COMMENTAIRE DE TRADUCTION

Le 1er texte est corrigé afin que les étudiants voient ce qui est attendu.

Les autres sont corrigés en ligne (voir procédure dans le manuel pour accéder
aux corrigés). Vous retrouverez ces textes aux pp. 161-165 du manuel

1
 The witness
He unlocked the front door and went into the
hall. A phone was ringing upstairs. He looked at
his watch. It was just after five. He began to run
upstairs, pushing past a little red-haired man who
was also on his way up. ‘Sorry’, he said .
‘That’s all right, guv.’
When he unlocked the front door of the flat, the
phone was still ringing. But as he went into the
hall it stopped. Now he would have to wait until
he called back. He didn’t want to wait. He must
get it over now. He went to the phone. Don’t let
him persuade you. Tell him the truth. You are
afraid.
‘Sorry, guv. Gas man.’
He turned. He had not closed the door. The little
red-haired man was in the doorway. ‘I’ve come
to read the meter, sir.’
‘Yes. Go ahead.’
‘It’s in the back, here,’ the meter man said,
moving past him and opening the kitchen door.
‘You’re Mr Dillon?’
‘Yes.’
The little meter man whistled, as though calling
a dog. ‘Right, then,’ he said. Two young men
came in at the door. They wore jeans, T-shirts,
sneakers. They raised their revolvers. They were
not wearing masks. This time, there would be no
witnesses.
Brian Moore, Lies of Silence (1992)
Le témoin
Il ouvrit la porte d’entrée et avança dans le hall.
Un téléphone sonnait à l’étage. Il jeta un œil à sa
montre : il était peu après cinq heures. Il monta
l’escalier quatre à quatre et bouscula au passage
un petit homme roux qui montait aussi.
- Pardon, dit-il.
- Pas grave, chef.
Lorsqu’il ouvrit la porte de l’appartement, le
téléphone sonnait toujours. Mais en arrivant dans
l’entrée, la sonnerie s’arrêta. Il faudrait
maintenant attendre qu’il rappelle. Il ne voulait
pas attendre. Il fallait en finir tout de suite. Il se
dirigea vers le téléphone. Ne te laisse pas
convaincre. Dis-lui la vérité. Dis-lui que tu as
peur.
- Excusez-moi, chef. Je viens pour le gaz.
Il se retourna. Il n’avait pas refermé la porte. Le
petit homme roux était dans l’embrasure.
- Je viens relever le compteur, monsieur.
- Oui, allez-y.
- C’est là, au fond, dit l’homme en passant
devant lui avant d’ouvrir la porte de la cuisine.
- Vous êtes Mr Dillon ?
- Oui, c’est moi.
Le petit homme siffla, comme s’il appelait un
chien.
- Très bien, répondit-il. Deux jeunes hommes
arrivèrent à la porte. Ils portaient jean, tee-shirt
et baskets. Ils brandirent leur revolver. Ils ne
portaient pas de masque. Cette fois-ci, il n’y
aurait pas de témoin.
2
Corrigé du texte de Brian Moore

unlocked : ouvrit
Il y a ici une paraphrase antonymique par contraire positivé.

front : d’entrée
L’adjectif front commute ici avec un SP.

went into : avança dans

Hyponymisation du V go en « avancer », plus précis.

upstairs : à l’étage
Développement morphématique figé de upstairs composée du préfixe up- et du nom racine stairs en SP
(« à l’étage »), équivalence enregistrée par les dictionnaires.

looked : jeta un œil

Hyponymisation du V générique look en SV plus précis. Le développement observé également ici est
cette fois créatif, libre, dans la mesure où cette équivalence n’est pas enregistrée par les dictionnaires.

began : Ø
Le V begin est effacé en français et devient sous-entendu, implicite, en particulier avec l’utilisation du
passé simple. Le style aurait pâti d’une traduction plus littérale : « ? Il commença/se mit à monter
l’escalier quatre à quatre ».

run upstairs : monta l’escalier quatre à quatre

Traduction par chassé-croisé du phrasal verb : la particule subit un développement morphématique pour
devenir « monter l’escalier » et le V run devient l’expression « quatre à quatre », le tout fonctionnant de
manière idiomatique.

