Vous êtes sur la page 1sur 20

REPUBLIQUE DU MALI

Un Peuple – Un But – Une Foi

ECOLE NATIONALE D’ADMINISTRATION DU MALI

EVALUATION DU MODULE COMPTABILITE PUBLIQUE

Thème : LE CONTROLE JURIDICTIONNEL DES COMPTES PUBLICS

Présenté par :
GROUPE DE TRAVAIL N°10
MEMBRES DU GROUPE :
1. Yacouba KONATE, Inspecteur du trésor, N°MLE : 0160.933-D
2. Mamby KEITA, Inspecteur des Impôts, N°MLE : 0160. 902-T
3. Fousseini SANGARE, Administrateur civil, N°MLE : 0160.840-Y
4. Moussa COULIBALY, Administrateur civil, N°MLE : 0160.841-Z
5. Drissa KONATE, Administrateur civil, N°MLE : 0160.851-K
6. Boubacar TRAORE, Inspecteur des finances, N°MLE : 0131.112-R
7. Mahamane MAHAMADOU, Inspecteur des finances, N°MLE : 0160.897-M
8. Zoumana DEMBELE, Inspecteur des finances, N°MLE : 0160.898-N
9. Aboubacar Cheick SIDIBE, Inspecteur des douanes, N°MLE : 0145.672-L
10. Mohamed DAO, Inspecteur des douanes, N°MLE : 0160.874-L
11. Soumana DIARRA, Administrateur du travail et sécurité, N°MLE : 0143.276-N
12. Yacouba SOGORE, Planificateur, N°MLE : 0160.916-J
13. Sékou OUOLOGUEM, Conseiller des affaires étrangères, N°MLE : 0160.864-A

7ème PROMOTION DES ELEVES FONCTIONNAIRES

Chargé de cours : Pr. Mohamed TRAORE


1
SOMMAIRE

Introduction………………………………………………………………………………...…04

I. Les modes de contrôle exercé par la juridiction des comptes………………….


….06
A. Les activités de contrôle purement juridictionnelles………………………………..…
06
B. Les activités de contrôle extra-
juridictionnelles……………………………………....08
II. Les décisions rendues par la juridiction des
comptes……………………………..11
A. Les décisions en matière juridictionnelles………………………………………….…
11
B. Les décisions extra-juridictionnelles………………………………………………….12
C. Les voies de recours…………………………………………………………………..15

Conclusion…………………………………………………………………………..……17

Bibliographie…………………………………………………………………….………..18

2
Sigles et abréviations :

Al Alinéa
BAD Banque Africaine de Développement
BVG Bureau du Vérificateur Général
COVID-19 Coronavirus Disease 2019
CREE Commission de Régulation de l’Energie et de l’Eau
RAP Rapport Annuel de Performance
UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africain
SMT Système Minimal de Trésorerie

3
Introduction

Le contrôle est un maillon essentiel de la transparence dans la gestion des finances publiques.
Il constitue une exigence démocratique inscrite dans les différents instruments juridiques de
notre pays, le Mali, depuis son accession à l’indépendance en 1960. Le contrôle se déroule en
trois phases : le contrôle administratif, le contrôle parlementaire et le contrôle juridictionnel.
C’est le dernier contrôle qui fera l’objet de notre analyse.

Aux termes de l’article 74 de la loi n°2013-028 du 11 juillet 2013 portant loi de finances au
Mali et l’article 75 de la directive n°6/2009 portant lois de finances au sein de l’UEMOA,
« la juridiction des comptes juge les comptes des comptables publics. Sans préjudice de ses
attributions propres en matière de contrôle juridictionnel et non juridictionnel telles que
définies par la législation en vigueur, la juridiction des comptes assiste le Parlement dans le
contrôle de l’exécution de la loi de finances. La cour des comptes exerce un contrôle sur la
gestion des administrations en charge de l’exécution des programmes et dotations. Elle émet
un avis sur les rapports annuels de performance ». Il ressort de l’analyse de cette disposition
que le contrôle juridictionnel renvoie à l’exercice d’activités juridiques et extra juridiques
confiées à une institution spécialisée : la Cour des comptes.

