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La trace d'une rencontre

Edith Stein et Etty Hillesum


Marguerite Léna
Dans Études 2004/7 (Tome 401), pages 51 à 63
Éditions S.E.R.
ISSN 0014-1941
DOI 10.3917/etu.011.0051
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Essais

La trace d’une rencontre


Edith Stein et Etty Hillesum

M ARGUERITE L ÉNA

N
1. Cf. Etty Hillesum, Une vie OUS avons vécu une journée étrange, écrit Etty Hillesum
bouleversée, suivi de Lettres
de Westerbork, traduites du
dans ses Lettres de Westerbork 1, lorsqu’un transport
néerlandais et annotées par nous amena des catholiques juifs ou des juifs catholiques
Philippe Noble, Points/
Seuil, 1995. Etty était venue
– comme on voudra – nonnes et moines portant l’étoile jaune sur leur
à Westerbork en tant que habit conventuel. Je me rappelle deux garçons, jumeaux dont le beau
membre du Conseil juif,
chargé par l’occupant de
visage brun évoquait le ghetto et qui, le regard plein d’une sérénité
l’administration interne de enfantine sous leur capuce, racontaient aimablement – tout au plus un
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ce camp de transit vers les
camps d’extermination. Elle
peu étonnés – qu’on était venu à quatre heures et demie les arracher
s’occupe, entre autres, de à l’office du matin et qu’à Amersfoort on leur avait donné du chou
l’enregistrement des arri-
vants. Elle sera elle-même
rouge [...]. Et, dominant le tout, le crépitement ininterrompu d’une
déportée et mourra à batterie de machines à écrire : la mitraille de la bureaucratie [...]. Plus
Auschwitz le 30 novembre
1943.
tard, quelqu’un m’a raconté que, le soir même, il avait vu un groupe
de religieux s’avancer dans la pénombre entre deux baraques obscures
2. Op. cit., p. 260.
en disant leur chapelet, aussi imperturbables que s’ils avaient défilé
3. Cité par le P. Lebeau,
Etty Hillesum, un itinéraire
dans le cloître de leur abbaye 2.
spirituel, Ed. Fidélité,
Namur, et Ed. Racine, Elle ajoute, dans un passage non publié en français de
Bruxelles, 1998, p. 177. Ces
« deux religieuses » sont son journal :
Edith Stein, Sœur Thérèse
Bénédicte de la Croix, et sa [Rencontré aussi] deux religieuses, appartenant à une famille juive très
sœur Rosa, arrêtées au car- orthodoxe, riche et très cultivée de Breslau, avec l’étoile jaune cousue
mel d’Echt le 3 août 1942,
en représailles du coura- sur leur habit monastique. Les voilà qui retrouvent leurs souvenirs
geux mandement des de jeunesse 3.
évêques hollandais contre
les persécutions antisé- C’est ainsi que, peut-être l’instant d’un enregistrement
mites. Elles meurent à
Auschwitz le 9 août 1942. administratif ou d’une brève conversation, Etty Hillesum et

Communauté Saint-François-Xavier.
Edith Stein se sont croisées. Ce mince événement a une portée Edith Stein a été canonisée
par le pape Jean Paul II le
symbolique. Il en va ici comme de ces morceaux brisés des tes- 11 octobre 1998. Etty fait
sères antiques dont la réunion, sumbolon, dessinait une figure erreur sur Rosa Stein, qui
n’était pas carmélite, mais
déchiffrable et permettait une reconnaissance entre les hôtes avait été accueillie par la
communauté du carmel
d’un jour ou les partenaires d’une alliance. La rencontre fugi- d’Echt.
tive et anonyme de ces deux femmes, héritière chacune du
mystère d’Israël, dans un des lieux du déni le plus radical qui
ait jamais été opposé à ce mystère, dessine elle aussi, de
manière discrète mais décisive, une figure significative. Car
Etty et Edith, deux brillantes figures de la culture européenne,
dont l’une partait comme infirmière dans un hôpital militaire,
en 1914, avec les Ideen de Husserl et l’Odyssée d’Homère en
poche 4, et dont l’autre arrive à Westerbork avec Rilke et Tolstoï 4. Cf. Edith Stein, Vie d’une
famille juive, Ad Solem/
dans son sac à dos, vont, chacune à sa manière, se dresser Cerf, p. 399.
contre la logique de mensonge et de mort du nazisme avant
d’en être les victimes. Elles ne le font ni par l’argumentation,
ni par la résistance armée. Car la défense des réalités que le
nazisme attaquait de plein fouet — la vérité et la vie — ne
relève, en dernière instance, ni de l’argumentation, ni de la
force ; elle relève de l’attestation. Attestation qui est plutôt,
pour Edith, celle d’un indéfectible amour de la vérité, et pour
Etty celle d’un non moins indéfectible amour de la vie. Mais,
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à Westerbork, les témoignages que nous avons sur l’une et sur
l’autre manifestent la convergence de ces deux voies dans
l’humble amour du prochain.

