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Le ministère de l’Éducation nationale : histoire, organisation et fonctionnement Chapitre 1

Les origines du ministère de


l’Éducation nationale : la progressive
Fiche

1 mise en place du système éducatif


actuel au cours des XIXe et XXe siècles

En schématisant, on peut dire que le système éducatif français a connu trois grandes périodes de bouleversements
majeurs à l’époque contemporaine :
ff La « révolution scolaire » initiée par Jules Ferry dans les années 1880, très étroitement liée au projet
politique d’alors : il s’agissait pour les républicains de diffuser les principes et les valeurs de la République
à l’ensemble du territoire et de la population, et de faire des écoliers de futurs citoyens républicains ;
ff Les mutations des Trente Glorieuses dans les années 1960 et 1970, marquées par la « massification
scolaire » (très forte augmentation des effectifs d’élèves), de nouveaux objectifs en matière de
scolarisation obligatoire (volonté de démocratisation) et la mise en place du collège unique (qui existe
toujours aujourd’hui) ;
ff Les années 1980 et 1990, caractérisées par l’accumulation des problèmes, notamment au collège, et le
nouvel objectif de démocratisation du baccalauréat (objectif de « 80 % d’une classe d’âge au niveau du
baccalauréat », formulé en 1985).

1. Les lentes mais décisives mutations du


XIXe siècle
L’école est, tout au long du XIXe siècle, un enjeu politique et social majeur, disputé constamment
entre la gauche et la droite, entre républicains et non républicains, entre l’État et l’Église. Les lois et
les règlements concernant l’école ont donc été nombreux dès la Révolution française et au cours des
différents régimes politiques qui se sont succédé au cours du XIXe siècle.
Si l’on a tendance aujourd’hui à retenir surtout les lois de Jules Ferry sous la IIIe République, il ne faut
pas oublier que son œuvre scolaire prend appui sur de lentes mais décisives mutations qui se sont
produites au fil des décennies précédentes par le biais de quelques grandes lois qui ont largement
préparé la politique scolaire de la IIIe République ; on peut retenir par exemple la loi Guizot de 1833
qui organise l’enseignement primaire en obligeant chaque commune à entretenir une école (c’est
une grande nouveauté) ou bien encore les réformes modernisatrices engagées par Victor Duruy
dans les années 1860.
Cependant, la rupture majeure survient dans les années 1880 avec Jules Ferry : on peut parler de
« révolution scolaire ». C’est ainsi que la loi du 16 juin 1881 instaure la gratuité de l’enseignement
primaire, tandis que celle du 28 mars 1882 rend l’école obligatoire de 6 à 13 ans mais aussi laïque
puisqu’est créée une « instruction morale et civique » qui remplace l’instruction religieuse (loi qui
sera complétée par la loi Goblet de 1886 qui laïcise le personnel enseignant). L’organisation des
enseignements et des disciplines demeure cependant à peu près identique à celle qui prévaut depuis
le début du siècle, jusqu’à la vaste réforme de 1902 qui réorganise l’enseignement secondaire en
prenant désormais en compte ce que l’on appelle « l’enseignement moderne » (les langues vivantes
et les sciences) face aux « humanités classiques » (latin, grec, histoire, littérature) qui demeurent
néanmoins centrales dans les parcours scolaires.

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Chapitre 1 Le ministère de l’Éducation nationale : histoire, organisation et fonctionnement

2. Un système qui se perpétue jusqu’aux


années 1950
Ce système mis en place par la IIIe République se maintient dans ses grandes lignes jusqu’aux
années 1950. Le système scolaire demeure clairement inégalitaire en orientant très tôt les élèves
dans des filières desquelles il est impossible de sortir : dès la fin de l’école primaire, les meilleurs
élèves entrent directement au lycée en classe de 6ème tandis que les moyens intègrent des collèges
d’enseignement général de niveau moins élevé et les plus faibles sont envoyés dans des classes de
fin d’études ou des filières courtes qui préparent leur entrée sur le marché du travail dès la fin de la
scolarité obligatoire. Cette tripartition recoupe des inégalités sociales car ce sont les élèves issus
des couches populaires qui peuplent très majoritairement les filières courtes.
On note néanmoins quelques évolutions ou tentatives d’évolution notamment dues au Front populaire
(1936-1938) : l’obligation scolaire passe à 14 ans en 1936, et en 1937 le ministre de l’Éducation
Jean Zay tente une réforme pour démocratiser l’enseignement secondaire. Il propose de faciliter
l’entrée en lycée en supprimant l’examen d’entrée spécifique et en repoussant d’un an les choix
d’orientation définitifs, mais devant la forte opposition des professeurs il doit retirer son projet de
réforme.

3. Les évolutions depuis les années 1960 :


les hauts et les bas de la massification
scolaire
3A. Le contexte de la massification scolaire
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements successifs de la IVe République
ont tenté de réformer ce système devenu trop inégalitaire avec le temps ; mais les projets de
réforme (on en compte une dizaine) n’aboutissent pas. C’est donc sous la Ve République, à partir
des années 1960 et dans le contexte de la formidable croissance économique et démographique des
Trente Glorieuses, que vont se faire des changements décisifs.
Les bouleversements ont en effet été nombreux et rapides depuis les années 1960. En passant de
5,5 millions d’élèves et d’étudiants en 1945 à plus de 14 millions aujourd’hui, le système scolaire
s’est incontestablement démocratisé, mais cette démocratisation (c’est-à-dire la possibilité pour
tout élève, quelle que soit son origine sociale, de suivre un cursus scolaire complet et d’accéder
à l’enseignement supérieur) s’est faite de manière brutale et a engendré d’autres problèmes. En
simplifiant, on peut dire que l’école est passée d’une situation où elle était faite pour instruire un petit
nombre à une situation où elle s’est retrouvée forcée, à partir des années 1970, d’éduquer le plus
grand nombre, sous l’effet de la pression politique elle-même soumise à une demande sociale de
plus en plus forte.

