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Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale

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Monique Raberin : Docteur d'Université, maître de conférences à la faculté de chirurgie


dentaire de l'Université de Lyon I
7 place Déperet, 69007 Lyon France

23-474-B-10 (1997)

Résumé

La connaissance de la régulation et des anomalies de postures orofaciales permet d'optimiser le


diagnostic clinique et de mieux comprendre le mode d'action et les modifications physiologiques
apportées par les moyens thérapeutiques orthopédiques, orthodontiques et chirurgicaux. Les
incidences cliniques des postures sont étudiées au travers de l'intérêt du diagnostic précis et des
moyens d'étude des postures mandibulaires, labiales et linguales.

La confrontation des différents travaux sur leur maturation permet de mettre en évidence un premier
intérêt clinique, concernant le début d'un traitement interceptif des comportements posturaux
anormaux. Les interrelations entre ces postures semblent obligatoires et être en relation avec
d'autres postures corporelles. Le rôle morphogénétique de la posture mandibulaire, lié au port
céphalique est admis par de nombreux auteurs. Si la controverse existe toujours pour connaître la
limite de l'action morphogénétique de la langue, il semblerait que la plupart des auteurs ne
reconnaissent à la musculature labiale qu'une intervention réduite dans les processus de croissance.
L'étude des modifications posturales provoquées par les thérapeutiques permet d'éveiller la vigilance
du clinicien sur l'observation des tissus mous au repos avant le traitement, et de veiller à l'acquisition
ou au maintien d'un " équilibre postural " qui conditionnera la réussite thérapeutique à long terme.

©1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés.


EMC est une marque de Elsevier SAS.

Plan

Introduction
Posture mandibulaire
Posture labiale
Posture linguale
Conclusions thérapeutiques

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Introduction

La connaissance de la régulation et des anomalies des postures orofaciales permet d'optimiser le


diagnostic clinique et de mieux comprendre le mode d'action et les modifications physiologiques
apportées par les moyens thérapeutiques orthopédiques et plus particulièrement par appareillages
fonctionnels.

Les relations entre forme et fonctions et le rôle primaire dans la morphogenèse craniofaciale de la
fonction ont été depuis longtemps discutées. Les anomalies fonctionnelles dégénératives ont montré
l'importance des répercussions des modifications neuromusculaires sur le schéma squelettique.

Les progrès dans la connaissance des mécanismes de croissance craniofaciale, de la physiologie


neuromusculaire et des mécanismes cybernétiques, responsables des phénomènes d'adaptation, ont
permis la compréhension des phénomènes d'interaction entre la musculature et les moyens
orthopédiques de l'orthodontie actuelle.

La station érigée stable, posture caractéristique chez l'homme, n'est rendue possible que par l'action
de tensions musculaires de l'ensemble des muscles du corps humain, du pied en passant par ceux
de la colonne vertébrale, du cou, du crâne et de la mandibule.

Cette posture est active à chaque niveau et, par définition, se produit, se maintient et s'établit grâce à
un ensemble de contractions musculaires hypoénergétiques obéissant à des réflexes coordonnés.
L'interdépendance entre ces différentes postures est largement admise et un dysfonctionnement de
l'une d'elles peut avoir des conséquences sur l'équilibre de la posture adjacente.

La langue, médiateur embryonnaire morphologique et conformateur naturel [12], au sein du "


complexe mandibulosacré ", témoigne dans un " concept occlusodontique " des liaisons et
répercussions réciproques avec les éléments concourant à la posture céphalique.

Si les modifications pathologiques extrinsèques, intrinsèques ou thérapeutiques des postures


orolabiales font partie des facteurs étiologiques possibles des dysmorphoses dentoalvéolaires et/ou
squelettiques selon les auteurs, il est donc indispensable de connaître les facteurs influençant ces
postures orofaciales.

Depuis qu'une relation étroite a été reconnue par de nombreux auteurs [29], [63], le degré de relation
entre forme et fonction reste encore l'objet de conjectures [39], [76]. Le développement d'une
malocclusion doit être considéré comme le résultat d'interactions entre la génétique qui détermine
certains facteurs de croissance et des facteurs environnementaux, externes et internes, dont la
première place est occupée par les fonctions orofaciales [31].

Les objectifs actuels des travaux de recherche en orthodontie tentent de comprendre les mystères de
l'expression génétique et son devenir au cours de la croissance, et les facteurs qui l'influent. La
thérapeutique mise en jeu a pour but de corriger les défauts structuraux induits sur des sujets en
pleine ou en fin de croissance, et de s'assurer de la viabilité et de la stabilité de ces transformations,
malgré les contraintes liées au perpétuel remaniement, aux phénomènes d'adaptation, de réparation
et de vieillissement qui se produisent chez tout être vivant.

Parmi les nombreux facteurs qui contribuent à la stabilité de nos traitements, l'examen statique des
positions mandibulaires, labiales et linguales, au début, en cours et en fin de traitement se révèle être
obligatoire pour une conduite thérapeutique correcte, face à une nouvelle position des incisives qui
modifie le schéma d'équilibre dentopostural initial.

Un intérêt particulier sera porté sur les méthodes de diagnostic, sur les différentes étapes de leur
maturation, sur les données physiologiques et sur les modifications thérapeutiques des postures
mandibulaires, labiales et linguales.

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Posture mandibulaire
Les traitements des dysmorphoses squelettiques ou dentoalvéolaires chez l'enfant ou chez l'adulte,
modifient progressivement ou rapidement le contexte squelettique par l'intermédiaire des traitements,
respectivement, orthopédiques ou chirurgicaux.

Les répercussions sur les postures labiales et linguales ont été programmées lors de l'élaboration du
plan de traitement, mais les retentissements des différentes phases thérapeutiques sur la posture
mandibulaire ainsi que sur la position asymptomatique des articulations temporomandibulaires (ATM)
sont souvent négligés dans les préliminaires thérapeutiques. Cette analyse clinique approfondie
contribuera à élargir nos critères actuels de succès thérapeutique.

Définitions et moyens d'étude

La position de repos a été décrite comme la posture de la mandibule déterminée par la longueur au
repos des muscles élévateurs et abaisseurs, lorsque le sujet est assis ou debout en position
verticale. Le terme position de repos physiologique a été employé pour indiquer que la musculature
de la mandibule se trouve dans une position de contraction tonique minimale afin de maintenir la
posture et de contrebalancer la force de pesanteur.

Ramford [53] définit de nombreuses positions de repos qui déterminent une " zone de repos ",
admettant des changements mineurs avec la croissance et le vieillissement mais qui est relativement
stable. La position de repos varie cependant au cours de la journée en fonction de l'activité de
l'individu.

Posselt [47] pense que la posture mandibulaire définit " la dimension verticale de posture " et qu'elle
ne peut être étudiée qu'en " présence d'un rythme respiratoire calme et d'une tranquillité émotionnelle
et psychique ", en relation, selon Helluy [30], avec une résistance élastique des tissus rétrocondyliens.

L'examen clinique de la position de repos met en évidence l'existence d'une distance interocclusale
ou espace libre en moyenne de 1,7 mm ; en revanche, lorsqu'elle est déterminée
électrographiquement sur une base d'une activité musculaire minimale, on obtient un espace libre à
3,3 mm de moyenne élargi par une zone de repos mandibulaire étendue de 11 mm [53].

Cet espace libre entre les arcades, défini par la position de repos, est une caractéristique individuelle
et serait immuable pour de nombreux auteurs. Une augmentation de la dimension verticale
d'occlusion (par exemple lors de port d'une plaque de surélévation interincisive), suite à des
modifications occlusales dues à des mouvements orthodontiques incisifs ou molaires, ne modifie pas
la dimension de l'espace libre.

Avant d'entreprendre le traitement orthodontique en présence de perturbations de la cinétique


mandibulaire ou de dysfonctions temporomandibulaires, il est important d'effectuer un diagnostic
précis de cette position de repos par l'examen préalable et la localisation des perturbations
articulaires. Divers moyens de diagnostic sont proposés, faisant appel à :

- un examen clinique des ATM et de la musculature régionale, combiné à l'examen


électromyographique des tensions minimales des muscles temporaux, masséters et ptérygoïdiens
latéraux ;
- des moyens d'étude radiologiques plus spécifiques des rapports entre la position de repos
mandibulaire et la position condylienne :
- l'imagerie, les radiotomographies, l'arthroscanner et l'IRM ;
- l'axiographie et l'étude tridimensionnelle de la position mandibulaire par l'indicateur de position
mandibulaire (MPI du système SAM), selon la méthode de Slavicek [57] ;
- les études posturales et la kinésiologie, selon la méthode de Clauzade [10].

L'exploration de ces moyens permet dans de nombreux cas d'éliminer ou d'affirmer une pathologie
intracapsulaire vraie et le cas échéant d'avoir recours à une gouttière de repositionnement.

Aspect neurophysiologique de la posture mandibulaire


La posture habituelle de la mandibule, ou position de repos, résulte de l'action combinée des forces
qui s'appliquent à la mandibule. Les principaux facteurs sont :

- le tonus des muscles élévateurs et abaisseurs ;


- la pesanteur ;
- l'élasticité musculaire ;
- la différence de pression entre le milieu extérieur et la cavité buccale.

Une activité tonique des motoneurones trigéminaux et des muscles élévateurs a pu être enregistrée
pendant la position de repos par la plupart des expérimentateurs [77].

La posture mandibulaire varie comme le tonus, qui est défini comme étant la tension légère à laquelle
est soumis un muscle squelettique à l'état de repos et qui disparaît après section du nerf moteur.

Le mécanisme fondamental du tonus musculaire réside dans la contraction asynchrone des unités
motrices et donc des fibres musculaires qui sont tour à tour activées.

Le fonctionnement alterné des fibres musculaires est entretenu par les motoneurones qui émettent
des potentiels d'action dont la fréquence dépend du niveau de dépolarisation des membranes
cellulaires et dendritiques de la cellule.

Pour comprendre la genèse du tonus, il faut connaître l'origine des influx susceptibles de modifier la
polarisation membranaire du motoneurone [8].