pushing past : et bouscula au passage

On passe d’une relation de juxtaposition entre une proposition principale (he began to run upstairs) et une
participiale (pushing past) à une coordination qui entraîne un V conjugué en lieu et place d’un participe
présent : il y a donc modification de la relation interpropositionnelle. On passe d’une subordonnée à mode
impersonnel à une proposition à mode personnel, ce qui est une forme de commutation. Enfin, on
remarque le développement de la préposition past en SP « au passage ».

red-haired : roux
Réduction sémique de l’adjectif composé, équivalence figée.

was on his way up : montait

Réduction sémique un peu plus libre ici, plusieurs traductions étant possibles (ex. « qui se rendait aussi à
l’étage »)

he said : dit-il
3
Inversion S-V obligatoire syntaxiquement en français dans une incise (proposition introductrice de DD).
Inversion possible en anglais dans un registre plus littéraire.

That’s all right, guv’ : Pas grave, chef

Paraphrase antonymique par contraire négativé.

front : Ø
L’adjectif front a été effacé pour des questions stylistiques et sémantiques : préciser qu’il s’agit de la
porte d’entrée est inutile puisque le contexte est clair ; sauf indication contraire on entre par la porte
d’entrée. La précision aboutirait à des lourdeurs : « ? il ouvrit la porte d’entrée de l’appartement ».

it : la sonnerie
Le français a une prédilection pour la précision du propos, là où l’anglais est plus hyperonymique. Aussi
a-t-on tendance à éviter toute formulation manquant de précision comme les tournures existentielles en
« c’est », « ça », « cela » quand une autre solution est possible. Ici, le pronom it, est remplacé par le
référent auquel il renvoie, le véritable sujet du V, le téléphone, qui devient par métonymie le SN « la
sonnerie » : il s’agit d’une dépronominalisation.

Now he would have to wait until he called back : il faudrait maintenant attendre qu’il rappelle
On observe une réorientation de l’énoncé à partir d’un sujet (et d’un verbe) impersonnel.

he must : il fallait
On observe une réorientation de l’énoncé qui se manifeste par le passage d’une tournure personnelle à
une tournure impersonnelle dictée ici par la modalité. On remarque du coup que le sujet de « en finir »
devient implicite puisque la tournure impersonnelle est suivie d’une proposition infinitive.

get it over : en finir

Réduction morphématique du verbe à particule get over qui devient « finir ». Le V get étant
hyperonymique et donc faiblement sémantisé, on peut considérer que c’est la particule over qui véhicule
le sens ici et qui est rendue par le radical fin-, le V get étant rendu par le morphème verbal –ir.

went : se dirigea
Hyponymisation à des fins stylistiques, une traduction plus littérale semblant maladroite : « ? il alla au
téléphone ».

You are afraid : Dis-lui que tu as peur

Etoffement. Pour des raisons stylistiques, le traducteur insère une tournure impérative (« dis-lui »), ce qui
semble plus heureux qu’une traduction plus littérale : « Dis-lui la vérité. Tu as peur ». On aurait pu avoir
également : « Dis-lui la vérité : tu as peur », auquel cas on aurait eu passage d’une relation interphrastique
à une relation interpropositionnelle avec propositions juxtaposées.

Gas man : Je viens pour le gaz.

4
On a une formulation tronquée en anglais, car orale, au DD. Gas man est en fait I’m the gas man. Une
traduction littérale qui reproduirait plus ou moins la même troncation (c’est-à-dire faisant l’ellipse du
sujet et du verbe) n’est pas envisageable en français (*(L’) homme du gaz). Le traducteur doit donc se
résoudre à rétablir une forme plus canonique avec S-V, ce qu’il fait en utilisant un sujet animé humain, le
V étant généré par le contexte. Une autre traduction, peut-être plus orale, aurait été possible : « C’est
l’employé du gaz ».

moving past : en passant devant

Le V moving est hyperonymisé pour devenir le V plus générique « passer ».

and… : avant d’…

On passe d’une relation interpropositionnelle de coordination à une hiérarchisation des propositions
puisqu’ici on débouche sur une subordonnée infinitive en français. Il s’agit donc d’un enchâssement : la
relation temporelle potentielle en anglais est rendue plus explicite en français où la successivité des
procès est exprimée par « avant d’ », qui marque l’antériorité du premier procès et la postérité du second.