3B. Les réformes des années 1960


Des réformes importantes sont mises en œuvre à l’époque du général de Gaulle, qui préparent celles
de la décennie suivante notamment le collège unique (voir le paragraphe suivant) :
ff en 1959, la loi Berthoin repousse l’obligation scolaire à 16 ans, andis que la loi Debré intègre
l’enseignement privé à l’État en créant les établissements privés sous contrat avec l’État ;
ff en 1963, la loi Foucher crée les CES (collèges d’enseignement secondaire) qui unifient une partie
des cycles du secondaire et préparent ainsi la voie au collège unique.

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3C. La rupture de 1975 : le collège unique, ou l’utopie


de la démocratisation
Une rupture importante dans l’histoire du système éducatif survient au milieu des années 1970, avec
la loi Haby (du nom du ministre de l’Éducation nationale de Valéry Giscard d’Estaing, René Haby)
votée en 1975 qui crée le collège unique1 ou le « collège pour tous ». Ce n’est donc finalement que
depuis assez récemment, une trentaine d’années, que le système scolaire a pris la forme qu’on lui
connaît aujourd’hui : de 3 à 16 ans, tous les élèves sont scolarisés dans les mêmes établissements,
tandis qu’en parallèle l’accès au lycée et à l’enseignement supérieur a été largement ouvert ce que
reflètent bien les chiffres actuels (80 % des jeunes de 18 ans sont scolarisés, 65% d’une classe d’âge
obtiennent le baccalauréat et plus de deux millions d’étudiants sont inscrits dans l’enseignement
supérieur). La loi Haby maintient cependant toujours la possibilité d’orienter les élèves vers la voie
professionnelle en fin de 5e ; ce n’est que dans les années 1980 que cette disposition est supprimée.
La loi Haby est l’aboutissement de plusieurs décennies de débats, initiés dès l’époque du Front
populaire, et de quinze années de réformes entreprises sous le général de Gaulle. En rompant avec le
vieux mode de sélection hérité de la IIIe République et en accueillant désormais tous les élèves dans
un collège unique composé de quatre niveaux (de la 6e à la 3e), la loi symbolise la démocratisation
de l’enseignement et souhaite donner les chances à chacun d’accéder à l’enseignement supérieur.

3D. Le collège unique en débat : une démocratisation


scolaire en trompe-l’œil
Chaque année, environ 10 % des élèves sortent du système scolaire sans aucun diplôme
et presque autant avec le seul brevet des collèges en poche. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes,
et sont régulièrement mis en avant par des enquêtes ou par le ministère lui-même pour justifier
des réformes : depuis trente ans, notre système scolaire n’a de toute évidence non seulement pas
réussi à réduire les difficultés scolaires et les inégalités sociales, mais il les a au contraire entretenu
voire aggravé alors que l’objectif du collège unique était justement d’améliorer les performances du
système. C’est que l’arrivée des « nouveaux publics » dans les collèges uniques a provoqué une crise
scolaire, pleinement visible dès le début des années 1980 : on constate par exemple que les taux de
redoublement augmentent fortement ; ils passent ainsi de 7 % à 15 % en fin de 3e entre 1975 et 1985.
Aujourd’hui, en dépit des discours officiels, le collège unique est en crise, et ce n’est plus un tabou de
l’écrire ou de le dire publiquement comme c’était encore le cas il y a une dizaine d’années. Cette crise
n’a cessé de s’accentuer depuis les années 1980, et la multiplication de manière exponentielle des
dispositifs de lutte contre l’échec scolaire montre bien que le collège unique a creusé les inégalités et
a été incapable de garantir la réussite de tous les élèves surtout ceux issus des quartiers défavorisés.
Dans le même temps, des filières et des options sont devenues un redoutable moyen de sélectionner
les élèves, mais sans le dire officiellement : tout le monde sait aujourd’hui, parents, élèves comme
professeurs, que les classes européennes, l’option latin ou bien encore l’allemand en LV1 servent à
regrouper les meilleurs élèves…

1. « Tous les enfants reçoivent dans les collèges une formation secondaire […]. Les collèges dispensent un enseignement commun,
réparti sur quatre niveaux successifs » (loi Haby du 11 juillet 1975).

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L’organisation de
Fiche

2 la scolarité aujourd’hui

1. Enseignement public, enseignement privé


Une des caractéristiques du système scolaire français est de juxtaposer deux types d’établissement,
publics et privés. La liberté de l’enseignement est un principe garanti par la Constitution, ce qui
justifie l’existence des établissements privés. 95% des établissements privés sont sous contrat
avec l’État, système qui a été créé par la loi Debré de 1959. Cela signifie que l’école privée est
très étroitement associée à l’Éducation nationale et qu’elle ressemble sur des points majeurs à
l’enseignement public : mêmes programmes, mêmes horaires d’enseignement, enseignants avec les
mêmes diplômes1, les mêmes rémunérations et inspectés de la même manière, etc. La plupart de ces
établissements privés sous contrat sont catholiques, mais acceptent tous les élèves quelle que soit
leur religion ou leur origine. D’ailleurs, dans une société où le religieux ne cesse de perdre du terrain,
il est évident que les parents qui choisissent d’inscrire leurs enfants dans un établissement privé le
font de moins en moins pour des motifs religieux mais de plus en plus pour des raisons pratiques
(proximité géographique, structure pédagogique particulière, etc.) ou, encore plus simplement, pour
contourner une carte scolaire trop contraignante qui obligerait leurs enfants à aller dans l’établissement
public du secteur avec une mauvaise réputation.
L’enseignement privé scolarise aujourd’hui plus de deux millions d’élèves de la maternelle au lycée
soit environ 17 % des effectifs scolaires et 21 % des élèves de l’enseignement secondaire. 45 %
des collèges et lycées sont aujourd’hui des établissements privés, ce qui est considérable. Plus de
100 000 enseignants y travaillent.