Au Mali, de l’indépendance à nos jours, cette mission de contrôle juridictionnel des comptes
publics a été assurée d’abord par la Cour d’Etat de 1960 à 1965 et ensuite depuis 1965 par la
section des comptes de la cour suprême. A cette époque, la Cour d’Etat était présidée par le
ministre de la justice, toute chose qui ne garantissait pas l’indépendance de la juridiction. La
loi n°65-02 du 13 mars 1965 instituant la cour suprême a supprimé cette présidence et placé la
cour suprême sous l’autorité d’un premier président. Aussi, les collectivités territoriales
existantes (13 communes) n’étaient pas visées par le contrôle juridictionnel. Cela s’explique
certainement par le fait que la décentralisation n’était pas effective.

4
Ainsi, les différentes réformes intervenues au cours de la 2 eme et de la 3eme républiques ont
maintenu les missions de contrôle juridictionnel dans la compétence de la section des comptes
de la cour suprême. Les réformes de la 3 eme république ont eu le mérite d’élargir les
compétences de la section des comptes à toutes les nouvelles formes d’organisation de la
gestion publique et renforcer l’indépendance de ses membres. La loi n°96-071 du 16
décembre 1996 modifie son organisation en créant une chambre de jugement des comptes,
une chambre de vérification des comptes et de contrôle des services personnalisés, une
chambre de discipline financière et budgétaire. Malgré, la section des comptes reste
confronter à des problèmes de ressources humaines, financières et matérielles.

Cependant, l’adoption de la Constitution du 22 juillet 2023 qui institue une Cour des comptes
est une marque d’espoir pour le renforcement du contrôle juridictionnel. Selon son article
158 « la cour des comptes juge les comptes des comptables publics de derniers et de
matières. Elle contrôle la régularité des opérations financières, sanctionne les fautes de
gestion, déclare et apure les gestions de fait ».

Le contrôle juridictionnel s’exerce a posteriori sur les comptes des comptables publics et sur
les administrateurs dans le cadre de la répression des « fautes de gestion ». Il s’agit de tous les
contrôles exercés par la juridiction financière. Son objectif essentiel est « l’apurement des
comptes des comptables publics » dont le préalable est la rédaction du rapport sur l’exécution
de la loi de finances et la déclaration générale de conformité, en prélude à la loi de règlement.

Toutefois, on note de sérieuses difficultés dans l’exercice de cette mission de contrôle


juridictionnel. Pour la période 1992 à 2008, des milliers de comptes de gestion ont été fournis
à la juridiction des comptes qui devait les juger. Mais réduite à douze conseillers, la
juridiction n’a pu apurer ces comptes. A la suite d’une alerte du gouvernement, un jugement
accéléré a été fait et a donné lieu à la tenue de 61 audiences dont 200 jugements rendus sur
4.752 comptes publics. Cette volonté politique a permis la tenue de plusieurs autres audiences
à travers l’octroi des moyens financiers conséquents. Ainsi, de 2014 à 2018, la juridiction a
jugé 1.118 comptes publics. Aussi, elle a émis des rapports et avis sur l’exécution de la loi de
finances et la vérification financière de gestion. Ce bilan met en évidence l’exercice des
missions juridictionnelles et extra juridictionnelles de la juridiction financière.

L’analyse de cette thématique permet de mettre en lumière le rôle crucial de la juridiction


financière pour la transparence dans la gestion des fonds publics. Ceci permet de voir le bilan

5
de cette forme de contrôle et également de juger le niveau de transparence dans la gestion des
derniers publics.

De ce fait, notre réflexion porte sur la problématique suivante : quels sont les modes de
contrôle de la juridiction des comptes sur les comptes publics ? et quels en sont les décisions
rendues ?

Pour répondre à cette problématique, nous aborderons d’abord les modes de contrôle exercé
par la juridiction de comptes (I) et ensuite, les décisions rendues par celle-ci (II).

I. Les modes de contrôle exercé par la juridiction des comptes :

Dans le cadre de sa mission de contrôle juridictionnel, la juridiction financière mène plusieurs


activités de contrôle. Ces activités de contrôle sont soit purement juridictionnelles (A) ou
extra juridictionnelles (B).

A. Les activités de contrôle purement juridictionnelles :

Au titre des activités juridictionnelles réalisées, on note essentiellement le jugement des


comptes des comptables publics (1) et la prestation de serment des comptables publics (2).

