC LE BRAZ

A feuilleter les livres d’histoire, pouvoir. Pour les historiens, le ju-

on constate que les femmes qui
ont accédé au pouvoir à travers les
siècles se comportent comme des
hommes… oui, mais en pire ! Per-
verses comme Cléopâtre qui sédui-
sait tous les mâles dominants
romains pour préser ver son
royaume, fanatiques comme Isa-
belle de Castille qui sponsorisait
l’Inquisition et convertissait de
force juifs et musulmans, cruelle
comme Agrippine, l’impératrice
romaine qui éliminait tous ses ma-
ris pour que son fiston cinglé, Né-
ron de son petit nom, accède au
gement des siècles est sans appel :
au pouvoir, la femme est infâme.
Parangon de la duplicité fémi-
nine, sans une once de morale
mais surdouée en intrigues, la
Chinoise Wu Zetian (624-705) est
définitivement hors concours.
Cette petite concubine de l’empe-
reur de Chine Taizong parvient
à devenir la favorite de son héri-
tier, le faible et fragile Gaozong.
Avec elle, tous les coups sont
permis. Elle élimine l’impératrice
en titre – allant jusqu’à étouffer
sa propre fille quelques jours 

o 49
LE DOSSIER DE LA RÉDACTION

LA LOI
SALIQUE
N’OFFRE AUX
FEMMES
QUE DES CDD
 après sa naissance pour accuser
sa rivale de meurtre – et prend sa
place. Puis elle exile ou fait tuer ses
ennemis du clan des Tang, écarte
ses enfants du pouvoir et – comble
WWW.BRIDGEMANART.COM

de la mégalomanie – se fait pro-

clamer « empereur » en fondant sa
dynastie, celles des Zhou. Tout en
instituant un régime de terreur,
Wu Zetian désigne une autre capi-
tale pour l’empire, impose de nou- ISABELLE IRE
veaux idéogrammes, bâtit des et sa sensualité débridée. Injuste. Il reste que Wu Zetian fut une LA CATHOLIQUE
temples colossaux et se constitue Car Wu Zetian a aussi imposé des grande impératrice qui savait s’en- LA FANATIQUE
Au XVe siècle,
un harem d’amants vigoureux. réformes sociales, voire fémi- tourer des meilleurs conseillers, à la reine convertit
nistes : de la baisse des impôts l’image du célèbre juge Ti dont de force juifs
ÇA, C’EST CE QUE NOUS RACONTENT LES pour encourager l’agriculture à elle fit son ministre. Quant à sa et musulmans
ANNALES… Oui, mais voilà, elles ont l’édification de maisons pour cruauté, son machiavélisme ou d’Espagne
été écrites par des hommes. Férue jeunes filles et d’hospices pour son appétit sexuel… Wu Zetian et achève la
Reconquista
de bouddhisme, qu’elle contribua vieilles femmes. Surtout, issue s’est alignée sur les comporte-
entamée 600 ans
à implanter en Chine, et sensible d’une famille modeste, elle est sen- ments d’innombrables souverains plus tôt. Huile
à la philosophie « sexuelle » du sible à l’ascension sociale et favo- dotés d’autres chromosomes ! sur toile de
taoïsme, l’impératrice n’a rien fait rise le système de concours dans la Cano de la Peña
pour entretenir sa popularité au- fonction publique pour créer une LES FEMMES DE POUVOIR ONT SOUVENT (1867).
près des confucianistes. Or ce sont nouvelle classe d’administrateurs. MAUVAISE RÉPUTATION quels que
eux qui ont raconté son règne. Et Elle a aussi encouragé la liberté soient leurs mérites. Dans le sillage
retenu de ce personnage hors du d’expression… Même si c’était pour de Wu Zetian, plusieurs aventu-
commun sa cruauté sans limites mieux repérer les opposants ! rières au destin hors norme se sont

16 FEMMES AU POUVOIR
HATCHEPSOUT ÉGYPTE
LA REINE DE SABA
YÉMEN-ÉTHIOPIE
XVe siècle avant J.-C. Xe siècle avant J.-C.

RÉGENTE QUI SE FIT COURONNER REINE, Hatchep- ON SAIT PEU DE CHOSES SUR ELLE, si ce n’est qu’on
sout dirige l’Egypte durant une vingtaine d’années la retrouve dans tous les textes fondateurs des prin-
au XVe siècle avant J.-C. Son règne pacifique est cipales religions. Venue du Yémen (ou d’Ethiopie) la
CAMERAPHOTO/AKG-IMAGES

marqué par la construction d’innombrables monu- caravane chargée de cadeaux, la reine de Saba se
FARABOLA/LEEMAGE

ments à Karnak et l’envoi d’une fameuse expédition serait rendue à Jérusalem pour éprouver la sagesse
commerciale au pays de Pount. On représente du roi Salomon… ou le séduire. Selon la tradition
toujours la reine au nom rigolo avec tous les attri- éthiopienne, ils se marièrent et eurent un fils : Méné-
buts du pharaon, barbe postiche comprise. lik Ier, le premier roi de la dynastie salomonide.

50
hissées jusqu’au pouvoir suprême QUANT AUX ÉPOUSES LÉGITIMES, au MARGUERITE
grâce à leur beauté, mais aussi à royaume de la loi salique – qui D’AUTRICHE
force de ruse et d’intelligence. tient les femmes à l’écart de la suc- LA DIPLOMATE

L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
Dans le genre, Chajar ad-Durr est cession au trône –, aucune ne put La régente des Pays-Bas
un cas d’école. D’abord esclave, prétendre à régner sans partage. influença fortement la
politique internationale
puis favorite du sultan, elle devient Les quelques reines qui prirent les
de son époque. Peinture
régente de l’Egypte quand il part rênes du pays avaient des contrats de Velázquez (1634-
en guerre contre les croisés. A la à durée déterminée et devaient, en 1635).
mort du souverain en 1249, son fils théorie, céder leur
accède au pouvoir, mais les mame- place à la majorité du
louks le jugent incompétent et le Dauphin. Mais comme
tuent. Ils choisissent alors Chajar un futur roi devenait
ad-Durr pour les diriger. Cepen- majeur à 13 ans (et un
dant, à Bagdad, le calife n’accepte jour), elles eurent ten-
pas qu’une femme règne sur des dance à prolonger le
musulmans. Alors, elle se trouve bail… Il y eut aussi des
un consort, épouse un mamelouk intérimaires de la fonc-
qui devient sultan… et exerce la tion, comme Blanche
réalité du pouvoir. On bat mon- de Castille qui gérait le
naie en son nom et elle signe les royaume quand son
décrets. Mais tout ça finira mal. petit Louis IX, pas en-
Jalouse de son sultan qui réclame core saint, partait oc-
une deuxième épouse, elle le fait cire les Sarrasins.
assassiner. Avant de succomber à Isabeau de Bavière fut
son tour sous les coups de bâton aussi une intermittente

C
des esclaves du harem. du pouvoir. Mais la
jeune Allemande ne pos-
C’est le paradoxe des sociétés orien- sédait pas le sens poli-
tales, a priori plus inégalitaires, tique de la Castillane.
mais où une esclave pouvait deve- Aussi frivole que Blanche
nir sultane. Telle Kösem, une cap- fut bigote, elle ne cache
tive – fille d’un prêtre grec ! – qui pas son gout du luxe à une
finit régente de l’Empire ottoman période où la France
au XVIIe siècle. Tandis que sous nos sombre dans le chaos. Le
longitudes, au Louvre ou à Ver- poisson pourrit par la
sailles, seules les femmes déjà tête, et celle du roi de
nobles pouvaient espérer grimper France commence à di-
dans l’ascenseur social. Aucune vaguer en 1392. Sept

AISA/LEEMAGE
roturière n’a pu frôler le pouvoir. ans après son mariage avec 

ZÉNOBIE SYRIE
THÉODORA
EMPIRE BYZANTIN
IIIe siècle VIe siècle

SOUVERAINE DE PALMYRE APRÈS L’ASSASSINAT DE FILLE D’UN DRESSEUR D’OURS, DANSEUSE, COUR-
SON ÉPOUX EN 267, l’« illustrissime reine » s’éman- TISANE ET FINALEMENT IMPÉRATRICE, Théodora
cipe des Romains et réunit sous son autorité la Syrie, gouverne l’Empire byzantin avec Justinien. Coura-
DE AGOSTINI/GETTY IMAGES
SOTHEBY’S/AKG-IMAGES

l’Egypte et l’Asie Mineure. L’empereur Aurélien met-
tra fin à ses ambitions de nouvelle Cléopâtre en
s’emparant de Palmyre en 272, puis en capturant
Zénobie, qu’il exhibe en trophée lors de son retour
triomphant à Rome. Elle meurt captive en Italie.
geuse et volontaire, elle influence durablement
l’empereur sur les questions de mœurs. L’ancienne
courtisane aidera les prostituées repenties, fer-
mera des bordels et obtiendra que les épouses
aient le droit de demander le divorce.

51
LE DOSSIER DE LA RÉDACTION

ISABEAU DE BAVIÈRE OU
royaume pendant trois décennies,
plongeant la France dans le chaos

LA MAUVAISE RÉPUTATION
 Isabeau, Charles VI, atteint
d’une crise de démence, s’en va
occire quatre de ses compagnons
dans une forêt près du Mans. Tout
son règne sera ensuite une succes-
sion de rémissions et de crises vio-
lentes au cours desquelles ce
souverain schizophrène ou bipo-
laire (les historiens sont partagés
sur le diagnostic) voulait saigner
tout son entourage. Pendant les
absences mentales du roi, Isabeau
préside un conseil de régence…
tout en accouchant successive-
ment de douze enfants.
Mais la jeune coquette n’était
guère affûtée pour le pouvoir, dans
un pays où la guerre civile entre
Armagnacs et Bourguignons se
superpose à la guerre de Cent Ans.
Les deux maisons se sont livré une
lutte acharnée pour le contrôle du
et Isabeau dans l’embarras. La
reine soutient d’abord les Bourgui-
gnons. Puis elle se rapproche de
Louis d’Orléans, chef du parti des
Armagnacs, qu’on soupçonne
d’être son amant. Et quand le
Bourguignon Jean sans Peur s’ap-
proche de Paris en 1407 avec une
armée, elle s’enfuit avec son pré-
sumé amant, mais en oubliant
ses enfants, Dauphin compris !
Incapable de rétablir la paix dans
le royaume, Isabeau sera aussi
incompétente pour le défendre
quand les Anglais écrasent les
Français à Azincourt en 1415. Il
n’en faut pas plus pour se forger
une mauvaise réputation.
En réalité, Isabeau a surtout cu-
mulé poisse et maladresse aux
pires heures de l’histoire de
France. Et comme les Médicis et
Marie-Antoinette, la reine fut
d’abord une étrangère à accent
prononcé, ne maîtrisant pas to-
talement la langue du pays
qu’elle était censée diriger…

D’AUTRES RÉGENTES, TOUT AUSSI IMPO�

PULAIRES, FURENT PLUS INSPIRÉES.
Catherine de Médicis, par exemple,
que l’on continue à peindre
– comme dans le récent Charly 9
LOUISE MICHEL, L’ANARCHISTE de Jean Teulé – sous les traits
Après neuf ans de captivité en Nouvelle-Calédonie, d’une ultracatho sanguinaire. Si
l’infatigable figure de proue de la Commune multiplie l’on fait abstraction de la Saint-
RDA/TAL

les conférences militantes. Ici, à Belleville en 1880. Barthélemy dont elle ne put  AKG-IMAGES

16 FEMMES AU POUVOIR

BÛRÂNDÛKHT PERSE
BLANCHE DE CASTILLE FRANCE
VIIe siècle XIIIe siècle

SON RÈGNE EST EMPREINT DE SAGESSE. Proclamée
impératrice de Perse sassanide après les assassinats
de plusieurs héritiers, la « fille au visage rose » signe
la paix avec l’Empire byzantin, baisse les taxes,
frappe monnaie… mais doit abdiquer pour sa sœur,
qui meurt assassinée. De retour au pouvoir, pour un
REINE ULTRABIGOTE ET BORNÉE, belle-mère acariâtre
et jalouse… Blanche de Castille est aussi une femme
d’Etat remarquable qui a su développer un esprit ver-
tueux chez son fils, le futur Saint Louis. Pendant ses
nombreuses régences par intermittence, elle a su gérer
le royaume et contenir les hérésies avec autorité… En
AKG-IMAGES

an, Bûrândûkht succombe en 632 à une maladie, 1234, Louis IX devenu majeur prend les rênes du pays,
alors que ses armées sont défaites face aux Arabes. mais sa mère conservera un rôle politique essentiel.
DR

52
JEANNE D’ARC DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ�VOUS !
U

L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
N PAYS ENVAHI, OCCUPÉ, HUMILIÉ… et une femme se L’Afrique matriarcale s’est fait une spécialité de résistantes
lève pour prendre la tête de la résistance, elle gagne qui empruntent à Jeanne d’Arc des caractéristiques emblé-
des batailles mais jamais la guerre et finit exécutée matiques. Kimpa Vita, la prophétesse qui se révolte contre le
par l’ennemi. C’est l’histoire de Jeanne d’Arc bien sûr. Mais roi du Congo soumis aux missionnaires portugais, invente
c’est aussi celle d’innombrables résistantes d’Afrique, d’Asie une nouvelle Eglise où le Christ et les saints sont noirs. Elle
et d’Europe, à commencer par Boadicée, reine des Bretons, reconstruit la capitale délaissée par le souverain et édifie une
le « Vercingétorix des Anglais » qui massacre des milliers de société étrangement communiste, sans maîtres ni esclaves,
Romains avant de voir son armée anéantie par les 14e et ni péchés (elle ne resta pas pucelle, elle). Avec un tel pro-
20e légions en l’an 61. Six siècles plus tard, une autre gramme, la « Jeanne d’Arc congolaise » finira sur le bûcher
femme prend les armes contre les envahisseurs des missionnaires aux premiers jours de l’été 1706…
dans les Aurès. La Kahena, reine berbère, dirige
la résistance contre les Arabes qu’elle vainc BIEN MOINS PACIFIQUES furent les reines guerrières comme
par deux fois avant de perdre une dernière Yaa Asantewaa qui souleva le peuple ashanti contre les
bataille contre les Omeyyades en 693. Mais Anglais au Ghana au début du XX e siècle. En vain. Au
la « sorcière » qui ne régna que cinq ans est Dahomey (Bénin actuel), dans les années 1890, les Ama-
restée un mythe pour les Berbères… comme zones se révèlent redoutables dans leur résistance aux
Wanda chez les Polonais. La légen- Français, à l’image de Naga qui meurt sous les coups de
daire princesse de Cracovie a baïonnette dans la bataille de Cotonou, les dents plantées
préféré se jeter dans la Vistule dans la gorge du maréchal des logis-chef, Duparc. Sarraou-
plutôt qu’épouser un prince nia, reine des Aznas, un minuscule royaume du Niger, résiste
allemand. Les sœurs Trung en 1899 à l’expédition sanglante du capitaine Voulet et du
se sont elles aussi donné lieutenant Chanoine qui terrorise les rives du lac Tchad. Les
la mort en se précipitant Français finirent certes par gagner (mais les deux officiers
dans une rivière au début seront massacrés par des mutins), cependant la mémoire
de notre ère. Ces deux de la « douce Sarraounia aux griffes de fer » est encore
reines vietnamiennes, à aujourd’hui chantée par les griots.
la tête d’escadrons de
guerrières, avaient LA GUERRIÈRE REBELLE est une figure qui résiste aux puissants
pourtant réussi à libé- et aux siècles. Elle se renouvelle dans les icônes révolution-
rer le nord du Viet Nâm naires : l’anarchiste Louise Michel, la spartakiste Rosa Luxem-
JEANNE D’ARC, du joug chinois pen- burg, la pasionaria communiste de la guerre d’Espagne Dolores
LA LIBÉRATRICE dant deux ans. Mais Ibárruri… La dernière de toutes les insoumises est moins vio-
Son combat acharné elles succombèrent lente mais pas moins déterminée. En Birmanie, après trente
contre les Anglais sous le poids d’une ans de lutte pacifique, Aung San Suu Kyi se bat toujours pour
a fait de la « Pucelle immense armée la démocratie. Une détermination sans faille de la « Dame de
d’Orléans » un symbole de
résistance à l’ennemi. chinoise en l’an 43. Rangoun » que n’aurait pas reniée la « Pucelle d’Orléans ».
Huile sur toile de
N. M. Dyudin (1848).