2. De la maternelle au lycée : un panorama


rapide des niveaux d’enseignement
2A. L’enseignement primaire
L’enseignement primaire se compose de l’école maternelle et de l’école élémentaire. Il est organisé
en trois cycles pédagogiques :
ff Le cycle 1 des « apprentissages premiers » qui correspond aux deux premières années de l’école
maternelle, entre 3 et 5 ans : petite section et moyenne section ;
ff Le cycle 2 des « apprentissages fondamentaux » qui correspond à la dernière année de maternelle
(grande section) et aux deux premières années de l’école élémentaire (CP et CE1) ;
ff Le cycle 3 des « approfondissements » qui correspond aux trois dernières années de l’école
élémentaire : CE2, CM1 et CM2. Ce cycle prépare progressivement les élèves à leur entrée au
collège.

1. Les enseignants sont ainsi titulaires du CAFEP, équivalent du CAPES. Cet alignement des conditions de recrutement sur celles du
public date de la loi de 1992.

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Les disciplines suivantes sont étudiées : français, mathématiques, histoire et géographie, sciences
et technologie, éducation civique, éducation artistique, éducation physique et sportive. Les élèves
étudient en outre une langue vivante obligatoire (85% des écoles ont choisi l’anglais) à raison de
1h30 à 2 heures par semaine en cycle 3.

2B. L’enseignement au collège


Tous les élèves sont scolarisés dans un cadre unique, de la 6e à la 3e, sans sélection. Les quatre années
sont organisées en trois grands cycles :

ff Le cycle d’adaptation : la 6e
L’objectif est de consolider les acquis de l’école primaire et d’initier les élèves aux méthodes de
travail du collège. Une attention particulière est portée à l’accueil des élèves et à l’aide au travail
personnel. Les élèves choisissent une première langue vivante étrangère ;

ff Le cycle central : la 5e et la 4e
L’objectif est de permettre aux élèves d’approfondir les savoirs et les méthodes acquis en 6e. Ce
cycle est caractérisé par la cohérence des enseignements sur les deux années et l’enrichissement
progressif du parcours par des options facultatives, par exemple le latin qui peut être débuté en
5e. En 4e les élèves choisissent une seconde langue vivante étrangère ou une langue régionale.
L’enseignement de la physique-chimie débute en 5e ;

ff Le cycle d’orientation : la 3e
Il permet de compléter les acquisitions du collège et de préparer les élèves à leur future orientation
en dehors du collège. Les élèves ont la possibilité de choisir le module de découverte professionnelle
de 3 heures hebdomadaires (ce sont les classes DP3) ou opter pour un module de 6 heures
hebdomadaires (DP6). Dans ce dernier cas, les élèves sont dispensés de l’étude de la deuxième
langue vivante.
À la fin de l’année, les élèves passent le diplôme national du brevet (DNB) et peuvent s’orienter soit
vers une classe de seconde en lycée général et technologique, soit vers une classe de seconde
professionnelle ou une première année de préparation au CAP (certificat d’aptitude professionnelle)
en lycée professionnel.

2C. L’enseignement au lycée


Le lycée général et technologique (LGT)
ff Le LGT est organisé en deux cycles :
• Le cycle de détermination : la 2nde, où les élèves suivent des enseignements communs et
choisissent deux enseignements de détermination et éventuellement une option facultative
devant les aider à déterminer leur orientation ;
• Le cycle terminal : la 1re et la Terminale, dont la finalité majeure est la préparation au baccalauréat
et aux études supérieures.

ff Après la 2nde, les élèves ont le choix entre deux voies :


• La voie générale, destinée en théorie à ceux qui souhaitent faire des études longues après
le baccalauréat : elle comprend trois séries, littéraire (L), scientifique (S), économique et
sociale (ES) ;
• La voie technologique, destinée à ceux qui souhaitent faire des études supérieures courtes
(bac + 2, par exemple en IUT ; parfois bac + 3 avec les licences professionnelles) : elle
comprend, par exemple STG (sciences et technologie de la gestion) ou ST2S (sciences et
technologies de la santé et du social).

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Le lycée professionnel (LP)


ff Les enseignements technologiques et professionnels représentent de 40 à 60 % de l’emploi du
temps d’un élève. Ils sont dispensés sous forme de cours en classe et, selon les spécialités, en
atelier, dans un laboratoire ou sur un chantier. Les matières d’enseignement général (français,
mathématiques, histoire-géographie, sciences, anglais) occupent ainsi une place plus réduite. Le
lycée professionnel prépare les élèves à acquérir un diplôme professionnel pour leur permettre
de s’insérer rapidement dans la vie active.

ff Il existe trois diplômes possibles pour les élèves :


• le CAP, qui se prépare en deux ans après la 3e ; il existe environ 200 spécialités à ce jour ;
• le baccalauréat professionnel, qui se prépare désormais en trois ans (réforme de 2009) et qui
comporte 75 spécialités ;
• le BEP (brevet d’études professionnelles), dont l’organisation a été modifiée par la réforme
de 2009 puisqu’il est désormais intégré aux trois années du baccalauréat professionnel.