Les différents facteurs neurophysiologiques pouvant influencer la posture mandibulaire se situent à


un ou plusieurs des niveaux suivants :

- origine segmentaire, directement liée au réflexe myotatique et à la boucle ;


- issues de structures segmentaires spécialisées comme les récepteurs vestibulaires ou les
articulations du cou ;
- issues des formations suprasegmentaires de la formation réticulée et du cervelet ;
- en relation avec la spécialisation fonctionnelle des muscles masticateurs.

Facteurs intervenant sur le mécanisme réflexe du tonus musculaire

Données physiologiques du réflexe myotatique

Les muscles élévateurs sont soumis en permanence à l'action de la pesanteur, qui tend à étirer de
façon passive les formations annulospirales et les formations en " bouquet " ce qui provoque la
dépolarisation du motoneurone (réflexe myotatique trigéminal).

Les récepteurs de Golgi, grâce à leur faible seuil d'excitation, pendant une contraction musculaire
pourraient exercer une action freinatrice sur le réflexe myotatique : il en résulterait un équilibre entre
les deux influences.

La position de repos mandibulaire ne doit donc pas être définie comme une position stable de
référence mais comme un champ d'oscillation de positions dont l'amplitude est dépendante des
facteurs de régulation du tonus musculaire.

La participation des récepteurs articulaires à la régulation de la posture mandibulaire n'a pas été
démontrée ; cependant Klineberg, Greenfield et al [34] ont montré qu'il existe des récepteurs
intracapsulaires capables de renseigner le système nerveux central à tout moment sur la position du
condyle dans la cavité glénoïde et de jouer un rôle dans l'activité tonique des muscles de l'appareil
manducateur.

Boucle
Les motoneurones provoquent la contraction des fibres musculaires fusoriales et produisent
l'étirement des formations annulospirales qui déclenchent le réflexe myotatique. Ce circuit,
motoneurone , fibre I , motoneurone , est appelé " boucle " de rétroaction. Sa fonction
principale est de replacer le muscle étiré ou compressé dans sa longueur initiale.

La régulation de l'activité peut être effectuée par les centres suprasegmentaires (formation
réticulée et cervelet) et par deux boucles de rétroactions, au niveau métamérique et au niveau des
centres supérieurs.

Cette régulation de la boucle peut se manifester dans trois circonstances :

- en fonction de différents paramètres (modification des contacts occlusaux), l'activité décide du


nouveau seuil de sensibilité du réflexe myotatique et donc impose une nouvelle longueur du muscle
lors de la posture mandibulaire (ce qui expliquerait la théorie de l'invariabilité de l'espace libre) ;
- en raison d'une modification du niveau de vigilance, l'activité est différente pendant le sommeil ou
lors d'une activité physique intense (postures et marathoniens) ;
- lors d'une activité phasique, liée aux mouvements volontaires (contrairement à l'activité tonique liée
aux postures), la boucle de rétroaction longue intervient afin de régler la sensibilité du fuseau
musculaire.

Importance du positionnement de la tête

Récepteurs vestibulaires et récepteurs des articulations du cou

Lors de la station érigée et de la locomotion, la pesanteur impose un axe vertical de référence pour le
développement des tensions musculaires.

Les récepteurs visuels et vestibulaires, capables de renseigner l'individu sur sa position dans
l'espace par rapport à la verticale (canaux semi-circulaires ou organes utriculaires), informent les
métamères spinaux et céphaliques qui mettent en jeu les motoneurones et (oculomotricité) : les
afférences vestibulaires interviennent dans la genèse du tonus de posture mandibulaire par leur
action dans le positionnement de la tête (fig 1).

Le tonus de l'appareil manducateur varie avec la position de la tête par rapport à la verticale.

Le tonus du temporal et du digastrique est maximal lorsque le sujet est à la verticale et est minimal
dans la position allongée ; en revanche, le tonus du ptérygoïdien latéral présente une activité
maximale, quand la tête et le tronc font un angle de 45° avec la verticale, et une activité minimale s i
le sujet est allongé.

Rôle des formations suprasegmentaires

La formation réticulée reçoit des informations en provenance de toutes les structures sensitives
impliquées dans le tonus : c'est donc un élément essentiel dans le contrôle du tonus musculaire.

De même, la très grande richesse des connexions efférentes du cervelet lui permet d'assurer un
contrôle sur les grandes voies motrices impliquées dans le tonus.

Spécialisation fonctionnelle des muscles masticateurs dans la posture


mandibulaire

Certaines fibres du temporal interviendraient dans la posture mandibulaire. Erikson et Thornell [21]
attribuent au ptérygoïdien latéral et au masséter profond, qui offrent une forte contraction de fibres
musculaires à fréquence de tétanisation basse, l'essentiel des efforts toniques.

Slavicek [58] insiste sur le rôle de la boucle d'asservissement qui lie ces intervenants musculaires
posturaux aux zones psychiques du système nerveux central.

Relations entre posture mandibulaire et posture céphalique

La posture céphalique est en relation avec la position au repos du cou et du reste du corps [48].

Des relations identiques sont de mise entre la posture céphalique, la langue et les structures
associées. L'importance des relations de ces trois postures a été démontrée par Solow et Tallgren
[61]
.

Influence de la posture céphalique sur le type de croissance


mandibulaire

Solow et Nielsen [60] ont montré, par des études longitudinales, l'existence de corrélations
significatives entre le changement de l'angulation craniocervicale et le type de croissance
mandibulaire : en moyenne, il semble qu'une diminution de l'angle craniocervical semble être reliée à
une croissance mandibulaire de type antérieur ; et inversement, un angle craniocervical important
pourrait être en relation avec des dimensions mandibulaires plus petites, un rétrognathisme
mandibulaire ou un angle mandibulaire ouvert (fig 2).

Cooke et al [11] ont montré que la morphologie de l'arc dorsal de l'atlas a une incidence sur la posture
mandibulaire et la direction de croissance mandibulaire.

Influence du mode de respiration sur la posture mandibulaire

Les relations trouvées entre les angulations craniofaciales et le type de croissance de la mandibule
soulèvent les questions suivantes :

- la posture céphalique peut-elle être un facteur déterminant du schéma de croissance mandibulaire ?


- quels facteurs peuvent induire des changements à long terme de l'angulation craniocervicale,
indicateurs des changements de posture céphalique ?

Les études de Solow et Kreiborg [59] apportent des réponses en montrant les relations existant entre
la posture céphalique, la morphologie craniofaciale et le mode de respiration, ou encore par les
résultats des études sur les conséquences du syndrome d'obstruction nasopharyngée, qui associe
une augmentation de l'angulation craniocervicale et un développement vertical de la mandibule et de
la face dans son ensemble.

Ingervall et Thuer [33] ont observé, lors de la posture mandibulaire, des pressions jugales différentes
exercées au niveau des molaires supérieures, en fonction de la posture céphalique : des hausses de
pression très sensibles ont été trouvées au niveau des procès alvéolaires lorsque la tête était en
extension et la mandibule en position de repos. Ces auteurs ont aussi évoqué le facteur respiratoire
comme responsable de ces relations et de ces modifications de pressions musculaires.

L'expérimentation de Vig, Showfety et Phillips [76] démontre par induction d'une respiration buccale
des modifications importantes de la statique céphalique, et les conclusions suivantes :

- l'obstruction nasale entraîne une adaptation posturale craniocervicale qui tend à faciliter la
respiration ;
- cette adaptation posturale craniocervicale amène une adaptation posturale mandibulaire.

Influence de la thérapeutique sur les postures céphalique et


mandibulaire
Les traitements orthopédiques ainsi que les repositionnements incisifs seraient susceptibles
d'engendrer des modifications de ces postures. Nous citerons l'étude de Phillips et Proffit [46] : ils ont
étudié la posture céphalique de 200 patients avant et après chirurgie orthognathique en fonction du
type de chirurgie effectuée.

Ces auteurs ont trouvé immédiatement après la chirurgie une modification de la posture céphalique
pour tous les types de chirurgie sauf pour le recul mandibulaire, mais 1 an après, ils constatent un
repositionnement initial de la tête.

Posture mandibulaire et positions des articulations temporomandibulaires

Slavicek [41] considère à l'aide de l'axiographie et à partir de la détermination des trois positions
mandibulaires, de repos, d'intercuspidation maximale et de relation centrée, l'inclinaison de la pente
condylienne par rapport au plan axe charnière-orbitale qui est de 60° chez l'adulte et de 30° chez
l'enfant au début de son stade de denture mixte.

L'interligne articulaire en position de repos serait plus important pour les brachycéphales, notamment
dans les classes II division 2, présentant une supraclusion accentuée. La linguoversion des incisives
supérieures exercerait une compression méniscale lors de l'occlusion terminale habituelle.

Un soulagement réflexe se produirait par glissement le long de la pente incisive jusqu'à une position
de confort mandibulaire qui objectiverait une position de repos mandibulaire plus basse, avec un
espace libre molaire plus important.

Parmi les signes les plus fréquemment associés au syndrome dysfonctionnel de l'appareil
manducateur (SADAM), de nombreux travaux témoignent de la présence de troubles des postures
autres que mandibulaire : pathologies dorsale, cervicodorsale et rachidienne. Ces constations d'un
possible syndrome pathologique général sont à l'origine de théories étiologiques faisant appel aux
concepts des chaînes musculaires, des chaînes articulaires et des chaînes faciales, comme le
précise Nahmani [44].

Dans le concept des chaînes musculaires, on admet que le déséquilibre musculaire d'un muscle
engendre une réaction analogue au niveau des muscles du même système dynamique.

Dans le concept des chaînes articulaires, on admet qu'une dysfonction articulaire fait apparaître à
distance une autre dysfonction en un point où convergent les principales contraintes induites par la
lésion initiale.

Dans le concept des chaînes faciales (concept proche des théories de Delaire [18]) on admet que les
aponévroses ainsi que les méninges constituent un système de tension réciproque au niveau duquel
se répercutent les déséquilibres engendrés par les contraintes, les traumatismes et la pathologie
inflammatoire.

L'équilibre fonctionnel de la mandibule par rapport au crâne, pour certains auteurs, ne peut être
considéré comme fonctionnellement correct qu'à condition que les éléments qui composent le
système manducateur ne provoquent sur le reste de l'organisme aucune lésion.

