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Chapitre III: Les sources de la règle

de droit
La notion de source de droit est pourvue de
deux sens possibles :
*Un sens matériel qui désigne les données
historiques, économiques, sociales et
politiques qui ont abouti à la naissance de la
règle de droit. Il s’agit là des « sources
matérielles » de la règle de droit.
• *Un sens formel qui désigne l’autorité
compétente pour créer la règle de droit ainsi
que les techniques de sa mise en place. Il
s’agit des « sources formelles » de la règle de
droit.
• On distingue également entre :
*Les pays de droit écrit : comme la France et
la Tunisie. Dans ces pays, la coutume prend
une place accessoire par rapport à la règle
écrite.
• D’ailleurs, parfois la loi renvoie expressément
à la coutume. Grâce à ce renvoi, la coutume
peut compléter la règle écrite. Tel est par
exemple le cas en matière de pension
alimentaire. En effet, selon l’article 50 du CSP
« La pension alimentaire comprend la
nourriture, l'habillement, le logement,
l'instruction et tout ce qui est considéré
comme nécessaire à l'existence, selon l'usage
et la coutume ».
• *Les pays de droit non écrit : c’est le cas du
Royaume Unis où la coutume « telle qu’elle
résulte des décisions jurisprudentielles » est la
principale source de droit.
• En raison de leur importance en termes de
garantie de la conformité de la règle de droit
inférieure à celle qui lui est supérieure, ce sont
les sources formelles de la règle de droit telles
que hiérarchisées à travers la pyramide des
normes que nous allons retenir dans ce cours.
L’examen de la question s’attardera sur le mode
de création de la règle de droit ce qui a trait aux
autorités qui élaborent les règles de droit (section
I) alors que certains organes interprètent ces
règles en leur donnant leur sens et leur portée
(section II).
Section I : Les sources directes de la règle de
droit
• Les sources formelles renvoyant forcément à
des règles écrites, nous n’allons nous
intéresser dans cette partie du cours qu’à
l’étude des sources écrites, la coutume ne
représentant qu’une source secondaire en
droit tunisien.
• A cet égard il est important de souligner que
la loi constitue la source principale du droit
tunisien. Elle émane de sources nombreuses
et variées dont il faudra établir un inventaire
et en déterminer la hiérarchie (paragraphe 1).
C’est l’établissement de cet inventaire et de
cette hiérarchie qui nous permettra
d’envisager ensuite la force obligatoire de la
règle de droit (paragraphe2) et le problème de
son application dans le temps (paragraphe 3).
Paragraphe 1 : L’inventaire et la hiérarchie des
règles de droit
• L’idée de base de la hiérarchie des normes est
celle qui a été établie par l’autrichien HANS
KELSON, selon laquelle les règles de droit sont
élaborées sous une forme pyramidale c'est-à-
dire selon une hiérarchie ou chaque règle tient sa
force obligatoire de son respect et de sa
conformité à la règle qui lui est supérieure.
• Ainsi, le décret doit être conforme à la loi qui doit
être elle-même conforme aux traités
internationaux. Ceux-ci doivent, à leur tour, se
conformer à la Constitution qui constitue la
norme suprême d’un Etat.
• En droit tunisien la hiérarchie des textes
juridiques se présente comme suit :
La
constit
ution

