Vous êtes sur la page 1sur 10

Machiavel et les femmes

Entre machisme et protoféminisme : bilan post-féministe des lectures machiavéliennes


sub specie fœminae

Prémisses

Longtemps, l’association entre Machiavel et les femmes aurait pu surprendre,


voire faire sourire. Les deux champs de prédilection machiavélienne : la res publica et la
res militaris ne semblaient se prêter qu’à des incursions exceptionnelles ou marginales
de la part de femmes, militairement répertoriées comme « inutiles » (Discours, I, 29) et
politiquement comme « ruineuses » dans le seul chapitre des Discours qui leur fût
consacré (III, 26). S’agirait-il d’une investigation paradoxale ou masochiste ou plus
banalement d’un effet de mode ?
L’association surprend moins aujourd’hui du fait de deux facteurs : interne et
externe, pour ainsi dire. Le premier tient à une évolution dans la perception de l’œuvre
machiavélienne, prise désormais dans son intégralité, sans plus distinguer ou
hiérarchiser entre œuvres majeures et mineures, pans ‘politique’ et ‘littéraire’ de
l’œuvre ; une approche indubitablement féconde sur le sujet qui nous intéresse et dont
la voie fut montrée par H. Fenichel Pitkin1 dans un ouvrage discutable mais novateur. Le
facteur externe tient à l’impact qu’ont eu dans la critique littéraire le féminisme, la
psychanalyse, dont les ramifications scientifiques pourraient être la psychocritique, les
« women studies », les « gender studies », sans parler des « queer studies » auxquelles
plus d’un passage de la correspondance machiavélienne, voire les « nozze maschie » de
la Clizia, pourraient donner du grain à moudre2. Il est indéniable que l’intérêt critique
pour les femmes dans l’œuvre ou la pensée machiavélienne s’est développé dans les
trente dernières années, qu’il est fortement tributaire de ces courants de pensée, qu’il a
été l’apanage d’une critique prioritairement anglo-américaine et/ou non italienne, le
sujet continuant à être, sinon tabou, boudé ou snobé par la critique italienne où les
machiavélistes femmes sont rares et où s’est imposée une approche philologique pure et
dure, réfractaire à ce qui pouvait paraître comme une greffe anachronique, un forçage
idéologique.
Mais la question des femmes dans l’œuvre ou la pensée machiavélienne n’est pas
réductible à l’application à un auteur du XVIe siècle de grilles critiques et
d’interrogations qui nous seraient propres. Ce thème a, en outre, l’inconvénient ou
l’avantage de convoquer de nombreux paramètres. La conception de la femme sollicite

1 H. FENICHEL PITKIN, Fortune is a woman. Gender and Politics in the thought of Niccolò Machiavelli,
Berkeley-Los Angeles-London University of California Press, 1984.
2 « qui non ci è garzoni, qui non sono femmine ; che casa di cazzo è questa ? », Lettre de N. Machiavelli à F.

Vettori du 5 I 1514 in N. MACHIAVELLI, Tutte le opere, a c. di Mario Martelli, Sansoni, Firenze, 1971, p.
1164. Voir aussi ce « dittero » de Castruccio Castracane : « Usava dire di uno che era stato uno bel fanciullo
e di poi era un bello uomo, come egli era troppo ingiurioso, avendo prima tolti i mariti allé mogli e ora
togliendo le moglie a’mariti. », in Ibidem, p. 628.

1
des archétypes3 qui relèvent plus de l’anthropologie et de la psychologie que des études
machiavéliennes 4….
Inversement, on ne saurait négliger les stéréotypes culturels de l’époque : un état
des lieux de la misogynie et philogynie entre XV et XVIe siècles à Florence permettrait de
mesurer le degré de conformisme ou d’originalité machiavéliennes en la matière. Il
s’agirait également d’identifier les topoi littéraires qui sont à l’origine de certaines
figures féminines machiavéliennes. On peut songer au « monstre » de la lettre véronaise
de 1509, dont la critique a montré et démontré à quel point il s’agissait moins d’un
compte-rendu à chaud que d’une réécriture sophistiquée et ammiccante, ou bien au
vilain geste de Caterina Sforza, retroussant sa robe sur son sexe (Discours, III, 6) dont on
a également montré la généalogie savante et vulgaire ; un geste infiniment plus
complexe et crypté qu’on ne l’imaginerait de prime abord5. Si l’on ne peut pas ne pas
tenir compte des précédents littéraires qui informent l’écriture machiavélienne et
rinascimentale, la parodie pourrait être la clé de la rivisitazione machiavélienne de
certains topoi littéraires et figures féminines, comme l’a montré magistralement
Gennaro Sasso dans ses analyses de la « mandriana » de l’Âne6 et de la Lucrèce
mandragolesque7.
L’instance féminine dans l’Âne, dédoublée en une maléfique Circée et une
entreprenante soubrette, résulte d’un montage « dissacrante » entre Homère, Ovide,
Apulée et Dante. La Lucrèce mandragolesca est un croisemment entre Tite-Live, Saint-
Augustin et la femme-araignée (A. Sorella8), un archétype féminin présent dans Apulée
comme dans le Viaggio in Alemagna de Vettori ; voyage que les deux compères firent
ensemble en 1507. Le discours sur les femmes n’est toutefois pas réductible au « gioco
delle fonti », véritable casse-tête pour les machiavélistes travaillant sur un auteur
notoirement simulateur et dissimulateur de ses sources. L’irrésistible quête
intertextuelle peut s’avérer un piège critique, dès lors qu’il s’agit moins d’identifier
la/les sources que la manière dont Machiavel se les approprie et les assimile. On peut
songer aux sources effectivement misogynes de la Favola, qu’elles soient françaises ou
tardo-latines, dont Machiavel recycle et monte, pour ainsi dire, les pièces à des fins
propres et qui concernent moins les femmes que l’homme en général, moins l’enfer que
la terre.
Les charnelles et peu farouches créatures machiavéliennes – les Riccia, Barbera et
autres courtisanes de la correspondance, la « duchessa » de l’Asino, la Lucrezia
mandragolesca…- sont de vivantes parodies des Laure et Béatrice, tandis que
l’impudique Caterina Sforza est un défi ambulant à celle qui était devenue une allégorie

