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VIE DES ENTREPRISES LA FABRICATION ADDITIVE

LA FABRICATION ADDITIVE,
terre d’innovations
Fondateur de Multistation, une entreprise spécialisée en solutions dédiées à la fabrication
digitale et additive, Yannick Loisance (X71) partage avec nous quelques réflexions sur la
fabrication additive, son évolution, son potentiel et le positionnement de sa société dans ce
contexte.

polyvalente ce qui entraîne un coût salarial ont conseillé à leurs sous-traitants d’investir
élevé. dans cette technologie. En résumé, un mau-
La fabrication additive, vivant de son devenir, vais pari !
fait face à une perte de valorisation de ses Aujourd’hui, le rapport au désinvestissement
actifs, du fait que les constructeurs cherchent est différent. Associé aux efforts de décar-
à dynamiser le marché en développant et bonation, le désinvestissement a, en effet,
proposant de nouvelles fonctionnalités ! Plus repris ses lettres de noblesse. Acheter un
la machine est « hightech », plus son coeffi- matériel d’occasion est devenu « tendance »
cient obsolescence est élevé. Résultat : leur d’autant plus que les fonctionnalités des
valeur de marché réelle est très souvent infé- anciens modèles peuvent être suffisantes.
rieure à leur valeur d’amortissement comp-
table. D’ailleurs, nombreuses sont les Anticiper l’imprévisible : quel avenir
sociétés qui vont préférer garder un matériel pour la fabrication additive ?
inutilisé plutôt que d’enregistrer une perte…. Aujourd’hui, l’incertitude industrielle est deve-
nue la norme. Affronter l’imprévisible
Un marché qui se cherche, un désinves- demande de la créativité, de l’intuition et le
tissement difficile courage de sortir du rationnel. Dernière illus-
Yannick Loisance (X71) Le marché du désinvestissement en fabrica- tration en date : l’industrie nucléaire avec un
tion additive est récent et peu structuré. Sa revirement total du désinvestissement au
maturation a été brutalement accélérée par réinvestissement.
les crises récentes alors que les règles Côté fabrication additive, deux questions
La fabrication additive : entre maturité anciennes s’y appliquent difficilement. persistent : est-ce une technologie incertaine
des procédés et valorisation des actifs Contrairement à l’investissement, un proces- et son développement est-il prévisible ? Pour
Aujourd’hui, la fabrication additive se décline sus volontaire et une approche positive de apporter des éléments de réponse, il nous
au pluriel et ses procédés sont multiples. Pour développement, le désinvestissement n’est faut faire la chasse aux signaux faibles, annon-
les différencier, le TRL1 (Technology Readiness pas une pratique habituelle. Cette démarche ciateurs de possibles disruptions, comme ces
Level) est l’alternative la plus adaptée. De est chargée d’images négatives et renvoie à retours de moteurs de Pratt et Whitney suite
manière générale, les machines basées sur un signe tangible de désindustrialisation avec à des problèmes générés par l’usage de cer-
des procédés au TRL inférieur à 5 sont pro- un impact social significatif. C’est aussi un taines poudres métalliques en fabrication
posées aux universités et centres de recherche, vecteur de la déstructuration de la cohésion additive.
et l’industrie demande des équipements au d’une entreprise, un sujet tabou auquel per- Le propre d’un investissement est de s’inscrire
TRL supérieur à 5. À titre d’exemple, la joail- sonne ne veut être associé. dans la durée ! Or la prise de décision dans
lerie ou l’industrie dentaire utilisent des pro- Dans la fabrication additive, le désinvestis- un monde volatil, incertain, complexe et
cédés au TRL 9 qui sont totalement maîtrisés. sement peut s’expliquer par divers éléments : ambigu est difficile : pourquoi donc changer
À l’inverse, les procédés de la fabrication une erreur d’appréciation dans le choix du de technologie si la nouvelle génération est
additive métal ne le sont pas encore totale- process, des expectations surévaluées sur les incertaine et peut générer des effets impré-
ment. Notons aussi que les opérateurs des performances attendues, des sous-estima- visibles ? À la valorisation et au coefficient
machines de fabrication additive à faible TRL tions sur les risques HSE, ou encore un rejet d’obsolescence s’ajoute donc un « coefficient
doivent avoir une formation universitaire et brutal des donneurs d’ordre qui, très souvent, d’imprévisibilité ». En un mot, l’enjeu est de

