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La philosophie grecque
Pour beaucoup, la philosophie grecque est la philosophie par
excellence. C'est chez les Grecs en effet que la philosophie s'est
Aperç constituée à l'état de discipline autonome, distincte à la fois de la
u religion et des sciences positives. C'est chez eux qu'elle a peut-être été
portée à son plus haut point d'achèvement. La philosophie grecque
commence environ 600 ans av. J.-C., et finit dans le VI siècle de
e
La philosophie des âges suivants s'y rattache par les liens les plus
étroits.
L'Epicurisme et le Stoïcisme, environ un siècle avant notre ère,
introduisent la philosophie grecque à Rome ; Cicéron y représenta
l'Académie, Lucrèce l'Epicurisme, et Sénèque le Portique (Stoïcisme); à
Rome, la philosophie fut classique comme la littérature. La philosophie
du Moyen âge en reproduisit simplement les doctrines de Platon et
d'Aristote ( Scolastique); celle des Temps modernes, reprit les grands
problèmes philosophiques précisément au point où les avaient laissés les
Grecs , et continua ainsi l'oeuvre commencée par eux.
Les Présocratiques
Jalon
s
La première période de la philosophie grecque s'ouvre avec
les écoles Ionienne et Italique. Les Ioniens ont pour plus
ancien représentant connu Thalès de Milet ; après lui on
cite Anaximandre, Anaximène, et d'autres moins célèbres. Dans
cette période, la philosophie se donne pour tâche d'expliquer
le monde physique, les phénomènes qui tombent sous
l'observation sensible. Plein d'une confiance dans ses forces,
l'esprit ne songe pas alors à se demander si le problème n'est
pas au-dessus de sa portée, et s'il possède les facultés
nécessaires pour le résoudre : il se met directement à l'oeuvre
sans douter du succès : d'où le nom de dogmatisme physique,
donné par Zeller.
L'école ionienne.
Les premiers philosophes se demandent de quoi les choses sont
faites, quel est le principe de l'être, et les anciens Ioniens font à
cette question des réponses diverses, Thalès croyant trouver ce
principe dans l'eau, Anaximandre dans la matière infinie
(apeiron), Anaximène dans l'air. Le principal caractère de
l'école Ionnienne est d'avoir conçu le premier principe
uniquement comme matériel, sans tenir aucun compte des
choses incorporelles, et de n'avoir pas déterminé le principe du
mouvement ( La Matière dans l'Antiquité ). Ne s'attachant
qu'aux phénomènes, elle n'admettait que l'évidence donnée par
les sens. A cette solution toute physique du problème s'oppose
bientôt celle d'Anaxagore, puis la solution mathématique
des Pythagoriciens (Ecole Italique) qui expliquent toutes choses
par les nombres.
Anaxagore.
Anaxagore se distingue des philosophes ioniens en ce qu'il
introduit l'intelligence comme principe d'ordre, sans toutefois
ôter à l'école son caractère sensualiste. Il ramenait la matière à
un nombre infini de parties élémentaires semblables, dont le
mélange donne naissance aux divers corps, et qui portent dans
l'histoire de la philosophie le nom d'homoeoméries. Mais, au-
dessus de cette infinie pluralité de la nature, de cette
dissémination de l'être, il plaçait une unité souveraine,
l'intelligence (Noûs). La matière , disait-il, est incapable de se
mouvoir elle-même; le noûs est le principe du mouvement qui
l'anime et de l'ordre qu'elle tend à réaliser. L'intelligence est
simple, indivisible, sans mélange d'aucune autre chose; elle a
deux attributs fondamentaux, la connaissance et le
mouvement; elle a ordonné les révolutions des astres; elle
préside à la circulation universelle; elle enveloppe et domine le
monde.
L'école Italique.
L'école italique (ou pythagoricienne), au contraire, au lieu de
s'arrêter aux phénomènes, ne considère que leurs rapports; de
là son double caractère mathématique et astronomique. Aussi
fut-elle entièrement spiritualiste pour elle les nombres étaient
les principes des choses, c.-à-d. des causes. Il est probable, car il
ne reste rien des premiers philosophes de l'école, qu'en disant
que le monde s'était formé à l'imitation des nombres, les
Pythagoriciens voulaient dire, que tout est sorti de
la substance primitive comme les nombres naissent de
l'unité en s'ajoutant sans cesse à elle-même. Dieu étant l'unité,
la perfection consiste à s'en rapprocher; aussi l'âme est un
nombre, elle est immortelle et soumise à la métempsycose.