3 On songe par exemple aux deux couples d’Hercule et Omphale et d’Aristote et Phyllis évoqués
elliptiquement dans l’Asino : « Quel primo fu tenuto un uom divino,/ quell’altro fu trovato fra l’ancille/
com’una donna a dispensar il lino. », MACHIAVELLI, L’Asino in Ibid., V, p. 967. ; figures d’inversion
carnavalesque relevant à la fois d’un stéréotype misogyne - deux parangons de la force physique et
intellectuelle masculine désarmés par le féminin - mais aussi d’un mécanisme compensatoire non moins
topique en vertu duquel la force d’un sexe se traduirait par la faiblesse de l’autre.
4 Direction dans laquelle s’était engagée l’école bolonaise, mais qui semble délaissée. Cf. E. RAIMONDI,

Politica e Commedia: il Centauro disarmato, Bologna, Il Mulino: 1998. ; G M., ANSELMI, P. FAZION,
Machiavelli, l’Asino e le bestie, Bologna, Clueb, 1984.
5 F. VERRIER, Machiavel, Caterina Sforza ou l’origine d’un monde, Vecchiarelli, 2010, 380 p.
6 G. SASSO, « L’«Asino»: una satira antidantesca » in Machiavelli e gli antichi e altri saggi, tomo IV, Milano-

Napoli, 1997, pp. 39-128.


7 ID., Ancora sul nome “Lucrezia”, "La Cultura", XXXIV, n. 2, (agosto 1996), pp. 183-203 ; ID.,, « Postille alla

‘Mandragola’, III Sul nome di ‘Lucrezia’ », in Machiavelli e gli antichi e altri saggi, Milano-Napoli 1988, III,
pp. 140-150.
8 A. SORELLA, Magia Lingua e commedia nel Machiavelli, Firenze, Leo S. Olschki editore, 1990.

2
de la pudeur, cette Lucrèce malmenée par Machiavel dans les Discours comme dans la
Mandragore, deux rivisitazioni, l’une historiographique, l’autre comique, parfaitement
cohérentes dans leur vis démystificatrice, d’une figure exemplaire.
Jusqu’à ce que la critique qu’on appellera par facilité féministe pose dans les
années 80 la question des femmes dans l’œuvre machiavélienne comme un thème qui
aurait sa légitimité et dénonce ce qui apparaissait alors comme une évidence : la
misogynie machiavélienne ; point crucial sur lequel nous reviendrons dans cet article, le
sujet était en quelque sorte vierge. La critique italienne n’avait pas ‘daigné’ se pencher
sur cette question, dont on peut dire qu’elle est un acquis récent et en quelque sorte une
importation.
La réflexion sur les, la femme, s’était bornée ou identifiée à une querelle
herméneutique concernant la Lucrèce mandragolesca, dépeinte par un camp critique
comme une épigone sordide de son tragique modèle latin, à l’image d’un monde
privatisé et déchu, tandis que le camp adverse 9 faisait de l’héroïne comique un exemple
de mutation, d’ingénieuse adaptation à une situation qui la voyait triompher soit comme
femme (sexuellement satisfaite) soit comme future mère. Lucrèce a pu incarner un
clivage critique qui engageait aussi un jugement de valeur sur les versants « grave » et
« léger » de l’œuvre machiavélienne, la hiérarchie entre privé et public.
À la lecture ‘italienne’ (ou plus exactement d’une tendance critique du
machiavélisme italien), axée sur la dépréciation du privé et de la sphère domestique,
conformément d’ailleurs à des consignes explicites de Machiavel en ce sens, on pourrait
opposer une lecture alternative, valorisant non seulement le privé dans une perspective
psychocritique10, mais également les femmes dans une perspective féministe 11. Cette
dernière a pu voir dans le couple Lucrezia-Sofronia12, un alliage positif et
complémentaire de deux figures féminines victorieuses, atteignant leur fin par des
moyens différents.
Quant aux études américaines sur Machiavel et les femmes, elles recèlent plus
d’une contradiction et surprise. D’abord, le présumé machisme de Machiavel a perdu de
son évidence, il ne fait plus l’unanimité. On insistera, quant à nous, sur le fait que, si les
femmes sont présentes et dominantes dans le pan littéraire de l’œuvre machiavélienne
et sont rares, voire marginales dans le pan politico-militaire, le traitement qui leur est
réservé dans ce deuxième pan est beaucoup plus novateur et, pour ainsi dire,
‘progressiste’ que dans le pan littéraire. Machiavel donne certes la victoire aux femmes
dans ses écrits littéraires, mais selon des modalités des plus traditionnelles et conformes
à certains topoi misogynes issus de la nouvelle et de la comédie, voire du carnaval. Les
femmes ‘gagnent’ peut-être dans le pan littéraire, mais elles sont conventionnelles et
conservatrices 13, alors que les viragos des Discours, les Thomyris, Épicharis, Martia,
Lucilla, Sémiramis, Caterina Sforza… sont atypiques par leur rôle politique et militaire. Si

