RECONSTRUCTION

ET RECOUVREMENT
7,50€ US$9 £6 ¥850

Bouddhas
de Bâmiyân
Afghanistan
Patrimoine syrien
Pont de Mostar
N°86 • Janvier 2018

Bosnie-Herzégovine
Tombouctou
Mali
Nouvelles
technologies
Patrimoine Mondial

ISSN 1020-4520

3 059630 102865
 À la découverte
du monde maya
Le cœur du monde maya se situe dans le nord du
Guatemala. Il comprend plusieurs villes et villages où sont
parlées différentes langues comme l’itzá, le lacandón, le
mopan, le q’eqchi’ et l’ixil. La capitale départementale,
Flores, est un excellent point de départ pour explorer les
attractions touristiques de la région. Vous trouverez sur
cette petite île du lac Petén Itzá des boutiques pittoresques,
des restaurants, des hôtels et des marchés où l’on peut
déguster des plats typiques.
L’UN DES POUMONS DE LA PLANÈTE
La région constitue également l’un des poumons de notre
planète grâce à sa végétation luxuriante et ses nombreuses
aires protégées, dont la Réserve de biosphère Maya. Elle
possède aussi une grande valeur historique en raison de
ses richesses archéologiques. L’Itinéraire maya permet
d’explorer la jungle à pied, de pratiquer l’équitation ou de
faire du kayak sur lac ou sur rivière, comme à San Juan,
Azul, El Subin ou Mopan o Chiquibul. Le visiteur peut à la
fois se détendre et découvrir l’histoire du peuple maya à
Tikal, Yaxha, Ceibal, Aguateca, San Bartolo, El Mirador ou
Uaxactún. Contrairement à certains sites archéologiques,
les biens de cette région n’ont jamais été reconstruits ou
modifiés. Ils sont par conséquent totalement authentiques.
LE PARC NATIONAL DE TIKAL
Tikal signifie « le Lieu aux voix ». Ce site d’une superficie
de 576 km² est l’une des plus grandes villes mayas connues
à ce jour. Désigné parc national en 1955, il a été inscrit sur
la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1979.
Instituto Guatemalteco de Turismo
www.inguat.gob.gt
Les visiteurs peuvent y remonter le temps grâce à plus
de 3 000 pièces archéologiques, et découvrir une ville qui
fut habitée de l’ère préclassique jusqu’à l’ère classique.
Plaza Mayor est l’une des places les plus remarquables
du parc archéologique de Tikal. Située au cœur du site, elle
est flanquée du Temple I (le Temple du grand jaguar) et
du Temple II (le Temple des masques), de l’Acropole Nord
et de l’Acropole centrale. La Place de la Grande pyramide
ou du Monde perdu qui constitue l’un des plus anciens
monuments de Tikal, ainsi que le Palais des fenêtres, un
bâtiment doté de nombreuses pièces communicantes,
revêtent également un interêt particulier.
Les linteaux du Temple III ou « Temple du prêtre du
jaguar » sont ornés de différentes sculptures. Le Temple IV
ou « Temple du serpent à deux têtes » est la plus haute
structure de Tikal. Les visiteurs peuvent y admirer l’une
des vues les plus spectaculaires du parc, à plus de 70 m
de hauteur. Le Temple VI ou « Temple des inscriptions »
est ainsi nommé en raison des nombreux glyphes qui
recouvrent le panneau central de sa crête faîtière.
Ce site illustre, à bien des égards, l’importance que
revêt la culture maya ainsi que ses diverses contributions
à l’humanité. La façon dont les Mayas enregistraient le
temps, et leurs connaissances pointues de l’astronomie
prouvent à quel point leur civilisation était avancée.
Ces temples témoignent également des grandes
connaissances que possédaient les Mayas en matière
d’architecture, et attestent du lien qui existait entre les
dieux et la nature. Ce lieu magique et mystique mérite
certainement une visite.
Parc national deTikal
Inscrit sur la Liste du patrimoine mondial
en 1979
 UNESCO
Organisation
des Nations Unies 7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France • www.unesco.org/publishing
pour l’éducation, Courriel : publishing.promotion@unesco.org
la science et la culture

La protection des biens culturels

Manuel militaire
n Les récents conflits en Iraq,
Syrie, Libye, Yémen et Mali, ainsi
que les occupations militaires en
cours, ont, à nouveau, souligné la
nécessité de traduire en pratique
les règles du droit international
pour la protection des biens
culturels en cas de conflit armé.

n Ce manuel sert de guide

pratique pour la mise en œuvre de
ces règles par les forces militaires.
Il associe, sous un angle militaire,
une explication des obligations
juridiques internationales des
États et des individus à des
suggestions sur les meilleures
pratiques à adopter aux différents
niveaux de commandement et
pendant les différentes phases
des opérations militaires par voie
terrestre, maritime ou aérienne.
92 pages, broché
165 x 240 mm, 2017
ISBN 978-92-3-200138-2

Disponible sur unesdoc.unesco.org

WH 86
 PATRIMOINE MONDIAL Nº86

A
WH Cover 86.qxp_Mise en page 1 18/12/2017 16:08 Page2

lors que les conflits continuent d’infliger des dommages, en grande partie intentionnels,

éditorial
aux sites du patrimoine, la reconstruction est aujourd’hui un sujet de discussion
incontournable. Le recouvrement, la réhabilitation et la reconstruction des sites
endommagés sont des processus complexes qui vont au-delà de l’authenticité et de l’intégrité.
Comme l’explique l’architecte Jad Tabet dans son article d’introduction à ce numéro de Patrimoine
Mondial, « Personne ne pouvait alors imaginer que le siècle qui s’annonçait connaîtrait, dès ses
premières années, un nouveau cycle de violences qui allait se propager depuis l’Afghanistan et
RECONSTRUCTION
ET RECOUVREMENT l’Iraq jusqu’au Mali, la Libye, la Syrie et le Yémen, pour mener le monde à cet état de guerre
latente généralisé que nous connaissons aujourd’hui ».
7,50€ US$9 £6 ¥850

Bouddhas
de Bâmiyân
Afghanistan

Patrimoine syrien
Pont de Mostar La formulation de solides orientations est désormais urgente pour traiter certaines questions
N°86 • Janvier 2018

Bosnie-Herzégovine

telles que le recouvrement, en prenant en compte la nécessité de soutenir les communautés

Tombouctou
Mali

Nouvelles
technologies

locales affectées. Des réunions d’experts ont été organisées dans ce sens par le Centre du
Patrimoine Mondial

ISSN 1020-4520

3 059630 102865
Couverture : Site de Palmyre (République arabe
syrienne). Avant et après les attaques.
patrimoine mondial de l’UNESCO, l’ICCROM et l’ICOMOS, et plusieurs séminaires se déroulent
actuellement dans diverses universités afin d’élaborer des plans d’action réfléchis et efficaces.
Par ailleurs, l’UNESCO est en train de préparer, en partenariat avec la Banque mondiale, un
« Livre blanc » sur la reconstruction des villes après un conflit ou une catastrophe naturelle
majeure.
Les projets de reconstruction de sites du patrimoine mondial doivent également tenir
compte de la valeur universelle exceptionnelle de chaque bien, c’est-à-dire de la raison qui a
justifié l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial, mais dans le contexte d’une vision de
recouvrement plus large qui réponde aussi bien aux enjeux socio-économiques qu’aux besoins
des communautés locales. Les solutions doivent promouvoir la réconciliation sans toutefois
réécrire l’histoire.
Ce numéro s’intéresse aux cas de destruction intentionnelle des sites en Syrie, ainsi que des
Bouddhas de la vallée de Bâmiyân, en Afghanistan. Nous examinons les effets dévastateurs
de ces actes sur les communautés locales et sur leur identité, ainsi que les implications de
différentes approches en matière de reconstruction. Nous nous penchons également sur les
réussites accomplies à Tombouctou (Mali), où les tombeaux détruits en 2012 ont été reconstruits
avec succès, et à Mostar (Bosnie-Herzégovine), où le pont reconstruit est devenu pour les
communautés un symbole de persévérance et d’unité. Nous avons aussi le plaisir de vous
présenter un entretien avec l’experte en patrimoine Christina Cameron, qui traite du concept
de la reconstruction dans le cadre de la Convention du patrimoine mondial, et explore les
conséquences affectives et psychologiques sur les communautés affectées.
Pour aller de l’avant, le Comité du patrimoine mondial continuera à soutenir l’élaboration et
la diffusion d’orientations en matière de reconstruction, afin de répondre aux défis multiformes
qu’il nous faut relever. Le Comité continuera également de proposer des solutions alternatives,
comme des expositions ou des projections virtuelles, pour satisfaire les besoins des communautés
et les aider à préserver et à exprimer leur identité sans nuire à l’authenticité de ce qu’il reste.
De nouvelles questions devront aussi être abordées, comme la commémoration des pertes et
le souvenir des membres de la communauté et des gestionnaires de sites qui ont péri pour
défendre notre patrimoine commun.
Je voudrais saisir cette occasion pour remercier chaleureusement Francesco Bandarin,
Sous-Directeur général pour la culture, qui quitte l’UNESCO après 15 ans de service et qui
a grandement contribué à la sauvegarde du patrimoine mondial dans le monde. Je souhaite
également exprimer ma gratitude à Vesna Vujicic-Lugassy, notre rédactrice en chef depuis la
création de ce magazine en mai 1996, pour son engagement et ses efforts afin d’élargir la
popularité de cette publication au monde entier.

Mechtild Rössler
Directrice du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO
 S o mmaire
Magazine trimestriel publié en français, anglais
et espagnol conjointement par l’Organisation des
Nations Unies pour l’éducation, la science et la
culture (UNESCO), Paris, France, et par Publishing
for Development Ltd., Londres, Royaume-Uni.
Directrice éditoriale
Mechtild Rössler
Directrice du Centre du patrimoine
mondial de l’UNESCO
Éditeur
Dossier
Publishing for Development Patrimoine mondial
Chef de rédaction
Vesna Vujicic-Lugassy
Rédacteurs
et reconstruction 12
Helen Aprile, Gina Doubleday Dossier 8
Coordinateur de production Reconstruire à l’âge de la globalisation 8
Richard Forster La conception traditionnelle du patrimoine urbain,
axée principalement sur les aspects physiques,
Éditeur de production
Caroline Fort architecturaux et urbains, ne permet plus la mise en
œuvre de stratégies de conservation adéquates. Il nous
Correction de copie
Cathy Nolan (anglais), Chantal Lyard faut désormais imaginer de nouvelles approches qui
intègrent les notions de contexte socio-économique

23
(français), Luisa Futoransky (espagnol)
et de développement durable ainsi que les facteurs
Conseil éditorial
ICCROM : Joseph King, ICOMOS: Regina liés aux représentations sociales et culturelles et au
Durighello, UICN : Tim Badman, Centre du patrimoine immatériel.
patrimoine mondial de l’UNESCO : Nada Al
Hassan, Guy Debonnet, Lazare Eloundou- La reconstruction du Vieux pont de Mostar 20
Assomo, Feng Jing, Edmond Moukala, Mauro La destruction du Vieux pont de Mostar (Bosnie-
Rosi, Petya Totcharova, Isabelle Anatole Gabriel
Vinson, UNESCO Publishing : Ian Denison Herzégovine), le 9 novembre 1993, marqua le début
d’une nouvelle ère en matière d’approche du patrimoine.
Assistante de rédaction

xx
Barbara Blanchard
Publicité
Efrén Calatrava, Fernando Ortiz,
30
Reconstruction du patrimoine syrien :
repenser le passé et l’avenir 30
La reconstruction post-conflit des monuments et des
Fadela Seddini, Peter Warren
sites historiques touchés nécessite de nombreuses
Couverture réflexions préparatoires, à la fois systématiques et
Photo : Image principale : UNESCO / R. Van Oers théoriques.
Encart : UNESCO / C. Menegazzi
Design : Recto Verso
Les Bouddhas de Bâmiyân :
Rédaction La question de la reconstruction 40
Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO
7, place de Fontenoy, 75007 Paris De nombreux débats furent menés, tant au niveau

42
Tél. (33.1) 45 68 16 60 – Fax. (33.1) 45 68 55 70 national qu’international, sur la reconstruction
E-mail : g.doubleday@unesco.org potentielle des statues détruites des Bouddhas de
INTERNET : http://whc.unesco.org Bâmiyân (Afghanistan).
Publicité, production
PFD Publications Ltd Reconstruction des mausolées de Tombouctou :
Chester House - Fulham Green le rôle des communautés locales 48
81-83 Fulham High Street - Londres SW6 3JA L’expérience de reconstruction des mausolées détruits
Tél : +44 2032 866610 - Fax :+44 2075 262173
E-mail : info@pfdmedia.com à Tombouctou est un cas d’école, en ce sens qu’elle a
mis au cœur du processus le principe d’appropriation
Abonnements
DL SERVICES sprl - Jean De Lannoy locale indispensable et incontournable pour envisager
c/o Entrepôts Michot - Bergense steenweg 77 toute reconstruction d’un bien du patrimoine mondial

50
B 1600 St Pieters Leeuw - Belgique détruit, et pour assurer sa conservation efficace et
Tél : +32 477 455 329 - durable après sa reconstruction.
E-mail : subscriptions@dl-servi.com
Les idées et opinions exprimées dans les articles sont celles des auteurs et
ne reflètent pas nécessairement les vues de l’UNESCO. Les appellations
employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent
n’impliquent de la part de l’UNESCO aucune prise de position quant au statut
juridique des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorités, ni quant à
leurs frontières ou limites.
Publié par Publishing for Development Ltd., Londres, Royaume-Uni.
ISSN : 1020-4520. © UNESCO – Publishing for Development Ltd. (2018)
 PATRIMOINE MONDIAL Nº86
Focus 54

La reconstruction, une bonne option pour conserver les architectures en terre ? 54

La reconstruction d’un bâti peut présenter de nombreux avantages, à condition de disposer
d’une documentation suffisante et des moyens humains, matériels et financiers pour se
lancer dans une telle opération.

Les nouvelles technologies sont-elles l’avenir de la reconstruction ? 58

Les nouvelles technologies, comme la modélisation et les63impressions en 3D, sont aujourd’hui
un moyen de plus en plus utile pour préserver la mémoire des sites, endommagés ou détruits

58
par les conflits armés et les catastrophes naturelles, à défaut de pouvoir conserver les
structures originales.

Forum 63
Entretien 64
Entretien avec Christina Cameron, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada
en patrimoine bâti, Université de Montréal.

Organisations consultatives 69

82
Comment l’ICOMOS favorise la discussion sur la reconstruction en tant que processus dynamique.

Conventions 73
64 villes rejoignent le Réseau des villes créatives de l’UNESCO ; Les membres du Groupe de
liaison sur les conventions relatives à la biodiversité (GLB) se réunissent.

Nouvelles 77
Préservation 79–86
Appel au renforcement de la coopération durant l’Assemblée générale de Blue Shield ; Des
experts géorgiens invités par l’UNESCO ; Anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur

89
les droits des peuples autochtones ; Application de la Convention au Maghreb ; Rencontre
des gestionnaires de sites marins du Pacifique tropical oriental ; Le nouveau rapport Horizon
du patrimoine mondial 2 de l’UICN dresse un tableau des perspectives pour les sites naturels ;
Lutte contre le commerce illégal des poissons totoaba et du vaquita ; Mission de suivi réactif
sur l’île Wrangel ; Journée de surveillance de Pavlopetri ; Sauvegarde du patrimoine dans le
Pacifique.

Sites en péril 88–89

Réunion d’experts à Alep ; La restauration du Lion d’Al-Lât, statue de la cité antique de
Palmyre endommagée par Daesh, est terminée.

Promotion 91–94
L’exposition « Récifs coralliens du patrimoine mondial de l’UNESCO » à Paris ; Des jeunes
de PEID des Caraïbes et d’Amérique centrale élaborent des guides touristiques pour le Parc Télécharger
93
national de Coiba au Panama ; L’UNESCO et ses partenaires résistent au nettoyage culturel l’application
et à l’extrémisme violent; L’UNESCO s’associe à Seabourn ; Signature d’un partenariat entre Patrimoine Mondial
l’UNESCO et la Principauté de Monaco en faveur du patrimoine marin. Disponible pour iPad,
Android et tablettes Kindle Fire.
Grâce à l’application, vous pouvez non
Édition et multimédias 96 seulement lire des articles exclusifs
écrits par des experts sur le terrain,
Calendrier 97 mais voir des vidéos des sites les plus
spectaculaires du monde.
Bulletin d’abonnement 101 Télécharger l’application du magazine
Patrimoine Mondial depuis iTunes, Amazon
Prochain numéro 103 et Google Play.