the kitchen door : la porte de la cuisine

Transformation classique consistant à faire subir au N en position adjectivale (kitchen) une commutation
en SP, ce qui sera presque toujours le cas dans ce genre de configuration N (adj.)+N.

the little meter man : le petit homme

Effacement du N à valeur adjectivale meter pour des questions stylistiques, le contexte étant assez clair
pour le permettre. Une traduction plus proche du type « le petit homme du compteur » aurait semblé
moins heureuse. L’autre solution aurait été d’étoffer en insérant une relative (« le petit homme (qui était)
venu relever le compteur »), alternative nuisant à la concision, ou de reprendre les mots par lesquels le
personnage s’était présenté : gas man pourrait ainsi devenir « l’employé du gaz ».

he said : répondit-il
Outre l’inversion syntaxiquement obligatoire en français dans l’incise, on remarque ici une autre
transformation classique, consistant à hyponymiser les verbes de dire, souvent limités au seul verbe say
en anglais.

jeans, T-shirts, sneakers : jean, tee-shirt, baskets

On retrouve la vision distributive (vision binaire dans le cas de jeans) de l’anglais qui utilise le pluriel, et
la logique globalisante du français qui utilise le singulier. On observe donc une commutation en nombre
(sauf dans le cas de « baskets », puisqu’elles sont deux).

their revolvers / masks : leur revolver / masque

Même logique ici : vision distributive au pluriel en anglais, vision globalisante en français au singulier.
On observe donc une commutation en nombre.