9 G. FERRONI, Le « cose vane » nelle lettere di Machiavelli, « Rassegna della letteratura Italiana », 1972 ; ID.,
Mutazione e riscontro nel teatro di Machiavelli e altri saggi sulla commedia del Cinquecento, Roma, Bulzoni,
1972.
10 Cf. W. A. REBHORN, Foxes and Lions : Machiavelli's Confidence Men, Ithaca, NY: Cornell University Press,

1988. Voir aussi J. SCHIESARI, ''Libidinal Economies: Machiavelli and Fortune's Rape,'' in Desire in the
Renaissance Psychoanalysis and Literature, ed. Valeria Finucci, 1994, pp. 169–83.
11 Feminist interpretations of Niccolò Machiavelli, ed. M. J. Falco, The Pennsylvania SUP, 2004.
12 J. D'AMICO, The Virtue of Women: Machiavelli' s Mandragola and Clizia, « Interpretation » 1984, 12, pp.

261-73.
13 Cf. G. INGLESE, "Le stesse cose ritornano". Considerazioni sulla Clizia, in Il teatro di Machiavelli, a c. di G.

Barbarisi e A.M. Cabrini, Milano, Cisalpino, 2005, pp. 489-500.

3
rares que soient les femmes dans les Discours, ils n’en contiennent pas moins le chapitre
sur les conjurations (III, 6) à plus haute densité et positivité féminine. Les femmes y
apparaissent comme des conjuratrices exemplaires, tandis que Caterina Sforza Riario
peut prétendre au statut de princesse-modèle de par sa capacité à mettre en échec une
conjuration et récupérer le pouvoir perdu. Ce chapitre est l’un des plus exploités par les
lectures ‘féministes’ de Machiavel.
Si l’un des mérites indubitables de la critique gender sided a été de mobiliser et
d’investir le pan littéraire de l’œuvre machiavélienne où les femmes étaient dominantes,
voire triomphantes à l’égard de leurs partenaires masculins – Nicomaco, messer Nicia, le
narrateur de l’Âne, Belfagor…véritable défilé d’hommes châtiés et déconfits pour ne pas
dire châtrés - que dans le pan politico-militaire, le traitement du féminin dans ce même
pan politico-militaire pourrait ne pas desservir la cause féminine.
La typologie féminine qu’on trouve dans la trilogie (Discours, Prince, Art de la
guerre) comprend des femmes fortes et des femmes-objet (Horatia, Virginia, la sœur de
Gian Paolo Baglioni, la fille de Pandolfo Bellucci…)14. Quant aux œuvres littéraires, elles
comprennent des figures positives et négatives au sein d’une œuvre même, le négatif
étant souvent identifié à la figure maternelle, que l’on songe aux couples formés par
l’entremetteuse et la ‘marchandise’ dans la lettre véronaise, Circée et la « fanciulla fresca
e frasca » dans l’Asino, Sostrata et Lucrezia dans La Mandragola, Sofronia et Clizia dans
Clizia, sans oublier le couple de la fille et veuve Donati, (appât sexuel, la première,
cerveau malfaisant, la seconde), dans les Istorie fiorentine (II, 3) ou bien par la
« plébéienne d’Ardée » et sa mère dans les Discours (II, 26). Autant que la parodie, sur le
plan littéraire, l’ambivalence pourrait être une clé de la conception machiavélienne des
femmes ; ambivalence incarnée par le personnage sexuel et cérébral de Caterina Sforza,
forgé par Machiavel dans ses Discorsi (III, 6).
D’autre part, le traitement de la femme dans ce contexte ne saurait être réduit aux
exemples féminins, mais doit également tenir compte de la métaphore sexuelle
omniprésente dans la trilogie et dont l’utilisation ne laisse pas de surprendre. En effet, à
travers le recours à la métaphore, l’identité sexuelle, appliquée à des individus, des
collectivités, des entités 15 est dissociée du biologique. S’il est indiscutable que valeurs et
contrevaleurs sont traditionnellement associées au masculin et au féminin, le fait est que
cette identité sexuelle n’a rien de biologique, qu’elle est mobile et réversible – on peut
perdre, acquérir, changer retrouver son sexe.16

Machiavel misogyne ?