Ces conceptions incitent à connaître :

- si les perturbations fonctionnelles sont causales ou adaptatives ;


- si la dysfonction doit être considérée comme la cause ou l'effet d'une pathologie d'ordre général ;
- si la lésion est descendante ou ascendante [44].
Posture mandibulaire et dysmorphoses

Existe-t-il une posture mandibulaire, des caractéristiques de la sangle musculaire élévatrice,


associées à chaque type de dysmorphose squelettique ?
Posture mandibulaire et dysmorphoses verticales

Tallgren et Solow [61] ainsi que de nombreux auteurs ont démontré que l'extension de la tête était
souvent associée à une hyperdivergence mandibulaire. Cette posture céphalique serait une
adaptation à la fonction respiratoire, l'extension de la tête facilitant le passage de l'air. Cette posture
céphalique serait un déterminant de la posture mandibulaire et aurait des incidences, d'une part, sur
les pressions labiales exercées sur les incisives et d'autre part, sur la posture basse induite de la
langue qui conduirait à la constriction de l'arcade maxillaire et à une béance antérieure suite à la
différence de vitesse d'éruption entre les secteurs antérieurs et postérieurs complétant ainsi le
syndrome de long face.

Chez les hyperdivergents, Konchak et al [35] ont trouvé que l'espace libre serait réduit ; chez les
hypodivergents, au contraire, il serait augmenté.

Depuis Haas [28], on admet que la sangle ptérygomassétérine est large chez les hypodivergents,
insérée en avant des molaires, alors qu'elle est étroite et insérée postérieurement aux molaires chez
les hyperdivergents.

Takada et al [40], [65] confirment ces résultats en trouvant des corrélations significatives entre les
localisations sur le ramus du masséter et du ptérygoïdien médial et l'ouverture de l'angle goniaque :
plus l'angle goniaque est ouvert et le ramus court, plus les insertions du masséter et du ptérygoïdien
médial sont postérieures.

Certains auteurs ont trouvé des activités électromyographiques différentes au repos, en fonction du
schéma squelettique vertical : pour Ahlgren et al [1] seule l'activité du faisceau postérieur du temporal
serait corrélée avec la divergence mandibulaire.

Dysmorphoses sagittales

Le sens sagittal n'aurait pas d'incidence sur l'importance de l'espace libre. Konchak [35] trouve des
valeurs allant de 2,9 mm +/- 1,4 mm pour, respectivement, les classes I et III. Ricketts [54] a noté que
l'espace libre est nettement supérieur dans les classes II division 2 [27]. Lors d'une étude
laminographique, Ricketts a précisé la position du condyle dans ses déplacements lors du chemin de
fermeture : le condyle occupe au repos, une position plus basse par rapport au toit de la cavité
glénoïde, et plus antérieure par rapport au méplat auditif pour le sujets 4 présentant une occlusion de
classe II.

Antonini et al [3] ne peuvent obtenir de silence électromyographique lors de la position de repos dans
les dysmorphoses de classes II/2 et de classes III, ce qui signerait une " zone de repos musculaire "
très étendue avec une apparition possible de fatigue musculaire.

Postures mandibulaires pathologiques


- Les incoordinations posturales du nourrisson peuvent être liées à des anomalies anatomiques
(fentes labiales) ou un trouble psychologique primaire. Dahan [16] rappelle qu'elles peuvent être
supprimées par un apprentissage rapide des fonctions buccales aidé par le réflexe de nutrition [14].
Cette rééducation de la posture mandibulaire dépend de l'apprentissage de la déglutition grâce au
maintien de l'alimentation maternelle, de la stimulation des lèvres et de la zone palatine antérieure
pour obtenir une herméticité buccale.
- Les pathologies de la posture mandibulaire de l'enfant ou de l'adolescent sont en relation avec une
anomalie du chemin de fermeture lors de la présence de dysmorphoses de classes II, III ou
d'endoalvéolies supérieures associées respectivement à une " double occlusion ", un proglissement,
une latérodéviation mandibulaire complétant le syndrome de Cauhepe-Fieux.
- Les adultes peuvent présenter des pathologies de la posture mandibulaire qui sont le témoignage
d'un déséquilibre musculaire en relation possible avec une pathologie occlusale ou articulaire. Une
approche thérapeutique psychoémotionnelle ou l'élimination d'épines irritatives occlusales permet de
soulager les hyperactivités des muscles élévateurs responsables d'une absence ou d'un trouble du
rythme de l'activité posturale mandibulaire, qui peut faire partie du tableau clinique du bruxisme.
Le bruxisme se situe aux confins de la psychologie, de l'odontologie et de la psychiatrie. La
thérapeutique par gouttières de désengrènement occlusal permettrait de retrouver un espace libre au
repos et un interligne articulaire myofonctionnel asymptomatique. Slavicek [58] considère " qu'il est
complètement faux de considérer l'occlusion et l'articulation comme causalité de la parafonction " : la
cause principale du bruxisme serait d'origine psychique et non d'origine occlusale.

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Posture labiale

La posture labiale normale associée à la posture mandibulaire ne peut être obtenue que par une
contraction minimale de la musculature labiale, linguale et masticatrice.

Elle est ainsi dépendante de l'ensemble des comportements orofaciaux au repos, du schéma
dentosquelettique, des anomalies anatomiques des tissus mous (langue volumineuse, lèvres courtes)
et de pathologies éventuelles neuromusculaires.

Définition et moyens d'étude de la posture labiale

Ricketts [55] parle de posture labiale normale lorsque les lèvres sont closes pour maintenir un joint
labial effectif afin de protéger les dents et les gencives, et d'assister la déglutition mature.

Il faut différencier, selon les auteurs, la notion de posture labiale, état de relaxation musculaire
labiale, en fonction des deux types de positions mandibulaires que sont la position de repos et la
position d'intercuspidation maximale. D'autre part, il faut distinguer dans la littérature les travaux
portant sur le stomion, point de contact vertical des lèvres au repos et les travaux portant sur la
posture de la lèvre inférieure.

Burstone [8] a étudié la posture labiale et a montré que :

- le sillon interlabial présente une profondeur de 1,8 mm en occlusion centrée et de 3,7 mm en


position de repos ;
- le contact de la lèvre inférieure relaxée s'effectue au tiers médian de la surface de l'incisive
inférieure ;
- plusieurs positions de relaxation labiale peuvent coexister chez des patients présentant une
dysmorphose dentosquelettique.
- Philippe [45] privilégie au repos la position du bord supérieur de la lèvre inférieure au niveau du bord
libre des incisives supérieures nécessaire à la création du sillon labiomentonnier, élément esthétique
important du profil cutané.
Moyens d'étude de la posture labiale

Examen clinique de la posture labiale

L'examen doit être impérativement effectué sans tension musculaire ou recouvrement forcé des
incisives qui est fréquent en présence d'une inocclusion, pouvant être due à une faible hauteur de la
lèvre supérieure.

L'inspection des lèvres renseigne sur la présence de brides cicatricielles, fistules embryologiques,
séquelles nasolabiales de fentes congénitales, l'importance relative des parties cutanées et vermillon,
la longueur de la lèvre supérieure.

Ricketts [55] examine la position sagittale des lèvres par rapport à la ligne esthétique E sur
photographie (ou téléradiographie), de la pointe du nez au pogonion cutané, en fonction de l'âge :

- chez un enfant en denture mixte, la lèvre inférieure affleure la ligne E et la lèvre supérieure la
dépasse de 1 mm ;
- chez l'adulte, la lèvre inférieure est en retrait de 2 mm et la lèvre supérieure de 4 mm.

Examen à l'aide de jauges d'extensométrie placées sur les couronnes


dentaires

Les premières études faites à l'aide de jauges d'extensométrie, instruments indiquant la pression
exercée sur les dents, c'est-à-dire la résultante des forces s'exerçant sur les faces vestibulaires et
linguales, utilisaient des capteurs relativement volumineux.

Des jauges de faible volume ont été mises au point aux États-Unis et furent utilisées par des auteurs
comme Picton et Gould [27], Proffit [48], pour contrôler l'équilibre musculaire post-thérapeutique.

Cette évaluation des pressions labiales avant, pendant et après traitement, préoccupe toujours de
nombreux auteurs : ils [73] ont proposé l'utilisation du principe de conversion de la pression optique,
pour mesurer les zones de distribution des forces (fig 3).

Analyse céphalométrique de la posture labiale

Pour mémoire, on rappellera la possibilité d'étudier la posture labiale sur téléradiographie de profil
prise avec les tissus mous au repos, à l'aide de nombreuses analyses céphalométriques. Nous avons
montré la nécessité d'effectuer plusieurs analyses esthétiques afin de mieux cerner les rapports
dentolabiaux sagittaux et verticaux [2]. Legan et Burstone [37] étudient les positions labiales, leur
épaisseur relative, leurs rapports avec les incisives, l'angle nasolabial, la profondeur du sillon
labiomentonnier.

Physiologie du contact bilabial

Contrairement à certains auteurs, comme Burstone et Philippe, qui n'envisagent pas le contact
bilabial comme la référence posturale physiologique obligatoire, Fellus, Deffez et al [23] le
représentent comme la clef de la posture mandibulaire.

La musculature responsable de la dynamique labiale se regroupe autour des muscles peauciers


ayant une seule insertion, soit dix dilatateurs et quatre constricteurs [17]. Les muscles responsables du
contact bilabial au repos possèdent des récepteurs sensoriels dans la zone vermillon (corpuscules de
Meissener, disques de Meckel), des terminaisons libres amyéliniques autour de ces zones et leurs
fibres véhiculent des influx extéroceptifs.

Les corps cellulaires de ces fibres sont situés dans le ganglion de Gasser homologue, tandis que
ceux des éléments proprioceptifs (récepteurs neurotendineux, fuseaux neuromusculaires) se trouvent
dans le noyau mésencéphalique du V (fig 4).

La mise en jeu du contact bilabial, dans la posture labiale et lors de la déglutition physiologique, est
basée sur l'action des neurorécepteurs suivants :

- capsulaires et musculaires qui coordonnent et mettent en jeu les mouvements mandibulaires et


rendent compte à la conscience de la position spatiale mandibulaire ;
- proprioceptifs situés au niveau du desmodonte, renseignant sur les contacts occlusaux ;
- sensitifs labiaux qui pourront renseigner sur la posture mandibulaire : chez le nourrisson, ce sont les
seuls vrais guides de la cinétique mandibulaire, car la posture mandibulaire n'est pas déterminée par
l'occlusion mais par le contact bilabial qui s'établit selon Deffez [17] in utero.