1. Le jugement des comptes publics :

Selon les dispositions de l’article 74 de la loi n°2013-028 du 11 juillet 2013 portant loi de
finances au Mali et l’article 75 de la directive n°6/2009 portant lois de finances au sein de
l’UEMOA, le jugement des comptes des comptables publics est la mission principale de la
juridiction financière. A cet effet, elle dispose d’un délai de 05 ans pour rendre une décision.
En l’absence d’un jugement dans ce délai, le comptable public est déchargé d’office de sa
gestion. Cela explique qu’après 05 ans de cessation de fonction de comptable public, l’agent
public ne peut plus être poursuivi pour « faute de gestion » si aucun jugement n’a été rendu
dans ce délai.

6
Pourtant, le rapport annuel 2012 de la section des comptes du Mali indique que de 1960
jusqu’à sa publication « aucun compte de gestion de comptable public n’a été jugé en
république du Mali ». Cela revient à dire qu’aucun comptable public de cette période n’avait
été déchargé de sa gestion, même ceux déjà admis à la retraite ou décédés. Cette situation met
en évidence l’absence de transparence dans la gestion des finances publiques pour la période.

Pour remédier cette situation préjudiciable aux missions de la juridiction financière, le


gouvernement avec l’appui de l’Union européenne, a commandité en 2010 une étude
opérationnelle sur les modalités de certification et de jugement des comptes publics de 1960 à
2008. Le rapport issu de cette étude a formulé trois recommandations : l’adoption d’une loi
portant validation de la gestion des comptes publics de 1960 à 1991 ; l’apurement
juridictionnel accéléré des comptes publics allant de 1992 à 2008 ; la mise en place d’un
dispositif pérenne de jugement régulier des comptes à partir de 2009.

En application des recommandations de cette étude, la loi n°2013-001 du 15 janvier 2013


portant validation des comptes des comptables publics de 1960 à 1991 a été adoptée par
l’Assemblée nationale. Ainsi, 157 comptes publics ont été validés par la voie législative. Un
apurement accéléré des comptes publics de la seconde période (1992-2008) a été entrepris en
2013.

Les opérations d’apurement ont porté sur 4752 comptes dont 186 des comptables publics de
l’Etat et 4566 des comptes des comptables principaux des Collectivités Territoriales. Les 186
comptes produits par les comptables principaux du trésor ont été décliné en 46 rapports
d’instruction et l’analyse des 4566 des comptes des Collectivités Territoriales ont donné lieu à
156 rapports d’instruction. A l’issue de l’instruction des comptes, deux cents (200) arrêts ont
été rendus dont 46 au titre des comptes des comptables publics de l’Etat et 154 concernant les
comptes des Collectivités Territoriales. Dans cette même perspective, 153 comptes des
Collectivités Territoriales ont été jugés pour l’exercice budgétaire 2009.

Toutefois, on note depuis quelques années une lenteur dans la production des jugements des
comptes publics de l’Etat et des Collectivités Territoriales. Les comptes des exercices
budgétaires de 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 ne sont pas encore totalement
jugés. Cette situation est inquiétante et nous conduit à une violation des règles de transparence
dans la gestion des finances publiques.

7
2. La prestation de serment :

Le serment est un engagement personnel et solennel donné par les comptables publics selon la
forme décrite par la loi devant la juridiction financière avant l’entrée en fonction. Cette
prestation de serment est prévue par l’article 18 de la loi n°96-061 du 04 novembre 1996
portant principes fondamentaux de la comptabilité publique. Cette prestation de serment a lieu
lors d’une audience publique organisée par la juridiction financière.

Selon les rapports de la section des comptes, elle a fait prêter serment deux cents cinquante-
six (256) comptables publics entre 2012 et 2015. Cette obligation permet que soit engagée, le
cas échéant, la responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables publics en cas de
manquement à leurs devoirs et aux principes comptables.

Malgré cette prescription légale, le rapport annuel 2014 de la section des comptes souligne
que « les comptables des budgets annexes (entrepôts maliens dans les ports de transit) ainsi
que ceux de certaines administrations financières, notamment les receveurs des recettes des
impôts n’ont pas prêter serment devant le juge des comptes ». Ils exercent alors leurs
fonctions dans l’illégalité au vu et au su des autorités compétentes même si leur responsabilité
est toujours susceptible d’être engagée de fait.

Conformément à l’article 294 de la loi regissant la cour suprême, la section des comptes
sanctionne les faits suivants : l’engagement des dépenses sans avoir le pouvoir ou sans avoir
reçu délégation de signature ; la violation des règles relatives à l’exécution des recettes et des
dépenses de l’Etat ou des Collectivités territoriales ; l’omission de la souscription des
déclarations obligatoires aux administrations fiscales ou la fourniture de déclarations
inexactes ou incomplètes ; la procuration injustifiée à autrui d’un avantage pécuniaire ou en
nature entrainant un préjudice pour le trésor ou une collectivité publique, etc.