L'école d'Italie se démarque aussi de celle d'Ionie par sa
manière d'expliquer le système du monde (elle admettait que le
Soleil est fixe au milieu des planètes ), et par sa morale,
qui suppose une sanction après cette vie . Elle eut pour
fondateur supposé Pythagore; les plus renommés après lui
furent Empédocle, qui, le premier, admit plusieurs éléments
; Epicharme; Archytas de Tarente , célèbre aussi comme
mathématicien.
L'Ecole Eléatique.
L'école éléatique peut être vue comme un développement de
l'Ecole pythagoricienne; en effet, Xénophane, et
surtout Parménide et Zénon d'Élée , en vinrent à nier
toute réalité matérielle, toute variété, et à ne plus admettre que
l'unité absolue. Les Eléates proposent ainsi une solution
toute métaphysique, et inventent la dialectique. Ils affirment la
réalité de l'être éternel, un et immuable (que ce soit l'étendue ou
l'être abstrait); ils introduisent dans la philosophie
ce principe qui n'en sortira plus : rien ne naît de rien; l'être, au
vrai sens du mot, ne commence ni ne finit. Dès lors, ce n'est plus
l'être même qu'il s'agit d'expliquer, mais le devenir, le
changement, le multiple que les Eléates, conséquents avec eux-
mêmes, ont commencé par nier.
Héraclite.
Héraclite d'Ephèse, qui se rattache aux philosophes ioniens, se
plaçant à un point de vue diamétralement opposé, soutient que
rien dans le monde ne subsiste un instant identique à soi-même.
La matière vivante est, d'après lui, le feu; mais il est moins
frappé de la substance des choses que de leur devenir : « Rien
n'est, tout devient. » Tout se meurt, tout s'écoule, tout devient
tout, tout est tout. Tout change sans cesse, passant d'un
contraire à l'autre, et la seule chose qui soit immuable c'est
la loi de cette éternelle métamorphose. Telles sont les
principales affirmations de la philosophie d'Héraclite, qui
l'opposent très nettement à celle de Parménide, qui soutenait
l'unité et l'immutabilité de l'être. Si tout devient tout, chaque
chose contient en elle ce qui la nie; la loi du devenir n'est plus
autre que celle de l'identité des contraires. Ce changement
constant ne se fait pas au hasard.
« Héraclite est le premier, dit Eduard Zeller, qui ait affirmé énergiquement, d'une
part, la vitalité absolue de la nature, la transformation incessante des substances, la
mutabilité et l'instabilité de tout ce qui est individuel; d'autre part, l'uniformité
immuable des rapports généraux, l'existence d'une loi raisonnable, absolue, qui régit
le cours de toute la nature. »
La philosophie d'Héraclite a exercé dans la philosophie grecque
ultérieure une influence considérable.
Le panthéisme /stoïcien recueillit sa théorie du feu
divin, principe de toute existence et de toute raison. L'Ecole
Atomistique , Platon et Aristote eux-mêmes, s'efforcèrent de
concilier l'affirmation héraclitéenne de l'éternel devenir avec la
définition que Parménide donnait de l'être. Mais avant eux,
les Sophistes exploitèrent un certain nombre de idées
héraclitéennes sur la valeur de la connaissance humaine.
-
La recherche de l'Archè
L'archè, le principe des choses, est conçu diversement par les philosophes :
c'est, pour Empédocle, les quatre éléments, terre, eau, air, feu; pour
Anaximandre l'apeiron, pour Anaxagore, comme on l'a vu,
les homéoméries, particules de matière très ténues, qualitativement
différentes les unes des autres, et mélangées à l'infini; pour Démocrite, les
atomes , tous semblables, différents seulement par leurs propriétés
géométriques, la grandeur et la forme. Reste à expliquer la cause du
mouvement qui rapproche les éléments; pour Empédocle, c'est l'amour et la
haine; pour Anaxagore, on la vu aussi, c'est le noûs, l'intelligence distincte
du monde, qui lui donne la première impulsion : pour la première fois on
voit apparaître l'esprit dans ces explications de l'univers; pour Démocrite, le
mouvement n'a pas de cause : il est éternel.
Les Sophistes.