Les stéréotypes fonctionnels sont automatisés avant la naissance, stabilisés par la formation de
schémas corporels puis sophistiqués par l'acquis progressif des sensibilités tactiles.
Le concept de schéma corporel est indispensable à la compréhension des règles qui régissent les
deux éléments liés que sont la fonction et la croissance.

Maturation de la posture labiale lors de la croissance faciale

Rapports sagittaux

Le contact bilabial joue un rôle important dans la détermination de la position sagittale de la


mandibule chez le nouveau-né : le " nursing postural " suffit à guérir la plupart des syndromes de
Robin, lorsque la perception labiale est rétablie. L'absence de cette perception fausse les
informations neurosensorielles transmises au système nerveux central et majore les troubles de
croissance de l'étage inférieur de la face [17].

La posture labiale sera sujette à des modifications suite aux changements des structures
squelettiques sous-jacentes et de la croissance propre des tissus mous. Il faut noter que la convexité
du profil diminue avec l'âge : le nouveau-né présente une convexité importante qui diminue de moitié
de 6 mois à 3 ans en raison de la croissance rapide mandibulaire, entre 4 et 8 ans les changements
sont relativement insignifiants pour reprendre après 8 ans jusqu'à l'adolescence. Les lèvres
deviennent de plus en plus rétrusives dans le profil avec l'âge par rapport à la ligne E de Ricketts [55]
en raison de la croissance sagittale du nez et du menton, malgré les effets décrits par Burstone [8]
d'allongement et d'épaississement liés à leur croissance propre.

La direction et l'intensité de la croissance nasale interviennent directement sur les rapports de la lèvre
supérieure, sur les modifications de l'angle nasolabial, et sur la posture labiale et doivent être pris en
compte lors de l'établissement du diagnostic et du plan de traitement pour obtenir une des finalités
thérapeutiques, la normalisation de la posture labiale.

Rapports verticaux

Pour Subtelny [64], le bord inférieur de la lèvre supérieure se trouve en dessous du bord incisif
supérieur jusqu'à 3 ans ; puis, ce décalage s'inverse et, après 9 ans, date d'éruption complète des
incisives, le bord inférieur de la lèvre supérieure se situe environ 3 mm au-dessus du bord incisif. Les
croissances des lèvres et des procès alvéolaires seraient ensuite identiques selon Subtelny : en dépit
de leur allongement progressif, les lèvres conserveraient des rapports verticaux à peu près constants
avec les procès alvéolaires sous-jacents [1].

Au stade de denture adulte complète, la lèvre supérieure recouvre les deux tiers de la hauteur de la
couronne de l'incisive centrale, le reste est pris en charge par la lèvre inférieure.

Burstone [8] situe le stomion au-dessus de l'incision, soit à + 2,3 mm +/- 1,9 mm.

En revanche, Vig et Cohen [75] observent au cours de la croissance, une diminution du recouvrement
par la lèvre inférieure de l'incisive supérieure.

Pathologie de la posture labiale

Classifications de Ricketts des anomalies de posture labiale

Les lèvres constituent une entité anatomique, physiologique et morphologique bien distincte, intégrée
entre les régions nasale et mentonnière.

Les pathologies de posture labiale peuvent être liées à des anomalies de forme, de volume ou à la
présence d'un frein labial trop court qui entrave la mobilité labiale ou qui présente une insertion
fibreuse trop épaisse entre les incisives.

Ricketts [55] caractérise l'inocclusion labiale par une absence de contact bilabial spontané lors du
repos musculaire physiologique.

Lejoyeux [38] met en garde sur l'acquisition d'un comportement adaptatif autocontrôlé, pour masquer
cette anomalie : l'occlusion labiale est alors obtenue par contraction volontaire de l'orbiculaire des
lèvres et des muscles peauciers périlabiaux dont la houppe du menton.

Ricketts objective une dysharmonie labiale lorsque la position harmonieuse des lèvres est rompue
par rapport à la ligne E. Il décrit alors dix formes de positions labiales pathologiques dans sa
classification des dysharmonies buccales :

- la biprotrusion labiale : les lèvres sont en avant du plan esthétique E, en relation avec l'importance
de la protrusion incisive sous-jacente ;
- la birétrusion labiale : les lèvres sont en rétrusion par rapport au plan E, le nez et le menton sont
plus proéminents ;
- les lèvres courtes : la longueur labiale est insuffisante pour permettre la fermeture correcte des
lèvres, résultat d'une faible hauteur du philtrum, ou conséquence d'une protrusion incisive pour la
lèvre supérieure, ou en relation avec une dysmorphose sagittale et/ou verticale mandibulaire pour la
lèvre inférieure ;
- contraction labiale avec contraction de l'orbiculaire des lèvres et approfondissement du sillon canin ;
- contraction de la houppe du menton, fréquente dans le tableau squelettique d'un hyperdivergent
facial ou excès vertical antérieur ;
- succion labiale inférieure : la posture labiale permanente se situe derrière les incisives supérieures,
exerçant un tic de succion ;
- contraction périorale, manifestation d'une déglutition dysfonctionnelle et visible par des sillons
profonds dans la zone des muscles canins et des ailes du nez ;
- contraction du sillon labiomentonnier, contraction plus inférieure que lors de la succion labiale
inférieure, provoquant une éversion de la lèvre inférieure ;
- proversion labiale supérieure, en relation avec une vestibuloversion des incisives latérales
supérieures dans certains types de classes II division 2 ;
- éversion labiale inférieure, en relation avec une vestibuloversion des incisives inférieures
compensatrice d'une rétrognathie mandibulaire, initiale ou thérapeutique par excès d'utilisation des
élastiques intermaxillaires de classe II.

Dans le plan frontal, la posture labiale est appréciée en fonction de la largeur de la fente labiale. Les
commissures labiales doivent se situer, pour un équilibre esthétique et fonctionnel, selon Ricketts, en
fonction de la règle du nombre d'or, à l'aplomb des pupilles. Cet auteur distingue des dysmorphoses
labiales transversales qu'il classe de 1 à 5 en fonction de la largeur narinaire et de la largeur
bipupillaire.

Anomalies de la posture labiale et malocclusions

Malocclusions sagittales

Des travaux d'Ingervall et Thuer [72] portant sur les relations possibles entre la force délivrée par la
tension de l'orbiculaire, la pression labiale en position de repos sur les incisives et le type de
malocclusion, ont montré les éléments exposés ci-après.

Classes II division 1

Les travaux de Lubit [41] et de Thuer [70], [71], [72] indiquent que la pression de la lèvre supérieure sur les
incisives maxillaires est plus forte pour des sujets présentant un important surplomb.

Classe II division 2

Lèvre supérieure
Ingervall et Thuer [33] enregistrent une pression labiale supérieure qui serait plus faible en présence
d'une malocclusion de classe II division 2 que pour les classes I.

La situation haute de la ligne interlabiale et la linguoversion des incisives maxillaires ne seraient pas
déterminées par la lèvre supérieure.

Lèvre inférieure

Les travaux d'Ingervall et Thuer [33] confirment ceux de Gould et Picton [27] en ne notant pas de
différences significatives de pression labiale inférieure selon les différents types de malocclusions.
On ne peut exclure cependant, que la position des incisives maxillaires dans les classes II/2 puisse
être déterminée par la pression de la lèvre inférieure.

À l'issue de leurs travaux, Thuer et Ingervall [70] suggèrent que la pression des lèvres sur les dents
pourrait être le résultat de la position des incisives, et non une participation à l'étiologie du
positionnement incisif, contrairement aux théories de nombreux autres auteurs (tableau I).

L'influence des lèvres sur la forme des arcades et la position des dents est donc encore loin d'être
clarifiée, mais la plupart des auteurs comme Proffit [48], [49] pensent que les résultats des récentes
études sur les influences des pressions labiales et linguales sur la forme des arcades et la position
des dents indiquent que le schéma postural fonctionnel labial et lingual tient une importance
primordiale par rapport à leur activité fonctionnelle.

Classes III

La posture labiale des classes III est fortement influencée par les perturbations squelettiques sous-
jacentes. Cette posture labiale participerait à l'établissement des compensations dentaires, en
présence d'un maxillaire petit et situé en arrière de la mandibule qui modifie les insertions et par la
suite les trajets des fibres du buccinateur. Il en résulte une vestibuloversion des dents antérieures
maxillaires et une linguoversion des dents antérieures mandibulaires.

Hyperdivergence faciale

Selon Athéron et al, cités par Boileau [6], l'hyperdivergence faciale favoriserait l'existence au repos
d'une inocclusion labiale.

En revanche, Thuer, Janson et Ingervall [72] ne notent pas de relation entre la morphologie verticale et
l'activité posturale labiale.

Facteurs étiopathogéniques de l'inocclusion labiale

Posture céphalique

Archer et Vig [5] n'ont pas trouvé de relations entre les pressions labiales exercées sur la mandibule
et le maxillaire et la position de la tête lors de la posture mandibulaire (fig 5).

Particularités anatomiques labiales

L'étiopathogénie de cette dysharmonie labiale peut être une manifestation d'un déséquilibre
architectural squelettique au niveau du tiers inférieur de la face, le plus souvent associé à une
anomalie dento-alvéolo-maxillaire, et/ou, une perturbation du comportement musculaire labiofacial
d'origine constitutionnelle ou anatomique.

On distingue deux aspects anatomiques étiopathologiques différents :

- une attraction médiane du philtrum vers l'épine nasale, déformant la lèvre en " chapeau de
gendarme " avec exposition des incisives, ce qui démontre une brièveté labiale primitive d'origine
musculaire ;
- une rétraction labiale étalée d'une commissure à l'autre avec un aspect arciforme de son bord libre.
L'exposition dentaire s'étendant d'une région prémolaire à l'autre au repos et lors du sourire où la
fibromuqueuse gingivale est largement visible, signe une pseudobrièveté labiale, secondaire à une
anomalie alvéolaire sagittale et/ou verticale maxillaire, qui s'estompera après correction de celle-ci.

