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Département de Droit Public

Master : Finances Publiques & Fiscalité

Année Universitaire : 2023/2024

RAPPORT DE RECHERCHE

Matière : Théorie de la Science Financière

Sous le thème de :

Le contrôle de la constitutionnalité de l’action financière

Effectué par : Encadré par :


Fatima HARROU Professeur Hassane EL ARAFI
Moncef EL KORCHI
Siham SADEK
Salaheddine ZOHAIR
Youssra BAATANI
Zakaria LOUTFI

1
Introduction

Le rôle des lois de finances en matière de fonctionnement de l’État est d’une importance
extrême quoi qu’elles n’en demeurent des lois ordinaires. A ce titre, elles peuvent faire l’objet
d’un contrôle de constitutionnalité́ mis en œuvre par le conseil constitutionnel .

C’est un élément indispensable dans un État de droit Bien que certains pays dont
l’orientation démocratique ne fait aucun doute, tels que la Grande Bretagne, la Suisse, Pays
Bas, le Luxembourg, ne disposent pas d’une justice constitutionnelle, mais possèdent
cependant des moyens de régulation juridique qui leur sont propres ( G. Vedel, Démocratie
et justice constitutionnelle, C.E.R.P., Tunis, 1995, p. 24 ), on doit reconnaître qu’il est
difficile d’admettre l’existence d’une constitution et en même temps l’absence d’un organe
chargé de contrôler la conformité des lois à son contenu. De nos jours, l’institution est
devenue si universelle et si indissociable de l’Etat de droit qu’elle s’impose, selon
l’observation de D. Rousseau, La justice constitutionnelle en Europe, édit. Clefs,
Montchrestien, 1996, p. 9, comme « élément obligé de toutes les constitutions modernes au
même titre que l’institution des assemblées parlementaires, d’un gouvernement ou d’un chef
de l’État ».1

La constitutionnalité des lois de finances est examinée au regard du texte suprême qui est la
Constitution.

Ce texte pose un ensemble de règles, de fond et de procédure, à partir desquelles le juge


constitutionnel peut, ainsi, apprécier les lois de finances.

Trois grands types de règles peuvent être évoquées dans ce contrôle :

 les principes budgétaires


 les règles de vote du projet de loi de finances
 l’interdiction des cavaliers budgétaires 2

1
1 Le contrôle de la constitutionnalité des lois Regards sur dix années d’évolution (*.) Mohammed Amine BENABDALLAH Professeur à
l’Université Mohammed V Rabat-Souissi
2
L'histoire de la justice constitutionnelle au Maroc remonte aux premières années de
l'indépendance. C'est la Constitution de 1962 qui a instauré une Chambre constitutionnelle au
sein de la Cour suprême comme organe coiffant l'organisation judiciaire. Cette justice
connaitra une grande autonomie suite à la révision constitutionnelle de 1992 qui a amorcé la
création d'un Conseil constitutionnel en tant qu'institution indépendante avec des compétences
plus étendues qui s'inscrivent dans le cadre du plan de réforme initié par le Royaume du
Maroc au début des années quatre-vingt-dix. 3

Ce plan vise la consolidation de l'Etat de droit et la consécration des droits de l'Homme tels
qu'universellement reconnus. Durant vingt ans de son existence (1994-2017), le Conseil
constitutionnel a rendu 1043 décisions témoignant de la continuité de son fonctionnement et
de la confiance dont il jouit de la part des institutions, des instances politiques et des individus
en sa justice. En effet, dans le cadre de la révision constitutionnelle étendue et profonde
instituée par le Royaume en vertu de la Constitution promulguée le 29 juillet 2011 et qui
consiste particulièrement en l'élargissement des droits et libertés publiques, la consécration
des institutions et des mécanismes à même de parfaire l'édification d'un État démocratique
moderne ; une Cour constitutionnelle a été instaurée en remplacement du Conseil
constitutionnel avec de plus larges compétences et ouverte aux justiciables pour défendre
leurs droits et libertés qui leurs sont constitutionnellement garantis. 4

Compétences :

1- Contrôle de constitutionnalité

C'est la plus importante des prérogatives de la Cour constitutionnelle. Il s'agit d'un contrôle de
conformité à la Constitution des textes législatifs, des règlements intérieurs des deux
Chambres du Parlement et que de celle de certaines institutions constitutionnelles et des
engagements internationaux. Ce contrôle peut s'exercer à priori ou à postériori.

"Contrôle à priori: Ce contrôle est obligatoire dans les cas suivants:

2
« Fallait pas faire du droit Le contrôle de constitutionnalité des lois de finances » (fiche thématique) Date de rédaction : 12/09/2021 date de
consultation décembre 2023
3
https://cdn.accf-francophonie.org/2019/03/maroc-presentation-generale.pdf
3
- Les lois organiques qui sont déférées devant la Cour Constitutionnelle après leur
approbation par le Parlement et avant qu'elles ne soient promulguées.

- Les règlements intérieurs de certaines institutions constitutionnelles: Les règlements


intérieurs de la Chambre des représentants, de la Chambre des conseillers, du Conseil
économique, social et environnemental ainsi que ceux des Conseils régis par une loi
Organique, sont déférés devant la Cour constitutionnelle avant leur mise en application.

Ce contrôle est facultatif dans les cas suivants:

- Les lois: Elles peuvent être déférées avant leur entrée en vigueur par Sa Majesté le Roi, le
Chef du Gouvernement, le Président de la Chambre des Représentants, le Président de la
Chambre des Conseillers, ou par le cinquième des membres de la première Chambre ou
quarante membres de la deuxième. 4

- Les engagements internationaux: La Cour constitutionnelle a compétence pour décider de


leur conformité à la Constitution. Si elle déclare qu'un engagement international comporte une
disposition contraire à la Constitution, il ne peut être approuvé.

"Contrôle à postériori" Il comprend:

L'exception d'inconstitutionnalité soulevée au cours d'un procès, lorsqu'il est soutenu


par l'une des parties que la loi dont dépend l'issue du litige, porte atteinte aux droits et libertés
garantis par la Constitution.

L'examen de toute requête gouvernementale de nature à modifier par décret la forme


des textes législatifs lorsqu'ils sont intervenus dans un domaine dévolu à l'exercice du pouvoir
réglementaire.

2. Contrôle de la régularité de la procédure de révision de la Constitution et la


proclamation de ses résultats

3. Le contrôle de la régularité des élections législatives et des opérations du


référendum

4. Règlement des différends entre le Parlement et le Gouvernement 5

4
https://cdn.accf-francophonie.org/2019/03/maroc-presentation-generale.pdf
4
Comment alors le contrôle de la constitutionnalité des lois de finance peut-il être examiné à
travers ce corpus normatif ? et en quoi consiste le contrôles des principes budgétaires ?

Pour répondre à cette problématique, nous répartirons notre travail sur 5 axes, dans chacun
des axes développés nous essayerons de mettre en relief le degré du respect des principes
budgétaires.

PLAN

Introduction

Axes 1 : consécration du service de l’annualité par la jurisprudence constitutionnelle

Axes 2 : Le principe de l’unité budgétaire

Axes 3 : Principe d’équilibre financier et budgétaire

Axes 4 : principe de l’universalité budgétaire

Axes 5 : Le juge constitutionnel face à L’avènement d’un nouveau principe : la sincérité

Conclusion

5
Premier axe : La consécration du principe de l’annualité par la jurisprudence
constitutionnelle

1- Le principe de l’annualité budgétaire :

La règle de L’annualité́ concerne à la fois le vote de la loi de finances et son exécution


comptable. Elle consiste à fixer à une année la durée de l’exercice budgétaire afin de
permettre un contrôle régulier des finances publiques par le Parlement. L’évolution des
finances publiques a montré les limites de ce principe, rendant inéluctable certains
aménagements. Le dépassement du cadre annuel s’impose en raison de son inadaptation aux
finances modernes. L’année budgétaire coïncide au Maroc avec l’année civile.

- Les sources de l’annualité́ budgétaire

Article 1 de la LOF : La loi de finances détermine, pour chaque année budgétaire, ... ».

L’article 3 de la LOF pose le principe de l’annualité budgétaire :


« La loi de finances de l’année prévoit, évalue, énonce et autorise, pour chaque année
budgétaire, l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat, par référence à la
programmation budgétaire C’est un article qui est repris à l’article 32 de la LOF : «...les
recettes sont prises en compte au titre de l’année budgétaire au cours de laquelle elles sont
encaissées par un comptable public. « Les dépenses sont prises en compte au titre de l’année
budgétaire au cours de laquelle les ordonnances ou mandats sont visés par les comptables
assignataires ; elles doivent être payées sur les crédits de ladite année, quelle que soit la date
de la créance ».

Ce principe a une double dimension :

-Il signifie tout d’abord que l’autorisation budgétaire donnée par la loi de finances n’est
valable que pour une année (annualité du vote). A l’expiration du délai d’autorisation, en
principe, il n’est plus possible de procéder à aucune dépense, même si tous les crédits n’ont
pas été consommés ;

-Il signifie ensuite que le gouvernement doit utiliser dans l’année les autorisations accordées.
Les autorisations budgétaires ne sont donc valables que pendant un an (annualité de
l’exécution).

6
D’après l’article 63 de la LOF « les crédits ouverts au budget général au titre d’une année
budgétaire donnée, ne peuvent être reportés sur l’année suivante... ». 5

Ce même article précise toutefois, que les crédits de paiement ouverts au titre des dépenses
d’investissement du budget général et les reliquats d’engagement, visés et non ordonnancés,
sont reportés, sauf dispositions contraires prévues par la loi de finances, dans la limite d’un
plafond de 30% des crédits de paiement ouverts au titre du budget d’investissement pour
chaque département ministériel ou institution au titre de l’année budgétaire.

- Les dérogations à l’annualité budgétaire

Les autorisations budgétaires ont normalement une valeur annuelle. Exceptionnellement,


certaines peuvent être raccourcies, d’autres peuvent être prolongées.

Il est possible de voter, en cours d’année, des lois de finances rectificatives qui modifient la
loi de finances de l’année. De même, un engagement pluriannuel des dépenses
d’investissement est également possible.

- Les dérogations au vote annuel

- Dérogations pour une période < un an : Les lois de finances rectificatives

Les lois de finances rectificatives sont définies par l’article 4 de la LOF qui prévoit que,
seules de telles lois peuvent, en cours d’année, modifier les dispositions de la loi de finances
de l’année. L’utilité des lois de finances rectificatives est alors d’intervenir
occasionnellement, pendant l’année budgétaire, pour corriger les évaluations de la loi de
finances de l’année et les adapter aux nécessités de la conjoncture.

Il faut toutefois remarquer que le recours à une loi de finances rectificative est très rare au
Maroc, elle reste une pratique exceptionnelle. Seules quelques lois de finances rectificatives
ont vu le jour, notamment celles anciennes de 1979, de 1983 et 1991.

L’année 2020 a connu le recours à une loi de finances rectificative, justifiée par la persistance
de la crise sanitaire liée à la Covid-19 et l’accentuation de son impact sur la conjoncture
économique et sociale. Cette situation s’est traduite par une révision des priorités qui ont
prévalu lors de l’adoption de la Loi de Finances pour l’année 2020.

5
REMSES http://revues.imist.ma/?journal=REMSES&page=index 195 ISSN : 2489-2068 Vol 4 – Numéro 3 (2019)
7
- Dérogations pour une période > un an

L’article 18 de la LOF permet de déterminer le montant maximum des crédits qui peuvent être
engagés sur plusieurs années au titre d’opérations d’investissement.

Article 18 : « Les crédits relatifs aux dépenses d’investissement comprennent les crédits de
paiement et les crédits d’engagement qui constituent la limite supérieure des dépenses que les
ordonnateurs sont autorisés à engager pour l’exécution des investissements prévus. 6

• Les crédits de paiement augmentés, le cas échéant, des versements des SEGMA prévus à
l’article 22 de la LOF et des versements des CAS prévus à l’article 27 de la LOF, des fonds de
concours prévus à l’article 34 de la LOF et des crédits reportés prévus à l’article 63 de la
LOF, constituent la limite supérieure des dépenses susceptibles d’être ordonnancées dans le
cadre de l’année budgétaire.
• Les crédits d’engagement sont fixés notamment, sur la base de prévisions des plans et des
programmes prévus à l’article 17 de la LOF ; il s’agit des plans de développement
stratégiques et des programmes pluriannuels en vue de la préservation, la reconstitution ou
l’accroissement du patrimoine national.

- Les dérogations à l’exécution annuelle

- Le report de crédit : plafonné à 30%

L’article 63 de la LOF précise que « les crédits ouverts au budget général au titre d’une année
budgétaire donnée ne peuvent être reportés sur l’année suivante...». Cela signifie qu’en
principe, le report d’un crédit d’une année sur l’autre est interdit.

Cependant, ce même article prévoit que les « crédits de paiement ouverts au titre des dépenses
d’investissement du budget général et les reliquats d’engagement, visés et non ordonnancés,
sont reportés, (...) dans la limite d’un plafond de 30% des crédits de paiement ouverts... ».

Cette technique de report de crédits porte directement atteinte au principe d’annualité,


puisqu’elle offre à un service la possibilité d’utiliser, l’année suivante, le reliquat des crédits
inutilisés au cours de l’année d’autorisation.

- L’annulation de crédits

6
REMSES http://revues.imist.ma/?journal=REMSES&page=index 195 ISSN : 2489-2068 Vol 4 – Numéro 3 (2019)
8
L’annulation de crédit est une technique ancienne : la loi organique de 1998, art. 45
envisageait le recours à cette technique lorsque le crédit était devenu sans objet et également
lorsque la conjoncture économique et financière l’exige. L’article 62 de la LOF reprend les
dispositions de l’ancien article 45 : « Lorsque la conjoncture économique et financière
l’exige, le gouvernement peut, en cours d’année budgétaire, surseoir à l’exécution de certaines
dépenses d’investissement, les commissions parlementaires chargées des finances en sont
préalablement informées ».

- Les crédits supplémentaires

Ils sont prévus à l’Art. 60 de la LOF et 18 du décret de 2015 : « En cas de nécessité


impérieuse et imprévue d’intérêt national, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts
par décret en cours d’année conformément à l’article 70 de la Constitution. Les commissions
parlementaires chargées des finances en sont préalablement informées ».

« Les décrets portant ouverture de crédits supplémentaires prévus à l’article 60 de la LOF sont
pris sur proposition du ministre chargé des finances » (Art. 18 du décret du 15 juillet 2015 ). 7

2- La consécration du principe de l’annualité

La question du contrôle des lois de finances est également garantie par la Constitution. En plus
du parlement qui exerce son contrôle en vertu de l’article 76 qui dispose que « Le
gouvernement soumet annuellement au Parlement une loi de règlement de la loi de finances
», l’article 96 de la Constitution de 1996 dispose que « La Cour des comptes est chargée
d'assurer le contrôle supérieur de l'exécution des lois de finances ». La Constitution de 2011 a étendu
le champ d’application du contrôle à l’ensemble des finances publiques comme le prévoit l’article
147 : « La Cour des Comptes est l'institution supérieure de contrôle des finances publiques du
Royaume ». Cette évolution vient aussi d’être renforcée par les dispositions de l’article 148 qui
apporte davantage de précision : « La Cour des Comptes assiste le Parlement dans les
domaines de contrôle des finances publiques. Elle répond aux questions et consultations en
rapport avec les fonctions de législation, de contrôle et d'évaluation, exercées par le Parlement
et relatives aux finances publiques ».