La lumière de la Croix
La psychologie fut un des premiers intérêts d’Edith. Mais,
après quatre semestres à l’université de Breslau, elle déchanta :
C’était dès le début une erreur de songer à faire un travail en psycholo-
gie. Toutes mes études en psychologie m’avaient seulement convaincue
que cette science en était encore à ses premiers balbutiements [...]. Et si
ce que j’avais appris jusque-là sur la phénoménologie me fascinait tel-
lement, c’était parce qu’elle consistait spécifiquement en ce travail de
clarification et qu’on y forgeait soi-même dès le début les outils intellec-
tuels dont on avait besoin 5. 5. Edith Stein, Vie d’une
famille juive, p. 261.
Exigence de fondation, exigence d’autonomie dans le
discernement intellectuel : Edith a vingt ans, mais déjà elle est
intellectuellement équipée contre toute espèce de dérive idéo-
logique de la pensée, si l’idéologie commence avec le déguise-
ment des présupposés en raisons, et l’abdication du jugement
personnel. Commence alors un itinéraire qui, d’étape en
étape, transfigure pour elle et en elle les termes de science et de
vérité. C’est d’abord la rencontre avec « la phénoménologie
comme science rigoureuse », en un sens nouveau du terme de
science, faisant droit à l’esprit comme esprit et à l’âme comme
âme. Mais l’attention du phénoménologue à l’expérience reli-
gieuse, dont les cours de Max Scheler lui révèlent l’impor-
tance, n’est pas encore la foi. De manière significative, celle-ci
commence pour Edith avec la découverte de la Croix, lorsque
Anna Reinach, une amie protestante, vit avec sérénité la mort
de son mari au front.
Ce fut ma première rencontre avec la Croix, avec cette force divine
qu’elle confère à ceux qui la portent. Pour la première fois, l’Eglise,
née de la Passion du Christ et victorieuse de la mort, m’apparut
6. Elisabeth de Miribel, visiblement 6.
Comme l’or purifié par le
feu. Edith Stein (1891-
1942), Plon, 1984, p. 61. Edith est alors prête à accueillir la vérité chrétienne, et
le jour où elle ouvre, en 1921, la Vie par elle-même de Thérèse
d’Avila, sa longue quête prend fin. « C’est la vérité », se dit-elle
en refermant le livre.
C’est cette exigence d’aller « jusqu’au fondement »
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— un fondement qui a pris pour elle, un jour et définitive-
ment, les traits du Crucifié et ne se touche que dans la prière —
qui commande son herméneutique des violences nazies, dès
1933, en termes d’actualisation du mystère de la Croix dans le
présent de l’histoire. Six ans plus tard, le dimanche de la
Passion 1939, elle adresse un billet à sa mère prieure, à Echt :
Chère Mère, permettez-moi de m’offrir au Cœur de Jésus en sacrifice
d’expiation pour la vraie paix : que le règne de l’Antéchrist s’effondre, si
possible sans une nouvelle guerre mondiale, et qu’un ordre nouveau soit
établi. Je voudrais m’offrir aujourd’hui même, parce que l’on est à la
7. Edith Stein, billet du douzième heure 7...
26 mars 1939 à mère Ottilia
Thannisch, prieure du car-
mel d’Echt, cité in Edith L’unité indéchirable de cette interprétation christolo-
Stein, Source cachée, Cerf,
1999, p. 30.
gique des événements et de l’offrande intégrale de soi consti-
tue « la science de la Croix », titre du livre auquel elle travaillait
encore le jour de son arrestation. L’expression fait écho
au logos tou staurou paulinien, cette « folie pour les païens »
qui vient directement contredire la logique de puissance
qui régnait sur l’Europe d’alors. Dans l’introduction de ce
livre, Edith s’explique sur la nouvelle signification du mot
« science », qui le fait passer cette fois du registre phénoméno-
logique au registre théologal :
Lorsque nous parlons de la science de la Croix, il ne faut pas entendre
cette expression selon son sens habituel [...]. Il s’agit d’une vérité
vivante, réelle et active. Cette vérité est enfouie dans l’âme à la manière
d’un grain de blé qui pousse ses racines et croît. Elle marque l’âme d’une
manière spéciale [...] à tel point que cette âme rayonne au dehors 8. 8. Edith Stein, La Science de
la Croix, Nauwelaerts,
Louvain, 1957, p. 3-4.
C’est bien ce qui est advenu, à Westerbork. La « science
de la Croix » n’est plus seulement pour Edith une vérité
contemplée et consentie à l’intime de l’âme, mais la réalité
même dans laquelle elle est immergée, et qui rayonne de
sa personne :
La grande différence entre Edith Stein et les autres sœurs était dans son
silence [...] elle donnait l’impression d’avoir à traîner une telle masse de
souffrances que, même quand parfois elle souriait, c’était encore plus
attristant [...] elle pensait à la souffrance qu’elle prévoyait, pas à sa
propre souffrance, elle était pour cela trop paisible, mais elle pensait à la
souffrance qui attendait les autres. Tout son extérieur éveille chez moi
encore une pensée, quand je me la représente en esprit assise dans la
baraque : une Pietà sans Christ 9. 9. Cité par B. Dupuy,
« Edith Stein dans les
griffes de la Gestapo », pré-
Mystère douloureux, qu’il ne faut toutefois pas séparer cisions nouvelles sur son
de sa face lumineuse, jusque dans l’enfer du camp de transit : envoi en déportation, Isti-
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na XLIII (1998), p. 286.
La seule religieuse qui m’ait aussitôt impressionné et que – malgré les
abominables épisodes dont je fus le témoin – je n’ai jamais pu oublier,
c’était cette femme avec son sourire, qui n’était pas un masque, mais
qui se levait comme un rayon de soleil... cette femme assez âgée,
qui donnait une telle impression de jeunesse, qui était si entière, si
vraie, si authentique 10... 10. Id., p. 287.