Au regard des développements ci-dessus, on note des difficultés pour la juridiction financière
à assurer le contrôle de l’ensemble des comptes publics et d’autres matières qui lui sont
assujettis. Cela peut être constaté aussi bien dans le jugement des comptes publics que
s’agissant de la prestation de serment des comptables publics. Cette situation est également
perceptible pour les activités non juridictionnelles.

B. Les activités de contrôle extra-juridictionnelles :

8
Les activités non juridictionnelles sont essentiellement relatives à l’élaboration des documents
sur l’exécution de la loi de finances (1), la vérification de gestion financière des organismes
publics (2) et la vérification des comptes des partis politiques (3).

1. L’élaboration des documents sur l’exécution des lois de finances :

Aux termes de l’article 50 de la loi organique n°2013-028 du 11 juillet 2013 relative aux lois
de finances, la juridiction des comptes établit un rapport sur l’exécution des lois de finances,
une déclaration générale de conformité entre les comptables publics et les ordonnateurs ainsi
qu’un avis sur les rapports annuels de performance des programmes. Ces documents doivent
accompagner le projet de loi de règlement.

Le rapport annuel 2012 de la juridiction des comptes précise que le rapport sur l’exécution de
la loi de finances « constate la régularité des opérations budgétaires décrites dans les
comptes généraux de l’Etat et rend compte de la gestion des autorisations de recettes et de
dépenses données au Gouvernement par l’Assemblée nationale ». Aussi pour la période 2012-
2015, les rapports sur l’exécution des lois de finances et les déclarations générales de
conformité ont été élaborés par la juridiction. Les constatations relevées et les
recommandations formulées ont été adressées aux autorités compétentes.

Toutefois, on note de plus en plus des retards dans la rédaction des rapports annuels. Le
rapport annuel 2015 a été publié en avril 2018, soit trois (03) ans après la réalisation des
activités. Cela constitue une insuffisance grave à corriger pour le respect des normes
financières et la prise en compte des éventuelles irrégularités constatées. Des efforts doivent
être déployés pour une meilleure production des rapports dans les délais indiqués.

2. La vérification de gestion financière des organismes publics :

Selon l’article 116 de la loi organique de 2016 sur la cour suprême, la section des comptes
vérifie la gestion financière des agents de l’ordre administratif chargés de l’exécution du
budget d’Etat et des autres budgets que les lois assujettissent aux mêmes règles. Elle contrôle
les comptes des comptables publics de matières, examine la gestion financière et comptable
9
des organismes dotés de la personnalité juridique et de l’autonomie financière dans lesquels
l’Etat ou les autres collectivités publiques ont un intérêt financier. Elle vérifie et apprécie la
sincérité des visas des contrôleurs financiers sur les documents administratifs et de gestion.

Dans le cadre de cette attribution, la juridiction financière a effectué plusieurs contrôles de


vérification financière durant la période 2012-2015. Ainsi, ces vérifications ont porté sur les
centres hospitaliers universitaires de Gabriel Toure et de Kati, la Commission de régulation de
l’énergie et de l’eau, la Redevance de l’éclairage public de la Mairie du District de Bamako et
le Bureau du Vérificateur Général. A l’issue de ces contrôles, les rapports ont relevé des
insuffisances et formulées des recommandations adressées aux autorités de tutelle, notamment
les ministres de la santé et celui de la décentralisation pour les hôpitaux et les chefs de
services des deux autorités administratives indépendantes (CREE et BVG).

Il faut relever à ce niveau également des difficultés liées essentiellement aux ressources
humaines qualifiées (expertises dans plusieurs spécialités) et financières nécessaires pour
assurer cette attribution. Le recours en 2015 d’un cabinet d’expertise comptable pour l’audit
des comptes de 11 Collectivités territoriales est une illustration parfaite de cette insuffisance.
Le recrutement de cabinet privé reste aussi limiter par les insuffisances de moyens financiers.