La question a le mérite d’être simple, mais la réponse ne l’est guère.


S’il est indéniable qu’on trouve plus de « carne al fuoco » misogyne que philogyne dans
l’œuvre machiavélienne qui comprend au moins trois textes pouvant être définis comme
tels : la lettre véronaise de 1509, un summum dans son genre, la Favola de 1520, dont le
sujet n’est autre que la vérification des accusations portées par les hommes à l’encontre

14 Pour une liste exhaustive F. VERRIER., Lecture paradoxale des ‘Discours’ sub specie feminae : des
exemples aux métaphores, "Revue des Études Italiennes", nos. 3-4, 7-12/2001, pp. 179-192.
15 On en donnera ce seul exemple : « E benché paia che si sia effeminato il mondo, e disarmato il Cielo,

nasce più sanza dubbio dalla viltà degli uomini, che hanno interpretato la nostra religione secondo l'ozio, e
non secondo la virtù. » Discorsi, (II, 2)
16 F. VERRIER, « Vicissitudes masculines et métaphore féminine dans les Discours sur la première décade

de Tite-Live » in De Florence à Venise Hommage à Christian Bec, dir. François Livi et Carlo Ossola, Paris,
PUPS, 2006, pp. 257-262.

4
de leurs épouses qui seraient responsables de leur damnation Enfin, le poème
allégorico-philosophique de l’Âne brode sur un phantasme misogyne, le règne de Circée
« agli uomini nemica » servie par des femmes seules « Sono al servizio suo molte
donzelle,/ con le quai solo il suo regno governa, »17 les hommes étant inéluctablement
transformés en bêtes et réduits en esclavage ; sort qui attend la narrateur après qu’il
aura satisfait sexuellement son informatrice.
Dans les œuvres où la misogynie n’est pas au programme, on la comparerait
volontiers à un phénomène carsique refaisant surface ça et là. On se limitera aux ditteri
de Castruccio Castracane dont trois méritent au moins d’être cités en ce qu’ils
pourraient faire office de concentrés misogynes/games : “Lodava Castruccio assai gli uomini
che toglievano moglie e poi non la menavano e così quegli che dicevano di volere navigare e poi non
navigavano.”18 ; “Diceva maravigliarsi degli uomini che, quando ei comperano uno vaso di terra o di vetro,
lo suonano prima, per vedere se è buono, e poi nel torre moglie erano solo contenti di vederla.”19 ; « Aveva
Castruccio una giovane con la quale conversava dimesticamente, di che sendo da uno amico biasimato,
dicendo massime che egli era male che e' si fusse lasciato pigliare ad una donna : - Tu erri, - disse
Castruccio, io ho preso lei, non ella me. »20 On pourrait émousser le tranchant de ces assertions
en alléguant, d’une part, le fait que cette dernière maxime étant un emprunt à Diogène
Laerce, dont on ne saurait surestimer la machiavellicità, de l’autre, en se focalisant sur
l’étrange « roman familial » forgé par Machiavel à propos de son personnage, dont il fit,
en dépit de la vérité historique, un orphelin et un célibataire. La double abstention
conjugale et paternelle est le gage d’une exceptionnalité héroïque, mais sert également à
illustrer l’impact dynastique et politique des liens du sang.
A cette vulgate misogyne qui ne constitue certainement pas une zone d’originalité
machiavélienne – Machiavel apparaît ici très en phase avec la doxa et les vie trite de son
temps –, on pourrait faire des objections plus fonctionnelles que verbales au sens où
l’on ne saurait alléguer de réponses aux critiques masculines évoquées, encore moins
des apologies du sexe féminin. On trouve des faits, en revanche : la victoire des
protagonistes féminins dans les deux comédies : La Mandragola et Clizia. Machiavel a
‘inventé’ des personnages comme la Lucrezia mandragolesca ou la Caterina Sforza des
Discours, qui ont été investies par la critique féministe et agitées comme des prototypes
d’émancipation. Le chapitre III, 6 des Discours contient une galerie de femmes fortes et,
en particulier, de conjuratrices-modèle. À la doxa misogyne on pourrait donc opposer
une philogynie effettuale.
En outre, la dominante misogynie pourrait être attribuée à un fait de culture, à
l’enracinement et diffusion objectivement supérieure de cette approche au regard de la
naissante et encore balbutiante approche philogyne. Si les deux approches existaient de
toute antiquité (on peut évoquer le couple Juvénal versus Plutarque pour citer deux
auteurs fréquentés par Machiavel), Florence n’était certes pas à l’avant-garde d’une
mode culturelle et littéraire qui apparut dans les cours de l’Italie septentrionale et ne
prendra significativement que dans la période ducale. Caterina Sforza sera même
enrôlée, au titre de grand-mère du Duc, dans la réécriture, vulgarisation et actualisation