Il est significatif que, sous la plume de ce témoin, ce


soient les termes de jeunesse, de vérité et d’authenticité qui
viennent : démenti existentiel au mystère d’iniquité, mystère
de mort et de mensonge. Un autre témoignage souligne qu’elle
consacrait son temps à s’occuper des enfants :
Beaucoup de mères paraissaient tombées dans une sorte de prostration,
voisine de la folie ; elles restaient là à gémir comme hébétées, délaissant
leurs enfants. Sœur Bénédicte s’occupa des petits enfants, elle les lava, les
peigna, leur procura la nourriture et les soins indispensables 11. 11. Cité par Elisabeth de
Miribel, op. cit., p. 213-214.

La « science de la Croix » rayonnait en humble amour


de service.
Le pain et le baume
Quand Etty Hillesum, en mars 1941, s’adresse au psychologue
Julius Spier, elle est tout simplement en quête d’elle-même. Le
journal qu’elle tient à partir de cette rencontre témoigne d’une
personnalité vibrante, sensuelle, généreuse et possessive à la
fois, surtout étonnamment lucide sur elle-même et sur les
autres. Elle est partagée entre un puissant appétit de vivre et de
grands passages à vide :
J’ai reçu assez de dons intellectuels pour pouvoir tout sonder, tout
aborder, tout saisir en formules claires ; on me croit supérieurement
informée de bien des problèmes de la vie ; pourtant, là, tout au fond de
moi, il y a une pelote agglutinée, quelque chose me retient dans une
poigne de fer, et toute ma clarté de pensée ne m’empêche pas d’être
bien souvent une pauvre godiche peureuse, écrit-elle à la première
12. Etty Hillesum, Une vie page de son Journal 12.
bouleversée, p. 9.

