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Histoire du système scolaire français et de Auteur : Brice MONIER

l’EP depuis le milieu du XIXe siècle Année universitaire : 2018-19

Histoire de l’EP et du système scolaire


français depuis le milieu du XIXe siècle

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Histoire du système scolaire français et de Auteur : Brice MONIER
l’EP depuis le milieu du XIXe siècle Année universitaire : 2018-19

Chapitre introductif transmis sur support PDF (sur Arche)

A lire avant nos CM 3 et 4 du 19 septembre 2018

Chapitre introductif. École et EP avant la IIIe République

I. Organisation des structures scolaires : trois ordres d’enseignement

La Révolution française fait table rase des structures scolaires mises en place sous
l’Ancien Régime. De nombreux débats se tiennent durant la période révolutionnaire autour des
questions de la gratuité, de l’obligation, de la liberté de l’enseignement, etc. Une loi, en 1795
(loi Daunou) inaugure un dispositif constitué d’écoles primaires et d’écoles centrales (une école
centrale par département1).
Toutefois, « les réalisations ne sont pas à la hauteur des ambitions et la situation de
l’enseignement est, pour reprendre les mots de Claude Lelièvre2, lamentable »3.
Le Premier Empire (pour rappel 1804-1815) jette donc les bases du système
d’enseignement tel qu’il s’organise tout au long du XIXe siècle. Il se structure autour de
dualités : primaire / secondaire, public / privé, masculin / féminin (Lelièvre Claude, Histoire
des institutions scolaires (1789-1989), Paris, Nathan, 1990).
Et ce qu’il faut commencer à retenir sans doute, c’est la structuration par « ordres » (au
lieu de « degrés » actuellement) : ordre primaire et ordre secondaire. La grande différence en
effet entre notre système actuel, tel qu’il est réformé grosso modo depuis le début de la
Cinquième République, et le système scolaire mis en place à partir du Premier Empire, est que
le second est organisé par ordre quand le premier (l’actuel) l’est par degré. Le primaire, avant
la Cinquième République, n’est pas le primaire actuel, même chose pour le secondaire. La

1
La France compte une centaine de départements en 1795. Elle en comptera 113 en 1811 à la suite des conquêtes
napoléoniennes.
2
Lelièvre Claude, Histoire des institutions scolaires (1789-1989), Paris, Nathan, 1990.
3
Caritey Benoît et Jallat Denis : « Une histoire de la scolarisation des enfants et des adolescents du XIXᵉ siècle à
nos jours : toile de fond de l'histoire de l'éducation physique » [enregistrement vidéo], dans Projet Demenÿ.
http://projet-demeny.univ-fcomte.fr/index.php?page=scolarisation

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dénomination est la même mais leur fonction et leur structure sont fondamentalement
différentes. Primaire et secondaire existent en parallèle et les enfants font leur scolarité soit dans
l’un soit dans l’autre ; en fonction de leur condition sociale, alors qu’aujourd’hui les enfants
passent tous – ou presque – par le primaire puis par le secondaire.
On distinguera donc ces deux ordres, le primaire et le secondaire (et cela jusqu’aux
années 1960), auxquels s’ajoute un ordre intermédiaire, que certains historiens considèrent
comme un troisième ordre d’enseignement : le primaire supérieur.

1.1. L’enseignement primaire

Comment évolue la scolarisation dans le primaire ?

Un réseau de « petites écoles » se met en place entre le Premier Empire et la Troisième


République. Ce réseau se fonde sur l’État et les municipalités mais aussi sur les initiatives
privées (laïques ou ecclésiastiques). C’est sur ce réseau que s’appuieront les Républicains après
1880 pour mettre en place leur politique scolaire. Politique scolaire dont l’objectif premier est
la généralisation de la scolarisation des 6-13 ans dans le but de diffuser le plus largement
possible l’esprit républicain.
En 1802, la loi Fourcroy oblige les communes à entretenir des « petites écoles ». Ces
petites écoles sont destinées à accueillir les enfants du peuple.
En 1833, la loi Guizot fait obligation pour les communes de plus de 500 habitants de
créer une école primaire de garçons. Par conséquent, les effectifs du primaire augmentent tout
au long de la première moitié du XIXe siècle : 1 400 000 élèves dans le primaire en 1833 (dont
un tiers de filles)4 ; 3 500 000 en 18485. En 1829, 14 000 communes sont sans école (sur un
total de 38 000 communes). En 1847, il n’y en a plus que 3 213 et, en 1863, 813 communes
seulement sont sans école6. Donc à partir du dernier tiers des années 1850, le nombre de
communes sans école élémentaire de garçons est devenu insignifiant.
Il y a toutefois un obstacle à la scolarisation des enfants du peuple : le travail. Dans les
villes, les enfants d’ouvrier travaillent dans les manufactures. Dans les campagnes, c’est aux
champs qu’ils tentent de ramener un maigre complément de revenu pour leur famille. Certes,
les mentalités progressent : la découverte de l’utilité sociale de l’instruction, combinée à