17 N. MACHIAVELLI, L’Asino in Tutte le opere, a c. di Mario Martelli, Sansoni, Firenze, 1971, p. 959.
18 ID., La vita di Castruccio Castracani in Idem, cit. p. 628.
19 ID., p. 627.
20 Ibid., p. 627. Cette maxime a été mise en épigraphe par B. Spackman de son essai « Machiavelli and

gender » in The Cambridge Companion to Machiavelli. Ed. John Najemy. Cambridge: Cambridge University
Press, 2010, pp. 223-238. ; selon la chercheuse, cette maxime aurait été choisie par le protagoniste
dannunzien de la Vergine delle Rocce comme devise ; une association certainement pas neutre.

5
par Serdonati du De muleribus claris boccaccien21 ; le laboratoire de la philogynie
florentine.
L’œuvre de Machiavel qui accuserait le plus l’influence d’une culture philogyne
pourrait être l’Âne ; poème ambigu, se prêtant à une lecture misogyne et philogyne
précisément. La célèbre lettre de 1517 de Machiavel à Luigi Alamanni atteste la lecture
du Roland furieux en amont de la rédaction de l’Âne. De fait, on pourrait imaginer que le
règne misandre de Circée doive quelque chose à celui des « femmine omicide » de
l’Arioste, tandis que le couple Circée-mandriana actualiseraient la bifrons Alcina.
L’ancrage culturel et littéraire de la misogynie pourrait être illustré par la
mémorable lettre véronaise de 1509 où Machiavel relatait une hallucinante
mésaventure péripathéticienne. Les investigations critiques ont révélé sous le compte
rendu brut un palimpseste truffé de références22, conditionnée par son statut de
« responsiva » (F. Bausi23) ; un exercice de style grotesque (Basile24) sans oublier la
composante boccaccesque (G. Ferroni)25. On ne saurait donc prendre au mot ce sfogo
misogyne d’une sidérante virulence. Outre ces décryptages philologiques, la lettre a
également fait l’objet de lectures psychocritiques et a été lue comme un phantasme
révélateur d’une double anxiété « about capitalism and powerful women » par J.
Schiesari26.
Au delà de l’horror feminæ que met en scène cette lettre, plus intéressante apparaît
l’ébauche dans la réaction d’abord physiologique, puis intellectuelle du protagoniste
masculin, d’un scénario en quelque sorte initiatique ; scénario qui prévoit, en guise
d’épreuve, la « sosta nel basso », condition préliminaire d’une acquisition certes
paradoxale, occasion d’une ascèse intellectuelle.
Dans la Favola, la « sosta nel basso » s’identifie à la descente sur terre. On retrouve
le thème du voyage paradoxal débouchant sur une découverte négative : une prise de
conscience qui n’est pas sans rappeler le voyage sur la lune d’Astolfo dans le Roland
furieux27 : de même que le voyage lunaire ne fait que révéler la folie qui règne sur terre,
le séjour de Belfagor confirme que la terre est pire que l’enfer. Face à cette apocalypse
cognitive, la misogynie n’est clairement qu’un prétexte, mais aussi un emprunt
largement prospecté par la critique28. Le fait qu’Onesta, personnification antiphrastique
de la négativité féminine – un concentré de vices et défauts plus ou moins traditionnels :
coquetterie, vanité, mais aussi avidité, cruauté, superbe, tyrannie (l’envers de la
principauté ‘civile’ de Pluton) – soit relayée par le paysan Gianmatteo del Bricco prouve
que c’est moins le genre que l’humanité qui est ici en cause. L’inversion des rapports

21 G. BOCCACCIO, Libro di M. Giovanni Boccaccio. Delle donne illustri. Tradotto di latino in Volgare per M.
Giuseppe Betussi, con una giunta fatta dal medesimo D'Altre Donne Famose E un'altra nuova giunta fatta per
M. Francesco Serdonati, d'altre Donne Illustri Antiche e Moderne Con due Tavole una de nomi; e l'altra delle
cose più notabili, in Fiorenza, Per Filippo Giunti, 1596.
22 Horace, Martial, Politien, Cavalcanti, Rustico di Filippo, Jacques de Vendôme, Boccace…
23 F. BAUSI, Machiavelli, Salerno, 2005.
24 B. BASILE, Grotteschi machiavelliani « Convivium », 34, 1966, pp. 576-83.
25 G. FERRONI, Le « cose vane » nelle lettere di Machiavelli, cit.
26 J. SCHIESARI, ''Libidinal Economies: Machiavelli and Fortune's Rape,'' in Desire in the Renaissance Psychoanalysis and

Literature, ed. Valeria Finucci, pp. 169–83. Voir aussi L. CAROLL, "Machiavelli's Veronese Prostitute: Venetia
Figurata?" in Gender Rhetorics: Postures of Dominance and Submission in History. Ed. Richard C. Trexler.
Binghamton: Medieval and Renaissance Texts and Studies, 1994, pp. 93-106.
27 On se permet de renvoyer à notre article à paraître F. DUBARD DE GAILLARBOIS, « L’inferno siamo noi »

Machiavelli, l’Ariosto, l’inferno e le donne in « Studi rinascimentali », 2014.