SULTAN RAZIA INDE

MANDUKHAÏ KHATUN MONGOLIE
XIIIe siècle XVe-XVIe siècles

LA PRINCESSE SUCCÈDE À SON PÈRE EN 1236, mais
est écartée du pouvoir par son frère. Soutenue par le
peuple, elle s’empare du sultanat de Delhi. Seule
femme à y avoir régné, elle abandonne le voile, s’ha-
R. HARDING/HEMIS.FR
MARIÉE À UN KHAN, ELLE DEVIENT KHATUN (REINE)
À SA MORT sans avoir pu lui donner d’héritier… Elle
adopte un orphelin de 7 ans, ultime descendant de
Gengis Khan, qu’elle finira par épouser ! Mandukhaï

bille en homme, porte l’épée sur le côté, entame des est célèbre pour ses qualités guerrières. Elle bat
réformes pour ses sujets hindous et choisit pour plusieurs fois les Mongols occidentaux. Elle livre
amant un esclave abyssin. Détrônée par les nobles, même un combat enceinte et accouche de jumeaux
elle sera tuée par un paysan dans son sommeil. avant la fin d’une interminable bataille…
DR

o
LE DOSSIER DE LA RÉDACTION

QUE SERAIT DEVENU LOUIS XIV SI ANNE D’AUTRICHE,

SA MÈRE, N’AVAIT PAS RÉSISTÉ À LA FRONDE ?
 prévoir tous les mée par son père, l’empereur
dérapages, la reine Maximilien Ier, gouvernante des
était pourtant une Pays-Bas en 1507. A la tête de cette
conciliatrice. province, la plus riche du Saint-
D’édits en ma- Empire romain germanique, elle
riages, elle ten- excella dans son rôle d’administra-
tera de préserver trice et tint une cour brillante à
AUNG SAN SUU KYI la paix civile et Malines, où elle recevait l’huma-
L’IRRÉDUCTIBLE l’intégrité du niste Erasme et le peintre Albrecht
Pendant près de
trente ans, la « Dame
royaume déchiré Dürer. Elle devint aussi tutrice de
de Rangoun », ici entre les deux son neveu, le futur Charles Quint.
en 1995, a résisté fanatismes reli- La seconde, mère de François Ier,
aux longues épreuves gieux, protestant seconda son fils et défendit ferme-
d’isolement que lui et catholique. ment le royaume lorsque son tur-
a infligées la junte Il y eut encore Anne bulent garçon allait perdre des
militaire birmane.
d’Autriche, veuve batailles dans les guerres d’Italie.
d’un Louis XIII acariâtre Foncièrement pacifistes et lasses
et pudibond, qui consacra des interminables conf lits entre
sa vie à son fils. Que serait leurs deux maisons, les régentes
devenu le futur Louis XIV si prirent une initiative originale.
elle n’avait pas résisté à la Fronde Elles organisèrent ensemble une
– une révolte des grands du conférence de paix inédite dans
royaume – en s’appuyant sur Ma- l’Histoire, à Cambrai, en 1529.
zarin, un Premier ministre honni Après quatre semaines de négocia-

L
mais d’exception ? tion, la « paix des Dames » fut si-
STEVE MCCURRY/MAGNUM PHOTOS

gnée le 5 août par les deux femmes,

Le problème des souveraines inté-
rimaires, c’est que lorsqu’elles font
correctement le job, elles passent
à la trappe de l’Histoire. Qui au-
jourd’hui se souvient encore de
Marguerite d’Autriche ou de Louise
de Savoie ? La première fut nom-
représentant respectivement Fran-
çois Ier et Charles Quint. Et c’est
ainsi que la Bourgogne redevint
française et qu’on renonça à l’Italie
et aux Flandres. Hélas, les deux
dames très vite disparues, la guerre
reprendra en 1536…

16 FEMMES AU POUVOIR

ÉLISABETH IRE
ANGLETERRE
CHRISTINE DE SUÈDE SUÈDE
1533-1603 1626-1689

LA FILLE D’HENRI VIII D’ANGLETERRE PRÉSERVE DÉSIGNÉE “ROI” PAR SON PÈRE EN 1632, elle re-
SON ÎLE des assauts de l’Invincible Armada espa- fuse le mariage, mais pas les aventures, s’habille
gnole, et son hymen d’innombrables prétendants. en homme, fume la pipe et dépense sans compter.
DEAGOSTINI/GETTY IMAGES

E. LESSING/AKG-IMAGES

La reine vierge meurt en 1603 sans héritiers, mais Sa cour est brillante – elle y invite Descartes – mais
pas sans héritage. Son long règne – 44 ans ! – alors sa popularité chancelante quand elle abdique en
que l’Europe se déchirait en guerres incessantes, 1654 en faveur de son cousin. Alors protestante, elle
apporte une ère de stabilité en Angleterre et annonce s’exile à Rome pour se convertir au catholicisme et
le début d’une extraordinaire expansion maritime. s’entiche d’un cardinal italien.

54
TOUTES LES FEMMES RÉGNANTES NE en réalité assez mal s’accorder avec sie – qui ont su surpasser en cy-
FURENT CEPENDANT PAS D’ARDENTES l’exercice du pouvoir. Au contraire, nisme, népotisme ou violence,leurs
PACIFISTES. Loin s’en faut ! Les trois les femmes autoritaires se sont consorts tyranniques ?

plus grands chefs d’Etat au féminin
de l’histoire européenne, Elisabeth
Ire d’Angleterre (XVIe siècle), Marie-
Thérèse d’Autriche (XVIIe s.) ou la
« Grande Catherine » de Russie
(XVIIIe s.) étaient de redoutables
chefs d’armée. Les qualités suppo-
sées féminines de douceur, de com-
préhension et d’empathie semblent
épanouies au plus haut poste. Mar-
garet Thatcher ne fut pas la seule
« Dame de fer ». Et si aucun dicta-
teur n’est issu du genre féminin,
que penser de toutes ces épouses
voraces – Elena Ceausescu en
Roumanie, la veuve de Mao en
Chine, Simone Gbagbo en Côte
d’Ivoire ou Leïla Trabelsi en Tuni-
L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
Quand on examine le casting des
femmes d’Etat, on finit par être
bien en peine de trouver la
moindre spécificité féminine dans
l’art de gouverner une nation.
Mais nous manquons de recul. A
l’exception de quelques sociétés
matriarcales de culture orale en
Afrique ou en Océanie, les 

GOLDA MEIR
L’IMPLACABLE
Premier ministre
d’Israël en 1969,
elle a toujours
nié l’existence
d’un peuple
palestinien avec
fermeté. Photo
prise lors
d’une revue de
femmes soldats
en mai 1962.

AGIP/RDA

LA GRANDE CATHERINE RUSSIE

ÉLISA BONAPARTE ITALIE
1729-1796 1777-1820

AMIE DE VOLTAIRE ET DIDEROT, qui contribuèrent à sa MÉCONNUE, CETTE PETITE SŒUR DE NAPOLÉON fut
(bonne) réputation, mais pas très heureuse en mariage, pourtant la seule à avoir des qualités de femme
Catherine II fit détrôner son époux Pierre III, avant de le d’Etat. Princesse de Lucques de 1805 à 1814, elle
NIMATALLAH/AKG-IMAGES

faire étrangler. D’où l’adage « la Russie est un despotisme fit de sa principauté un laboratoire d’Etat moderne.
tempéré par la strangulation » (Germaine de Staël). Son Elle réforme le code pénal, nationalise les biens du
despotisme fut peu éclairé : elle favorisa l’éducation, mais clergé, instaure une médecine gratuite, rend l’ins-
AKG-IMAGES

n’abolit pas le servage, renforça la noblesse et agrandit truction obligatoire pour les filles jusqu’à 8 ans, bâtit
le territoire au détriment des Polonais et des Ottomans. palais, jardins, aqueduc, routes et thermes…

o 55
LE DOSSIER DE LA RÉDACTION

UNE VINGTAINE DE PAYS SONT MARGARET

DIRIGÉS PAR DES FEMMES
 femmes politiques com-
mencent à peine à entrer dans
l’Histoire. Si l’on fait abstraction
de pittoresques aventurières, les
souveraines ont toutes été des hé-
ritières ou des épouses. Même les
premières femmes élues démocra-
tiquement l’ont souvent été sur le
nom du père – Indira Gandhi
(fille de Nehru) en Inde, Benazir
Bhutto au Pakistan – ou du mari
lande entre 1980 et 1996, a long-
temps été le seul chef d’Etat à faire
les courses et la vaisselle…
CE NE SERA TRÈS PROBABLEMENT PAS LE
CAS D’HILLARY CLINTON, si elle occupe
un jour le Bureau ovale. Nous sau-
rons l’année prochaine si la pre-
mière puissance mondiale osera
choisir une femme pour prési-
dente. Et on pourra mesurer le
blique centrafricaine, la Corée du
Sud, le Bangladesh, la Croatie, le THATCHER
L’ULTRALIBÉRALE
Kosovo, la Lituanie, la Lettonie, la
Norvège, Malte, la Confédération Premier ministre du
Royaume-Uni pendant
helvétique, l’Allemagne, le Dane-
onze ans, la « Dame
mark… plus d’une vingtaine de de fer » privatise
pays sont dirigés par une femme. à tour de bras et reste
On est encore loin de la parité, mais inflexible face aux
jamais le monde n’a connu une grèves qui paralysent
telle féminisation du pouvoir poli- le pays. Ici, à bord
d’un char britannique,
tique. Si même Washington finit en 1986.
par transformer une ex-First Lady
en Madam President, où sera le
dernier bastion des machos ?
Ne cherchez pas bien loin !
La seule fois où, en France,
une femme devint Pre-

L
– Cory Aquino aux Philippines. chemin parcouru en à peine plus mier ministre – Edith

La première femme à ne devoir
son accession qu’à ses seuls mé-
rites fut Golda Meir, Premier mi-
nistre d’Israël en 1969. Plus faucon
que colombe, intransigeante avec
les Palestiniens (dont elle niait
l’existence en tant que peuple),
elle fut, elle aussi, surnommée la
« Dame de fer ». Ni elle, ni Margaret
Thatcher, ni aujourd’hui Angela
Merkel ne se distinguent par des
valeurs progressistes et un dis-
cours féministe. Il faut aller plus
au nord pour trouver des femmes
de pouvoir qui ne se comportent
pas comme des hommes et le re-
vendiquent. Artiste et féministe,
Vigdís Finnbogadóttir, élue à
quatre reprises présidente d’Is-
SUDDEUTSCHE ZEITUNG/RDA
de cinquante ans. Jusqu’en 1960 Cresson, en 1991 –,
et l’élection de Sirimavo Bandara- elle fut aussitôt sur-
naike au Sri Lanka, aucune femme nommée « la
n’avait été portée démocratique- Pompadour ». 
ment au sommet d’un pays. A
l’exception des têtes couronnées
sans pouvoir, pas une femme dans
la première moitié du XXe siècle
ne dirigeait une nation. Au-
jourd’hui, le Brésil, l’Argentine, le
Chili, le Pérou, la Jamaïque et
quelques îles des Caraïbes, le Libe-
ria, la Namibie, la Répu-

16 FEMMES AU POUVOIR

RANAVALONA IRE
MADAGASCAR
ZEWDITU
ÉTHIOPIE
1788-1861 1876-1930

LORSQU’ELLE PREND LE POUVOIR EN 1828, cette
reine de fer fait tuer les conseillers de son défunt mari
soumis aux missionnaires. Puis, elle fait massacrer
les chrétiens et expulse les Blancs du royaume. Prag-
matique, elle commerce avec l’Occident tout en pré-
ROGER-VIOLLET
LA REINE DES ROIS EST LA FILLE NATURELLE DU
NÉGUS MÉNÉLIK II, le vainqueur des Italiens à la
bataille d’Adoua. Couronnée en 1916, Zewditu
maintient l’indépendance de son pays tout en étant
chérie par son peuple pour sa foi et sa charité. Mais

ADOC-PHOTOS

servant l’indépendance de l’île. Elle est aussi réputée elle meurt de chagrin en 1930 quand son époux
pour ses instincts de mante religieuse. Sa spécialité : vénéré, le ras Gugsa, déclenche une révolte contre
éliminer ses amants après les avoir consommés… elle et périt dans la bataille…

JUILLET�AOÛT 2015
 L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
HILLARY CLINTON
FUTURE “MADAM PRESIDENT” ?
L’ex-Première dame des Etats-Unis a annoncé en
avril dernier, lors d’un forum sur les politiques
publiques à Columbia, sa volonté d’entrer dans la
course à la Maison-Blanche qui aura lieu en 2016.
Si elle l’emporte, Hillary Clinton sera la première

M. LENNIHAN/AP/SIPA
femme de l’Histoire à diriger la nation la plus
puissante du monde et à grimper sur l’ultime marche
du pouvoir. Elle fera par la même occasion voler
en éclats le fameux « plafond de verre » !

EVA PERÓN
ARGENTINE
INDIRA GANDHI INDE
1919-1952 1917-1984

FAUSSE BLONDE MAIS FEMME DE TÊTE, cette bimbo ELLE EST LA FILLE DE NEHRU, le premier Premier
au grand cœur a conquis l’âme des Argentins qui ministre de l’Inde. Dotée d’une remarquable intelli-
voulaient la proclamer vice-présidente de son Juan gence politique et d’un pragmatisme à toute
UNITED ARCHIVES/LEEMAGE

BACHRACH/GETTY IMAGES

Perón de mari. Malade, elle renonce aux plus hautes
fonctions et meurt d’un cancer en 1952, mais elle
aura obtenu auparavant le droit de vote pour les
femmes, l’égalité entre conjoints et l’avancée de
multiples causes sociales…
épreuve, elle hisse l’Inde à la tête des pays non ali-
gnés et se dote de l’arme nucléaire. Socialiste puis
libérale, tour à tour démocrate et dictateur, deux fois
Premier ministre, en 1966 et en 1980, elle finit sous
les balles de ses gardes du corps sikhs.

o 57
 NUMÉRO SPÉCIAL

ENQUÊTE
EXCLUSIVE

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BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES DU CANADA
LES “FILLES DU ROY”
À LA CONQUÊTE DU QUÉBEC
EN 1663, LOUIS XIV SPONSORISE
l’envoi de centaines de “filles
à marier” en Amérique. Leur
mission : booster la démographie
de la Nouvelle-France.
PAR CLÉO LEMOISSON
o 59
M
ai 1663, sur le port de
La Rochelle. Cathe-
rine Moitié, 14 ans,
n’en mène pas large.
Accrochée au bras de
sa sœur aînée Mar-
guerite, elle observe avec timidité
le ballet des matelots qui chargent
vivres et bagages sur le Phœnix de
Flessingue. Dans quelques minutes,
ce sera son tour d’embarquer sur
l’imposant trois-mâts. Sa destina-
tion : la toute jeune ville de Qué-
bec, au Nouveau Monde. Elle et les
trente-deux autres femmes qui
l’accompagnent forment le pre-
mier contingent de celles que l’on
L’ÉPOPÉE
L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
L’arrivée des jeunes filles
françaises à Québec (1667).
Aquarelle de Charles
William Jefferys.
appelle les « filles du Roy ». Entre
1663 et 1673, elles seront plus de
730 à suivre leurs pas. Qu’est-ce
qui pousse ces femmes à partir à
l’autre bout du monde ? La vo-
lonté d’un homme, Louis XIV. Le
Roi-Soleil est décidé à faire de la
Nouvelle-France – des territoires
situés à l’est de l’actuel Canada –
une colonie de peuplement. Occu-
pés par les Français dès 1534, ces
grands espaces ne sont alors qu’un
simple comptoir vivant de la
chasse, de la pêche et de la traite
des fourrures. Ses 2 500 colons
sont majoritairement des hommes
célibataires venus faire fortune 
L’ÉPOPÉE
LE ROI DONNE UNE BELLE
DOT À CHACUNE POUR
FACILITER LEUR MARIAGE
 avant de regagner la France.
Pour les inciter à rester, le souve-
rain imagine une solution simple :
leur envoyer des femmes afin
qu’ils fondent des familles et s’ins-
tallent durablement. Aussitôt dit,
aussitôt fait ! Ses lieutenants ras-
semblent des volontaires.
“LE ROI SE DÉBARRASSE DES FOLLES et
des prostituées pour les envoyer
dans les colonies ! » murmure-t-on
alors à Paris. Dans la capitale, les
candidates sont en effet arrachées
à des institutions telles que la Sal-
pêtrière. Là, on enferme les filles
de joie, les malades mentales,
mais aussi les orphelines. Ce sont
ces dernières qui intéressent le
monarque. Sur les 764 femmes
envoyées au Québec, elles sont
500 à provenir des maisons de
charité de Paris, de La Rochelle ou
de Rouen. Sans famille, sans
argent, la plupart souffrent d’un
manque d’hygiène et de malnutri-
tion. Le Nouveau Monde incarne
E. LESSING/AKG-IMAGES
pour elles la promesse d’un avenir
meilleur. C’est le cas de Catherine
Moitié et de sa sœur. Comme
La Conduite des filles de joie
à la Salpêtrière, huile sur toile (1757).
60
toutes les autres volontaires, elles
ont moins de 40 ans et ne sont « ni
folles, ni estropiées ». Leur père
vient de mourir et elles ont de la
famille à Montréal. Leur choix est
fait : elles tenteront leur chance
outre-Atlantique.
Mais le voyage n’est pas de tout re-
pos. Pour gagner le Canada, il faut
naviguer plus d’un mois. Cathe-
rine est installée à fond de cale avec
les autres filles du Roy. Bientôt, le
manque de place, la rareté des
vivres et le mal de mer affectent les
passagères, qui s’angoissent. Et si
elles ne survivaient pas à la traver-
sée ? A bord, le scorbut, maladie
due à un régime alimentaire trop
pauvre en vitamine C, fait des ra-
vages. Les cadavres sont jetés à la
mer après une brève cérémonie.
MPI/GETTY IMAGES
“TERRE ! TERRE ! ” ENTEND�ON HURLER
SUR LE PONT, le 30 juin 1663. Les
femmes se précipitent pour assis-
ter à l’arrimage. Le navire remonte mois ! Et si jamais elles ne trou-
péniblement le f leuve Saint- vaient pas de mari ? Car c’est bien
Laurent avant de jeter l’ancre dans la mission que le roi leur a confiée.
le port de Québec. L’excitation et Pour ce faire, il leur a remis à cha-
la peur taraudent les voyageuses. cune une robe, ainsi qu’un coffre
On leur a dit que la Nou- contenant « une coiffe, un mou-
velle-France était peu- choir de taffetas, un ruban à sou-
plée de sauvages et liers, cent aiguilles, un peigne, un
que l’hiver durait huit fil blanc, une paire de bas, une
paire de gants, une paire de ci-
seaux, deux couteaux, un millier
d’épingles, un bonnet, quatre
lacets et deux livres
en argent son-
nant ». Une dot es-
sentielle pour faire
un bon mariage !
À QUÉBEC, LA RELI�
GIEUSE MARIE GUYART,
qui accueille les
candidates à une
nouvelle vie au cou-
JUILLET�AOÛT 2015

vent des Ursulines, s’en assure. Les
nonnes transforment ces filles
pauvres et sans éducation
en parfaites épouses. Elles leur ap-
prennent à lire et à écrire. En
bonnes marieuses, elles organisent
même des bals pour favoriser les
rencontres galantes. Et ça marche !
En quelques semaines, les orphe-
lines convolent en justes noces. En
octobre 1663, Marguerite part
s’installer sur l’île d’Orléans. Ca-
therine, qui n’a que 14 ans, est en-
core trop jeune pour se marier. Elle
rejoint Montréal, où elle trouve à
s’employer chez le riche sieur Le-
moyne. Là, elle fait la connais-
sance du matelot Désiré Viger. Ils
se marieront le 19 septembre 1667
et rempliront parfaitement la mis-
sion assignée par le Louis XIV : ils
auront dix enfants ! En moyenne,
chacune des filles du Roy accou-
o 500 km
L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
Port de Québec,
chera sept fois. En 1773, la popu- fondatrices de la patrie. Le 8 juin la capitale
lation de Nouvelle-France atteint 1833, l’un des descendants de de la Nouvelle-
ainsi 8 500 âmes (contre 2 500 dix Catherine et Désiré, Jacques Viger, France (gravure
ans plus tôt), et 20 000 au début du devient le premier maire de Mon- de 1663).
XVIIIe siècle. Pari réussi ! tréal ! Orphelines devenues fon-
Aujourd’hui encore, le Québec datrices d’une nation, les filles du
célèbre ses jeunes pionnières par- Roy ont brillamment accompli
ties de France comme des mères leur mission. 
LOUIS XIV PREND LE CONTRÔLE
CARTE : HUGUES PIOLET
DE LA NOUVELLE�FRANCE
EN 1663, LE ROI-SOLEIL et son conseiller
Colbert décident de transformer cette terre
Tadoussac
d’Amérique en une prospère colonie – ce
Québec
qu’ont échoué à faire les compagnies à la tête
Ville-Marie
(Montréal) du lointain comptoir commercial depuis 1627.
Louis XIV place officiellement le territoire sous
autorité royale et y dépêche un intendant, Jean
Nouvelle-
Amsterdam Talon. Ce dernier, dès son arrivée à Québec
York)
(New York en 1665, prend une série de mesures, comme
celle de retirer les droits de traite, de pêche,
et de chasse aux hommes célibataires.
Territoire Qui ne les recouvraient qu’en se
français mariant et en fondant une famille.
AMÉRIQUE
en 1663
DU NORD
61
LE SUJET
QUI FÂCHE