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L’organisation territoriale du
Fiche

3 système éducatif et du ministère :


entre centralisation et décentralisation

L’Éducation nationale est avant tout une administration publique dont l’organisation, à mi-chemin entre la
centralisation et la décentralisation, présente des spécificités et encadre les différents niveaux territoriaux
d’enseignement, de l’échelon local (les établissements scolaires) à l’échelon national (les services centraux
du ministère).

1. Un système qui hésite entre la centralisation


et la décentralisation

1A. Un ministère historiquement très centralisé


La tendance centralisatrice du système scolaire français n’est pas nouvelle ; elle remonte à
Napoléon Ier, lorsque le décret de 1808 créait un monopole de l’État sur l’enseignement. De ce
monopole, il en a résulté une organisation administrative très centralisée et pyramidale qui sera
conservée voire amplifiée par les régimes successifs au cours des XIXe et XXe siècles. Le régime
napoléonien crée ainsi un « grand maître » (qui deviendra sous la Restauration, en 1824, le ministre
de l’instruction publique) qui dirige depuis Paris l’ensemble du système, représenté en province par
les recteurs d’académie qui ont un rang équivalent à celui des préfets et qui exercent leur autorité
sur les chefs d’établissement. Au fur et à mesure de l’extension de la scolarisation, le système s’est
progressivement étoffé et de nouvelles structures ont été créées, venant s’ajouter à celles qui existaient
déjà : inspections départementales, services rectoraux, directions du ministère, etc.
L’organisation actuelle de l’éducation nationale conserve en outre de nombreuses traces des décisions
politiques survenues à l’époque du général de Gaulle, donc dans les années 1960. Pour faire face à la
massification scolaire, qui se caractérisait alors par une forte augmentation des effectifs d’élèves mais
aussi de ceux du personnel, le choix a été fait de renforcer la centralisation du système en créant
un système administratif très pyramidal. C’est le ministre Christian Foucher mais surtout le recteur
Jean Capelle (1960-1963) qui ont appliqué la volonté politique du général de Gaulle. Le système de la
« carte scolaire », mis en place en 1963, répond ainsi à ce souci de gestion centralisée. Institué dans
un premier temps pour réduire les inégalités géographiques au niveau des équipements scolaires,
ce système est ensuite utilisé pour définir des secteurs scolaires au sein desquels les familles sont
obligées d’inscrire leurs enfants dans les établissements publics qui leur sont désignés, y compris
pour l’enseignement supérieur.

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Chapitre 1 Le ministère de l’Éducation nationale : histoire, organisation et fonctionnement

1B. Le choix d’une décentralisation incomplète


depuis les années 1980
Les gouvernements qui se succèdent à partir de 1981 font tous le choix d’inverser cette logique
centralisatrice en transférant une partie des pouvoirs étatiques de décision aux instances locales,
qu’il s’agisse des collectivités locales ou des établissements scolaires eux-mêmes. De ce point de
vue, deux dates sont essentielles :
ff La loi de décentralisation de 1982, qui attribue aux conseils généraux et régionaux de nouvelles
responsabilités en matière de financement des collèges et des lycées ;
ff La loi de programmation de 1989, élaborée par Lionel Jospin, qui accélère le processus d’autonomie
des établissements scolaires.
Cette décentralisation est accentuée par la loi de 2004 ainsi que par un ensemble de décisions prises
depuis 2008, par exemple en termes d’autonomie des établissements scolaires et d’augmentation
des pouvoirs de décision des chefs d’établissement.
Le processus de décentralisation engagé il y a maintenant trente ans est cependant loin d’être
complet et achevé, comme on peut l’observer au contraire chez nos voisins européens (en Allemagne
ou en Espagne en particulier). C’est que le pouvoir politique hésite, pris entre deux mouvements
contradictoires qu’il essaie de concilier : renforcer la décentralisation en laissant la liberté aux acteurs
locaux de s’organiser, mais avec le risque d’accroître les inégalités et les injustices, ou maintenir un
système centralisé qui apparaît aux yeux du plus grand nombre, y compris des syndicats de l’éducation
nationale, comme une garantie d’égalité de traitement et une protection face à l’arbitraire supposé
d’une gestion locale au cas par cas. L’autonomisation des établissements scolaires est en outre à
nuancer car elle s’apparente en partie à un contrôle renforcé des autorités centrales à travers la
multiplication des circulaires et autres règlements qu’il faut appliquer : la marge d’autonomie apparaît
alors bien mince, car le chef d’établissement est dans l’obligation de respecter tous ces règlements
qui lui imposent un cadre contraignant et lui laissent, au final, une marge de manœuvre assez maigre.

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Le ministère de l’Éducation nationale : histoire, organisation et fonctionnement Chapitre 1

2. L’organisation du ministère à Paris :


l’administration centrale
Organigramme de l’administration centrale de
l’Éducation nationale

* Services sous l’autorité conjointe du ministre de l’éducation nationale et du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

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Chapitre 1 Le ministère de l’Éducation nationale : histoire, organisation et fonctionnement

2A. À la tête du ministère


Trois services constituent la direction générale du ministère : le ministre et son cabinet (bureau du
cabinet), le secrétariat général et la direction générale de l’enseignement scolaire (la DGESCO).
ff Au service du ministre et de son cabinet, le bureau du cabinet assure les missions suivantes :
répondre aux courriers des citoyens et des élus, contrôler et traiter les questions parlementaires
en relation avec les directions du ministère, réceptionner, vérifier et envoyer l’ensemble des textes
réglementaires puis veiller à leur publication au JO (journal officiel) et/ou au BO (bulletin officiel),
etc.
ff Le secrétariat général, dirigé par un secrétaire général, définit et met en œuvre les politiques de
modernisation administrative. Il est notamment chargé du suivi de la RGPP.
ff La DGESCO élabore la politique éducative et pédagogique en fonction des décisions ministérielles
ainsi que les programmes d’enseignement des écoles, des collèges, des lycées et des lycées
professionnels.