3. La vérification des comptes des partis politiques :

La loi n°00-045 du 07 juillet 2000 portant charte des partis politiques, abrogée et remplacée
par la loi n°05-047 du 18 aout 2005 prévoit l’aide financière de l’Etat aux partis politiques à
hauteur de 0,25% des recettes fiscales inscrites annuellement dans la loi de finances. Cette
aide financière a pour objectif de permettre aux partis politiques de remplir « leur mission
d’intérêt général, en concourant par les moyens pacifiques et démocratiques à la formation
de la volonté politique, ainsi qu’à l’éducation civique des citoyens et des dirigeants ayant
naturellement vocation à assumer des responsabilités publiques ». Pour la transparence dans
la répartition de cette aide financière, les articles 27 et 30 de la charte ont prescrit certaines
conditions d’éligibilité au financement public. La vérification du respecte de ces conditions
incombe à la section des comptes en vertu de l’article 116 de la charte.

Ainsi, au titre de l’exercice budgétaire 2012, quarante-six (46) partis politiques sur les cent
trente-huit (138) enregistrés au Ministère de l’Administration territoriale au 31 décembre
2012 ont communiqué leurs comptes à la section des comptes. A l’issue de la vérification, les

10
comptes de 38 partis politiques sont certifiés réguliers et sincères. Pour l’exercice 2013, sur
165 partis politiques, 58 partis politiques ont déposé leurs comptes. A la suite de la
vérification, 47 comptes de partis politiques ont été certifiés réguliers et sincères.

Les irrégularités reprochées aux partis politiques non bénéficiaires du financement public sont
relatives « à la non production de compte de gestion et des annexes obligatoires
conformément aux textes en vigueur ; l’absence ou insuffisance de pièces justificatives de
recettes et de dépenses ; la non tenue des registres et documents comptables ». L’analyse de
ces différentes comptes publics donne lieu à une prise de décision par la juridiction financière.

II. Les décisions rendues par la juridiction des comptes :

L’analyse des différents comptes des comptables publics donne lieu à une prise de décision
par la juridiction financière. Cette décision peut être juridictionnelle (A) ou extra
juridictionnelle (B). Certaines décisions font l’objet de recours juridictionnel (C).

A. Les décisions en matière juridictionnelle :

Selon l’article 274 al. 1e de la loi n° 2016-046 du 23 septembre 2016 pourtant loi organique
fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême et la procédure suivie
devant elle, « Tout comptable public doit rendre compte de sa gestion devant la Section des
Comptes ». La procédure de jugement des comptes des comptables publics est
essentiellement inquisitoire, c’est-à-dire dirigée essentiellement par le juge. La Section des
comptes exerce cette fonction de jugement de plein droit, sans qu’il soit besoin d’une saisine
particulière. Les comptables publics concernés sont simplement tenus, de par la loi, de
déposer, dans un délai donné, leurs comptes auprès de la Section ; autrement la Direction
nationale du Trésor et de la comptabilité publique peut y procéder à leur place, au cas où elle
dispose desdits comptes. Il faut cependant signaler que tout retard dans le dépôt des comptes
entraîne une amende. Les comptables dont les comptes relèvent du jugement de la Section
sont les comptables principaux de l’Etat, des établissements publics nationaux, car les
comptables secondaires rendent compte aux comptables principaux. Concrètement, il s’agit
des comptables des ministères, des universités et autres établissements publics de caractère
national. Puisqu’il s’agit d’un jugement, il faut donc procéder à l’instruction des comptes ;
celle-ci consiste en une vérification des comptes, des écritures et des pièces justificatives ; le

11
magistrat instructeur a la possibilité de demander des documents et renseignements
complémentaires à toute personne de son choix ; il peut se déplacer et se rendre sur place.
Après cette instruction méticuleuse, il établit un rapport, communiqué au procureur général.
Le compte peut alors « être appelé », c’est-à-dire faire l’objet d’une séance de jugement ;
après cela, la Section rend sa décision. Cette sentence obéit au principe du double arrêt.

1. L’arrêt provisoire :

D’abord, il est rendu un arrêt provisoire après lequel le comptable peut apporter des
justifications aux omissions et irrégularités relevées par la Section, et ce, dans le délai de deux
mois. Ensuite, la Section rend son arrêt définitif

Le retard du comptable dans la production des justifications peut être sanctionné dans l’arrêt
définitif par une amende de 100 000 F au maximum par injonction et par mois de retard
injustifié (article 278 de la loi organique).