L’on a consacré aussi le principe d’annualité qui figure dans l’article 68 « Le Parlement

7
REMSES http://revues.imist.ma/?journal=REMSES&page=index 195 ISSN : 2489-2068 Vol 4 – Numéro 3 (2019)
9
tient des réunions communes de ses deux Chambres, en particulier dans les cas suivants : - la
présentation du projet de loi de finances de 1'année » et l’article 76 « Le gouvernement
soumet annuellement au Parlement une loi de règlement de la loi de finances au cours du
deuxième exercice qui suit celui de l'exécution de ladite loi de finances. Cette loi inclut le
bilan des budgets d'investissement dont la durée est arrivée à échéance ».

Pourquoi un tel délai, alors qu’en France à titre de comparaison, cette loi intervient dans les six
mois suivant l’année d’exécution de la loi de finances ?

L’annualité comme principe des finances publiques est très ancien si on se réfère aux bases
juridiques de la Zakat. Dans le droit moderne, ce principe, prenant appui sur le rythme de la
vie sociale et économique de la société est déterminant pour une loi de finances. Depuis
l’indépendance, celle-ci doit porter sur une année qui court du 1er janvier au 31 décembre
jusqu’à la Constitution 1992. Avec la Constitution de 1996, l’année budgétaire court du 1er
juillet au 31 juin. Cette modification est intervenue à la suite du discours du Roi Hassan II du
20 août 1995 qui a demandé de remplacer la date du 31 décembre par la date du 30 juin. 8

A la question « Approuvez-vous le projet annexé au présent dahir et tendant à ce que le projet de


loi de finances de l’année soit voté lors de la session d’avril ? », les marocains ont répondu « oui ».
Sauf que cette volonté n’a pas été traduite comme telle dans la Constitution ; puisque l’on a
inséré l’expression de « l’année budgétaire » au lieu de la date du 30 juin, pourtant clairement
annoncée. Le Conseil constitutionnel, aux compétences restreintes en matière de contrôle de
libellé de la question, a validé le référendum sans contrôler la concordance de la réponse
avec la question.

Depuis le référendum du 15 septembre 1995, la date du vote d’une loi de finances est
déconstitutionnalisée ; et la détermination de l’année budgétaire énoncée par l’article 50 de la
Constitution de 1996 (l’article 75 de la Constitution de 2011) est laissée à une loi organique.
Mais, en vertu de l’article 6 de cette loi organique telle que modifiée et complétée le 18 avril
2000, l’année budgétaire correspond à l’année civile (1er janvier – 31 décembre). C’est dans ces
conditions que le parlement vote une autorisation budgétaire pour une année portant tant sur

8
La constitutionnalisation des finances publiques au Maroc Revista Eletrônica do Mestrado em Direito da UFAL. V. 6, N. 2
(2015). Constitucionalização dos direitos humanos fundamentais. ISSN 2237-2261 (versão eletrônica) 1809-1873 (versão impressa).
Submetido em 18/03/2015. Abdelouafi el Harchaoui
10
l’imposition que sur les dépenses.9

Le conseil constitutionnel marocain (décision N 37/94 CC du 16 août 1994) a déclaré la loi


N 33-93 portant ratification du décret-loi N 2-91-388 du 13 Octobre 1992 instituant une taxe
à l’installation des stations terriennes de réception, à titre privé de signaux de rediffusion par
satellite n’est pas conforme à la constitution. Toutefois cette volonté pour protéger l’égalité
fiscale a été infléchie par une autre décision qui confirme la constitutionnalité de l’article 6
de la loi de finances 2002 posant le caractère rétroactif d’une mesure fiscale visant
l’exonération de tous les impôts et taxes relatifs à l’importation des viandes pour le
compte des F.A.R dont l’application prend effet rétroactivement depuis le 1 er Janvier
1996 une décision ayant provoqué des commentaires, parfois, acerbes contre ses
conclusions.10

Dans sa décision du 31 décembre 2001, rendue suite à une saisine de 97 membres de la


Chambre des représentants tendant à déclarer inconstitutionnelles certains articles de la loi
de finances pour l’année budgétaire 2002, le principal reproche était que l’article 6 de cette
loi violait le principe de la non-rétroactivité des lois en ce sens qu’il prévoyait une

exonération à compter du 1er janvier 1996. La saisine avait été présentée le 27 décembre
2001 et le Conseil, prenant en considération le fait que la loi de finances devait entrer en

application le 1er janvier 2002, et sans qu’il n’y ait eu la moindre demande du Premier
ministre invoquant l’urgence et la réduction du délai à huit jours, rendit sa décision en un
temps record, quatre jours plus tard, soit le 31 décembre. Car, s’il avait pris, ne serait-ce
qu’un jour de plus, il aurait fallu un Conseil des ministres pour ouvrir, par décret, les crédits
nécessaires à la marche des services publics. 11

De l’autre côté, ( En France)

Le Conseil Constitutionnel est récemment venu illustrer cette notion d’annualité budgétaire.
En effet, la loi de finances pour 2019 dans son article 210 prévoyait une imposition pour 2019

9
La constitutionnalisation des finances publiques au Maroc Revista Eletrônica do Mestrado em Direito da UFAL. V. 6, N. 2
(2015). Constitucionalização dos direitos humanos fundamentais. ISSN 2237-2261 (versão eletrônica) 1809-1873 (versão impressa).
Submetido em 18/03/2015. Abdelouafi el Harchaoui

10
Colloque sur : constitution de 2011 : Dix ans après approches croisées REVIREMENT DE LA JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE, à l’épreuve des mutations des principes budgétaires Hassane EL ARAFI Professeur à l’université
Mohammed V- Rabat FSJES Agdal 17 Décembre 2021
11
C.C., 31 décembre 2001, loi de finances 2002, REMALD n° 43, 2002, p. 99, note Benabdallah ; A. El Kesri,
Le principe de non-rétroactivité des lois revisitée par le Conseil constitutionnel, REMALD n° 44- 45, p. 57.
11
mais également pour 2020. Le juge constitutionnel est donc venu déclarer non conforme à la
constitution cette disposition car elle ne respectait pas le principe de l’annualité budgétaire 12

La loi de finances pour 1980 a été censurée dans son intégralité pour un motif de procédure
tenant à l’exigence du vote de la première partie du texte avant la mise en discussion de la
seconde (art. 40 de l’ordonnance de 1959).

Le Conseil constitutionnel, saisi le 29 juillet 1960 par le Premier Ministre, conformément aux
dispositions de l'article 61 de la Constitution, du texte de la loi de finances rectificative pour
1960

1. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 34 de la Constitution, « les lois de
finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les
réserves prévues par une loi organique » ; que, d'autre part, aux termes de l'article 4 de
l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, laquelle
constitue la loi organique visée par la disposition précitée de la Constitution, « les taxes
parafiscales perçues dans un intérêt économique ou social, au profit d'une personne morale de
droit public ou privé autre que l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements
publics administratifs, sont établies par décret en Conseil d'État, pris sur le rapport du ministre
des Finances et du ministre intéressé. La perception de ces taxes au-delà du 31 décembre de
l'année de leur établissement doit être autorisée chaque année par une loi de finances » ; Qu'il
résulte de ces dispositions que la perception des taxes dont il s'agit ne fait l'objet que d'une
autorisation annuelle du Parlement, à l'occasion de laquelle celui-ci exerce son contrôle sur la
gestion financière antérieure de la personne morale considérée ; que cette autorisation ne
saurait être renouvelée en cours d'exercice sans qu'il soit porté atteinte au principe ainsi posé
de l'annualité du contrôle parlementaire et aux prérogatives que le gouvernement dent des
dispositions précitées pour l'établissement desdites taxes, ce, même au cas où le pouvoir
réglementaire établit ces taxes à un nouveau taux ;13

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1 er de l'ordonnance n°59-273 du 4 février 1959, la


radio-télévision française « constitue un établissement public de l'État, à caractère industriel et
12
Le contrôle constitutionnel de la loi de finances . Nicolas FLORYSIAK Mémoire Master 1 Droit Fiscal Promotion 2019-
2020 sous la direction de Monsieur Jérôme GERMAIN, Maître de Conférence, HDR, en Droit Public - Université de
Lorraine

13
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2001/2001448DC.htm

12
commercial, doté d'un budget autonome » ; qu'en application des articles 3 et 9 de la même
ordonnance elle reçoit une « redevance pour droit d'usage » dont le produit constitue
l'essentiel des ressources lui permettant de faire face à l'ensemble de ses charges d'exploitation
et d'équipement ; Que cette redevance qui, en raison tant de l'affectation qui lui est donnée
que du statut même de l'établissement en cause, ne saurait être assimilée à un impôt, et qui, eu
égard aux conditions selon lesquelles elle est établie et aux modalités prévues pour son
contrôle et son recouvrement, ne peut davantage être définie comme une rémunération pour
services rendus, a le caractère d'une taxe parafiscale de la nature de celles visées à l'article 4
de l'ordonnance organique précitée du 2 janvier 1959 ;

3. Considérant que, conformément au principe posé par l'article 4 de ladite ordonnance


organique et ci-dessus analysé, la perception de cette taxe parafiscale doit faire l'objet d'une
seule autorisation annuelle du Parlement ; que, dès lors, les dispositions de l'article 17 de la loi
de finances rectificative pour 1960, selon lesquelles : « lorsque les taux de redevance pour
droit d'usage de postes de radiodiffusion et télévision sont modifiés postérieurement à
l'autorisation de perception accordée par le Parlement pour l'année en cours, les redevances
établies sur la base des nouveaux taux ne peuvent être mises en recouvrement qu'après
autorisation donnée conformément aux dispositions de l'article 14 de la loi n°59-1454 du 26
décembre 1959, dans la plus prochaine loi de finances », ne peuvent être regardées comme
conformes aux prescriptions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative
aux lois de finances et par suite à celles de l'article 34 de la Constitution qui renvoie
expressément à ladite loi organique ;

4. Considérant que l'article 18 de la loi de finances rectificative susvisée a pour objet


d'affecter à un compte d'attente ouvert dans les écritures de la radiodiffusion-télévision
française, sous réserve des exceptions qu'il déterminer l'excédent des recettes réalisées par cet
établissement en 1960 et d'en différer l'utilisation jusqu'au contrôle sur pièces devant, en vertu
de l'article 14 de la loi du 26 décembre 1959, intervenir lors de l'examen de la loi de finances
pour l'exercice 1961 ; qu'ainsi cette disposition, de caractère purement comptable, constitue
une intervention du Parlement dans la gestion financière dudit établissement, laquelle
intervention porte atteinte aux pouvoirs de l'autorité de tutelle en ce domaine ; qu'il y a lieu
pour ce motif, de déclarer les dispositions dudit article 18 non conformes à la Constitution ;

13
5. Considérant qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune
question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi
dont il est saisi par le Premier ministre aux fins d'examen de ses articles 17 et 18 ;

Décide : Les articles 17 et 18 de la loi de finances rectificative pour 1960 sont déclarés non
conformes à la Constitution. 14

deuxième axe : Le principe de l’unité budgétaire:

Premièrement, ce principe impose que toutes les recettes et dépenses de l’Etat soient inscrites
dans un seul document appelé budget, qui est la loi de finances de l’année.. Deuxièmement,
donner lieu à une bonne discussion et vote en connaissance de l’ensemble du budget par la
conseil régional et permettre un bon contrôle aux élus du budget.

1.1-Les sources du budget:

14
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2001/2001448DC.htm

14
Selon l’article 1 de la loi organique de la loi de finances: «La loi de finances détermine,
pour chaque année budgétaire, la nature, le montant et l’affectation de l’ensemble des
ressources et des charges de l’Etat….»15.

L’art 8 de la LOLF 130-13 de l’année 2015, le deuxième alinéa : «Toutes les recettes et
toutes les dépenses sont imputées au budget général…»16.

1.2-Justification et signification du principe de l’unité budgétaire:

Le principe d’unité budgétaire doit valider deux conditions complémentaires qui sont la
justification politique et celle technique.

-La justification politique: L’application de la règle budgétaire permet un contrôle du


parlement sur les finances publiques.

-La justification technique: Celle-ci permet de calculer l’importance du déficit budgétaire en


cas de déséquilibre ainsi que de garantir une présentation budgétaire précise.

Sur le plan formel, cela explique que toutes les opérations budgétaires sont regroupées dans
un seul document. Cette approche présente deux avantages : elle prévient la fragmentation des
documents budgétaires et renforce l'efficacité du contrôle parlementaire et d’un point de vue
matériel, la règle de l'unité stipule que l'intégralité des opérations financières de l'État est
consignée dans le projet de loi de finances présenté au Parlement, prévenant ainsi la
dissimulation d'un déficit17.

Le principe d’unité budgétaire a porté des aménagements et des dérogations dans certaines
opérations exceptionnelles exécutées par l’Etat, que nous allons discutés dans la partie
suivante.

En pratique, la règle de l'unité connaît des exceptions prévues par la LOLF 130-13. Toutes les
recettes et dépenses ne sont pas automatiquement incluses dans le budget général. Bien que
l'ensemble des recettes et des dépenses de l'État soit intégré dans la loi de finances, elles ne
sont pas regroupées dans un compte unique, mais sont plutôt réparties en trois catégories de
comptes : le budget général de l’Etat, les comptes spéciaux du trésor et les services de l’Etat
gérés de manière autonomes.

15
L’article 1 de la LOLF 130-13 du 02 juin 2015
16
L’article 8 de la LOLF 130-13 du 02 juin 2015.
17
Ouafaa khallouk la modernisation des principes budgétaires 2019.
15
D’où la naissance du phénomène de la débudgétisation que nous pouvons définir comme une
pratique qui consiste à établir de nouvelles entités juridiques dotées de la personnalité morale
qui ont 'un budget autonome distinct de celui discuté précédemment, est fréquemment
critiquée car elle offre la possibilité d'éviter les contraintes du droit budgétaire. La LOLF 130-
13, cherche à contrecarrer cette pratique en permettant au Parlement d'être informé de tous les
domaines échappant à son contrôle.

Dans ce cas, nous pouvons citer le cas de la décision portée sur la loi de finance de l’année
200218.

I-Constitutionnalité des lois de finances.

1-Le contrôle de la constitutionnalité de la loi de finance par le conseil constitutionnel


Marocain:

-Loi de finance de l’année 2002.