Conséquences dentoalvéolaires de l'inocclusion labiale

Certains auteurs ont suggéré que les pressions des tissus mous pouvaient avoir une influence plus
grande sur les procès alvéolaires que les arcades dentaires elles-mêmes. Subtelny et Ricketts ont
montré les corrélations possibles entre la contraction tonique des lèvres, la position des incisives et la
forme de l'arcade dentaire mandibulaire.

Mais les forces engendrées par la langue sont probablement d'une plus grande importance que
celles engendrées par les tissus mous environnants dans l'étiologie des troubles dentaires
caractéristiques des respirateurs buccaux qui présentent une inocclusion labiale permanente.

Modifications thérapeutiques de la posture labiale

Le traitement visera au rétablissement d'une occlusion labiale spontanée. Il sera instauré en période
de croissance à l'aide de moyens orthopédiques associés aux moyens orthodontiques, assurant la
correction des dysmorphoses alvéolodentaires. Chez l'adulte, le traitement orthodontique ou
orthodonticochirurgical, en fonction de la localisation et de l'intensité des lésions, pourra être
complété, si nécessaire, d'une chirurgie d'allongement de la lèvre supérieure ou de rehaussement de
la lèvre inférieure [50].

Modifications de la force labiale par la rééducation fonctionnelle

Ingervall et al [32] ont étudié les effets de la rééducation labiale sur la position des incisives. Ces
auteurs ont montré que, si la rééducation fonctionnelle des lèvres chez les patients présentant une
inocclusion labiale initiale modifie la morphologie et la fonction labiale, les effets sur la correction de
la protrusion des incisives n'ont pu être démontrés.

La hauteur des lèvres se trouverait augmentée et une réduction de l'espace interlabial pourrait être
obtenue. En revanche, le traitement combiné d'un écran labial et d'une rééducation labiale permet la
lingualisation des incisives et sa stabilité en relation avec une augmentation de la force labiale.

Modification de la posture labiale et orthopédie

À la lumière des travaux de Petrovic et de son école [9], Deffez [17] pense qu'en présence d'une
rétrognathie mandibulaire, un traitement orthopédique permettra à l'enfant d'adopter très
précocement une cinétique et une dynamique mandibulaire différente, en modifiant les perceptions
labiales et occlusales et en facilitant le passage de la déglutition primaire à la déglutition secondaire
par son rôle d'écran lingual.

La modification apportée par la thérapeutique au schéma corporel permet une intégration consciente
progressive pour devenir spontanée. Il sera alors difficile de connaître si la modification de la
croissance qui en résulte, précède, accompagne ou suit la mise en jeu de ces différentes praxies.
Modification de la posture labiale et chirurgie orthognathique

Proffit et Phillips [50] ont étudié les modifications de pressions des lèvres sur les dents avant et après
une chirurgie orthognathique, l'adaptation des tissus mous et la stabilité des incisives.

Proffit note que les effets attendus ne se produisent pas au niveau des pressions labiales posturales :

- après une chirurgie de type Lefort I d'avancée maxillaire, une nette diminution de la pression au
repos de la lèvre supérieure est observée, à la place de l'augmentation de pression attendue et la
stabilité des incisives ne semble pas liée aux influences des tissus mous ;
- après une chirurgie d'avancée mandibulaire, de la même façon, la pression labiale au repos
n'augmente pas comme attendu, mais il y aurait une tendance au niveau des incisives à se
verticaliser après la fin de la fixation intermaxillaire ;
- après une impaction maxillaire, les tissus mous sont relâchés et les pressions labiales diminuent,
les incisives mandibulaires ont tendance à se positionner vers l'avant comme le prédit la " théorie de
l'équilibre musculaire " de Proffit [48] :
- " De faibles pressions de longue durée issues des tissus mous au repos paraissent être le
composant primordial de l'équilibre des pressions qui détermine la position des dents.

Les études sur la posture et les pressions labiales chez des patients ayant subi une chirurgie
orthognathique sont intéressantes pour deux raisons :

- le changement produit par la procédure chirurgicale réalise une expérience in vivo permettant
d'évaluer les influences des lèvres sur la position dentaire. Le traitement chirurgical affecte la posture
labiale, particulièrement quand une génioplastie ou une ostéotomie totale du maxillaire sont effectués
aux dépens d'une incision dans les vestibules, qui affecte la mobilité de la lèvre supérieure et qui peut
en partie expliquer le manque d'augmentation des pressions labiales au repos ;
- le rapport pressions / posture peut permettre d'analyser les causes de la stabilité ou de la récidive
après chirurgie ".

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Posture linguale

Définitions et moyens d'étude

Définition de la posture linguale normale

Après le stade de denture mixte stable, selon Ferré et Fournier [24], la pointe de la langue doit être
normalement au contact de la papille rétro-incisive, le dos de la langue affleure la concavité du palais
dans son ensemble et les bords sont étalés contre les collets des dents latérales et antérieures
supérieures, ce qui permet à la base de la langue de libérer le carrefour aérien supérieur et de
faciliter la respiration nasale : selon Talmant [67], la fonction ventilatoire impose à l'appareil hyolingual
de se maintenir en avant du plan rachidien et ces conditions respiratoires sont inséparables de la
statique craniovertébrale.

Cette posture linguale physiologique permet aussi le développement sagittal et transversal du palais,
et le positionnement correct de la mandibule.

Moyens d'étude de la posture linguale

Examen clinique

Il reste déterminant par l'inspection de sa surface, de ses bords, et de son frein qui peut être
responsable d'une posture trop basse ou trop antérieure.

Bosma conseille l'inspection du site appositionnel de la pointe de la langue, soit après la déglutition
salivaire, soit en réponse aux pressions digitales provoquant un déplacement lingual en arrière puis
vers le bas.

Dahan [16] insiste sur l'examen du frein lingual qui permet de diagnostiquer une posture anormale en
relation avec une brièveté du frein ou une ankyloglossie à l'origine d'une langue basse. La présence
d'un frein anormalement court limite en effet les déplacements de la langue et la maintient dans une
position antérieure. Une estimation clinique de la maturation motrice de la langue peut consister en
des exercices simples : on demande de toucher les commissures puis le nez ou de rouler la langue
en " cigare ".

Pour Dahan [15], le type de lésion observé dépend de la hauteur d'insertion du frein labial :

- si l'insertion alvéolaire est haute, au niveau du tiers coronaire de la racine des incisives, on observe
une linguoversion des incisives ;
- si l'insertion alvéolaire est basse, la traction s'effectue au niveau des apex provoquant une
linguoposition des apex et une vestibuloversion des incisives ;
- si l'insertion est basale, la langue déserte l'arcade maxillaire et favorise une endognathie et une
endoalvéolie maxillaires.

L'examen clinique du volume de la langue peut être effectué selon le test proposé par Romette [56] qui
permet d'établir le diagnostic différentiel entre la projection linguale antérieure et la macroglossie, à
l'aide d'un miroir situé au niveau du plan d'occlusion mandibulaire : on demande au patient d'abaisser
la langue en dessous de ce plan ; s'il s'agit d'une macroglossie, cette opération est impossible à
réaliser pour le patient.

Les marques des dents sur les bords de la langue sont pour la plupart des auteurs des signes
significatifs de volume lingual excessif.

Examens complémentaires de la posture et du volume lingual

Examen téléradiographique

Il est utilisé pour permettre d'apprécier la langue en fonction de :

- sa situation par rapport au pharynx et à l'os hyoïde ;


- son volume à l'aide de mesures de la hauteur de son dôme ou des pesées comparatives de
surfaces ;
- ses rapports par des constructions géométriques (triangle de Talmant).

Études des pressions linguales au repos [26]

Les pressions de la langue sur les dents ont été mesurées par de nombreux auteurs comme Gould et
Picton [27], Proffit et al [48], [50], Archer et Vig [5], Umemori et al [73]. Ces auteurs utilisaient des
enregistreurs de pressions placés sur des jauges à la surface linguale des dents ou fixés sur de fines
plaques palatines ou linguales de résine, mais ces transmetteurs de pression sont trop volumineux et
ces études peuvent être critiquables sur les pressions linguales réelles que peuvent subir les dents ;
d'autre part, ce type d'enregistrement ne peut enregistrer des pressions négatives. Or, des pressions
négatives lors de la position de repos mandibulaire à l'intérieur des joues et au niveau des incisives
ont été notées par Thuer, Janson et Ingervall [72].

Examens complémentaires du volume lingual

Herren [31] considère que " la macroglossie est une dysharmonie entre le volume lingual et son
habitacle le " cavum oris prium " ; elle peut être considérée comme relative lorsqu'elle n'est décelable
qu'à l'ouverture buccale. Elle s'oppose à la macroglossie absolue, qui se traduit par l'impossibilité de
garder la langue à l'intérieur de la cavité buccale ".

Nous rejoignons les idées de Vesse [74] qui estime qu'un diagnostic plus précis du rapport masse
linguale /contenant alvéolodentaire s'impose pour des macroglossies relatives et permet d'affiner
l'indication de glossectomie [51].

Les études portant sur le volume de la langue ont utilisé des techniques variées :

- par téléradiographies de profil (Vig et Cohen) qui déterminent la taille en deux dimensions, mais les
limites musculaires sont floues ;
- la taille de la langue a été déterminée par Takada et al [40] par des empreintes et étude des
moulages, par étude comparée de la protraction maximale pour Tamari et al [46] ;
- l'IRM, qui reconstitue le volume lingual, à partir de coupes longitudinales et transversales de faible
épaisseur, ainsi que les volumes de l'oropharynx et de la cavité buccale.

La méconnaissance du volume lingual aurait plusieurs conséquences, selon Vesse [74] :

- la difficulté du diagnostic préopératoire et de l'indication thérapeutique précise des glossoplasties ;


- la difficulté d'appréciation de la quantité de résection peropératoire.

Deplagne [19] propose une technique de pesée du volume réséqué et donne un étalonnage, avec une
moyenne de résection de 11 g.

Examens ORL

Ces examens peuvent être pratiqués afin d'effectuer le diagnostic différentiel entre langue
volumineuse et posture antérieure due à une anomalie de la ventilation liée à une obstruction des
voies aériennes supérieures ou postérieures.