Elle évoque un peu plus loin une « occlusion de l’âme ». Dans


les cent premières pages, la guerre est simplement l’arrière-
plan de l’aventure intérieure qui se déroule à travers sa rela-
tion avec Julius Spier jusqu’à la mort de ce dernier, en
septembre 1942. Relation complexe, faite de part et d’autre
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d’un puissant attrait physique et de séduction intellectuelle,
mais aussi éveillant chez Etty une quête spirituelle d’abord
confuse, puis de plus en plus explicite.
Le fil conducteur de cette quête pourrait être la lente
transmutation de l’amour de la vie qui s’opère au fil des pages
et des événements : d’abord, spontanéité instinctive d’une
personnalité qui se définit elle-même comme douée d’« un
fort tempérament érotique » et ayant « un fort besoin de
13. Id., p. 66. caresses et de tendresse 13 ». Cet amour de la vie, confronté à la
violence dont on voit monter inexorablement la menace,
prend peu à peu une tout autre profondeur. Peut-être n’est-il
au commencement qu’un sentiment de sécurité au cœur de
l’orage qui monte :
Comme c’est étrange ! C’est la guerre. Il y a des camps de concentra-
tion [...]. Et pourtant, quand je cesse d’être sur mes gardes pour
m’abandonner à moi-même, me voici tout à coup reposant contre la
poitrine nue de la vie, et ses bras qui m’enlacent sont si doux et si pro-
tecteurs [...]. Tel est une fois pour toutes mon sentiment de la vie, et je
crois qu’aucune guerre au monde, aucune cruauté humaine, si absurde
14. Id., p. 119. soit-elle, n’y pourra rien changer 14.
Mais, plus la guerre rattrape Etty, la conduisant de sa
situation somme toute confortable de jeune intellectuelle
émancipée d’Amsterdam à celle de fonctionnaire à
Westerbork, plus revient, comme un refrain de plus en plus
intérieur à la situation dans laquelle elle est prise, l’affirmation
de la bonté de la vie :
Par essence la vie est bonne, et si elle prend parfois de si mauvais
chemins, ce n’est pas la faute de Dieu, mais la nôtre. Cela reste mon
dernier mot, même maintenant, même si on m’envoie en Pologne
avec toute ma famille 15. 15. Id., p. 282.

Quelques lignes plus loin, le secret de cet amour purifié et


pacifié de la vie est livré :
C’est curieux, depuis ce dernier transport de rafle, je n’ai plus faim,
plus sommeil, plus rien, et pourtant je me sens très bien, on concentre
à tel point son attention sur les autres que l’on s’oublie soi-même et
c’est fort bien ainsi 16. 16. Id., p. 283.

Et encore :

Oui, la détresse est grande, et pourtant [...] je sens monter de mon cœur
– je n’y puis rien, c’est ainsi, cela vient d’une force élémentaire – la
même incantation : la vie est une chose merveilleuse et grande, après
la guerre nous aurons à construire un monde entièrement nouveau et,
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à chaque nouvelle exaction, à chaque nouvelle cruauté, nous devrons
opposer un petit supplément d’amour et de bonté 17. 17. Id., p. 288.

Ce « petit supplément d’amour et de bonté », Etty ne


pourra le livrer au monde après la guerre. Mais elle le prodigue
à Westerbork. Dans une de ses dernières lettres, en date du
21 août 1943, qui évoque de manière bouleversante le départ
d’un convoi, et où elle affirme : « Cette nuit, j’ai été en enfer »,
toute sa compassion va aux enfants et ce sont eux qui occu-
pent l’essentiel de son regard, de son récit :
Les gémissements des nouveau-nés s’enflent, ils remplissent les moindres
recoins, les moindres fentes de cette baraque à l’éclairage fantomatique ;
c’en est presque intenable. Un nom me monte aux lèvres : Hérode 18. 18. Id., p. 328.

Celle-là même qui, au début de son Journal, se décou-


vrant enceinte, n’avait pas hésité à supprimer la vie qu’elle
portait en elle, a maintenant sur les enfants qui vont mourir le
regard de l’Evangile. En octobre 1942, dans la dernière page de
son Journal, elle écrit : « J’ai rompu mon corps comme le pain
et l’ai partagé entre les hommes. Et pourquoi pas ? Car ils
étaient affamés et sortaient de longues privations. » Et, aux
dernières lignes du texte : « On voudrait être un baume versé
19. Id., p. 245-246. sur tant de plaies 19. » Le pain, le baume : deux signifiants fon-
damentaux de l’entretien de la vie, de la vie affamée et nourrie,
de la vie blessée et guérie. Deux signes sacramentels du salut.
Au terme du chemin, Etty est descendue assez profondément
dans le mystère de la beauté et du don de la vie pour en entre-
voir, du dedans, la portée sacramentelle ultime, inséparable
de l’amour en actes.
Ainsi se sont rejoints le combat d’Edith contre la dérive
utilitariste et fonctionnaliste de la vérité dans l’idéologie nazie
et le combat d’Etty contre la caricature instinctuelle et violente
de la vie, expression de la culture de mort dans laquelle
cette idéologie enfermait l’Europe. Et c’est pourquoi leur ren-
contre fugitive porte un sens qui la dépasse : maintenir
l’alliance de la vérité et de la vie, qui fait la vie de l’esprit,
contre toutes les forces qui s’y opposent, c’est témoigner de la
victoire de l’esprit là même où il paraît réduit à sa plus grande
impuissance. C’est vaincre, de l’intérieur et à la source, la
tentation nihiliste. A la déclaration d’Edith, rapportée par
le P. Hirschmann — « Jamais dans le monde la haine ne
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20. Cité par B. Dupuy, op. doit avoir le dernier mot 20 » —, fait écho la formule d’Etty :
cit., p. 262.
« Soyons bien convaincus que le moindre atome de haine
que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier
21. Etty Hillesum, Une vie
bouleversée, p. 218. qu’il n’est déjà 21. »