En projet de loi de finances de l’année 2002, 97 membres de la chambre des représentants ont
demandé le contrôle de la constitutionnalité de certaines décisions dont le principe de l’unité.
L’article 15 de la loi de finance de l’année 2002 qui permet de distribuer des recettes de
privatisation hors le budget de l’Etat ainsi que ce qui touche le principe de l’unité cité en
article 1 et 8 de la LOF 07-98. Cette disposition qui a été une loi qui complète un décret
institué par le gouvernement sans qu’il le dépose au parlement pour vote. Cela a entraîné une
mauvaise interprétation des membres de la chambre des représentants pour le juger
inconstitutionnel et doit être contrôlé par la cour constitutionnelle.

Après opposition de la chambre des représentants de cette infraction, le juge constitutionnel a


vérifié l’article 15 de ladite loi et trouvé que la somme dite est intégrée dans le tableau du
compte du budget de l’Etat. Une chose qui a permis au juge de juger qu’elle est
constitutionnelle et que le juge a déjà jugé constitutionnelle dans un jugement précédent.

Ensuite, explorons la situation de la France pour analyser la décision prise par le juge
constitutionnel face à un exemple concret de la débudgétisation, en se basant sur un cas réel
traité de la loi de finance de l’année 2015.

18
Décision 2001/467 de la Cour Constitutionnelle (loi de finances 2002).
16
2-Le contrôle de la constitutionnalité de la loi de finance par le conseil constitutionnel
Français:

A-Contrôle du principe d’unité budgétaire:

Le principe d’unité budgétaire respecte les mêmes règles qu’au Maroc, il impose d’une part,
que toutes les dépenses et toutes les recettes soient inscrites dans le budget et d’autre part, que
ce budget figure dans un seul document sauf exception des budgets annexes créés par les
locales qui ont le pouvoir de le faire en cas besoin et qui est un cas proche de celui de Maroc
cité précédemment:

LE BUDGET GÉNÉRAL DE L’ETAT, LES BUDGET ANNEXES, LES COMPTES


SPÉCIAUX.

-Les comptes spéciaux qui sont aussi institués par une loi de finances sont au nombre de
quatres: Le compte d’affectation spéciale, le compte de commerce, le compte d’opération
monétaire et le compte de concours financiers19.

Ces derniers n’ont qu’une portée limitée car ils ne sont produits qu’en quelques secteurs, à
titre d’exemple: celui du contrôle aérien et les services administratives..’’ Comme cité
précédemment, ce principe d’unité budgétaire a pour but une bonne supervision et contrôle de
la loi de finances car si un seul budget englobe toutes les recettes et dépenses de l’Etat il sera
difficile de frauder ou de polluer la loi de finances.

-L’article 18 de la LOLF explique que : “ Des budgets annexes peuvent retracer, dans les
conditions prévues par une loi de finances, les seules opérations des services de l'Etat non
dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de
prestation de services donnant lieu au paiement de redevances,lorsqu'elles sont effectuées à
titre principal par lesdits services. La création d'un budget annexe et l'affectation d'une recette
à un budget annexe ne peuvent résulter que d'une disposition de loi de finances.”

B-Le phénomène de la débudgétisation: Une limite du principe de l'unité:

C’est le fait de donner une partie de budget à un autre organisme pour équilibrer son budget.
Ce dernier donne un budget qui n’est pas vrai au parlement ce qui engendre des problèmes de

19
Article 19 de la LOLF.
17
gestion et de contrôle. C’est pour cela que le juge constitutionnel a jugé inconstitutionnel de
faire sortir des dépenses de l’Etat à d’autres dépenses.

En 1994, le juge constitutionnel est venu freiner le phénomène de débudgétisation que nous
allons voir dans une deuxième partie d’inconstitutionnalité20.

-Décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998 - Saisine par 60 sénateurs: Cas de la


France

Loi de finances de l’année 1999

La requête du sénat concernant les dispositions de l’article 136, indique, entre autres, que «
Cet article a pour objet d'instituer une taxe d'aéroport se substituant à des redevances
aéroportuaires, dont les arrêtés fixant les taux ont été annulés par le Conseil d'Etat puis validés
par le législateur. Toutefois, les observations présentées par le Sénat (rapports n° 44 du 29
octobre 1998, Avis sur le projet de loi relatif à l'organisation de certains services au transport
aérien, et n° 66 du 19 novembre 1998, loi de finances, Transports aériens et météorologie et
aviation civile) n'ont pas été prises en compte.

Concluant ainsi que ledit article est donc inconstitutionnel pour les motifs ci-après :

Le produit de cette taxe ne sera pas évalué en loi de finances, non plus que les charges qu'elle
financera, alors que la jurisprudence du Conseil d'Etat précitée établit qu'elles correspondent «
à des missions d'intérêt général qui incombent par nature à l'Etat ». Il s'agit donc d'une forme
de débudgétisation déjà censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29
décembre 1994, s'agissant de dépenses présentant pour l'Etat « par nature un caractère
permanent ».

Ainsi, cela n’est pas conforme aux dispositions de l’article 34 de la constitution qui dispose
que « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat ».

D’autre part, cette taxe qui revêt un caractère d’imposition de toute nature et pas à caractère
parafiscal, ne peut être perçue au profit de personnes privées et est contraire aux principes de
la république.

D’un autre angle cet article contrevient à la déclaration des droits de l’homme (article XIV) en
mettant à la charge des seuls clients des sociétés de transport aérien, des charges incombant à
20
Le contrôle constitutionnel de la loi de finances, article HAL OPEN SCIENCE.
18
l’état et profitant à toute la population, comme cela le principe de l’égalité devant l’impôt se
trouve bafoué.

Enfin, l’article 34 de la Constitution qui dispose que « les lois de finances déterminent les
ressources et les charges de l'Etat » n’est pas respecté par les dispositions de l’article 136.

Article 51
Cet article, créant une taxe de l'aviation civile, doit être censuré pour les mêmes motifs que
l'article 136 précédemment exposé.

Ces griefs n’ont pas été retenus par le conseil puisque ces recettes et dépenses seront, entre
autres, consignées dans un compte spécial.

Dans ce cas, le juge constitutionnel a jugé par une inconstitutionnalité partielle de ces articles.

II-La cas de l’inconstitutionnalité des lois de finances.

-Le cas du juge constitutionnel Marocain:

II-L'inconstitutionnalité de la loi de finances:(Cas du Maroc).

-Concernant l'article 10 de la loi de finances 1999.

Considérant que cet article prévoit, d'une part, que sont considérées comme services de l'État
gérés de manière autonome ne jouissant pas de la personnalité juridique qui couvrent à l’aide
des ressources privées certaines de leurs dépenses qui ne sont pas déduites des crédits affectés
au budget général de l’Etat et il stipule, en revanche, que ces établissements disposent de
budgets indépendants.

La cour constitutionnelle a conclu ce qui suit :

«Qu’il s'agit d'un cas d'exception à la règle de généralité du budget et de non-affectation de


recettes spécifiques à un aspect quelconque des dépenses, ce qui exige que les budgets des
établissements publics gérés de manière indépendante soient prévu dans la Loi de Finances, à
l'instar de ce qui est prévu pour les comptes privés du Trésor, en ce qui concerne les budgets
annexés jusqu'à leur suppression»

19
Alors que l'article 10 a prévu des budgets indépendants pour les services de l’Etat gérés de
manière autonome susmentionnées en dehors de la loi de finances, il a soustrait l'un des
éléments de cette loi à la compétence du Parlement et, par conséquent, a violé ce qui était
stipulé au premier alinéa du chapitre 50 de la Constitution.

La cour constitutionnelle a décidé :

-Que les articles 5 et 10 de loi organique de finance 07-98 et la phrase « le Gouvernement est
autorisé à le faire en application de la loi de finances pour l'année » contenues dans l’article
43 de la loi de finance de l’année ne sont pas conformes à la Constitution et par la suite
approuvé que cette loi de finance est constitutionnel après l’annulation de la phrase citée
précédemment dans l’article 43 de ladite loi.

-Le cas du juge constitutionnel Français:

-Décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994.

Loi de finances 2015

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1994, par plusieurs députés et


considérant que les députés auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel de
déclarer non conforme à la Constitution l'ensemble de la loi de finances pour 1995 et
notamment ses articles 31, 34 et 36 ;

SUR L'ARTICLE 22 :

« 27. Considérant que cet article a notamment pour objet de créer à l'article 302 bis Z-B du
code général des impôts, une taxe due par les concessionnaires d'autoroutes ; qu'il prévoit que
« les conséquences de cette taxe sur l'équilibre financier des sociétés concessionnaires sont
prises en compte par un décret en Conseil d'État qui fixe la durée des concessions
autoroutières » ; que cette dernière disposition n'a par elle-même aucune portée relative aux
charges ou aux ressources de l'État ou à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement
des « impositions de toutes natures » ; qu'ainsi, elle est étrangère à l'objet des lois de
finances ; »

Le conseil constitutionnel a décidé dans son article 1er qu’ils sont contraires à la constitution :

Sont déclarés contraires à la Constitution :

20
L'article 22 de la loi déférée, dans l'article 302 bis Z-B du code général des impôts, la
phrase : « Les conséquences de cette taxe sur l'équilibre financier des sociétés
concessionnaires sont prises en compte par un décret en Conseil d'Etat qui fixe la durée
des concessions autoroutières ».

-Par la suite nous constatons que le juge constitutionnel marocain juge que la loi de
finance est constitutionnelle plusieurs fois que le juge constitutionnel français en cas du
respect du principe d’unité.

troisième axe : Principe d’équilibre financier et budgétaire


Le principe d’équilibre financier, énoncé à l’article 77 de la Constitution de 2011, Ou
ce que l'on appelle dans la jurisprudence la règle d'or 21, est l’un des principes fondamentaux
de la gestion budgétaire et l’un des plus anciens dans les pays du monde. L’équilibre
financier, bien qu’il soit relatif, est un indicateur essentiel de l’efficacité de la gestion
financière de l’État. Mais en quoi consiste ce principe et qui est chargé de le définir et de
réguler ses indicateurs ?

21
‫ القول بذهبية هذه القاعدة مرده لعراقتها ولتكريسها كقاعدة ملزمة عبر القاعدة الوضعية‬traduit en francais
21
I. Le contenu du principe d’équilibre ou “la règle d’or”22 :
La règle d’équilibre ou “règle d’or” est un principe ancien de la finance publique
traditionnelle, qui avait des fonctions limitées dans les domaines tels que l’armée, la police, la
justice, la diplomatie et la monnaie. Au fil du temps, ce principe a évolué pour s’adapter au
rôle croissant de l’État, passant d’une approche initiale axée sur l’intervention économique à
une phase ultérieure axée sur le bien-être social et la protection. Cependant, l’équilibre
financier a retrouvé sa place au sommet de la hiérarchie juridique, notamment dans la
Constitution, malgré les nouveaux défis qu’il peut parfois être difficile de surmonter.

L’émergence de la problématique de l’équilibre ou “règle d’or” est due à la


convergence entre la politique et la gestion, qui s’est manifestée par la recherche d’une
nouvelle gouvernance financière publique dans un contexte culturel où la rationalité de la
gestion des finances publiques est devenue une préoccupation majeure. Cela implique des
obstacles techniques et juridiques.

Le défi fondamental à relever est la valeur accordée aux règles de finances publiques.
L’inclusion de ces règles et principes dans la Constitution ne suffit pas en soi à leur conférer
une existence réelle et effective. D’autres conditions doivent être remplies.

Au départ, il y a la présence de l’administration politique, mais aussi, cette


constitutionalité exige des règles financières publiques. Le conseil constitutionnel doit être
capable de gérer judiciairement ces règles en se basant sur des critères clairs.

La constitutionalité de la règle d’or budgétaire pose la question de sa portée, c’est-à-


dire de savoir dans quelle mesure elle peut être appliquée à l’ensemble du système financier
public. De plus, il est nécessaire de préciser le critère matériel selon lequel l’équilibre ou le
déséquilibre budgétaire est évalué.

Il ne fait aucun doute que l’une des principales difficultés liées à l’équilibre est la
question de la définition du déficit budgétaire, qui prend différentes appellations. Ces
appellations ont évolué au fil du temps pour désigner le fardeau des ressources, comme le
concept de “La situation d'attente” (“impasse”) apparu en 1952 pour mettre en évidence
l'importance des charges financées par le Trésor. La situation d'attente reposait sur
l’hypothèse que l’État acceptait les charges temporaires en pariant sur sa capacité à

22
La règle d'or : un concept à construire, par Michel Bouvier ‘LES COMMISSIONS DES FINANCES’ (lien
hypertexte)
22
rembourser les dettes à long terme grâce au doublement du revenu national. Cette idée est
plus politique que technique.

En réalité, l’existence du déficit et sa précision dépendent du contexte temporel. Notre


perspective varie en fonction des hypothèses et des attentes, ou en fonction de notre
évaluation du déficit en fonction de l’exécution budgétaire.

Le déficit réel ne peut être estimé et évalué qu’après l’exécution du budget, c’est-à-
dire après la collecte des recettes fiscales réelles et la comptabilisation de celles-ci, ainsi
qu’après la réalisation effective des dépenses. Sans oublier la nécessité de prendre en compte
les prévisions initiales.

Malgré l’utilisation de l’exécution budgétaire, nous pouvons aboutir à des estimations


divergentes du montant réel du déficit, en fonction des méthodes comptables utilisées. En fin
de compte, la comptabilité annuelle fournit un résultat qui se rapproche de la réalité, mais il
est essentiel de s’accorder sur des règles comptables communes et de consolider les comptes
publics. Toutes ces questions posent des problèmes complexes, car les différences dans les
règles et les méthodes comptables ont nécessairement un impact sur les soldes obtenus. Il est
certain que la précision des chiffres est difficile à déterminer sans disposer d’une source
d’informations comptables correcte et approuvée par tous.

C’est pourquoi l’introduction de la règle d’or dans la Constitution est un signal fort et
une mesure légale motivée par des raisons économiques et sociales, répondant à des besoins
structurels symboliquement forts car elle repose sur une gestion politique.

II. Le principe d’équilibre et le syndrome de l’investissement et l’emprunt


Le règlement de la loi financière ‘LOF’ a toujours lié étroitement la sortie de
l’équilibre à la garantie du financement des dépenses d’investissement ou au remboursement
de la dette. Ainsi, ce règlement a protégé l’équilibre financier en encadrant à la fois l’emprunt
et l’investissement. À l’instar de la Constitution allemande modifiée en 1969 23, qui stipule que
pour préserver l’équilibre financier de l’État tel qu’énoncé à l’article 77 de la Constitution, le
produit des emprunts ne peut dépasser la somme des dépenses d’investissement et du
remboursement des dettes pour l’exercice budgétaire. Le gouvernement peut toutefois
effectuer les opérations nécessaires pour couvrir les besoins du Trésor24.

23
Jurisprudence constitutionnelle de la République fédérale d'Allemagne (2007) (lien hypertexte)
24
Article 20 de la LOF

23
Voici les principales observations à retenir lors de la lecture de ces dispositions :

Le principe d’équilibre concerne l’ensemble des finances de l’État, pas seulement le


budget général.

Il s’applique aussi bien au législatif qu’à l’exécutif.

La sortie d’équilibre ne se justifie que pour les besoins de développement, c’est-à-dire


les dépenses d’investissement.