Patrimoine Mondial exprime sa gratitude

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à Nada Al Hassan, Chef de l’Unité des

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États arabes au Centre du patrimoine

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mondial de l’UNESCO, pour sa contribution Organisation Convention

des Nations Unies du patrimoine
à la préparation de ce numéro. pour l’éducation, mondial
Éditions UNESCO la science et la culture
Dossier Reconstruire à l’âge de la globalisation

Reconstruire
à l’âge de la
globalisation

Jad Tabet, architecte

Membre du Comité du patrimoine mondial (2013 - 2017)
Président de l’Ordre des Ingénieurs et des Architectes de Beyrouth

En août 1944, pendant le soulèvement de Varsovie, plus de 85 % du centre historique de la ville ont été détruits par les troupes nazies. Après la
guerre, ses habitants ont entrepris une campagne de reconstruction sur cinq ans, avec pour résultat une restauration méticuleuse des églises,
des palais et de la place du marché de la vieille ville. Inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1980, le Centre historique de Varsovie
(Pologne) est un exemple exceptionnel de reconstruction quasi totale d’une période de l’histoire (datant du XIIIe siècle au XXe siècle)
© Ourplace – The World Heritage Collection

8 Patrimoine Mondial Nº86

 Dossier

Patrimoine Mondial Nº86 9

I
Dossier Reconstruire à l’âge de la globalisation
l y a 20 ans, presque jour pour
jour, l’Union internationale des
architectes organisait à Beyrouth
un colloque international sur la
reconstruction des villes après
les guerres, en collaboration avec l’Ordre
des Ingénieurs et des Architectes de
Beyrouth. La guerre du Liban venait de se
terminer, et la reconstruction de Beyrouth
en était encore à ses débuts. L’ange de la
guerre s’était alors déplacé vers les pays
de l’ancienne Yougoslavie, et les accords
de Dayton qui venaient d’être signés
pouvaient donner l’illusion qu’on avait enfin
réussi à trouver des solutions viables pour
mettre fin aux conflits de type ethnique ou
communautaire.
On pensait alors que ces conflits n’étaient
que l’expression dernière de ce siècle finissant
qui avait connu tant de tragédies, comme la
queue d’une comète qui disparaîtrait bientôt
dans les limbes de l’histoire. Personne ne
pouvait alors imaginer que le siècle qui
s’annonçait connaîtrait, dès ses premières
années, un nouveau cycle de violences qui
allait se propager depuis l’Afghanistan et
l’Iraq jusqu’au Mali, la Libye, la Syrie et le
Yémen, pour mener le monde à cet état
de guerre latente généralisée que nous
connaissons aujourd’hui.
Le colloque que nous avions organisé
s’articulait autour de plusieurs thématiques
qui s’exprimaient sous la forme de couples
de concepts : modernité et patrimoine,
continuité et mutations, temps long et
temps courts, c’est-à-dire la question
des différentes échelles temporelles de la
reconstruction, globalisation et identités
particulières, transfert de technologies et
savoir-faire locaux.
Vingt ans plus tard, j’ai l’impression que
ces mêmes thématiques pourraient servir à
appréhender aujourd’hui la question de la
reconstruction des villes après les guerres.
Modernité et patrimoine
Le premier de ces thèmes récurrents, qui
semble revenir comme un leitmotiv dans
tous les débats sur la reconstruction des
villes détruites par les guerres, concerne les
questions du rapport entre modernité et
patrimoine.
Il s’agit tout d’abord de savoir s’il faut
construire ou re-construire. En d’autres
termes, faut-il reconstruire dans l’esprit
d’une restauration « à l’identique » de la
10 Patrimoine Mondial Nº86
ville détruite ou, au contraire, « édifier un
environnement meilleur », conçu sur des
bases entièrement neuves ?
La reconstruction du centre de Varsovie,
en Pologne, après la Seconde Guerre
mondiale nous apparaît à cet égard comme
un cas particulièrement intéressant. En août
1944, pendant le soulèvement de Varsovie,
plus de 85 % du centre historique de la ville
ont été détruits par les troupes nazies. La
reconstruction de la Vieille ville fut mise en
œuvre à partir d’un projet qui s’appuyait sur
l’idée que toutes les structures datant de
Reconstruction de bâtiments à
Beyrouth (Liban) en 2005.
© Mary Madigan
la période du XIVe au XVIIIe siècle devraient
être reconstituées sur la base de documents
d’archives ainsi que sur l’expertise des
historiens de l’art, des architectes et des
conservateurs.
Mais, dans le même temps, des
transformations importantes ont été
effectuées afin de mettre en valeur les
éléments significatifs pour l’identité du
site. Ainsi, on a délibérément renoncé à
reconstruire certains îlots urbains pour
mettre en valeur les murs d’enceinte et
le panorama de la ville vue du bord de la
Vistule et pour laisser aux habitants des
espaces ouverts communs.
La reconstruction de la ville du Havre,
située au bord de la Manche, en Normandie,
lourdement bombardée pendant la
Seconde Guerre mondiale, constitue un
autre exemple de reconstruction urbaine.
Contrairement à l’exemple de Varsovie, la
démarche adoptée pour la reconstruction
du Havre ne se proposait pas de reconstituer
la ville ancienne, mais plutôt d’édifier
une ville neuve, symbole d’une France
renaissante. Cette expérience constitue un
exemple remarquable de l’architecture et
de l’urbanisme de l’après-guerre, fondé
sur l’utilisation systématique d’une trame
modulaire, le recours à la préfabrication
lourde et l’exploitation novatrice du
potentiel du béton.
Mais, dans le même temps, si le plan
de reconstruction du Havre a été fondé
sur l’application des principes de l’angle
droit et de la trame, et constitue une mise
en œuvre pionnière des développements
de l’urbanisme moderne, ce plan intègre
néanmoins le schéma antérieur de la ville
et ses structures historiques, en respectant
la direction des grands axes préexistants
et en reliant la ville reconstruite au tissu
environnant.
Les villes reconstruites de Varsovie et
du Havre sont toutes deux inscrites sur la
Liste du patrimoine mondial. Si ces deux
exemples sont fondés sur des démarches
diamétralement opposées, ils représentent
néanmoins deux manières différentes de
répondre à une même problématique, celle
de la modernisation nécessaire du cadre
urbain tout en respectant le patrimoine.
Continuité ou mutations
Le deuxième thème qui découle du
précédent est celui du couple : continuité par
opposition à mutations. La reconstruction
est-elle une simple reconstitution, une
remise en marche de la société d’avant la
catastrophe, un retour à la case départ ?
Reconstruire, c’est évidemment répondre
aux besoins urgents des populations
meurtries, circonscrire les effets des trauma-
tismes produits par la violence et préserver
les repères qui assurent un minimum de
cohésion sociale. Dans le cas de guerres
civiles, la reconstruction a également pour
but d’assurer une forme de réconciliation
entre les belligérants, qui permet la
régulation des conflits dans des termes ne
remettant pas en cause la coexistence.
La vieille ville de Mostar, en Bosnie-
Herzégovine, qui symbolisait la tolérance
et la vie commune partagée entre
 Dossier

La ville du Havre (France) a été lourdement bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale. La zone détruite a été
reconstruite entre 1945 et 1964 d’après le plan d’une équipe dirigée par Auguste Perret.
© Ourplace – The World Heritage Collection

Patrimoine Mondial Nº86 11

Dossier Reconstruire à l’âge de la globalisation

La Vieille ville de Sanaa (Yémen) a subi de graves dommages en raison du conflit armé dans le pays. Elle figure sur la Liste du patrimoine mondial en péril depuis 2015.
© Yeowatzup

12 Patrimoine Mondial Nº86


musulmans, chrétiens et juifs, a été en
grande partie détruite lors du conflit de
1990. La reconstruction de la vieille ville et
de son vieux pont en 2004 avec l’aide du
Comité scientifique international mis en
place par l’UNESCO a constitué le symbole
de la réconciliation, de la coopération
internationale et de la coexistence de
différentes communautés culturelles,
ethniques et religieuses.
Cela nous amène à la question de la
participation des habitants à l’élaboration
des projets de reconstruction. Le fait est que,
partout dans le monde, cette participation est
désormais considérée comme une nécessité
incontournable à tout aménagement. Car
la participation des citoyens et des pouvoirs
locaux constitue la pierre de touche d’une
pratique démocratique de la vie publique.
N’est-ce pas à travers cette participation
que peut s’effectuer le passage d’un état
de discorde qui se nourrit du refus des
différences, à la reconnaissance mutuelle
des valeurs de l’autre et à la réciprocité des
droits individuels et collectifs ?
La mobilisation des communautés
maliennes et leur participation à la recons-
truction des mausolées détruits et à la
réhabilitation des mosquées, gravement
endommagées lors du conflit qui a eu lieu
dans le pays entre 2012 et 2013, témoignent
de l’importance du patrimoine pour
restaurer les liens sociaux et sauvegarder
l’histoire et l’identité des différentes
communautés.
Échelles temporelles de
la reconstruction
Le troisième thème qu’il nous faut
aborder concerne les différentes échelles
temporelles de la reconstruction. Parce
qu’ils sont par nature prospectifs, les plans
de reconstruction dépassent le temps de
la génération humaine concernée par les
transformations, pour atteindre une autre
échelle, celle du temps long de l’histoire des
sociétés.
La plupart des expériences de
reconstruction à travers l’histoire ont
été l’œuvre d’une génération qui leur a
consacré toute son énergie. Ces expériences
ont mobilisé les efforts de l’ensemble de
la société pendant des années, et parfois
même des décennies. On peut donc
comprendre qu’elles aient été marquées
par une aspiration commune à dépasser
les réponses immédiates aux problèmes
spécifiques générés par les destructions,
pour proposer des solutions plus globales.
Le thème de « l’occasion enfin offerte »
est un des thèmes récurrents de toutes les
reconstructions.
La question centrale qui se pose dans
ce cadre est celle de la définition des
priorités. C’est à travers cette question que
se dévoilent nombre d’options stratégiques
et, plus profondément, les directions
Mostar (Bosnie-Herzégovine).
© Richard Mortel
qu’on entend imprimer à l’évolution d’une
société. En fait, toutes les expériences de
reconstruction ont dû trouver des réponses
permettant de concilier la nécessité d’offrir
des réponses urgentes aux besoins des
populations et la mise en œuvre d’un
projet prospectif qui confère aux villes
reconstruites une profondeur historique.
Instrument efficace pour le contrôle du
processus de reconstruction, la définition
des priorités apparaît comme un enjeu
capital qui détermine à terme l’évolution
de ce processus et conditionne, dans une
large mesure, la réalisation de ses objectifs
principaux.
Cette question risque d’apparaître comme
l’un des problèmes principaux que devront
affronter les villes historiques de Syrie, d’Iraq
Dossier
et du Yémen, dès le démarrage du processus
de reconstruction. La reconstruction des
infrastructures, la restauration des conduites
d’eau et d’assainissement, la dépollution des
« points chauds » pour réduire les risques
d’épidémie liés à l’accumulation des déchets,
ainsi qu’une évaluation scientifique des sites
frappés par des armes chimiques font partie
des tâches prioritaires afin de fournir aux
réfugiés qui reviennent les conditions de vie
nécessaires à la création d’un environnement
permettant un retour graduel de l’activité
économique et industrielle. Mais, dans le
cas de certaines villes historiques inscrites
sur la Liste du patrimoine mondial, comme
l’ancienne ville de Sanaa ou la vieille ville
d’Alep, en Syrie, presque entièrement
détruite par les combats, la question de la
prise en compte du patrimoine se pose de
façon prioritaire comme l’enjeu principal de
la reconstruction.
Mondialisation et identités
Le quatrième thème que nous souhaitons
aborder est celui des rapports entre
mondialisation et spécificités locales.
Abordée sous diverses formes depuis la
révolution industrielle et l’introduction de
la mécanisation, cette question se pose
en des termes nouveaux avec l’apparition
du marché global et les développements
technologiques qui transforment aussi
bien les conditions de la production que
les mécanismes de distribution et de
consommation à l’échelle de la planète.
Ce phénomène s’est accéléré depuis
deux décennies, avec le développement
des nouvelles stratégies de communication,
l’apparition des technologies de pointe
et la croissance des nouveaux canaux de
communication et de transport. Cette
accélération s’effectue parallèlement à la
transformation du monde en un marché
unique, par-delà les frontières et les nations.
La diminution des coûts de production
et la production accélérée de nouvelles
marchandises généralisent des modes de
consommation qui couvrent le marché
global, nivellent les produits et créent de
nouveaux besoins.
Pourtant, de façon paradoxale, les
développements technologiques risquent
de se transformer en facteurs de division,
aggravant les dangers d’exclusion et de
marginalisation d’une partie de la population
mondiale. Incapables de faire face à l’afflux
Patrimoine Mondial Nº86 13
Dossier Reconstruire à l’âge de la globalisation
d’innovations, les sociétés traditionnelles
sont soumises à un choc violent qui se
traduit par une rupture dramatique dans la
continuité de leur histoire.
Se pose alors la question du rôle de l’aide
internationale en situation de catastrophe. Si
certaines formes que revêt cette aide peuvent
apparaître inadéquates parce qu’elles ne
prennent pas en compte la réalité des
situations sur le terrain, elles peuvent aussi
avoir un impact négatif en empêchant la mise
en place et le développement des initiatives
locales. En l’absence d’une sensibilité
particulière aux problèmes des « sociétés
réceptrices », cette aide risque de développer
des processus pervers où l’introduction forcée
de technologies importées et la définition
unilatérale des priorités par les « donneurs »
se transforme en un « parachutage » techno-
logique et culturel qui risque d’accentuer les
fractures sociales. Le débat sur le projet de
reconstruction des Bouddhas de Bâmiyân
en Afghanistan, détruits en 2001, illustre
clairement les rapports complexes entre
initiatives internationales et sensibilités
locales.
Pour que l’aide internationale devienne
facteur de développement, il est nécessaire
d’orienter cette aide vers le renforcement
des facteurs de stabilisation et d’intégration
présents dans la société, et d’organiser
la reconstruction comme un processus
cohérent fondé sur les potentialités
existantes. La reconstruction des mausolées
de Tombouctou, au Mali, par des
maçons locaux en utilisant les techniques
traditionnelles sous la supervision technique
d’experts nationaux et internationaux
mandatés par le ministère de la Culture du
Mali et l’UNESCO constitue un exemple
réussi de coopération internationale.
Une nouvelle vision du
patrimoine urbain
Le cinquième et dernier thème concerne
la question de la transformation de
la notion de patrimoine à l’âge de la
globalisation. Au cours des dernières
décennies, la globalisation des marchés et
la prééminence des lignes de force tracées
par les réseaux des grands équipements
ont produit un processus de banalisation
et d’homogénéisation qui tend à défaire
la spécificité des villes, à uniformiser les
territoires et à introduire de nouvelles
fractures culturelles et sociales.
14 Patrimoine Mondial Nº86
La résultante de ce processus aboutit
à transformer de manière accélérée les
territoires urbains. Ces transformations
affectent tout aussi bien la structure
urbaine, le tissu historique, le rapport des
villes à leurs périphéries, les pratiques et les
usages, la signification des lieux et l’identité
des populations.
En réaction à ce processus, un double
phénomène se fait jour. D’une part, une
réaction identitaire qui voue un culte
stérile à un patrimoine culturel ossifié
et se complaît dans le mythe d’un âge
d’or révolu. Et, d’autre part, avec le
Un maçon local travaillant à la reconstruction
des mausolées à Tombouctou (Mali).
© MINUSMA/Harandane
développement du tourisme de masse, un
phénomène d’inflation patrimoniale qui
tend à transformer le patrimoine en objet
de consommation culturelle.
Nous nous trouvons ainsi face à un
paradoxe : jamais on n’a autant parlé
de patrimoine urbain et, dans le même
temps, jamais ce patrimoine ne s’est trouvé
autant menacé. Ce paradoxe est en lui-
même révélateur. Il nous alerte sur le fait
que les conceptions traditionnelles de
conservation du patrimoine et les pratiques
qui en découlent se trouvent aujourd’hui
totalement dépassées par l’ampleur des
transformations qui ont touché nos cités au
cours des dernières décennies.
La Conférence générale de l’UNESCO
a adopté en novembre 2011 la
Recommandation concernant le paysage
urbain historique. Cette recommandation
tente d’introduire une nouvelle vision du
patrimoine urbain qui vise à inscrire les
stratégies de conservation de ce patrimoine
dans une perspective d’intégration à la vie
contemporaine.
Le paysage urbain historique y est
appréhendé comme le résultat d’une
stratification historique de valeurs et
d’attributs culturels et naturels, dépassant
les notions de « centre historique » ou
d’« ensemble historique », pour inclure le
contexte urbain plus large ainsi que son
environnement géographique.
Ce contexte comprend notamment les
caractéristiques naturelles, l’environnement
bâti, tant historique que contemporain,
l’organisation de l’espace et la morphologie
urbaine, les perceptions et les relations
visuelles, mais également les pratiques
et les valeurs sociales et culturelles, les
expressions artistiques contemporaines,
les processus économiques et les valeurs
immatérielles du patrimoine en tant que
vecteur de diversité et d’identité.
L’adoption de cette recommandation
par la Conférence générale de l’UNESCO
constitue une forme de reconnaissance
de ce que la conception traditionnelle du
patrimoine urbain, axée principalement
sur les aspects physiques, architecturaux
et urbains, est aujourd’hui dépassée et
qu’elle ne permet plus la mise en œuvre
de stratégies de conservation adéquates.
Il nous faut désormais imaginer de
nouvelles approches qui intègrent les
notions de contexte socio-économique et
de développement durable ainsi que les
facteurs liés aux représentations sociales et
culturelles et au patrimoine immatériel.
Ces nouvelles approches s’intéressent tout
autant aux espaces, aux formes et aux traces
matérielles, qu’aux processus, aux activités,
aux images, aux représentations, aux
rythmes et aux temporalités. C’est à travers
une telle démarche qu’il nous faut aborder
aujourd’hui la question de la reconstruction
des villes dans un monde globalisé. Une
démarche qui privilégie l’attention accordée
à la mémoire collective, fondement de
l’identité des groupes sociaux, la prise
en compte de la stratification historique
dans les processus de recomposition post-
conflits et la reconnaissance du patrimoine
partagé, pour permettre le renouement
du lien social, la mixité, la médiation et la
réconciliation.
Dossier Reconstruire à l’âge de la globalisation
Le partenariat de l’UNESCO et de la Banque mondiale :
formuler des politiques qui garantissent un avenir urbain durable
L’urbanisation, le changement climatique
et les conflits armés sont trois des principales
forces qui façonnent aujourd’hui le monde
urbain. En 2050, les villes accueilleront près
de 2,5 milliards de nouveaux citadins, et
les deux tiers de la population mondiale
vivront en zone urbaine. Chaque année,
nos villes intègrent entre 60 et 75 millions
de nouveaux résidents. La fréquence et
l’ampleur accrues des catastrophes d’origine
naturelle provoquent des pertes annuelles
moyennes d’environ 314 milliards de
dollars américains à l’échelle mondiale. La
majeure partie de ces pertes concernent les
zones urbaines, qui regroupent davantage
de personnes et de biens. Par ailleurs,
deux tiers des agglomérations urbaines
comptant plus de 5 millions d’habitants
se situent dans des zones côtières à basse
altitude. Autrement dit, près de 2 milliards
de personnes vivent aujourd’hui dans des
zones inondables. Par ailleurs, en 2016, on
a compté près de 65 millions de personnes
déplacées à l’intérieur de leur propre
pays pour fuir des conflits armés, parmi
lesquelles 21 millions sont aujourd’hui des
réfugiés dont plus de 60 % vivent dans des
villes. Dès lors, celles-ci doivent adapter
leur capacité d’assurer la croissance et la
mise en œuvre de services, d’emplois et
Village Hanok de Bukchon (République de Corée).
© Republic of Korea
16 Patrimoine Mondial Nº86
de moyens d’existence à l’intention de ces
afflux massifs de population.
Le changement climatique, les conflits
et l’urbanisation sauvage ont un effet
particulièrement négatif sur les villes
historiques et le patrimoine culturel qui sont
menacés par les inondations, l’élévation du
niveau de la mer, les guerres, les conflits
prolongés, la criminalité et la violence
urbaines, les développements non autorisés
et les empiétements non planifiés. La
publication de la Banque mondiale intitulée
Climate Change Risks for World Heritage
Cities (Risques que présente le changement
climatique pour les villes du patrimoine
mondial) (2014) évalue les multiples risques
auxquels sont confrontées les villes du
patrimoine mondial (glissements de terrain,
inondations, tremblements de terre et
cyclones) et propose un classement des
sites les plus vulnérables.
Supposons qu’un centre-ville historique
soit emporté par une inondation, anéanti
par un tremblement de terre ou détruit
par une guerre. Ces événements tragiques
auraient non seulement des conséquences
majeures en termes de perte d’identité
et de moyens de subsistance pour les
populations concernées, mais ils poseraient
également de grands défis en matière de
reconstruction et de recouvrement. Le
recouvrement d’une ville à la suite d’un
conflit armé ou d’une catastrophe naturelle
soulève, en effet, de vastes problèmes
en termes de planification, de mise en
œuvre, de coordination et de financement,
mais aussi en termes de préservation
du patrimoine. Car ce processus offre
également l’occasion unique de mieux
reconstruire, de corriger les erreurs du
passé, de renforcer la résilience des villes
et d’incorporer de meilleures pratiques
en matière d’aménagement du territoire,
d’infrastructure et de services. Dans le
même temps, il est essentiel de restaurer
et de renforcer la résilience du patrimoine
culturel, et de veiller à ce que la culture, et
le patrimoine culturel en particulier, servent
de base au recouvrement, notamment
dans les cas post-conflit, afin de soutenir
efficacement les processus de réconciliation,
de rétablissement de l’identité et de
renforcement de la cohésion sociale.
L’expérience nous a appris que la
culture, qui englobe à la fois le patrimoine
(matériel et immatériel) et les industries
créatives, constitue une importante source
de résilience et de recouvrement dans les
villes ayant subi des chocs ou des pressions
graves. La culture est la pierre angulaire