2B. Le ministère est en outre composé de


nombreuses directions
Une dizaine de directions composent les services centraux, divisés en services, sous-directions et
bureaux ce qui aboutit à une organisation assez complexe. On peut citer par exemple la Direction
générale des ressources humaines (DGRH) qui gère l’ensemble des recrutements et des carrières
des personnels de l’éducation nationale. Elle est divisée en plusieurs services, parmi lesquels le
service des personnels enseignants de l’enseignement scolaire, lui-même divisé en sous-directions
et en bureaux : bureau des enseignants du premier degré, bureau des enseignants du second degré
(notamment pour la gestion des agrégés), bureau des affaires contentieuses et disciplinaires, etc.

2C. L’inspection générale de l’Éducation nationale


(IGEN)
Crée en 1802, le corps des Inspecteurs généraux est placé sous l’autorité directe du ministre. L’IGEN
exerce des fonctions de contrôle (en inspectant les professeurs, essentiellement agrégés même si
souvent cette tâche est déléguée à l’échelle rectorale aux IA-IPR), d’étude et d’évaluation, et formule
des avis et propositions. Recrutés parmi les fonctionnaires de catégorie A titulaires d’un doctorat et
les professeurs agrégés ayant un certain nombre d’années d’expérience dans l’enseignement et/
ou l’encadrement (l’âge minimum requis est de 45 ans), les inspecteurs généraux sont aujourd’hui
environ 160. Tout professeur peut s’adresser directement, sans passer par la voie hiérarchique, à un
inspecteur général de sa discipline.
L’IGEN est dirigée par un doyen, nommé par le ministre pour une durée de cinq ans, et organisée
en quatorze groupes :
ff douze groupes disciplinaires, qui correspondent aux disciplines enseignées dans les collèges
et lycées : inspection générale de mathématiques, inspection générale d’histoire-géographie…
ff deux groupes de spécialité : « enseignement primaire » et « établissement et vie scolaire » (EVS).

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Le ministère de l’Éducation nationale : histoire, organisation et fonctionnement Chapitre 1

2D Les organismes consultatifs nationaux


Plusieurs organismes consultatifs, chargés d’émettre des avis et des conseils en direction du ministre,
complètent l’organisation au niveau central. Trois exemples peuvent être plus particulièrement abordés.
ff Le Haut Conseil de l’Education (HCE) : crée en 2005, il se compose de neuf membres nommés
pour six ans. Il émet des avis et peut formuler des propositions sur la pédagogie, les modes
d’évaluation des connaissances des élèves, les programmes, l’organisation, les résultats du
système éducatif et la formation des enseignants. Il s’intéresse plus particulièrement à la mise
en œuvre de la loi de 2005 le socle commun de connaissances et de compétences. Il remet au
Président de la République un bilan annuel, rendu public, des résultats du système éducatif ainsi
que des expérimentations menées sur le terrain.
ff Le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) : composé de 97 membres représentant les
personnels, les usagers et les collectivités, il donne un avis sur toutes les questions relatives à
l’organisation du système éducatif (programmes, examens, personnels…)1.
ff L’observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d’enseignement
supérieur2 : il étudie les conditions d’application des règles de sécurité, ainsi que l’état des
immeubles et des équipements qui appartiennent au ministère (y compris les établissements
scolaires).

2E. Le dispositif de médiation


Un médiateur de l’éducation nationale a été crée en 1999 au niveau central, relayé au niveau
académique par tout un réseau de médiateurs (un par académie avec des correspondants dans les
départements). Les médiateurs reçoivent les réclamations individuelles concernant le fonctionnement
du service public de l’éducation nationale dans ses relations avec les usagers et ses agents.

3. En dehors de Paris : les nombreux services


déconcentrés, ou le maillage du territoire
par le système éducatif
3A. Les rectorats à la tête des académies
Le rectorat est la direction des services de l’éducation nationale à l’échelon de l’académie. Il met en
œuvre dans l’académie la politique éducative définie au niveau national. Il a autorité aussi bien sur
le premier degré que sur le second degré. Le recteur est titulaire d’un doctorat, et choisi la plupart du
temps parmi les professeurs d’université. Il fait partie des hauts fonctionnaires.
Il existe en France 30 académies qui correspondent pour la majorité d’entre elles aux régions
administratives, sauf dans trois cas :
ff En Ile-de-France puisqu’on compte trois académies : Paris, Créteil, Versailles ;
ff En Rhône-Alpes, divisée en deux académies : Lyon et Grenoble ;
ff En PACA, divisée elle aussi en deux académies : Aix-Marseille et Nice.
Le recteur porte également le titre de « Chancelier des Universités » : il est donc aussi chargé du
suivi des établissements d’enseignement supérieur de son académie.

1. Article L. 231 du Code de l’éducation.


2. Un site internet lui est entièrement consacré : www.ons.education.gouv.fr

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Chapitre 1 Le ministère de l’Éducation nationale : histoire, organisation et fonctionnement

3B. Les inspections académiques


Chaque académie est divisée en inspections académiques qui correspondent à un département. A
la tête d’une inspection académique se trouve un DASEN (directeur académique des services de
l’Éducation nationale) placé directement sous l’autorité du recteur, et recruté souvent parmi les IA-IPR.
L’inspection académique gère l’organisation scolaire à l’échelle du département, les personnels
essentiellement ceux de l’enseignement primaire ou bien encore l’organisation des examens
(notamment le brevet des collèges).
À titre d’exemple, l’académie de Bordeaux est divisée en cinq inspections académiques : Gironde,
Dordogne, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques.