La sortie d’équilibre peut également résulter du remboursement de la dette


uniquement, mais pas des intérêts et commissions de la dette.

En d’autres termes, on ne peut supposer que le remboursement inclut les intérêts et


commissions de la dette. La limitation des recettes d’emprunt à l’investissement et au
remboursement de la dette est clairement visible dans le tableau de l’équilibre financier
présenté dans la première partie du projet de loi de finances annuel. L’option de supposer un
remboursement pour l’ensemble de la dette est exclue, se limitant aux remboursements de la
dette elle-même, sans tenir compte des intérêts et commissions qui sont inclus dans les
dépenses ordinaires du budget général et sur la base desquels le solde ordinaire du budget
général est calculé.

Cela met en œuvre la deuxième disposition de l’article 9 du la LOF : “Le solde


budgétaire prévisionnel est calculé sur la base de la différence entre les ressources hors
produits des emprunts, et les charges hors dépenses relatives aux amortissements de la
dette à moyen et long terme.25”

Enfin, il convient de noter que même si le remboursement ne doit pas dépasser les
dépenses d’investissement, cela ne théoriquement pas empêcher ces emprunts de couvrir les
besoins de financement des dépenses d’investissement. Si le budget réalise un solde ordinaire
positif, ce qui est souhaitable et constitue l’un des principaux indicateurs de santé financière,
l’équilibre doit se tenir en compte dans la fixation des hypothèses.

III. Le contrôle de la constitutionalité de principe d’équilibre financier


La question de l’équilibre, déterminé par l’équilibre budgétaire et financier, est confiée
au législateur constitutionnel par la loi de finances annuelle. Cette loi définit chaque année la
nature, le montant et l’affectation des ressources et des dépenses de l’État, ainsi que
l’équilibre budgétaire et financier qui en découle26.
25
Article 9 de la LOF
26
Article 1 de la LOF
24
La première partie de la loi de finances contient les données générales relatives à
l’équilibre financier et budgétaire, présentées dans un tableau qui met en évidence tous les
éléments de l’équilibre budgétaire et les besoins de financement27.

L’approche double de la préservation de l’équilibre financier par le gouvernement et le


Parlement constitue une règle souple et globale. Elle repose sur deux niveaux :

Le sommet : Il implique l’instauration d’un contrôle interne visant à préserver les


équilibres structurels lors de la formulation et de la modification des projets de lois de
finances, ainsi que lors des discussions et votes sur leurs dispositions.

Ainsi, le Conseil constitutionnel a confirmé cet engagement dans sa décision n° 250-


98, affirmant que le moyen le plus approprié pour le gouvernement de préserver l’équilibre est
d’éviter de présenter des projets de lois ou des amendements qui le compromettent, et de ne
pas accepter, conformément à l’article 51 de la Constitution, tout projet de loi ou amendement
similaire proposé par les membres du Parlement28.

La base : Lors de la mise en œuvre de la loi de finances et de la concrétisation de ses


dispositions, il est essentiel de respecter la règle d’or de l’équilibre. Dans ce contexte, la
problématique de la dette est encadrée : les recettes d’emprunt ne peuvent pas dépasser la
somme des dépenses d’investissement et du remboursement de la dette pour l’exercice
budgétaire.

A. Consécration du principe de l’équilibre budgétaire par le Conseil Constitutionnel


Marocain :
le conseil Constitutionnel a intervenu lors du contrôle obligatoire effectué à l’occasion
de la proposition de la loi organique de finances 7-98 parue le 3 décembre 1998 dans le
bulletin officiel N° 4644. Elle a rejeté la proposition de l’article 5 qui stipulait que les lois
ayants pour objet la création de nouvelles charges ou la diminution des recettes, et ayant pour
conséquence la perturbation de l’équilibre financier ne peuvent entrer en vigueur de manière
effective qu’après que la loi de finances ai prévu ces nouvelles charges ou diminutions de
recettes.

Ce rejet a été motivé par le fait que l’intérêt général se doit de préserver l’équilibre
financier, et la meilleure façon de le réaliser est que le gouvernement se doit à tout prix, d’une
part d’éviter de proposer des lois ou des amendements pouvant affecter le principe

27
Article 36 de la LOF
28
Décision de Conseil constitutionnel n° 250-98
25
d’équilibre, et d’autre part se conformer à l’article 51 de la Constitution 29. De plus, au lieu de
tenter de préserver l’équilibre financier, l’article 5 de la LOF 7-98 va à l’encontre d’un texte
juridique proposé par le parlement, entré en vigueur par ordre Royal et publié dans le
bulletin officiel. Cet article est donc considéré contraire aux prescriptions de l’article 4 de la
constitution qui manifeste la volonté de la nation et que tous sont tenus de s’y soumettre.

Le Conseil constitutionnel est intervenu à l’occasion de la modification et le


complément de la loi 23-8930 qui instituait des indemnités au profit des fonctionnaires
exerçant au sein de l’administration de la chambre des représentants, où elle émit son rejet
sous motif de non considération des équilibres financiers et budgétaires car elles n’ont pas fait
l’objet d’une évaluation et intégration dans le cadre de la loi de finances, et sont donc pas
conformes à la constitution31.

Par ailleurs, en matière d’impôt et de fiscalité, le conseil constitutionnel a exhorté à


plusieurs reprises32 que la modification des dispositions douanières doit toujours prendre en
considération l’équilibre des finances de l’Etat institué par l’article 77 de la constitution de
2011.

Cependant, le conseil constitutionnel n’a pas émis que des rejets aux décisions pouvant
affecter l’équilibre budgétaire, il est arrivé qu’il approuve des exceptions à la règle de non
dépassement des crédits ouverts au titre de la loi de finances, en l’occurrence celles instituées
par l’article 41 de la LOF 7-98 qui stipule « … peuvent s’imputer au-delà de la dotation
inscrite aux rubriques qui les concernent : -les dépenses se rapportant à la dette publique ; -
les dépenses se rapportant à la rémunération des personnels dont les effectifs sont fixés dans
la loi de finances. »

En effet, bien que cette disposition puisse affecter l’équilibre budgétaire, elle a
néanmoins fait l’objet d’une approbation du Conseil constitutionnel, dans la mesure où ce
types de dépenses revêtent un aspect organisationnel, et concernent les engagements de l’Etat
en terme de dette, ainsi que l’obligation de la continuité du service public, et revêtent par
conséquent une valeur constitutionnelle33.

29
Constitution de 1996 en vigueur au moment de la proposition, l’adoption et l’entrée en vigueur de la loi
organique des finances 7-98.
30
Suite à la décision du conseil constitutionnel, cette loi n’a pas été publiée dans le bulletin officiel.
31
Dans la mesure cette loi n’a pas fait objet de vote institué par l’article 50 de la constitution de 1996 (décision
480 du CCM du 15/08/2002).
32
Décisions du CCM : N° 386 du 30/03/2000, N° 467 du 31/12/2001 et N° 950 du 23/12/2014.
33
Décision du CCM N° 250 du 24/10/1998.
26
En somme, et d’après ce qui précède, il est évident que le Conseil Constitutionnel
Marocain est très soucieux de l’équilibre budgétaire et financier de l’Etat, et l’a affirmé à
l’occasion de plusieurs décision émises généralement pour annuler des lois pouvant affecter
ce principe, mais aussi dans quelques cas pour approuver des exceptions pour la dette
viagère ainsi que la continuité de service public 34. Ce principe fût élevé au rang de principe
constitutionnel à l’occasion de la réforme de la constitution en 2011.

Ce principe n’est pas défendu que par les institutions constitutionnelles de Royaume
du Maroc, il a aussi été abordé au sein de plusieurs de décision émanant du Conseil
Constitutionnel de la république Française.

B. Consécration du principe de l’équilibre budgétaire par le Conseil Constitutionnel


Français :
Le Conseil Constitutionnel est une juridiction constitutionnelle de la république
française qui joue un rôle essentiel dans l’adoption de la loi de finances dans la mesure où
il veille au respect des grands principes budgétaires. Nous allons essayer de mettre au clair
dans quelle mesure le conseil constitutionnel consacre le principe d’équilibre budgétaire.

La genèse et l’émergence du critère d’équilibre budgétaire viennent renforcer la


volonté explicite d’une gestion efficiente des deniers de l’Etat. Cependant, cette notion
d’équilibre financier est déjà présente dans l’ordonnance du 2 janvier 195935. En effet,
l’article 1er de cette ordonnance précise que « Les lois de finances déterminent la nature,
le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu d'un
équilibre économique et financier qu'elles définissent. »

Le Conseil Constitutionnel va également se saisir de cette notion d’équilibre et va lui


donner une valeur constitutionnelle dans sa décision du 24 décembre 197936. En effet,
cette dernière octroie au principe d’équilibre budgétaire et financier du premier article de
l’ordonnance du 2 janvier 1959 force de « principe essentiel ». Depuis cette date,
l’équilibre budgétaire s’est fait une place de choix au sein des principes auxquels le
gouvernement se doit de s’y conformer, que ce soit pour l’exécutif au niveau de la rédaction
des lois de finances, mais aussi au niveau des discutions parlementaires sur le budget.

34
Les dépenses se rapportant à la rémunération des personnels dont les effectifs sont fixés dans la loi de finances
35
Ordonnance n°59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances
36
Décision n°79-110 DC du 24 décembre 1979
27
En addition, il apparaît également que les principes d’équilibre et de sincérité
budgétaire vont de pair et répondent à la même logique de bonne gestion. Il apparaît
généralement que la volonté de modifier le budget de manière non objective et sans
évaluation sincère des dépenses et recettes de l'État est motivée par le fait de vouloir
respecter artificiellement l’équilibre budgétaire. D’autre part, le Conseil Constitutionnel
fait aussi ce constat. En effet, il a rédigé une décision du 25 juillet 200137, qui considère
que “la sincérité se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de
l'équilibre déterminé par la loi de finances”. Il en ressort que ces deux principes sont très
complémentaires et se révèlent essentiels dans les procédures d’une gestion optimale et
efficiente du contribuable.

Ce même principe d’équilibre budgétaire va être repris de manière plus


contemporaine dans la LOLF où son article 1er vient reprendre la notion
d’équilibre budgétaire et financier. Cette définition de l’article 1er de la LOLF se rapproche
d’ailleurs de l’article 1er de l’ordonnance de 1959. Cependant, la LOLF vient préciser que
les lois de finances doivent tenir compte d’un équilibre économique défini, mais aussi des
objectifs et des résultats présents dans ses programmes. Une fois, de plus on retrouve une
volonté très contemporaine de bonne gestion budgétaire.

Néanmoins, il va falloir attendre la révision constitutionnelle de 200838 pour donner


une véritable force constitutionnelle à l’équilibre budgétaire. Ainsi, l’article 34 de la
Constitution prévoit maintenant que “ des orientations pluriannuelles des finances publiques
sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre
des comptes des administrations publiques”. On remarque donc que l’équilibre
budgétaire doit dès lors être également perçu au travers de lois de programmation.

Nonobstant, la doctrine n’a que trop peu critiqué cette rédaction. En effet, dans la
Constitution39 de Guy Carcassonne par exemple, il apparait un constat plus que mitigé.
Selon lui cette volonté de constitutionnaliser cette notion d’équilibre n’est pas
suffisante. Dans cet ouvrage, il défend la thèse selon laquelle cet équilibre financier ne
serait véritablement efficace que si l’on inscrivait dans la Constitution comme une
“règle d’or budgétaire”. Cette idée de donner une valeur constitutionnelle à une telle règle
d’or n’est pas isolée. On retrouve cette règle d’or budgétaire outre-Atlantique avec le
« Balanced Budget Amendement ». Le Président américain Ronald Reagan fait le même
37
Décision n°2001-448 DC du 25 juillet 2001
38
Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008
39
19 Guy Carcassonne et Marc Guillaume, La Constitution, éditions Points, 2014,
28
constat que Guy Carcassonne. Ainsi, dans une intervention télévisée40 le Président
Américain tient le discours suivant : “ seul un amendement à la Constitution fera le
boulot. On a essayé la carotte, mais ça n’a pas marché. Avec le bâton du Balanced
Budget Amendment on pourra empêcher l’administration de gaspiller notre argent et
nous surtaxer et sauver notre économie”.

Enfin, force est de constater que le Conseil Constitutionnel joue un rôle essentiel et
prépondérant en matière budgétaire. Il est vrai que la jurisprudence constitutionnelle est
gardienne des principes budgétaires qui sont des fois le produit du conseil constitutionnel
lui-même, en l’occurrence l’équilibre budgétaire et financier, mais ce principe ainsi que
celui de l’annualité ne sont pas les seuls à être consacrés par le conseil constitutionnel. Il en
est de même pour le principe de l’universalité.

Quatrième axe : Le principe d'universalité budgétaire

Le principe d'universalité fonde la notion de budget : il faut que le budget soit suffisamment
analytique pour que la présentation soit claire. L'universalité vise à séparer de façon rigide les
dépenses et les recettes. En effet. La séparation des pouvoirs décidée par les révolutionnaires
avait pour conséquence d'attribuer au Parlement le pouvoir de fixer les recettes alors que le
gouvernement se contentait de répartir les dépenses, d'où une différence de statut juridique
entre les recettes et les dépenses. Pour saisir la portée de l'universalité budgétaire, il faut
présenter successivement la règle de non-affectation des recettes aux dépenses, puis la règle
de non-contraction des recettes et des dépenses.41

40
Intervention télévisée du Président Reagan du 29 août 1982
41
https://www.carrieres-publiques.com/actualite-fonction-publique-les-principes-budgetaires-iii-l-universalite
29
Le principe d’universalité signifie que l’ensemble des recettes du budget couvre l’ensemble
des dépenses. En d’autres termes, les recettes du budget représentent une masse commune qui
sert à financer indistinctement toutes les dépenses.42
Le principe de l’universalité budgétaire vise à l’information complète du Parlement. Il a
deux significations : interdire la contraction de certaines recettes ou de certaines dépenses, ou
bien leur compensation, pour permettre au Parlement de connaître en détail toutes les
opérations financières prévues par le budget, interdire l’affectation de certaines recettes à la
couverture de certaines dépenses.43
Alors le principe d’universalité implique tant la non-affectation que la non-contraction des
recettes aux dépenses telles que prévues par l’article 8 de la LOLF : « Il est fait recette du
montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses,…telles que
prévues à l'article 34 (de ladite LOLF) ». 44 Il est fait ici exception de certaines catégories :
budgets de services de l’Etat gérés de manière autonome ; les comptes spéciaux du Trésor ou
de procédure comptables particulières énoncées à l’article 34 de la LOLF, tout en s’inscrivant
dans le cadre du budget.
Selon le Règlement financier n° 1605/2002, le principe d’universalité implique deux règles
budgétaires importantes (article 17 du règlement financier n° 1605/2002). La première veut
que les recettes budgétaires ne doivent pas être affectées à des dépenses précises, c’est la règle
de non-affectation. La seconde prévoit qu’il ne peut y avoir de contraction entre recettes et
dépenses : les ressources et les dépenses doivent être inscrites pour leur montant brut, intégral,
sans qu'il y ait compensation entre dépenses et recettes. C’est la règle de non-contraction. 45
La règle de non-affectation, déjà consacrée par la décision du 21 avril 1970 (article 5)
créant les ressources propres, tolère toutefois des exceptions comme c’est le cas des
contributions financières des États membres destinées à financer certains programmes de
recherche ou des participations de pays candidats à l’adhésion affectées à certains
programmes communautaires (cf. article 18 du règlement financier n° 1605/2002). En
outre, le budget opérationnel CECA (La Communauté européenne du charbon et de l'acier
était une organisation internationale fondée sur le traité de Paris (1951) — disparu depuis