des villes. Elle fait partie intégrante de
leur identité et sous-tend leur dynamisme,
en cela qu’elles sont des centres de vie,
d’inclusion, de durabilité et de prospérité.
La conservation et la réutilisation
adaptative du tissu urbain historique
contribuent à améliorer la qualité de vie
des citoyens en renforçant leur sentiment
d’appartenance et la cohésion sociale, en
leur fournissant un environnement vivable,
en atténuant les risques d’urbanisation
sauvage, en encourageant le tourisme et les
investissements, et en créant des emplois.
Les industries culturelles et créatives sont
également un facteur de revitalisation
urbaine clé, car elles renforcent l’image des
villes et contribuent à leur développement
socio-économique, améliorant ainsi le
niveau de vie des habitants.
Au vu de l’importance de ce sujet, la
Banque mondiale et l’UNESCO ont démarré
en juillet 2017 la préparation d’un livre blanc
sur ‘le recouvrement, la reconstruction et
la culture : stratégies pour un avenir urbain
durable’. L’objectif de cet ouvrage est de
proposer un cadre efficace pour l’intégration
de la culture en tant que moteur et activateur
de reconstruction et de recouvrement
urbains, à la suite d’une catastrophe ou d’un
conflit. Ce cadre s’appuiera sur les structures
existantes, comme les 3P (People, Place,
Policies ou « populations, lieu et politiques »)
et reflètera le cycle de préparation des projets
Vieille ville de Sarajevo (Bosnie-Herzégovine).
© Erin Johnson
Directeur mondial du développement urbain et territorial, de la gestion des risques de catastrophes et de la résilience au
Pôle mondial d’expertise sur les questions sociales, urbaines, rurales et de résilience de la Banque mondiale, Washington, DC.
Place Botero, Medellin (Colombie).
© Santiago Vazquez
(planification, financement et mise en œuvre)
pour encourager le développement de villes
vertes, inclusives, résistantes et productives.
Ce livre blanc élargira aussi la perspective du
recouvrement, afin d’englober les chocs et
les pressions les plus graves (les catastrophes
et les conflits, mais aussi la dégradation
urbaine, les actes criminels et la violence). Il
se situera dans le contexte des dichotomies,
souvent mises en avant, qui existent entre
modernité et traditions (reconstruction
ou conservation). Des études de cas de
diverses villes ayant subi une reconstruction,
Dossier
un recouvrement et/ou une revitalisation
urbaine après une catastrophe ou un conflit,
comme Beyrouth, Tombouctou, Sarajevo,
Séoul, Tokyo ou Medellin, éclaireront ce
document, avec un accent particulier sur les
institutions, les règlements, l’engagement
des citoyens, les finances, les interventions
structurelles et non structurelles et certains
aspects pratiques liés à la mise en œuvre.
Une version provisoire de ce document sera
présentée à des fins de consultation lors de
la 9e session du Forum urbain mondial qui se
tiendra à Kuala Lumpur en février 2018, et
une version finale sera publiée et distribuée
en juin 2018.
Ce livre blanc conjoint est élaboré dans le
cadre du protocole d’accord (MoU) signé par
l’UNESCO et la Banque mondiale le 13 juillet
2017 afin de réaffirmer leur engagement
commun à promouvoir le développement
durable par un investissement, de manière
intégrée, dans la culture, le développement
urbain et la résilience. Ce protocole repose
sur le désir mutuel de ces deux institutions
de participer à des initiatives conjointes
dans le but de favoriser la compréhension
et la promotion du patrimoine culturel,
social et naturel, et d’atteindre les Objectifs
de développement durable, notamment du
point de vue de la protection du patrimoine
culturel et de la reconstruction des villes,
après des catastrophes et des conflits.
Sameh Wahba
Patrimoine Mondial Nº86 17
 L’Art rupestre du
bassin méditerranéen
PUBLIREPORTAGE
de la péninsule
ibérique
Grand cerf dans un style naturaliste (Cañaica del Calar, Murcie) © Miguel San Nicolás
De tous les sites d’art rupestre préhistorique inscrits au patrimoine
mondial, l’Art rupestre du bassin méditerranéen de la péninsule ibérique
renferme le plus grand nombre de scènes. Ce bien espagnol a été inscrit
sur la Liste du patrimoine mondial en 1998, après d’importants travaux
interdisciplinaires regroupant des chercheurs de différentes universités
et d’institutions gouvernementales de six régions.
Le site constitue le plus grand ensemble d’art rupestre en Europe
continentale. Il offre un portrait exceptionnel de la vie de l’homme à une
phase critique de son développement, de manière vivante et graphique,
dans des peintures uniques par leur style et leur sujet.
Les sites d’art rupestre préhistorique levantin se situent dans
les massifs montagneux côtiers et les terres intérieures du bassin
méditerranéen de la péninsule ibérique, sur plus de 1 000 km du littoral,
de la Catalogne à l’Andalousie. Le bien comprend 758 sites répartis à
travers six communautés autonomes – Andalousie, Aragon, Castille-La
Manche, Catalogne, Murcie et Valence – qui se trouvent dans des zones
rurales faiblement peuplées présentant une valeur importante sur le
plan écologique et paysager.
Les peintures sont à l’air libre, dans des abris sous roche peu profonds
dont elles ornent les parois frontales ou les plafonds, et présentent
certaines variations régionales. La zone septentrionale se caractérise
essentiellement par l’utilisation de figures zoomorphes naturalistes
seules et de figures humaines stylisées. Les zones du Maestrazgo et
de l’Èbre inférieur comportent des représentations de scènes de chasse
dynamiques et de combat. Les régions montagneuses de Cuenca et
d’Albarracín comportent des peintures de grands bovins rouges et
blancs, tandis que la vallée du Júcar et la région montagneuse avoisinante
présentent des scènes de chasse pleines d’action. Les peintures des
Orants macroschématiques (Plan Petracos, Alicante) © Generalitat Valenciana
Ensemble de taureaux en blanc (Prado del Nevazo, Teruel) © Miguel San Nicolás
régions de Safor et de La Marina (Valence et Alicante) retracent des
scènes de chasse et d’activités sociales, mais aucun combat, tandis
que le zoomorphisme prédomine dans le bassin du Segura (Albacete et
Murcie). Enfin, à l’est de l’Andalousie, dans la région de Los Vélez et sur
les contreforts de la Sierra Morena, les peintures représentent surtout
des figures zoomorphes.
Les figures représentées sont des silhouettes simples partiellement
colorées avec un pigment. Les couleurs prédominantes sont le rouge,
le noir et, plus rarement, le blanc. Les tracés délicats des lignes, d’une
épaisseur de 1 à 3 mm, ont été réalisés à l’aide de plumes d’oiseau ou
d’éléments d’origine végétale. Dans d’autres cas, les figures ont parfois
été remplies d’aplats de couleur.
Les scènes décrites sont les premières narrations de la Préhistoire
européenne. Elles nous donnent de précieuses indications sur les
communautés de l’époque et leurs activités, comme le piégeage et
le pistage d’animaux blessés, la cueillette, dont la collecte de miel,
une référence historique exceptionnelle à l’apiculture, ou le premier
témoignage de confrontations militaires organisées avec des combats et
des exécutions. Elles comprennent également de nombreuses scènes de
la vie quotidienne qui nous renseignent sur les vêtements et les ornements
personnels qui marquaient les différences sociales durant la Préhistoire,
ainsi que sur les rites funéraires et les scènes rituelles avec des sorciers,
une divinité féminine et des figures mixtes aux caractéristiques humaines
et animales (parmi les figures humaines, les archers, les femmes et les
enfants sont les sujets les plus souvent représentés). On trouve aussi des
figures zoomorphes, des objets et des motifs abstraits.
La faune indigène donne, par ailleurs, à ces régions la qualité
exceptionnelle d’un paysage intemporel, dans la mesure où ces lieux

Tête de cerf (Solana de las Covachas, Albacete) © Miguel San Nicolás
Paysage méditerranéen avec des abris sous roche
(Parc du Río Vero, Huesca) © Miguel San Nicolás
constituent les dernières réserves de certaines espèces animales
européennes menacées, comme l’aigle royal, l’aigle de Bonelli ou le
faucon pèlerin. On y trouve aussi les plus rares mammifères européens,
comme le lynx ibérique ou le bouquetin ibérique.
L’Art rupestre du bassin méditerranéen de la péninsule ibérique
constitue un document historique exceptionnel par sa grande variété.
Il fournit l’un des rares témoignages artistiques et documentaires
de la réalité socio-économique de la Préhistoire. Cet art se limite
exclusivement au bassin méditerranéen dans la péninsule Ibérique en
raison de la complexité des processus culturels dans cette région à la
fin de la Préhistoire, ainsi qu’à d’autres facteurs liés aux processus de
conservation, comme la nature des supports rocheux et des conditions
environnementales très particulières, et enfin à toute la gamme des
sujets décrits et des techniques employées.
Le bien a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial au titre du
critère (iii) car il constitue un ensemble de peintures pariétales de la fin
de la Préhistoire dans le bassin méditerranéen dans l’Est de l’Espagne,
renfermant le plus grand groupe de sites d’art rupestre d’Europe. Il offre
un portrait exceptionnel de la vie de l’homme durant une période clé de
l’évolution culturelle de l’humanité, principalement le Néolithique.
Ce bien possède clairement tous les éléments nécessaires pour incarner
sa valeur universelle exceptionnelle. La plupart des abris et des peintures,
ainsi que l’environnement naturel, sont en bon état de conservation.
L’intégrité matérielle de ces peintures est due en grande partie à la qualité
de leurs supports rocheux et aux conditions atmosphériques particulières
qui contribuent à leur conservation à l’air libre.
L’Art rupestre du bassin méditerranéen de la péninsule ibérique a
conservé un haut degré d’authenticité. Une étude de l’histoire de sa
Figure anthropomorphiques de l’art rupestre schématique
(Cueva de Los Letreros, Almería) ©Julián Martínez
Scène de chasse (Ermita de la Pietat, Tarragona)
©Miguel San Nicolás
découverte et de sa conservation révèle que les différentes peintures
n’ont fait l’objet d’aucune tentative de restauration. Leur authenticité est
donc irréfutable.
La protection des sites d’art rupestre en vertu de documents
juridiques spécifiques (comme la Loi sur l’aménagement du territoire
ou la Législation sur l’environnement) relève de la juridiction de
chaque communauté autonome. L’aménagement du territoire et
l’urbanisme ont inclus ces zones dans leurs inventaires de protection,
et les ont activement intégrées dans la planification de leurs ressources
territoriales. De même, l’accès du public est assuré dans la plupart des
sites.
Les communautés autonomes ont établi des plans de gestion
pour conserver et mettre en valeur leurs ensembles d’art rupestre.
Ces ensembles et leur patrimoine naturel et culturel – qui sont
indissociables de leur environnement –, sont essentiellement gérés par
des organismes publics (comme les Plans pour les espaces naturels, les
Parcs archéologiques ou les Parcs culturels).
www.arterupestre.es
Art rupestre du bassin méditerranéen de
la péninsule Ibérique
Inscrit sur la Liste du
patrimoine mondial en 1998
Dossier Mostar

La reconstruction
du Vieux pont
de Mostar
Amra Hadzimuhamedovic
Université internationale de Sarajevo
Directrice du Centre du patrimoine culturel, Forum international de Bosnie
Sarajevo, Bosnie-Herzégovine

Mounir Bouchenaki
Ancien Sous-Directeur général pour la culture de l’UNESCO

La ville historique de Mostar, nichée dans la profonde vallée de Neretva, est une ancienne ville frontière ottomane
qui s’est développée aux XVe et XVIe siècles, et durant la période austro-hongroise des XIXe et XXe siècles.
© Dom Crossley

20 Patrimoine Mondial Nº86

 Dossier

Patrimoine Mondial Nº86 21

Dossier Mostar
Lors des conflits des années 1990, la majeure partie de la ville historique et le Vieux pont, conçu par le célèbre architecte Sinan, ont été détruits.
© Jan Furstenborg
ostar est bien plus qu’un
beau paysage urbain.
Ce site a créé un précédent
en matière de stratégies
pour la paix, dans la façon
dont nous percevons aujourd’hui la paix
et la réconciliation, dans la façon dont
nous pouvons mobiliser notre patrimoine
commun pour favoriser la cohésion sociale,
l’inclusion, la propriété, la citoyenneté,
la participation. Irina Bokova, ancienne
Directrice générale de l’UNESCO, 2015
La destruction du Vieux pont de Mostar,
le 9 novembre 1993, marqua le début
d’une nouvelle ère en matière d’approche
du patrimoine. Les images du pont et de
ses morceaux s’effondrant dans la rivière
symbolisaient la destruction de milliers
de bâtiments, de villes et de villages de
Bosnie, et de l’ensemble de la région.
Plus important encore, le pont devint le
symbole officieux et universel de tous
les actes de destruction ayant frappé le
patrimoine à l’époque contemporaine.
22 Patrimoine Mondial Nº86
La destruction du Vieux pont de Mostar, le
9 novembre 1993, marqua le début d’une nouvelle
ère en matière d’approche du patrimoine.
Aujourd’hui, le site constitue une référence
essentielle pour toutes les discussions sur
le rôle de la reconstruction du patrimoine
endommagé ou détruit dans le cadre d’une
justice transitionnelle. Comment ce Vieux
pont est-il devenu un symbole si puissant
de la responsabilité de la communauté
internationale pour la protection du
patrimoine culturel durant les conflits
armés ?
Le projet de Soliman
La construction du pont fut ordonnée en
1557 par le Sultan Soliman le magnifique,
alors que l’architecte Sinan était maître
des bâtiments impériaux. Ce fait souligne
l’importance historique de cette structure,
avant même qu’elle ne soit érigée. L’ordre
du sultan précisait la forme et la longueur du
pont, et nommait Hajrudin, élève de Sinan,
à la tête des travaux. On pense aujourd’hui
qu’Hajrudin était d’origine bosniaque et que
sa connaissance de la langue locale facilita
le processus de construction. Le pont fut
achevé après neuf ans de travaux, l’année
de la mort du Sultan Soliman. Il se dressait
précisément à l’endroit où un pont en bois
suspendu reliait les tours médiévales à partir
du XVe siècle (Čar-Drnda, 2008).
Le Vieux pont est le centre névralgique de
la ville historique de Mostar. Il fait partie de
l’identité de la ville. En tant que point de
passage sur la rivière et que place publique,
il est à la fois un bâtiment civil et sacré.
Une pierre spécialement placée au sommet
de son arche sert d’appel à la prière à la

