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BAC GÉNÉRAL 2022 Épreuve de Français Commentaire Éléments d’introduction :

Le roman est souvent défini, à juste titre, d’abord par son caractère narratif, centré autour
d'un ou de plusieurs personnages, et l’on a parfois tendance à occulter ses origines
versifiées. Or la recherche de poétisation de l’écriture romanesque est une voie qui, tout en
ayant toujours perduré,est particulièrement explorée par les romanciers depuis la deuxième
moitié du XXe siècle. Ayant commencé par l’écriture de contes et nouvelles, Sylvie Germain
a emprunté cette voie dans ses romans aux accents merveilleux. Les « Chants » de ses
Jours de colère publiés en 1989 se situent dans les forêts du Morvan, dans un passé
indéterminé où ont grandi les neuf fils d'Ephraïm Mauperthuis et de Reinette-la-Grasse. Le
chapitre « Les Frères » brosse leur portrait. Nous demanderons donc dans quelle mesure ce
portrait collectif des frères révèle l’univers poétique du roman.(Les grandes parties du plan
doivent ici être annoncées de manière rédigée. Nous les proposons ci-dessous sous forme
de plan détaillé).

I. Le portrait collectif d’hommes – forêts


Cette page, dans un premier temps, donne à lire le portrait collectif des neuf frères.

1) Un portrait romanesque qui construit l’attente du lecteur


● La première phrase de l'extrait est une phrase à construction attributive qui permet de
typologiser les personnages qui vont être au centre de l’extrait. Le pronom qui ouvre le
paragraphe crée un effet d’attente. Le lecteur n’a pas de référence pour ce pronom.
● Ce n’est que dans le dernier paragraphe de l’extrait que l’on a une désignation plus
précise «Ils étaient les fils d’Ephraïm Mauperthuis et de Reinette-la-Grasse » l.21/22 qui
reprend la même construction attributive que la première phrase de l’extrait.
● Le portrait se construit par touches successives, caractéristiques à la fois
physiques,morales et sociales : « puissance » l.2, « « solitude » l.2, « accents de colère »
l.10, « trop pauvre » l.22

.2) Un portrait collectif


● Le portrait n’est pas celui d’un personnage mais de neuf personnages qui semblent n'en
former qu’un seul.
● Usage des pluriels : pronoms « ils » l.1, l.10, « eux » l.10, « les » l.21, « hommes » l.1, «
le fils » l.21.
● Des personnages indistincts : pas de déterminants « Ils étaient hommes » l.1, et sans
caractéristiques individuelles : définis comme «fils de… » l.21, le verbe « connaître »

(x2) qui pourrait caractériser l’un des personnages a pour sujet un « ils » qui prend presque
une valeur indéfinie.

3) Un portrait d’hommes des bois


● La principale caractéristique des personnages est leur lien, leur appartenance à la forêt,
mise en évidence dès le début de l’extrait avec l’anadiplose « … des forêts. Et lesforêts… ».
● Ce lien est si fort qu’ils deviennent presque étrangers à l’humanité. La première phrase les
définit comme « hommes» alors qu’à la ligne 11, ils ont été élevés« davantage parmi les
arbres que parmi les hommes » : parallélisme de construction qui semble signifier qu’ils
n’appartiennent ni à l’un ni à l’autre.
II. Une allégorisation de la forêt À travers le portrait de ces hommes, c’est la forêt qui
se dessine, une forêt allégorique.

1) Un refuge
● La forêt les recueille quand leur maison construite par l’homme ne peut plus les abriter ».●
L’évocation des habitudes des animaux parmi lesquels ils ont grandi (« bêtes qui gîtent dans
les forêts », « se glissent les renards, les chats sauvages », « les venellesque frayent les
sangliers ») est une analogie avec le mode de vie des frères protégés par la nature.

2) Une mère nourricière


● La forêt est représentée comme une mère nourricière qui remplace la mère des neufs
frères : «Ils s’étaient nourris depuis l’enfance des fruits… ; » l.11, phrase qui doit être lue en
parallèle de « pour pouvoir les nourrir » l.21. Lla « maison », dans ledernier paragraphe, est
présentée comme celle qui devrait non seulement« abriter » mais aussi « nourrir ». Ses
fonctions nourricières ont été occultées par la forêt
.● Le nom des parents n'apparaît qu'en dernière ligne, pour désigner les fils.

3) Une divinité créatrice


● La forêt est présentée comme une divinité créatrice
.● Référence biblique : « Et les forêts les avaient faits à leur image ».
● Caractère immuable voire éternel souligné par l’hyperbole « des millions de siècles »,ou
l’expression « passages séculaires ».
● Évocation des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle comme venus rendre hommage
à cette divinité.

III. Une écriture romanesque du tout Au-delà du lien entre les frères et la forêt,
l’écriture de cette page apparaît comme ce qui permet de créer un univers poétique et
mystique.

1) Union subtile de l’homme et de la forêt

● Multiplication des expressions alliant hommes et forêts : « leur sol commun » ;« hommes
et arbres » ; « un même chant »
,● La colère » qualifiant le chant de la forêt à la fin du premier paragraphe et reprise au
début du second paragraphe pour qualifier les « accents » des hommes.
● Rythme ternaire de l’énumération « les bêtes, les hommes et les étoiles » qui lie les trois
entités : forêt, homme, cosmos.

2) Un univers à la mesure de l’homme et du cosmos


● Le passage crée un véritable univers. Tous les éléments de la nature sont représentés :
végétal, animal, minéral.
● Évocation régulière du cosmos : « voie lactée », « étoiles»… qui est à l’image de la forêt
(ou l’inverse): insistance avec les trois expressions « en parallèle », « en miroir », « comme
en écho ».
● Lien entre hommes, forêt et cosmos par l’évocation du dessin : « à leur image »,«
dessinent au ciel les étoiles ».
3) Un chant poétique
● Plus qu’un portrait, cette page est un chant, une célébration de l’univers formé par la forêt,
l’homme et les cosmos.
● Jeux sur les répétitions anaphorique de chant », de manière entêtante, comme un mantra.
● Vocabulaire de la musique, du rythme
.● Célébration de la rudesse de ce monde mais aussi de sa force de vie.Éléments de

conclusion
:● Page qui pourrait être la présentation des personnages (cf. titre du chapitre « frères »)
mais qui déjoue les attentes du lecteur en fournissant un portrait allégorique qui laisse peu
de prise au lecteur.
● Ce qui est présenté, c’est plus un univers, à la fois poétique, cosmique et presque
merveilleux,une forêt peuplée d’êtres que l’on ne peut saisir, un monde célébré par un chant
poétique purement romanesque.

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