L’urgence du témoignage
Mais il y a un second niveau de lecture. Edith et Etty étaient
juives l’une et l’autre. Elles ont eu une jeunesse peu ou non
pratiquante. Edith, malgré la grande piété de sa mère, ne fré-
quente plus la synagogue après ses quatorze ans. Etty n’a,
quant à elle, reçu aucune formation religieuse et ne découvre
réellement la Bible que sur le conseil de Julius Spier. Aucune
des deux n’est donc à proprement parler une convertie du
judaïsme. Mais l’une et l’autre font, à partir de ce fonds
areligieux, un chemin spirituel qui conduit Edith au baptême
et au carmel, et Etty à une intense vie de relation à Dieu, sans
référence dogmatique ni appartenance synagogale ou ecclé-
siale. Dans l’enfer de Westerbork, c’est le Bréviaire pour Edith,
la Bible pour Etty qui sont leur source de paix et de force.
Faut-il en conclure que l’une et l’autre — la première par sa
conversion, la seconde par son absence de toute pratique —
n’ont rien à voir avec le mystère d’Israël ? Leur rencontre nous
conduit peut-être, au contraire, au cœur de ce mystère auquel
elles ont été, l’une et l’autre, de manière paradoxale au premier
regard, profondément fidèles. Mais cette fidélité a pris deux
chemins et deux visages en elles comme dans notre histoire,
l’une ayant rencontré et confessant explicitement le Christ,
l’autre non. Saint Paul donne à penser, dans sa Lettre aux
Romains, que c’est seulement à la fin des temps, à l’heure de la
miséricorde de Dieu, que ces deux fidélités se fondront en une
seule et que ces deux chemins convergeront. C’est pourquoi la
rencontre d’Edith et d’Etty, jusque dans son caractère à peine
ébauché, est non seulement symbolique mais prophétique :
elle anticipe sur cette heure-là, à distance, sans qu’elles aient
pu prononcer ensemble le nom du Christ, un nom qu’Etty
ne cite pratiquement jamais, même si elle se nourrit de
l’Evangile 22. Leur rencontre anticipe cette heure au moment et 22. C’est ainsi qu’elle
répond au vieux commu-
dans les lieux mêmes où l’idéologie nazie entendait précisé- niste Klaas, qui s’étonne de
ment « éradiquer » Israël, et par là priver l’Eglise, greffée sur son refus de la haine et y
voit « un retour au chris-
l’olivier franc, des racines de sa propre existence, et priver tianisme » : « – Mais oui, le
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christianisme : pourquoi
l’histoire humaine de son enracinement surnaturel 23. pas ? » (p. 218).
En ce qui concerne Etty, si on relit les textes dans cette 23. Cf. Jean Dujardin,
perspective, il me semble qu’on peut la considérer, quoique L’Eglise catholique et le
peuple juif, Calmann-Lévy,
détachée de la pratique cultuelle du judaïsme, comme une 2003.
authentique fille d’Israël, en qui s’exprime et s’accomplit
quelque chose d’essentiel à la vocation spirituelle de son
peuple : la mission du témoin. Dès son Journal, et de manière
intense dans ses lettres, revient cette urgence du témoignage.
Au début, elle exprime simplement le besoin et le désir
d’écrire, tout en sentant bien que cela exige de sa part un enga-
gement qu’elle ne peut encore pleinement assumer :

En moi certaines choses prennent bel et bien une forme, une forme de
plus en plus nette, concentrée et tangible – et pourtant il n’y a encore
rien à saisir, comment est-ce possible ? J’ai l’impression d’abriter un
grand atelier où l’on travaille dur, où l’on martèle, taille, etc. 24 24. Etty Hillesum, Une vie
bouleversée, p. 125-126.