Le pont était flanqué de deux tours fortifiées, la tour Halebija sur la rive droite et la tour Tara sur la rive gauche, toutes deux datant du XVIIe siècle.
© Roger Nelson
mosquée construite sur son flanc gauche.
L’arche qui enjambe la rivière s’appuie
sur les versants rocheux du canyon, et
les structures en pierre des tours Tara et
Herceguša, sur sa gauche, et de la tour
Halebija sur sa droite, créent sans doute l’un
des paysages culturels les plus harmonieux
de l’histoire de l’architecture.
L’ordre du sultan stipulait également que
les rives de la Neretva soient reliées par un
pont en pierre à arche unique, à l’endroit
où l’envergure était de 46 arşın ou yards
ottomans. Il s’agit vraisemblablement du
site où se dressaient les murs de soutien
de l’ancien pont en bois du XVe siècle, que
remplaçait le Vieux pont. Selon Ž. Peković
(2006), Hajrudin utilisa probablement un
arşın de 75,77 cm en tant qu’unité de base
(Özdural, 1998). C’est à partir de cette
hypothèse que Peković élabora son étude
de la fascinante géométrie du Vieux pont,
et qu’il avança l’idée selon laquelle l’arche
était une section transversale régulière d’un
cercle de 39 arşın de diamètre. Le point
d’impact se situe 4 arşın en dessous de la
ligne de naissance de l’arc. La plupart des
éléments de pierre du pont, voûte comprise,
étaient taillés dans de la roche calcaire
oolithique locale à porosité élevée, capable
de résister à des forces de compression de
20 MPa (Čolak, 2013).
Une forte dimension
symbolique
Dès le début, l’utilisation habile des
matériaux, les techniques de construction
à la fois uniques et authentiques, la valeur
architecturale et esthétique et la place du
pont dans le paysage historique de la ville
contribuèrent à faire de ce site un symbole
hautement reconnaissable qui représentait
tout le potentiel de l’être humain et de
ses réalisations, au sein du patrimoine
bosniaque.
Ce n’est qu’après sa destruction – et le
processus mondial de prise de conscience
qu’elle engendra vis-à-vis de l’importance du
patrimoine pendant les périodes de guerre
Dossier
et après – que l’on comprit véritablement
le rôle symbolique que jouait le pont pour
aplanir les différences et unir les rives et les
communautés en conflit. Depuis, ses ruines
et sa reconstruction constituent l’exemple
le plus fréquemment cité d’un bâtiment
dont la perception a été transformée par
son contexte historique et social, pour offrir
de nouvelles strates de sens qui dépassent
ses valeurs précédentes.
Le Vieux pont fut menacé de destruction
pendant plus d’un an d’attaques
incessantes. Lorsque cette destruction
advint, elle choqua l’opinion publique locale
et internationale, et elle acquit aussitôt une
forte dimension symbolique. Deux jours
après l’attaque, le Directeur général de
l’UNESCO, Federico Mayor, fit la déclaration
suivante :
« [...] En le détruisant, les auteurs de cet
acte honteux tentent d’éradiquer l’histoire
d’un pays et de son peuple. Ils détruisent
les ponts de compréhension mutuelle
érigés par des gens de différentes origines,
Patrimoine Mondial Nº86 23
Dossier Mostar

religions et croyances qui avaient appris à

vivre ensemble en harmonie. »
De nombreuses déclarations d’effroi
et de condamnation furent enregistrées
à travers toute la région – à Mostar, dans
toute la Bosnie et jusqu’à Belgrade et
Zagreb. La destruction du Vieux pont créa
un mouvement de solidarité immédiat
envers les valeurs qu’avait incarnées cette
structure.
La Chambre de première instance du
Tribunal pénal international pour l’ex-
Yougoslavie (TPIY) émit son premier
jugement dans l’affaire contre Prlić et
consorts le 2 mai 2013, citant parmi les
crimes de guerre « l’offensive militaire
planifiée contre la vieille ville de Mostar, et
l’assaut du 8 novembre 1993 qui entraîna
la destruction du pont de Mostar ». Dans
son analyse, toutefois, J. Petrović nota
que « l’importance d’un bien culturel et
l’étendue de sa destruction soulignent la
Les travaux sur les fondations ont commencé en juin 2001, et les travaux de reconstruction, nécessité de donner aux biens culturels une
conformément aux méthodes de construction du XVIe siècle, ont été finalisés en 2002. place plus importante » dans les statuts du
© Jan Furstenborg
TPIY.

Ce n’est qu’après sa destruction que l’on La question de la

comprit véritablement le rôle symbolique que reconstruction
jouait le pont pour aplanir les différences et Le principe de reconstruction fut
unir les rives et les communautés en conflit. immédiatement suggéré comme outil de
justice transitionnelle, à travers l’appel lancé
par l’UNESCO le 10 mars 1994 pour « la
Reconstruction de Stari Most ». Le Premier
ministre bosniaque de l’époque, M. Haris
Silajdžić, déclara qu’il espérait que « le
lancement de cette campagne serait une
nouvelle étape vers le rétablissement de la
paix dans la région ».
La question de la reconstruction du pont
fit l’objet de nombreuses consultations
entre la Division du patrimoine culturel de
l’UNESCO et des experts bosniaques.
Le large éventail de possibilités
d’interprétation autorisées par la Charte
de Venise, le texte programmatique le
plus couramment cité, soulevait un certain
nombre de points à examiner dans le cadre
de la reconstruction du vieux pont, dont
notamment :
Les dispositions relatives aux sites
archéologiques s’appliquent-elles directe-
ment dans le cas de biens culturels
endommagés ou détruits pendant la guerre
étant donné que l’article 15 de la Charte
Le pont était constitué d’une arche en dos d’âne de 27 m d’ouverture, de 4 m de large et de Venise interdit toute reconstruction de
de 30 m de long. Il se trouvait à 20 m au-dessus du niveau d’eau maximal en été. sites archéologiques fouillés à l’exception
© Jan Furstenborg

24 Patrimoine Mondial Nº86


Le Vieux pont a contribué à renforcer le développement et la prospérité de la ville.
© Ronan Shenhav
de l’anastylose (réassemblage des éléments
architecturaux d’origine) ?
La reconstruction d’un monument
endommagé ou détruit pendant un
conflit armé répond-elle à la définition de
la restauration en vertu de l’article 9 de
la Charte de Venise, si elle « respecte les
matériaux et les documents originaux et
cesse là où commence la conjecture » ?
Dans le cadre du débat sur l’authenticité
qui suit inévitablement toute tentative de
reconstruction, l’article 13 du Document
de Nara apporte un élément de réponse à
la demande d’authenticité, en se focalisant
sur l’authenticité relative et contextuelle de
chaque site.
Ces discussions sont parfaitement
résumées dans la déclaration d’André de
Naeyer (1982) :
« L’étude de projets issus de la
reconstruction et des controverses qu’ils
ont soulevées indique que dans le domaine
de la conservation des monuments, comme
en politique, il est souvent nécessaire de
trouver un compromis entre ce qui est
souhaitable, ce qui est acceptable et ce qui
est réalisable. »
Les propositions découlant de ces
discussions d’experts comprenaient la
conservation et la préservation des ruines
en tant que mémorial, la reproduction de la
forme du pont en matériaux contemporains
et la création d’une réplique proche, ou à
l’identique, du Vieux pont.
Comme l’ont souligné M. Armaly, C. Blasi
et L. Hannah (2004) « l’objectif conceptuel
de la reconstruction était de bâtir de
nouvelles structures similaires au pont
détruit ».
Andrea Bruno offre l’explication suivante
pour sa proposition :
« J’ai proposé de ne pas reconstruire le
pont à l’identique, mais de garder les parties
restantes afin de montrer que le patrimoine
ne peut jamais être détruit. J’ai reproduit la
forme originale du pont avec une structure
métallique. J’ai également conservé le petit
pont construit immédiatement après la
destruction pour permettre aux habitants
de continuer à traverser la rivière. Ainsi, il
était possible de voir dans un même temps
trois différentes phases : le pont original
détruit, le pont préliminaire et la structure
métallique du projet proposé. C’était un
Dossier
rappel d’actes qui ne devraient jamais être
commis. » (T. Rigauts et M. Rochez, 2015).
Les habitants de Mostar et de Bosnie
réclamèrent toutefois la reconstruction
complète du pont à l’endroit où il s’était
dressé, avec la même forme et les mêmes
matériaux qu’à l’origine. Pour eux, cette
forme de reconstruction symbolisait le
rétablissement des valeurs profanées.
La phase de reconstruction
et de restauration
Le projet de reconstruction du Vieux
pont, et de restauration de ses structures
environnantes et des quartiers historiques
fut lancé à Paris le 30 juillet 1998, avec
l’annonce d’un partenariat entre l’UNESCO,
la Banque mondiale et la ville de Mostar. Un
Comité scientifique de l’UNESCO, une unité
de mise en œuvre du projet composée de
fonctionnaires locaux et financée par la
Banque mondiale, et un fonds d’affectation
spéciale à plusieurs donateurs furent mis
en place dans le cadre de la Fondation
internationale Stari Most, spécifiquement
constituée dans ce but. Les travaux
débutèrent en 1999 et furent en grande
Patrimoine Mondial Nº86 25
Dossier Mostar

Les rues de la vieille ville de Mostar donnent sur la Neretva.

© Tony Bowden

partie achevés au début de l’année 2004.
Le Comité scientifique présidé par feu
Léon Pressouyre s’est réuni tous les six
mois de 2001 à 2004, afin de superviser les
travaux de conception et de reconstruction.
La reconstruction du Vieux pont et de
ses environs se fondait sur des recherches
approfondies et une documentation de
grande qualité préparée par le Groupe de
travail technique de Florence (les auteurs
du projet de reconstruction) et Omega
Engineering de Dubrovnik (les superviseurs
sous contrat).
Les blocs de pierre furent découpés
dans la carrière locale utilisée 500 ans
auparavant pour construire le pont
original. La destruction du bâtiment permit
d’effectuer des recherches archéologiques
afin de mieux comprendre les détails
structurels et l’anatomie du pont d’origine.
Tous les résultats de ces recherches ont été
publiés. Une couche excavée de structures
médiévales ainsi que des fragments du pont
détruit furent exposés afin de préserver la
mémoire complexe et multistrates du site.
Le Quartier du Vieux pont de la vieille
ville de Mostar a été inscrit sur la Liste
du patrimoine mondial en juillet 2005,
« soulignant les efforts illimités de la solidarité
humaine pour la paix et une coopération
solide face à des situations catastrophiques
écrasantes. » (Décision 29 COM 8B.49 du
Comité du patrimoine mondial).

Sources
Bokova, Irina. 3 juillet 2015. Discours prononcé à l’occasion du 10e anniversaire de l’inscription du Vieux pont de Mostar sur la Liste
du patrimoine mondial. Mostar. UNESCO DG/2015/132
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Özdural, Alpay. 1998. L’arsin de Sinan. Une enquête sur la métrologie architecturale ottomane. Muqarnas XV : Un rapport annuel sur
la culture visuelle du monde islamique. Gülru Necipoglu, éd. Leiden, E.J. Brill, pp. 101-115.
Peković, Željko. 2006. Geometrija Starog mosta u Mostaru i mjerni sustav u kojem je građen. Prostor: znanstveni časopis za arhitekturu
i urbanizam, 14 (1(31)). pp. 35-41. Hrcak.srce.hr/10713
Čolak, Ivan. Juin 2013. Kratki prikaz revitalizacije lokaliteta Starog mosta. Collection électronique des documents de la faculté de
génie civil. Numéro 5, Mostar, pp. 24-32.
Petrović, Jadranka. 2012. Le Vieux pont de Mostar et le respect croissant pour les biens culturels dans les conflits armés. Leiden-
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De Naeyer, André. 1982. La Reconstruction des monuments et des sites en Belgique après la Première Guerre mondiale. ICOMOS/
Monumentum 21, 22, 23, pp. 167-187.
Armaly, Maha ; Blasi, Carlo ; Hannah, Lawrence. 2004. Stari Most : reconstruire au-delà du pont historique de Mostar. Museum
international LVI, 4/224, pp. 6-17.
Rigauts, Thomas et Rochez, Maud. « Entretien avec Andrea Bruno, 10 novembre 2014. » Bulletin de RLICC. Numéro 15.
Printemps 2015, p. 40.
Groupe de travail technique, Stari most. Réhabilitation conceptuelle du Vieux pont de Mostar, http://www.mostarbridge.org/
starimost/00_main/main.html

26 Patrimoine Mondial Nº86

 LES PLAGES DU DÉBARQUEMENT
PUBLIREPORTAGE
Normandie, 1944
À l’approche du 75e anniversaire du Débarquement et de
la Bataille de Normandie, le paysage culturel Les Plages
du Débarquement, Normandie, 1944 est proposé pour
l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial.
Les Plages du Débarquement ont été le théâtre de
l’opération Neptune, première phase de l’opération Overlord
déclenchée le 6 juin 1944 sur les côtes normandes. Destinée
à ouvrir un nouveau front à l’ouest de l’Europe face aux
troupes du IIIe Reich, celle-ci va conduire à la libération
de l’Europe occidentale et à la fin de la Seconde Guerre
mondiale en Europe.
Gardant les traces de cet épisode historique décisif, Les
Plages du Débarquement, Normandie, 1944 sont devenues
un lieu de mémoire et de rassemblement autour d’un message
universel : le combat pour la liberté et pour la paix. Le bien
proposé constitue aussi un paysage culturel relique, au sens
du témoignage laissé par l’événement du Débarquement, et
un paysage culturel associatif, au sens de l’association à ce
lieu de valeurs symboliques exceptionnelles.
Les Plages du Débarquement comprennent l’ensemble du
rivage de la Manche sur lequel eurent lieu les opérations de
débarquement à compter du 6 juin 1944 : une bande maritime
continue d’environ 80 km. Le bien comporte plus précisément
un vaste espace maritime, proposé comme zone archéologique
sous-marine, et huit aires terrestres en contiguïté avec l’aire
maritime, soit d’est en ouest : Utah Beach, la Pointe du Hoc,
Omaha Beach, la batterie de Longues-sur-Mer, le port artificiel
dit Mulberry B, Gold Beach, Juno Beach et Sword Beach.
Ces sites possèdent de nombreux attributs matériels :
• les vestiges du système défensif réalisé sous le nom de
« Mur de l’Atlantique »,
• les traces des aménagements pour l’offensive, tout particu-
lièrement l’ouvrage unique que fut le port artificiel dit Mulberry B,
• les vestiges sous-marins,
• les autres marques laissées par l’affrontement dans le
paysage,
• les éléments mémoriels, et tout particulièrement des
cimetières militaires.
Port artificiel - Arromanches-Les-Bains - © Région Normandie - Manuel de Rugy

Les Plages comportent également des caractéristiques
immatérielles : elles sont devenues un lieu de rassemblement
mondial autour d’un événement unanimement reconnu par
tous comme ayant permis le retour de la liberté et annonciateur
d’une paix durable, confortée par la réconciliation entre
anciens belligérants.
Des sites symboles de liberté et de paix
L’ensemble de ces attributs véhicule, selon la proposition
d’inscription, la valeur universelle exceptionnelle du bien
selon deux axes majeurs. D’une part, le bien offre un exemple
éminent de la confrontation entre deux systèmes, défensif et
offensif. Le paysage des Plages du Débarquement illustre
aussi, par la présence de vestiges préservés, de cimetières
Événement de soutien à la proposition d’inscription – Juno Beach - © O Vidéo Studio
militaires et de monuments mémoriels, la volonté immédiate
de transmettre la signification de l’événement. D’autre
part, Les Plages du Débarquement sont le lieu d’un assaut
longuement attendu par les peuples occupés, mené au nom
des idéaux de liberté et de paix, et dont le retentissement a
immédiatement été analysé comme majeur, y compris dans
les lieux d’oppression qu’étaient les camps de concentration.
L’événement a suscité un tel espoir qu’il prend valeur de
signal de liberté en marche. En outre, il illustre comment
l’alliance de nations unies dans un combat dont aucun État
n’a pu seul se prévaloir, peut engendrer une paix durable.
Ce dossier déposé par la France a été élaboré par
la Région Normandie. Il est le résultat d’une démarche
partenariale qui a associé les très nombreux acteurs du
territoire concerné.
Dossier Le patrimoine syrien

Reconstruction du
patrimoine syrien :
repenser le passé
et l’avenir
Anas Soufan
Architecte et historien de l’art
Conseiller pour l’ICOMOS

La cour de la Grande Mosquée d’Alep en janvier 2017.