Les traités
internatio-
naux

les lois
Les lois référendaires
Les lois organiques
les lois ordinaires

Les décrets-lois

Les règlements
Les décrets
Les arrêtés
Les circulaires
1- La Constitution :
La Constitution est un texte fondateur qui
représente la loi fondamentale du pays.
L’article 16 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 démontre
l’importance d’un tel texte dans la mesure où
il considère que « toute Société dans laquelle
la garantie des droits n'est pas assurée,
ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’à
point de Constitution ».
• A cet égard, la Constitution occupe le plus
haut rang, elle est celle dont toutes les
autorités étatiques tiennent leur légitimité.
• La Constitution est donc la loi
fondamentale d'un Etat. Elle définit les droits
et les libertés des citoyens ainsi que
l'organisation et la séparation du pouvoir
politique : en pouvoir législatif, exécutif
et judiciaire. Elle précise le fonctionnement
des différentes institutions qui composent
l'Etat tel que le Parlement, le gouvernement
ou encore l’administration …
• La Constitution est la norme suprême du
pays, elle émane d’un pouvoir de nature
supérieure, qui est l’Assemblée constituante
ou l’Assemblée législative intervenant en tant
que pouvoir constituant.
• La Tunisie a connu quatre constitutions :
• La première Constitution tunisienne date de
1861, le régime politique en place à l’époque
était celui de la monarchie.
• La deuxième Constitution date du 1er juin 1959, il
s’agit de la Constitution adoptée au lendemain de
l’indépendance. La promulgation de cette
Constitution s’est auparavant accompagnée de la
proclamation le 25 juillet 1957 de la République
comme régime politique du pays mettant ainsi fin
au régime beylical qui gouvernait jusqu’alors le
pays.
• La troisième Constitution tunisienne est celle du
27 janvier 2014 elle est le fruit de la Révolution
du 17 décembre 2010 -14 Janvier 2011.
• Le peuple tunisien adopte par référendum la
quatrième Constitution du pays, celle du 25
juillet 2022.
• En sa qualité de norme suprême de l’Etat,
aucune disposition ne doit la contredire.
Toutes les dispositions doivent lui être
conformes autrement elles seraient
considérées comme inconstitutionnelles ou
anticonstitutionnelles.
2- Les traités internationaux :
• Un traité international est un accord ayant une
forme écrite entre sujets de droit
international, à savoir les Etats ainsi que les
organisations intergouvernementales. Cet
accord crée un engagement entre les parties
prenantes qui doivent à cet égard le respecter.
• Le traité international peut avoir la forme d’un
traité bilatéral (entre deux parties), ou
multilatéral (entre plusieurs Etats).
• Selon l’article 74 de la Constitution du 25 juillet
2022 c’est au Président de la République de
ratifier les traités internationaux.
• Le § 4 du même article octroie toutefois une
valeur particulière à un certain type d’accords,
dans la mesure où il octroie aux conventions
ayant reçu avant leur ratification par le Président
de la République, l’approbation du Parlement,
une valeur supra légale mais toujours infra
constitutionnelle (il s’agit des conventions
énumérées par le § 2 de l’article 74).
3-Les lois :
• De façon générale une loi est une norme prise
sous une forme législative. Il est cependant
important de souligner que l’examen de la
Constitution tunisienne montre d’une part
l’existence de lois non votées par le
Parlement, il s’agit en l’occurrence des lois
référendaires et d’autre part de lois votées par
le Parlement notamment les lois organiques et
les lois ordinaires.
• a- Les lois non votées par le Parlement
• Les lois soumises au référendum : l’adoption de
ces lois ne passe pas par leur vote au Parlement.
Elles sont en revanche soumises pour leur
adoption au référendum.
• Par référendum, il faut entendre une technique
de vote qui permet de consulter directement les
citoyens sur un projet ou une proposition de loi.
Le référendum est le procédé par lequel le peuple
collabore à l’élaboration de la loi, celle-ci ne
devient d’ailleurs parfaite qu’avec son
consentement. Il s’agit donc d’un instrument de
démocratie directe et d’une forme d’expression
directe de la souveraineté du peuple.
• b- Les lois votées par le Parlement
Les lois votées par le Parlement sont de deux
sortes. Il s’agit des lois organiques et des lois
ordinaires.
*Les lois organiques :
Une loi organique est une loi qui est prévue
comme telle par la Constitution.
Il s’agit en réalité d’une catégorie particulière de
lois. Elles sont généralement prises dans des
domaines limitativement énumérés par la
constitution. Etant donné le fait qu’il s’agit de lois
régissant des domaines précis et jugés
particulièrement importants (loi électorale, loi du
budget…), la Constitution a entouré leur adoption
de garanties procédurales supplémentaires.
• En effet, les lois organiques doivent être
adoptées à la majorité absolue des membres
du Parlement et ce en application de l’article
79 de la Constitution du 25 juillet 2022 qui
dispose que : « l’Assemblée des représentants