28 M. PICONE, « La favola di Machiavelli : una lettura intertestuale » in Dal primato allo scacco, a c. di Gian

Andrea Anselmi, Roma, Carocci, 1998, pp. 171-190. ; P. STOPPELLI, Machiavelli e la novella di Belfagor.
Saggio di filologia attributiva, Salerno, 2007.

6
entre les sexes, dans la Favola comme dans l’Asino ne sert qu’à mettre en image la crise
de l’homme et de l’humanisme, sa prétendue supériorité sur l’autre sexe, voire sur les
animaux.

Bilan post-féministe de la critique féministe

L’investissement de l’œuvre machiavélienne de la part des « gender studies » a le


mérite d’illustrer la vitalité critique d’un auteur qui s’est avéré, de façon surprenante,
non seulement susceptible d’investigations gendersided, mais en phase avec certains
acquis de cette théorie. La publication d’un recueil diachronique des principales
contributions en la matière : « Feminist interpretations of Machiavelli» 29 (2004) permet
de mesurer concrètement l’entité et l’évolution de ces études.
S’il s’agissait initialement de mettre à l’épreuve le canon des auteurs et de
soumettre l’œuvre machiavélienne perçue comme misogyne aux foudres de la critique
féministe, l’approche initialement négative et idéologiquement très marquée (H.
Fenichel Pitkin 30, J. Bethke Elshtain31, W. Brown32) fondée sur l’incrimination de
Machiavel et l’association entre machisme, militarisme et protofascisme, a évolué
sensiblement au point qu’au réquisitoire a succédé une certaine perplexité face à la
complexité des positions machiavéliennes et de réceptions spéculaires : M. J. Falco
constate que Machiavel est vu comme « extreme male chauvinist to
‘protofemminist’ » […]« from protofascist to protoliberal »33. Ainsi M. Tolman Clarke
réfute-t-elle maintes assertions d’H. Fenichel Pitkin, en particulier, la rareté des femmes
dans l’univers machiavélien, propose de remplacer le couple trompeur de
« masculin/féminin » par celui d’ « animoso/effeminato » ; qualités qui arguent ici de
manière convaincante de la supériorité du genre sur le sexe, et propose, enfin, pour les
femmes machiavéliennes la catégorie de « political outsiders »34.
A. W. Saxonhouse a axé sa lecture de Machiavel sur la « transformation of values » ;
opération radicale de conversion « du bien en mal, du mal en bien, de la vertu en vice,
des hommes en femmes, des femmes en hommes »35. Masculin et féminin ne sont plus
considérées des métaphores mais l’une des certitudes et hiérarchies que Machiavel
balaierait radicalement. La chercheuse insiste également sur l’antichristianisme militant
qui aurait une incidence sur la vision du plaisir et des femmes : « Machiavelli works to
reinstate Eve over Mary. »36

29 Feminist interpretations of Niccolò Machiavelli, ed. M. J. Falco, The Pennsylvania SUP, 2004.
30 H. FENICHEL PITKIN, Fortune is a woman. Gender and Politics in the thought of Niccolò Machiavelli,
Berkeley-Los Angeles-London University of California Press, 1984. L’ouvrage, discutable à maints égards,
n’en est pas moins la première monographie consacrée au sujet. La méthode se veut psychocritique; le
plus convaincant était l’utilisation du pan littéraire de l’œuvre machiavélienne en guise d’éclairage
complémentaire des œuvres plus connues.
31 J. BETHKE ELSHTAIN, Women and war, New York : Basic books, 1995.
32 W. BROWN, « Renaissance Italy : Machiavelli » in Feminist interpretations of Niccolò Machiavelli, cit., pp.

117-171.
33 Feminist interpretations of Niccolò Machiavelli, cit., p. 13
34 M. TOLMAN CLARKE, On the Woman Question in Machiavelli. “The Review of Politics”, 2005, 67, pp 229-

255.
35 « The disappearance of the old distinctions between virtue and vice parallels the disappearance of the

old distinctions between male and female » L’abolition des hiérarchies ferait que « men can become -
indeed often must become – beasts, private citizens can become rulers, men can become women, and
women, as he had a character in La Mandragola say, can be « fit to govern a nation. » A. W. SAXONHOUSE,
Niccolò Machiavelli : Women as Men, Men as Women and the Ambiguity of sex, pp. 93-116, p. 97.
36 ID, p. 104.

