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Andrée Chedid est née en 1920 au Caire et est morte en 2011 à Paris, elle

est une femme de lettres et poétesse française d’origine syro-libanaise.


Elle écrit son premier roman en 1952 et écrit aussi des nouvelles, des
pièces de théâtre, des romans, des poèmes.

Le poème étudié est extrait d’un recueil paru en 1991 et intitulé Tant de
corps et tant d’âme, le titre du texte est « Destination: arbre » On voit bien
comment le poème peut s’inscrire déjà dans le parcours proposé « la
poésie, la nature, l’intime ».
Le titre associe l’idée de voyage ou de parcours à l’idée de la nature.
L’arbre, semble être la finalité, l’objectif du parcours, cela est souligné par
les deux points, seul signe de ponctuation consenti dans le poème. On note
l’absence de déterminant, la forme ramassée et brute du titre.

On distinguera deux mouvements.


Le premier mouvement va du début à « nuit », il est question de dessiner
l’arbre en général, d’en dessiner les contours.
Le second mouvement commence à « Evoquer ensuite » et se poursuit
jusqu’à la fin du texte, il s’agit d’une expérience singulière, de l’expérience
quasi symbiotique avec un arbre particulier, un arbre souffrant au cœur de
la ville.

Le texte se présente en huit strophes de longueur inégale, est écrit en vers


courts et irréguliers, sans aucun signe de ponctuation, choix de la
modernité.

1er MOUVEMENT

1ère strophe

L’ensemble du poème repose sur l’énumération des verbes à l’infinitif qui


sont des verbes d’actions. Ainsi que des verbes de mouvements qui
reprennent l’idée de destination ou de voyage. Pourtant il existe en creux
une présence humaine qui colore le texte d’une forme d’affectivité, de
symbiose entre l’arbre et l’homme, même si le « je » poétique est absent et
que l’on note une quasi absence de forme humaine. « Parcourir, se lier, se
mêler, plonger, renaître » semble créer un mouvement de reconnaissance
comme en profondeur.
L’Arbre est désigné de manière générique, mais la majuscule le valorise, le
personnifie presque, en fait une allégorie de la nature. L’arbre est divinisé
Autour de lui est dessiné un cadre « les jardins et les forêts » mais surtout
une origine « la terre, la glaise ». « Renaître de la glaise » prend un tour
mythique, l’arbre et l’homme sont façonnés dans la glaise. Tout les verbes
sont accompagnés de complément ce qui crée une sorte de parallélisme.
Chaque mot se trouve en fin de vers pour être valorisé

2ème strophe

Le jardin est disciplinés, la forêt est sauvage, ces deux mondes sont liés et
opposés. « Peu à peu » est isolé et inscrit le voyage dans une temporalité
comme plus loin « puis » et « ensuite ». On a une idée de parcours « gravir,
envahir » Cela souligne une construction dans le temps. On retrouve
l’énumération d’infinitifs : « s’affranchir, gravir, envahir, se greffer » associer
à une dimension verticale des éléments constitutifs de l’arbre : « les sols et
racines, le fût, la charpente, les branchages ». L’arbre est décrit du haut
vers le bas.
Le voyage est maintenant élévation.

3eme strophe
Le texte s’attache à décrire alors le feuillage comme une « explosion »,
cette nouvelle évocation a à voir avec le cosmique et l’on trouve le champ
lexical du ciel : « espace, orage, soleil, jour et nuit ». Ce premier
mouvement s’est donc attaché à décrire l’objet dans ses dimensions
terrestre et cosmique.

2ème MOUVEMENT

1ère strophe

Il réduit le champ à un arbre en particulier et l’on note le singulier, mis en


relief par l’espace voulu. « Evoquer ensuite » marque une rupture et une
nouvelle affectivité. La strophe souligne le contraste entre la ville
(métropole, asphalte) et la nature (arbre, jardins, forêts).
L’impression est double, celle de l’emprisonnement (dans, enclos) et celle
de la solitude (Éloigné, seul, orphelin). Une forme de pathétisme se dégage
et s’oppose à l’enthousiasme précédemment ressenti.

2ème strophe

Les termes « rêche, taries, éteintes » disent la déchéance de l’arbre


devenu citadin et accentue encore l’effet de chagrin. «Destination: arbre»
Les infinitifs « s’unir, rejoindre, écouter » introduise l’idée d’empathie que
l’on serait en devoir d’exprimer devant la souffrance évoquée derrière les
mots « soif, retraite, appels ».
4ème strophe

La strophe suivante redonne de l’espoir car exprime la force vitale de


l’arbre « invincibles, montée, pression et tenaces »: cap lexical de la
résistance. Se dégage ici une dimension mystérieuse de cette force de la
nature, de ce renouvellement de la nature: « bourgeons » et « sèves » sont
cette fois au pluriel ce qui souligne la fécondité.
Dernière strophe

Pour la première fois, apparaît la première personne du pluriel et une


présence concrètement humaine. « Nos vies » crée un pont entre l’arbre et
l’homme, c’est bien une expérience symbiotique. L’idée du voyage et du
mouvement revient avec la répétition de l’expression « d’arbre en arbre » et
l’énumération « cheminer, explorer, aller ».
La dernière idée est d’inscrire ce mouvement dans le temps : l’éphémère
et la durée semble s’opposer mais suggère en réalité le renouvellement qui
devient permanence. C’est un étrange voyage que fait le lecteur à travers
ce poème qui dit l’admiration du poète pour l’arbre et la nature, le
nécessaire respect du mystère de la vie, cette vie qui unit arbre et homme.
La sensibilité féminine à la pulsion vitale rappelle la relation d’autres
poétesses à la fécondité de la terre, on peut penser à Anna de Noailles,
mais le lyrisme contenu, la suggestion discrète des émotions nous ramène
davantage encore à Hélène Dorion dans « Mes forêts ».

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