42
Les principes budgétaires Source : CVCE. European NAvigator. Laurence Maufort.
URL:http://www.cvce.eu/obj/les_principes_budgetaires-fr-3f6aa90a-486a-40c7- 9a50-76ea3decdabb.html
43
Le droit public André Legrand Céline Wiener Édition 2017 p .164
44
Dahir n° 1-15-62- du 14 chaabane 1436(2 juin 2015) portant promulgation de la loi organique n° 130-13 relative à la loi de finance.
Article 8
45
Règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil du 25 juin 2002 portant règlement financier applicable au budget général
Communautés européennes
30
l’expiration du traité CECA) -était dès l’origine caractérisé par l’existence d’une affectation
des prélèvements aux dépenses.
La règle de non-contraction admet aussi quelques exceptions mais elles sont principalement
d’ordre technique et visent à alléger les procédures (article 20 du règlement financier n°
1605/2002).46
La règle de la non-compensation
Nomme également règle du produit brut ou règle de la non-contraction, selon cette règle les
dépenses et les recettes doivent être inscrites dans la loi de finances pour leur montant
intégral. Il est impossible de ne faire apparaître qu’un solde résultant d’une soustraction entre
ressources et dépenses. Cette règle engendre deux conséquences :
 Elle impose d’une part, un certain mode de présentation du budget. C’est la
méthode du produit brut qui fait obstacle à l’inscription d’un produit net, c’est-
à-dire d’un solde après contraction des dépenses et recettes ;
 Elle impose d’autre part, des exigences quant à l’exécution du budget. Les
services administratifs ne peuvent se procurer par eux-mêmes des ressources en
dehors de crédits qui leur sont alloués.47
Les ressources et les dépenses doivent être inscrites pour leur montant brut, intégral,
sans qu'il y ait compensation entre dépenses et recettes.
La règle de non-contraction interdit la compensation des dépenses et des recettes. Il n’est pas
possible de soustraire certaines dépenses de certaines recettes, et de soustraire des recettes de
certaines. Il existe des dérogations applicables, par exemple, à certains comptes spéciaux. La
compensation des ressources et des dépenses permettrait en effet de dissimuler certaines
charges, ce qui nuirait à la lisibilité et à la sincérité du budget48.

La règle de la non-affectation
Cette règle signifie qu’une recette ne peut être affectée au financement d’une dépense
particulière. Toutes les recettes sont indistinctement affectées à la couverture des dépenses.
Ce qu’énonce l’article 8 de la LOF : « … l’ensemble des recettes assurant l’exécution de
l’ensemble des dépenses. Toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées au budget
général… ». Autrement dit, cette règle exige qu’à l’intérieur du budget, recettes et dépenses

46
Les principes budgétaires Source : CVCE. European NAvigator. Laurence Maufort.
URL:http://www.cvce.eu/obj/les_principes_budgetaires-fr-3f6aa90a-486a-40c7- 9a50-76ea3decdabb.html
47
LA MODERNISATION DES PRINCIPES BUDGETAIRES Professeur chercheur Ouafaa khallouk Revue des Etudes Multidisciplinaires
en Sciences Economiques et Sociales
48
Thèse université de Reims champagne-ardenne école doctorale sciences de l’homme et de la société (555) présentée et soutenue
publiquement par Cyril Laurent le 20 janvier 2017p .307
31
forment deux grandes masses financières autonomes, sans qu’il soit permis d’affecter une
ressource spécifique à une dépense spécifique.49
L’ensemble des recettes doit couvrir l’ensemble des dépenses Interdiction des
affectations Les recettes budgétaires ne doivent pas être affectées à des
dépenses précises.
Importance significative de la règle de non-affectation

A titre d’exemple « cas France »

CJF : Décision n° 90-283 du 8 janvier 1991 : Censurer le mécanisme d'affecta-on du produit


d'une imposition d'État à un fonds, lorsque le dispositif était prévu par une loi ordinaire.
Il ressort de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux
lois de finances que, sous réserve des procédures particulières visées à l'article 19,
l'affectation d'une recette de l'État à une dépense ne peut résulter que d'un texte de loi de
finances ; une disposition d'un texte n'ayant pas le caractère de loi de finances qui crée au
profit de l'État une contribution égale à 10% hors taxes des dépenses de publicité en faveur
des boissons alcooliques méconnaît ces prescriptions en affectant le produit de cet impôt à un
"fonds" non doté de la personnalité morale et dont la gestion relève de la responsabilité du
Gouvernement.
Considérant qu'il ressort de l'article 18 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi
organique relative aux lois de finances que, sous réserve des procédures particulières visées à
l'article 19, l'affectation d'une recette de l'État à une dépense ne peut résulter que d'un texte de
loi de finances ; que l'article 12 de la loi méconnaît ces prescriptions en affectant à un
« fonds » non doté de la personnalité morale et dont la gestion relève de la responsabilité du
Gouvernement le produit d'une imposition perçue au profit de l'État.50

Le principe d’universalité répond au double souci d’assurer la clarté des comptes de l’état
et de permettre un contrôle efficace de parlement, ce principe prend la forme de deux règles :
la règle de non-contraction et la réglé de non-affectation.
Or, en dépit des avantages que peut apporter le principe à la gestion des finances de l’État, sur
les plans technique et politique, son inflexibilité n’est que relative au regard de la pratique
budgétaire, qui admet l’existence de contraction et d’affectation.

49
LA MODERNISATION DES PRINCIPES BUDGETAIRES Professeur chercheur Ouafaa khallouk Revue des Etudes Multidisciplinaires
en Sciences Economiques et Sociales
50
(90-283 DC, 08 janvier 1991, cons. 45, Journal officiel du 10 janvier 1991, page 524) Décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991 | Conseil
constitutionnel (conseil-constitutionnel.fr)
32
A. La portée du principe d’universalité
Le principe de l’universalité est porteur de certains avantages aussi bien sur le plan
technique que sur le plan politique.

1. La portée technique de l’universalité budgétaire

L’ensemble des opérations financières de l’État doit faire l’objet d’une inscription
budgétaire. Il est défendu de faire des contractions, compensations, entre dépenses et recettes
de façon à ne faire ressortir que le solde net de l’opération. Elle se traduit comptablement par
la règle de « produit brut », en ce sens que les opérations et les informations doivent être
inscrites dans les comptes sous la bonne rubrique, avec la bonne dénomination et sans
compensation entre elles. Alors toute recette et toute dépense auxquelles la loi de finances
donne lieu doivent paraître pour leur montant entier et non plus leur montant net.51

De ce fait, doivent s’inscrire dans la loi de finances toutes les recettes, même si elles
viennent en déduction d’une dépense. Egalement, toutes les dépenses, mêmes si elles sont
occasionnées par la perception d’une recette. Ce qui prévu à l’article 8 de loi organique des
finances : « Il est fait recette du montant intégral des produits,…l’ensemble des dépenses ».52

Donc La non-affectation est étroitement liée au principe d’unité budgétaire ; si l’ensemble


des ressources sert indistinctement à financer l’ensemble des charges, cet ensemble
d’opérations financières se centralise tout naturellement dans un compte unique. N’importe
quelle recette de l’Etat sert à financer n’importe quelle dépense ; aucun lien de causalité ne
doit donc exister entre les recettes et les dépenses de l’État. Ainsi, si au cours de l’exécution
du budget, une recette prévue n’est pas recouvrée, aucune dépense envisagée n’aura à être
supprimée et vis versa.

L’intérêt de la non-affectation est de mettre toutes les dépenses au même niveau, c’est tout à
fait incontestable, dans la mesure où toutes les dépenses de l’Etat poursuivent en soi des
missions d’intérêt général.53

2. La portée politique de l’universalité budgétaire

51
Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P.105
52
Dahir n° 1-15-62- du 14 chaabane 1436(2 juin 2015) portant promulgation de la loi organique n° 130-13 relative à la loi de finance. Article
8
53
Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P.105
33
Un budget devra être « universel et facilite la mesure des conséquences économiques de
l’action du Gouvernement, la maîtrise des ressources financières de l’État, le contrôle de
l’action des décideurs et des gestionnaires du secteur public et une utilisation efficace des
deniers publics. Aussi, la vénération du principe traduit-elle une volonté de connaître avec
exactitude le montant des dépenses. Autrement dit, la non- contraction, aux yeux des
représentants de la nation, présente l’avantage de permettre une appréciation exacte du
volume général du budget, de donner son vrai sens à l’autorisation budgétaire du Parlement et
d’empêcher la constitution de « caisses noires » sous formes de fonds spéciaux, opérations
extrabudgétaires, etc...

Dans le même ordre d’idées, la consécration de ce principe sous-tend une volonté politique
de connaître avec certitude le montant des dépenses. Si l’affectation des recettes était possible,
la réalisation de chaque dépense dépendrait de la réalisation de chaque recette on rendrait
pratiquement hypothétique l’exécution du budget. Il en ressort ainsi que le principe
d’universalité budgétaire s’accorde étroitement sur le plan politique à celui d’unité et
d’exhaustivité.54

B. La contraction entre certaines recettes et certaines dépenses


La présentation contractée de certaines opérations budgétaires est admise, d’une part par la
pesanteur et la gravité de certaines circonstances et situations de faits, d’autre part au regard
de certaines procédures en vigueur.

1. Des situations de faits

La rigidité de la règle de non-contraction est peut-être de conduire à une certaine absurdité


administrative, qui peut être expliquée par trois phénomènes : le caractère houleux de la règle
de produit brut, l’aggravation fictive de la masse globale des dépenses et l’inattention à la
rentabilité.

- Le caractère houleux de la règle de produit brut

La doctrine financière nous rappelle souvent certaines illustrations pour démontrer


comment une compréhension aussi puriste du principe de produit brut peut conduire à des
situations absurdes.
Au France :

54
Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P. 107
34
 On a reproché (en 1876) au ministre français de la Marine d’avoir remis le bronze de
vieux canons comme souscription pour l’érection de la statue de son prédécesseur, M.
de Chasseloup-Laubat. Plutôt que de fondre ces Canons pour ériger la statue, il eût été
plus ferme, au regard du principe de la non contraction, de vendre les canons,
d’inscrire le produit de cette vente au budget, et de financer la souscription de la
statue par des crédits ouverts au budget.55
Au Maroc :

La réalité confirme pour autant que les cas de dépassement de la règle la non-contraction sont
si nombreux, en vue de passer-outre une règle jugée parfois inutilement compliquée.
A titre d’illustration :
 Le Service autonome de publicité, dépendant du budget annexe de la Radio-Télévision
marocaine (RTM), a eu pour habitude de financer, en totalité ou en partie, certains de
ses programmes par les participations des entreprises en contre partie de la diffusion
d’une page publicitaire à leur profit
 Des troupes militaires marocaines ont utilisé des légumes qu’ils avaient cultivés dans
les dépendances de la caserne pour améliorer leur ordinaire.

- Le risque de l’aggravation fictive de la masse globale des dépenses

Tout effort d’économie réalisé par un département dépensier donné ne permet pas d’en
bénéficier pour récompenser sa performance ; et les autorités budgétaires pourraient être
tentées de supposer que les dépenses avaient été trop largement évaluées et de conseiller au
ministre gestionnaire de réduire le volume des dotations budgétaires pour l’année suivante.
Toutefois, il y a lieu de nuancer cet engouement vers le dépassement de la règle de non-
contraction, dans la mesure où il serait pourtant périlleux d’anéantir catégoriquement la règle
de non-contraction, car ce serait donner un intérêt particulier aux services administratifs
comme
Mobile de leur créativité, en contradiction avec la mission d’intérêt général qu’ils doivent
assumer.
Par exemple, si le ministre chargé des finances autorisait la Direction générale de sûreté
nationale à conserver la totalité des recettes procurées par les amendes infligées à l’occasion
d’infraction au Code de circulation, les policiers verbalisateurs seraient peut-être plus

55
Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P. 108
35
motivés, mais ils deviendraient éventuellement de véritables expectants vis-à-vis des
conducteurs !
En tout cas, un compromis entre l’efficacité et les inconvénients, sociaux ou politiques serait
possible, par exemple, décider qu’une partie des recettes devrait alimenter un CST et une
autre partie à verser au BGT.56

- L’inattention à l’efficacité économique des services publics


La règle de non-contraction exige de l’État de mettre en une seule masse les ressources
fiscales et autres non fiscales et d’imputer l’ensemble des dépenses sur cette masse de
recettes. Il y a donc deux blocs séparés au sein du BGE : d’un côté, la totalité des recettes
figurant pour le montant brut ; de l’autre côté, la totalité des dépenses mentionnées, elles
aussi, pour leur montant brut.
L’intérêt réside dans l’amoindrissement du risque de dissimulation et de gestion occulte
(caisses noires). Mais, l’importunité réside dans le défaut de corrélation entre les recettes
recouvrées et les dépenses autorisées, il est difficile de mesurer le coût et le rendement des
services publics, ce qui est considéré souvent comme fâcheux.57