2. L’arrêt définitif :

Si le compte du comptable public est excédentaire, l’arrêt dit que le comptable est « en avance
»; l’arrêt peut être un arrêt de décharge, ce qui signifie que les irrégularités ont été réparées ou
ont reçu une explication suffisante et le comptable public demeure en poste ; ce peut être un
arrêt de quitus, qui est également une forme de décharge, sauf que le comptable cède ou quitte
son poste comptable ou cesse totalement d’exercer de telles fonctions ; ce peut être enfin un
arrêt de débet ; celui-ci signifie que, non seulement les irrégularités n’ont pas été réparées,
mais également et surtout que le comptable est condamné à verser sur ses deniers personnels
les recettes omises, les dépenses irrégulièrement payées. Mais le comptable public dispose
toujours de la possibilité d’en demander la décharge ou la remise gracieuse au ministre chargé
des finances (art. 279 de loi organique). Si le ministre accorde cette remise gracieuse, le
comptable public est certes quitte, mais la personne publique constate un manque à gagner
dans sa trésorerie ; s’il s’agit de l’Etat, la créance sur le comptable public est admise « en non-
valeur » ; s’il s’agit d’un autre organisme, le ministre peut toujours remettre le débet, mais
sous réserve de combler les manquants sur les deniers de l’Etat, autrement, la créance contre
le comptable public demeure. L’arrêt rendu ne peut faire l’objet d’un appel ; il peut
néanmoins donner lieu à une révision ou à un pourvoi en cassation devant la Cour suprême en
formation comprenant des membres de la Section des comptes et de la Section administrative.

12
B. Les décisions extra-juridictionnelles :

Le contrôle extra-juridictionnel peut revêtir plusieurs formes : vérification (audit de


conformité, audit comptable et financier, audit de performance), évaluation de politiques
publiques et certification des comptes.

Ainsi, dans l'exercice de sa mission de contrôle des comptes publics, la section des comptes
de la Cour Suprême est en charge de la vérification sur pièces et sur place de la régularité des
recettes et des dépenses inscrites dans les comptabilités publiques. Elle doit aussi s'assurer du
bon emploi des crédits et des fonds et valeurs gérés par les services de l'État et par les autres
organismes publics ou tout autre organisme dans lequel l’Etat ou les organismes soumis au
contrôle de la Section des Comptes, détiennent, directement ou indirectement, séparément ou
ensemble, une participation au capital social.

Les décisions sont rendues à travers des rapports de vérification et de contrôle et des avis
consultatifs.

1. Les rapports de vérification et de contrôle :

L’article 354 de la loi n°2016-046 du 23 septembre 2016 fixant l’organisation, les règles de
fonctionnement de la Cour Suprême et la procédure suivie devant elle dispose : « la Section
des Comptes établit annuellement un rapport sur l’exécution des lois de finances
accompagnant la déclaration générale de conformité. Ce rapport est déposé sur le Bureau de
l’Assemblée Nationale en même temps que le projet de loi de règlement ».

Aussi, tous les ans, la Section des Comptes élabore un rapport dans lequel elle fait mention de
ses principales observations faites à l’occasion des vérifications et contrôles effectués au
cours de l’année précédente, et formule les propositions et suggestions propres à améliorer la
gestion des finances publiques et font l’objet d’un rapport annuel, à l’attention des autorités.

Ce rapport est remis par le Président de la Cour Suprême au Président de la République, au


Président de l’Assemblée Nationale, au Premier ministre, au Ministre de la Justice et au
Ministre chargé des Finances conformément aux dispositions de l’article 354, alinéa 2, de la
loi organique suscitée.

13
Il sera question successivement du contrôle de l’exécution des lois des finances, de l’examen
des rapports annuels de performance, des audits des administrations d’Etat, des organismes
personnalisés, des collectivités territoriales et de la certification des comptes des partis
politiques ainsi que du suivi des recommandations des précédentes missions de contrôle :
- élaboration du rapport sur l’exécution des lois des finances ;
- avis de la Cour sur les Rapports Annuels de Performance (RAP) ;
- contrôle de la gestion des Collectivités Territoriales ;
- missions d’audit ;
- audit des Organismes Publics ;
- certification des Comptes des Partis Politiques.