Avec les Sophistes enfin, on voit apparaître des préoccupations
d'un tout autre ordre. Renonçant à
l'explication des phénomènes physiques, qu'on regarde comme
impossible, on s'attache uniquement à des questions pratiques
on cherche les moyens de réussir dans la vie, par l'instruction,
par l'éloquence, par l'habileté dans tous les arts et dans la
conduite des affaires humaines. Les conseils que donnent à ce
point de vue un Protagoras, un Gorgias, un Prodicus de
Céos sont d'ailleurs purement empiriques,
sans principe supérieur qui les inspire, sans règle qui les
détermine. Tous ces philosophes, prenant les systèmes
construits par leurs prédécesseurs, démêlant avec sagacité leurs
côtés négatifs et leurs endroits faibles, les opposant l'un à
l'autre, arrivèrent par la confusion et la contradiction à une
sorte de négation universelle, dont Socrate, qui est d'une
certaine façon le dernier des Sophistes, allait bientôt savoir
tirer tout le profit de cet embrouillamini.
Platon et l'Académie.
Platon, fondateur de l'Académie, embrassa à la fois
la dialectique, la physique et la morale, en s'attachant surtout
aux données de la raison. Les notions particulières ne sont pour
lui qu'un point de départ d'où il s'élève, par la dialectique,
jusqu'aux idées en elles-mêmes, types éternels dont la réalité en
ce monde n'est qu'une infidèle image. Les idées, c.-à-d.
les concepts réalisés, devenus des hypostases, en dehors de
l'esprit et des choses sensibles, sont pour Platon la
véritable réalité. Par suite, la dialectique est la méthode par
excellence. Une idée suprême, l'idée du bien, c.-à-d. de Dieu,
domine et éclaire toutes les autres. Un monde intelligible,
accessible à la seule raison, s'élève au-dessus du monde sensible
et en contient l'explication. Platon considère ainsi la philosophie
comme la connaissance des choses quant à leur notion
essentielle, c.-à-d. quant à leur véritable existence, comme dans
l'objet infini et universel des conceptions de la raison. Au
contraire, les notions que nous avons des choses d'après
la perception sensible et les simples phénomènes de
l'expérience sont des notions trompeuses. Cette théorie, appuyée
sur la réminiscence, supposait une vie antérieure où l'âme avait
vu de plus près ces exemplaires en Dieu. Comme pour Socrate,
Dieu est une Providence, organisateur et roi du monde; mais
Platon ne va pas jusqu'à l'unité absolue des Éléates.
Aristote et le Lycée.
Avec Platon, la philosophie grecque avait fait d'immenses
progrès, surtout au point de vue moral; il en fut de même
avec Aristote, le fondateur du Lycée ( L'Ecole
Péripatéticienne), sous le rapport scientifique. Si Aristote est un
grand métaphysicien, il est aussi un grand physicien; avec lui
l'esprit humain trouve et formule
les lois du raisonnement déductif. Il en est de même de la
poétique de l'éloquence et de la politique. Avec lui la philosophie
devient réellement la science des causes et des
premiers principes. L'idée qu'il s'est faite de la philosophie suffit
pour montrer qu'il n'est pas sensualiste. Elle est surtout la
science de l'essence (ousia), la connaissance du but ou de la fin,
et ce but, c'est le meilleur en chaque chose; mais pour lui ce
même but est quelque chose de réel de concret, par opposition à
l'idée de Platon. Aristote refuse aux idées une existence séparée
et distincte. Pour lui, les êtres individuels seuls existent
vraiment. Mais en eux se trouvent réalisées, actualisées, les
essences ou idées immuables, tandis qu'ils sont changeants,
éternelles, alors qu'ils sont périssables. L'acte, avec la puissance
qui lui correspond, se substitue ainsi à l'idée. Tous ces actes ou
formes sont disposés d'ailleurs selon un ordre hiérarchique, qui
va du moins parfait au plus parfait, et s'explique en dernière
analyse par un acte indéfectible et toujours présent, l'acte de la
pensée qui se pense elle-même et qui est Dieu. Ce Dieu, étranger
au monde, le meut sans le connaître, à titre de cause finale par
l'attrait de sa souveraine perfection. Développant et appliquant
ses principes, Aristote construit le système le plus vaste et le
plus complet qui ait peut-être jamais été conçu, et qui devait
exercer sur toute l'histoire de l'esprit humain une si profonde et
si durable influence.