Puis, quand se resserre l’étau, elle comprend que l’écriture


n’est pas seulement une manière de se donner forme à elle-
même, mais bien de témoigner pour l’histoire :
Je devrais brandir ce frêle stylo comme un marteau, et les mots
devraient être autant de coups de maillet pour parler de notre destinée
et pour raconter un épisode de notre histoire comme il n’y en a encore
jamais eu [...]. Il faudra bien tout de même quelques survivants pour se
faire un jour les chroniqueurs de cette époque. J’aimerais être, modeste-
25. Id., p. 168. ment, l’un d’entre eux 25.

Et plus profondément encore, au delà de la chronique, au delà


du travail du style, il s’agit pour elle de se faire pur témoin
réceptif et attentif de la vie contre la mort, de la bonté contre
la brutalité des hommes :
Je n’ai qu’à attendre patiemment que lèvent en moi les mots qui porte-
ront le témoignage que je crois devoir porter, mon Dieu : qu’il est beau
et bon de vivre dans ton monde, en dépit de ce que nous autres humains
nous infligeons mutuellement.

C’est au terme de ces lignes qu’elle se désigne comme


26. Id., p. 201-202. « le cœur pensant de la baraque 26 ». Et, de fait, nous trouvons
dans ce « cœur pensant » un bouleversant témoignage des
expériences spirituelles que le peuple d’Israël a connues et qui
constituent son identité la plus profonde : d’abord l’expérience
de cette beauté et bonté du monde qui nous reconduit aux
premières pages de la Genèse, rédigées dans le contexte de
l’Exil, et fait retentir, au plus noir de la défiguration de la créa-
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tion de Dieu, l’écho de la bénédiction originelle. Puis l’expé-
rience de la progressive dépossession de toutes les assurances,
de tous les biens, pour le départ, d’abord vers Westerbork, puis
vers une destination inconnue — expérience d’exode et d’exil,
au terme de laquelle, dans le dernier billet qu’elle jette du train
qui la mène vers Auschwitz, « assise sur [son] sac à dos, au
milieu d’un wagon de marchandises bondé », elle peut écrire :
« Christine, j’ouvre la Bible au hasard et trouve ceci : “Le
27. Id., p. 344. Seigneur est ma chambre haute 27.” » C’est aussi, et presque dès
le début du Journal, l’expérience d’une proximité intérieure de
Dieu, contraignant « la fille qui ne savait pas s’agenouiller » à
28. Le P. Dujardin le met se jeter à genoux et à rencontrer, au cœur d’elle-même, ce
en lumière de manière
décisive et cite à ce propos buisson ardent de l’Exode où s’atteste la Présence. Et c’est sur-
une parole de Hitler rap-
portée par Rauschning : tout, authentifiant tout le reste, l’exigence éthique du service
« Les tables du Sinaï ont du malheureux, l’enfant, le vieillard, le malade, dans ces pages
perdu toute validité. La
conscience est une inven- où se laissent entendre, c’est-à-dire mettre en pratique, la
tion des juifs. Elle est
l’équivalent d’une circon- grande voix du Décalogue et l’appel des prophètes.
cision, d’une amputation Or, c’est précisément cette présence de Dieu et cette Loi
de l’être humain » (op. cit.,
p. 47). d’Israël que le nazisme a voulu extirper de la terre 28. Comment
les invalider mieux qu’en « supprimant les témoins » : le
peuple juif, témoin, par vocation, de la transcendance de Dieu
et de la conscience humaine, témoin de l’image de Dieu jusque
dans le plus défiguré des hommes, témoin d’une Promesse
donnant sens à l’Histoire jusque dans ses nuits les plus obs-
cures. Etty écrit qu’elle n’a pas l’âme d’une révolutionnaire.
Face au déni nazi de la vocation d’Israël, elle a été plus et
mieux qu’une révolutionnaire, un témoin, et elle a mis au
service de ce témoignage non seulement sa lucidité et son
talent littéraire, mais aussi son choix de rester à Westerbork et
d’épouser jusqu’au bout la destinée de son peuple.