En application des dispositions des articles 116, 119 de la loi n°2016-046 du 23 septembre
2016 portant loi organique, fixant l’organisation, les règles de fonctionnement et la procédure
suivie devant elle, et de celles de l’article 27 de la loi n°05-047 du 18 août 2005 portant charte
des partis politiques, la Section des Comptes peut procéder à l’examen des comptes des partis
politiques au titre de chaque exercice.
Au total, au 31 mars 2021, quatre -vingt (80) comptes de partis politiques ont été déposés
dans le délai légal conformément à l’article 27 de la charte des partis politiques qui dispose
que « les Partis politiques sont tenus de déposer au plus tard le 31 mars de chaque année leurs
comptes annuels de l’exercice précédent auprès de la Section des Comptes de la Cour
Suprême… ». La Section des Comptes a mis en œuvre les diligences nécessaires prévues dans
le manuel pour la tenue des comptes des partis politiques qui s’inspire du Système Minimal de
Trésorerie « SMT » pour pouvoir :
- soit certifier que les comptes annuels sont réguliers et sincères et qu’ils donnent une
image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation
financière et du patrimoine des partis politiques à la fin de cet exercice ;
- soit assortir la certification de réserves ;
- soit refuser la certification des comptes.
Dans ces deux derniers cas, elle précise les motifs de la réserve ou du refus.
Au regard de la nature des anomalies significatives ou non, la Section des Comptes certifie la
sincérité des comptes de soixante- quatorze (74) Partis politiques et émet des réserves sur six
(06) comptes de partis politiques pour non production d’éléments probants suffisants et
appropriés.

14
2. Les avis consultatifs :

En sa qualité d'autorité de vérification et de contrôle indépendante, la section des comptes fixe


librement son programme de contrôle, sous réserve des travaux que peuvent lui demander le
Président de la République, le Parlement ou le Gouvernement.
La Section des Comptes de la Cour Suprême comporte deux (02) formations consultatives :
- le Comité des rapports et des programmes, composé du Président de la Section, des
Présidents des Chambres, d’un Conseiller par Chambre et d’un Représentant du
Ministère Public ;
- la Conférence des Présidents, composée du Président de la Section, des Présidents des
Chambres, du Représentant du Ministère Public, de la Secrétaire Général de la Cour
Suprême avec l’assistance du Chef de Section du Greffe, qui assure le secrétariat.

La Section des Comptes participe aux réunions de l’Assemblée consultative et siège aux
audiences des sections réunies de la Cour Suprême en matière de consultation juridique et de
conflits de compétence d’attribution entre les juridictions administratives et les juridictions
judiciaires conformément aux dispositions des articles 121 et 127 de la loi n°2016-046 du 23
septembre 2016.

Suite à un accord entre le Gouvernement du Mali et la Banque Africaine de Développement


(BAD), la Section des Comptes a procédé à l’audit de conformité des marchés publics
financés dans le cadre du Programme d’Appui de la BAD en réponse à la Crise de la COVID-
19, à travers le budget d’Etat en 2020.
De même, dans la mise en œuvre de l’appui institutionnel de l’Union Européenne, conclu
pour une durée de 24 mois, le cabinet Pyramis Audit et Conseil a réalisé pour le compte de la
Section des Comptes l’audit de certaines structures publiques en vue de s’assurer que les
ressources publiques sont gérées conformément à la réglementation en vigueur.

C. Les voies de recours :

Les arrêts définitifs de la Section des comptes sont exécutoires. La seule voie de recours est la
requête en révision devant la Section elle-même.

15
Ainsi, en se fondant sur la Loi n° 2016-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant
l'organisation, les règles de fonctionnement de la cour suprême et la procédure suivie devant
elle, au Titre IV Chapitre II, Section VI: l'article 316 dispose que la Section, nonobstant l'arrêt
définitif, peut, pour erreur, omission, faux ou double emploi découvert postérieurement à
l'arrêt, procéder à sa révision, soit d'office, soit à la demande du comptable, appuyée de pièces
justificatives recouvrées depuis l'arrêt, soit à la demande du Ministre compétent ou des
représentants légaux des collectivités et établissements intéressés.

La demande en révision est adressée au Président de la Section des comptes. Elle doit
comporter l'exposé des faits et moyens invoqués par le requérant, être accompagnée d'une
copie de l'arrêt attaqué, des justifications servant de base à la requête ainsi que des pièces
établissant la notification de cette requête aux autres parties intéressées.

Ensuite, l'article 317 nous dit ceci : « Selon qu'elle estime, après instruction, que les pièces
produites permettent ou non d'ouvrir une instance en révision, la Section statuant à titre
définitif, reçoit ou rejette la demande en révision. Lorsqu’elle reçoit la demande, la Section
prend par le même arrêt une décision préparatoire de mise en état de révision, la Section
statuant à titre définitif, admet ou rejette la demande en révision ».