DEPUIS QUAND
LA FEMME
VEUT�ELLE ÊTRE
L’ÉGALE
DE L’HOMME ?
DEPUIS QU’UN CERTAIN ARISTOTE, l’a
qualifiée d’“inférieure”, il y a 2 400 ans…

L
PAR MANUELA FRANCE

“
e 23 juillet 2014, Le Parlement adop-
tait définitivement le projet de loi
sur « L’égalité réelle entre les
femmes et les hommes ». C’est « le La relation
dernier saut qui manquait pour per- entre
mettre aux hommes et aux femmes
de vivre l’égalité réelle », déclarait
l’homme et
alors Najat Vallaud-Belkacem, la femme
ministre des Droits des femmes. est par
Depuis que le philosophe grec Aris-
tote figea au IVe siècle avant J.-C., le
nature
principe de l’infériorité des femmes telle que
par nature, il aura donc fallu plus de 2 400 ans à ces l’homme est
dernières pour accéder à une égalité pleine et entière.
Entre temps, les femmes auront dû démonter un à supérieur,
un tous les préjugés d’incapacité physique et intel- la femme
lectuelle attachés à leur nature supposée. Elles auront
dû s’échapper du foyer pour investir l’espace public
inférieure ”
Aristote, philosophe
et devenir des citoyennes à part entière. Elles auront grec du IVe s. av. J.-C. 
62
 L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
Paris, 1925.
Propagande de la
Ligue d’action
féministe en faveur
de l’obtention
du droit de vote
pour les femmes.

ALBERT HARLINGUE / ROGER-VIOLLET

63
LE SUJET
QUI FÂCHE “La tête de la femme,
c’est l’homme”, dit
FRANCE, l’apôtre Paul au Ier siècle
100 ANS
DE COMBAT
 dû prendre possession de leur corps, de leur esprit
et de leurs biens. Ce long combat pour l’égalité, elles
13 juillet 1907 l’ont mené sur cinq fronts : l’humanité, l’instruction,
LES FEMMES les droits, le sexe et le travail, réussissant à ébranler
MARIÉES sont plus de deux millénaires de patriarcat. Dernier acquis
autorisées à dis-
en date : aux élections départementales de mars 2015,
poser librement
de leur salaire. ce sont des binômes homme-femme qui étaient
C’est la première systématiquement élus. Une contrainte de parité
brèche ouverte parfaite de candidatures destinée à accélérer la fémi-
dans les disposi- nisation de la vie politique.
tions patriarcales
du Code civil de
1804. Dans les L’ÉGALITÉ HUMAINE
faits, banquiers et Au IVe siècle avant J.-C., le philosophe Aristote écrit
notaires exigent « La relation entre l’homme et la femme est par nature
encore l’autorisa- telle que l’homme est supérieur, la femme inférieure,

AKG-IMAGES
tion du mari. que l’homme gouverne et que la femme est gouver-
née. » C’est ainsi ! C’est l’ordre dicté par les lois de la
18 février 1938
LA LOI supprime nature. Dans l’acte de reproduction, c’est le mâle agis-
l’incapacité sant qui donne sa semence à la femelle passive, qui fourneaux. Au XVIIe siècle, en pleine Fronde, les prin-
juridique des la reçoit. Résultat : au sexe fort, l’action, la guerre, le cesses alliées au prince de Condé n’hésitent pas à en-
femmes mariées. courage, la raison, le pouvoir. Au sexe faible : la dé- trer dans la guerre civile pour lutter contre les
Jusque-là, le pendance, la gestation et la sphère domestique. Cha- inflexions absolutistes et machistes de la monarchie
Code Napoléon
cun sa place, chacun son rôle. En changer risquerait française. Parmi elles, la « Grande Mademoiselle »,
les assimilait
à des mineurs, de mettre en péril l’équilibre du monde. Cette théorie duchesse de Montpensier, surnommée la « vraie Ama-
des déments, des de la division naturelle des sexes fera florès pendant zone de la France » qui, en mars 1652, prend Orléans
délinquants... 2 000 ans et influencera les Pères de l’Eglise et toute pour le compte du Grand Condé. La division naturelle
la pensée occidentale. Reste que dès l’Antiquité, se des sexes prend un sérieux coup. En 1673, le cartésien
21 avril 1944 développe à contre-courant une tradition d’héroïsme Poullain de la Barre dans De l’Egalité des deux sexes,
L’ORDONNANCE
D’ALGER prise
au féminin qui reconnaît à certaines femmes l’andréia va même jusqu’à imaginer des postes de « générales »
par le général de grec, soit des qualités viriles par excellence : courage, ou « présidentes de Parlement ». Et lors des journées
Gaulle accorde bravoure, fermeté de l’âme, force… Sa source : le d’octobre 1789, alors que le peuple affamé gronde,
le droit de vote mythe grec des Amazones – les « privées de ma- ce sont encore des femmes qui mettent à sac les
aux Françaises. melles » selon l’étymologie – un peuple légendaire boulangeries et prennent l’initiative de marcher sur
de guerrières barbares. Le philosophe Platon accorde Versailles, excitant les hommes, les traitant de lâches
1956 ainsi à des femmes d’exception la capacité et le droit pour les motiver à les rejoindre.
CRÉATION DE
LA “MATERNITÉ d’être gardiennes de la cité, au nom du bien de l’Etat.
HEUREUSE”, une Au Ier siècle de notre ère, le penseur romain Plutarque L’ÉGALITÉ INTELLECTUELLE
association en loue le courage de ces femmes qui défendent leur cité Sur le terrain de la pensée, c’est une autre histoire !
faveur du contrôle d’Argos bec et ongles. Ou celui de Timocléia, une ci- Jusqu’au XVIIe siècle, rares sont celles qui tenteront
des naissances.
toyenne de Thèbes, qui précipite un capitaine thrace de rivaliser d’intelligence avec les mâles. Car depuis
En 1960,
elle devient le de l’armée d’Alexandre dans un puits, tête la pre- Aristote, tout le monde est d’accord : la femme n’a
Mouvement mière ! De Jeanne d’Arc à Lucie Aubrac, nombre de rien dans la tête !, clament en chœur les Pères de
français pour le femmes se sont ainsi illustrées dans l’Histoire en de- l’Eglise, les philosophes, les époux, les médecins. « La
Planning familial hors du gynécée, pour défendre leur ville, leur patrie tête de la femme, c’est l’homme » dit saint Paul. Certes,
et milite pour ou une idée initiant un féminisme héroïque. Chaque cette moitié-ci de l’humanité est bien douée d’une rai-
l’éducation à la
période de désordre, de guerre, de troubles civils a été son, mais son jugement est moins ferme que celui du
sexualité, la
contraception et vecteur d’émancipation féminine, mobilisant des mâle, car elle est commandée par ses passions et ses
le droit à combattantes sur les terrains politique et militaire humeurs. Sur l’échelle de la Nature, au pire, c’est une
l’avortement. avant que les hommes ne les renvoient à leurs cervelle de moineau, au mieux, de petite fille. Alors

64 JUILLET�AOÛT 2015

inutile de l’instruire. Mais contre toute attente, se
forme sous l’Ancien Régime, une « royauté des femmes
cultivées », selon la formule de l’historienne Mona
Ozouf, qui donne naissance à un féminisme élitiste et
une sociabilité au féminin. Au XVIIe siècle, les « pré-
cieuses » – des femmes cultivées de la haute société –
sont les premières à oser investir le champ de la pensée
en créant un courant philosophique 100% féminin et
en lançant les premiers salons littéraires. Chez Ma-
dame de Scudéry ou Madame de Lafayette règne une
effervescence intellectuelle inédite. On cause tyrannie
du mariage, on réinvente de nouvelles relations entre
hommes et femmes faites de respect et d’attention, on
clame la supériorité de l’esprit féminin. Et… ça plaît
aux hommes ! Tout le gratin des intellec-
tuels humanistes veut en être.
Au XVIII e siècle, c’est encore
ADOC-PHOTOS
L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
Départ des
Amazones,
dessin à
la plume
de Johann
Heinrich
Tischbein
(1820).
dans les salons féminins que s’invente la révolution
des Lumières. Chez Madame Geoffrin, en 1754, dé-
filent Voltaire, Montesquieu, Marivaux, d’Alembert,
Diderot, le ministre Choiseul. Le débat Nature contre
Culture y fait rage. S’opposant à Rousseau, certains
Un club de
affirment qu’il n’y a pas de différence d’essence entre
femmes
les deux sexes. Le philosophe déiste Helvétius prétend à Paris sous
que rien ne distingue un cerveau masculin de son la Révolution
équivalent féminin. Quant à l’intellectuel Condorcet, française.
il proclame que la prétendue infériorité de la femme Gravure de
n’est due qu’à son manque d’éducation. Ils défendent 1792.
l’égalité d’instruction pour les filles et les garçons.
L’idée est lancée et elle fera son chemin. En 1880, la
loi Camille Sée crée les lycées de jeunes filles. Et en
1882, les lois scolaires de Jules Ferry rendent obliga-
toire l’enseignement primaire pour tous les enfants
de 6 à 13 ans. Dans la foulée, les premières
AG/ADOC-PHOTOS
étudiantes font leur entrée à l’université
de droit et de médecine. Et une femme 
65
 LE SUJET
QUI FÂCHE Le Code Napoléon
proclame l’incapacité
13 juillet 1965 juridique de la femme
FRANCE, 100 ANS DE COMBAT

MODIFICATION
du régime
matrimonial :
les femmes  nouvelle, certes minoritaire, apparaît : la célibataire,
peuvent avocate, médecin, professeur de lycée, que l’on re-
désormais gérer trouve bientôt dans les premières associations fémi-
leurs biens nistes qui fleurissent à l’orée du XXe siècle.
propres et
exercer une
activité
L’ÉGALITÉ DES DROITS
professionnelle Pendant 2 000 ans, le droit romain a fait de la femme
sans l’accord de une mineure incapable, mise sous la tutelle de son
leur mari. Elles père d’abord, de son époux ensuite. Un statut qui lui
peuvent aussi collera à la peau jusqu’au XXe siècle. En 1804, le Code

B. HOFFMAN/THE LIFE PICTURE COLL./GETTY IMAGES

ouvrir un compte Napoléon proclame ainsi son incapacité juridique et
bancaire sans
l’autorisation de fait de l’époux le seigneur et maître du foyer. Madame
leur époux et a besoin de son autorisation pour tous les actes concer-
cogérer avec nant la vie civile : travail, compte en banque, succes-
celui-ci les biens sion, inscription à l’université. Mais dès la fin du siècle,
du couple. les premiers mouvements féministes s’organisent,
bien décidés à faire de la femme un citoyen comme
4 juin 1970 un autre. D’autant que du point de vue de l’égalité des Deux ouvrières sur
LA NOTION les chantiers navals de Groton
droits, la Révolution française a déçu, excluant les
LÉGALE de « chef (Connecticut) en 1943.
de famille » femmes du suffrage universel. Alors, dès 1878, plu-
disparaît, alors sieurs congrès féministes, français et internationaux,
que celle se réunissent pour réclamer l’égalité des droits : droits En 1908, Hubertine Auclert, fondatrice de La Citoyenne,
d’« autorité civils, droit de vote, égalité devant l’éducation et de- premier journal féministe, renverse une urne électo-
parentale vant le travail… Place à la première vague féministe rale. La même année, l’avocate Madeleine Pelletier,
conjointe » fait
son apparition. Ce de l’Histoire ! Les « suffragettes » britanniques entrent patronne du journal La Suffragiste, brise les vitres d’un
sont dorénavant en action pour l’acquisition du droit de vote. Leur mé- bureau de vote. L’année suivante est créée l’Union
les deux époux thode : l’activisme militant (lire pages 70-71). Elles sont française pour le suffrage des femmes (UFSF), qui in-
qui assurent rapidement suivies par leurs homologues françaises. tensifie le combat. Le 26 avril 1914, elle organise un
ensemble la plébiscite féminin qui recueille 505 972 bulletins « je
direction morale désire voter », contre 114 bulletins négatifs. Le 5 juillet,
et matérielle de
la famille. elle rassemble à Paris une manifestation de 6 000 suf-
fragettes au pied de la statue de Condorcet pour récla-
5 avril 1971 mer l’égalité politique. Mais ce n’est qu’en avril 1944
PUBLICATION que les femmes, à la suite de leurs actions durant la
dans Le Nouvel
R. DAZY/RDA

Résistance, obtiendront enfin le droit de vote. L’année

Observateur du
suivante, 10 000 conseillères municipales sont élues
Manifeste des
343 salopes et 33 femmes entrent à l’Assemblée nationale, soit
en faveur de 5,6% des députés. Un faible taux de représentation qui
l’avortement. ne bougera pas jusqu’en… 1990 ! En attendant, l’éga-
lité des droits est gravée dans le marbre par la Consti-
17 janvier 1975 tution française de 1946 et la Déclaration universelle
PROMULGATION
de la loi Veil
des droits de l’homme de 1948. Et en 1965, la réforme
qui autorise de la loi sur les régimes matrimoniaux fait de la femme
l’accès à l’IVG. l’égale de l’homme au sein du couple. L’épouse fran-
La même année, çaise peut enfin, seule, gérer ses biens, ouvrir un
instauration compte bancaire et signer un contrat de travail.
du divorce par
consentement
mutuel et de la En 1935, la féministe Louise Weiss fonde
mixité scolaire. l’association La Femme nouvelle.