« Nous allons pour notre peuple »


C’est le même choix qu’a fait Edith. Elle l’a fait à partir d’une
autre situation spirituelle, celle d’une chrétienne qui a redé-
couvert, du dedans de son baptême, le sens de l’élection
d’Israël et la grâce d’y être charnellement rattachée :
Vous ne pouvez imaginer, écrit-elle, ce que cela signifie pour moi d’être
une fille du peuple élu. C’est appartenir au Christ non seulement par
l’esprit mais par le sang 29. 29. Cf. Cécile Rastoin, Edith
Stein et le mystère d’Israël,
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Ad Solem, 1998, p. 97,
Appartenance à la fois heureuse et crucifiante, qui fait note 9.
d’elle un témoin, dans sa propre chair, de la rencontre aimante
et douloureuse du Christ et de son peuple. Elle l’est dans son
identité propre de juive devenue chrétienne : elle a souffert de
l’incompréhension de sa mère très aimée devant sa conver-
sion ; elle a souffert du silence de son Eglise devant la persécu-
tion. Elle l’est dans sa consécration au Carmel, vécue comme
une offrande de communion, au pied de la croix, avec la souf-
france de son peuple. Elle a su – de la scientia Crucis – que la
seule victoire qu’elle pouvait remporter sur la haine déferlante
était de s’asseoir à la table des victimes, en sacrifice d’expia-
tion. On peut considérer que sa théologie de l’expiation porte
la marque d’un temps ; mais il faut remarquer que, dans un
contexte où beaucoup considéraient le peuple juif comme res-
ponsable de la mort du Christ, Edith, elle, devant le mystère
de la Croix, l’assimile à la victime : « cette persécution est une
persécution de la nature humaine du Christ 30 ». Enfin, sa 30. Cf. Vie d’une famille
juive, p. 589, note 12.
mort, en tant que juive et en tant que chrétienne, arrêtée parce
que juive, mais en représailles d’un acte de courage chrétien
de la part de l’Eglise, accomplit jusqu’à l’extrême cette double
appartenance, ou plutôt cette unique identité scellée par la
Croix. Lorsque, au moment où elle quitte le carmel d’Echt
sous escorte policière, elle dit à sa sœur Rosa : « Viens, nous
allons pour notre peuple », ce peuple — son peuple — est
indissociablement le peuple allemand dont elle est membre, et
qu’elle voit livré au paganisme nazi, le peuple d’Israël dont elle
est issue et dont elle va partager, dans sa chair, le sort, et le
peuple nouveau sur lequel l’a greffée son baptême : l’Eglise.

Un buisson ardent au désert


Et c’est peut-être ici, au cœur de leur plus grande différence
apparente, que nous pouvons voir se rejoindre les deux itiné-
raires d’Etty et d’Edith, comme une sorte d’attestation
concrète de cette unité qu’opère secrètement, sans l’imposer
ni la forcer, la Croix du Christ au foyer de l’Histoire. Comme
31. Philibert Secrétan, l’a relevé Philibert Secrétan 31, il y a une étonnante convergence
« Trois juives dominées par
la croix, Edith Stein, Etty entre un texte d’Edith, écrit à l’intention de ses sœurs le
Hillesum, Simone Weil », 14 septembre 1941, et un passage du Journal d’Etty. De part et
Choisir, mars 99, p. 5-11.
d’autre, c’est la même conviction : la profondeur intérieure de
la personne, l’âme, est demeure de Dieu, gardée par Dieu,
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quelles que soient les circonstances extérieures. Edith écrit :
Nous nous sommes engagées à la clôture, et nous le faisons de nouveau
à chaque renouvellement de nos vœux. Mais Dieu ne s’est pas engagé à
nous laisser toujours entre les murs de la clôture. Il n’en a pas besoin, car
il dispose d’autres murs pour nous protéger [...]. Serions-nous même
jetées à la rue, le Seigneur enverrait alors ses anges camper autour de
nous, et leur vol invisible entourerait nos âmes d’une clôture plus sûre
32. « Exaltation de la Croix, que les murs les plus hauts et les plus solides 32.
14 septembre 1941 », Source
cachée, p. 277-278.
Le 18 mai 1942, Etty écrit pour sa part :
J’élève la prière autour de moi comme un mur protecteur plein d’ombre
propice, je me retire dans la prière comme dans la cellule d’un couvent
33. Etty Hillesum, Une vie et j’en ressors plus concentrée, plus forte, plus « ramassée » 33.
bouleversée, p. 116.