© UNESCO

30 Patrimoine Mondial Nº86

 Dossier

Patrimoine Mondial Nº86 31

Dossier Le patrimoine syrien
Mosquée des Omeyyades à Damas, 2010.
© Magnus Halsnes
otre époque actuelle est
dominée par la responsabilité
de réécrire et de repenser le
passé et l’avenir. Cet article
considère que l’apparition du
terme « patrimoine » dans la littérature
syrienne de la seconde moitié du XIXe siècle
prend racine dans le contexte politique
de l’Empire ottoman. À travers ce terme,
les pionniers de la période an-Nahda – la
Renaissance arabe – souhaitaient confirmer
l’identité arabe ou syrienne de leur(s) terre(s)
natale(s) face à la montée en puissance des
Ottomans. C’est ainsi que la splendeur de la
civilisation arabe façonna le principal pilier
théorique de la plupart des mouvements
sociopolitiques de Syrie, depuis le milieu
du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Toutefois,
la division des Syriens quant à la définition
de « bonne » société a conduit à plusieurs
interprétations du patrimoine et, en
conséquence, à des lectures multiples de
l’étendue, des priorités et des objectifs
de sa reconstruction post-conflit. Cette
situation évolue lorsqu’une union spirituelle
persistante prend le dessus sur les identités
ethniques et religieuses.
32 Patrimoine Mondial Nº86
L’évolution du patrimoine
Face à l’intensification des divisions
socio-politiques durant la crise actuelle, la
perception du patrimoine en tant que fruit
de l’interaction de la raison, de la mémoire et
de l’imagination est devenue controversée.
Depuis 2011, le patrimoine syrien a été soumis
à différents types d’annihilation basés sur
des fondements pratiques et idéologiques.
Dans un même temps, certains monuments,
objets d’art et sites archéologiques ont
été protégés par le gouvernement syrien
ainsi que par des organisations populaires
s’inscrivant dans la plupart des tendances
socio-politiques. Par ailleurs, un processus
de reconstruction est en cours sous la
supervision du gouvernement syrien.
Quel type de reconstruction les Syriens
recherchent-ils pour leurs monuments et
leurs sites historiques ? Quelle reconstruction
sont-ils en mesure d’entreprendre et quelles
conséquences peuvent-ils tolérer ? Ces
questions sont au cœur d’un débat multiforme
axé sur quatre approches principales : la
dimension juridico-étymologique, la dimension
contextuelle, la dimension philosophique
et la dimension humaine et culturelle.
Inévitablement, de nombreux dilemmes liés
à ce débat seront impossibles à résoudre,
et la reconstruction du patrimoine syrien
endommagé ne répondra donc pas
parfaitement aux attentes de tous les Syriens.
Ce document tente de combler les
lacunes qui existent et de traiter les thèmes
de ce débat. Il fournit un cadre théorique
qui pourra servir aux décideurs politiques
qui reconnaissent à quel point il est difficile
d’aborder l’aspect immatériel du patrimoine
face aux limites de ce débat.
Le débat sur la reconstruction
Le redressement du pays dans la période
post-conflit implique une reconstruction
exhaustive. La motivation peut être
politique ou pratique, elle peut prendre
la forme d’un sentiment de défiance à
l’encontre des agresseurs ou la volonté de
renouer avec l’époque antérieure au conflit.
Ce processus peut être mis en œuvre selon
quatre approches principales :
La première approche est normative
et liée de manière étymologique aux
appellations, formes, limites et définitions

Vue depuis la citadelle d’Alep en 2010.
© Anas Soufan
juridiques de la reconstruction des biens
historiques. Naturellement, la reconstruction
a toujours été entreprise en temps de
paix, à divers degrés, dans un souci de
conservation, que l’on appelle aussi parfois
« réaménagement » ou « restauration ». La
définition de la reconstruction post-conflit
suscite un vif intérêt et doit avoir une portée
globale, tout en tenant compte de la valeur
universelle exceptionnelle des monuments,
régions et sites concernés. Elle doit avant
tout pouvoir inclure le repositionnement
juridique des biens reconstruits ainsi que
la façon dont ceux-ci pourraient rester
susceptibles ou devenir susceptibles d’être
inscrits sur la Liste du patrimoine mondial.
S’agissant des cas de la Syrie et du Moyen-
Orient, les documents internationaux
correspondants ne répondaient pas à
certains aspects de ce questionnement, en
raison de leur nouveauté.
La Charte de Venise omet, par exemple,
d’aborder la question de la reconstruction
urbaine à grande échelle, peut-être car
elle fut discutée et promulguée durant une
période de paix relative. Son Article 12
évoque le « remplacement de parties
manquantes », sans toutefois préciser si ces
« parties » font référence à un monument
ou à un site dans son ensemble. La Charte
de Riga propose, quant à elle, une définition
directe de la reconstruction, en soulignant
qu’elle est « évocation, interprétation,
restauration ou reproduction d’une forme
antérieure ». D’autres documents placent
la reconstruction dans un contexte plus
large associé au processus de conservation.
Selon le Document de Nara, la conservation
« comprend toutes les opérations qui visent
à comprendre une œuvre, à connaître son
histoire et sa signification, à assurer sa
sauvegarde matérielle et, éventuellement
sa restauration et sa mise en valeur ».
Dans ce cadre, le Document de Nara a
montré comment les niveaux acceptables
d’authenticité peuvent évoluer au fil
du temps en fonction des événements,
des besoins des communautés ou de la
mémoire collective. Selon l’Article 86 des
Orientations devant guider la mise en œuvre
de la Convention du patrimoine mondial,
« La reconstruction n’est acceptable que
si elle s’appuie sur une documentation
complète et détaillée et n’est aucunement
Dossier
conjecturale. » Or ces Orientations ne
précisent pas le cadre temporel de la
documentation à utiliser et ne citent pas
non plus les normes permettant d’évaluer
la crédibilité des « sources d’information »
indiquées à l’Article 81.
Ces exemples illustrent la nécessité de
reconsidérer l’applicabilité de certains
termes et notions dans les documents
ci-dessus. Dans le cas contraire, il sera
nécessaire de constituer, comme nous
le proposions dès 2015, un nouveau
document international – une Charte –
visant à définir des normes correspondant
aux défis spécifiques du patrimoine au
XXI e siècle. Dans ce contexte, il sera aussi
pertinent de savoir comment la nouvelle
loi syrienne sur les antiquités traitera les
questions normatives internationales.
La deuxième approche du débat sur la
reconstruction est contextuelle et concerne
les priorités des reconstructions ainsi que
les formes et la conception du patrimoine
reconstruit : quel passé les Syriens veulent-
ils rétablir ? Quels sont les éléments précieux
qu’il faut préserver et lesquels peuvent être
Patrimoine Mondial Nº86 33
Dossier Le patrimoine syrien
oubliés ? Qui a la légitimité de prendre cette
décision, et selon quelles normes ? En fait,
les priorités des reconstructions peuvent
être déterminées selon trois facteurs
principaux.
Le premier facteur est le degré de la perte.
Les aspects techniques de la reconstruction
des monuments totalement anéantis sont-
ils comparables à ceux des monuments
dont seuls quelques restes subsistent ? Le
deuxième facteur est la superposition d’une
ou de plusieurs couches archéologiques.
Le vaste projet archéologique de la ville de
Beyrouth, dans les années 1990, illustre bien
ce point. Comme l’a souligné Nasser Rabbat,
les fouilles de Beyrouth apportèrent non
seulement de remarquables découvertes
archéologiques, mais aussi des défis
intellectuels et procéduraux, ainsi que des
orientations pour guider les prochaines
études et analyses.
Le troisième facteur est l’utilité de la
commémoration du patrimoine conservé.
Rodney Harrison souligne que « le processus
de l’oubli fait partie intégrante du souvenir,
dans la mesure où il est impossible de former
correctement de nouveaux souvenirs et de
leur accorder une valeur sans sélectionner
dans un même temps certaines choses à
oublier. » Adrian Forty et Suzan Kuchler ont,
quant à eux, souligné le fait que l’existence
physique d’un monument peut produire
un mode de souvenir collectif particulier
qui façonne la perception du passé dans
le cadre d’une forme culturelle partagée
de la mémoire. Caroline Nagel regrette
que la partie reconstruite du centre-ville de
Beyrouth ne comporte aucun monument
public dédié au souvenir de la guerre civile ou
à ses victimes. Si les sites et les monuments
historiques sont principalement considérés
comme des lieux qui ravivent la mémoire
collective de ce qui repose davantage
sur l’imagination que sur la vérité, quelle
forme de commémoration les Syriens
invoqueraient-ils dans le cas de monuments
ou de sites fortement endommagés ou
complètement détruits ? S’agirait-il de
l’aspect physique des monuments, de leur
symbole métaphysique, de leurs techniques
virtuelles, du vide, de la conservation des
fragments des bâtiments, d’une approche
de « table rase » ou d’autres solutions ?
Il est indéniable que les éléments tels
que les formes, la conception, la relation
compensatrice qu’entretient le monument
34 Patrimoine Mondial Nº86
Dégâts au Crac des Chevaliers, mars 2014.
© DGAM
ou le quartier historique reconstruit avec
l’environnement urbain au sens large jouent
un rôle majeur dans l’acceptation ou le rejet
des Syriens. Dans ce contexte, il est pertinent
de souligner certains concepts remarquables
tels que le rôle éthique de l’architecture
comme le précise Karsten Harries, ou le lien
inextricable des formes sociales et matérielles
de reconstruction décrit par Hashim Sarkis et
Peter Rowe (illustrant la reconstruction de
Beyrouth dans les années 1990).
La troisième approche du débat sur la
reconstruction est d’ordre philosophique et
se réfère au dilemme de la reconstruction
et de l’authenticité, ou de l’original et de la
copie. Selon Jukka Jokilehto, trois facteurs
constituent des « tests d’authenticité »
pour l’architecture historique : la qualité
authentique de la créativité humaine ;
la représentation fidèle de la tradition
culturelle ou d’un type représentatif ;
et une association vérifiable avec un
échange d’idées ou de valeurs. Afīf Bahnasi
souligne que l’authenticité est un principe
et une conviction fondés sur une réflexion
nationaliste qui atteste de l’identité arabe et
légitime le travail d’un artiste pour servir les
intérêts de la nation. En revanche, Aziz al-
Azmah compare le principe de l’authenticité
à l’orientalisme, voire à un semi-salafisme, et
se méfie de la faisabilité et de la pertinence
de la restauration de formes historiques
passées pour les ancrer dans le présent.
Dans le domaine de la conservation, le
développement continu d’un monument
ou d’un quartier implique l’utilisation
de matériaux a priori inappropriés dans
le cadre d’activités de maintenance
régulières sur de longues périodes de
temps. L’introduction de matériaux et de
techniques de construction industriels en
Syrie dès 1860 a accentué ce phénomène.
Henry Cleere questionne le fait que ces
« intrusions » puissent être considérées
comme ayant une importance historique
qui leur est propre. Là encore, la question de
la reconnaissance de l’évolution organique
naturelle d’un bâtiment ou d’un site pose
les bases d’une importante discussion.
Quoi qu’il en soit, après reconstruction,
l’« authenticité révisée » des monuments
et des sites historiques influencera leur
interprétation et aura naturellement des
conséquences importantes sur la pertinence
et la commémoration.
La dernière approche du débat sur la
reconstruction est humaine et culturelle.
Elle concerne les communautés locales,
les utilisateurs, les observateurs, les
professionnels du patrimoine et leurs
cadres culturels. Dans ce contexte, il faut se
demander comment préserver l’authenticité
culturelle d’un quartier historique, sachant
que sa composante humaine ne pourra
jamais être récupérée puisque des milliers
de personnes ont été tuées et déplacées. La
reconstruction du quartier de Bab Touma à
Damas, après les incidents de 1860, montre
à quel point la mémoire collective tragique
s’efface à la fois en raison du temps qui passe
et en raison de la participation des habitants
aux travaux de reconstruction. Samir Khalaf
 Dossier

Amphithéâtre de Bosra, 2009. Image insérée : dégâts à la cour adjacente à l’amphithéâtre, décembre 2015.
© NeferTiyi / © DGAM

Patrimoine Mondial Nº86 35

Dossier Le patrimoine syrien
précise justement qu’il est important pour
les citoyens de participer à la sauvegarde,
à la réparation et à l’enrichissement de leur
espace. Il décrit ces tâches comme « des
droits humains fondamentaux, des besoins
presque universels ».
Dans un monde qui subit de plus en
plus les forces de la mondialisation et
de l’homogénéisation, quel lien unit
l’authenticité recherchée et l’identité des
professionnels chargés de la reconstruction ?
La réponse à cette question repose
essentiellement sur des préoccupations
culturelles. Par exemple, la valeur culturelle
d’un quartier s’exprime à travers sa forme
et sa conception, ses matériaux et ses
substances, son utilisation et sa fonction,
ses traditions, ses techniques, sa gestion,
son emplacement et son cadre, sa langue,
les formes de son patrimoine immatériel,
son esprit et ses sentiments ainsi que
d’autres facteurs internes et externes.
Il est évident que les années de crise
ont affecté, ou plutôt dévasté, l’équilibre
de ces éléments dans certaines régions
syriennes. La reconstruction des quartiers
historiques devrait-elle rétablir cet équilibre
ou en constituer un autre correspondant
Le Crac des Chevaliers en septembre 2010.
© Yeowatzup
36 Patrimoine Mondial Nº86
au contexte de la période post-conflit ?
Sachant que l’histoire d’une œuvre d’art
(ou d’un bâtiment) est tout aussi liée à la
définition de cette œuvre qu’à sa création
et aux intentions originales de ses créateurs,
et que notre perception des objets leur
attribue certaines valeurs, le patrimoine
reconstruit a un rôle d’amélioration ou de
réduction de la valeur culturelle des biens
concernés. Les stratégies de reconstruction
devront décider de l’option qui prévaudra.
Authenticité et signification
La reconstruction post-conflit des
monuments et des sites historiques
touchés nécessite beaucoup de réflexions
préparatoires à la fois systématiques et
théoriques. Le gouvernement syrien doit
organiser ces initiatives afin de produire
un plan global détaillé des travaux de
reconstruction acceptés par les Syriens.
Ces efforts multidisciplinaires doivent
être coordonnés avec des organisations
internationales connexes et bénéficier de
leur soutien.
La reconstruction du patrimoine syrien est
un processus continu et permanent qui ne
peut être réalisé d’un seul trait. Ses progrès
sont entravés par certaines ruptures comme
la crise actuelle. Pendant la première moitié
du XXe siècle, le processus de fabrication
du patrimoine a consolidé la construction
de l’État syrien. Il a également contribué
à l’élaboration d’une architecture locale
spécifique qui soutenait le rapprochement
culturel de rivaux sociopolitiques syriens.
La reconstruction des zones historiques
affectées sera une force de relance pour
l’économie syrienne dans la période post-
conflit. Elle mettra en évidence le rôle créatif
de la revitalisation, libérant de nouvelles
énergies à travers lesquelles les Syriens
exprimeront leur créativité non seulement
en repensant leur environnement urbain
et architectural, mais aussi en remodelant
leur avenir en fonction de la manière dont
ils comprennent leur passé.
Bien que la reconstruction soit l’occasion
de développer l’environnement urbain et
architectural syrien, elle n’est pas toujours
une solution recommandable ou la meilleure
des options. La reconstruction n’est peut-
être pas en contradiction avec l’authenticité,
mais elle est peut-être en contradiction avec
l’importance patrimoniale.
 Dossier
Façade sud de l’église Saint-Siméon, élément du site du patrimoine mondial des Villages antiques du Nord de la Syrie, en 2008 (avant le conflit).
© Thomas Stellmach

Sources
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Monuments Fund. Londres, 18 novembre 2015.
Al-Azmah, A. 1990. al-Turath bayn as-sultan wal tarikh (Heritage between the Sultan and the history). Dar at-tali’ah, Beyrouth.
Bahnassi, A. 1979. Jamāliyyat al-fan al-‘arabi. ‘Ālam al-ma’rifah, Koweït.
Cleer, H. L’évaluation de l’authenticité dans le cadre de la Convention du patrimoine mondial. Délibérations de la Conférence de Nara
sur l’authenticité. Larsen, K.E., éd. Centre du patrimoine mondial et al.
Déclaration de la fondation de l’État syrien, 7 mars 1920 ; Déclaration de mandat sur la Syrie et le Liban de 1920 ; Introduction de la
Constitution de 1950 ; 1973 et de 2012.
Forty, A. et Kuchler. S. 2001. L’Art de l’oubli. Bloomsbury Academic.
Harries, K. 1997. La fonction éthique de l’architecture. MIT Press.
Harrison, R. 2013. Oublier pour se souvenir, se souvenir pour oublier : pratiques du patrimoine moderne tardif, durabilité et « crise »
de l’accumulation du passé. International Journal of Heritage Studies, Vol. 19, Nº 6.
Jokilehto, J. 1995. Points de vue : le débat sur l’authenticité. Newsletter N° 21 de l’ICCROM
Jokilehto, J. et King, J. 2000. Authenticité et intégrité : synthèse de l’exposé de principe de l’ICCROM, http://whc.unesco.org/en/events/443
Nagel, C. 2002. Espace de reconstruction, recréer la mémoire : politiques sectaires et développement urbain dans le Beyrouth d’après-
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Rowe, P. and Sarkis, H. (sous la dir. de). 1998. Projections pour Beyrouth, épisodes de la construction et de la reconstruction d’une
ville moderne, Prestel.
Soufan, A. 2015. Aperçu historiographique de la reconstruction post-conflit en Syrie : du milieu du XIXe siècle à la crise de 2011, Centre
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Thomson, R.G. 2008. Authenticité et reconstruction des lieux historiques après les conflits. CRM : The Journal of Heritage Stewardship.
US National Parks Service. https://www.nps.gov/crmjournal/Winter2008/article4.html

Patrimoine Mondial Nº86 37

PUBLIREPORTAGE
LUGO
Les maisons d’arrêt sont généralement des lieux qui visent
à réhabiliter les détenus qu’elles abritent, mais ce principe
peut-il aussi s’appliquer aux bâtiments ? La réponse est
clairement oui, comme le montre la ville de Lugo, dans le
nord-ouest de l’Espagne, où l’ancienne prison d’O Vello
Cárcere a été reconvertie en centre social et culturel.
Cette structure panoptique, conçue par Nemesio Cobreros
en 1878 et typique des prisons de l’époque, permettait à un
gardien logé dans une tour centrale de surveiller tous les
prisonniers enfermés dans des cellules individuelles, sans
que ces derniers puissent savoir s’ils étaient observés.
Initialement construit pour accueillir 180 détenus, le site
abritait 1 000 prisonniers dans les années 1930, au début de
Rez-de-chaussée Premier étage
UNE PRISON DEVENUE
CENTRE CULTUREL
la dictature de Franco. Beaucoup de ces personnes étaient
des prisonniers politiques qui furent torturés et emprisonnés
dans des conditions inhumaines et insalubres. Une cellule de
30 m contenait généralement jusqu’à 45 hommes.
La prison ferma définitivement ses portes en 1981, et le
bâtiment fut utilisé à diverses fins. Il subit de nombreuses
transformations, dont l’occupation et la compartimentation
de ses patios extérieurs.
Après avoir remporté un concours, les architectes
CREUSeCARRASCO ont entrepris en 2009 un vaste
projet de rénovation du bâtiment, qui incluait des
fouilles archéologiques et la réparation des structures
endommagées. Le nouveau centre a été inauguré en 2017.
Deuxième étage
 Situation
Les architectes choisirent de mettre en valeur la structure
du bâtiment en optimisant son étonnant espace intérieur, et
en l’intégrant à la ville pour permettre aux passants de venir
y flâner librement afin de se rencontrer, de discuter ou de
se cultiver. Leur objectif était de redonner vie à cet édifice
en générant de l’activité et de l’empathie et de transformer
sa vocation initiale en une force de communication et
d’expression unique en son genre.
Durant le processus de rénovation, l’équipe mit au jour de
fascinants éléments, comme une magnifique poutre de
Polonceau et une structure voûtée dans la partie centrale.
Une nouvelle structure en bois a été construite dans
le hall d’entrée, dernière partie du bâtiment à avoir été
Troisième étage
transformée, afin d’abriter un auditorium, une bibliothèque
et une cafétéria.
L’accès a été repensé pour permettre à tous les visiteurs
d’atteindre les différentes parties de l’édifice tout en
offrant à chaque partie un certain degré de séparation, non
seulement à chaque bâtiment mais aussi aux principaux
espaces collectifs tels que l’auditorium, la bibliothèque,
le restaurant-terrasse, la salle polyvalente, les salles de
séminaire et la salle de cinéma. Chaque espace est tourné
vers l’extérieur, et donc relié à la ville.
Pour souligner ce lien, deux nouvelles entrées, dont une
passerelle dotée d’un portique, relient le bâtiment et les rues
avoisinantes, et créent de nouveaux espaces publics.
Ce projet de réhabilitation, qui reflète les efforts de l’équipe,
a permis de transformer un bâtiment chargé de sombres
souvenirs et d’histoires cachés, pour offrir aux habitants de
Lugo un espace culturel moderne et dynamique.
CONCELLO DE LUGO
Praza Maior, 1, 27001 Lugo - Espagne
www.lugo.es
Dossier Bâmiyân

Les Bouddhas
de Bâmiyân
La question de la
reconstruction
Contributions de
Junhi Han
Spécialiste du programme, Unité Asie pacifique, Centre du patrimoine mondial
de l’UNESCO

Mohammad Rasoul Bawary

Ministre par intérim, Ministère de l’Information et de la Culture, Afghanistan

Andrea Bruno
Architecte et consultant auprès de l’UNESCO

Bâmiyân (Afghanistan), 1975.