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VIE DES ENTREPRISES

dérisquer la fabrication additive, ce qui a été


le cas aux États-Unis alors que l’Europe reste
la championne de la frilosité.
A contrario, sous l’impulsion des évolutions
technologiques et sociétales majeures qui
impactent différemment les secteurs avec un
phénomène d’hyper-croissance pour certains
(batteries, défense, drones, spatial…) et d’ef-
fondrement pour d’autres (moteurs ther-
miques), la fabrication additive tire son
épingle du jeu : elle peut apparaître comme
un nouveau moyen de production facilement
acceptable si elle n’arrive pas en remplace-
ment d’un ancien moyen. C’est ce que l’on
remarque dans certaines applications comme
la production de lanceurs spatiaux.

Le bonheur dans intelligence artificielle


ou le métavers
La fabrication additive, comme toute tech-
nologie émergente, exige des techniques
avancées de marketing industriel, car l’enjeu
est de trouver la voie la plus sûre entre la
demande en innovation des industriels et
l’offre souvent disruptive des fabricants de
machines. Plusieurs questions se posent :
l’intelligence artificielle va-t-elle permettre
l’automatisation des techniques de pros-
pection et de qualification de prospects, plus
globalement la gestion de la relation clients ? Le procédé DED direct energy déposition laser fil métal de MELTIO permet d’obtenir en une
Va-t-elle nous aider à bien déterminer la journée des bruts obtenus traditionnellement par fonderie dans un délai beaucoup plus long
©Meltio.
solution additive la plus performante ? Le
métavers permettra-il l’éclosion de centres de la demande. Multistation est fondamen- * Système de mesure imaginé par la NASA qui divise en 9 le
de démonstration virtuels ?... autant de pistes talement confiant dans l’adoption progressive niveau de maturité d’une technologie afin de mieux appréhen-
explorées par Multistation et qui ont vocation de la fabrication additive et est heureux de der et gérer le risque technologique des programmes
à bouleverser les métiers de service et d’in- partager sa vision avec des dizaines de fabri-
termédiation industrielle. cants qui lui font confiance !
Multistation est en veille permanente et en
recherche active de nouveaux procédés, qui
vont permettre de fabriquer des pièces que
nous ne savions pas produire avec les tech-
EN BREF
nologies traditionnelles. Au-delà, la fabrica-
tion additive génère chaque jour de belles Multistation SAS est un fournisseur de solutions complètes en fabrication digitale et
innovations. On peut notamment citer l’op- additive. Depuis sa création en 1987, Multistation contribue à l’histoire de la fabrication
additive. À ce jour, l’entreprise a livré des centaines de machines à destination de secteurs
timisation topologique qui permet d’alléger
divers et variés : l’éducation, l’automobile, le ferroviaire, l’aéronautique, la joaillerie… Forte
les structures tout en gardant leurs proprié- d’une équipe authentique, dotée d’une expertise technique, d’une bonne logistique et
tés mécaniques ou bien la fabrication addi- d’une expérience marketing, l’entreprise a mis sur le marché de nombreuses nouvelles
tive de structures lattice. Mais comme le technologies : le soudage robotisé dans les années 80, l’usinage 5 axes dans les années
soufflé retombe aussi vite qu’il est monté, 90, la fabrication additive métal dès le début des années 2000, les premiers kits
ces nouvelles technologies font parfois l’ob- d’imprimantes 3D à 1 000 euros en 2010 et, plus récemment, une gamme de machines-
outils lourdes ou complexes, des machines pour l’industrialisation des composites, des
jet d’exécutions sommaires. Malgré la diffi-
machines de fabrication additive utilisant divers matériaux et procédés. A l’aide de son
culté de tenir une posture face à l’incertitude
réseau, elle est aussi à l’origine de la plateforme internationale de marché Multistation
et ces nouvelles nécessités d’évaluation per- Second Life. Le fondateur de l’entreprise, Yannick Loisance (X71) est aussi le fondateur
manente des risques, Multistation tient son de l’Association Française de Prototypage Rapide en 1992, qui depuis est devenue France
cap avec agilité et adaptation aux fluctuations Additive.

Novembre 2023 N° 789 73

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