66 JUILLET�AOÛT 2015

L’ÉGALITÉ SEXUELLE
« Tu enfantes dans les douleurs et les angoisses ; tu
subis l’attirance de ton mari et il est ton maître ; Et tu
ignores qu’Eve c’est toi ? Elle vit encore en ce monde,
la sentence de Dieu contre ton sexe. Vis donc, il le faut,
en accusée. C’est toi la porte du diable ; c’est toi qui as
livré le sceau de l’Arbre… », écrit Tertullien, un Père
de l’Eglise au IIe siècle. L’ère chrétienne a transformé
les femmes en pécheresses et les a enfermées dès le
XIIIe siècle dans une prison à vie : le mariage sacré et
indissoluble. Jusqu’aux années 1960, la femme n’a
pas d’autre choix que d’être maman ou putain, Marie
ou Eve. Certes, au XVIIIe siècle, sous l’Ancien Régime,
la culture de cour a bien desserré, un temps, la tutelle
masculine en inventant la galanterie, un nouveau
mode de relation de séduction hommes-femmes tout
en finesse et en savoir-vivre, et dans lequel excellent
les courtisanes menant les rois et les princes par le
bout du nez. Partout où se déploie la vie mondaine,
les dames de la haute société, les danseuses et cocottes
de tout poil font sauter leur corset et libèrent leur
corps dans le secret des alcôves, imitant les favorites
royales. De cette culture de la galanterie et de la mixité
est née, selon l’historienne Mona Ozouf, un fémi-
nisme universaliste à la française qui prône l’égalité
dans l’amitié des sexes, à l’opposé d’un féminisme
essentialiste anglo-saxon qui repose sur la division et
la guerre des sexes. Ce féminisme tricolore entre en
o 67
action dans l’après Mai-68, lors de la « révolution rose »
de 1970. Les femmes, alors dopées au Deuxième Sexe de
Simone de Beauvoir – qui dénonce l’endoctrinement
L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
social maintenant les femmes dans un rôle passif et
aliéné (« On ne naît pas femme, on le devient ») –, sont
bien décidés à ne plus se cacher et à se réapproprier
leur corps et leur sexe. Alors qu’elles ont obtenu le
droit à la contraception dès 1967, les militantes du
Mouvement de libération de la femme (MLF) prennent
la tête de la revendication et réclament l’interruption
volontaire de grossesse (IVG). Leur mot d’ordre : « Un
enfant, si je veux, quand je veux. » Fini la bonne
épouse et la bonne nourrice ! Les femmes veulent re-
prendre la main sur leur sexualité, leur fécondité et
leurs amours. Elles réclament la liberté de choisir leur
époux, de divorcer, de coucher. Résultat : la pilule est
généralisée en 1969 et le droit à l’avortement voté en
1975 grâce à la loi Veil. La sexualité féminine est née.
Pour Camille Froidevaux-Metterie, auteur de La Révo-
lution du féminin, cette seconde vague féministe de
l’Histoire constitue un véritable séisme qui annonce
l’avènement d’un monde totalement inédit. La divi-
sion sexuée de l’humanité n’est plus. Place à une seule
et même condition humaine.
L’ÉGALITÉ SOCIALE
« Qui va garder les enfants ? » s’inquiétait encore
Laurent Fabius en 2007 quand Ségolène Royal eut le
désir d’accéder à la plus haute marche du pouvoir.
Car depuis Aristote, la société patriarcale pense qu’il
y a incompatibilité entre le devoir de mère et un rôle
dans la cité. Et pourtant, les femmes ne vont avoir de
cesse d’investir la sphère publique. Depuis la seconde
moitié du XIXe siècle, leur travail s’exerce de plus en
plus hors du cadre familial et le salariat est devenu
une réalité. Grâce à la progression de leur scolarité,
elles accèdent à des secteurs et professions jusqu’alors
occupés par les hommes. A la veille de la Première
Guerre mondiale, la part des femmes dans le person-
nel de l’industrie et du commerce était de 32%. A la
fin du conflit, elles représentent la moitié des actifs.
Les Trente Glorieuses verront une salarisation mas-
sive des femmes mariées et mères de famille. En 1975,
sur 22 millions d’actifs on compte 8 millions de
femmes. Et dans les années 1980, un nouveau mo-
dèle apparaît : l’executive woman, cette femme bat-
tante, prête à tout pour réussir. Tout en étendant ses
champs d’action, l’activité féminine redéfinit peu à
peu les frontières du masculin et du féminin.
Il reste encore du chemin à parcourir. Les études
récentes montrent que les inégalités persistent :
les hommes trustent les places de cadres supérieurs
et les fonctions de management. Quant à l’écart de
salaire entre les deux sexes, à formation et poste équi-
valents, il est toujours de l’ordre de 20%. Le combat
continue ! 
 LE SUJET
QUI FÂCHE
15 HÉROÏNES QUI ONT FAIT
AVANCER LA CAUSE FÉMININE
1980
FRANCE, 100 ANS DE COMBAT

LA LOI DU
23 DÉCEMBRE
précise la
définition du viol
et le reconnaît CES WONDER WOMEN ont rué dans les brancards
comme un crime :
« Tout acte de
pénétration
pour s’imposer dans un monde d’hommes.
sexuelle, de
quelque nature
qu’il soit, commis LA + GONFLÉE
sur la personne
d’autrui,
CHRISTINE DE PISAN
par violence, PREMIÈRE FÉMINISTE
contrainte, DE L’HISTOIRE AU XVE SIÈCLE
menace ou
surprise, est un « De femelle, (je) devins mâle »,
viol. » La confie-t-elle dans ses mémoires. Et
reconnaissance pour cause ! Veuve à 25 ans, Chris-
du « viol entre tine de Pisan a choisi de vivre en
époux » fait son « homme de lettres » tout en éle-
chemin.
vant seule ses trois enfants. Poli-
8 mars 1982 tique, morale, religion, traité d’art
Hypatie
PREMIÈRE d’Alexandrie militaire… elle ne s’interdit aucun
AKG-IMAGES

JOURNÉE (v. 370-415). sujet. Mais son dada, c’est la cause

internationale des femmes. Dans La Cité des Dames,
des femmes en elle décline une histoire de France
France. Le
président François LA + SAVANTE LA + FERME au féminin et dénonce la miso-
Mitterrand reçoit HYPATIE PÉTRONILLE gynie de Jean de Meung, coauteur
les associations
féministes et
D’ALEXANDRIE DE CHEMILLÉ du Roman de la Rose. Une charge en
règle contre la culture courtoise
450 femmes. PREMIÈRE INTELLECTUELLE PREMIÈRE ABBESSE DE L’ORDRE de son temps qui donne lieu à « la
Dans la foulée, DE L’ANTIQUITÉ DE FONTEVRAUD EN 1115 querelle des femmes », premier
il annonce un
projet de loi sur Formée aux mathématiques et à A l’heure où les clercs enseignent débat féministe de

RDA/THE GRANGER
l’égalité de sexe l’astronomie par son père, Théon que les femmes sont impures et l’Histoire !
devant l’emploi d’Alexandrie, la brillante Hypatie inférieures, voici, en 1115, une

COLL. NYC
et une série se retrouve, vers 400, nommée à abbesse de 22 ans propulsée à la
de mesures : la tête de la prestigieuse école néo- tête d’un ordre religieux mixte
remboursement Christine de Pisan
platonicienne d’Alexandrie. Elle y naissant. Avec une main de fer, (v. 1365-v. 1430).
par la Sécu de
l’IVG, instauration enseigne les sciences et la philoso- elle réussit à soumettre les frères.
d’un quota de phie, attirant à elle des étudiants Puis, attirant à elle les attentions
30% de femmes du monde entier. Les savants bienveillantes des comtes d’Anjou,
aux élections d’alors disent d’elle qu’elle n’a elle parvient, en trente ans de
municipales et aucun égal dans le monde. Mais carrière, à faire de Fontevraud, un
régionales,
les chrétiens, ne ordre puissant et
recouvrement
des pensions sachant que faire f lorissant. A sa
alimentaires de ce génie fémi- mort, on compte
impayées. nin embarrassant, plus de 50 prieu-
la lynchent en pu- rés. Jusqu’à la
13 juillet 1983 blic en 415. Révolution,
La loi Roudy
établit l’égalité
33 abbesses se
succéderont à
MANUEL COHEN/EPICUREANS

professionnelle Pétronille
entre les femmes la tête de
de Chemillé
et les hommes. (fin XIe s.-1149). Fontevraud…

68 JUILLET�AOÛT 2015

LA + HUMANISTE
OLYMPE DE GOUGES
PREMIÈRE CITOYENNE DE FRANCE
EN 1791
C’est l’une des plus grandes fi-
gures féminines de la Révolution
française. En 1791, cette huma-
niste convaincue, toujours
prompte à combattre les injus-
tices, rédige une Déclaration des
droits de la femme et de la citoyenne
pour dénoncer la Constitution qui
les exclut des droits politiques.
« Puisque la femme a le droit de
monter sur l’échafaud, elle doit
avoir celui de monter à la tri-
bune », défend-elle. Mais, même
pour la Révolution, ses idées appa-
raissent un peu trop en avance sur
leur temps. Résultat : elle est
condamnée à mort par le Tribunal
révolutionnaire sous la Terreur et
guillotinée le 3 novembre 1793.
Emilie
du Châtelet
(1706-1749).
o 69
LA + MÉRITANTE
JULIE�VICTOIRE
DAUBIÉ
PREMIÈRE BACHELIÈRE
L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
DE FRANCE EN 1861
Le 17 août 1861, à Lyon, Julie-
Victoire Daubié, militante pour
l’émancipation des femmes, ob-
tient son baccalauréat haut la
main. C’est une première ! Et dire
Olympe qu’elle l’a préparé toute seule dans
de Gouges son coin, étudiant le grec et le latin
(1748-1793).
avec son frère prêtre, suivant des
cours de zoologie au Museum
d’histoire naturelle de Paris. « Ma-
demoiselle Daubié est le premier
PHOTO JOSSE/LEEMAGE bachelier de sexe féminin qu’ait
proclamé l’Université de France »,
proclame alors l’Académie. Et en
1871, autre première, la voici li-
cenciée ès lettres de la Sorbonne.
Jeanne Chauvin
LA + ÉCLAIRÉE (1862-1926).
ÉMILIE DU CHÂTELET
PREMIÈRE FEMME SAVANTE DES
LUMIÈRES
C’est Voltaire, son amant, qui l’en-
courage à s’aff irmer dans le
monde très fermé des sciences où
elle excelle. Pari gagné ! Passion-
COSTA/LEEMAGE
née de physique et de mathéma-
tiques, Emilie expérimente les
travaux du philosophe et mathé-
maticien Leibniz sur l’énergie
cinétique. Elle rédige un traité de
physique publié par la très ma-
LA + DÉTERMINÉE
chiste Académie des sciences, JEANNE CHAUVIN
puis, elle s’attaque à la première PREMIÈRE AVOCATE EN 1907
traduction du latin en français des Exercer « un métier d’homme »,
Principes Mathématiques de Newton, telle fut l’obsession de cette pion-
qui paraît en 1756. A sa mort en nière. En 1897, diplôme de droit
1749, Voltaire déclare en poche, elle se présente devant
« Jamais une femme ne la Cour d’appel de Paris pour prê-
fut si savante qu’elle. ter serment. Mais en vain, la loi
J’ai perdu un ami de interdit alors aux femmes l’accès
vingt-cinq années, un au barreau. Qu’à cela ne tienne !
grand homme qui En 1900, la jeune femme remet ça.
n’avait de défaut que Et ça marche ! La voici désormais
d’être une femme « avocat » à égalité avec ses
[…]». confrères. Enfin, presque… car
cette fois-ci, on lui refuse le droit
de plaider. Mais elle ne lâche rien.
Et le 21 janvier 1901, Maître Jeanne
Chauvin plaide à la 9e chambre du
DEAGOSTINI/LEEMAGE
tribunal correctionnel de la Seine.
 LE SUJET
QUI FÂCHE De l’Académie LA + HÉROÏQUE
BERTY ALBRECHT
à l’espace, COMPAGNON DE LA LIBÉRATION

elles ont tout

Berty Albrecht fut de tous les com-
6 juin 1996 bats de son temps. En 1933, Berty,
FRANCE, 100 ANS DE COMBAT

L’HEBDOMADAIRE

conquis. Même
la féministe, se bat pour la liberté
L’EXPRESS
de contraception et le droit à l’avor-
PUBLIE un
tement. Huit ans plus tard, en

le Panthéon !
manifeste pour la

COLL. DAGLI ORTI

parité hommes- 1941, Berty, la Lyonnaise, est enga-
femmes signé par Marie Curie gée corps et âme aux côtés de son
dix anciennes (1867-1934). ami Henri Frenay, pour libérer la
ministres, dont France. Ensemble, ils fondent
Edith Cresson,
ancien Premier LA + GÉNIALE Combat, un mouvement de Résis-
ministre, Michèle LA + GARÇONNE MARIE CURIE tance. Arrêtée par la Gestapo en
mai 1943, Berty Albrecht se pendra
Barzach et
Simone Veil.
GEORGE SAND PREMIER PRIX NOBEL FÉMININ dans sa cellule de Fresnes pour ne
PREMIÈRE FEMME EN 1911 pas risquer de parler sous la tor-
6 juin 2000 À PORTER LE PANTALON (1855) Lorsqu’elle naît à Varsovie en ture. Elle est l’une des deux seules
LA LOI SUR
L’ÉGAL ACCÈS L’ordonnance du 7 novembre 1800 1867, Marie Curie ne se doute pas femmes à être inhumées au mont
des femmes est pourtant claire : elle interdit qu’elle va collectionner les hon- Valérien, dans la crypte du Mémo-
et des hommes aux femmes le port du pantalon, neurs masculins et devenir une rial de la France combattante.
aux mandats sauf pour raison de santé. Argu- égérie féministe. Dès 1903, elle
électoraux et ment : c’est du travestissement ! partage un premier prix Nobel de
fonctions
Mais George Sand n’en a cure. Ce physique avec Henri Becquerel,
électives est
promulguée. qu’elle veut, elle, c’est qu’on la pour la découverte du radium. En
Résultat : Lors prenne pour un vrai auteur, un 1909, elle arrache le titre de pro-
des élections confrère. Alors elle brave la loi et fesseur titulaire de la chaire de

RUE DES ARCHIVES/TALLANDIER

suivantes, adopte le style garçonne. La ro- physique générale à la Sorbonne.
les conseils mancière porte le pantalon, a les En 1911, elle reçoit le prix Nobel
municipaux
cheveux courts, fume, boit et col- de chimie pour sa découverte de
changent de
visage avec près lectionne les amants… Flaubert la radioactivité. Le 20 avril 1995,
fait bientôt l’éloge de « ce grand Marie Curie est la première femme Berty Albrecht
de 50% de
(1893-1943).
femmes contre homme ». George Sand disparaît à rejoindre le Panthéon : sous l’ac-
25,7% en 1995. en 1876. Quant à la mode gar- tion de François Mitterrand, ses
Aux élections
régionales, idem.
çonne, elle fait rage chez les filles
à partir des années 1920.
cendres y sont transférées avec
celle de son mari, Pierre Curie.
LA + ACTIVISTE
Entre 1995
et 2004, le
LOUISE WEISS
MILITANTE FÉMINISTE
ROGER-VIOLLET

pourcentage de
conseillères Aux élections municipales de 1935,
régionales passe Louise Weiss, militante pour le suf-
de 27,5 à 47,6%. frage des femmes, présente sa can-
9 mai 2001 didature symbolique et recueille
LA LOI ENTÉRINE 16 852 votes en sa faveur. La même
L’ÉGALITÉ année, lors de la finale de la coupe
PROFESSIONNELLE de France de football, elle lâche des
entre les femmes tracts féministes sur des ballons
et les hommes.
rouges, que le vent emporte vers la
Cinq ans plus
tard, en 2006, tribune présidentielle. Lors du
est promulguée la Grand prix automobile, elle remet
loi relative à ça, envahissant la piste en compa-
l’égalité salariale gnie de suffragettes portant des
entre les femmes banderoles. Avec son mouvement
et les hommes. George Sand
(1804-1876), La Femme Nouvelle, Louise Weiss
photographiée a inventé un nouveau type de mili-
ici en 1864. tantisme : l’activisme féministe qui
fera florès dans les années 1970.

70 JUILLET�AOÛT 2015

LA + AVANT�GARDISTE
SIMONE
DE BEAUVOIR
ÉGÉRIE DU FÉMINISME
« On ne naît pas femme, on le de-
vient », écrit Simone de Beauvoir
en 1949. L’intellectuelle vient de
publier Le Deuxième Sexe, un essai
révolutionnaire sur la condition
féminine où elle dénonce en vrac
la cellule du mariage, la domina-
tion de la femme comme fruit
d’une construction sociale, le
tabou de l’avortement alors consi-
déré comme un crime… Autant
dire un brûlot qui se diffusera
comme une traînée de poudre.
Dans les années 1970, Le Deuxième
Sexe fournit ainsi l’armature idéo-
logique aux mouvements fémi-
nistes de plus en plus nombreux.
Et aujourd’hui encore, l’ouvrage
continue à inspirer les revendi-
cations de celles et ceux qui
défendent les droits des femmes.
Valentina Terechkova
(née en 1937).
o 71
Simone de Beauvoir
(1908-1986) au café de
Flore, à Paris en 1945.
L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
LA + AMBITIEUSE
GERMAINE
POINSO�CHAPUIS
PREMIÈRE FEMME MINISTRE
Du 24 novembre 1947 au 26 juillet
1948, Germaine Poinso-Chapuis
est nommée ministre de la Santé
dans le gouvernement de Robert
Schuman. Autant dire qu’elle est
une pionnière dans l’histoire de la
République française ! Et qu’elle le
restera jusqu’en 1974, date à la-
quelle Simone Veil occupera à son
tour, cette fonction. Mais quel CV !
Docteur en droit romain, avocate
au barreau de Marseille, résis-
tante, féministe, conseillère muni-
cipale à Marseille de 1945 à 1959
AKG-IMAGES / DENISE BELLON
et députée MRP des Bouches-du-
Rhône de 1945 à 1956, Germaine
Poinso-Chapuis n’a rien eu à
envier aux hommes.
LA + RESPECTÉE LA + TÊTE BRÛLÉE
MARGUERITE VALENTINA
YOURCENAR TERECHKOVA
PREMIÈRE ACADÉMICIENNE PREMIÈRE FEMME COSMONAUTE
Grande première dans l’histoire Le 16 juin 1963, la Russe Valentina
des lettres françaises ! Le 22 janvier Terechkova, dite « la mouette »,
1981, Marguerite Yourcenar, l’au- s’envole à bord du vaisseau Vostok 6
teur des Mémoires d’Hadrien, fait pour un voyage de trois jours. Di-
son entrée sous la coupole de l’Aca- rection l’espace ! Elle a alors 26 ans
démie française. Face à un par- et se trouve seule à bord. A son re-
terre d’hommes, elle entame son tour, le 19 juin, Valentina est nom-
discours : « Messieurs, comme il mée « héros de l’Union soviétique ».
convient, je commence par vous A ce jour, l’ouvrière textile reste la
remercier de m’avoir, honneur seule femme à avoir effectué un
sans précédent, accueillie voyage en solitaire dans
parmi vous […] accompa- l’espace. Elle est
gnée d’une troupe invi- également la
sible de femmes qui plus jeune cos-
auraient dû recevoir monaute de
beaucoup plus tôt l’Histoire. En
cet honneur, au 1996, Clau-
RIA NOVOSTI/SPL/PHANIE
point que je suis die Haigneré
tentée de m’effacer deviendra la
pour laisser passer première Fran-
leurs ombres. » çaise à aller
dans l’espace.
FÉMINISTES DE CHOC

HERITAGES IMAGES/ROGER-VIOLLET
1903�1918 “ BLACK
FRIDAY ”

LE FIGHTING SPIRIT
18 nov. 1910,
300 suffragettes
partent à l’assaut
du Parlement.

DES SUFFRAGETTES
Elles sont atten-
dues par 6 000
policiers. Deux
militantes y trou-

ANGLAISES
veront la mort.

Pour obtenir le droit de vote,

les militantes britanniques vont
en découdre sérieusement.
PAR MANUELA FRANCE

E
n cette année 1903, Emmeline Pankhurst,
militante féministe de Manchester, est décou-
PA ARCHIVES/ROGER-VIOLLET

ragée. Depuis la fin du XIXe siècle, elle lutte

de façon pacifique pour le droit de vote des
femmes. Mais rien ne bouge ! Alors, avec ses
trois filles, elle décide de fonder la WSPU
– l’Union sociale et politique des femmes. Son slo-
gan : « Des actions, pas des mots ! » Au programme :
caillassage, agressions de ministres, descentes sur
Downing Street, destruction de biens publics… Fini la
propagande ! Place à l’action directe ! Un nouveau
mode de revendication est né : l’activisme. Finalement,
les suffragettes britanniques obtiendront le droit de
vote en 1918… 26 ans avant les Françaises ! 