Le Stoïcisme
Il y a bien dans le Stoïcisme une logique et une physique : mais
l'une et l'autre sont subordonnées à la morale. La logique a
pour but de résoudre, au point de vue sensualiste, le problème
de la certitude, parce que, pour fonder la morale, il faut une
règle sûre de vérité. De même la
physique matérialiste et fataliste des Stoïciens proclame
l'unité de la nature, l'ordre du monde, son identité avec
le Dieu qui le pénètre et l'anime, afin que cette raison
universelle, présente à toutes choses, serve de modèle à la
conduite humaine. Ainsi s'explique cette maxime d'où découle
toute la morale stoïcienne : il faut vivre conformément à la
nature. Ni le plaisir n'est un bien, ni la douleur un mal. Le seul
bien est la vertu, conforme à la raison universelle; le sage n'a
d'autre idéal que de vouloir ce que veut la pensée qui dirige le
monde : et il devra être comme elle exempt de trouble et
impassible.
L'Epicurisme
L'Epicurisme remplace la logique par la canonique, parce qu'il
renonce à connaître la vérité nécessaire et déduite a priori :
mais il reste aussi fermement dogmatique que le Stoïcisme, et
les règles qu'il donne pour atteindre la vérité sont aussi
absolues que celles d'Aristote ou de Chrysippe. S'il emprunte
à Démocrite, en la modifiant profondément, la théorie des
atomes , c'est afin de pouvoir nier l'action de
la providence dans le monde, et de débarrasser l'humanité des
plus grands maux dont elle souffre, la crainte de la mort et celle
des dieux. La morale prescrit la recherche du plaisir, mais du
plaisir en repos, par où il faut entendre la satisfaction des désirs
naturels et nécessaires, c.-à-d. la vie tranquille et sobre,
exempte du trouble des passions, des vains désirs et des vaines
craintes.
Le Scepticisme.
Adversaire acharné du dogmatisme, aussi
bien stoïcien qu'épicurien, le Scepticisme, sous ses formes
diverses, apparaît en même temps comme un résultat du conflit
des systèmes antérieurs. Déjà il s'était annoncé
avec Pyrrhon (340 av. J.- C.), mais c'était trop tôt. Le vrai
Scepticisme s'établit avec toute sa puissance dans la personne
d'Aenésidème, qui en fit un système régulier, en lui donnant des
principes et une méthode. Par là il mit en question
toute croyance et toute réalité. Ce système fut continué, à Rome
, par Agrippa, qui porta la doctrine à son apogée, et Sextus
Empiricus. Le procédé général de l'école consistait à opposer les
idées sensibles aux conceptions de la raison, pour arriver au
doute par la contradiction. De là cette formule qui résume tout
le Scepticisme pratique de l'Antiquité : "Pas plus l'un que
l'autre". Pyrrhon, Aenésidème, et Carnéade ruinèrent la théorie
de la certitude fondée sur le seul témoignage des sens. Ils
contestaient la valeur de l'idée de cause; niaient qu'aucune
preuve soit possible, en un mot, ruinaient la science sous toutes
ses formes. Mais pour la vie pratique, ils recommandaient de se
conformer soit au sens commun, soit à la vraisemblance, et c'est
en fin de compte, comme leurs rivaux, dans l'ataraxie ou
l'apathie qu'ils font consister le souverain bien.
La philosophie alexandrine.
Tel était,deux siècles après J.-C., l'état de la philosophie
grecque. Alexandrie avait succédé à Athènes; elle était devenue
le foyer des sciences et des lettres. Les différents systèmes
de philosophie s'y rencontrèrent et étaient devenus une cause
de Scepticisme; mais ce dernier système ne pouvait pas
satisfaire l'esprit humain; de là naquit l'école d'Alexandrie. Son
premier caractère fut l'éclectisme, ou plutôt le syncrétisme, où
se retrouvent synthétisées, avec des éléments venus de l'Orient,
toutes les grandes conceptions de la philosophie grecque. Selon
les Eclectiques, tout est en Dieu et par Dieu, et pourtant Dieu ne
se confond pas avec le monde. Après l'éclectisme, un second
caractère vint dominer la philosophie alexandrine, ce fut
le mysticisme : expliquer la nature divine et la manière dont
elle se manifeste, s'élever par l'extase au-dessus des données de
la raison, tel était l'objet principal de la nouvelle école, qu'on
appela aussi Néoplatonicienne.