© Pierre Le Bigos

40 Patrimoine Mondial Nº86

 Dossier

Patrimoine Mondial Nº86 41

E
Dossier Bâmiyân

n mars 2001, le monde

entier assista avec horreur
à la destruction des statues
monumentales des Bouddhas
de Bâmiyân, en Afghanistan,
par le régime des talibans. Les efforts de la
communauté internationale, dont ceux de
l’UNESCO qui avait dépêché en Afghanistan
un envoyé spécial et une délégation
composée de nombreux dirigeants religieux
islamiques et d’oulémas (spécialistes
en loi islamique) pour empêcher cette
catastrophe, s’étaient soldés par un échec.
L’UNESCO condamna immédiatement
cet acte barbare. Dans le cadre de son
engagement à préserver ce qui restait des
niches qui avaient abrité les Bouddhas,
l’UNESCO appela la communauté
internationale à sauvegarder les vestiges
de ce remarquable élément du patrimoine
culturel afghan. Depuis, l’UNESCO mène,
grâce au projet de Fonds-en-dépôt UNESCO/
Japon pour la sauvegarde des niches
des Bouddhas de Bâmiyân, des travaux
de consolidation essentiels sur la niche
du Bouddha oriental, considérablement
endommagée et déstabilisée par l’explosion.
L’Allemagne joignit rapidement ses
efforts à ceux de l’UNESCO, en finançant
les activités de conservation engagées
par ICOMOS Allemagne sur les niches des
Bouddhas de Bâmiyân. Ses contributions Niche du Bouddha oriental.
© UNESCO/Masanori Nagaoka
comprenaient le don d’échafaudages par la
Fondation Messerschmitz, transportés depuis
l’Allemagne jusqu’à Bâmiyân par les Forces approfondies. Aujourd’hui encore, cette Le premier est que la reconstruction d’une
aériennes allemandes, pour permettre de question reste l’un des sujets les plus statue bouddhiste dans un pays islamique
restaurer la niche du Bouddha oriental. Ces controversés du domaine de la conservation est inappropriée, notamment au regard
échafaudages furent officiellement remis au du patrimoine, y compris lors des réunions des caractéristiques socioreligieuses de la
gouvernement afghan en décembre 2016 du Groupe de travail des experts de Bâmiyân région de Bâmiyân et de l’Afghanistan dans
et sont actuellement utilisés dans la niche tenues chaque année avec les autorités son ensemble. Il est, en effet, important
du Bouddha occidental, dans le cadre des afghanes, l’UNESCO et ses experts, et des de noter que ces deux statues ont depuis
travaux de conservation en cours. Les travaux représentants des pays donateurs. longtemps perdu leur signification religieuse
de consolidation de la niche orientale furent La discussion de toute proposition et leur fonction originelles, depuis au moins
terminés en 2015, et le travail sur la niche concrète reste difficile tant que les le XIe siècle, lorsque l’Islam se propagea
occidentale, devenu urgent, débuta en 2016. travaux de conservation sont en cours. à travers la région sous la dynastie des
Si les habitants de Bâmiyân réclament la Ghazanavid (998-1030). Après avoir perdu
Un débat difficile reconstruction d’au moins une statue de cette signification religieuse, les statues
Entre-temps, de nombreux débats furent Bouddha, beaucoup de professionnels du acquirent une identité locale et devinrent
menés, tant au niveau national qu’inter- patrimoine préfèrent rester prudents dans un point de repère majeur de Bâmiyân.
national, sur la reconstruction potentielle le cadre d’une telle démarche. Les habitants de Bâmiyân adoptèrent ces
des statues détruites des Bouddhas de statues et les intégrèrent à leur culture, en
Bâmiyân. Cette question fut soulevée dès Aspects à prendre en compte les transformant en folklore local : les deux
2002, au cours de la première Conférence Plusieurs aspects doivent être pris en Bouddhas devinrent une sorte de Roméo et
internationale qui eut lieu à Kaboul, laquelle compte dans le cadre de la reconstruction Juliette des montagnes arides de l’Hindu-
conclut que tout projet de reconstruction des des statues de Bouddha de Bâmiyân, que Kush. La statue du Bouddha occidental fut
statues géantes nécessitait des discussions l’on soutienne ou non ce projet. rebaptisée « Salsal », prince de Bâmiyân, et

42 Patrimoine Mondial Nº86


Niche du Bouddha occidental.
© UNESCO/Masanori Nagaoka
la statue orientale « Shamama », princesse
d’un royaume lointain. Ne pouvant être unis
dans ce monde, le prince et la princesse
décidèrent de se transformer en statues afin
de se tenir à jamais l’un près de l’autre. Les
habitants de Bâmiyân nés après la destruction
des statues de Bouddha ont toujours plaisir à
écouter cette histoire, même si le patrimoine
culturel matériel qui l’a inspirée a disparu et
a laissé place à un vide.
Il convient également de rappeler que
plusieurs résidents locaux furent tués par
les talibans après avoir refusé de transporter
des explosifs jusqu’au sommet des statues
pour les faire sauter. Cet acte prouve de
manière tragique que les deux statues
géantes constituaient un patrimoine très
précieux pour les habitants de Bâmiyân, ces
derniers préférant mourir plutôt que d’être
complices de la destruction de ces symboles
de la fierté et de l’identité de Bâmiyân
pendant des siècles. Il est aussi important
de rappeler que les habitants de Bâmiyân,
principalement des Hazaras, sont des
musulmans chiites. En tant que minorité, ces
derniers ont été plus sévèrement persécutés
par le régime des talibans. La destruction
des statues a ainsi un sens encore plus
profond pour les habitants de Bâmiyân.
Questions techniques
Si nous devions respecter les souhaits
d’une partie de la communauté locale,
le processus de reconstruction poserait
néanmoins un certain nombre de défis
techniques importants. La statue du
Bouddha occidental mesurait 55 m de haut,
tandis que la statue orientale faisait 38 m.
Toutes deux avaient été sculptées dans des
falaises de grès poreux, ornées de détails en
argile mêlée de paille, et recouverts de stuc
(même si ce revêtement avait en grande
partie disparu au fil des siècles, on pense
que le stuc était peint pour accentuer les
Dossier
expressions du visage, les mains et les plis
des habits des Bouddhas). Les experts de
l’Université technique d’Aix-la-Chapelle et
d’ICOMOS Allemagne, qui documentent
et préservent le site depuis plus d’une
décennie, ne s’accordent toujours pas sur la
quantité de matériau originel présente dans
les niches. Dans le cas du Bouddha oriental,
l’Université technique d’Aix-la-Chapelle
estime que seuls 12 % des matériaux
initiaux demeurent, tandis que l’équipe
d’ICOMOS Allemagne place ce chiffre à
environ 48 %.
L’équipe d’ICOMOS Allemagne a
conservé des fragments de roche tombés au
sol pendant l’explosion. Selon elle, les plus
grosses pièces pourraient être replacées
sur leur site d’origine dans le Bouddha
oriental après avoir été restaurées, et les
espaces pourraient être comblés au moyen
de matériaux artificiels. Ce travail serait un
réassemblage partiel ou une anastylose.
À ce jour, cette approche est celle qui se
rapproche le plus des principes de la Charte
de Venise, en plaçant les matériaux d’origine
au cœur des discussions. Sa faisabilité
technique et pratique doit toutefois être
davantage démontrée.
D’un autre côté, de nombreux profes-
sionnels estiment que les niches vides
devraient être conservées en l’état, afin que
le vide représente la victoire du monument
et la défaite de ceux qui ont tenté d’anéantir
les statues de Bouddha. Cette approche
privilégie la symbolique à la valeur physique.
Cette approche a récemment gagné en
importance, avec les remarquables avancées
de technologies telles que la numérisation
par laser et l’impression en 3D. Un nombre
croissant d’experts envisagent désormais la
possibilité d’une reconstruction numérique
en 3D, pour obtenir une image fidèle des
deux Bouddhas. Les niches resteraient en
l’état, mais cette reconstruction virtuelle
permettrait à la population locale de
retrouver les images des Bouddhas dans
leur contexte d’origine.
Perspective pour l’avenir
En septembre 2017, l’UNESCO a organisé,
en collaboration avec le gouvernement
afghan et la Tokyo University of Arts, un
colloque technique de trois jours à Tokyo,
Japon, sur le thème « L’avenir des statues
des Bouddhas de Bâmiyân : considérations
techniques et effets potentiels sur
Patrimoine Mondial Nº86 43
Dossier Bâmiyân

l’authenticité et la valeur universelle
exceptionnelle ». Cet événement était
financé par le gouvernement japonais,
dans le cadre du Fonds-en-dépôt UNESCO/
Japon pour la sauvegarde des niches
des Bouddhas de Bâmiyân (Phase V).
Son but était de clarifier la théorie et
la pratique existantes en matière de
reconstruction du patrimoine culturel et
d’éthique de restauration, et de discuter
du remplacement éventuel des statues de
Bouddha et de l’impact d’un tel projet sur
le site de la vallée de Bâmiyân, inscrit au
patrimoine mondial. Les participants à ce
colloque ont examiné quatre propositions
techniques soumises par différentes
équipes internationales impliquées dans la
restauration des niches, dans le cadre de la
reconstruction éventuelle de la statue du
Bouddha oriental. Les autorités afghanes
vont à présent mettre en place un Comité
de travail afin d’examiner ces propositions
ainsi que toute nouvelle proposition liée à la
reconstruction. Une recommandation a été
adoptée à l’unanimité lors de cette rencontre
(voir http://whc.org/en/news/1773).
Il est évident que la reconstruction de
ce site est un processus qui doit aller bien
au-delà de la reconstruction matérielle :
il faut l’aborder comme un processus
multidimensionnel, s’inscrivant dans de
grands projets de rétablissement. Elle doit
englober des questions socio-économiques
au sein d’une approche intégrée, en
priorisant les besoins et les droits culturels
des communautés locales affectées par la
destruction de leur patrimoine culturel.
La reconstruction doit aussi être un outil
de réconciliation, et atténuer les risques
de réinvention du patrimoine et de
réécriture de l’histoire. Dans son rapport
à l’Assemblée générale des Nations Unies,
la Rapporteuse spéciale des Nations Unies
dans le domaine des droits culturels a
également souligné que lorsque l’on est
confronté à la destruction du patrimoine,
il est très important de tenir compte de la
destruction des vies des populations, ces
deux aspects étant fondamentalement
interdépendants (point numéro 3 de l’ordre
du jour A/HRC/31/59).
À la lumière des situations de conflit
en Irak, en Libye, au Mali, en Syrie et au
Yémen, et compte tenu des innombrables
actes de destruction intentionnelle du
patrimoine culturel, qu’il s’agisse de sites ou
de musées, la question de la reconstruction
est devenue un élément essentiel du débat
de la communauté internationale. Pour
l’UNESCO, et comme l’a reconnu le Comité
du patrimoine mondial lors de ses 40e et
41e sessions, il est désormais urgent de
développer et d’approfondir les orientations
sur les questions relatives au rétablissement
du patrimoine au sens large, y compris la
reconstruction des biens du patrimoine
mondial et des sites inscrits sur les listes
indicatives des États parties à la Convention
du patrimoine mondial de 1972.

Reconstruction : solutions proposées

Les talibans n’étaient pas les premiers à détruire des monuments
de la religion bouddhiste. À la suite de la propagation de l’Islam et
durant la seconde moitié du XVIIe siècle, sous le règne de l’empereur
moghol Aurangzeb, les jambes et les visages des grands Bouddhas
furent détruits, car ceux-ci comptaient au nombre des « idoles ».
Dans les années 1990, durant le conflit armé, la région fut à
nouveau touchée, et le site archéologique endommagé.
Une proposition faite immédiatement après la destruction des
niches des Bouddhas de Bâmiyân par les talibans, en février 2001,
consistait à placer un grand écran en deux dimensions dans la niche
du Bouddha vide, et de projeter une image du Bouddha en taille
réelle. Ce projet visait à exorciser le plus rapidement possible l’onde
de choc produite dans le monde entier par cet acte destructeur,
et surtout auprès de la population de Bâmiyân, pour laquelle les
statues géantes faisaient presque partie intégrante du paysage naturel de la vallée. Cette solution provisoire offrait également une réaction
à la fureur des talibans, en permettant à la population de Bâmiyân de revoir l’effigie du Bouddha à sa place habituelle dans la falaise,
la statue ayant subitement disparu créant un vide évident. Selon cet auteur, cette solution est le seul moyen légal de « reconstruire » la
statue manquante sans créer une réplique inacceptable allant à l’encontre des pratiques de préservation de la mémoire, tout en respectant
l’authenticité des matériaux survivant. Sa réversibilité absolue la libère également de toute critique dans ce sens.
La réalité extraordinaire des Bouddhas sculptés dans une falaise de la vallée de Bâmiyân et littéralement réduits en poudre, excluant donc
toute possibilité de réassemblage, montre à quel point cet acte iconoclaste était grave et irrévocable.
Diverses hypothèses d’intervention ont été décrites en détail au cours du symposium international sur « l’Avenir des statues des Bouddhas
de Bâmiyân », qui a eu lieu en septembre 2017 à Tokyo, ainsi que lors de la 12e réunion du Groupe d’experts de Bâmiyân, à Orvieto, Italie,
en décembre 2013.
En ce qui concerne le Bouddha oriental, la décision de différer une fois de plus la décision d’intervenir qualitativement et quantitativement
n’est plus tolérable, d’autant que des travaux de reconstruction ont déjà été entamés au niveau des pieds de la statue. Après la destruction,
la restauration représente la continuation de la vie. Les avancées techniques considérables de ces dernières années rendent aujourd’hui ce
projet possible.
Andrea Bruno
Architecte et consultant auprès de l’UNESCO