AUTO
DÉFENSE
Pour faire face
à la répression
musclée des
bobbies, certaines
militantes suivent
des stages de
self-defense. Ici,
en 1910, une
spécialiste d’arts
martiaux à
l’entraînement
met à terre un
faux policier avec
quelques clés de
Ju-jitsu, et ce
MEPL/RDA

malgré sa petite
taille : 1 m 24 !

72
 LA LUTTE
SE DURCIT
A partir de 1913,

L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
les suffragettes
décident de
radicaliser leur
action, ce qui
entraîne de
nombreuses
arrestations. Pour
se faire entendre,
elles vont jusqu’à
l’incendie
criminel. Elles
tentent ainsi de
mettre le feu à la
maison de deux
membres du
gouvernement, et
à la résidence
secondaire
du chef du parti
libéral.

AKG-IMAGES
J. SIME/GETTY IMAGES

LE SCANDALE
DU GAVAGE
1909, des mili-
tantes détenues
réclament le
statut de prison-
nières politiques
et entament une
grève de la faim.
Cette illustration
dénonce l’attitude
du gouvernement
qui décide de les
nourrir de force.
Par la bouche ou
par… le nez !
Certaines en
mourront. Des
MEPL/RDA

députés démis-
sionneront.

“ DITES�LE AU ROI ! ” En mai 1914, Emmeline Pankhurst est arrêtée devant

Buckingham Palace au moment où elle s’apprête à remettre en main propre une pétition
sur le droit de vote des femmes au roi George V. « Arrêtée aux portes du Palais. Dites-le
au roi ! » crie-t-elle. Sa photo fera la une de tous les journaux britanniques. Pari gagné !

73
RÉCIT

NELLIE
NELLIE BLY
LA PREMIÈRE FEMME
EN 1889, UNE JEUNE JOURNALISTE
FAIT LE PARI FOU de battre Philéas
Fogg, le héros de Jules Verne, en
bouclant un tour complet du globe
en moins de 80 jours !
PAR CHRISTOPHE GAUTIER. ILLUSTRATIONS : OLIVIER BALEZ
S
SUR LE QUAI DE LA GARE, JULES VERNE TRÉPIGNE
D’IMPATIENCE. D’inquiétude aussi. « Pourvu qu’il ne
soit rien arrivé », marmonne le romancier dans sa
barbe. Il est près de 16 heures, le vendredi 22 novembre
1889 et le train reliant Calais à Amiens est, comme trop
souvent, en retard. Honorine Verne, l’épouse de l’écri-
vain, tente de rassurer son mari : « Il ne va plus tarder
maintenant. » Quelques pas derrière le couple, Robert
Shepard, le correspondant à Paris du grand quotidien
américain The New York World, consulte fiévreusement
sa montre. Il sait que chaque minute perdue compro-
met la réussite du fantastique défi que Nellie Bly, repor-
ter pour le même journal, s’est promis de relever : faire

74 JUILLET�AOÛT 2015

AUTOUR DU MONDE
mieux que Phileas Fogg et boucler un tour du monde
en moins de quatre-vingts jours. Les propriétaires du
quotidien ont pensé qu’une brève rencontre entre la
journaliste et le romancier constituerait à la fois un
formidable coup de pub pour l’exploit que la jeune
femme entend réaliser et un argument supplémentaire
pour fidéliser des lecteurs, chaque jour plus nombreux,
qui suivent avec gourmandise et curiosité les tribula-
tions de Nellie Bly autour du globe.
VINGT�CINQ ANS PLUS TÔT, l’univers de la future aventurière
est pourtant bien étriqué. Lorsqu’elle ouvre les yeux sur
le monde le 5 mai 1864, à Cochran’s Mills (Pennsylva-
o 75
L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
nie), la ligne d’horizon, jamais très éloignée, se limite
aux champs de céréales qui entourent la ferme fami-
liale. Ce trou paumé a été ainsi baptisé en l’honneur de
son père, propriétaire du seul moulin des environs.
Austère meunier la semaine, Michael Cochran devient
le juge autoritaire et redouté du comté le week-end.
Pour lui, seules deux choses importent ici-bas : le travail
et l’honnêteté. Le reste, tout le reste, n’est que foutaise.
Les hommes au boulot, les femmes aux fourneaux.
Née Elizabeth Jane Cochran, dernière d’une fratrie de
quinze frères et sœurs, la fillette hérite rapidement
du sobriquet de « Pinky », la couleur préférée de Mary
Jane, sa mère, qui déguise sa gamine en poupée, 
RÉCIT
À 23 ANS, ELLE SIMULE LA FOLIE POUR INFILTRER UN ASILE
 exclusivement et systématiquement vê-
tue en rose. Pinky découvre le noir du deuil
à 6 ans lorsque son père décède, usé par
une vie consacrée au labeur et à la justice.
La famille doit alors travailler encore plus
dur pour entretenir les cultures et faire
tourner le moulin. Après trois années
d’hésitation, Mary Jane décide finale-
ment de se remarier à un homme
qui s’avère tyrannique, brutal et
violent. Secrètement, Pinky rêve
de s’élever, de devenir institu-
trice pour « apprendre aux
garçons les bonnes manières »
et permettre « aux f illes
d’accéder à une meilleure
éducation ». Faute d’argent,
elle ne peut rester inscrite
à l’école qu’un unique
semestre.
LAMINÉE PAR SA SECONDE
UNION, sa mère divorce
en 1880, et solde ses
douloureuses années de
soumission en migrant
vers la grande ville, pro-
messe d’un avenir meil-
leur. Au moins pour sa
fille, pense-t-elle. Avec
Elizabeth, elle part
s’installer à Pitts-
burgh. Pendant
près de cinq ans,
toutes deux
triment dans la
maison d’hôtes
qu’elles tien-
nent ensemble :
ménage, cuisine,
lessive, repassage.
Le destin semble
scellé, la route, mono-
tone, toute tracée. Jusqu’à
cette matinée de janvier
1885. A la une du quotidien
local, The Pittsburgh Dispatch,
l’éditorial titré « Ce qui
convient aux femmes »,
révolte tellement Pinky
que la jeune fille prend
la plume pour y répondre
et dénoncer le sexisme et
76
« l’affreuse misogynie » de l’article. Elle signe sa lettre
d’un « la petite orpheline », vengeur. Autant surpris
par la véhémence du texte — qu’il a évidemment
publié –, qu’impressionné par sa qualité littéraire,
George Madden, le rédacteur en chef du Dispatch, fait
paraître une annonce, quelques jours plus tard, invi-
tant « la petite orpheline » à se faire connaître de
la rédaction. Après un deuxième article tout aussi
convaincant, George Madden embauche la jeune fille
et lui propose désormais de signer ses papiers Nellie
Bly, héroïne d’une chanson alors extrêmement popu-
laire. En 1885, les femmes journalistes sont très rares
et doivent, par convenance, écrire sous pseudonyme.
Elles s’occupent presque toujours de « sujets fémi-
nins » : cuisine, jardinage, couture…
Nellie Bly, elle, couvre l’actualité sociale. Et donne
son opinion. Une révolution ! Elle décrit crûment les
conditions de travail, souvent épouvantables, des ou-
vrières et des ouvriers des environs. Dans ses écrits, elle
défend les plus démunis, les exclus, les marginaux. Elle
expose avec passion ses convictions féministes. Chacun
de ses articles devient un plaidoyer pour la justice, le
partage, l’équité. Les lecteurs adorent, les lectrices en
redemandent. George Madden jubile. Les ventes pro-
gressent, les abonnements prospèrent. Les reportages
de Nellie Bly sont devenus des arguments marketing
que le journal place presque tous les jours en une. Seu-
lement, les idées un peu trop progressistes de la journa-
liste irritent élus, industriels et puissants de la région
qui, bientôt, menacent de couper le robinet publicitaire
et de réduire le recours aux petites annonces payantes
permettant au Pittsburgh Dispatch de vivre. Cruel di-
lemme que George Madden tranche « dans l’intérêt » du
quotidien. Il propose à Nellie Bly de retrouver la place,
normalement dévolue aux femmes : les pages tricot et
les recettes de cuisine. Frondeuse jusqu’au bout, la
journaliste signe un dernier article sur le jardinage dans
lequel elle informe les lecteurs de sa démission.
MAIS ON FAIT PAS TAIRE AUSSI FACILEMENT la journaliste enragée.
Elle réapparaît au milieu de l’année 1886 au Mexique.
Ce qui initialement doit être un carnet de voyage que
George Madden, après moult tergiversations, à accepté
de publier dans ses colonnes, se transforme rapidement
en réquisitoire contre le despotisme du président Porfi-
rio Díaz, la corruption qui gangrène son gouvernement
et la misère dans laquelle il maintient ses concitoyens.
Ulcérées par le diagnostic que la reporter donne de leur
pays, les autorités mexicaines délivrent rapidement un
mandat d’arrêt à son encontre. Six mois après son arri-
vée à Mexico, Nellie Bly doit précipitamment rentrer
aux Etats-Unis, traumatisée d’avoir été pourchassée, et
s’installe à New York au printemps 1887.
JUILLET�AOÛT 2015
ET Y RÉALISER UN REPORTAGE CLANDESTINEMENT
Las ! Quelques mois plus tard, on retrouve Nellie Bly
devant un tribunal. Face au juge Duffy qui la ques-
tionne, elle ne se souvient plus de rien. Ni de son nom,
ni de son âge, ni de sa profession, ni même du prénom
de sa mère. Encore moins de l’endroit où elle a grandi.
Pas davantage de ce qu’elle a fait ces derniers mois.
« Amnésie passagère », dit un expert. « Usage de stupé-
fiants », suggère le magistrat. Un collège de médecins
examine la jeune femme, qui aboie des phrases incom-
préhensibles, jetant à ses interlocuteurs effarés des re-
gards de bête traquée. « C’est une démente, elle est folle,
c’est évident », affirme un premier psychiatre. « Son cas
est désespéré », ajoute un deuxième. « Il faut l’interner »,
Q
estime un troisième. Le juge prononce son placement
dans l’asile de fous de Blackwell’s Island (aujourd’hui
l’île Roosevelt) sur l’East River, au cœur de Manhattan.
QUELQUES SEMAINES AVANT CETTE ÉTONNANTE
COMPARUTION, Nellie Bly, en pleine possession de ses
facultés, se trouve dans le bureau de John Cockerill,
directeur de la rédaction du New York World, le quotidien
fondé par le journaliste Joseph Pulitzer. Depuis quatre
mois qu’elle arpente les rues de Big Apple, elle n’a pas
trouvé de pige à la mesure de son talent et de son ambi-
tion. Comme beaucoup d’autres jeunes journalistes, elle
rêve d’intégrer la prestigieuses équipe du World. Le
22 septembre 1887, Cockerill examine sa candidature :
« Nous cherchons quelqu’un capable d’enquêter sur les
conditions de vie, paraît-il épouvantables, à Blackwell’s
Island. Nous souhaiterions recueillir des témoignages.
Pensez-vous pouvoir le faire ? » Pendant quarante-huit
heures, devant le miroir de sa chambre, Nellie Bly
s’entraîne à mimer la folie. Après une nuit de plus sans
dormir, elle se fait arrêter par la police qui la conduit
devant le juge Duffy. Internée pendant dix jours dans
« l’enfer de Blackwell », Nellie Bly à sa sortie — l’avocat
du journal est intervenu — publie dans le quotidien une
série de reportages dans lesquels elle dénonce l’absolue
cruauté des traitements, la violence du personnel soi-
gnant, le sadisme des infirmières, l’incompétence des
médecins. La ville de New York ordonne une enquête et
quelques mois plus tard, après le vote d’une subvention
spéciale de 850 000 dollars, les conditions de vie dans
l’asile seront considérablement améliorées. Surtout, la
décision d’interner un patient sera désormais fondée sur
plusieurs examens médicaux. Nellie Bly vient d’inventer
le journalisme d’investigation. Dans les mois qui suivent,
elle infiltre un cabinet de lobbyistes véreux, remonte
une filière de placement de bébés abandonnés, enquête
sur l’exploitation des travailleurs pauvres. La petite fille
de Cochran’s Mills est devenue une star des médias. Mais
son plus bel exploit reste à écrire. En 1889, elle propose
aux responsables du New York World le plus fou des paris :
o 77
L E S F E M M E S A U C Œ U R D E L’ H I S T O I R E
un tour du monde plus rapide que celui de Phileas Fogg,
le héros du roman de Jules Verne publié en 1872, qui
voyage autour du globe en quatre-vingts jours. John
Cockerill hésite : les femmes ne voyagent pas seules, c’est
dangereux et inconvenant. Pire, elles ne peuvent se
déplacer sans des dizaines de malles de vêtements…
Le jeudi 14 novembre 1889, Nellie Bly, un unique
petit sac de voyage à la main et une bourse contenant
des dollars, des livres sterling et de l’or attachée autour
du cou, embarque à bord de l’Augusta Victoria, un paque-
bot rapide à vapeur. Direction l’Angleterre, puis la
France — où elle passe quatre heures à Amiens chez
Jules Verne, le train est finalement arrivé avec dix mi-
nutes de retard —, l’Italie, le canal de Suez, Ceylan
(actuel Sri Lanka), la Malaisie, Singapour, Hongkong et
le Japon. A chacune de ses escales, elle envoie un article.
Le public se passionne pour cette incroyable odyssée
d’une femme seule autour du monde. Son reportage au
long cours devient un feuilleton que les lecteurs s’ar-
rachent. Le 21 janvier 1890, elle débarque à San Fran-
cisco. Joseph Pulitzer affrète un train privé pour lui
permettre de rejoindre New York au plus vite. Le 25 jan-
vier, elle est de retour à son point de départ, sur les docks
du New Jersey. Nellie Bly vient d’effectuer le tour du
monde en 72 jours, 6 heures, 11 minutes et 14 secondes.
Presque huit jours de moins que Phileas Fogg. D’Amiens,
Jules Verne envoie un télégramme de félicitations.
NELLIE BLY PUBLIE ENCORE QUELQUES ENQUÊTES RETENTISSANTES
jusqu’à sa rencontre en 1895 avec Robert Seaman, un
richissime industriel de quarante-deux ans son aîné.
Elle a 31 ans, lui 73. En 1904, à la mort de son mari, elle
se retrouve à la tête d’un empire métallurgique et d’une
immense fortune. Fidèle à ses convictions, elle réforme
profondément le fonctionnement de ses usines de tôles.
Elle introduit un salaire journalier, équivalent pour les
hommes et pour les femmes, indépendant de la produc-
tivité des ouvriers, et consacre une part importante des
capitaux aux investissements sociaux : centre de loisirs
pour les employés, bibliothèques, clubs sportifs… Géné-
reuse certes, visionnaire aussi, mais mauvaise gestion-
naire : Nellie Bly dilapide sa fortune et l’empire financier
périclite. Pour fuir la pression des créanciers, elle s’ins-
talle en Autriche. Pendant la Première Guerre mondiale,
elle reprend la plume, couvre le conflit et devient la
première femme correspondante de guerre.
Lorsqu’elle meurt le 27 janvier 1922 d’une pneumo-
nie, le New York Evening Journal la consacre « meilleure
journaliste des Etats-Unis ». Pionnière du journalisme
d’investigation, immergée dans la réalité sociale sou-
vent crue, féministe militante, Nellie Bly, armée d’un
stylo, n’a mené qu’un seul combat tout au long de sa
vie : celui de la justice et de l’égalité. 
DÉCRYPTAGE
VICHY & SES ENNEMIS
Dénichée sur le site L’Histoire par l’image de la Réunion des musées
nationaux, cette affiche de 1941 raconte toutes les obsessions
du régime de Vichy, qui gouverna l’Hexagone pendant quatre ans.
PAR MANUELA FRANCE
1941 DARDE SES RAYONS
SUR UNE FRANCE
ENTOURÉE DE BLEU AZUR
En signifiant ainsi l’aube
d’une renaissance,
cette affiche de propagande
vichyste promeut la
Révolution nationale,
politique autoritaire et
réactionnaire du maréchal
Pétain, auprès du peuple
français anéanti par
la défaite et l’occupation
allemande. Sa promesse :
le redressement moral de
la France. Sa devise
« Travail, Famille, Patrie »
contre la trilogie
républicaine : « Liberté,
Egalité, Fraternité. »
DES MOLOSSES
ENRAGÉS MONTRENT
LES CROCS
Ces trois chiens hideux
désignent les ennemis jurés
de Vichy que sont le franc-
maçon, le Juif et de Gaulle.
Le Mal a un visage – le
serpent inspiré de la Bible –
et un nom, le Mensonge !
Ces bêtes noires du régime
sont placées, tels des
étrangers, à l’extérieur
de l’Hexagone. « Laissez-
nous tranquilles ! » leur
crient les Français de
l’intérieur. Car, pour Pétain,
les ennemis de la Nation
sont l’internationalisme et
l’universalisme. La
propagande de Vichy est à
l’œuvre. Objectif : frapper
les consciences par la peur.
80
UNE BELLE DES CHAMPS PLANTE UN JEUNE ARBUSTE
Elle s’agenouille pour mettre
en terre un petit laurier
– symbole de victoire – dans
le trou creusé par l’homme.
En introduisant ainsi sa
petite graine dans la Terre
mère, le couple annonce
la renaissance de la mère
patrie ! Une référence
à la politique nataliste de
Pétain qui célèbre la mère
de famille nombreuse et
COURAGEUX ET
TRAVAILLEUR, L’HOMME
NOUVEAU EST ARRIVÉ
Armé de sa pelle, il creuse
la terre pour la faire revivre
et fait face aux ennemis
de la Nation, le poing
serré, prêt à se défendre.
En cette année 1941,
comme tous les Français
de la zone libre, il fait
partie des Chantiers de
jeunesse, l’organisation
paramilitaire créée par
le régime de Vichy.
Signe de reconnaissance :
le brassard. Au programme :
vie collective en pleine
nature, travaux d’intérêt
général, forestiers ou
agricoles.
LE SOLEIL SE LÈVE
SUR UNE NATION JAUNE
COMME LES BLÉS
Place à la terre,
au travail des champs
et au provincialisme !
Pour Pétain, c’est
MUSÉE DE L’ARMÉE/DIST. RMN-GRAND-PALAIS
de cette France rurale,
terre de tradition, que
viendra le redressement
national, par opposition
à la ville industrielle
et corruptrice, foyer de
l’individualisme et du
prolétariat. «La terre ne
ment pas ! » dit le slogan.
interdit le divorce. Le
traitement académique du
dessin renvoie ici à la
tradition contrairement au
trait sommaire qui croque
les ennemis de la France.
JUILLET�AOÛT 2015
 4 QUESTIONS RÉPONSES VOUS ENVOYEZ LES QUESTIONS, NOUS CHERCHONS LES RÉPONSES

1. Depuis quand New York est-elle surnommée la Grosse Pomme ?

MICHÈLE AVRIL, VILLEURBANNE (69)

EN 1909, NEW YORK EST COMPARÉE À UNE GRANDE POMME par le journa-
liste Edward S. Martin. Sous sa plume, l’expression n’est pas
un compliment : « La Grande Pomme obtient une part dispro-
portionnée de la sève nationale », écrit-il. Comparant la ville à
un arbre fruitier, il évoque le ressentiment des non-New-Yor-
kais qui pensent que tout vient à la ville tentaculaire sans
qu’elle ait besoin de fournir le moindre effort. Injuste ! Le sens
de l’expression ne changera qu’au début du XXe siècle. Dans
les années 1920, un autre journaliste, John FitzGerald, utilise
dans un article du New York Morning Telegraph ce sobriquet dans
un sens laudatif cette fois-ci. Il écrit au sujet des courses hip-
piques organisées dans sa chère cité : « Il n’y a qu’une seule
Grosse Pomme. C’est New York. » En effet, dans ce milieu, une
« grosse pomme », c’est le gros lot remporté par les parieurs.