3C. Les corps d’inspection


Il existe deux corps d’inspection à l’échelle des académies, qui constituent les inspecteurs territoriaux,
placés hiérarchiquement sous l’autorité des inspecteurs généraux et des recteurs.
ff Les inspecteurs de l’Éducation nationale (IEN), pour le premier degré et pour l’enseignement
technique et professionnel ;
ff Les inspecteurs d’académie – inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR), pour l’enseignement
secondaire. Il existe des IA-IPR aussi bien disciplinaires (lettres, mathématiques, histoire‑géographie,
etc.) que chargés de l’inspection des personnels de direction, des documentalistes et des CPE
des collèges et lycées (ce sont les IA-IPR EVS c’est-à-dire « Établissements et vie scolaire »).

4. Territorialiser les difficultés scolaires :


l’éducation prioritaire1
Face à la multiplication des difficultés dans les établissements scolaires provoquées par la mise en
place du collège unique, l’État a décidé, avec l’arrivée au pouvoir de la gauche en 1981, le lancement
dans les années 1980 de ce que l’on appelle aujourd’hui l’éducation « prioritaire ».
L’éducation prioritaire se veut une réponse au problème posé par la concentration des difficultés
sociales et scolaires dans certains établissements, localisés très majoritairement dans les « banlieues »
défavorisées à la périphérie des villes. Concrètement, les établissements ciblés reçoivent des
aides financières et des moyens humains supplémentaires, estimés à environ 10% de plus que
les établissements classiques. Cette politique a connu des évolutions depuis sa création, mais son
principe n’a jamais été remis en question malgré l’absence de résultats probants.

4A. Les grandes étapes de l’éducation prioritaire


La création des ZEP (zones d’éducation prioritaire) en 1981
Les ZEP sont créées en juillet 19812 par Alain Savary, ministre de l’Éducation nationale. Il en explique
les fondements dans un discours prononcé en 1983 : cette politique « est née, d’une part, de la
conviction que notre système éducatif doit répondre aux besoins de formation de tous les enfants
d’âge scolaire et, d’autre part, du constat des inégalités devant l’École dues à la grande diversité des
milieux sociaux et culturels. Le souci de la formation des élèves en difficulté m’a conduit à définir une
politique de priorité pour les zones défavorisées. La démocratisation du système éducatif et la lutte

1. Le ministère a crée un site entièrement dédié à cette thématique, qui fournit beaucoup d’informations intéressantes :
http://www.educationprioritaire.education.fr
2. Circulaire n° 81-238 du 1-7-1981.

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Le ministère de l’Éducation nationale : histoire, organisation et fonctionnement Chapitre 1

contre les inégalités sociales doivent se concrétiser par davantage de moyens et surtout par une plus
grande attention pour ceux qui en ont le plus besoin »1.
Cette politique marque une rupture avec le principe d’égalité « formelle » qui imposait un traitement
uniforme de tous les élèves et de tous les enseignants sur l’ensemble du territoire national. Au
contraire, il ne s’agit plus d’attribuer de façon égalitaire des moyens d’enseignement sur l’ensemble
du territoire mais de « donner davantage à ceux qui en ont le plus besoin ». Cette inégalité des
moyens vise à compenser les effets des difficultés socio-économiques pour obtenir une égalité de
résultats dans des zones particulièrement défavorisées qui sont déterminées en fonction de critères
essentiellement sociaux. On passe ainsi de l’égalité « formelle » à l’égalité « réelle ».
Les premières ZEP entrent ainsi en application à la rentrée 1981 : on compte alors plus de
350 établissements du primaire au lycée, regroupant 10 % des collégiens et 7 % des lycéens (en
très grande majorité en lycée professionnel).

1990 : la première relance de l’éducation prioritaire


Face à l’essoufflement du dispositif mis en place en 1981 et face à l’aggravation des difficultés
scolaires, il est décidé de relancer la politique des ZEP en 1990, l’objectif étant « d’obtenir une
amélioration significative des résultats scolaires des élèves, notamment des plus défavorisés »2.
Trois grands axes sont définis3 :
ff amélioration des conditions de l’enseignement ;
ff amélioration de l’image et du fonctionnement même des ZEP ;
ff amélioration de la situation des enseignants, avec notamment la création d’une indemnité spécifique
mensuelle pour ceux qui exercent en ZEP4.
Cette relance conduit par ailleurs à l’extension du dispositif puisque le nombre d’établissements en
ZEP passe à 557.

1997 : la deuxième relance selon la logique des réseaux


La deuxième relance de la politique d’éducation prioritaire, décidée par le gouvernement Jospin, met
l’accent sur l’apprentissage des élèves : « Nous savons maintenant que les ZEP qui réussissent ont
pris le parti de concentrer leur projet sur les apprentissages des élèves. Il convient d’affirmer clairement
cette priorité. Mais il ne s’agit ni de fermer l’école sur elle-même, ni de réduire les apprentissages à
leur strict minimum »5.
Cette relance s’accompagne d’une révision de la carte des ZEP et de la création d’un nouveau
dispositif, les réseaux d’éducation prioritaire (REP)6. Ces réseaux associent, à des établissements
déjà classés en ZEP, des écoles et établissements qui nécessitent une aide particulière en raison des
difficultés qu’ils rencontrent. Chaque réseau possède un « contrat de réussite » qui fixe ses objectifs.
La nouveauté marquante de la relance de 1997 est donc la prise en compte de l’environnement
scolaire des ZEP en y associant d’autres établissements non ZEP selon une logique de partenariat
et de réseau. S’inspirant des conclusions d’un rapport de l’Inspection générale sur les déterminants
de la réussite scolaire en ZEP, dix objectifs sont prescrits :
ff réaffirmer les exigences communes pour assurer un égal accès de tous au savoir ;
ff assurer la maîtrise de la lecture et des langages ;
ff développer les activités culturelles et sportives ainsi que l’éducation à l’image ;
ff encourager la scolarisation précoce ;
ff assurer le soutien des élèves les plus fragiles et lutter contre l’échec scolaire ;
ff renforcer l’éducation à la citoyenneté et à la morale civique ;