5
 The boy who lived
Mr and Mrs Dursley, of number four, Privet Drive,
were proud to say that they were perfectly normal,
thank you very much. […]
Mr Dursley was the director of a firm called
Grunnings, which made drills. He was a big, beefy
man with hardly any neck, although he did have a
very large moustache. Mrs Dursley was thin and
blonde and had nearly twice the usual amount of
neck, which came in very useful as she spent so
much of her time craning over garden fences,
spying on the neighbours. The Dursleys had a
small son called Dudley and in their opinion there
was no finer boy anywhere.
The Dursleys had everything they wanted, but they
also had a secret, and their greatest fear was that
somebody would discover it. They didn’t think
they could bear it if anyone found out about the
Potters. Mrs Potter was Mrs Dursley’s sister, but
they hadn’t met for several years; in fact, Mrs
Dursley pretended she didn’t have a sister, because
her sister and her good-for-nothing husband were
as unDursleyish as it was possible to be […].
When Mr and Mrs Dursley woke up on the dull,
grey Tuesday our story starts, there was nothing
about the cloudy sky outside to suggest that strange
and mysterious things would soon be happening all
over the country. Mr Dursley hummed as he picked
out his most boring tie for work, and Mrs Dursley
gossiped away happily as she wrestled a screaming
Dudley into his high chair.
None of them noticed a large, tawny owl flutter
past the window.
At half past eight, Mr Dursley picked up his
briefcase […] got into his car and backed out of
number four’s drive.
J. K. Rowling, Harry Potter and the Philosopher’s
Stone (1997)
Le survivant
Mr et Mrs Dursley, qui habitaient au 4, Privet
Drive, avaient toujours affirmé avec fierté qu’ils
étaient tout à fait normaux, merci pour eux. […]
Mr Dursley dirigeait une entreprise qui fabriquait
des perceuses, la Grunnings. Il était grand et bien
en chair, avait un tout petit cou mais une très
grande moustache. Mrs Dursley était mince, blonde
et avait un cou deux fois plus long que la normale,
ce qui tombait très bien puisqu’elle passait le plus
clair de son temps à épier ses voisins, la tête par-
dessus les clôtures du jardin. Les Dursley avaient
un petit garçon prénommé Dudley qui était, à les
entendre, l’enfant le plus merveilleux au monde.
Les Dursley avaient tout ce qu’ils voulaient. Mais
ils détenaient également un secret dont leur plus
grande peur était que quelqu’un le découvre. Ils
étaient persuadés que si quiconque apprenait
l’existence des Potter, ils ne s’en remettraient
jamais. Mrs Potter était la sœur de Mrs Dursley
mais toutes deux ne s’étaient plus revues depuis
des années. En fait, Mrs Dursley faisait comme si
elle était fille unique car sa sœur et son bon-à-rien
de mari étaient tout le contraire des Dursley […].
Lorsque Mr et Mrs Dursley se réveillèrent au matin
du mardi où commence notre histoire, il faisait un
temps gris et maussade et rien dans le ciel nuageux
ne laissait présager que des choses étranges et
mystérieuses allaient bientôt se produire dans tout
le pays. Mr Dursley fredonna en choisissant sa
cravate la plus sinistre pour se rendre au travail et
Mrs Dursley raconta volontiers les derniers potins
tout en s’efforçant d’installer dans sa chaise haute
le petit Dudley qui braillait de toutes ses forces.
Aucun d’entre eux ne remarqua la grosse chouette
passer devant la fenêtre.
A huit heures et demie, Mr Dursley prit son
attaché-case […], monta dans sa voiture et sortit de
l’allée du numéro 4 en marche arrière.
6
 Home Sweet Home
The back door key was under the bootscraper where
she had left it. Matilda opened the door and,
switching on the light, walked in.
‘What a spotless kitchen.’ Hugh, carrying the bag of
food, followed with Folly at his heels.
‘It’s rather untidy usually.’ She felt the Rayburn
which was still warm, opened its door. In the fire
box embers glowed. ‘I expected it to be out.’ She
threw in sticks and a few larger pieces of wood […].
The fire flared and she put on coke. ‘Could you feed
Folly? The tin opener’s on the wall.’
Hugh opened a tin. ‘Is there a dog bowl?’
‘There on the shelf.’ Matilda handed him Stub’s
bowl. ‘I bet she’s thirsty.’ She filled the water bowl
and watched the dog drink while the man spooned
out food. ‘That’s enough. Too much will make her
sick. […] If you give her a run out at the back I’ll
get us some food. It’s a walled garden. She won’t
run away.’ […]
Matilda went upstairs to switch on the immersion
heater and make the bed in the spare room. She
opened the window and leaned out […]. There was
no other sound but the stream trickling over its stony
bed. She felt terribly hungry. In her bedroom she
opened windows and let in the warm night. The
house caught its breath and came to life.
In the kitchen the man sat slumped in the
beechwood chair, the dog at his feet, nose straining
towards the stove. He said: ‘She’s a good little dog,
your Folly.’ The dog pricked her ears but looked at
neither of them.