4
Grèzes-Rueffe François et Leduc Jean, Histoire des élèves en France de l’ancien régime à nos jours, Paris, A.
Colin, 2007.
5
Ibid.
6
D’après Prost Antoine, Histoire de l’enseignement en France (1800-1967), Paris, A. Colin, 1968, p. 97.

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l’amélioration du sort des familles ouvrières, contribue à remplir les écoles. Mais l’absentéisme
saisonnier reste important.

Le primaire et la scolarisation des filles

« La scolarisation des garçons précède celle des filles » écrit Antoine Prost7.
Le processus de scolarisation des filles est en effet comparable à celui des garçons mais
quelque peu décalé puisqu’il faut attendre la loi Falloux de 1850 pour que les communes de +
de 800h soient dans l’obligation d’entretenir une école de filles (rappelons que la loi Guizot, en
1833, oblige les communes de plus de 500 habitants à entretenir une école de garçons). Et ce
sont bien souvent les congrégations religieuses qui les prennent en charge.
Ce n’est qu’avec la loi du 10 avril 1867 (loi Duruy sur l’enseignement primaire) que les
communes de plus de 500 habitants ont l’obligation d’ouvrir une école de filles, soit 34 ans
après la même obligation faite quant aux écoles de garçons.
Pour quelle(s) raison(s) ?
La raison principale est psychologique. La femme est considérée comme inférieure à
l’homme. Elle est une servante, une domestique davantage qu’une égale. Les jeunes filles ne
sont nulle part mieux, pense-t-on au XIXe siècle, qu’auprès de leur mère. Elles sont donc
destinées au foyer et n’ont besoin d’apprendre que les soins du ménage. L’Ecole apparaît inutile
et dangereuse.
On retiendra donc que les progrès de la scolarisation des filles sont plus tardifs que ceux
de la scolarisation des garçons, mais aussi plus réguliers, si bien qu’au début de la IIIe
République, les filles rattrapent les garçons et les deux sexes se trouvent à égalité en terme de
scolarisation dans le primaire (Prost, p. 104).

1.2. L’enseignement secondaire

Venons-en maintenant à l’ordre secondaire.


Les écoles centrales (pour l’élite républicaine) mises en place lors de la Révolution
française (loi Daunou 1795) sont vivement critiquées (elles laisseraient trop de place à
l’autonomie des agents et des usagers, nous disent les historiens en s’appuyant sur l’enquête
Chaptal de 1801) et sont définitivement supprimées en 1802 par la loi Fourcroy.

7
PROST Antoine, Histoire de l’enseignement en France. 1800-1967, Paris, Armand Colin, 1968, p. 102.

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Cette loi Fourcroy de 1802 créé deux types d’établissements secondaires, les collèges
communaux, ou écoles secondaires, et les lycées dans les plus grandes villes. Antoine Prost
souligne qu’il y a finalement deux enseignements secondaires, un enseignement de première
classe (les lycées) et un enseignement de seconde classe (les collèges, ou écoles secondaires).
Dans ce secondaire, les études sont longues et désintéressées, destinées à une minorité
d’élèves « que leur fortune, leur naissance, plus rarement leur mérite, désignent pour une
éducation libérale (…), détachée de toute préoccupation directement professionnelle » (F.
Mayeur, 2004, p. 500). Aucun lien donc avec l’ordre primaire. Les deux coexistent, se
développent en parallèle, mais sont finalement deux institutions différentes, avec leur propre
rythme et aux fins différentes.
Jusqu’à la Première Guerre mondiale, même si la séparation des deux ordres est
critiquée, elle n’est pas fondamentalement remise en cause. Ainsi, on observe une « grande
permanence » (F. Mayeur, 2004, p. 500) de l’enseignement secondaire pendant près d’un siècle,
depuis que Napoléon en fixe les grands traits jusqu’à la réforme fondamentale de 1902 (c’est
une différence avec l’enseignement primaire profondément remanié par les lois républicaines
des années 1880).