Enfin l'article 318 de la même Loi dispose que le recours en révision contre un arrêt de la
Section des comptes doit être exercé dans un délai de deux (2) mois à compter de la date de
notification de l'arrêt. Le recours en révision n'est pas suspensif.

16
Conclusion :

Les finances publiques, compte tenu de leur impact direct sur l'atteinte des objectifs de toutes
les politiques, constitue un levier essentiel de la bonne gouvernance. Elles sont « le nerf de
l'État ». C'est pourquoi, les différentes formes de contrôles ont été conçues pour s'assurer de
leur bonne gestion qui est un facteur de développement. Il s'agit aussi de favoriser la
transparence des affaires publiques, qui est une quête permanente des États démocratiques
contemporains.

Le contrôle juridictionnel, plus indépendant, doit compléter les contrôles administratifs et


politiques car « tout pouvoir exige un trésor, tout trésor exige un compte et tout compte exige
un juge désintéressé ». L'essor des institutions de contrôle juridictionnel de contrôle des
finances publiques au Mali reste toutefois confronté à des dysfonctionnements. Ces
dysfonctionnements découlent non seulement des insuffisances fonctionnelles des structures
en place mais également de la répartition de leurs missions.

La Section des comptes de la cour suprême dont la création remonte à 1960, peine toujours à
assurer une efficace vérification externe de la gestion des finances publiques qui constitue un
élément essentiel de l'amélioration de la performance des administrations publiques et de la
bonne gouvernance.

Pour pallier cette insuffisance, la constitution du 22 juillet 2023 a institué la Cour des comptes
au rang de la sixième (6ème) institution constitutionnelle qui jouera le rôle d'une véritable
juridiction des comptes.

17
Bibliographie

- Constitution du 22 juillet 2023 ;


- Loi n°2013-028 du 11 juillet 2013 portant loi de finances au Mali ;
- Directive n°6/2009 portant lois de finances au sein de l’UEMOA ;
- Loi n°65-02 du 13 mars 1965 instituant la Cour Suprême ;
- Loi n°96-061 du 04 novembre 1996 portant principes fondamentaux de la comptabilité
publique ;
- Loi n°2013-001 du 15 janvier 2013 portant validation des comptes des comptables
publics de 1960 à 1991 ;
- Loi n° 2016-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l'organisation, les
règles de fonctionnement de la cour suprême ;
- Loi n°00-045 du 07 juillet 2000, modifiée, portant charte des partis politiques ;
- Moumouni GUINDO, L’évolution du système de contrôle des finances publiques au
Mali, Thèse de Doctorat en droit public, Université de Strasbourg, 2020, 424 pages ;
- Wourouma BOCOUM, Le contrôle juridictionnel des finances publiques au Mali :
contributions à la création d’une juridiction financière autonome, Mémoire Master,
Université de Strasbourg, Ecole Nationale d’Administration, 2018, 102 pages ;
- Rapports annuels de la section des comptes du Mali de 2012 à 2015 ;
- Rapport de la section des comptes de la Cour suprême du Mali sur l’apurement
accéléré des comptes.

18
TABLE DES MATIERES
Sommaire……………………………………………………………………………………..02

Sigles et
abréviations………………………………………………………………………….03

Introduction………………………………………………………………………………...…04

I. Les modes de contrôle exercé par la juridiction des comptes………………….


…………….06

A. Les activités de contrôle purement juridictionnelles………………………………..…..


….06

1. Le jugement des comptes………………………………………………………………...…


06

2. La prestation de serment……………………………………………………………………
07

B. Les activités de contrôle extra-


juridictionnelles……………………………………............08

1. L’élaboration des documents sur l’exécution des lois de finances……………………….…


08

2. La vérification de gestion financière des organismes


publics……………………………….09

3. La vérification des comptes des partis politiques………………………………………...…


10

II. Les décisions rendues par la juridiction des comptes………………………………….…..11

19
A. Les décisions en matière juridictionnelles…………………………………………..
……..11

1. L’arrêt provisoire…………………………………………………………………….
……..11

2. L’arrêt définitif…………………………………………………………………….……….12

B. Les décisions extra-juridictionnelles…………………………………………………...


…..12

1. Les rapports de vérification et de contrôle………………………………………….


……….13

2. Les avis consultatifs………………………………………………………………….


……..14

C. Les voies de recours…………………………………………………………………….


….15

Conclusion…………………………………………………………………………..……..…17

Bibliographie………………………………………………………………………………….18

20

Vous aimerez peut-être aussi