Physiologie et maturation de la posture linguale

Maturation embryonnaire et neurophysiologique du développement lingual

La posture linguale décrite précédemment n'est que progressivement atteinte. Chez le nourrisson, la
posture linguale normale est basse et antérieure, entre les arcades gingivales, voire même entre les
lèvres à la naissance.

La langue recule peu à peu pour s'orienter vers le palais entre l'âge de 4 à 8 mois et, définitivement
au niveau du palais vers l'âge de 1 à 2 ans.

Il ne semble exister aucune corrélation significative entre l'allaitement au sein ou au biberon et les
troubles de la posture linguale, ni même avec les rhinopharyngites à répétition ou les problèmes ORL
au cours de la première année de la vie [24]. Reprenons succinctement les données embryologiques.

e
- Le développement volumétrique de la langue commence à se réaliser vers le 40 jour, lors de la
fusion des ébauches mésenchymateuses de la langue issues des crêtes neurales avec les
myoblastes provenant des premiers somites céphaliques.
- La musculature somitique de la langue est innervée par les deux nerfs hypoglosses qui sont des
nerfs de type rachidien appartenant à la colonne somitique de la moelle. Ces noyaux hypoglossiques
se sont trouvés incorporés dans le contenu crânien au cours de la phylogenèse, en raison de
l'augmentation volumétrique du cerveau. Couly [12] précise que l'occipital, formé par la fusion des trois
ébauches primitives vertébrales isolées va constituer, avec les deux nerfs hypoglosses et la
musculature de la langue, une entité embryologique. La proprioception de la langue et le contrôle de
sa position temporospatiale pourraient être déterminés par des anastomoses du XII avec le plexus
cervical profond ; en effet, certains troubles de la statique musculaire cervicale s'accompagnent de
troubles de la posture linguale.
Couly [12] révèle cependant que l'hyoglosse, le styloglosse, et le génioglosse ne possèdent pas de
contrôle fusoriel neuromusculaire, ce qui permet d'envisager une conception différente du contrôle
positionnel lingual à point de départ nociceptif et épicritique.

e
Au cours du 3 mois intra utero, s'ébauche le réflexe de l'ouverture buccale à la stimulation labiale, la
déflexion céphalique et l'approche progressive des mains au contact des lèvres. Le réflexe de
e e
succion est objectivable vers la 10 semaine, la déglutition suit vers la 13 semaine.

Le tronc cérébral exerce donc sur la maturation embryonnaire statique et motrice de la langue un
important contrôle afin de l'intégrer aux impératifs des régulations respiratoires, cardiaques et
digestives qui s'opèrent dans la même localisation anatomique.

Cette activité du couple réflexe succion-déglutition permet au foetus d'assurer le maintien et la


maturation des fonctions rénales. La défaillance de ce couple moteur aura pour conséquence une
rétrognathie par défaut de stimulation condylienne et un palais creux, par défaut de pression linguale
palatine [13].

Maturation neurophysiologique postnatale de la posture linguale

Phénomènes d'oculomotricité

Les études récentes de Mamelli et Tolu [42] ont montré que les signaux visuels induisent des
réponses spécifiques des motoneurones situés dans la partie médiocaudale du noyau de
l'hypoglosse. La régulation visuelle de l'activité des neurones de l'hypoglosse se manifeste par une
modification de l'activité électromyographique des muscles linguaux, notamment le génioglosse. Il se
produirait une oculomotricité, une inhibition ou une excitation réflexe en fonction des impacts visuels.

Nous savions déjà le rôle des suggestions visuelles sur la préparation de la cavité buccale à la
réception du bol alimentaire, il serait donc certain que les influx visuels participeraient au contrôle de
la posture linguale, comme le démontrent les études expérimentales effectuées sur le rat par
l'Université de Turin [42]. Ces auteurs concluent que la vision intègre les informations spatiales dans le
labyrinthe pour moduler la tension posturale des muscles de la langue.

Maturation de la posture linguale et contexte dentosquelettique

L'interposition linguale entre les arcades est de règle chez le nouveau-né et se transforme avec le
changement d'alimentation et l'apparition de la denture. La modification de la posture linguale peut
être interprétée comme son adaptation à une conformation spatiale nouvelle, consécutive à trois
phénomènes essentiels :

- la morphogenèse des arcades temporaires qui contribue à augmenter le volume de la cavité


buccale ;
- la descente de l'os hyoïde, qui s'éloigne de la mandibule et suit les structures pharyngées lors de la
croissance des vertèbres cervicales. Cette descente entraîne une obliquité du muscle géniohyoïdien
et une ouverture de l'éventail du génioglosse, diversifiant ainsi les mouvements de cet organe [67] ;
- augmentation du volume lingual : la langue présente jusqu'à 9-12 ans un taux de croissance
accéléré par rapport à son environnement : il y a dysharmonie buccolinguale transitoire. La
croissance linguale se stabilise ensuite et n'est plus un facteur de modification de la posture linguale.

Maturation de la posture linguale et création de l'oropharynx

Particularités anatomiques du nourrisson

In utero puis au cours des premières années, le pharynx reste court, de même que chez les autres
primates, le nourrisson ne présente pas d'oropharynx [45]. La paroi pharyngée se caractérise par :

- la hauteur de l'os hyoïde à l'interligne C1-C2 ;


- l'épiglotte, au contact direct d'un voile très développé ;
- la langue, entièrement intraorale, sans courbure brusque de sa pointe à sa partie postérieure.

Le squelette osseux qui charpente ce pharynx néonatal se caractérise par :

- l'absence d'inflexion basicrânienne ;


- la situation haute du palais osseux, au niveau des apophyses zygomatiques.

Particularités physiologiques du nourrisson

Laitman, cité par Talmant [66], [67], a observé que les nourrissons humains se trouvent dans l'obligation
de respirer par le nez, compte tenu de leur configuration anatomique, de même que les primates.

Maturation des tissus lymphoïdes

L'acquisition de la position linguale physiologique serait en relation avec la réduction de l'espace


aérien postérieur qui aurait tendance à augmenter avec l'âge lors de l'involution des tissus
lymphoïdes qui se produit jusqu'à la puberté.

Maturation des pressions linguales

De nombreuses études rapportent une fréquence élevée de la pulsion linguale jusqu'à 8 ans et une
diminution après cet âge [3]. Cette pulsion serait sans incidence sur la typologie squelettique qui se
déterminera plus tard.

Cependant Hanson et Adrianopoulos (1987) [3] trouvent une recrudescence de cette pulsion à 17-18
ans.

Selon Proffit et Mason [49], certaines conditions anatomiques prédisposent des enfants normaux à un
positionnement antérieur de la langue, qui disparaît à la puberté. Pour ces enfants, la pulsion linguale
doit être considérée comme une étape de transition ; pour d'autres enfants, cette pulsion constitue
une adaptation nécessaire. La thérapeutique myofonctionnelle, pour ces auteurs, ne devrait pas être
appliquée avant la puberté (fig 6).

Rôle morphogénétique de la posture linguale

La participation de la langue à la morphogenèse des arcades dentaires a été décrite depuis 1873 par
Tomes. Deux écoles vont s'opposer sur les conceptions de l'action morphogénétique de la langue sur
les procès alvéolaires et sur les bases osseuses : l'école anglaise et l'école française.

Cette dernière considère l'équilibre des groupes musculaires antagonistes comme le facteur
déterminant de la direction de croissance des arcades dentaires, dont font partie les groupes
antagonistes langue-lèvres et langue-joues, et considère le génome comme inducteur de la
morphologie de bases osseuses [62].

L'action morphogénétique de la posture linguale n'est pas contestée mais la localisation de sa ligne
d'action fait encore l'objet de nombreuses controverses ; des auteurs la situent au niveau dentaire,
d'autres au niveau alvéolaire et enfin, certains au niveau basal.

Dahan [16] rapporte les théories contradictoires des auteurs tels que :
- Eschler, qui limite l'influence de la langue aux structures dentoalvéolaires ;
- alors que Proffit et al ne croient pas que la langue ait une influence sur les arcades dentaires.

Cette différenciation entre l'action alvéolaire et basale de la langue n'apparaît plus comme évidente.

À la lumière des travaux de Charlier et Petrovic [9], sur la croissance du jeune rat, il semble que
l'action de la langue serait également capitale dans la croissance mandibulaire et maxillaire :

- la langue agirait sur la croissance mandibulaire de par sa participation au cycle cybernétique,


directement lors de sa croissance propre régulée par l'hormone somatomédine, et indirectement par
stimulation des ptérygoïdiens latéraux, qui induirait la croissance condylienne ;
- Fellus [22] estime qu'une croissance eumorphique n'est possible qu'en présence d'une position
normale de la langue et des lèvres avec un contact bilabial dépendant d'informations proprioceptives
occlusales, rejoignant ainsi les idées de Petrovic. En effet ce triple équilibre postural met en tension
le ptérygoïdien latéral, facteur déterminant de la croissance mandibulaire.
- La perturbation d'un de ces éléments contribue à dévier la croissance et à être à l'origine de
dysmorphoses dont les plus fréquentes selon Deffez [17], sont la rétromandibulie fonctionnelle et la
prognathie mandibulaire. La rétromandibulie serait en relation avec une hyperactivité du digastrique,
abaisseur et rétracteur mandibulaire, et une hypoactivité des ptérygoïdiens latéraux. La
promandibulie résulterait d'une posture linguale basse et propulsive qui entraînerait une hyperactivité
du ptérygoïdien latéral ;
- l'action morphogénétique de la posture linguale sur la croissance sagittale et transversale de la
voûte palatine est, en revanche, admise par tous les auteurs [12], [13], [14].
Pathologie de la posture linguale

Principales anomalies de posture linguale

Plus de 80 % des enfants présentent une poussée linguale et une béance antérieures à l'âge de 8
ans et montrent une normalisation sans traitement à l'âge de 12 ans.

Suite à la définition de la posture linguale normale, après 8 ans environ, les principales anomalies de
posture linguale au repos se regroupent en :

- anomalies sagittales : la posture antérieure, la posture postérieure, les bords mobiles s'interposent
entre les arcades dans la région incisive ;
- anomalie verticale : la posture basse, la pointe de la langue est située derrière l'arcade incisive
inférieure ;
- anomalie transversale : l'interposition linguale postérieure.