44 Patrimoine Mondial Nº86

La reconstruction : différents points de vue
La destruction des statues des Bouddhas
géants de Bâmiyân fut condamnée dans le
monde entier. Dans les années qui suivirent,
cet acte fut essentiellement perçu comme
un exemple d’intolérance extrême qui n’eut
qu’un seul résultat : blâmer les destructeurs.
La communauté internationale exprima son
horreur face à la destruction de ces statues, et
l’humanité tout entière pleura la disparition de
l’un de ses trésors les plus précieux. L’histoire
de l’Afghanistan est tumultueuse, mais les
catastrophes culturelles, et notamment Chronologie de la destruction.
la destruction des Bouddhas géants,
représentent certains de ses épisodes les plus tragiques.
Non seulement les statues des Bouddhas géants de la vallée de
Bâmiyân constituaient un patrimoine culturel inestimable pour
l’Afghanistan, mais elles représentaient aussi les plus grands exemples
de patrimoine culturel ancien au niveau mondial. Malheureusement, à
la fois l’Afghanistan et le monde sont désormais privés de ces statues,
et nous partageons tous la même profonde tristesse. Depuis 2002,
le gouvernement afghan et l’UNESCO collaborent pour protéger les
valeurs du site de Bâmiyân inscrit au patrimoine mondial, en traitant
le risque sécuritaire, en assurant la stabilité structurelle de ce qu’il
reste des deux niches, en conservant les vestiges archéologiques et les
peintures murales, et en mettant en œuvre le Plan directeur culturel.
En gardant ces éléments à l’esprit, je tiens à saisir cette occasion
pour fournir quelques explications essentielles : tout d’abord, en
ce qui concerne ceux qui souhaitent restaurer et reconstruire les
statues, et deuxièmement, en ce qui concerne ceux qui s’opposent
à l’idée de restauration et de reconstruction.
Les statues de Bâmiyân représentent un patrimoine historique
ancien, et il est donc important de discuter aujourd’hui de ce qu’il
convient de faire.
Avantages et inconvénients
Permettez-moi de passer en revue les aspects positifs de
la reconstruction des statues des Bouddhas. La volonté de
remplacer ces statues s’accompagne d’une intention noble et d’un
raisonnement important. Leur reconstruction permettrait tout
d’abord à l’Afghanistan de posséder à nouveau des statues géantes.
Le site attirerait à nouveau des touristes nationaux et internationaux ;
il abriterait à nouveau plusieurs monastères bouddhistes ; les
travaux de reconstruction généreraient des emplois ; enfin, une telle
reconstruction réparerait l’affront fait à la culture afghane. Il existe
beaucoup d’autres avantages qui corroborent l’opinion et les priorités
de ceux qui préconisent la reconstruction des statues, et qui soulignent
le rôle positif d’une telle reconstruction dans la sensibilisation des
nations à l’importance de la restauration du patrimoine culturel.
Il convient aussi de noter que nous possédons des vidéos, des
photos et des photos informatisées qui pourraient s’avérer très utiles
dans un tel projet.
Pour les archéologues opposés à la restauration des statues géantes
de Bâmiyân, cette reconstruction et la revitalisation du patrimoine
culturel afghan ne constituent pas des priorités. Selon eux, il existe
beaucoup trop d’obstacles impossibles à ignorer. Ces obstacles sont,
Dossier
en premier lieu, scientifiques et méthodologiques, en deuxième lieu,
financiers, et enfin ils concernent les accords et les principes universels.
Obstacles à la restauration
Il est vrai que si l’on se donne pour objectif de reconstruire à
l’identique les deux statues de Bouddha, ce projet apparaît comme
une chimère susceptible d’engendrer de nombreux problèmes. L’un
des principaux défis liés à la reconstruction est que moins de 50 %
des matériaux d’origine sont aujourd’hui disponibles. Même s’il était
possible de tailler des matériaux de construction dans les falaises de
Bâmiyân où furent sculptées les statues des Bouddhas originaux,
cela ne serait pas suffisant et ne représenterait qu’une partie de ce
qui serait nécessaire à cette tâche.
Par ailleurs, ces matériaux sont nécessaires au site et à
l’environnement. Une autre question est le recrutement d’experts
compétents, par exemple un expert en bouddhisme, un archéologue
spécialisé dans l’art du Gandhara et l’art sassanide, un historien
connaissant parfaitement cette période de la civilisation afghane,
un historiographe des premiers siècles de notre ère en Afghanistan,
un ethnographe qualifié capable de trouver des descriptions
scientifiques de cette époque de la culture humaine ainsi que
beaucoup d’autres experts dans ce domaine. Aucun résultat positif
ne sera possible en l’absence de ces compétences.
En conclusion, l’un des principaux objectifs de la protection du
patrimoine culturel est la conservation des traces des différentes
phases de l’histoire d’une nation. Les statues de Bouddha de Bâmiyân
étaient des témoins d’une époque spécifique, et leur perte est un
événement douloureux. Mais si les citoyens de Bâmiyân et beaucoup
d’autres souhaitent voir ces statues restaurées, nous ne pouvons
pas faire abstraction des obstacles : les ressources financières et
liées à la gestion actuellement disponibles pour mener à bien ce
projet de reconstruction sont actuellement inadéquates. Une aide
internationale est donc toujours nécessaire, en particulier en matière
d’assistance technique et financière. Une partie de la solution réside
également dans la promotion d’un débat public positif favorisant
le dialogue interculturel et interreligieux, et sensibilisant l’opinion
publique au potentiel d’une telle action dans le cadre d’objectifs
plus vastes comme le rapprochement, la consolidation de la paix et
le développement économique de l’Afghanistan.
Mohammad Rasoul Bawary
Ministre par intérim, Ministère de
l’Information et de la Culture, Afghanistan
Patrimoine Mondial Nº86 45
Elche, une ville aux trois biens classés au patrimoine
La ville d’Elche est fière d’être la seule ville espagnole
à posséder trois biens inscrits à l’UNESCO à travers
différentes catégories de protection du patrimoine.
La Palmeraie d’Elche a été inscrite au patrimoine
mondial en 2000. Le Mystère d’Elche faisait partie
de la première liste de biens immatériels de
l’UNESCO parue en 2001, tandis que le Centre pour
la culture traditionnelle – musée-école du projet
pédagogique de Pusol a été inscrit en décembre
2009 au le Registre de bonnes pratiques de
sauvegarde du Comité intergouvernemental de
sauvegarde du patrimoine immatériel.
Ces trois labels font d’Elche une ville unique en son
genre. Les citoyens d’Elche sont particulièrement
fiers de partager ce riche patrimoine avec les
visiteurs de la ville.
La Palmeraie
La Palmeraie est un site exceptionnel, de plus de
mille ans, antérieur à la fondation de la ville actuelle
par les Arabes.
L’organisation de la ville et ses systèmes d’irrigation
ont survécu au passage du temps depuis l’époque
musulmane. Le rôle premier de la Palmeraie était
essentiellement agricole. Aujourd’hui encore, cette
fonction est perpétuée à travers la production de
dattes et de branches de palmiers destinées à la
fête religieuse du dimanche des Rameaux.
Les visiteurs peuvent profiter d’un musée et d’une
salle de spectacles, ainsi que des visites guidées, pour
permettre à tous de mieux comprendre ce trésor.
Le Mystère d’Elche
Le Mystère d’Elche est un paradigme du théâtre
religieux. Cette pièce chantée qui remonte à
l’époque médiévale est un exemple parfait de
dévotion à la Vierge de l’Assomption, gardienne de
la ville.
Cette œuvre en deux actes retrace les derniers
instants de la vie terrestre de la Vierge Marie, sa
Informations : www.visitelche.com
mort, l’ascension de son âme vers les cieux
(Vespra) et son enterrement (Festa).
Chaque année, une représentation
de la Vespra et une représentation
de la Festa sont données à la
Basilique de la Sainte Marie,
respectivement le 14 et le 15 août.
Les 11, 12 et 13 août, le public peut
assister aux répétitions générales
et voir les deux actes l’un après
l’autre. Les années paires, des
représentations supplémentaires sont
données les 29 et 30 octobre ainsi que
le 1er novembre (séances en matinée et en
soirée). À l’occasion des représentations
des 14 et 15 août et du 1er novembre,
l’entrée de la basilique est gratuite,
mais il est nécessaire d’arriver
plusieurs heures à l’avance pour
obtenir une place. Les billets des
autres représentations doivent
être achetés.
Musée de Pusol
Le Centre pour la culture
traditionnelle – musée-école du projet
pédagogique de Pusol était à l’origine
une école fondée en 1967 dans le but
de préserver la mémoire de pratiques
agricoles en voie de disparition.
Grâce à la participation de la
communauté, et notamment des
hameaux agricoles d’Elche, cette
activité est devenue un important
projet de musée qui recense
aujourd’hui plus de 70 000 objets
catalogués, et permet aux visiteurs
de remonter le temps à travers un
fascinant voyage virtuel.
Palmeraie d’Elche
inscrite sur la Liste du
patrimoine mondial en 2000
Dossier Tombouctou

Reconstruction
des mausolées de
Tombouctou :
le rôle des
communautés locales
Lazare Eloundou
Directeur adjoint de la Division du patrimoine et du Centre du
patrimoine mondial, UNESCO

Lassana Cissé
Ancien Directeur national du patrimoine culturel du Mali

Mausolée reconstruit d’Alpha Moya.

© UNESCO/Sebastien Rieussec

48 Patrimoine Mondial Nº86

 Dossier

Patrimoine Mondial Nº86 49

D
Dossier Tombouctou
e janvier à décembre 2012,
le Mali a été le théâtre de
la plus grave crise que le
pays ait connue depuis son
accession à l’indépendance
en 1960, le plongeant dans une situation
politique, sociale, institutionnelle,
sécuritaire et économique sans précédent,
particulièrement dans le nord du pays.
Cette région, où se trouvent deux des
quatre biens maliens inscrits sur la Liste
du patrimoine mondial (Tombouctou et
le Tombeau des Askia) a été occupée
par des groupes armés islamistes (AQMI,
MUJAO et Ançardine) qui ont écumé toute
la zone jusqu’au centre, à la limite du site
des Falaises de Bandiagara (pays dogon).
Pendant cette année d’occupation, ces
groupes armés s’en sont pris au patrimoine
culturel et aux expressions culturelles qu’ils
ont systématiquement endommagés de
façon intentionnelle. Dès mai 2012, au
vu des graves menaces qui pesaient sur
son riche patrimoine culturel dans cette
région occupée, le gouvernement du Mali
a sollicité le concours de la communauté
internationale par l’entremise de l’UNESCO.
Mais les groupes armés extrémistes ont
poursuivi leur œuvre destructrice du 30 juin
au 2 juillet 2012, alors que se tenait à Saint-
Pétersbourg (Russie) la 36e session du Comité
du patrimoine mondial. La communauté
internationale assista avec stupeur et
désolation à la destruction de neuf autres
mausolées, dont les images furent relayées
par de très nombreux médias.
Mobilisation de la
communauté internationale
Afin de répondre à l’appel du Mali,
l’UNESCO va initier les actions importantes
ci-après :
• Mobilisation de la communauté
internationale par le lancement d’une
campagne de sensibilisation consistant
à lancer régulièrement des appels/
communiqués de l’ancienne Directrice
générale de l’UNESCO, sur l’importance
culturelle des mausolées comme éléments
justifiant la valeur universelle exceptionnelle
de Tombouctou, et structurant la vie sociale
et religieuse des communautés locales. Il
y a aussi eu la publication d’un passeport
pour le patrimoine malien montrant
l’emplacement de tous les sites culturels les
plus importants à Tombouctou, distribué à
50 Patrimoine Mondial Nº86
Un homme prie à l’aube, là où se trouvait jadis un mausolée avant qu’il soit détruit par des djihadistes
pendant l’occupation du cimetière des Trois Saints à Tombouctou (Mali), en décembre 2013.
© MINUSMA/Marco Dormino
près de 8 000 soldats des troupes militaires
françaises, maliennes et africaines. En outres,
des briefings ont été régulièrement adressés
au Conseil de Sécurité des Nations Unies,
qui a adopté des résolutions condamnant
fermement la destruction de sites culturels
et religieux au Mali (Résolutions 2056, 2071
et 2085), et reconnu l’importance de la
culture comme un enjeu dans le conflit au
Mali. Ces efforts conduiront à l’adoption, en
avril 2013, de la Résolution 2100 créant une
mission de maintien de la paix (MINUSMA)
au Mali, ayant, pour la première fois dans
l’histoire, un mandat de protection des
sites culturels contre les attaques, en
collaboration avec l’UNESCO.
• Inscription par le Comité du
patrimoine mondial, en juillet 2012, des
sites de Tombouctou et du Tombeau des
Askia sur la Liste du patrimoine mondial
en péril, au cours de sa 36e session à Saint-
Pétersbourg.
• Appui au gouvernement du Mali
pour la ratification, en novembre 2012,
du Deuxième Protocole de 1999 relatif à
la Convention de La Haye de 1954 pour
la protection des biens culturels en cas de
conflit armé.
• Visite de l’ancienne Directrice
générale de l’UNESCO à Tombouctou
(2 février 2013) en compagnie du Président
français François Hollande pour constater
les dégâts portés au patrimoine culturel.
• Organisation d’une réunion
internationale d’experts (18 février 2013),
en collaboration avec le ministère français
de la Culture, pour la sauvegarde du
patrimoine culturel malien. Cette réunion
aboutira à l’adoption d’un plan d’action de
11 millions de dollars des États-Unis pour la
réhabilitation du patrimoine culturel et la
sauvegarde des manuscrits anciens du Mali.
Étudier la destruction pour
envisager la reconstruction
Quatorze des seize mausolées des saints
de Tombouctou inscrits sur la Liste du
patrimoine mondial ont été complètement
détruits au cours de cette période, mais
également 4 203 manuscrits brûlés, et trois
mosquées sévèrement endommagées.
Il s’agissait clairement de destructions qui
avaient pour but de provoquer la peur et
de répandre, dans l’esprit des populations,
une idéologie visant à construire des
comportements d’extrémisme violent et
de radicalisation sous prétexte de leur
faire pratiquer un islam différent de celui
qui a été habituellement pratiqué par les
Tombouctiens depuis le XIe siècle.
À l’issue du conflit, les communautés
locales ont été les premières à solliciter l’appui
de l’UNESCO pour aider à la reconstruction
de leurs mausolées qu’elles qualifiaient de
« deuxième poumon » de leur vie sociale,
et sans lesquels il serait difficile d’envisager
 Dossier
Un programme de réhabilitation a été mis en œuvre par l’UNESCO et ses partenaires, comme le Ministre de la Culture du Mali et la MINUSMA. Tombouctou, le 15 avril 2015.
© MINUSMA/Harandane

Les maçons locaux ont été impliqués dans la reconstruction.

© MINUSMA/Harandane

Patrimoine Mondial Nº86 51

Dossier Tombouctou

une possible réconciliation. La première

mission d’évaluation des dégâts, conduite
en juin 2013 par une équipe d’experts
internationaux et maliens, a permis de
faire le point sur l’impact des destructions
sur la vie des communautés. La mission va,
en effet, conclure qu’au-delà des dégâts
matériels, les dégâts psychologiques allaient
être aussi importants. Pour pallier ces
impacts, l’UNESCO, le ministère malien de
la Culture, et leurs partenaires techniques,
vont adopter une démarche rigoureuse en
trois étapes :
1) Il y a tout d’abord eu une documentation
des dégâts, à la fois photographique et
planimétrique pour l’histoire, afin que le
monde n’oublie pas ce qui s’est passé en
2012.
2) Un immense travail de collectes
d’archives, d’informations historiques,
de relevés architecturaux et de fouilles
archéologiques a ensuite été mené, ainsi
qu’une compilation des pratiques et
techniques constructives traditionnelles, Quatorze des seize mausolées des saints de Tombouctou inscrits sur la Liste du
en concertation avec la corporation des patrimoine mondial ont été complètement détruits pendant cette période.
© MINUSMA/Harandane
maçons de Tombouctou, qui sont les seuls
à posséder ce savoir-faire ancestral, et à
entreprendre ce type de reconstruction. régions du Mali. C’est ainsi que furent dans la vie socioculturelle et religieuse des
Les choix constructifs qui ont été arrêtés organisés à Mopti et Tombouctou, à communautés est un facteur important
d’un commun accord avec eux sont ceux l’initiative de la Direction nationale du qui doit guider la décision ou non de
qui permettaient de restaurer l’intégrité patrimoine culturel, une série d’ateliers de reconstruire. Dans le cas de Tombouctou,
de ce bien et de sauvegarder ses attributs, formation qui avaient pour objectif principal les mausolées sont des édifices construits
en reconstruisant les mausolées avec les de créer une plateforme d’échange des depuis le XIIIe siècle par les communautés,
mêmes techniques traditionnelles, dans connaissances techniques entre maçons et ils sont le témoignage du rôle exemplaire
le but de préserver le statut de bien du de Djenné, Tombouctou, Mopti, Pays que leurs ancêtres ont joué dans la vie
patrimoine mondial de Tombouctou. Dogon, les architectes et gestionnaires du intellectuelle, sociale et religieuse ; vie
3) Grâce aux données recueillies, les patrimoine, autour des différents systèmes qui a contribué à donner à Tombouctou
savoir-faire constructifs ont été affinés, la constructifs à utiliser pour la reconstruction sa renommée de centre intellectuel et de
méthodologie de chantier a été adoptée, des mausolées. lieu de tolérance depuis le XVe siècle. Ces
ainsi qu’une proposition concernant l’état saints, pour qui les mausolées ont été bâtis,
physique architectural à obtenir à la fin des Principaux enseignements étaient issus des différentes communautés
travaux. Ces données ont été organisées en Les principaux enseignements que l’on qui coexistaient à Tombouctou. Ils étaient
un document de stratégie de reconstruction peut tirer du processus de reconstruction des Arabes (Kounta), Touaregs, Peuls, Sonrhaï,
et de réhabilitation, qui allait guider toutes mausolées des saints détruits à Tombouctou Bamanan, Algériens, etc. Chaque famille
les étapes de reconstruction. sont à la fois nombreux et riches. Ils sont descendant d’un des saints avait l’habitude
En parallèle, un long et lent processus la combinaison de l’expérience vécue à de se rendre aux mausolées tous les lundis
de planification stratégique a permis la Tombouctou, et des expériences passées ou vendredis après la prière du matin,
mobilisation des premiers fonds nécessaires issues de la Campagne internationale pour pour les invoquer, afin qu’ils les aident
pour le financement des travaux dont les la sauvegarde des monuments de Nubie à solutionner des problèmes, tels que la
premiers chantiers seront lancés en mars et de celle pour la sauvegarde du site sécheresse, les conflits ou les maladies. Ces
2014. archéologique d’Angkor, au Cambodge. mausolées sont donc une source de sagesse
Il faut également noter qu’avant le Il est tout d’abord important de pour ces familles, et non des lieux d’idolâtrie
lancement des travaux, différentes activités comprendre qu’au-delà de la valeur comme on a pu l’entendre chez les groupes
préparatoires, et non moins essentielles, universelle exceptionnelle du bien à armés extrémistes. Il était évident que leur
ont été organisées, afin de favoriser la reconstruire et sa signification culturelle et reconstruction contribuerait forcément à
concertation avec les maçons des autres historique, le rôle que ces mausolées jouent favoriser la réconciliation des différentes