2. Des procédures juridiques autorisant la contraction

A titre dérogatoire les lois et règlements en matière financière prévoient la contraction


entre certaines recettes et certaines dépenses, aussi bien au niveau du BGE qu’au niveau des
CST.
- Opérations contractées au niveau du BGE
Dans la loi de finances on mentionne deux montants pour le BGE. Le premier applique la
règle de produit brut : il s’agit d’indiquer, en recettes, le montant brut des impôts et autres
recettes prévus, et en dépenses, le montant des crédits prévus à affecter à chaque Ministère.
Le second applique la règle du produit net ; du montant brut est déduite une somme intitulée
« remboursement et dégrèvement de d’impôts ».
Exemple cas Maroc :
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) :
 L’exigibilité admet un droit à déduction de la taxe qui a grevé les divers éléments du prix
des opérations taxables. Cette déduction s’effectue uniquement par remboursement du
crédit non imputable dont disposent les assujettis à la TVA.
56
Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P. 108
57
Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P. 109
36
Les conséquences pour le budget : il y a une diminution de recettes attendues ; mais il y a
également une diminution d’un même montant des dépenses prévues.
Cela est moins normal dans la mesure où les remboursements et dégrèvements d’imposition
sont considérés comme des dépenses en atténuation de recettes. Ils sont comptabilisés
d’ailleurs sous l’intitulé « Dette publique et dépenses en atténuation de recettes » du budget
des charges communes géré par le Ministère chargé des finances.58
- Opérations contractées au niveau des Comptes spéciaux du trésor
Les CST sont des opérations à caractère provisoires : tels que les « comptes de prêts » et les
"comptes d’avance », ne concernent que des opérations remboursables et permettent à l’État
d’assumer la fonction du bailleur de fonds.
Au cas où le Gouvernement estime qu’une catégorie de CST effectuerait plus de dépenses
qu’elle encaisserait de ressources, le solde qui résulte de la différence arithmétique entre les
charges et les ressources prévues serait négatif « charge nette ». Au cas contraire il y aurait un
« excédent net ». Cette première forme de contraction présente un gros inconvénient ; elle ne
donne aucune idée précise du montant des recettes et des dépenses qui seront effectuées dans
l’année.59
C. L'affectation de certaines ressources à la couverture de certaines charges
La règle de non-affectation implique de verser toutes les recettes dans une caisse unique où
l'origine des fonds est indéterminée. Elle permet à l'autorité budgétaire de conserver son
pouvoir de décision et de gérer les fonds publics en respectant les notions de solidarité et
d'unité nationales.
Toutefois, cette règle n'est pas à l'abri d'une certaine pondération en raison de l'existence,
d'une part de forts arguments en faveur de l'exigence d'atténuer l'orthodoxie de la règle,
d'autre part de procédures régulières admettant l'affectation de certaines recettes á
certaines dépenses.
- Le caractère relatif de la règle de non- affectation
Trois arguments Qu’on peut évoquer pour justifier le caractère partiel de la règle de la non-
affectation :
 Complique l'appréhension des ressources.
 N'assure guère la linéarité des ressources.
 -Et ouvre la voie pour certains détractations démesurés sur l'allocation
des ressources.
58
Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P. 110
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Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P. 111
37
 La non-affectation complique davantage l'appréhension des
ressources

Avec l'universalité budgétaire, le contribuable n'a pas une représentation aussi détaillée de
l'affectation qui serait faite des contributions qu'il paie à l'État, puisque les prélèvements à
caractère fiscal ne sont qu'une partie de l'ensemble des ressources de l'État.
En essayant de profiter de cette impéritie d'ordre technique, mais à caractère politique
marqué, le Gouvernement peut déroger de facto à la règle de non-affectation dans l'espoir de
gagner l'adhésion des représentants de la nation à l'institution de certains nouveaux
prélèvements obligatoires mal vus ou alourdir autres s’ils sont déjà autorisés.

 La non-affectation n’assure guère la linéarité des ressources

Certes, le respect de la règle de non-affectation permet au Gouvernement de connaître avec


certitude le montant des dépenses. Mais pour faire face à l’évolution de certaines dépenses
jugées irréductibles (dépenses obligatoires), le Gouvernement ne peut recourir indéfiniment à
l’augmentation des prélèvements obligatoires, au risque d’alourdir davantage la pression
fiscale. D’autant plus que les ressources autorisées par le Parlement au Gouvernement ont un
caractère annuel et rien n'est sûr qu’elles seront maintenues l’année suivante et au même
niveau. Cela peut pousser les Administrations à s’occuper de la gestion du quotidien au
détriment d’une programmation glissante. Par ailleurs, l’affectation permet une linéarité et la
stabilité des ressources, qu’il s’agisse de ressources d’exploitation d’un service à caractère
industriel et commercial, ou de ressources sans lien étroit avec l’activité du service. 60

 La non-affectation ouvre des voies pour les détractations démesurés


sur les allocations budgétaires

Au sens de la non-affectation, les départements dépensiers n’ont pas de ressources propres


et ils n’ont aucune autorité sur ces ressources. C’est au Gouvernement qu’il appartient de
prévoir et au Parlement de voter les ressources nécessaires à leur fonctionnement.
Une certaine impulsion n’est pas exclue et peut prendre l’allure suivante ou le service se
conforme aux « diktats » qui lui sont prodigués et il aura l’année suivante les crédits égaux ou
supérieurs à ceux de l’année en cours ; ou le service ne fait preuve d’aucune souplesse et ses
crédits ne seront pas reconduits l’année suivante, ou seront de toute façon diminuées. Tutelle,

60
Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P. 112-113
38
au sens propre du terme, hiérarchique, politique, les conséquences sont toujours les mêmes les
départements dépensiers subissent des pressions. 61

- La Légalité De Certaines Operations Affectées


La loi organique des finances prévoit des dérogations à La règle de non-affectation dans
son article 8 que « certaines Recettes peuvent être affectées à certaines dépenses…
comptables particulière ». Il y a donc possibilité de déroger à la règle soit directement par le
biais de la loi de finances, soit indirectement à travers des procédures budgétaires
particulières.

 Des affectations de droit permises par la loi de finances

Dans la loi de finances, le seul support budgétaire qui obéit à la règle de non-affectation est
le BGE ; les CST et les SEGMA dérogent à la règle et constituent des mécanismes
d’affectation des recettes à certaines dépenses.

 Les affectations au niveau des CST et des SEGMA

L’article 8 al. 4 de la LOF tempère l’interdiction posée dans les alinéas 1 et 2 : « …


Toutefois, certaines recettes peuvent être affectées à certaines dépenses … ». La loi organique
autorise que dans certains cas, des affectations directes de ressources soient faites à certaines
dépenses.
Ainsi, il existe des aménagements tant du principe de non-compensation que de celui de non-
affectation.
Les exceptions dans le budget général, consacrées par la LOF, vont essentiellement concerner
la règle de non-affectation des recettes aux dépenses.
En dehors des cas déjà étudiés (SEGMA et CST), la loi organique prévoit dans ses articles 34
et 35, l’affectation de recettes à certaines dépenses par le biais de procédures comptables
particulières. Il s’agit notamment de la procédure de fonds de concours et la procédure de
rétablissement de crédits.62
 Au niveau des comptes d’affectation spéciale la dérogation se réalise. Cela veut dire que le
législatif et l’exécutif doivent obligatoirement décider l’affectation dans le cadre de CST.

61
Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P. 114
62
LA MODERNISATION DES PRINCIPES BUDGETAIRES Professeur chercheur Ouafaa khallouk Revue des Etudes Multidisciplinaires
en Sciences Economiques et Sociales
39
Les SEGMA. Dont l’activité doit tendre essentiellement à produire des biens ou à rendre
des services donnant lieu à rémunération, en vertu de l’article 21 de la LOLF « …dont
certaines dépenses, non imputées sur les crédits du budget général, sont couvertes par des
ressources propres. L’activité de ces services doit tendre essentiellement à produire des biens
ou à rendre de services donnant lieu à rémunération ».63

 Des affectations entérinées par des procédures budgétaires


particulières

La réglementation prévoit des procédures particulières de l’affectation des recettes à des


dépenses ; il s’agit notamment de certaines dépenses financées par l’emprunt extérieur, les
taxes parafiscales, les fonds de concours et la procédure de rétablissement de crédits.

1. Les projets financés par l’emprunt extérieur

Il convient de préciser qu’aux termes d’accords de prêt avec des organismes financiers
internationaux, certains projets doivent être engagés et payés selon des procédures qui
dérogent au principe de non- affectation.
Ces procédures sont définies dans des documents types propre à chacun des dits
organismes, Banque mondiale, l’Union européenne. L’exemple le plus édifiant est celui de la
« procédure d’utilisation des fonds de roulement concernant les projets publics financés au
moyen d’emprunt extérieur ». D’après cette procédure les services du budget doivent, d’un
côté produire une attestation d’éligibilité de la dépense au financement extérieur précisant le
taux de financement et la catégorie d’imputation de la dépense. D’un autre côté, ils doivent
communiquer au bailleur de fonds le détail de l’affectation du concours financier, notamment
à l’occasion de chaque demande de réalimentation du compte fonds de roulement.
 Les taxes parafiscales
La parafiscalité est apparemment une notion moins claire que celle de l’impôt ou celle de
la taxe administrative, même si la doctrine revendique certaines conditionnalités pour son
institution. D’autant plus que le droit fiscal marocain n’en donne pas une définition précise
par rapport aux impôts et par rapport surtout aux taxes administratives.
Mais, la particularité des taxes parafiscales est qu’elles représentent des redevances perçues
au profit d’un service particulier et versées par les usagers en échange des avantages qu’ils
retirent du service. De même, conformément à la réglementation en vigueur, les taxes
63
Dahir n° 1-15-62- du 14 chaabane 1436(2 juin 2015) portant promulgation de la loi organique n° 130-13 relative à la loi de finance. Article
21
40
parafiscales, perçues dans un intérêt économique ou social au profit d’une personne morale de
droit public autre que l’état et les collectivités locales, sont établies par décret, pris sur
proposition du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Cela veut dire qu’on peut
qualifier de « parafiscal » les taxes opérées sur leurs usagers par certains organismes publics,
afin d’assurer leur financement autonome. D’une part, celles-ci bénéficient exclusivement aux
organes auxquelles sont attribuées (exp. Les cotisations prélevées au titre de la sécurité
sociale : mutuelle, caisse marocaine de retraite, etc… D’autre part, le produit de ces taxes ne
constitue pas des recettes budgétaires et les dépenses des organismes bénéficiaires ne figurent
pas dans la loi de finances.64

 La procédure de fonds de concours


Donne la possibilité au gouvernement de « budgéter » en recettes des contributions de
personnes publiques ou privées et de prévoir un montant de dépenses équivalent. Cette
opération, réalisée par décret, permet de compléter les dotations budgétaires mais, ne figurant
pas dans une loi de finances, elle échappe au contrôle du Parlement.65
Dans les prévisions budgétaires sont ouvertes des rubriques particulières réservées aux
emplois de fonds en provenance de legs ou donations. Par exemple, ces rubriques ne font
l’objet d’aucune évaluation chiffrée et ne comportent que la mention « mémoire ». Il est, en
effet, normal de n’indiquer aucun chiffre, car il est impossible de connaitre å l’avance, même
de manière approximative le montant des recettes qui seront ultérieurement rattachés au
budget de l’état.66
Ce qui prévu à l’Article 34 de la LOLF « … Les fonds de concours ne peuvent, en aucun
cas, être alimentés par des recettes fiscales. … Le reliquat des fonds de concours est pris en
recettes au budget général».67

 La procédure de rétablissement de crédits


Selon l’article 35 de la LOLF : « peuvent donner lieu à rétablissement de crédits, les
recettes provenant de la restitution à l’état de sommes payées indûment ou à titre provisoire »
La procédure de rétablissement de crédits est la seconde procédure particulière d’affectation
de crédits supplémentaires. Il s’agit, à la différence de la procédure de fonds de concours, non

64
Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P. 116
65
Le droit public André Legrand Céline Wiener Édition 2017 P. 167
66
Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P. 117
67
Dahir n° 1-15-62- du 14 chaabane 1436(2 juin 2015) portant promulgation de la loi organique n° 130-13 relative à la loi de finance.
Article 34
41
pas de rattacher une recette mais d’annuler des dépenses déjà effectuées en rétablissant les
autorisations consommées.
Le rétablissement de crédits vise à effectuer de simples régularisations d’ordre comptable
et permet de réaliser, d’une manière indirecte, une affectation de recette par rectification des
prévisions initiales, en annulant une dépense effectuée sur crédits budgétaires et en
rétablissant la dotation originaire de la rubrique concernée.
A la suite d’un versement au trésor d’une somme représentant la restitution d’un trop payé
ou le prix d’une cession de biens ou de services, l’ordonnateur peut faire une nouvelle
dépense, non prévue à l’origine.
 La non-affectation et la non-contraction sont donc deux règles indissociables. Sinon,
les inscriptions budgétaires n'auraient plus aucun sens, ce qui réduirait la signification des
prévisions et la portée des autorisations, notamment au niveau de la spécialité des opérations
budgétaires.68

 Le prélèvement sur recettes


la LOLF française
L’article 6 de la LOLF française autorise aussi une entorse (non-respect et violation) au
principe d’universalité par ce qu’on appelle les prélèvements sur recettes. À plusieurs reprises
l’État a, par exemple, supprimé des impôts locaux ; il doit donc – du moins en principe –
compenser le manque à gagner des collectivités territoriales par l’attribution d’une somme
globale. Il doit aussi, chaque année, assurer la contribution de la France au budget de l’Union
européenne.
Les gouvernements ont pris l’habitude de déduire l’ensemble de ces sommes du montant
brut des recettes, pour les affecter directement aux dépenses correspondantes. Le Conseil
constitutionnel a validé cette pratique dans une décision du 29 décembre 1982, et la LOLF
l’autorise désormais dans son article 6. Il y a donc à la fois contraction et affectation directe 69.
Les prélèvements sur recettes sont en l’espèce en cause. La loi organique prévoit dans son
article 6 que les prélèvements sur les recettes de l’État sont dans leur destination et leur
montant définis et évalués de façon précise et distincte.
Le Conseil constitutionnel valide cette disposition dont la finalité est d’assurer la clarté des
comptes de l’État et de permettre un contrôle efficace du Parlement sous une triple réserve.
D’abord, les bénéficiaires et l’objet des prélèvements sur recettes devront être précisément et
limitativement définis. La décision du Conseil se situe dans le droit fil de la jurisprudence
68
Hassane EL ARAFI. GESTION DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ETAT Budget-Comptabilité-Trésor – 1ere Edition -1er trimestre
2006 P. 118-119
69
Le droit public André Legrand Céline Wiener Édition 2017 P. 167
42
antérieure relative aux prélèvements sur recettes. En effet, le juge avait précisé dès 1982 que
cette pratique n’était pas contraire au principe d’universalité dès lors que ces prélèvements
sont dans leur montant et leur destination définis de façon distincte et précise dans la loi de
finances, qu’ils sont assortis de justifications appropriées et qu’ils ne sont pas utilisés pour la
couverture des charges de l’État.70

Vème axe : - Le juge constitutionnel face à L’avènement d’un nouveau principe : la


sincérité

En réalité, bien que le terme n'ait pas été couramment employé dans le passé, le
principe de sincérité a des racines anciennes, c’est un principe naturellement lié aux règles
financières, Derrière l'appellation moderne de sincérité se profile un concept similaire, bien
que non synonyme, celui de transparence. Ces deux notions forment un ensemble
indissociable, la sincérité pouvant être considérée comme l'expression sublimée de l'exigence

70
Jurisprudence du Conseil constitutionnel 1er octobre-31 décembre 2001 Véronique Bertile, Éric Oliva, Loïc Philip, Didier Ribes Dans
Revue française de droit constitutionnel 2002/1 (n° 49), pages 151 à 198 Éditions Presses Universitaires de France
43
de transparence. L'histoire politique et financière témoigne de la persistance de ces idéaux,
visant à établir une société plus démocratique et à promouvoir une vie publique exemplaire.
Officiellement, le principe de sincérité n'aurait été intégré au droit financier public qu'à la fin
du XXe siècle71. Cependant, dès 1814, le baron Louis critiquait l'absence de budgets sincères
et complets devant le Corps législatif, déplorant le manque de transparence. En 1818, il
insistait sur la nécessité d'une administration financière si transparente que chaque
contribuable puisse la juger comme ses propres affaires. Même chez des auteurs majeurs, la
sincérité était implicitement présente. René Stourm, par exemple, l'incluait déjà dans la liste
des qualités indispensables d'un budget. Les racines du terme remontent cependant au Traité
de commerce de Luca Pacioli en 1494, où la description des biens des entreprises était guidée
par la "vérité".