du peuple adopte les projets de loi organique
à la majorité absolue de ses membres ».
• Toute loi organique doit absolument
comporter dans son intitulé la mention
expresse de ce caractère.
• c- Les lois ordinaires :
• La loi ordinaire représente tout acte normatif voté par
le Parlement conformément à la procédure fixée par la
constitution.
• Ce type de lois intervient dans les domaines qui n’ont
pas été réservés à la loi organique. D’ailleurs, les lois
ordinaires sont numériquement les plus nombreuses.
Leur domaine d’intervention est quant à lui
constitutionnellement déterminé par l’article 75 de la
Constitution de 2022.
• La procédure de leur adoption est beaucoup plus
souple que la loi organique, puisqu’au terme de l’article
79 de la Constitution « l’Assemblée des représentants
du peuple adopte … les projets de loi ordinaire à la
majorité des membres présents, à condition que cette
majorité ne soit pas inférieure au tiers des membres de
l’Assemblée ».
• d- Les décrets-lois :
Comme son nom l’indique un décret-loi est un
acte doté d’un régime juridique hybride dans
la mesure où il représente une extension
exceptionnelle du pouvoir exécutif dans le
pouvoir législatif.
En effet, en vertu des décrets-lois le
Gouvernement intervient dans des domaines
habituellement réservés à la loi. Pour ce faire,
il doit obtenir l’autorisation du législateur,
c’est ce que l’on appelle l’habilitation
législative.
• Les décrets-lois sont des actes administratifs qui
émanent du pouvoir exécutif mais qui
interviennent dans un domaine légal. Ils
conservent cette qualité d’acte administratif
jusqu’à leur approbation par le législateur. En
revanche, si pour quel que raison que se soit, ils
ne sont pas ratifiés dans les délais prévus par la
Constitution, ils deviennent caduc.
• Le pouvoir exécutif fait appel aux décrets-lois
dans certaines situations précises:
• Notamment en cas de vacances de l’ARP (article
73 de la Constitution) ou de dissolution de l’une
ou des deux assemblées (article 80 et 116 de la
Constitution).
• e- Les règlements :
• Un règlement est un acte administratif, qui
émane du Gouvernement. C’est ainsi que le
pouvoir règlementaire permet au pouvoir
exécutif de prendre des décrets (1), des
arrêtés (2) et des circulaires (3).
• 1-Les décrets :
• Les décrets sont soient de l’initiative du
Président de la République soient de
l’initiative du Chef de Gouvernement. Dans le
premier cas, on est face à des décrets
présidentiels, dans le second on est en
présence de décrets gouvernementaux.
• Qu’ils soient présidentiels ou gouvernementaux, les
décrets sont soient à caractère individuel, soient à
caractère règlementaire.
• *Les décrets à caractère individuel : Ils visent
notamment, une personne nommément désignée ou
individualisable, comme par exemple la nomination
d’une personne au poste de Ministre. Ils ne
constituent pas de véritables règles juridiques, mais
plutôt des actes administratifs.
• *Des décrets à caractère réglementaire : Ils constituent
de véritables règles de droit dans la mesure où ils ont
un caractère général, permanent et obligatoire. Il s’agit
généralement de décrets qui visent à faciliter
l’exécution des lois.
• Les décrets règlementaires sont :
• Des décrets autonomes, ceux-ci ont un domaine
large qui couvre toutes les matières. Le
gouvernement les adopte justement dans les
matières qui ne sont pas réservés à la loi.
• Des décrets d’application, ces derniers ont pour
rôle de permettre l’application de la loi.
• Par exemple loi n° 68-7 du 8 mars 1968, relative à
la condition des étrangers en Tunisie s’est
accompagné de son décret d’application : il s’agit
du décret n° 68-198 du 22 juin 1968,
règlementant l’entrée et le séjour des étrangers
en Tunisie.
• 2-Les arrêtés :
• Les arrêtés sont des actes, des décisions
émanant d’une autorité administrative
notamment les ministres, les conseils
municipaux et les conseils régionaux.
• 3-Les circulaires :
• Ce sont des notes et des directives données
par un Ministre ou une autorité compétente à
ses services relativement à la manière
d’appliquer la loi.
• Il s’agit en réalité de documents internes à un département
donné et qui n’ont pas réellement de valeur juridique. Elles
sont généralement prises dans le but d’expliquer aux
agents administratifs comment appliquer un texte de loi.
Pour autant elles peuvent parfois agir de façon
substantielle sur l’usage de la loi. Tel était le cas de la
circulaire du 5 novembre 1973 interdisant à une
musulmane d’épouser un non-musulman sauf en cas de
conversion de l’époux à la religion musulmane. La circulaire
ajoute donc un empêchement au mariage qui n’existe pas
dans l’article 14 du CSP selon lequel « les empêchements
au mariage sont de deux sortes : permanents et
provisoires.
Les empêchements permanents résultent de la parenté, de
l'alliance, de l'allaitement ou du triple divorce.
Les empêchements provisoires résultent de l'existence d'un
mariage non dissous ou de la non-expiration du délai de
viduité ». Cette circulaire a aujourd’hui été abrogée.

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