Les écoles secondaires

La loi Fourcroy (1802) impose aux communes importantes d’établir et d’entretenir des
écoles secondaires (ou collèges communaux). Ces collèges communaux ont pour vocation
d’offrir une instruction secondaire aux enfants issus des classes dominantes sans
nécessairement les mener au baccalauréat.
L’instruction donnée dans les « écoles secondaires », le fait qu’elles soient conçues dès
le départ comme inférieures en durée et en niveau d’étude aux lycées les conduit à former les
candidats aux professions moyennes du commerce et les petits fonctionnaires (cf. annexe 1 pour
une idée des fonctions concernées). « Elles préfigurent les écoles primaires supérieures »8.
Ces écoles sont tenues par des communes ou des particuliers selon qu’elles sont
publiques ou libres. Bien que l'inscription d'un interne dans un collège coûte cher (équivaut
environ à un salaire annuel d'instituteur), la charge de ces collèges est lourde pour les
communes.

8
Mayeur Françoise, Histoire de l’enseignement et de l’éducation. III. 1789-1930, Paris, Perrin, 2004, p. 506.

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On y enseigne le latin, le français, les premiers principes de la géographie, de l’histoire


et des mathématiques.
On en compte 312 en 18429 et 267 en 188210. Pourquoi cette diminution ? 1°. Les plus
importants d’entre-eux sont transformés en lycées. 2°. Les moins prospères ferment ou sont
transformés en établissements congréganistes. Notez que la situation financière de ces
établissements est corrélée au nombre de leurs élèves et donc que parfois ce nombre est
insuffisant. Il faut aussi préciser que ces collèges communaux subiront à partir de la fin des
années 1880 la concurrence des écoles primaires supérieures (EPS) – dont nous allons parler
dans peu de temps - et que certains d’entre-eux seront transformés en EPS.
L’Etat n’assume donc pas la charge des écoles secondaires. En revanche, les lycées sont
fortement organisés sous sa tutelle.

Les lycées

L’originalité de la loi de 1802 réside dans l’internat dont étaient dépourvues les écoles
centrales. Ils sont un gage d’ordre, de rigueur et de réussite pour les parents face au flou des dix
dernières années (= écoles centrales). Il doit permettre de protéger les enfants et les adolescents
des influences du monde extérieur mais aussi de maintenir un contrôle étroit sur leur travail
personnel. De plus, l’internat apparaît en quelque sorte comme une préparation à la vie
militaire : élèves groupés en compagnies de vingt-cinq, Début et fin de cours sont rythmés par
les roulements de tambour…
Évolution du nombre de lycées : 36 en 1810, 56 lycées en 1848, 81 en 1867, 83 en 1870.
Les frais d’installation et d’entretien de ces lycées (les lycées sont peu nombreux) sont à la
charge de l’État. Les lycées ont pour vocation d’accueillir les enfants issus des classes
dirigeantes et de les préparer au baccalauréat. Ils constituent la pièce maîtresse et le modèle
d’établissement chargé de former les futurs cadres de la nation et de contribuer au
gouvernement des esprits. Françoise Mayeur écrit d’ailleurs que le lycée est « le lieu d’où
sortent les cadres de la nation comme les élites de l’argent »11. On y enseigne « Les langues
anciennes, l'histoire, la rhétorique, la logique et les éléments des sciences mathématiques et
physiques » (décret du 17 mars 1808).

9
Gerbod Paul, La Vie quotidienne dans les lycées et les collèges en France au XIXe siècle, Paris, Hachette, 1968.
10
Luc Jean-Noël, « A la recherche du tout puissant empire du milieu. L’histoire des lycées et leur historiographie
au début du XXIe siècle », in Caspard Pierre, Luc Jean-Noël et Savoie Philippe (dir.), Lycées, lycéens, lycéennes.
Deux siècles d’histoire, Paris, INRP, 2005.
11
Mayeur Françoise, Histoire de l’enseignement et de l’éducation. III. 1789-1930, 1981, p. 453.

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Les effectifs des lycées et collèges progressent régulièrement : 50 573 élèves en 1820,
70 531 en 1842 et 154 673 en 187612. On compte un certain nombre d’abandons en partie dus
au décès ou à un revers de fortune du chef de famille. À partir de 1880 et jusqu’aux années
1920, l’enseignement secondaire masculin progresse plus lentement. On expliquera, dans un
prochain chapitre, ce ralentissement en partie par la concurrence que les collèges communaux
subissent de l’enseignement primaire supérieur (=> paragraphe suivant), qui est gratuit et qui
répond mieux aux attentes d’une partie de la population scolaire.

Jusqu’en 1902, le secondaire est assez peu réformé et garde donc sa physionomie
acquise sous le Consulat.