C’est ainsi que, de Cologne à Echt et de Westerbork à


Auschwitz pour l’une, d’Amsterdam à Westerbork et à
Auschwitz pour l’autre, Edith et Etty ont vécu, dans toute sa
dramatique profondeur, l’expérience constitutive de l’Exil : la
ruine et la disparition de toutes les médiations qui incarnent
habituellement la fidélité à Dieu, jusqu’à n’avoir plus, pour
« donner corps » à cette fidélité, que leur propre corps à don-
ner. Mais aussi, dans cet extrême dénuement, l’expérience nue
et intense de la Présence, comme un buisson ardent dans le
désert. Nous ne pouvons les rejoindre en ce lieu intime, ce
saint des saints où chacune poursuivait avec son Seigneur un
dialogue qu’aucune circonstance extérieure n’a pu briser ;
nous pouvons seulement suggérer que, dans ce dialogue
secret, chacune a été fidèle à la mission d’Israël, le peuple où
Dieu a choisi d’établir sa résidence.
Pour Edith, qui écrit de Westerbork : « Jusqu’à présent
j’ai pu prier magnifiquement 34 », c’était expérimenter jusqu’en 34. Lettre du 6 août 1942 à
Mère Ambrosia Antonia
sa propre chair l’alliance nouvelle et éternelle, promise à Israël Engelmann, prieure du
depuis l’Exil et scellée sur la Croix : habiter, où que ce fut, le Carmel d’Echt. Cité par E.
de Miribel, op. cit., p. 215.
Temple indestructible, car non fait de main d’homme, qui est
en chacun de nous la demeure du Dieu Vivant à l’intime de
notre liberté. Quant à Etty, on peut peut-être déchiffrer dans
cette expérience de l’agenouillement intérieur, hors toute
médiation cultuelle, l’écho de ces situations extrêmes où, dans
le dépouillement total, le cœur de l’Alliance — « Je serai avec
vous », « Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple » — se
met à battre de manière plus sensible dans l’Histoire. Etty
écrit, le 10 octobre 1942 :
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Si les turbulences sont trop fortes, si je ne sais plus comment m’en sor-
tir, il me restera toujours deux mains à joindre et un genou à fléchir.
C’est un geste que nous ne nous sommes pas transmis de génération en
génération, nous autres juifs. J’ai eu du mal à l’apprendre 35. 35. Etty Hillesum, Une vie
bouleversée, p. 242.

Ce qu’elle n’avait pas reçu de sa famille — cet age-


nouillement intérieur et extérieur devant le Saint, cette adora-
tion « en esprit et en vérité » —, Etty l’a retrouvé pour ne
plus le perdre.
Peut-être peut-on alors risquer, avec beaucoup de res-
pect, un dernier pas vers la rencontre de ces deux femmes.
L’une et l’autre auraient peut-être pu échapper au sort qui les
attendait. Il eût fallu qu’Edith se désolidarisât de Rose, sa sœur,
ce qui lui aurait sans doute permis de trouver refuge en Suisse.
Il eût fallu qu’Etty se désolidarisât de sa famille, ce qui lui
aurait sans doute permis de retourner à Amsterdam. Elles ne
l’ont pas fait. Elles ont choisi d’aimer jusqu’à l’extrême, au
prix de leur propre vie. Elles ont mis cet amour en actes,
humblement, en s’occupant des enfants et de ceux dont la
détresse criait vers elles. Elles ont témoigné que l’union à Dieu
et le service du prochain sont une seule et même grâce. Le
27 février 1942, Etty recopie dans son Journal quelques versets
de l’hymne à la charité de saint Paul, et ajoute :
Tandis que je lisais ce texte, que se passait-il en moi ? [...] J’avais
l’impression qu’une baguette de sourcier venait frapper la surface dur-
36. Cité par P. Lebeau, id., cie de mon cœur et en faisait aussitôt jaillir des sources cachées 36.
p. 65 (passage non repris
dans l’édition française du
Journal). Des « sources cachées » : c’est exactement la même
expression qui vient sous la plume d’Edith lorsqu’elle médite
sur la mission des âmes contemplatives, qui est aussi la sienne,
dans le bouleversement de l’histoire :
Notre temps se voit de plus en plus obligé, quand tout le reste a échoué,
37. Source cachée est le titre de placer son dernier espoir de salut en ces sources cachées 37.
choisi pour l’édition fran-
çaise des Œuvres spiri-
tuelles d’Edith Stein, Cerf, De ces « sources cachées » — ou plutôt, de la Source
1999. La citation retenue
ici figure p. 69.
cachée dont elles émanent — Edith, à la suite de saint Jean de
la Croix, a su l’origine. Bien que ce fût de nuit.

MARGUERITE LÉNA
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