Ces troubles de la posture linguale ont été souvent associés à des dysmorphoses spécifiques ; mais
la discussion est encore ouverte entre les auteurs pour connaître si ces troubles font partie des
facteurs étiologiques ou ne sont qu'une caractéristique clinique de la dysmorphose.

Facteurs physiologiques influant sur la posture linguale

Une posture ou une fonction dépendent des facteurs physiologiques neuromusculaires et de leur
maturation, de facteurs psychologiques, et de l'évolution des éléments extrinsèques comme le
contexte dentosquelettique. Les principaux facteurs physiologiques à l'origine de variations
pathologiques de la posture linguale sont indiqués ci-après.

Posture linguale et fonction ventilatoire

La langue intervient directement dans la fonction ventilatoire, comme l'ont montré Doual et al [20] et
Ferré [24], grâce à l'os hyoïde, ancrage supérieur de l'arbre respiratoire : la posture du massif
hyolingual permet ainsi le passage de l'air à travers le carrefour aéropharyngien.

Lors de l'inspiration, les muscles géniohyoïdiens, mylohyoïdiens et le ventre antérieur du digastrique


permettent la traction antérieure de la mandibule et le dégagement du couloir oropharyngé [45].

Les données récentes sur la neurophysiologie des muscles linguaux au cours de la ventilation, ont
montré que, par l'intermédiaire des stimulations aux noyaux moteurs du V et du VII, adressées par le
centre respiratoire bulbaire, le génioglosse, appelé safety muscle, contrebalance l'action du
styloglosse et empêche la langue d'obstruer l'oropharynx. La chute de cette activité tonique dans
certains cas d'hypersomnolence peut entraîner une glossoptose et l'arrêt respiratoire.

Cette posture linguale est donc soumise aux contraintes respiratoires administrées par le système
nerveux central, réajustée sans cesse par les effecteurs linguaux et indissociable de l'équilibre
céphalique. Toute pathologie à un ou plusieurs niveaux sera à l'origine d'une posture linguale
pathologique.

Posture linguale et posture céphalique

Les rapports vertébraux de l'os hyoïde se modifient dès la naissance en raison des vitesses et des
rythmes de croissance axiale différents du pharynx et du rachis cervical : l'allongement postnatal du
pharynx est plus ample que la croissance concomitante des vertèbres cervicales correspondantes [67].

Une augmentation de la hauteur des vertèbres s'associe au développement de la lordose cervicale,


secondaire et compensatrice à la tenue de la tête. L'espace ainsi dégagé bénéficie à la croissance
axiale du rhinopharynx et à la différenciation de l'oropharynx.

La posture linguale peut être directement affectée par la croissance pathologique qui touche le
segment des voies aérodigestives et pourra être responsable, outre des dysmorphoses
maxillomandibulaires, des conditions d'apparition d'apnées obstructives du sommeil.

Talmant considère que les postures linguales, labiales et mandibulaires sont sous la dépendance
d'un facteur primordial : la " ventilation nasale optimale de repos ".

Posture linguale et type de croissance mandibulaire

Lowe et al [40] démontrent des positions différentes de la langue chez des adultes présentant un
syndrome de face courte et ceux présentant un schéma de face longue.

Lors d'une croissance mandibulaire verticale, on constate une descente plus importante de l'os
hyoïde que son déplacement vers l'avant. De par ses rapports avec l'os hyoïde, la langue se trouve
en position plus basse et plus antérieure, ce qui favorise l'apparition d'une béance.

Inversement, une croissance horizontale, de type brachyfacial, pourra être considérée comme à
l'origine d'une posture linguale plus antérieure, sollicitant l'apparition d'une prognathie mandibulaire.

Conditions anatomiques des anomalies de posture linguale

Volume lingual

La posture linguale peut être anormale en raison d'un volume lingual trop important ou d'une
compression linguale à l'origine d'une posture antérieure.

Il existe deux types de macroglossies : les macroglossies vraies et les macroglossies relatives.

- Macroglossies vraies : elles correspondent, pour Deplagne [19] à des langues dont le volume
excessif est cliniquement évident (proéminence de la langue, incontinence salivaire...), pouvant être
liées à un syndrome phénotypique d'une anomalie chromosomique ou d'origine tumorale ou faisant
partie d'un syndrome (syndrome de Downs, syndrome de Wiedemann-Beckwith).
- Macroglossies relatives : considérées comme des compressions linguales, elles sont dues soit à :
- une langue atone ou hyperactive ;
- un trouble volumétrique extérieur : obstruction pharyngée (amygdales, végétations) ;
- un trouble fonctionnel de la ventilation narinaire (obstruction nasale : cornets inférieurs volumineux)
;
- une dysharmonie alvéololinguale ou squelettiquo-linguale (rétrognathie mandibulaire).

Plus rarement, un faible volume lingual peut être à l'origine d'un syndrome de Brodie a minima,
caractérisé par une arcade mandibulaire très étroite.

Frein lingual

L'ankyloglossie contribue à l'acquisition d'une mobilité réduite et d'une posture basse et antérieure.

Anomalies de la posture linguale et malocclusions

Posture linguale, béance antérieure et typologie verticale


- Une enquête menée aux États-Unis dans une population de 8 000 enfants sélectionnés pour
représenter les 24 millions d'enfants âgés de 6 à 11 ans a montré que seulement 7 % des enfants
présentaient une béance, avec une forte influence de la race (16,3 % de sujets de race noire -3,9 %
de sujets de race blanche) mais que plus de 50 % présentaient une posture linguale antérieure.
- La plupart des auteurs sont d'accord pour indiquer que la posture linguale antérieure associée à la
position antérieure normale de la déglutition infantile est universelle pendant l'enfance.
- Les forces verticales délivrées par les pressions linguales antérieures au repos sembleraient, selon
Proffit, être en partie responsables des béances antérieures. En effet, si la relation de cause à effet
entre la posture antérieure linguale et la béance antérieure n'est pas mise en évidence dans tous les
travaux chez le jeune enfant, il ne faut cependant pas nier les relations existant après, entre
l'anomalie posturale antérieure linguale et la vestibuloversion des incisives, avec apparition de
diastèmes inférieurs, signe d'une boîte à langue trop exiguë, pouvant être une manifestation possible
d'une rétrognathie mandibulaire.
- Pour Lowe, la posture linguale au repos varie significativement en fonction de la divergence faciale :
- chez les hypodivergents, la pointe de la langue est située en dessous du plan d'occlusion ;
- chez les hyperdivergents, elle part en avant et au-dessus des incisives inférieures.

Posture linguale et anomalies transversales

La posture linguale basse est souvent avancée comme un facteur important dans l'apparition des
dysmorphoses transversales par défaut en raison de l'absence de sollicitation de la suture
intermaxillaire lors de la croissance. Les excès de croissance alvéolaire transversale du maxillaire
sont aussi en partie liés à une posture linguale haute et postérieure, souvent associée à une
rétrognathie mandibulaire. L'action basale ou alvéolaire de la langue est toujours discutée en fonction
des auteurs.

- Tamari et al [68], [69] ont trouvé des relations étroites entre l'importance du volume de la langue et les
dimensions transversales de l'arcade inférieure au niveau molaire.
- Frolich, Ingervall et Thuer [26] confirment les résultats de Proffit sur les aborigènes australiens et
pensent que les relations entre la forme des arcades et la pression linguale sont faibles ; en effet, ils
ont constaté que les pressions lors de la posture linguale étaient souvent faibles ou négatives au
niveau des incisives supérieures chez un échantillon d'adultes en occlusion normale, sans
répercussions sur la forme de l'arcade dentaire.

La forme d'arcade dépend aussi de la typologie squelettique, comme nous l'avons trouvé dans nos
travaux [52].

Posture linguale et anomalies sagittales


Hopkin cité par Boileau [6] pense que la position sagittale de la mandibule par rapport au maxillaire
détermine la position de la langue :

- dans les classes II/1, la position haute et antérieure qu'occupe la langue serait une posture
d'accommodation, différente de la position de repos, pour permettre l'obtention du verrouillage
antérieur. La position de repos réelle de la langue correspond à une position plus postérieure et plus
basse ;
- dans les classes II/2, la langue est plus haute mais postérieure, en " crosse ". Pour de nombreux
auteurs, ce type de posture linguale soutient peu la région antérieure et permet ainsi sa linguoversion
sous l'action des lèvres, favorisant l'installation d'une forte supraclusion incisive ;
- dans les classes III, la langue occuperait une position basse et antérieure dans la cavité buccale [6].

En conclusion, on constate que les anomalies sagittales s'accompagnent d'un comportement


neuromusculaire adaptatif qui existe au repos et en fonction pour recréer un verrouillage antérieur par
participation des lèvres et de la langue.

Grands syndromes : syndrome de Robin

Couly [12] constate dans le syndrome de Robin une perturbation de la précession de la succion sur la
déglutition.

Le défaut de synchronisation de cette séquence motrice céphalique et orale, par anomalie de la


neurogenèse du rhombencéphale, perturbe l'intégration normale de la langue dans la cavité buccale
et empêche la fermeture du palais secondaire. Cette défaillance précoce de la motricité orale
constitue pour Couly le phénomène majeur responsable du syndrome néonatal de Robin.

Dans ce syndrome, la fente vélopalatine est alors un exceptionnel marqueur encore visible à la
naissance. Le nouveau-né porteur de la triade du syndrome de Robin, rétromandibulie, glossoptose,
division palatine discrète, présente une détresse respiratoire liée à la bascule de la langue vers le
pharynx. Le premier geste de l'obstétricien consiste en un réajustement antérieur d'urgence de la
posture linguale.

La sémiologie du syndrome de Robin s'est enrichie de données cliniques récentes et


électrophysiologiques ; au syndrome morphologique périphérique s'associent des anomalies
fonctionnelles [12], tels :

- des troubles de la commande centrale de la succion et de la déglutition, objectivés par


électromyographie ;
- des troubles de la régulation de la ventilation se manifestant par des apnées obstructives et
centrales, consécutives à des troubles toniques glosso-pharyngo-hyoïdiens.

Ces données récentes suggèrent que le syndrome de Robin est une anomalie précoce de
l'organisation motrice du tronc cérébral.