‘She’s yours, not mine. I’ll get something to eat’.
Could you manage an omelette?’
‘Lovely.’
Mary Wesley, Jumping the Queue (1983)
Home Sweet Home
La clé de la porte de derrière était sous le décrottoir,
là où elle l’avait laissée. Matilda ouvrit et entra tout
en allumant la lumière.
– Que cette cuisine est propre, s’exclama Hugh, qui,
le sac de courses à la main, la suivait, avec Folly sur
ses talons.
– C’est plutôt en désordre d’habitude. Elle passa la
main sur la cuisinière à bois, une bonne vieille
Rayburn, qui était encore chaude, puis l’ouvrit. Dans
le foyer, des braises rougeoyaient. « Je pensais que
le feu serait éteint », dit-elle. Elle y jeta du petit bois
et quelques plus gros morceaux […]. Alors que le
feu flamboyait, elle ajouta du coke.
– Peux-tu donner à manger à Folly ? L’ouvre-boîte
est accroché au mur.
Hugh ouvrit une boîte de conserve.
– Y a-t-il une gamelle pour la chienne ?
– Là, sur l’étagère, répondit Matilda en lui donnant
le bol de Stub. Je parie qu’elle a soif.
Elle remplit le bol d’eau et regarda le chien boire
pendant que lui transvasait la boîte à la cuillère.
– Elle en a assez. Elle va être malade si on lui en
donne de trop […]. Pendant que tu vas la promener
derrière, je m’occupe du repas. Le jardin est clos,
elle ne peut pas se sauver.
Matilda se rendit à l’étage pour mettre le chauffe-
eau en route et faire le lit dans la chambre d’amis.
Elle ouvrit la fenêtre et se pencha […]. Le seul bruit
provenait du ruisseau qui coulait en un mince filet
sur son lit de pierres. Elle avait très faim. Elle ouvrit
les fenêtres de sa chambre pour y laisser entrer la
douceur de la nuit. La maison reprit son souffle et
revint à la vie.
Dans la cuisine, l’homme était affalé sur une chaise
en bois de hêtre. Le chien était à ses pieds, la truffe
pointée vers le poêle.
– C’est une bonne bête que tu as là.
La chienne dressa les oreilles mais ne les regarda ni
l’un ni l’autre.
– C’est ta chienne, pas la mienne. Je vais préparer à
manger. Ça te convient une omelette ?
– Parfait.
7
Philip flew to Salonika via Munich, gave his
lectures, and met Joy by arrangement in Athens.
While Hilary is hanging out the washing in her back
garden in St John’s Road, Rummidge, Philip and Joy
are having a late breakfast on the sunny balcony of
their hotel room, with a view of the Acropolis.
‘Will your wife divorce you, then?’ says Joy,
buttering a croissant.
‘If I choose the right moment,’ says Philip. ‘I went
home with every intention of telling her about us,
but when she announced that she wanted to be a
marriage counsellor, it just seemed too cruel. I
thought it might destroy her morale before she’s
even started. Perhaps they wouldn’t even have taken
her on. You can imagine what people might say ─
physician heal thyself and so on.’
Joy bites into her croissant and chews meditatively.
‘What are your plans?’
‘I thought,’ says Philip, squinting in the sun at the
Acropolis, already teeming with tourists like a block
of cheese being devoured by black ants, ‘that we
might hire a car and drive to Delphi.’
‘I don’t mean this weekend, idiot, I mean long-term
plans. About us.’
David Lodge, Small World (1984)
Philip se rend à Salonique en avion, via Munich,
donne ses conférences et rejoint Joy à Athènes,
comme prévu. Pendant qu’à Rummidge, dans St
John’s Road, Hilary étend le linge dans le jardin,
Philip et Joy prennent, pour leur part, un petit-
déjeuner tardif sur le balcon ensoleillé de leur
chambre d’hôtel qui donne sur l’Acropole.
- Alors, ta femme va accepter de divorcer ? demande
Joy en beurrant un croissant.
- Si je choisis le moment opportun, répond Philip.
J’étais rentré à la maison avec la ferme intention de
lui parler de nous, mais quand elle m’a dit qu’elle
voulait devenir conseillère conjugale, cela m’a
semblé trop cruel. J’ai pensé qu’elle en serait
démoralisée avant même d’avoir commencé. Ils ne
l’auraient peut-être même pas embauchée. Tu
imagines les ragots – ce sont toujours les
cordonniers les plus mal chaussés, etc.
Joy mord dans son croissant qu’elle mâche d’un air
méditatif.
- Quels sont tes projets ?
Philip regardait l’Acropole en plissant les yeux,
ébloui par le soleil. Le site grouillait déjà de
touristes ; on aurait dit un morceau de fromage
dévoré par des fourmis noires.
- Je pensais, dit-il, qu’on aurait pu louer une voiture
et aller à Delphes.
- Je ne parle pas de ce week-end, idiot, je parle de
projets à long terme. Je parle de nous.
8
August the 7th of 1852 was the day of my departure,
and I will never forget it as long as I live.
After breakfast with the Warden’s family, at which I
could scarcely eat anything I was so nervous, I put
on the dress I was to travel in, the green one, with
the straw hat trimmed to match the gloves Janet had
given me. My box was packed; it was not Nancy’s
box, as that one smelled too much of mildew, but
another one provided by the Penitentiary, leather and
not much worn.[…]
I was taken in to see the Warden, it was a formality
and he did not have much to say except that he
congratulated me upon my release; in any case he