7
Cette critique s’est focalisée sur les héroïnes féminines de Machiavel : Lucrèce,
étant la plus courtisée (Sumberg 37, Behuniak-Long38, Hadar Wright39 …), tandis que
Sofronia a suscité un intérêt croissant (Falkner 40, Martinez41). Parmi les personnages
historiques l’impudique Caterina Sforza a obtenu un succès considérable (Freccero42,
Viroli43, Spackman44, Hairston45, De Vries46, Verrier47…), tandis que la Reine Giovanna48
a été repérée comme potentielle sectatrice de la précédente ne serait-ce que pour sa
présence diffractée dans plusieurs œuvres machiavéliennes 49.
Beaucoup d’encre50 a été versé sur l’identification de la Fortune à une femme qu’il
est nécessaire “volendola tenere sotto, batterla e urtarla” (XXV). Entre violence
corporelle et/ou sexuelle, cette image incorrecte a sans doute joué un rôle décisif dans la
légende misogyne. Elle offre un exemple flagrant de l‘écart entre une présence féminine
objective (presque nulle) dans le Prince et l’impact d’une des « grandes images » qui
constitue, du fait de la diffusion du Prince, l’un des loci comunes passés dans l’inconscient
collectif quant à la conception machiavélienne des femmes.
Caractéristique de l’approche critique anglo-américaine pourrait être celle de
prendre à la lettre Machiavel de sorte qu’aussi bien cette métaphore – consternante d’un
point de vue féministe – de la fortune-femme « da tener sotto » a été prise aussi
sérieusement que la qualification de Lucrèce mandragolesca comme « atta a governare a
regno » (I, 3). Quant à la matrone Sofronia qui semble clore la parabole féminine
machiavélienne sur cette reddition au bon sens féminin, elle a pu apparaître comme
l’issue positive d’une trajectoire in progress (Martinez 1993), comme si Lucrezia et
Sofronia actualisaient cette aptitude féminine à gouverner.
Nos travaux (F. Verrier), bien qu’étrangers à cette empreinte féministe, partaient
d’une revue systématique du féminin dans les Discorsi pour rejoindre par d’autres voies
les conclusions de cette critique féministe quant à l“antiessentialist understanding of
gender” ou “the denaturalization of gender norms” ( M. Tolman Clarke ). Force est de
constater l’inattendu riscontro entre le traitement effettuale des sexes dans l’œuvre

37 T. A SUMBERG, La Mandragola : An Interpretation « The Journal of Politics » vol. 23, issue 02, 5/1961,
pp. 320-340.
38 S. BEHUNIAK-LONG, The Significance of Lucrezia in Machiavelli’s La Mandragola « Review of Politics »

1989, 51, 2, pp. 264-80.


39 H. HADAR WRIGHT, Lucrezia in Mandragola: Machiavelli’s New Prince, « Interpretation a journal of

political theory » 36, winter 2009, pp. 145


40 R. FAULKNER, “Clizia and the Enlightenment of Private Life.” in The Comedy and Tragedy of Machiavelli:

Essays on the Literary Works, edited by Vickie B. Sullivan, New Haven: Yale University Press, 2000, pp. 30–
56.
41 R. L. MARTINEZ, « Benefit of absence : Machiavellian valediction in Clizia in Machiavelli and the

Discourse of Literature, ed. A. Russell Ascoli and V. Kahn, 1993, pp.117-44.


42 J. FRECCERO, Medusa and the madonna of Forlì; Political sexuality in Machiavelli, in Machiavel and the

Discourse of literature, a c. di Albert Russel Ascoli and Victoria Kahn, Ithaca, Cornell UP, 1993, pp. 161–178.
43 M. VIROLI, "Niccolò Machiavelli e Caterina Sforza", in Caterina Sforza una donna del

Cinquecento: storia e arte tra Medioevo e Rinascimento [Mostra, Imola, Chiostri di S. Domenico, 5
febbraio - 21 maggio 2000], a c. di Valeria Novielli, Imola, la Mandragora, 2000, pp. 85-91.
44 B. SPACKMAN, “Machiavelli and Gender.”, cit.
45 J. L. HAIRSTON, Skirting the issue : Machiavelli's Caterina Sforza, "Renaissance quarterly", vol.

53, LIII, number 3, Autumn 2000, pp. 687–712.


46 J. DE VRIES, Caterina Sforza and the art of appearances : gender, art and culture in early modern Italy,

Ashgate, 2010.
47 F. VERRIER, Machiavel, Caterina Sforza ou l’origine d’un monde, cit.
48 M. TOLMAN CLARKE, On the Woman Question in Machiavelli , cit., pp 242-243.
49 Evocata anche in Principe XII, ma pure in Dell’Arte della guerra, I.
50 Elle a donné son titre à l’ouvrage d’H. Fenichel Pitkin. Cf. SCHESARI cit. supra.