Modifications thérapeutiques de la posture linguale

Intérêt des méthodes de rééducation de la posture linguale

La controverse sur les conséquences de la posture antérieure linguale se concentre sur le dilemme
suivant : ce schéma fonctionnel a-t-il un effet défavorable sur l'occlusion ou représente-t-il une
adaptation à la malocclusion ? De toute évidence pour la plupart des auteurs, la pulsion linguale
pendant la déglutition n'est pas la cause des malocclusions, en revanche, la posture linguale
antérieure, qui lui est très souvent associée, affecte l'éruption dentaire.

La présence de la pulsion linguale est considérée comme normale à l'âge scolaire. La maturation
vers une posture physiologique s'effectuerait lentement jusqu'à la puberté en raison des modifications
morphologiques et physiologiques asynchrones et contraires des tissus lymphoïdes et linguaux.

Se basant sur la normalisation à long terme de la posture linguale, certains auteurs [34] pensent que la
thérapie myofonctionnelle ne semble donc pas indiquée très précocement chez le jeune enfant.
Deffez [17] et Margaillan-Fiammengo [43] proposent d'intervenir lors de la préadolescence, pour
permettre à la thérapie myofonctionnelle de jouer son rôle interceptif.

Lors de l'association d'une pulsion linguale, d'une béance et d'une anomalie phonétique, la
rééducation de la posture et de l'anomalie phonétique peut être réalisée en même temps que le
traitement orthodontique, même en présence des déplacements dentaires ; la fin du traitement
orthodontique permettra cependant le contrôle de l'acquisition du nouveau schéma corporel.

Rôle de l'orthodontie dans les modifications de la posture linguale

Influence des mouvements orthodontiques

Des anomalies de posture linguale peuvent se produire en cours de traitement orthodontique lors de
la création temporaire d'espace, lors de la réouverture d'espace ou lors d'interférences occlusales, ou
encore lors de la réduction de l'espace lingual due à un recul important des incisives et engendrer
des pressions linguales au repos plus importantes qu'initialement [3].

Dans les traitements avec appareils fixes, si les acquisitions du nouveau schéma corporel n'ont pas
été obtenues en cours de traitement, c'est au moment de la pose de la contention que le praticien
devra donner sa valeur de " catalyseur " de la modification comportementale à l'appareil de
contention [22].

Mode d'action des écrans linguaux

Les écrans linguaux fixes ou amovibles comme les guide-langues (Bionators de Balters) [16],
l'enveloppe linguale nocturne [7] ou toboggan à langue ou rampe linguale, ont pour objectif de bloquer
la route motrice linguale antérieure par privation du contact des lèvres et de l'environnement tactile
jugal (fig 7).

Bonnet rappelle que leur mode d'action s'appuie sur une modification des conditions spatiales, créée
par les écrans linguaux, qui incitent la langue à une nouvelle lecture spatiale tendant à élaborer une
autre référence posturale (fig 8).

Notions d'orthodontie posturale

Les traitements orthodontiques de l'adulte ont parfois pour objectif de corriger les facteurs occlusaux
pouvant participer à l'étiologie des troubles algodysfonctionnels des ATM. L'importance des ATM a
obligé notre spécialité à réévaluer ses attitudes envers la position mandibulaire et à affiner, selon
Korn, nos critères de succès thérapeutiques [36].

L'objectif principal de ces traitements est de rétablir une posture mandibulaire confortable en
rééduquant la musculature, en repositionnant la mandibule et en recréant une dimension verticale qui
puisse maintenir cette position. Le protocole thérapeutique suivi comportera une déprogrammation
musculaire qui conduit à l'établissement d'une autre posture mandibulaire, en utilisant un plan de
morsure [36].

Modifications de la posture linguale par la chirurgie orthognathique

La chirurgie de recul mandibulaire reporte la langue en arrière, ce qui aurait tendance à bloquer
l'espace aérien. En fait, l'espace est maintenu et la langue est positionnée en bas et en avant. La
longueur au repos de la musculature hyoïdienne est apparemment altérée, comme si l'os hyoïde
assumait une nouvelle posture afin de maintenir l'espace aérien nécessaire. Les travaux de
Yamaguchi, Tanaka et al [78] montrent que les pressions de la langue au repos décroissent en
postopératoire, et que la plupart des patients retrouvent, 1 an après, des pressions normales. Ces
auteurs démontrent que la langue peut s'adapter à cette nouvelle situation, par un positionnement
vers le bas et vers l'arrière de l'os hyoïde.

Certains mouvements chirurgicaux seront à toute évidence plus perturbants et leurs retentissements
sur le schéma fonctionnel plus graves que d'autres ; en particulier, la perturbation créée par une
chirurgie de recul mandibulaire aura des conséquences différentes sur les fonctions et la posture que
les modifications apportées par une chirurgie d'avancée maxillaire, d'où l'importance d'opter parfois
pour une chirurgie bimaxillaire dans le traitement chirurgical des classes III, certes plus complexe
mais plus sécurisante quant aux retentissements sur le volume de la " boîte à langue ". En raison du
contrôle sur la posture linguale, la chirurgie orthognathique des classes III privilégie les mouvements
d'avancée de plus grande amplitude au maxillaire.

Les nouvelles conditions anatomiques, obtenues d'emblée au réveil après anesthésie modifient
totalement et en peu de temps les rapports morphologiques de leurs maxillaires tout en ayant
conservé leur " schéma corporel " initial [17].

Il y a création d'une incompétence provisoire entre les données des acquisitions motrices et
posturales originelles et la nouvelle conformation architecturale faciale immédiate.

À ces données fonctionnelles et morphologiques, il faut ajouter le contexte psychologique perturbé


par le profond changement morphologique et l'absence de reconnaissance du " moi " qui perturbe la
reconstruction des fonctions et des postures dans un cadre morphologique normalisé.

De nombreux auteurs [67], [73], [78] insistent sur la nécessité d'une rééducation par thérapie
myofonctionnelle (MFT) pour les muscles circumbuccaux, qui repose sur une rééducation de la
pointe de la langue, partie prenante de toutes les fonctions orales.

Un suivi fonctionnel " kinésio-orthophonique " [17] se révèle indispensable, surtout pendant la période
postchirurgicale immédiate ; il peut être accompagné d'une assistance psychologique, qui complétera
et aidera à la rééducation fonctionnelle de ce nouveau visage.

Deffez et Fellus parlent de " rééducation du lendemain ", surtout, dans les cas de disjonction
chirurgicale où la rééducation de la respiration nasale doit être entreprise immédiatement.

Certaines récidives des traitements chirurgico-orthodontiques sont en effet liées à la tension des
muscles de la sangle péribuccale, des muscles faciaux masticateurs et de la posture anormale de la
langue [78].

Un comportement postural incorrect favorise l'instabilité en créant des pressions qui potentialisent un
retour à la dysmorphose initiale.

Glossectomies et posture linguale

Les indications de glossectomies se regroupent autour de l'aide précieuse que cette intervention peut
amener dans le traitement des infraclusions très étendues, pour lesquelles, chez le jeune patient
prépubertaire, le traitement orthodontique seul ne peut engendrer une réussite totale des objectifs de
finalités occlusales, et lors d'une récidive par réapparition d'une béance post-thérapeutique, en
période de contention [19].

La résection d'une partie de la langue pourrait influencer sa posture [26] par une modification de la
position de l'os hyoïde ainsi qu'induire une modification de la position de repos mandibulaire en
entraînant des répercussions de la position naturelle de la tête.

Les travaux de Ingervall et Schmocker [25], Thuer et Janson [32], [72] sur des sujets porteurs de
macroglossies vraies ont constaté, après glossectomie, que :

- les positions de la tête, de la colonne vertébrale et de l'os hyoïde ne sont pas affectées ;
- la motricité linguale lors des fonctions orofaciales n'a pas varié ;
- des modifications sensibles semblent apparaître dans la posture linguale : on enregistre en effet
une augmentation de la distance entre le dos de la langue et le palais ainsi qu'une diminution de
l'espace libre au niveau molaire lorsque la mandibule est au repos.

Suite à l'étude d'un échantillon de glossectomisés, nous avons insisté sur l'importance de la
rééducation myofonctionnelle d'accompagnement qui devrait être instituée obligatoirement pour
l'éducation linguale à ce nouveau schéma corporel [51].

La rééducation orthophonique doit être immédiatement entreprise afin d'éviter une perte parfois
irrémédiable de la tonicité linguale et une mollesse à la prononciation des consonnes, notamment
des sifflantes, et éviter l'apparition d'un chuintement postérieur.

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Conclusions thérapeutiques

L'action morphogénétique de la posture linguale semble primordiale par rapport aux autres postures
mais l'interdépendance entre ces postures est reconnue par de nombreux auteurs. Les travaux sur la
maturation de ces postures indiquent que toute rééducation peut être jugée comme trop précoce
avant la fin des phénomènes de maturation nasopharyngienne et de morphogenèse des arcades
dentaires.

Les critères de succès des traitements exigent l'équilibre myofonctionnel des postures céphalique,
labiale, linguale et mandibulaire, nécessaire à la stabilité des résultats. Les modifications
thérapeutiques au niveau basal ou dentoalvéolaire peuvent entraîner des modifications au niveau de
ces postures. Les changements intervenant sur la posture linguale seront les plus sensibles lors de
glossoplasties et relativement faibles, à long terme, après un recul chirurgical mandibulaire, ce qui
prouve les capacités de réorganisation du complexe hyoglossien.

Si le rôle morphogénétique des postures est indiscutable par rapport aux fonctions, il ne faut
cependant pas oublier la liaison entre la pathologie des postures et les anomalies du comportement
fonctionnel.

Le diagnostic orthodontique doit s'attacher à la détection des facteurs iatrogènes physiologiques ou


thérapeutiques, capables d'engendrer une pathologie posturale linguale, labiale ou mandibulaire,
dont les conséquences seront importantes au niveau de la physiologie aérodigestive et de la posture
du rachis cervical.

Toute vue simpliste de l'équilibre du couloir dentaire réalisé uniquement par une opposition des
forces antagonistes labiales et linguales est donc incorrecte, les examens cliniques et
complémentaires de ces postures permettront de réaliser un traitement orthodontique correspondant
à un équilibre esthétique et fonctionnel.

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