2. Pourquoi les îles anglo-normandes dépendent-elles de la

couronne britannique… et pas de la France ?
MONIQUE PAUL, FIGEAC (46)

QUATRE ÎLES PRINCIPALES (Jersey, Guernesey, Aurigny et Sercq) for-
ment cet archipel situé à une vingtaine de kilomètres du Coten-
tin. Toutes dépendent de la couronne anglaise, alors qu’elles
n’ont jamais été conquises par les Anglais ! Pour comprendre ce
mystère, il faut se souvenir que le duc de Normandie, Guillaume
le Conquérant, est devenu roi d’Angleterre en 1066, après son
débarquement outre-Manche. Or, les îles du Cotentin font alors
partie de son duché normand. En 1204, lorsque le roi de France
Philippe Auguste reconquiert la Normandie, il néglige ces petites
îles, faute d’une flotte performante. Résultat : les îles anglo-
normandes appartiennent encore aujourd’hui à la couronne
britannique. Sans pour autant faire partie du Royaume-Uni.

3. Pourquoi les maisons traditionnelles de l’Ouest sont-elles des longères ?

OLIVIER LECHEVALLIER, PAR MAIL

DEPUIS LE MOYEN ÂGE, LES MAISONS CONSTRUITES EN BRETAGNE près de la
façade océanique ont une forme basse et allongée, avec une toi-
ture de chaume ou d’ardoise descendant presque au sol. On
pourrait penser que cette forme leur permet de donner peu de
prise au vent dominant. Pourtant, on ne trouve pas ce type d’ar-
chitecture dans la vallée du Rhône, où le mistral souffle fort du
nord vers le sud. La vraie raison : la lutte contre les embruns. La
forme basse évite de recevoir ces aérosols marins, salés et cor-
rosifs, venus de l’Atlantique. Devant les longères, on place
aussi une haie d’arbres, qui offre une protection supplémen-
taire. Et ça marche ? Il n’y a qu’à comparer les longères aux
églises élancées construites jusqu’au XVIIe siècle en Bretagne
dans le style gothique flamboyant. Contrairement aux mai-
sons basses, elles ont été rongées par les intempéries. CQFD.

4. La femme de Philippe Auguste était-elle hermaphrodite ?

DOMINIQUE AUBIN, MARIGNANE (13)

LORSQU’IL RENCONTRE SA PROMISE, INGEBURGE, tout juste arrivée du
Danemark, le 14 août 1193, Philippe Auguste est ébloui par sa
beauté. On célèbre aussitôt le mariage à Amiens. Pourtant, le
chroniqueur Rigord écrit : « Ce jour même, le roi, sans doute à
l’instigation du diable [...] ne vit plus qu’avec horreur cette épouse
si longtemps désirée. » La nouvelle reine de France est envoyée
le lendemain au couvent de Cysoing. Ingeburge souffre-t-elle
d’une malformation secrète ? Plusieurs experts l’ont soupçon-
née d’être un hermaphrodite, cachant sous ses robes un pénis.
Sauf que les hermaphrodites étant alors pris pour des monstres,
le roi aurait dénoncé Ingeburge comme une sorcière et l’Eglise
l’aurait dans ce cas refusée dans un de ses couvents. Il est plus
probable que le roi ait été pris d’impuissance au moment de
passer à l’acte. La honte ! Frappé dans son orgueil, il a préféré
incriminer sa belle et exiger le divorce, malgré les exhortations
du pape. La gloire d’un roi ne saurait se voir diminuée…

ÉCRIVEZ�NOUS À ÇA M’INTÉRESSE HISTOIRE�QUESTIONS/RÉPONSES

JEAN�PAUL ROIG et NADÈGE LUCAS, 13, rue Henri-Barbusse 92230 Gennevilliers
OU PAR MAIL
nlucas@prismamedia.com
81
LE GRAND
ZAPPING DE
L’HISTOIRE
LIVRES, FILMS, BD, DOCUS, BLOGS,
PODCASTS, SÉRIES TV, EXPOS
 PAR NICOLAS FRANÇOIS

QUAND LÉONARD
DE VINCI FAISAIT LA

CAPTURE D’ÉCRAN/FRANCE TV /DR

PUB DE MARIGNAN
« De chaque côté de la place, près
du château, au-dessus des murailles,
se trouvent vingt-cinq arquebuses,
pour défendre le château. […] De
l’autre côté de la place se trouvait le

ET SI ON N’AVAIT PAS
roi magnanime, armé, casqué d’un
heaume à grand panache, entouré
par des hommes d’armes à cheval. »

TUÉ KENNEDY…
Cet ambassadeur italien ne raconte
pas la victoire de François Ier à
Marignan en 1515, mais le spectacle
de sa reconstitution, réalisé trois ans

plus tard par Léonard de Vinci. Le roi
avait en effet chargé ce dernier
d’assurer le service après-vente de
la bataille. Ce show signé Vinci sera
reproduit et présenté cet été à
Romorantin, les 24 et 25 juillet, et à
Amboise, les 26 et 27 juillet.
 VU sur le site marignan2015.univ-tours.fr
L
e 22 novembre 1963, le président américain
John Fitzgerald Kennedy est assassiné lors
d’une visite à Dallas. Et si c’était vous qui aviez
le pouvoir de viser et d’appuyer sur la
gâchette ? Le site Uchroniques, réalisé par deux
passionnés d’Histoire, propose de jouer un scénario
différent. Et si la balle avait raté Kennedy ? Dès
1963, le président américain refuse l’envoi de
troupes au Viêt Nam et entame un rapprochement
historique avec l’URSS. Il est réélu en 1964
et continue ses efforts pour la paix. En mai 1968,
avec son homologue soviétique, Leonid Brejnev,
ils mettent fin à la guerre froide. Poignée
de main historique devant le mur de Berlin qui
est démantelé, vingt et un an plus tôt que dans la
réalité… Autre scénario possible, ce n’est pas
John Kennedy qui est tué, mais son épouse Jackie.
Le président se mue en coureur de jupons, ce qui ne
plaît pas aux Américains : il est destitué par le
Congrès. Dix épisodes de l’Histoire sont ainsi à
revivre et à modifier : la découverte du vaccin contre
la rage, le naufrage du Titanic, l’accident de
Tchernobyl, etc.
 VU sur uchroniques.nouvelles-ecritures.francetv.fr

QUI A SA CARTE
OFFICIELLE DE RÉSISTANT ?
Combien de Français ont-ils participé à la Résis-
tance pendant la Seconde Guerre mondiale ?
Officiellement 227 531. C’est le nombre de cartes
de « combattant volontaire de la Résistance »
J. DA CUNHA / AKG-IMAGES

délivrées par l’administration française après

1945. Pour l’obtenir, il fallait avoir prouvé trois mois
François Ier
ADOC-PHOTOS

chargeant à Marignan. d’activité dans une organisation reconnue.

Enluminure du XVe s.  LU dans “Sur la piste des héros de l’ombre”,
de Sophie Lamoureux, éd. Actes Sud.

82 JUILLET�AOÛT 2015
J. LEE/NATIONALMUSEET

QUE RACONTE CE HIBOU ?

CETTE BROCHE EN BRONZE LONGUE D’À PEINE 3,80 CM, ORNÉE D’ÉMAIL COLORÉ,
A BEAUCOUP DE CHOSES À NOUS DIRE. Retrouvée sur l’île de Bornholm, au
Danemark, elle est datée entre le Ier et le IVe siècle. Son look intrigue :
si le style est romain, son motif, un hibou, est plutôt germanique.
Pourquoi un tel mélange ? Les archéologues penchent pour un

AGENCE ROLE / BNF

mercenaire allemand, engagé dans l’armée romaine, et qui aurait
servi dans les territoires du Nord. Un vrai soldat européen.
 LU sur le site archaeology.org

L’ART DE
BIEN DRESSER
SES ESCLAVES
� POUR LES TRÈS JEUNES ESCLAVES, IL DES TOURISTES
ME SEMBLE BON DE LES METTRE AU
TRAVAIL LE PLUS TÔT POSSIBLE, DÈS POUR CAMOUFLER
5 ANS. […] Abstenez-vous de
fouetter un esclave simplement
LES CHARS
parce qu’il s’est montré insolent En 1919, l’ingénieur militaire Jean

MARCO/ASK IMAGES
et vous a manqué de respect. Baptiste Eugène Estienne veut
[...] La torture ne doit être tester un nouveau prototype de tank
employée qu’en dernier recours. alpin construit par Renault, pour le
[…] Il faut donner 30 kilos de transport des soldats ou de matériel.

blé par mois en hiver pour les
esclaves enchaînés. 35 kilos en
été, compte tenu du travail plus
dur. » Voilà une série de conseils
pratiques que devaient suivre
un « bon » propriétaire d’escla-
ves sous la Rome antique, selon
l’historien Jerry Toner qui a
imaginé ce mode d’emploi du
bon maître d’esclaves, d’après
des sources latines.
 LU dans “L’Art de gouverner ses esclaves”,
de Jerry Toner, éd. Puf.
LE DERNIER SECRET
Comme terrain d’essai, il choisit les
pentes du Mont d’Arbois, à Megève
DU SERPENT À PLUMES (en Haute-Savoie). Même si la
Première Guerre mondiale est finie
IL Y AVAIT PEUT�ÊTRE UNE RIVIÈRE DE MERCURE SOUS LA PYRAMIDE DU SERPENT depuis un an, mieux vaut rester
À PLUMES, l’un des trois édifices du site mexicain de Teotihuacán. prudent. Pour tromper d’éventuels
Des archéologues ont trouvé des traces de ce métal liquide dans espions ennemis, on fait appel à des
un tunnel. Les prêtres l’auraient versé ici pour symboliser un lac particuliers. En robe ou en costume,
du monde souterrain, c’est-a-dire du royaume des morts. En ils s’installent sur des bancs situés
continuant les recherches, les experts espèrent trouver une de chaque côté du véhicule,
sépulture dont on soupçonne la présence depuis des décennies camouflant ainsi sa carrosserie. Ni
sans avoir jamais mis la main dessus. vu ni connu.
 VU sur le site de l’Institut national d’anthropologie et d’histoire du Mexique, www.inah.gob.mx  VU sur le site mashable.com

QUAND LES CHATS LE MOZART NOIR, À LA COUR DU ROI LOUIS XVI, UN MUSICIEN FAIT SENSATION.
Par son talent, mais aussi par sa couleur de

FONT LA GUERRE SUPERSTAR peau. Fils d’une esclave noire guadeloupéenne

DU XVIIIE SIÈCLE
et d’un riche Blanc protestant, Joseph Boulogne,
PENDANT LA CAMPAGNE D’ÉGYPTE, DE 1798 À 1801, les chevalier de Saint-George, a été élevé dans les
troupes de Bonaparte subissent des pertes écoles les plus prestigieuses et a acquis les
importantes principalement après la prise de codes de l’éducation aristocratique : l’escrime,
Jaffa. En cause : une épidémie de peste. les arts et surtout la musique. Il joue ses œuvres
Comment se protéger du fléau ? Grâce à des dans les plus grands théâtres parisiens et
WWW.BRIDGEMANART.COM

chats ! L’armée réquisitionne tous les félins Marie-Antoinette est une grande fan. Le musicien
alentour, qui neutralisent rapidement les rats, est très en vogue à l’époque, on soupçonne
principaux vecteurs de la maladie. même Mozart de l’avoir plagié pour son Concerto
n° 5 pour violon et orchestre en la majeur…
 LU dans “100 chats qui ont fait l’Histoire”,
de Dorica Lucaci, édition de l’opportun.  LU dans “Noir Blanc Rouge”, de Valéry Rouben (éd. Vuibert).
Lithographie
o du XIXe siècle. 83
LE GRAND
ZAPPING DE
L’HISTOIRE
MADE IN
AUSCHWITZ
DANS LES CAMPS DE CONCENTRATION
NAZIS, CERTAINES FEMMES DÉPORTÉES
CONFECTIONNAIENT DES VÊTEMENTS
et des accessoires avec les moyens
du bord. Des boucles d’oreilles
en fil électrique, des soutiens-
gorge en tissu découpé dans les
uniformes rayés des prisonniers,
des ceintures en cuir provenant
de masques à gaz… Créer, une
manière de résister.
 LU dans “Souvenirs”,
de Marie Rameau, éd. La Ville brûle.
LE LAPIN
DONT ON DOIT
TAIRE LE NOM…
SELON UNE SUPERSTITION MARINE,
PRONONCER LE MOT � LAPIN �
SUR UN BATEAU PORTE MALHEUR.
On parlera plutôt de « créature »
ou de « bête aux grandes oreilles ».
La raison remonte au moins au
XVIIe siècle, à l’époque où les
marins emportaient comme vivres
des volailles, des porcs et des
lapins vivants. Parfois, les lapins,
après avoir rongé leur cage en
osier, parvenaient à s’enfuir
DR
et commençaient à s’attaquer
aux cordages en chanvre.
Cela pouvait provoquer
des catastrophes, car
ces cordages étaient
parfois utilisés pour
le calfatage des
coques.
 LU dans “Le Petit Quiz de la
Marine nationale”, éd. Pierre de Taillac.
84
AU MENU
DES AVENTURIERS
V
ous reprendrez bien un peu de soupe
de queue de kangourou ? A moins que vous
ne préfériez une petite brochette de belette
à la mexicaine ? Ces mets pour le moins
insolites ont fait partie du quotidien des grands
voyageurs. Par curiosité gastronomique, ou
simplement par nécessité de manger : à l’autre
bout du monde, on se plie aux habitudes du pays.
En 1298, Marco Polo raconte au chroniqueur
Rusticien de Pise la recette du biscuit de poisson
yéménite. En 1873, Alexandre Dumas publie celle
de la croustade d’estomac de requin : quinze
LA PEUR DES ARAIGNÉES, ON L’A DANS LE SANG
ILL. S. AQUINDO / ED DU TRESOR / DR
La carte des
mets préférés
des grands
explorateurs.
estomacs de jeunes squales à faire blanchir dans
une eau salée, puis à saisir avec du lard, du laurier
et du citron. Aux lecteurs dégoûtés par ces plats
de « sauvages », l’écrivain Hector France rétorque
en 1903 dans Journal des voyages et des aventures
de terre et mer : « On connaît les sarcasmes
dont nous accablent nos voisins d’outre-Manche
au sujet de nos fricassées de grenouilles. […]
Se moquer de ce qu’on ignore est le propre de la
sottise. » Quand la tolérance passe par l’assiette.
 VU dans “Les Gastronomes de l’extrême”,
de Bruno Fuligni, éditions du Trésor.
Cette araignée vous effraie ? C’est peut-être
génétique. D’après les chercheurs de l’université
Columbia, l’arachnophobie (la peur des araignées)
est apparue chez nos ancêtres il y a plusieurs
millions d’années, en Afrique. Les araignées
vénéneuses étaient une telle menace pour leur
survie que les humains ont développé une
capacité à les repérer au premier coup d’œil afin
de les fuir. Habitude qui se serait transformée en
peur viscérale chez certaines personnes.
 VU sur le site de l’université Columbia, columbia.edu
JUILLET�AOÛT 2015

 ON VIENT JUSTE D’APPRENDRE QUE…
EXPOSITION
… LES DINOSAURES PONDAIENT DES ŒUFS BLEUS.
22 avril – 20 juillet 2015
On a toujours supposé que les œufs de dinosaures
étaient blancs. Mais en analysant des œufs d’oviraptors Musée national du
retrouvés en Chine, les chercheurs de l’université
de Bonn ont repéré la présence de deux pigments : château de Malmaison
la protoporphyrine et la biliverdine. Leur particularité :
ils donnent une teinte bleue aux coquilles d’œufs.
 LU sur le site rsbl.royalsocietypublishing.org (en anglais).