8
machiavélienne et les contemporaines acceptions du genre, à savoir, l’identité sexuelle
(masculine ou féminine) non plus comme héritage biologique mais construction socio-
culturelle (image, semblant) relevant de la perception, du jugement d’autrui, de
l’opinion, certainement pas de la chair ou de l’essence 51. Cette prise de conscience
permettrait d’illustrer un aspect inédit et surprenant de la « modernité »
machiavélienne : le Machiavel machiste et misogyne s’avèrerait un fauteur involontaire
et certainement amusé de la théorie du genre.

Pistes

Au terme de cette enquête, deux œuvres – les Istorie et la correspondance - et deux


thèmes – la sexualité et le mariage - nous semblent porteurs et susceptibles d’apporter
des éclaircissement à cette ‘question’ – celle des femmes -, dont il importe de rappeler
qu’elle n’est pas posée ni qu’elle ne s’est posée à Machiavel, qu’en quelque sorte, elle ne
l’intéressait pas (quoique les femmes intéressassent l’homme).
Un autre rappel pourrait être que l’exclusion ou la marginalisation des femmes du
champ politico-militaire tient à des raisons strictement historiques. Ce n’est pas la
femme qui est hors sujet dans le champ machiavélien, mais tout ce qui ne relèverait pas
du politique et du militaire. Dès lors que les femmes jouent un rôle politique et militaire,
elles y accèdent et sont rigoureusement traitées à la même aune que les hommes. On
songe à Caterina (Pce XX) Sforza et à la reine Jeanne de Naples (Ist. Fio. I, 39) qui
perdirent le pouvoir, l’une parce qu’elle était impopulaire, l’autre parce que désarmée ;
des lois politico-militaires auxquelles les femmes pas plus que les hommes ne sauraient
déroger.
Si la correspondance familière et parfois leste d’un Machiave est une mine
objective sur les sujets qui nous intéressent : les femmes, la sexualité, le privé… et
révèlent un Machiavel, non seulement amateur de femmes52, mais conseiller sentimental
et sexuel de son compère, Francesco Vettori53, et fournissent aussi des mots, les œuvres
majeures sont quasi silencieuses sur la foia et les amorose passioni des hommes, à
l’exception du viol qui en serait la troublante exception et sur lequel nous reviendrons
ailleurs. Dans quelle mesure l’appétit sexuel participerait-il de la « bestia » ? Quelle place
occupe-t-il dans l’anthropologie machiavélienne ?
Quant au mariage ou « parentado », il constitue une des entrées quantitativement
plus évidentes et historiquement plus légitimes de la femme dans le champ
machiavélien. Le mariage constitue aussi une passerelle entre le privé et le public, la
correspondance où Machiavel prodigue ses conseils à Francesco Guicciardini, obéré par
quatre filles à marier et les Istorie fiorentine où le parentado apparaît comme un enjeu,
occasion de succès ou d’erreur politique, une arme ‘pacifique’ dans l’arsenal à
disposition des Princes. Les Istorie fiorentine peuvent apparaître comme une œuvre
intermédiaire entre le pan politique et littéraire. Les femmes sont l’occasion de
développements quasi narratifs ou théâtraux (Rosmunda (I, 8), la veuve et la fille Donati

51 F. VERRIER, « Vicissitudes masculines et métaphore féminine dans les Discours sur la première décade
de Tite-Live » in De Florence à Venise Hommage à Christian Bec, dir. François Livi et Carlo Ossola, Paris,
PUPS, 2006, pp. 257-262.
52 « che tocco et attendo a femmine », N. MACHIAVELLI, Tutte le opere, a c. di Mario Martelli, Sansoni,

Firenze, 1971, p. 1164.


53 J. M. NAJEMY, Between Friends: Discourses of Power and Desire in the Machiavelli-Vettori Letters of 1513-

1515, Princeton: Princeton University Press, 1994, 358 pp.

9
(II, 3)54 qui contrastent avec le traitement brutalement laconique des femmes illustres
dans les Discours55.
Ainsi la correspondance et les Istorie apparaissent comme les deux œuvres les plus
prometteuses au regard des deux thèmes qui pourraient lester aussi bien
anthropologiquement qu’historiquement la place des femmes dans le cosmos
machiavélien. Quant à la misogynie machiavélienne, on pourrait la proposer in extremis
comme une variante sub specie fœminæ du machiavélisme, de son image plus que de sa
pensée effective, reposant principalement sur l’identification inconsciente entre
Machiavel et la Virtù « violeuse » de la Fortune.

Frédérique Dubard de Gaillarbois,


Paris IV
frederiquedubard@orange.fr

54 Personnages historiques dont Bandello capta le potentiel narratif et tragique. Cf. M. BANDELLO, Tutte le
Novelle, a c. di F. Flora, Mondadori, (I, 1) ; (II, 18).
55 F. FEDI, ‘Personaggi e 'paradossi' nei Discorsi Machavelliani : il caso di Virginia e Appio Claudio « Lettere

Italiane » 50 (1998).

10

Vous aimerez peut-être aussi