Cependant Le principe de sincérité est souvent présenté et enseigné comme le plus récent
parmi les principes financiers, un principe nouveau-né , Étant donné que le Maroc n'a
explicitement établi le principe de sincérité que dans la loi organique n° 130-13 du 2 juin
2015, adoptée dès cette date, contrairement au Conseil constitutionnel français qui a
explicitement établi le principe de sincérité la décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993 et qui
est devenu opérationnel à partir de 2001 en raison de son caractère strictement
jurisprudentiel.

La loi organique n° 130-13 du 2 juin 2015 s'aligne sur la tendance mondiale actuelle qui vise
à positionner la sincérité comme un principe majeur du droit budgétaire et comptable, à
travers diverses dispositions.72
Néanmoins, la sincérité est une idée aux multiples facettes73, ce n'est pas un principe universel
qui s'applique de manière uniforme. Sa portée juridique varie en fonction qu'il s'agisse des
comptes (I)ou des prévisions budgétaires(II)

71
Archives parlementaires, t. XII, 1814, p. 171

72
www.of.finances.gov.ma, Principes des finances publiques

73
François BONNEVILLE ,Edward Mordrake ou les deux visages du principe de sincérité dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel

44
En plus des défis juridiques liés à la consécration du principe de sincérité budgétaire dans le
droit positif marocain dans la mesure où il peut être sujette à différentes interprétations et
aussi l’émergence des questions de responsabilité en cas de non-respect du principe peuvent
se poser puisque il implique la collaboration de divers acteurs au sein de l'administration d’où
la nécessité de déterminer les sanctions appropriées.

Selon l’article 31 de la LOLF marocaine : « Les comptes de l'État doivent être


réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation
financière. »74, on est donc devant une sincérité comptable portant sur les comptes.
Selon le même article, la Cour des comptes doit évaluer la sincérité comptable en
émettant un rapport de certification des comptes de l'État.

Ensuite, la sincérité doit être interprétée comme une sincérité budgétaire, conformément à ce
qui est stipulé à l'article 10 de la LOLF « Les lois de finances présentent de façon sincère
l'ensemble des ressources et des charges de l'État. La sincérité des ressources et des charges
s'apprécie compte tenu des informations disponibles au moment de leur établissement et des
prévisions qui peuvent en découler. »75

Partie I : sincérité comptable : sincérité des comptes

Chapitre1 : Passage d’une comptabilité de caisse à une comptabilité d’exercice

La comptabilité publique au Maroc adopte une approche de comptabilité de caisse,


visant à assurer un contrôle strict des flux financiers publics en appliquant des règles légales
et des procédures réglementaires strictes pour réguler les différentes phases de l'exécution du
budget de l'État. L'objectif est d'assurer la régularité des opérations financières de l'État et de
garantir que les dépenses publiques respectent les crédits qui leur sont alloués. Dans cette
optique, la nomenclature des comptes du Trésor a été élaborée de manière à retracer les
incidences financières découlant des opérations d'exécution du budget de l'État.

Bien que la comptabilité de caisse (ou budgétaire) permette une gestion efficace des
flux de trésorerie, elle présente néanmoins des limites, notamment parce qu'elle ne permet pas
de suivre les mouvements non liés à des paiements.
74
L’article 31 de la LOLF marocaine
75
l'article 10 de la LOLF
45
Dans un contexte international marqué par la crise financière mondiale et la
reconnaissance croissante au sein des milieux financiers internationaux de l'incohérence et de
l'insuffisance des rapports des États, de nombreux pays ont entrepris d'importants
changements dans leurs systèmes de comptabilité. Ces réformes font partie d'un vaste
processus de modernisation de la gestion financière publique.76

Au Maroc, la loi organique n°130-13 relative à la loi de finances, promulguée par le dahir n°
1-15-62 du 14 chaabane 1436 (2 juin 2015), accorde une place significative à la comptabilité
générale de l'État. Ainsi, la réforme comptable devient une dimension complémentaire et
indissociable de la dimension budgétaire.

Les réformes ont été motivées par l'objectif global d'améliorer l'efficacité et
l'efficience de la gestion financière publique, ainsi que d'améliorer la qualité des services
publics. Pour répondre à ces impératifs, l'information financière publique a été ajustée et
développée conformément aux nouveaux principes, afin de satisfaire aux exigences de
comparabilité de l'information financière. Désormais, l'attractivité d'un pays est souvent
mesurée par la disponibilité d'une information transparente et fiable sur les comptes,
répondant aux besoins des investisseurs, des bailleurs de fonds et de tous les utilisateurs,
plutôt que par les avantages économiques qu'elle offre .

À présent, l'information est centrée sur la prise de décision, avec une attribution
claire des responsabilités dans un souci de responsabilisation. Les réformes ont été étendues et
variées, réalisées de manière non uniforme, ce qui a parfois impacté les objectifs de
l'information comptable ou les principes de comptabilité adoptés. En résultat, on peut affirmer
que chaque pays a ajusté son système comptable du secteur public selon ses besoins, sans
nécessairement encourager une harmonisation entre eux.

À l'échelle mondiale, il est remarquable de constater les progrès significatifs réalisés


dans l'adoption des Normes IPSAS. Ces normes élaborées par l'IPSAS Board ont été intégrées
dans de nombreuses institutions internationales, organismes publics et parapublics,

76
Pr. KABBAJ SMAIL ,IPSAS Standards and the transition from cash accounting to accrual
accounting in Morocco

46
collectivités locales, et de plus en plus de gouvernements. En tant qu'exemples, citons des
organisations intergouvernementales telles que l'Agence Spatiale Européenne, les
Communautés Européennes, le Conseil de l'Europe, l'Organisation Internationale de Police
Criminelle, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, les Nations Unies, etc. Pour ce qui
est des pays, la Chine (avec un projet en cours pour adopter les IPSAS), l'Allemagne (où la
ville de Hambourg applique ces normes internationales), l'Inde (où le Conseil des normes de
comptabilité publique soutient l'application de ce référentiel pour les opérations au comptant),
le Japon, la Norvège, l'Espagne, ainsi que de nombreux autres pays, mettent en œuvre les
IPSAS et leur nombre continue de croître.77

Au Maroc, le projet de réforme des institutions intègre les normes IPSAS, et la


Trésorerie Générale du Royaume est devenue membre du Conseil International des Normes
Comptables du Secteur Public depuis janvier 2012. Le Royaume devient ainsi le premier pays
arabe et le troisième pays africain à adhérer à cette instance internationale. Cette adhésion
reflète la volonté du Maroc de moderniser sa comptabilité publique pour garantir une
information plus fiable et transparente, favorisant ainsi une meilleure prise de décision. À cet
égard, le nouveau plan comptable de l'État s'inspire des normes comptables internationales
IPSAS, et le Royaume vise une convergence progressive vers ce référentiel international.
Au niveau national, le Maroc a connu un moment historique avec l'adoption d'une nouvelle
constitution, instaurant un meilleur équilibre des pouvoirs et une nouvelle organisation de la
gestion des affaires publiques. Elle consacre également les principes de transparence, de
responsabilité et de reddition des comptes.78

Cette constitution a été renforcée par la mise en place d'une nouvelle loi organique
des finances, visant à donner une nouvelle impulsion à la modernisation de l'État en
renforçant la transparence des finances publiques et en réorientant la gestion financière vers
une logique axée sur les résultats et la performance.

Les raisons de la réforme budgétaire, telles que présentées dans la note explicative du
projet de la LOF, incluent la nécessité de maîtriser les dépenses publiques dans un contexte

77
Pr. KABBAJ SMAIL , IPSAS Standards and the transition from cash accounting to accrual
accounting in Morocco

78
Pr. KABBAJ SMAIL , IPSAS Standards and the transition from cash accounting to accrual
accounting in Morocco
47
économique caractérisé par la rareté des ressources et l'augmentation constante des besoins et,
par conséquent, des dépenses associées. Les réformes budgétaires cherchent généralement à
réduire les dépenses ou à augmenter les recettes, mais ce qui est novateur dans la présente
réforme, ce sont les mécanismes et les outils opérationnels mis en place pour atteindre les
objectifs fixés.
La nouvelle loi organique, dont la mise en œuvre, a introduit plusieurs mesures visant
à instaurer la philosophie de la réforme. Celle-ci se caractérise par l'octroi d'une plus grande
liberté de gestion budgétaire aux services gestionnaires, en échange d'un renforcement du
contrôle a posteriori visant à améliorer la performance. Cette approche se manifeste
notamment par une plus grande souplesse dans la gestion des crédits, une caractéristique qui
distingue le modèle marocain et qui contraste avec la LOLF française.

Ainsi, L'enjeu central de la réforme budgétaire réside dans l'exécution efficiente des
dépenses publiques et les défis associés à sa maîtrise. Toutefois, la réalisation de ces défis
majeurs nécessite inévitablement la mise en place d'un système comptable performant et
moderne. Celui-ci doit permettre simultanément une meilleure gestion des crédits, un contrôle
efficace de la situation financière de l'État, et la fourniture d'une information pertinente aux
pouvoirs publics pour faciliter la prise de décisions appropriées.

Chapitre2 : Une comptabilité de triple volets et exigences


a) - les trois volets de la comptabilité
Il s’agit d’une comptabilité à trois dimensions, répondant simultanément à trois
contraintes légales : la capacité à rendre compte de l’exécution budgétaire dans un
système de caisse, la capacité à rendre compte de l’état du patrimoine et de la situation
financière dans un système d’exercice, et enfin la capacité à produire une analyse des
coûts.79

La comptabilité budgétaire : a pour objectif de retracer l'exécution budgétaire. En ce qui


concerne les dépenses, elle englobe une comptabilité des engagements (droits constatés)

79
Pr. KABBAJ SMAIL , IPSAS Standards and the transition from cash accounting to accrual
accounting in Morocco
48
ainsi qu'une comptabilité des paiements (caisse). offrant ainsi une vue complète et
détaillée de l'utilisation des fonds budgétaires.

La comptabilité d'exercice :vise à représenter la situation patrimoniale de l'État. Elle se


base sur la comptabilité en droits constatés et utilise le principe de la partie double. Ce
système permet une vision complète et fidèle des ressources, des obligations et des
résultats financiers de l'État au cours de chaque exercice.

La comptabilité d'analyse des coûts des actions : est conçue pour enrichir l'information
fournie au Parlement. offrant ainsi une transparence accrue sur l'utilisation des ressources
publiques dans le cadre des programmes et sous-programmes gouvernementaux.

Ces trois comptabilités ne sont cependant pas indépendantes les unes des autres, des
passerelles sont prévues, et des articulations pratiques sont conçues dans le cadre du
nouveau cadre comptable.

b) - les trois exigences de la comptabilité

L'instauration de la comptabilité d'exercice par la LOLF introduit des principes


novateurs visant à garantir la conformité, la sincérité et l'exactitude des comptes de l'État.
L'article stipule que « Les comptes de l'État doivent être réguliers, sincères et donner une
image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière. »80

Cet alinéa reproduit fidèlement le troisième alinéa de l'article 27 de la LOLF française, qui, à
son tour, s'inspire de l'article du code de commerce introduit en 1983 pour la première fois
dans le droit commercial français par la loi n° 83-353 du 30 avril 1983. Cette loi a établi des
normes comptables pour assurer la régularité et la transparence des comptes.

En France, la nécessité d'une qualité comptable pour l'ensemble des administrations


publiques a été constitutionnalisée suite à la révision constitutionnelle de 2008. Selon cette
révision, « Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent
une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière.
» Ainsi, ces principes traduisent l'engagement en faveur d'une gestion financière transparente,
honnête et fidèle à la réalité au sein des administrations publiques en France.
80
Article 10 de la LOLF Marocaine
49
La qualité de l'information comptable est cruciale car elle joue un rôle fondamental
dans la possibilité d'assurer un contrôle parlementaire efficace. Les institutions internationales
ont souligné la nécessité d'une qualité comptable renforcée, notamment en réaction aux
difficultés auxquelles ont été confrontés certains États. Cette exigence découle de
l'observation selon laquelle il existait une divergence entre l'affichage de l'exigence de
sincérité et les pratiques comptables réelles de certains pays.

Le triptyque de régularité, sincérité et fidélité constitue le fondement de cette qualité


comptable. La régularité assure la conformité aux normes et règles établies, la sincérité
implique une transparence et une honnêteté dans la présentation des informations financières,
et la fidélité garantit une représentation fidèle de la réalité économique et financière 81. En
harmonisant ces trois éléments, la qualité de l'information comptable est optimisée, facilitant
ainsi un contrôle parlementaire informé et efficace.

La LOLF, à travers plusieurs de ses dispositions, s'inscrit pleinement dans le mouvement


international contemporain visant à ériger la sincérité en tant que grand principe du droit
budgétaire et comptable. En particulier, la sincérité comptable, contrairement à la sincérité
budgétaire, se réfère à l'exactitude des comptes. En d'autres termes, elle concerne la précision
et la fidélité des informations financières contenues dans les comptes.

Selon le professeur L. SAIDJ, la sincérité comptable est essentielle à tout compte rétrospectif,
et elle est la moins sujette à controverse. De plus, elle est un principe commun tant pour le
secteur public que pour le secteur privé. Ainsi, la LOLF reconnaît l'importance de garantir la
précision et la fiabilité des informations comptables, conformément aux normes
internationales, afin de renforcer la transparence et la crédibilité des comptes publics.
La sincérité des comptes publics implique une application correcte et de bonne foi des
règles comptables, excluant toute intention coupable de fausser l'information et privilégiant
une représentation fidèle de la réalité économique. Cette notion est assimilée à un principe
aussi révolutionnaire et important que l'exigence de régularité dans la gestion financière
publique.

La conception de la sincérité en matière de comptes publics n'est pas


fondamentalement différente de celle appliquée aux comptes privés. Bien que les sources

81
PR .Nabil CHEUFA,La portée du principe organique de sincérité dans le droit budgétaire
50
juridiques de la sincérité financière publique et privée soient distinctes, les bases
intellectuelles sont largement communes. Comme le souligne le professeur ESCLASSAN,
bien que les règles comptables applicables à l'État diffèrent de celles des entreprises (plan
comptable général des entreprises), elles partagent de nombreuses similarités, à l'exception
des spécificités liées à l'action de l'État. Ainsi, la sincérité demeure un principe fondamental
tant dans le secteur public que dans le secteur privé, contribuant à assurer la fiabilité et la
transparence des informations financières.82
La sincérité des comptes publics soulève plusieurs problématiques, selon le professeur
ESCLASSAN. Tout d'abord, il évoque la question de la pertinence des normes comptables
qui déterminent la manière dont la sincérité est évaluée. Ces normes jouent un rôle crucial
dans la définition des critères et des procédures permettant d'apprécier la sincérité des
informations financières.