MOMIE DE RUEIL,
DE LA BENNE AU MUSÉE
ELLE S’APPELLE TA�ISET (� CELLE D’ISIS �),
A 5 ANS ET UNE VIE DÉJÀ BIEN REMPLIE.
Fabriquée entre 365 et 170 av. J.-C.
dans le sud de l’Egypte, la momie atterrit
en France au XIXe siècle. En pleine
égyptomanie, elle décore les murs d’un
salon de Rueil (92). En 2001, c’est la
disgrâce : ses propriétaires la jettent, mais
des éboueurs la sauvent de la benne. Après

Cap
une remise en beauté de 2012 à 2015,
J.SAGET / AFP PHOTOS

la pimpante Ta-Iset vient d’être dévoilée

au public. Mais patience : elle ne sera
exposée qu’en 2016 au musée de… Rueil.
 LUsur le site www.fondation-patrimoine.org

MA PONTIAC EN PLEXIGLAS sur

POUR LA FOIRE INTERNATIONALE DE NEW YORK DE 1939�40, GENERAL MOTORS
VEUT ÉBLOUIR LES VISITEURS. Le constructeur présente sa «Glass
Car» («voiture en verre»). Sur le châssis d’une Pontiac Deluxe
Six, les ingénieurs ont mis au point une carrosserie en Plexiglas,
l’Amérique
Napoléon sur le pont du Bellérophon — Gravure dʼaprès Sir William Quiller Orchardson (1832-1910), détail.

matériau transparent alors inconnu du grand public. «Une

© RMN-Grand Palais (musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau) / Franck Raux

voiture fantôme !» s’écrient les badauds. Pour qu’elles brillent LA DERNIÈRE

UTOPIE DE N APOLÉON
encore plus sous la carrosserie, les structures métalliques
sont chromées, ainsi que le tableau de bord et les équipements.
Prix du délire ? 25000 dollars, contre 700 pour une Pontiac
classique. Finalement, GM ne construira que deux Glass Cars.
 VU sur le site d’enchères rmauctions.com(en anglais).
Graphisme : Jean-Luc Tamisier
WYLAND STANLEY COLL.

www.chateau-malmaison.fr
BD, ROMANS, POLARS, DOCUMENTS

 VOICI DOUZE LIVRES CHAUDEMENT RECOMMANDÉS PAR LA RÉDACTION
RAVAILLAC, HIMMLER, TORQUEMADA, HASAN
SABBAH… Ils tuent au nom de Dieu, d’une
obsession, d’une idéologie. Huit portraits
de fanatiques qui ont fait basculer l’His-
toire. Huit destins historiques racontés
comme dans un roman. Par une journa-
liste de Ça m’intéresse Histoire.
LE PARCOURS ÉNIGMATIQUE DE JOSEPH DARNAND,
un de nos plus formidables héros de la
Première Guerre mondiale, qui se dresse
à nouveau plein d’audace contre les Alle-
mands en 1940, avant de devenir le si-
nistre chef de la Milice et de rejoindre
finalement la SS. Comment un Français
devient-il le « bourreau des Français » ?
PAGES
UN PROFESSEUR EN CRYPTOGRAPHIE est chargé
par une mystérieuse organisation de re-
prendre les travaux d’un confrère assas-
siné. Au cours de ses recherches, il
découvre que Christophe Colomb ne se-
rait pas un Italien et que son identité
cache un terrible secret. Une enquête
pleine de rebondissements.

FANATIQUES UN MONSTRE CODEX 632,

de Véronique À LA FRANÇAISE LE SECRET DE
Chalmet d’Eric Brunet CHRISTOPHE
Editions Prisma Ed. JC Lattès COLOMB
DOCUMENT BIOGRAPHIE ROMANCÉE de José Rodrigues
214 PAGES 321 PAGES dos Santos
HC Editions
ROMAN
384 PAGES

LOS ANGELES, DÉCEMBRE 1941. Après l’attaque
japonaise sur Pearl Harbor, la ville
plonge dans l’hystérie. Tout ce qui res-
semble plus ou moins vaguement à un
Japonais est suspecté d’appartenir à une
hypothétique cinquième colonne. Le
melting-pot US bouillonne sur fond de
meurtres et de machinations. De la
grande littérature noire.
LE CARAVAGE FUT UN GÉNIE TOTAL, un des plus
grands peintres de l’Histoire. Mais sa vie
elle-même fut une performance, un tour-
billon. Manara, maître italien de la
bande dessinée (érotique en particulier !),
nous montre un Caravage susceptible,
sensuel, bagarreur, plus vivant que le
commun des mortels.
UNE ADOLESCENTE, IMPLIQUÉE DANS LES MOUVE�
MENTS FÉMINISTES, raconte sa vie de jeune
fille dans les années 1950-1970. Elle décrit
les crispations de la société sur la question
de l’avortement. Une chronique très docu-
mentée de la lutte des femmes pour le
droit au choix.

PERFIDIA LE CARAVAGE LE CHOIX

de James Ellroy de Milo Manara de Désirée et
Ed. Rivages Ed. Glenat Alain Frappier
POLAR BD Ed. La Ville brûle.
829 PAGES 60 PAGES BD
120 PAGES

86 JUILLET�AOÛT 2015
POUR UN ÉTÉ PALPITANT

DE ÇA M’INTÉRESSE HISTOIRE. RÉGALEZ�VOUS !
HISTOIRE VRAIE ! En 1944, un détenu de Bu-
chenwald déroule le fil de sa vie. Il ra-
conte comment, à son installation
comme vétérinaire à Sablé-sur-Sarthe en
1919, sa peau noire a fait jaser. Puis com-
ment, malgré les préjugés, il s’est fait
élire premier édile de la commune en
1929, devenant ainsi le premier maire
noir de France métropolitaine.
PARIS, 1862. Depuis trois ans, chaque mois
de janvier, la police retrouve dans la rue
le corps de jeunes filles nues, minces et
plutôt grandes, d’une vingtaine d’an-
nées. Toutes égorgées. Leur ressem-
blance avec la comtesse de Castiglione,
ex-maîtresse de Napoléon III, est trou-
blante. Le jeune officier Dragan Vladeski
mène l’enquête.
N. ALLIARD / PHOTONONSTOP
LE VIEUX THOVMA KHATISIAN se remémore
l’histoire de sa famille décimée pendant
le génocide arménien, de 1915 à 1916.
Ecrite comme un conte, cette saga tragi-
comique dépeint le massacre avec une
écriture d’une justesse effroyable. L’au-
teur nous démontre par A + B l’absurdité
de la guerre.

RENDEZ�VOUS LA MORT S’HABILLE LE CONTE

AVEC L’HEURE EN CRINOLINE DE LA DERNIÈRE
QUI BLESSE de Jean-Christophe PENSÉE
de Gaston-Paul Effa Duchon-Doris d’Edgar Hilsenrath
Ed. Gallimard Ed. 10-18 Ed. Le Tripode
BIOGRAPHIE ROMANCÉE POLAR HISTORIQUE ROMAN
195 PAGES 352 PAGES 549 PAGES

� C’EST AINSI QUE DEVRAIT DÉBUTER UN FILM SUR
JÉSUS (…) : une jeune juive, âgée de 16 ans
au plus, se cache dans une maison. Sa
famille a été assassinée. Un soldat ro-
main la découvre et la viole. Elle s’ap-
pelle Marie. » Le « Fils de Dieu » serait le
fruit d’un viol ? Le réalisateur de RoboCop
écume les thèses de théologiens et d’ex-
perts en tout genre pour bâtir un portrait
inédit et rock’n’roll du Christ.
UNE JOURNALISTE EST CHARGÉE DE RÉALISER UN
DOCUMENTAIRE sur la révolution des œillets
en 1974, l’épisode qui mit fin à 48 ans
de dictature au Portugal. Elle rencontre
les participants et témoins de cette ré-
volte pacifique et recueille leurs souve-
nirs. En mêlant personnages historiques
et de fiction, Lídia Jorge raconte les
conséquences de cet événement sur la
société portugaise.
EN 1978, UN JEUNE INGÉNIEUR ALLEMAND
DÉBARQUE AU ZAÏRE pour superviser… le
programme spatial du pays. Une folie des
grandeurs du dictateur Mobutu. Une cri-
tique acerbe de la mégalomanie des dic-
tateurs africains, mais aussi des erreurs et
de la complicité des pays occidentaux.

JÉSUS LES MÉMORABLES MOBUTU

DE NAZARETH de Lídia Jorge DANS L’ESPACE
de Paul Verhoeven Ed. Métailié. d’Aurélien
Ed. Aux forges de ROMAN Ducoudray et
Vulcain 350 PAGES Eddy Vaccaro
BIOGRAPHIE ACIDULÉE Ed. Futuropolis
386 PAGES BD
112 PAGES

o 87
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LA GRANDE
AVENTURE DE
L’HOMME
3e partie

ET L’HOMME DEVINT
Pour survivre, notre cher Homo sapiens doit
apprendre à coopérer et à protéger coûte que coûte
ses petits. Et si la vie de couple était la solution ?
PAR PIERRE DELANNOY - ILLUSTRATIONS : ÉRIC MEURICE

90 JUILLET�AOÛT 2015
PÈRE DE FAMILLE RÉSUMÉ
DES ÉPISODES
PRÉCÉDENTS :
Il y a 1 million
d’années, Homo
erectus apprivoisait

P
le feu et découvrait,
du même coup,
etit visage avec un angle facial entre 82 sur terre mais, bien sûr, il ne le sait pas. Comme d’ha- la cuisine.
Une révolution :
et 88 degrés, volume cérébral entre bitude depuis quelques millions d’années, l’évolu-
autour d’une
1 400 et 1 600 cm3, absence de bourrelet tion mise toujours sur plusieurs candidats à la fois. bonne grillade, on
sus-orbitaire, menton saillant », ce sont Parmi eux, les hommes de Neandertal, qui se sont discutait, on
les critères distinctifs du crâne que les installés en Europe il y a 300 000 ans, 100 000 ans échangeait des
paléoanthropologues retiennent pour avant l’arrivée de Sapiens au Moyen-Orient. savoirs, on
qualifier ou non un fossile d’Homo sa- Comme 2 millions d’années auparavant, quand resserrait les liens.
Et grâce aux
piens. La dernière espèce en date du s’était formée la calotte arctique, une terrible glacia- protéines, le
genre Homo. La nôtre. Celle des « hommes anatomi- tion frappe. C’est la dernière, la plus monstrueuse, cerveau grossissait.
quement modernes ». Elle a vu le jour en Afrique il y du quaternaire. Elle débute vers les – 125 000 et Bref, on est devenu
a 200 000 ans. Homo sapiens n’est alors pas le seul Homo culminera en – 20 000. Le niveau des mers et des  plus « humain ».

o 91
LA GRANDE
AVENTURE DE
L’HOMME
3e partie
LORS DU DERNIER ÂGE GLACIAIRE,
L’ESPÈCE HUMAINE A ÉTÉ À DEUX DOIGTS
D’ÊTRE RAYÉE DE LA SURFACE DU GLOBE
 océans baisse de 120 mètres, libérant des passages
pédestres entre les continents, notamment un pont
terrestre sur le détroit de Béring qui permettra bien-
tôt les migrations des animaux puis des hommes vers
l’Amérique. Les températures chutent en moyenne
de 5 °C. Les glaciers descendent jusqu’au niveau de
l’actuelle Angleterre. Les massifs alpins se recouvrent
de neiges éternelles. Du jamais vu. En Afrique, la sé-
cheresse a rendu la vie impossible. Le gibier a fui, la
végétation agonise. La population mondiale aussi.
Certains chercheurs disent qu’il ne restait à cette
époque plus que quelques milliers de femmes repro-
ductrices. Les plus catastrophistes prétendent que
nous descendons d’un dernier groupe de 800 resca-
pés. Tous sont d’accord pour reconnaître que l’huma-
nité est passée par un « goulot d’étranglement », qui
aurait pu lui être fatal. Du coup, sa diversité géné-
tique a été considérablement réduite. Les violences
climatiques n’expliqueraient pas tout, une nouvelle
hypothèse évoque une épidémie infectieuse qui au-
rait fait son tri parmi les lignées survivantes.
FACE À L’ADVERSITÉ, DES TRIBUS SE RÉFUGIENT dans des
grottes sur la côte australe de l’Afrique du sud. Ici, le
niveau de la mer n’a perdu que 70 mètres, le rivage
se trouve à moins de 20 km. Ce sont les coquillages
qui vont arracher les Homo sapiens naissants à la fa-
mine. Encore faut-il savoir quand les ramasser. Ils
vont apprendre le mouvement des marées et consta-
 ter qu’il est lié aux cycles de la Lune. Bientôt ils maî-
trisent l’art de la pêche, se nourrissent de crabes,
À LIRE d’otaries, de dauphins. C’est la première fois qu’un
lointain cousin des « grands singes » s’attaque aux ri-
Le Troisième
Chimpanzé chesses halieutiques de la planète. « La mer a sauvé
de JARED DIAMOND l’humanité », estime Curtis Marean, de l’Arizona State
(éd. Gallimard/ University, le découvreur des habitations troglodytes
coll. Folio essais). de Pinnacle Point. Cause ou conséquence de son adap-
L’évolution et l’avenir tation aux circonstances, le cerveau de Sapiens a en-
de l’« animal core grossi. Ses capacités cognitives sont en plein
humain » par un
biologiste américain boom à mesure qu’il doit affronter des situations
fasciné par nos nouvelles. Il produit des bifaces et des poinçons – des
métamorphoses, outils pointus en os ou en bois qui servent à percer
anatomiques
mais surtout les peaux – de plus en plus élaborés. Homo sapiens
comportementales. réalise vite que sa seule intelligence ne servira à rien
92
s’il ne la transmet pas. Après avoir développé une
« culture matérielle », la fabrication d’objets destinés
à faciliter sa survie, il passe à la « culture cumulative »,
l’accumulation successive de connaissances à travers
les générations. Les autres animaux, mammifères,
oiseaux, poissons, acquièrent de l’info en observant
momentanément leurs congénères, mais ils ne la
stockent pas. Plus le climat exige des réponses sophis-
tiquées, plus Homo sapiens comprend qu’elles devront
être collectives. Avec la bipédie, un gros cerveau et
une enfance longue, la coopération est le quatrième
pilier de notre condition d’humain.
E
t l’amour dans tout ça ? Quand donc est-il né
ce sentiment ? Dans une autre grotte
d’Afrique du Sud, on a découvert des perles
de gastéropodes percées d’un trou, de façon,
semble-t-il, à être enfilées sur un collier. Ce
serait la plus vieille parure de l’histoire de
l’humanité. Un cadeau ? La monogamie fait de plus
en plus d’adeptes chez les hommes. La famille mono-
nucléaire s’impose peu à peu. Seuls 10% des mam-
mifères et 15 à 30% des primates, nos « grands frères »,
vivent en couple. Au départ, comme nos cousins, les
singes arboricoles, on a partagé les filles. Pour de plus
en plus d’anthropologues, la monogamie est une
étape cruciale de notre évolution. Deux raisons essen-
tielles. La première, c’est l’énergie, comme toujours
depuis l’aube des temps. Elever un enfant à crois-
sance lente, de sa naissance à sa majorité, ça vous
coûte dans les 13 millions de calories. Pour une
femme seule, c’est une tâche très lourde. Pareil pour
les mâles, entretenir plusieurs partenaires, ça pèse.
Une bonne gestion de cette nouvelle affaire qu’est la
famille nécessite une coopération accrue entre les
deux sexes. La sécurité est l’autre fondement de la
monogamie. De toute éternité, le mâle est une bête
de sexe dotée d’un ego surdimensionné. S’il tue fré-
quemment le bambin de sa voisine, ce n’est pas uni-
quement pour une partie de jambes en l’air, c’est
pour qu’elle cesse d’allaiter, qu’elle redevienne fé-
conde, et enfante ses propres rejetons à lui. Chez les
gorilles, les infanticides représentent 34% de la mor-
talité infantile. Evidemment, ça engendre des bastons
JUILLET�AOÛT 2015
 LA CHRONO
Vers – 7 Ma
Toumaï, un
Sahelanthropus
tchadensis,
présente des
signes de bipédie
partielle. Encore
simiesque, sa
denture et sa face
le rapprochent du
rameau humain.

– 3,1 Ma
L’Australopithecus
afarensis Lucy
se promène à
plein temps sur
ses deux jambes
dans les plaines
d’Ethiopie.