and Janet were to accompany me to the home
provided, at the special request of Sir John
Macdonald himself, as it was intended I should get
there safely and they knew perfectly well I wasn’t
accustomed to modern modes of travel, having been
so long shut away; […] So I was very glad for the
company.
I passed through the gates of the Penitentiary for the
last time as the clock struck noon, and it went
through my head like a thousand bells. […] The sun
was shining and every stone of the wall seemed as
clear as glass and lighted up like a lamp, it was like
passing through the gates of Hell and into Paradise, I
do believe the two are located closer together than
most people think.
Margaret Atwood, Alias Grace (1996)
Je partis le 7 août 1852. Jamais je n’oublierai ce jour
aussi longtemps que je vivrai.
Je pris le petit déjeuner avec la famille du directeur
de la prison, mais je ne pus presque rien avaler
tellement j’étais nerveuse. Ensuite, je mis la robe
dans laquelle j’allais voyager, la verte, ainsi que le
chapeau de paille orné de façon à être assorti aux
gants que m’avait donnés Janet. Ma malle était
prête ; ce n’était pas la malle de Nancy, car la sienne
sentait trop le moisi ; c’en était une autre, fournie
par la prison, en cuir et en assez bon état. […]
On m’emmena voir le directeur, c’était une formalité
et il n’eut pas grand-chose à dire à part qu’il me
félicitait de ma libération ; de toute façon, Janet et
lui allaient m’accompagner au logement que l’on
avait prévu pour moi; Sir John Macdonald lui-même
en avait fait la demande expresse, car il voulait que
j’arrive à destination sans encombre, et ils savaient
parfaitement que dans la mesure où j’étais restée
enfermée très longtemps, je n’étais pas habituée aux
moyens de transport modernes. Cette compagnie me
ravissait donc.
L’horloge sonnait midi lorsque je franchis les portes
de la prison pour la dernière fois, et j’eus
l’impression que mille cloches résonnaient dans ma
tête. […] Le soleil brillait, si bien que toutes les
pierres du mur étaient aussi transparentes que du
verre et semblaient s’allumer comme une lampe :
c’était comme passer les portes de l’Enfer pour
entrer au Paradis ; je crois vraiment que tous deux
sont plus proches l’un de l’autre que la plupart des
gens ne le pensent.
9
[Paradise is the family’s country cottage]
We never went to Paradise for Christmas.
Cities are the places to spend Christmas: busy
streets, shops, bars, restaurants sparkle and glitter
with lights and the heightened excitement of fiesta
time. In suburban streets curtains normally pulled
for privacy remain open to show the glow of firelit
rooms and trees hung with gaily coloured lights.
Our house had a tall tree in the front bay window of
the drawing room, a small tree in the window of
Mathilde’s sitting room, and then in every other
window a tall red candle flickered from dusk until
the following morning light. Holly, ivy and
mistletoe, swagged and clustered, little bunches of
lights hung like flowers from the green branches and
every vase and bowl in the house seemed to be filled
with chrysanthemums, yellow and gold and red and
white. Sylvia’s notion of what Christmas should be
like was meticulously old-fashioned, as was
Mathilde’s, and the smells of her scrumptious
cooking pervaded the house from top to bottom:
spices, herbs, simmering winy sauces and chocolate
all blended with the smells from the
chrysanthemums and the needles that slithered from
time to time from the tree.
Jennifer Johnston, This is not a novel (2002)
Nous n’allions jamais à Paradise pour Noël.
C’est en ville qu'il faut passer Noël : les rues
animées, les boutiques, les bars, les restaurants sont
à la fois remplis de lumières qui brillent et
scintillent, et de l’excitation accrue de la période des
fêtes. Dans les rues des quartiers résidentiels les
rideaux, que d’ordinaire on tire pour préserver son
intimité, restent ouverts pour exposer le
rougeoiement des pièces éclairées par le feu de bois
ainsi que les sapins décorés de lumières aux couleurs
vives.
Il y avait un grand sapin devant la baie vitrée du
salon, en façade, il y en avait un petit à la fenêtre du
salon de Mathilde, et à chacune des autres fenêtres,
la flamme d'une grande chandelle rouge dansait de la
tombée de la nuit aux premières lueurs du matin
suivant. Des festons et des grappes de houx, de lierre
et de gui, ainsi que des petits bouquets de lumières
étaient suspendus aux branches vertes comme des
fleurs et chaque vase, chaque coupe dans la maison
semblait rempli de chrysanthèmes, jaunes, or,
rouges, blancs. L’idée que se faisait Sylvia de ce à
quoi Noël devrait ressembler était parfaitement
démodée, tout comme celle de Mathilde, et les
effluves de sa délicieuse cuisine emplissaient la
maison de la cave au grenier : épices, herbes, sauces
au vin qui frémissaient et chocolat, tout cela se
mêlait au parfum que dégageaient les chrysanthèmes
et les aiguilles qui tombaient de temps à autre du
sapin.
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