1. Extraits du discours du 13 juillet 1983.


2. Extrait de la circulaire n° 90‑028 du 1er février 1983.
3. Circulaire n° 90-028 du 1er février 1990 ; circulaire n 92-360 du 7 décembre 1992.
4. Cette indemnité s’élève à ce jour à 1150, 60 euros annuels (BO du 2 septembre 2010).
5. Extrait de la circulaire n° 97‑233 du 3 octobre 1997.
6. Circulaire n°98-145 du 10 juillet 1998 ; circulaire n° 99-007 du 20 janvier 1999 ; circulaire n° 2000-008 du 8 février 2000.

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Chapitre 1 Le ministère de l’Éducation nationale : histoire, organisation et fonctionnement

ff resserrer les liens de l’école avec les parents ;


ff ouvrir l’école sur le quartier pour créer les conditions d’un partenariat efficace ;
ff donner aux acteurs de terrain des outils efficaces pour évaluer leur progrès ;
ff améliorer l’accompagnement des enseignants et créer les conditions d’un pilotage plus performant.
À la rentrée scolaire 2000, il existe 916 ZEP et REP qui regroupent 7 329 écoles, 1 061 collèges,
45 LGT et 124 LP. Ils scolarisent 1,7 million d’élèves, soit 17,9 % des élèves de primaire et 21,2 %
des collégiens.

2006 : la troisième relance et l’approfondissement des réseaux


La troisième relance de l’éducation prioritaire, opérée cette fois-ci par un gouvernement de droite,
est liée à la mise en place du « socle commun de connaissances et de compétences » en 2005. La
circulaire du 30 mars 2006 précise ainsi que « Le plan de relance de l’éducation prioritaire énonce […]
un même principe de réussite pour tous les élèves de l’éducation prioritaire et un même niveau
d’exigence pour tous les élèves de l’École de la République. Tous doivent acquérir les connaissances
et les compétences du socle commun par le développement d’un environnement de réussite, en
atténuant notamment la rupture entre l’école et le collège ».
Pour parvenir à ces objectifs, Gilles de Robien, le ministre de l’Éducation nationale, crée deux nouveaux
dispositifs qui s’ajoutent à ceux déjà existant :
ff les RAR, réseaux ambition-réussite : ils sont mis en place dès la rentrée 2006, avec
1 000 enseignants supplémentaires et 3 000 assistants pédagogiques supplémentaires. 249 RAR
sont crées, regroupant 249 collèges (soit 126 000 élèves) et 1715 écoles ;
ff les RRS, réseaux de réussite scolaire, qui sont mis en place par les académies à partir de la
rentrée 2007.
Ces deux types de réseaux ont comme point commun d’associer chacun un collège et les écoles qui
l’alimentent, de manière à assurer une plus grande cohérence dans le parcours scolaire des élèves
et à faire la liaison entre le cycle 3 du primaire et la 6e.

4B. Les enjeux et les orientations actuelles de


l’éducation prioritaire
D’importantes disparités selon les académies
À l’échelle nationale, les RAR et les RRS sont distribués très inégalement selon les académies, ce
qui est un reflet de la persistance des inégalités territoriales en matière éducative. Le tableau suivant,
effectué à partir des chiffres fournis par le ministère, est de ce point de vue éloquent.

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Le ministère de l’Éducation nationale : histoire, organisation et fonctionnement Chapitre 1

Répartition des RAR et des RRS par académies


Académie Nombre de RAR Nombre de RRS Total
Aix-Marseille 27 39 66
Amiens 13 26 39
Besançon 3 18 21
Bordeaux 3 41 44
Caen 3 8 11
Clermont-Ferrand 4 10 14
Corse 1 16 17
Créteil 21 94 115
Dijon 2 21 23
Grenoble 1 36 37
Guadeloupe 4 11 15
Guyane 12 11 23
Lille 28 82 110
Limoges 1 5 6
Lyon 9 39 48
Martinique 9 11 20
Montpellier 6 21 27
Nancy-Metz 5 31 36
Nantes 9 22 31
Nice 6 7 13
Orléans-Tours 8 31 39
Paris 4 19 23
Poitiers 5 9 14
Reims 4 25 29
Rennes 2 16 18
La Réunion 19 21 40
Rouen 11 39 50
Strasbourg 6 11 17
Toulouse 7 14 21
Versailles 22 82 110
France (total) 255 816 1 071
Chiffres disponibles au 1er septembre 2010

Les inégalités territoriales sont également fortes à l’échelle des académies. Si l’on prend par exemple
l’académie d’Aix-Marseille, 22 RAR sur les 27 se concentrent dans les Bouches-du-Rhône, un des
départements français les plus défavorisés socialement, dont 21 à Marseille essentiellement dans
les « quartiers nord ». À l’opposé, il n’y a aucun RAR ni dans les Alpes de Haute Provence ni dans
les Hautes-Alpes.
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Chapitre 1 Le ministère de l’Éducation nationale : histoire, organisation et fonctionnement