Le secondaire et la scolarisation des filles

Quant aux jeunes filles, lorsqu’elles sont de bonne famille, le couvent et le pensionnat
sont la règle au début du XIXe siècle pour faire suite à l’instruction donnée à domicile par une
« institutrice ». La plupart des pensionnats sont tenus par des religieuses. La discipline est très
stricte : les jeunes filles sont là pour apprendre l’obéissance, l’humilité et la soumission. On
pense à cette époque que trop d’instruction nuirait à leur féminité et il s’agit de les préparer à
leurs futurs rôles sociaux (tenir le foyer et materner).
Le monopole des pensionnats est un peu entamé par la création des cours
d’enseignement secondaire pour jeunes filles par Victor Duruy (circulaire du 30 octobre 1867).
Les jeunes filles y viennent accompagnées (par leur mère ou leur institutrice) ; il leur faut suivre
trois années de cours pour parcourir l’ensemble du programme (alors que pour les garçons, les
études secondaires s’étendent sur sept années). Ces cours n’ont toutefois pas un grand succès.
Il faut attendre la loi Camille Sée de 1880 (21 décembre) pour qu’un réel enseignement
secondaire féminin soit institué. La loi instaure un enseignement secondaire féminin de cinq
années (et par là même inaugure les lycées de jeunes filles) sanctionnées par un diplôme de fin
d’études secondaires distinct du baccalauréat (toutefois, rares sont les jeunes filles à passer cet
examen qui leur ouvre les portes de l’enseignement supérieur). Il faut attendre, on y reviendra,
1902 pour que les jeunes filles aient la possibilité de passer le baccalauréat « latin-lettres » et

12
Prost Antoine, Histoire de l’enseignement en France (1800-1967), Paris, A. Colin, 1968. Ces chiffres incluent
les effectifs des classes primaires (de la onzième à la septième) qui représentent environ un quart des élèves des
lycées et un tiers des élèves de collèges communaux (d’après Gerbod Paul, La Vie quotidienne dans les lycées et
les collèges en France au XIXe siècle, Paris, Hachette, 1968).

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1924 pour que les programmes des secondaires masculin et féminin soient harmonisés. Nous
reviendrons dans le chapitre suivant sur cette loi promulguée donc par les Républicains.

1.3. Le primaire supérieur, ou l’ordre intermédiaire

Entre ces deux ordres, il est un troisième : c’est l’enseignement primaire supérieur.
Cet enseignement primaire supérieur qui prolonge l’enseignement primaire répond au
besoin d’un enseignement intermédiaire que les petites écoles ne peuvent pas satisfaire et à
laquelle l’enseignement secondaire est inadapté : il fait suite à la reconnaissance en quelque
sorte d’une « classe moyenne » (entre « école du peuple » et « école des notables ») et il s’agit
d’offrir aux enfants de la petite et de la moyenne bourgeoisie essentiellement une éducation
plus poussée que celle dispensée dans les petites écoles, et différente de celle proposée par les
collèges et les lycées.
Avant que cet enseignement primaire supérieur ne soit institué par la loi Goblet de 1886,
il existait déjà des écoles dites primaires supérieures (créées par la loi Guizot en 1833), qui
étaient annexées aux collèges – j’y reviens dans un instant.

Deux moments sont à retenir quant à la création de cet enseignement


intermédiaire :
- la Loi Guizot de 1833 : obligation pour les communes de plus de 6 000 habitants
d’entretenir une école primaire supérieure (EPS). Les EPS sont, avec cette loi, annexées aux
collèges qui sont des établissements secondaires rappelons-le. Cette loi est médiocrement
appliquée et reste silencieuse quant à l’organisation de ces écoles et la durée des études.
- C’est finalement la loi Goblet de 1886 (j’anticipe un peu sur le chapitre suivant et n’en
dirai pas beaucoup ici) qui institue un enseignement primaire supérieur et surtout l’organise de
manière cohérente. Il est désormais rattaché à l’enseignement primaire. Il offre aux élèves issus
des écoles primaires (élémentaires) une possibilité de poursuivre gratuitement des études. Je
développerai davantage la question de l’enseignement primaire supérieur dans le chapitre
suivant lorsque j’aborderai les grandes lois scolaires promulguées sous la IIIe République.

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II. La gymnastique en France avant son intégration scolaire pour tous

De quand date l’intégration scolaire de la gymnastique ?