Vers – 2 Ma
Homo habilis
fabrique les
premiers outils
en pierre, des
galets à bord
tranchant qui lui
servent à dépecer
les charognes.
avec les géniteurs à la descendance assassinée. Ça l’Afrique, le continent qu’il est en train de quitter, est
aussi, c’est de la perte d’énergie. Pour rien. C’est avec relativement épargné, on suit son expansion mon-
– 1,5 Ma
Homo erectus
l’émergence d’Erectus il y a un peu plus d’un million diale à la lueur des extinctions d’espèces. En Eurasie, est le premier
d’années que nos aïeux se sont dit qu’ils devaient vont disparaître les mammouths laineux, les lions homininé à
mollir sur les filles et les bagarres. Le soir, autour des cavernes, les grands mammifères… En Australie, maîtriser le feu.
du feu sur lequel mijote une soupe de poissons, ils où Sapiens arrive vers les – 60 000/– 50 000 ans, tous
débattent de la « contribution paternelle ». les animaux de plus de 45 kilos y passent en quelques – 300 000

U
L’homme de
milliers d’années. C’est un vieux prédateur nomade Neandertal
n peu plus loin, dans le même habitat tro- qui traverse l’isthme de Suez et s’installe provisoire- apparaît en
glodyte, les archéologues sont tombés sur ment au Proche-Orient un peu après les – 100 000 Europe. Il est
deux petits morceaux d’ocre gravés et striés. ans. Le monde du paléolithique supérieur est encore petit et trapu
De toute évidence, au regard de leurs tracés très cosmopolite. On y croise toujours des vieux dé- pour mieux
résister au climat
irréguliers, ce sont des expressions codées. bris d’Erectus qui mettent du temps à jeter l’éponge.
rude de l’époque
Elles datent de – 70 000 ans. Plus de 50 000 Un peu plus loin, en Indonésie, vit encore l’homme glaciaire.
ans avant Lascaux, longtemps considéré comme le de Florès, un nain, probable descendant des pre-
lieu d’origine de l’art pariétal, des hommes ont stocké mières espèces du genre Homo à avoir émigré il y a – 200 000
des informations ailleurs que dans leurs cerveaux. On un bon million d’années. Homo sapiens,
appellera ça « la culture ». Tout court ! l’homme
moderne,
Un bref âge interglaciaire s’annonce. Il est temps CE QUI LUI EN FOUT UN COUP À SAPIENS, quand même, ce sont
apparaît en
pour Sapiens de quitter son réduit africain et de re- ces drôles d’individus qui lui ressemblent et qui ont Afrique. C’est
prendre la route. Comme leurs prédécesseurs, la l’air très à l’aise dans le coin. Les hommes de Nean- aujourd’hui la
plupart empruntent celle du Nord, vers l’Eurasie. dertal. Ce sont les deux dernières espèces en compé- seule branche
D’autres se dirigent au contraire vers l’est et le sud tition. Une seule survivra…  survivante
(via le Moyen-Orient et jusqu’en Australie). Quand il de l’arbre
se lance à l’assaut du monde, l’« Homo nouveau »
commence à être vraiment bien armé et peut s’atta-

À LIRE DANS LE PROCHAIN NUMÉRO :
généalogique
des homininés.

quer à une grande variété de gibiers. Alors que QUI A EU LA PEAU DE NEANDERTAL ?

o 93
 RÉDACTION
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GAULOIS ET IDÉES RECUES

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Dans le numéro 30 de votre magazine,
Secrétaires de rédaction : dans la rubrique « Zapping » (page 91),
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Iconographie : Christine Yvaren, 5930. gaulois, mais arverne. » Or, dans le Petit
Ont participé à ce numéro : Olivier Balez,
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Larousse illustré, à propos de Vercingétorix,
Chalmet, Pierre Delannoy, Manuela France, on lit : « général et chef gaulois né dans le
Christophe Gautier, Marion Guyonvarch, Maylis
Jean-Préau, Eric Le Braz, Cléo Lemoisson, pays des Arvernes. » Cette précision me
Karine Parquet, Hugues Piolet, Jean-Paul
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Nathalie Lefebvre du Preÿ, 5320. Directeur n’existe pas ! La Gaule ne correspond à aucune entité archéologues et historiens démontent une à une nos
du marketing opérationnel : Charles Jouvin,
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ils se répartissent en tribus (Eduens, Arvernes,
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Editeur : Martin Trautmann.
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LE FANTA, E
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(France). Ça m’intéresse Histoire
Service Abonnement – 62066 Arras Cedex 9
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NÉ SOUS LE III REICH
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(prix d’une communication locale)
Numéro de téléphone depuis l’étranger : revue, j’ai été très intéressé par votre brève
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MOHN
Media Mohndruck GmbH de mai-juin 2015, page 11. J’ai lu dans
Carl-Bertelsmann Straße, 161 M Coca-Cola, l’enquête interdite que le Fanta
33311 Gütersloh
Abonnement : avait bien été créé par un Allemand,
Tarifs pour 1 an/6 numéros : 27 €
© PRISMA MEDIA 2014. mais dans le but de laisser une trace de
Dépôt légal : juin 2015.
Diffusion : Presstalis – ISSN : 2117 – 9468. Coca dans une Allemagne interdisant
Création : décembre 2010.
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toute industrie étrangère.
La rédaction n’est pas responsable de la perte ou Et qu’à la base il s’agissait d’une copie
de la détérioration des textes ou photos
qui lui sont adressés pour appréciation. du Coca sans le sirop de base propre à sa
La reproduction, même partielle, de tout matériel
publié dans le magazine est interdite. fabrication. De même, dans ce livre, on
Magazine mensuel édité par
13, rue Henri-Barbusse, 92624 Gennevilliers
apprend que le patron de Fanta n’était
Cedex Tél. : 01 44 15 30 00. autre qu’un proche de Coca.
Société en nom collectif au capital de 3 000 000
d’euros, d’une durée de 99 ans, ayant Cordialement.
pour gérant Gruner + Jahr PAÏS SÉBASTIEN
Communication GmbH.
Ses trois principaux associés
sont Média Communication o Bonjour Sébastien. Dans l’article d’origine,
SAS, Gruner und Jahr
Communication GmbH nous disons – comme vous – que c’est un Allemand
et France Constanze-
Verlag GmbH & Co KG.
qui invente, sous le IIIe Reich, « une nouvelle boisson à
bulles, composée uniquement de produits disponibles en
temps de guerre ». Vos précisions donnent encore plus
de relief à cette information. Merci pour ces détails !
94
JUILLET-AOÛT 2015
 UNE IDÉE, UNE PRÉCISION,
UN COMMENTAIRE : ÉCRIVEZ-NOUS
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LE POST QUE VOUS AVEZ PRÉFÉRÉ

BERLIN AVANT/APRÈS
publié le 7 mai 2015
L’AVEZ�
VOUS LU ?
IMPRESSIONNANT !
1945-2015, Berlin, la
reconstruction. Juste après la
capitulation de l’Allemagne, un
photographe soviétique, Georgiy
Samsonov, arpente les rues de Sept infos extra à ne

DR
Berlin en ruine. Soixante-dix ans
plus tard, le photographe berlinois Fabrizio Bensch est repassé sur les mêmes lieux…
surtout pas manquer
aujourd’hui resplendissants de vie ! On se relève de tout, même du pire des chaos. dans ce numéro.
Retrouvez-nous sur www.facebook.com/CaMinteresseHistoire

 Au VII siècle, Wu Zetian, future

e

impératrice de Chine, étouffe sa

DES PRÉCISIONS SUR
L’HISTOIRE DES CONTES
Je viens de lire votre article « La cruelle
origine de nos contes de fées », dans le
numéro de mars-avril 2015, et j’aimerais
en savoir plus sur les contes de
notre enfance. Pouvez-vous
m’aider ? Merci.
AMANDINE BÉAL
o Bonjour Amandine, nous
vous recommandons le site de la
Bibliothèque nationale, qui consacre un
dossier entier aux contes de fées
(avec deux sous-dossiers très fouillés
sur Cendrillon et Le Petit Chaperon
rouge), sur http://expositions.bnf.fr/
contes. Vous pouvez aussi vous plonger
dans L’Histoire des contes, de Catherine
Velay-Vallantin, qui étudie des récits moins connus
(La Fille aux mains coupées, La Vénus d’Ille, etc.).
propre fille pour pouvoir accuser
une rivale de ce meurtre (page 48).
A compléter, si vous en avez envie, par une analyse
plus introspective : Psychanalyse des contes de fées,
de Bruno Bettelheim, un livre de référence, paru  Après l’armistice de 1918, les
en 1976. Bonne lecture à vous ! vainqueurs qui tracent de nouvelles
“oublient” une
frontières
poignée de villages rhénans,
qui en profitent pour proclamer leur
indépendance (page 98).
 En 1909, la police nourrit de
force , par la bouche ou par le nez, des
féministes anglaises en grève de la
faim ; certaines en mourront (page 72).
 Des paléoanthropologues estiment
qu’au dernier âge glaciaire, il ne restait
peut-être plus que 800 hommes
sur Terre (page 90).

LE SAVOIR ANTIQUE
EN CITATIONS
Je me permets de vous contacter pour
vous présenter un site sur l’Antiquité,
qui a déjà fait son petit bout de chemin
et qui pourrait intéresser vos lecteurs.
Il s’agit de Citations Antiques (www.
citations-antiques.com). Ce site a pour
but de diffuser le savoir des Anciens
à travers leurs citations. Mais c’est
également une communauté qui permet
aux membres de partager ce savoir
en ajoutant des citations, en créant des
listes de favoris et bien plus encore.
A l’heure où j’écris ces lignes, on compte
o
1 683 citations (elles sont ajoutées
quotidiennement) et le site représente
aujourd’hui la plus grande base
de données francophone de ce genre.
Parmi les membres du site, on compte
aujourd’hui des professeurs (histoire,
philosophie, histoire de l’art…),
des traducteurs, des archéologues, des
éditeurs et beaucoup de passionnés !
Bien cordialement.
JÉRÉMY SULTAN
o Un site qui se donne pour objectif de
partager le savoir antique tout en invitant les internautes
à enrichir sa base de données ? Voilà qui colle tout à fait
à notre vision de la connaissance ! Merci Jérémy !
 Entre 1663 et 1673, Louis XIV
envoie plus de 700 femmes – pour la
plupart, sans famille et démunies –
peupler le Québec (page 59).
 « La relation entre l’homme
et la femme est par nature telle que
l’homme est supérieur à
la femme », Aristote, philosophe
grec, IVe siècle avant J.-C. (page 62).
 Après sept ans de mariage,
Louis XVI a dû se faire expliquer les
choses du sexe par son beau-frère,
afin de pouvoir devenir père (page 40).
95
DANS LA MACHINE À REMONTER LE TEMPS
RDA/PVDE

DAVE est la nouvelle idole

du hit-parade. Dansez
maintenant, reprise d’un
standard de jazz de Glenn
Miller de 1939, sera le slow
de l’été 75 ! Deux mois
plus tard, il récidive avec
Du côté de chez Swann...

IL Y A 40 ANS, la France
en vacances, c’était une autre
ambiance. Flashback !

D. KINDERSLEY/GETTY IMAGES
PAR VÉRONIQUE CHALMET
DR

FLUIDE GLACIAL
Depuis avril, on n’attend
que lui ! Le numéro 2
du plus libertaire des
magazines de BD, fondé
par Gotlib, Alexis et
Diament. C’est parti pour
H. ARMSTRONG ROBERTS/CORBIS

30 ans d’humour décalé.

“L’HOMME QUI VALAIT

3 MILLIARDS” est diffusé
sur Antenne 2. L’histoire
de cet ancien astronaute
devenu agent secret et de À LA PLAGE, on écoute sur son transistor
ses prothèses bioniques qui Guy Lux et son célèbre Schmilblick,
font de lui un surhomme repris par Coluche, et on se bidonne des
COLLECTION CHRISTOPHE L

durera 99 épisodes ! De ce frasques de Papy Mougeot… De quoi

succès naîtra l’une des nous faire oublier qu’on rate le dernier
premières séries dérivées : Numéro 1 spécial Johnny Hallyday de
Super Jaimie ! Maritie et Gilbert Carpentier.

96 JUILLET�AOÛT 2015

LA FAMEUSE 4L est synonyme de vacances et de liberté pour
les vétérans de Mai 68 qui sont passés aux 40 heures de travail
hebdomadaires et à la quatrième semaine de congés payés.
Alors on en profite ! On part en famille dans le Loir-et-Cher ou
en bandes de copains à Katmandou…
RDA/AGIP
BJÖRN BORG est aussi célèbre
que le boxeur Mohammed Ali.
Vainqueur de Roland Garros pour la
deuxième fois – il remportera le
tournoi à six reprises–, il lance l’ère
de la « Borgmania ». Tout le monde
veut se mettre au tennis.
o 97
“JE ME SOUVIENS…
… la Simca bleu ciel des
parents est pleine à ras
bord, la glacière déborde
de Banga goût ananas et
de Stella Artois, les pliants
et la table de camping sont
au milieu des jeux de
plage : diabolo, jokari,
pétanque en plastique et
chambre à air. Direction
La Baule ! Après une pause
dans un des Restoroute
de Jacques Borel, on
écoute le Jeu des mille
francs sur France Inter.
Ce samedi 2 août, la
circulation bouchonne sur
600 km ! Bison Futé,
ce sera l’an prochain.
PHOTODANZON/KHARBINE-TAPABOR
Enfin le camping ! La sono
diffuse Chanson populaire
de Claude François. J’adore
imiter les Claudettes, mais
mon petit frère me tire les
couettes ! Je le renvoie à
sa lecture du n° 2 de Fluide
Glacial. La journée, on ne
fait que nager et bronzer,
en se tartinant la peau de
graisse à traire !
Le soir, ambiance flirt sur
le tube du moment, L’Eté
indien, de Joe Dassin. Les
ados s’éclipsent dans les
dunes, les parents parlent
du film très chaud de Just
Jaeckin qui doit sortir le
28 août, Histoire d’O.
En grignotant du Galak,
j’écoute des K7 de James
Brown, AC/DC et Bruce
Springsteen, qui s’apprête
à faire un tabac avec Born
to Run. Du coup, je rêve de
la fameuse route 66 qui
traverse les Etats-Unis.
Comme Eddy Mitchell, qui
vient, lui, d’être fait shérif
de Nashville à titre
honorifique ! Ce mois de
vacances passe en un
éclair. Pour septembre, je
KEYSTONE-FRANCE
veux qu’on m’offre la
première calculatrice
programmable de poche
Texas Instrument.
Quelques mois plus tôt,
LA MODE DU MONOKINI envahit les plages deux inconnus, Bill Gates
de la Côte d’Azur. A Saint-Tropez, comme Brigitte et Paul Allen, ont fondé
Bardot, elles sont plus de la moitié à tomber une entreprise de micro-
le haut pour bronzer seins nus. Et même si un informatique, Microsoft.
arrêté préfectoral l’interdit, la mairie ferme On se demande si ça
les yeux ! La « liberté » des Françaises fera des marchera…»
émules aux Etats-Unis.
L’ H I S T O I R E
INSENSÉE
À LA DÉCOUVERTE DE
L’“ÉTAT LIBRE DU GOULOT”
S
i les militaires français et américains avaient
été meilleurs en géométrie, l’Etat libre du
Goulot n’aurait jamais existé ! Après l’armis-
tice de 1918, les vainqueurs se partagent la
Rhénanie, dans l’ouest de l’Allemagne. Co-
logne va aux Britanniques, Mayence aux
Français et Coblence aux Américains. Avec un compas,
un officier trace un cercle de 30 km de rayon autour
de chaque tête de pont. « Nous avions fait la terrible
erreur de laisser quelques acres de terre dans la zone
neutre », écrit Henri Mordacq, commandant du
30e corps de l’armée d’occupation. Trop tard. Le tracé
a été validé par un traité ! C’est ainsi que les habitants
de Lorch, de Kaub et de trente petits villages viticoles
se retrouvent coupés du monde.
AU NORD ET AU SUD, IL Y A LES ZONES OCCUPÉES, à l’ouest, le
Rhin, et à l’est, les montagnes du Taunus, qui séparent
la bande de terre de l’Allemagne. Les habitants dé-
couvrent avec stupéfaction que leur territoire a la
forme d’un goulot de bouteille ! Pas peu fiers, ils pro-
clament l’Etat Libre du Goulot (Freistaat Flaschenhals).
Edmund Pnischeck, le bourgmestre de Lorch, officialise
les choses en télégraphiant à la Commission allemande
d’armistice : « Entre Bonn et Mayence, au moins, il y a
encore une bande d’authentique région rhénane ! »
Il n’a beau mesurer que 800 mètres de large en son
point le plus étroit, l’Etat libre du Goulot fonctionne
comme un vrai pays : passeport, télégraphe, système
postal... « L’argent, surtout les petites coupures, était
98
Edmund Pnischek (à g.),
maire de Lorch, décide
d’imprimer sa propre monnaie
et ses propres timbres. Le
FREISTAAT FLASCHENHALS INITIATIV - H. VON PERCKHAMMER/BPK
palais de Kaub (à dr.) servira
de poste de douanes.
PAR MAYLIS JEAN-PRÉAU
devenu chose rare », raconte le bourgmestre. Qu’à cela
ne tienne ! L’Etat imprime sa propre monnaie. L’hu-
mour des vignerons en prime. « A Lorch sur le Rhin,
le gobelet tinte, car le vin de Lorch enlève les soucis »,
lit-on sur un billet. Ou encore : « Si Adam avait eu du
vin de Lorch, il n’aurait pas mangé la pomme ! »
FURIEUX, LES FRANÇAIS DÉCIDENT D’ISOLER CES INSOLENTS.
Trains et bateaux ne s’arrêtent plus. Les produits de
première nécessité viennent à manquer. L’administra-
teur de Limburg, dans l’arrière-pays allemand, met en
place une diligence deux fois par semaine. Mais le che-
min à travers la montagne est difficile. Les vignerons
s’improvisent contrebandiers. Charbon et denrées ali-
mentaires transitent aux heures sombres en échange
de vin et de liqueurs. « La nuit, un bateau à moteur
s’amarrait sur une des îles de Lorch. La marchandise
était transbordée sur des voitures et des chariots, qui
allaient ensuite vers Limburg », écrit le journaliste Her-
mann Jung. Tout cela n’amuse pas du tout les occu-
pants ! En janvier 1923, l’Allemagne ayant pris du
retard dans le paiement des dommages de guerre, la
France et la Belgique occupent toute la Ruhr. Et le 25 fé-
vrier, un régiment de spahis marocains pénètre dans
Lorch. Les vignerons refusent de leur servir à manger.
« Le bourgmestre de Lorch a été condamné à deux mois
de prison et 50 000 marks d’amende, pour n’avoir pas
exécuté un ordre des autorités d’occupation », rapporte
Le Courrier du Loiret. Un an plus tard, le territoire réin-
tégrait l’Allemagne signant la fin de l’Etat Libre. 
JUILLET�AOÛT 2015
NOUVEAU
Comment bascule-t-on dans le fanatisme ?
Un livre éclairant à travers des portraits d’assassins qui ont marqué l’Histoire

Y a-t-il un terrain propice au

fanatisme, une prédisposition
psychologique ? Pourquoi vouloir
à tout prix sacrifi er sa vie à un
idéal, une divinité – ou juste à une
célébrité ?

Après le succès de L’Enfance des

Dictateurs, Véronique Chalmet
dévoile des aspects méconnus de
l’Histoire et propose une galerie de
portraits étonnants dans laquelle
vous découvrirez les obsessions et
les parcours hors du commun de
personnages devenus les icônes
d’une véritable légende noire.

Disponible en librairies et rayons livres

216 pages + 8 pages de photos
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