Une expérimentation entre 2010 et 2012 : le programme « Clair1 »


Défini officiellement par une circulaire de juillet 20102, ce programme est entré en application le
1er septembre 2010 à titre expérimental et prend fin dès la rentrée 2013, du fait du changement de
majorité politique. « Clair » signifie « Collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite ». Ce
dispositif a été expérimenté lors de l’année scolaire 2010-2011 dans 105 établissements situés dans
les dix académies les plus exposées aux faits de violence : Aix-Marseille, Amiens, Créteil, Lille, Lyon,
Montpellier, Rouen, Strasbourg, Toulouse et Versailles. Les recteurs ont retenu les établissements
concernés, essentiellement des collèges et des lycées professionnels, en s’appuyant sur des critères
sociaux, pédagogiques et de vie scolaire.
Le programme « Clair » met en place une série de préconisations, avec quelques innovations, dans
trois domaines :
ff le domaine de la pédagogie : multiplier les travaux interdisciplinaires et les projets, développer
davantage les activités sportives et artistiques, renforcer la découverte des métiers et des
formations ;
ff le domaine de la vie scolaire : prévenir l’absentéisme en impliquant davantage les parents, éviter
les exclusions qui sont facteur de décrochage scolaire, insister sur l’aspect éducatif de la sanction,
création d’un « préfet des études » pour le collège et la 2nde. Celui-ci, recruté parmi les professeurs
ou les CPE, a en charge un niveau de classe et appartient à l’équipe de direction. Il est le
responsable pédagogique et éducatif du niveau de la classe, il coordonne et anime le travail des
équipes, il assiste le chef d’établissement, il fait le lien avec la vie scolaire ;
ff le domaine des ressources humaines : pour favoriser la stabilité des équipes éducatives, la grande
nouveauté est que ce sont les chefs d’établissement qui recrutent les enseignants volontaires à
travers des postes à profil ; les enseignants recrutés doivent demeurer sur le poste durant au
moins cinq ans.

Depuis 2008 : les « internats d’excellence »


Les « internats d’excellence » ont été crées en 2008 par le plan « Espoir banlieues », dans le cadre
de la politique de la ville et en accord avec l’Éducation nationale, parmi d’autres mesures à destination
des quartiers urbains en difficultés. Le premier internat a été ouvert à la rentrée 2009 dans l’académie
de Créteil et il en existe à ce jour douze répartis sur tout le territoire3. En utilisant une pédagogie
innovante et en proposant un accompagnement individuel renforcé, avec de petits effectifs, il s’agit
d’offrir à des collégiens et à des lycéens méritants (sélection sur dossier) des « banlieues » des
conditions de travail optimales, en les soustrayant de leurs quartiers difficiles4.
La nouvelle majorité de gauche au pouvoir depuis 2012 a toutefois fait le choix de ne pas poursuivre
le dispositif.

La refonte de l’éducation prioritaire en 2013-2014


Le ministère de l’Éducation nationale a décidé d’une énième réforme de l’éducation prioritaire, lancée
cette fois-ci par Vincent Peillon et inscrite dans la loi de « refondation de l’école » de 2013. Tous les
anciens dispositifs sont supprimés pour être refondus, tandis que les établissements scolaires retenus
en éducation prioritaire sont désormais désignés « REP+ », Pour « réseau d’éducation prioritaire »
(les signes ZEP, RAR, RSS, etc. disparaissent).
Ces dispositions s’accompagnent de mesures censées être incitatives à destination des enseignants,
pour les attirer dans ces établissements mais aussi pour stabiliser les équipes pédagogiques :
diminution d’1h30 du temps de service hebdomadaire, augmentation de l’« indemnité ZEP » à la
rentrée 2015, accès prioritaire à la hors-classe, etc. Si ces mesures vont incontestablement dans le

1. Élargissement du programme Clair au programme ECLAIR (écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite) depuis
la rentrée 2012.
2. Circulaire n° 2010-096 du 7 juillet 2010.
3. Circulaire n° 2010-099 du 8 juillet 2010.
4. À titre d’exemple, on peut consulter le site internet du premier internat d’excellence ouvert, celui de Sourdun (académie de Créteil) :
www.internat-sourdun.fr

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Le ministère de l’Éducation nationale : histoire, organisation et fonctionnement Chapitre 1

bon sens, ce que tous les syndicats d’enseignants ont unanimement reconnu, il est tout autant évident
qu’elles sont largement insuffisantes pour réellement pousser les enseignants les plus expérimentés
vers des établissements où les conditions de travail demeurent particulièrement difficiles. Cela pose,
plus globalement, la question de la rémunération et de la carrière de l’ensemble des enseignants
qui sont encore très inférieurs à ce que pourraient légitimement prétendre des cadres de la fonction
publique d’État.
L’ensemble des mesures est présenté de manière très détaillée sur le site du ministère :
http://www.education.gouv.fr/cid76427/refonder-education-prioritaire.html.

Pour aller plus loin


www.esen.education.fr : le site internet de l’École supérieure de l’Éducation nationale, dont une
des missions est de former les personnels d’encadrement (personnels de direction et inspecteurs
essentiellement).

J.-P. DELAHAYE, Le collège unique, pour quoi faire ?, Paris, Retz, 2006.

P. MERLE, La démocratisation de l’enseignement, Paris, La Découverte, 2002.

V. TROGER, J.-C. RUANO-BORBALAN, Histoire du système éducatif, Paris, PUF, coll. « Que
sais-je ? », 2005.

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