Nous verrons dans le chapitre suivant qu’il faut finalement attendre le début des années
1880 pour que la gymnastique soit élevée au rang d’enseignement obligatoire pour les deux
sexes et dans les deux ordres. Cependant, plusieurs textes réglementaires ont commencé à faire
de la gymnastique une discipline scolaire dès le milieu du XIXe siècle.

2.1. L’arrêté Fortoul de 1854

Avant même cet arrêté Fortoul de 1854, précisons qu’en 1850 la loi Falloux élève la
gymnastique au rang des enseignements facultatifs dans l’enseignement primaire (article 23) :

L'enseignement primaire comprend :

 l'instruction morale et religieuse ;

 la lecture ;

 l'écriture ;

 les éléments de la langue française ;

 le calcul et le système légal des poids et mesures.

II peut comprendre en outre :

 l'arithmétique appliquée aux opérations pratiques ;

 les éléments de l'histoire et de la géographie ;

 des notions des sciences physiques et de l'histoire naturelle, applicables aux usages de la vie ;

 des instructions élémentaires sur l'agriculture, l'industrie et l'hygiène ;

 l'arpentage, le nivellement, le dessin linéaire ;

 le chant et la gymnastique.

Quatre ans plus tard, l’arrêté Fortoul, quant à lui, n’est pas très explicite quant à
l’obligation de l’enseignement de la gymnastique, à tel point que longtemps l’historiographie a
ignoré ce texte. Pour preuve, lorsque Pierre Arnaud publie en 1991 l’ouvrage issu de sa thèse,
il est intitulé Le militaire, l'écolier, le gymnaste. Naissance de l'éducation physique en France

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(1869-1889). Son enquête historique débute alors en 1869, avec le décret Duruy. Il faut attendre
les recherches de l’historien Alex Poyer pour que soit exhumé l’arrêté Fortoul13. Alex Poyer
montre alors que même si le terme « obligation » est tu, l’arrêté peut être considéré comme
rendant obligatoire l’enseignement de la gymnastique dans les lycées de l’Empire.
Article 1er :
La gymnastique fait partie de l’éducation des lycées de l’Empire, elle est l’objet d’un enseignement régulier qui
est donné aux frais des établissements.

Article 3 :
Chacune de ces divisions reçoit, pendant toute l’année, deux leçons par semaine, à des heures qui ne sont pas
celles de la récréation.

Une de ces leçons a lieu nécessairement le jeudi.

Un gymnase couvert est spécialement affecté aux exercices de gymnastique.

2.2. Le décret Duruy de 1869

Ensuite, sous Duruy, en 1869 (décret Duruy du 3 février 1869) l’obligation est étendue
à tout le secondaire, collèges et lycées donc. L’obligation ne concerne donc qu’un seul ordre et
qu’un seul sexe, puisque le secondaire féminin n’existe pas encore.
Article 1er :
La gymnastique fait partie de l’enseignement donné dans les lycées impériaux et les collèges communaux.

Le décret laisse le soin aux communes de décider ou non d’organiser l’enseignement de


la gymnastique dans les écoles primaires.
Quatre leçons par semaine, chaque leçon dure au moins 30 minutes et est prise sur le
temps d’étude (circulaire aux recteurs du 9 mars 1869).
On notera également, pour la suite, que le décret Duruy créé le CAEG (Certificat
d’Aptitude à l’Enseignement de la Gymnastique), inaugurant ainsi le début non pas de la
formation des enseignants d’EP mais tout au moins de leur certification. Nous y reviendrons
sans doute dans de prochains chapitres en abordant la formation des enseignants d’EP.

13
Poyer Alex, « 1854 : aux origines de l'institutionnalisation de la gymnastique scolaire. Contexte et portée de
l'arrêté Fortoul. », Staps 1/2006 (no 71), p. 53-69. URL : www.cairn.info/revue-staps-2006-1-page-53.htm.

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2.3. La loi George de 1880

Enfin, la loi George rend obligatoire la gymnastique pour tous les établissements
d’instruction publique de garçons. Les deux ordres sont donc concernés, mais toujours pas les
filles. Là encore, j’y reviendrai dans le chapitre suivant et surtout on envisagera l’étude des
manuels de gymnastique (= les programmes) publiés suite à cette loi George.
C’est une loi importante puisqu’elle étend finalement au primaire garçon l’obligation
faite pour le secondaire par Duruy en 1869.
La même année, la loi Camille Sée, en créant l’enseignement secondaire féminin,
indique parmi ses enseignements la gymnastique. À la fin de l’année 1880, il n’y a donc que le
primaire féminin qui n’est pas encore concerné par l’obligation d’enseignement de la
gymnastique. Il le sera dès 1882.

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