Ensuite, le professeur met en avant la nécessité d'une séparation claire entre la fonction de
production des normes comptables et celle de production de l'information comptable. Cette
distinction est essentielle pour garantir l'objectivité et l'indépendance du processus
d'établissement des normes, évitant ainsi toute influence indue sur la présentation des
comptes.

Enfin, il aborde la question du degré d'indépendance et d'impartialité de l'organe chargé du


contrôle et de l'évaluation de la sincérité. Il souligne l'importance d'avoir un organe de
contrôle indépendant et impartial afin d'assurer une évaluation objective de la sincérité des
comptes publics, renforçant ainsi la confiance dans l'intégrité des informations financières du
secteur public.
Partie II : sincérité budgétaire : sincérité de prévision

Selon le professeur CHAMARD-HEIM, la sincérité budgétaire est appréhendée de


manière subjective et englobe une triple exigence. Tout d'abord, elle englobe la sincérité du
périmètre budgétaire, ce qui fait référence à la règle de la totalité. 83 Cela signifie que le budget

82
ESCLASSAN (M-C), « Réflexions sur la promotion du principe de sincérité dans les systèmes
financiers contemporains et ses conséquences »

83
CHAMARD-HEIM, « La sincérité et les organisations internationales »
51
doit couvrir l'ensemble des opérations financières et ne doit pas omettre certains éléments
importants.

la sincérité budgétaire inclut la sincérité de la présentation des opérations


budgétaires, basée sur le principe de non-compensation. Cela implique que les opérations
budgétaires ne doivent pas être présentées de manière à dissimuler ou compenser des éléments
importants, assurant ainsi une transparence accrue, le concept de sincérité budgétaire englobe
la sincérité des évaluations des dépenses et des recettes. Cela fait référence à la nécessité que
les estimations des dépenses et des recettes dans le budget soient conformes à la réalité
économique, contribuant ainsi à une prévision budgétaire plus précise.

Ainsi La sincérité budgétaire, pour être respectée, impose deux conditions fondamentales :

A) Les évaluations des ressources et des charges doivent être réalistes, c'est-à-dire basées
sur des projections objectives. Cela signifie que les estimations budgétaires doivent refléter de
manière précise les attentes en termes de recettes et de dépenses, en se basant sur des données
fiables et des prévisions crédibles.

B) Ces projections doivent également être spécifiques, en se concentrant sur le périmètre


délimité par la loi attribuant à la compétence des lois de finances. En d'autres termes, les
estimations budgétaires doivent se concentrer sur les domaines spécifiques et les activités
relevant du cadre légal établi par la loi budgétaire. Cela garantit que le budget couvre de
manière complète et précise toutes les opérations financières relevant de la compétence
définie par la loi.

Chapitre1 : réflexion des prévision réaliste

La sincérité budgétaire exige que les prévisions budgétaires, tant pour les recettes que
pour les dépenses, soient sincères et réalistes. Le non-respect de cette exigence peut conduire
à la censure du Conseil constitutionnel, soulignant ainsi que le principe de sincérité budgétaire
a une véritable signification et force juridique lorsqu'une autorité juridictionnelle a le pouvoir
d'annuler un budget non sincère.

L'intérêt du principe de sincérité budgétaire, selon le professeur L.SAIDJ, réside dans sa


valeur juridique et sa portée pratique84. En revanche, A. GUIGUE souligne que l'affirmation

84
LUC SAID, finances publiques
52
d'un principe ne le protège pas totalement des implications du droit. Il est essentiel de
reconnaître que les prévisions des recettes et des dépenses impliquent de projeter le "futur
probable"85, comme indiqué par le professeur BOUVIER. Ce processus, bien qu'incluant une
part d'incertitude irréductible, est également affecté par les contingences humaines, car toute
fausse prévision a des répercussions sur l'ensemble du raisonnement budgétaire. De plus,
comme le souligne la citation, à mesure que le budget total augmente, les petites différences
d'estimation prennent davantage d'importance.86
Au-delà des prévisions faites en n-1 ou n-2, qui peuvent objectivement s’avérer incorrectes en
raison de l’évolution inattendue de la conjoncture, se pose la question de la transparence.
Contrairement à certaines tendances gouvernementales consistant à dissimuler les déficits
prévisibles en adoptant, par exemple, des hypothèses de croissance exagérément optimistes,
cette situation souligne l'importance de la sincérité budgétaire. Elle met en lumière la
nécessité d'une évaluation réaliste des perspectives économiques et financières pour assurer la
crédibilité et la transparence des informations budgétaires.

Pour illustrer on prend l’exemple suivant :


Fixer le prix fiscal d’un produit X À 60 dollars, alors que son prix réel s’est longtemps
situé autour de 100 dollars, soulève des interrogations quant au respect du principe de
sincérité des prévisions budgétaires. Cette disparité entre le prix fixé et la réalité du marché
peut être considérée comme attentatoire à la sincérité des prévisions. De telles pratiques,
visant à sous-estimer délibérément les recettes de la fiscalité pétrolière, pourraient constituer
un grief d'insincérité, pouvant être objectivement invoqué par les parlementaires. Une telle
minoration des recettes, si elle résulte d'une "erreur manifeste, certaine et volontaire",
souligne un écart significatif entre les projections budgétaires et la situation réelle.
Les erreurs d'estimation volontaires ont des conséquences néfastes à trois niveaux.
Moralement, elles impliquent un défaut de sincérité, car elles témoignent d'une intention
délibérée de présenter des projections budgétaires inexactes. Techniquement, ces erreurs
indiquent l'absence de prévisions précises et fiables, compromettant ainsi la qualité des
informations financières présentées. Sur le plan politique, de telles erreurs faussent la
physionomie du budget soumis au Parlement, à la Cour des comptes et au public,

85
Alexender guigue, Les origines et l’évolution du vote du budget de l’État en France et en
Angleterre
86
Michel Bouvier, Finances publiques

53
compromettant ainsi la confiance dans le processus budgétaire et la transparence de
l'administration publique.

La question de la modalité de contrôle de la sincérité budgétaire au Maroc soulève des


interrogations quant à l'institution chargée de ce contrôle. Plusieurs options sont
envisageables, telles que la Cour des comptes, la cours constitutionnelle ou une institution
budgétaire indépendante. En France, on peut citer le Haut Conseil des Finances Publiques, en
Italie l'Ufficio Parlamentare di Bilancio, et en Espagne l'Autoridad Independiente de
Responsabilidad Fiscal (AIRF). Chacune de ces institutions a des caractéristiques spécifiques,
certaines étant rattachées au Parlement, tandis que d'autres sont plus proches du pouvoir
exécutif. 87

Ainsi Ces institutions offrent aux organes législatifs des moyens supplémentaires de
contrôle en examinant les projections budgétaires, les prévisions économiques, et en évaluant
la crédibilité des chiffres présentés par l'exécutif. Elles permettent ainsi au Parlement d'avoir
une compréhension plus approfondie des choix budgétaires et de détecter d'éventuelles
incohérences ou insincérités.En étant indépendantes de l'exécutif, ces institutions apportent
une expertise technique neutre et impartiale. Elles sont en mesure d'évaluer de manière
objective la sincérité des prévisions budgétaires, renforçant ainsi la fiabilité de l'information
transmise au Parlement ce qui la transparence du processus budgétaire. En rendant publics
leurs avis et analyses, elles contribuent à informer le public sur la qualité des prévisions et à
accroître la confiance dans la gestion des finances publiques.

Les institutions budgétaires indépendantes (IBI) jouent un rôle crucial dans l'établissement et
l'évaluation des prévisions budgétaires. Leur rôle peut varier en fonction des pays, mais elles
sont généralement chargées de garantir l'objectivité, la transparence et la sincérité des
prévisions, Dans certains pays, les IBI sont directement responsables de l'établissement des
prévisions budgétaires officielles. Cette approche, observée au Royaume-Uni et aux Pays-Bas,
confère à ces institutions un rôle central dans la formulation des chiffres qui serviront de base
aux politiques budgétaires, Dans d'autres pays tels que les États-Unis et le Canada, les IBI
peuvent formuler des prévisions alternatives à celles du gouvernement. Cette pratique permet

87
Diane FROMAGE, « Le Haut Conseil des finances publiques : quelles conséquences deux ans après
sa création ? »
54
d'introduire une diversité d'analyses et d'opinions dans le débat public, offrant ainsi une
perspective alternative sur l'évolution économique et budgétaire.

Certaines IBI, comme celles de la France et de la Suède, ne formulent pas nécessairement des
prévisions alternatives, mais émettent des opinions sur les prévisions existantes du
gouvernement. Elles contribuent ainsi à évaluer la crédibilité et la cohérence des chiffres
présentés par l'exécutif.

M-P PRAT souligne que la sincérité budgétaire est évaluée, en premier lieu, par le biais de la
certification, selon le point de vue des juridictions financières. Cette certification revêt une
importance particulière dans le processus d'évaluation, mettant en avant une différence
d'approche entre le Conseil constitutionnel et la Cour des compte, dans la mesure ou le
Conseil constitutionnel : évalue la sincérité en se basant sur le caractère prévisionnel du
budget. Il se prononce sur la cohérence et la crédibilité des prévisions budgétaires avant leur
mise en œuvre, et Cour des comptes Son rôle est plutôt a posteriori, intervenant après
l'exécution du budget. Elle dispose de davantage de temps pour un contrôle approfondi et
critique des comptes, évaluant ainsi la sincérité sur le fond à partir des résultats concrets. 88
.

Cette distinction d'approche reflète la complémentarité des rôles entre ces deux institutions.
Tandis que le Conseil constitutionnel se penche sur la sincérité en amont, évaluant la
crédibilité des prévisions, la Cour des comptes intervient en aval, analysant la conformité des
comptes à la réalité des exécutions budgétaires. En combinant ces approches, les juridictions
financières contribuent à garantir l'intégrité et la fiabilité de l'information budgétaire.

Le juge financier, bien qu'il n'occupe pas une position prédominante dans le contrôle de la
sincérité budgétaire, joue un rôle significatif, et sa décision en matière de certification a une
influence sur la position ultérieure du Conseil constitutionnel. Avant même d'être
institutionnalisé dans la LOLF française, le principe de sincérité a fait l'objet d'une
jurisprudence conséquente du Conseil constitutionnel, montrant que la LOLF n'est que la
formalisation d'un processus contentieux antérieur.

88
PRAT (M.P), « La sincérité et sa mise en œuvre par les collectivités locales»

55
Le rôle du juge financier est donc la Certification des comptes dans la mesure où il
intervient dans le processus de certification des comptes, évaluant la conformité des
informations comptables aux normes établies. Sa décision de certification a des répercussions
sur la sincérité des comptes présentés.
Ainsi, la LOLF française a formalisé et institutionnalisé des principes de sincérité qui étaient
déjà en cours de consolidation grâce à une jurisprudence antérieure du Conseil
constitutionnel, démontrant l'importance du rôle du juge financier dans la construction et
l'affinement de ces principes au fil du temps.

Chapitre 2 :la sincérité du périmètre budgétaire


Le régime juridique des lois de finances en France, notamment défini par la jurisprudence du
Conseil constitutionnel, repose sur la distinction de trois catégories de domaines, à savoir le
domaine exclusif et obligatoire, le domaine exclusif et non obligatoire, et le domaine partagé.
Ces distinctions visent à délimiter clairement le contenu des lois de finances, précisant quelles
dispositions sont admissibles dans chacun de ces domaines

Dans un premier lieu le domaine exclusif et obligatoire s'agit d'un domaine dans lequel la loi
de finances doit impérativement traiter certaines matières. Ces matières sont exclusivement
réservées à la loi de finances et doivent obligatoirement y figurer

A titre d’exemple En France, le III de l'article 34 de la LOLF énumère de manière exhaustive


les dispositions relevant du domaine obligatoire et exclusif de la loi de finances de l’année.

Quant au Domaine exclusif et non obligatoire la loi de finances peut traiter certaines
matières, mais elle n'y est pas obligée. Elle a la possibilité d'inclure des dispositions relevant
de ce domaine, mais cela demeure à sa discrétion offrant au législateur la liberté de choisir
d'inclure ou non certaines matières dans la loi de finances.

Cependant, au Maroc, contrairement à la pratique française, le constituant n'a pas établi une
définition précise du contenu et de la forme de la loi de finances. Cette absence de détails
explicites pourrait laisser au législateur une plus grande latitude dans la détermination du

56
contenu des lois de finances, sans les contraintes spécifiques imposées par la LOLF en
France.

La portée du principe de sincérité budgétaire diffère de la sincérité comptable, entraînant une


portée juridique distincte, notamment en ce qui concerne la loi portant règlement budgétaire et
les autres lois de finances. L'article 10 de la LOLF marocaine, qui est une réplique exacte de
l'article 32 de la LOLF française, semble suivre un raisonnement similaire à celui du Conseil
constitutionnel français lors de l'interprétation de l'article 32 de la LOLF, soulignant la nature
différenciée de la portée du principe organique de sincérité.

En particulier, la loi portant règlement budgétaire exige une exactitude accrue des comptes.
Cela signifie que le contrôle de la sincérité dans le cadre de cette loi va au-delà de la simple
vérification de la légalité des opérations budgétaires. Il implique également une évaluation
plus approfondie de la conformité des comptes aux principes comptables et aux normes
établis, contribuant ainsi à renforcer la fiabilité des informations financières et à assurer une
transparence accrue dans la gestion des finances publiques.

La mise en place d'un tel principe de sincérité en droit laisse entrevoir un renforcement du
contrôle a priori juridictionnel exercé par la cour constitutionnelle. Étant donné le caractère
organique de la loi relative aux lois de finances et l'extension récente des modalités de saisine,
il est prévu que les questions de constitutionnalité dans le domaine budgétaire se multiplient.
Le grief d'insincérité pourrait devenir un point de litige fréquent, notamment de la part de
l'opposition parlementaire, contribuant ainsi à un examen plus approfondi et régulier de la
conformité constitutionnelle des lois budgétaires.

En résumé, la loi portant règlement budgétaire au Maroc, comme son équivalent français,
place une importance particulière sur l'exactitude des comptes, élevant le niveau d'exigence en
matière de sincérité et de fiabilité des informations financières lors du processus de règlement
budgétaire. Cette approche différenciée reflète la volonté de garantir une gestion financière
rigoureuse et transparente, en particulier lors de la clôture de l'exercice budgétaire.

57
L'évaluation de la constitutionnalité des actions financières au Maroc revêt une importance
capitale, car elle influence directement la stabilité et la démocratie du pays. La conformité aux
principes budgétaires et aux droits constitutionnels est un impératif majeur afin d'assurer une
gestion des finances publiques qui soit à la fois transparente et responsable.

En garantissant le respect de la Constitution dans les décisions financières, on renforce la


légitimité des politiques économiques et budgétaires. Cela contribue à instaurer un climat de
confiance entre le gouvernement et les citoyens, favorisant ainsi la participation
démocratique. L'adhésion aux normes constitutionnelles dans le domaine financier constitue
donc un pilier essentiel pour édifier un système économique solide et équilibré au Maroc

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