52 Patrimoine Mondial Nº86


Inauguration de la reconstruction des mausolées du patrimoine mondial détruits par des extrémistes armés.
© MINUSMA/Marco Dormino
communautés et à retrouver l’équilibre
socio-psychologique d’antan.
Les points ci-après font partie des
principaux enseignements :
• La forte mobilisation de la
communauté internationale et des Nations
Unies : le leadership de l’UNESCO, au
nom du système des Nations Unies, en
tandem avec le gouvernement malien, a été
déterminant pour faire comprendre l’enjeu
de paix et de sécurité qui se jouait au Mali,
alors qu’avait lieu cette destruction massive.
Sans ce leadership de l’ancienne Directrice
générale de l’UNESCO, Irina Bokova, il
aurait été difficile de mobiliser les soutiens
nécessaires, d’une part financiers (Andorre,
Bahreïn, Croatie, Fonds pour le patrimoine
mondial africain, France, Norvège, Pays-Bas,
Suisse, Union européenne) et, d’autre part,
techniques (Aga Khan Trust for Culture,
CRAterre, ICOMOS, ICCROM) pour mener
à bien cette action.
• La participation des communautés
locales : elle fut forte et efficiente,
les responsables et gestionnaires des
mausolées, les autorités religieuses et
locales ayant fait preuve d’une disponibilité
permanente qui a permis le travail de
documentation, la concertation sur la
stratégie de reconstruction, la planification et
la réalisation des travaux de reconstruction.
• L’implication des maçons locaux
et la valorisation des cultures constructives
locales : une mention spéciale doit être
accordée à la corporation des maçons
de Tombouctou, sans laquelle il n’aurait
pas été possible de mener les travaux de
reconstruction des mausolées. Une médaille
d’honneur reconnaissant leur rôle crucial a
été remise au chef de la corporation en juin
2015, lors de la 39e session du Comité du
patrimoine mondial, à Bonn.
Le « don et l’emprunt » comme mécanisme
et démarche appropriés de réhabilitation
harmonieuse et de conservation durable des
biens du patrimoine culturel endommagés :
le processus d’échange entre les bâtisseurs
(maçons locaux et architectes superviseurs)
semble être le principal acquis du processus
de reconstruction des mausolées de
Tombouctou. Maçons et architectes ont
étroitement collaboré, dès les phases
d’études architecturales et archéologiques,
jusqu’à l’estimation des coûts des travaux.
Cette collaboration a facilité la combinaison
harmonieuse des pratiques traditionnelles
et des normes internationales exigées par
la Convention du patrimoine mondial, pour
Dossier
aboutir non seulement à établir le cadre de
conduite des travaux, mais aussi à élaborer
des outils importants tels que le Guide
d’entretien des mausolées. Elle a également
contribué à revitaliser les savoirs locaux et
à valoriser les cultures constructives locales
par l’utilisation rationnelle et durable des
matériaux locaux de construction, dont
l’argile et l’alhor (la pierre calcaire).
• La préservation de la valeur
universelle exceptionnelle de Tombouctou
et sa conservation durable : le principe
philosophique de départ, qui a guidé
l’action de l’UNESCO et du Mali, a été de
préserver le statut de patrimoine mondial
de Tombouctou. Il était important de ne
pas oublier l’après-reconstruction, d’où
la nécessité de travailler en parallèle sur
l’amélioration et la perpétuation des
traditions ancestrales d’entretien des
mausolées après leur reconstruction.
La réponse apportée fut l’élaboration
participative d’un Guide d’entretien et de
conservation distribué aux responsables des
mausolées et des gestionnaires traditionnels
que sont les maçons et autres ouvriers. Ce
Guide contient des recettes et des techniques
combinées, à la fois fortement inspirées des
méthodes anciennes et enrichies par les
apports techniques, en vue de les adapter
aux conditions du changement climatique
dans la région du Sahel.
Promesses tenues
« Nous reconstruirons les mausolées
de Tombouctou », telle fut la Déclaration
commune d’Irina Bokova, ancienne
Directrice générale de l’UNESCO, d’Aurélie
Filippetti, ministre de la Culture et de la
Communication de la France, et de Bruno
Maïga, ministre de la Culture du Mali, à
l’issue de la réunion internationale d’experts,
au Siège de l’UNESCO, en février 2013.
Cette promesse a connu un aboutissement
heureux, en septembre 2015, avec près de
20 mausolées reconstruits à Tombouctou et
Kabara. L’expérience de reconstruction des
mausolées détruits à Tombouctou est un
cas d’école, en ce sens qu’elle a mis au cœur
du processus le principe d’appropriation
locale indispensable et incontournable pour
envisager toute reconstruction d’un bien du
patrimoine mondial détruit, et pour assurer
sa conservation efficace et durable après sa
reconstruction.
Patrimoine Mondial Nº86 53
Focus Reconstruction des architectures en terre

La reconstruction,
une bonne option
pour conserver les
architectures
en terre ?
Thierry Joffroy et Sébastien Moriset
CRAterre – AE&CC – ENSAG, Université Grenoble-Alpes

Arg-e Bam (République islamique d’Iran) est l’exemple le plus représentatif d’une ville médiévale fortifiée
construite selon une technique vernaculaire, à l’aide de couches de terre (chineh).
© Diego Delso

54 Patrimoine Mondial Nº86

 Focus

Patrimoine Mondial Nº86 55

Focus Reconstruction des architectures en terre
S
L’utilisation de matériaux traditionnels et les bas-reliefs polychromes sont des caractéristiques architecturales importantes dans les Palais royaux d’Abomey (Bénin).
© Jbdodane
i, dans la majorité de nos écrits sur la conservation des
architectures en terre, nous avons souvent préconisé des
méthodes de conservation plutôt douces, dans un esprit
de prévention et d’économie de moyens, faisant référence
au précepte désormais bien établi de « compréhension
maximale, intervention minimale », nous ne rejetons pas les options
de reconstruction. En effet, elles peuvent s’avérer très pertinentes,
et ce, au-delà de cas pour lesquels la reconstruction se pose comme
une évidence – comme celui des mausolées de Tombouctou, par
exemple. En effet, la reconstruction d’un bâti, même si elle n’est que
partielle, peut présenter de nombreux avantages, à condition de
disposer d’une documentation suffisante et des moyens humains,
matériels et financiers pour se lancer dans une telle opération.
Le premier avantage est la possibilité de revenir à un état initial
du bâti restituant toutes les composantes de sa logique constructive
avec, notamment, la remise en place des éléments assurant sa
durabilité. Traitement des abords, soubassements, protection des
ouvertures, acrotères ou toitures largement débordantes sont,
en effet, indispensables à la durabilité des structures en terre. Ils
peuvent avoir disparu, avoir été mal conservés ou avoir subi des
réinterprétations au gré de modes architecturales importées,
entravant ainsi l’efficacité d’origine. Cela avait notamment été le
cas des palais royaux d’Abomey, dont les généreuses toitures en
paille avaient été remplacées dans les années 1970 et 1980 par des
couvertures en tôle de faible pente et peu débordantes, exposant
leurs célèbres bas-reliefs aux assauts de la pluie.
Au niveau technique, une reconstruction est aussi l’occasion
de pallier des besoins qui pourraient aujourd’hui apparaître
déraisonnables en matière d’entretien régulier ou de prévention
des risques. Une reconstruction peut permettre de procéder à
56 Patrimoine Mondial Nº86
des renforcements, par exemple stabiliser le matériau au niveau
du complexe fondations-soubassements, ou encore introduire des
chaînages en vue d’une meilleure résistance aux séismes. Il est à noter
aussi que certaines situations rendent difficile une restauration qui
soit structurellement efficace et que, dans certains cas, la procédure
de reconstruction d’un ouvrage est la seule façon de retrouver une
structure capable de résister à des sollicitations importantes.
Faciliter l’adaptation aux modes de vie actuels
Pour ce qui est des patrimoines vivants, procéder à une
reconstruction, même partielle, est l’occasion de proposer un
processus de transformation facilitant l’adaptation aux besoins et aux
modes de vie actuels (changement d’affectation de certains espaces,
installation des réseaux, pièces d’eau bien conçues afin d’éviter des
désordres, etc.). Un tel processus permet dès lors un véritable maintien
des habitants dans leur patrimoine, un des gages de son utilité et de
sa conservation sur le long terme. Enfin, même si certaines ruines sont
de réels témoignages historiques et culturels, reconstruire certains
éléments choisis peut augmenter la compréhension de leur évolution
et augmenter leur attractivité. Il s’agit alors de restituer la hauteur
d’un pan de mur ou de refaire quelques fragments de surfaces
décorées, qui alimenteront l’imaginaire du visiteur en lui donnant des
aperçus de son état initial. Mais il faut rester très prudent dans ce cas,
pour ne pas effacer la patine du temps.
Pour les sites archéologiques aussi, pourquoi ne pas penser
reconstruction. Ces ensembles souvent très vastes, sont
particulièrement difficiles à conserver. Les protections, traitements
ou enduits sacrificiels restent souvent peu efficaces à long terme
et, malgré les efforts d’intégration, finissent par avoir des effets
assez dénaturants, voire même négatifs. Dans de telles conditions,

Reconstruction des mausolées à Tombouctou (Mali).
© MINUSMA/Harandane
si reconstruire un grand ensemble reste certainement une gageure,
voire même une erreur, la reconstruction d’édifices pour lesquels nous
avons suffisamment de documentation ou d’évidences sur le système
constructif et les matériaux employés est particulièrement intéressante.
En effet, leur reconstitution permet de vérifier en grandeur réelle
le comportement du bâti et, ainsi, d’apporter des contributions
essentielles aux efforts des archéologues pour interpréter leurs
observations et restituer théoriquement les résultats de leurs fouilles.
Former des artisans locaux
Au-delà de cette question de vérification d’hypothèses constructives
et de la possibilité de retrouver/reconstituer des techniques de
construction anciennes, les travaux de reconstruction d’une certaine
ampleur offrent des occasions uniques de former des artisans locaux
et ainsi avoir à disposition des détenteurs de savoir-faire à qui pourront
être confiés des travaux de restauration sur le long terme.
Avec de telles possibilités offertes, procéder à une reconstruction
peut même s’avérer à terme efficace et économiquement viable,
voire même rentable. D’ailleurs, certaines cultures constructives de
l’architecture en terre procèdent ainsi sans hésiter : profiter de la
faiblesse de l’ensemble ou de certaines parties du bâti pour démolir
(démonter) et reconstruire en recyclant les matériaux directement
in situ, éventuellement en apportant quelques modifications
permettant d’adapter le bâti à de nouveaux besoins. Cela permet
aussi aux bâtisseurs de laisser « leur patte » sur des monuments
même très anciens, et ainsi de se les approprier. Rien de tel pour une
forte motivation par la suite pour l’entretien, comme cela se produit,
par exemple, sur les mosquées de Tombouctou, des monuments
que l’on doit comprendre comme étant extrêmement vivants et qui
ne cessent d’évoluer depuis leur origine.
Focus
Compréhension maximale et
intervention minimale
Tous ces avantages présentés, il convient ici de revenir sur le
concept fondamental de compréhension maximale et d’intervention
minimale. La reconstruction n’est pas la panacée et elle doit obéir
à des critères scientifiques extrêmement précis de documentation,
d’analyse du bâti existant et de ses conditions de conservation, et
enfin de capacité des acteurs à concevoir, puis à réaliser un tel projet
dans des conditions éthiquement acceptables.
Par ailleurs, même si construire en terre est souvent peu coûteux,
une reconstruction peut représenter un investissement conséquent.
Il est important que celui-ci soit rentable, d’une façon ou d’une
autre, et qu’il ne soit pas fait au détriment d’autres besoins sans être
sûr de réelles retombées sociales ou économiques. La reconstruction
d’une architecture en terre doit donc aussi être considérée après que
d’autres options de prévention, de restauration ou de réhabilitation
auront été envisagées.
Toutefois, la limite entre ces options dans le domaine de
l’architecture en terre peut s’avérer assez floue. En effet, de façon
intrinsèque, la terre a la capacité d’être façonnée, puis recyclée,
éventuellement plusieurs fois. Il n’est donc pas anormal d’utiliser cette
faculté, dès lors qu’elle se justifie techniquement et économiquement,
tout en permettant l’essentiel : la conservation des valeurs sociales,
culturelles, économiques et environnementales que porte le bâti
considéré et la capacité des hommes qui en ont la charge d’assumer sa
conservation sur le long terme. Toutefois, comme cela est signalé dans
les recommandations de la conférence Terra 2008 (Bamako, Mali), les
possibilités qu’offre la terre d’obtenir des résultats spectaculaires en
peu de temps doivent bien anticiper les besoins sur le long terme en
matière de frais de fonctionnement, d’entretien et de gestion.
Patrimoine Mondial Nº86 57
Focus Nouvelles technologies

Les nouvelles
technologies sont-
elles l’avenir de la
reconstruction ?
Giovanni Boccardi
Chef d’unité
Unité de la préparation et des réponses aux situations d’urgence, UNESCO

Léonie Evers
Chargée de projets adjointe
Unité de la préparation et des réponses aux situations d’urgence, UNESCO

Reconstitution du Temple de Bel, Palmyre par ICONEM.

© ICONEM/DGAM

58 Patrimoine Mondial Nº86

 Focus

Patrimoine Mondial Nº86 59

Focus Nouvelles technologies
L
L’imagerie satellite acquise le 27 août 2015 montre le temple de Bel intact, Palmyre (République arabe syrienne).
© Airbus Defense and Space
e 13 décembre 2016, l’ancienne Directrice générale de
l’UNESCO, Mme Irina Bokova, a inauguré l’exposition
« Sites éternels » au Grand Palais, Paris, en compagnie
du Président français de l’époque, M. François Hollande,
et de la ministre de la Culture et de la Communication,
Mme Audrey Azoulay, qui est aujourd’hui la nouvelle Directrice
générale de l’UNESCO. Ce projet a permis au public de découvrir de
manière interactive et novatrice plusieurs sites iraquiens et syriens
inscrits au patrimoine mondial, grâce à des modèles en 3D projetés
sur les murs.
Comme le laissait entrevoir de manière implicite le titre de cette
exposition, les nouvelles technologies, comme la modélisation et
les impressions en 3D, y compris à l’échelle 1/1, sont aujourd’hui
un moyen de plus en plus utile pour préserver la mémoire des sites,
des monuments et des objets culturels endommagés ou détruits
par les conflits armés et les catastrophes naturelles, à défaut de
pouvoir conserver les structures originales. Ces représentations
offrent aux générations actuelles et futures un niveau de détail
sans précédent, tandis que leurs implications pour les domaines
de la recherche scientifique, de la conservation, de l’éducation ou
de l’appréciation de la culture au sens large restent encore à être
pleinement appréciées, mais seront clairement majeures.
Un énorme potentiel
Le potentiel des nouvelles technologies est énorme. Ces outils
permettent, en effet, aux praticiens de recenser plus efficacement
tous les biens culturels et d’acquérir des données précises sur leur
état de conservation et leur degré de vulnérabilité face aux risques
naturels et créés par l’homme. L’imagerie satellitaire combinée aux
vidéos et aux photos prises par des drones, au balayage laser, à
la photogrammétrie ou à des données obtenues de manière
participative et rassemblées par des programmes de logiciels
sophistiqués, permet d’établir une documentation fidèle des biens
patrimoniaux. Cette base constitue une condition préalable à
60 Patrimoine Mondial Nº86
l’élaboration de toute politique de conservation et de gestion, mais
aussi de tout projet de réhabilitation ou de reconstruction.
Ces modélisations virtuelles, précises et détaillées, offrent aux
chercheurs, aux archéologues ou aux défenseurs de l’environnement
un nouvel et vaste éventail de possibilités, tout en réduisant le besoin de
mener des missions de terrain, un aspect particulièrement utile lorsque
les biens concernés se situent dans des zones de conflit inaccessibles.
Ces technologies peuvent également servir à sensibiliser l’opinion
publique à la valeur que revêtent la culture et le patrimoine culturel,
et à la nécessité de protéger ces éléments. Face aux actes récents de
destruction délibérée et barbare de nombreux sites du patrimoine
au Moyen-Orient et en Afrique, des expositions comme « Sites
éternels » permettent de sensibiliser le grand public à la riche
diversité culturelle du monde, aux menaces qui pèsent actuellement
sur ces biens et à la nécessité urgente de les protéger.
Un autre domaine d’application des nouvelles technologies
potentiellement très important est la protection des droits culturels
des populations frappées par une crise, et notamment des personnes
déplacées et des réfugiés. Grâce aux plateformes numériques,
les familles séparées de force et arrachées à leur communauté
d’origine peuvent désormais bénéficier d’un accès au moins partiel
à leur patrimoine afin de continuer à participer à leur vie culturelle,
maintenant ainsi un lien essentiel avec leurs traditions culturelles et
conservant un sentiment d’identité et d’appartenance, deux aspects
clés de la résilience. Le potentiel des nouvelles technologies ne cesse
de se développer avec la création de musées virtuels, de réseaux
sociaux permettant de partager des souvenirs et des contenus, ou
de nouvelles applications offrant à chacun la possibilité de jouer un
rôle significatif dans la préservation du patrimoine culturel.
Considérations éthiques
Malgré tous ces avantages et les possibilités que laissent entrevoir
le développement de nouvelles technologies et leur application
dans le domaine de la culture, certaines questions éthiques méritent

Les images acquises le 31 août 2015 montrent les vestiges du temple après sa destruction. Cette dernière image a été rapidement
recueillie par l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche - Programme d’applications satellitaires opérationnelles
(UNITAR-UNOSAT) en collaboration avec l’UNESCO, à la suite de rapports sur la destruction du temple.
© UrtheCast
toutefois une réflexion approfondie. La possibilité de reproduire un
objet à l’identique, avec ses traces d’usure originales, ne présente-
t-elle pas un risque de « clonage » de la culture et une perte de
sa valeur ? Comment pourra-t-on distinguer les œuvres originales
de leurs reproductions à mesure que les technologies seront de
plus en plus perfectionnées ? S’il est entendu que les tableaux
d’un artiste célèbre ne doivent pas être reproduits, qu’en est-il
d’anciennes tablettes assyriennes ou de sites archéologiques ? Et à
qui appartient, d’un point de vue culturel, la reproduction obtenue :
au pays d’où provient l’œuvre originale ou à celui qui l’a reproduite ?
Non seulement ces questions ont de profondes implications
philosophiques, mais elles soulèvent aussi d’importantes questions
d’ordre social et politique, comme l’utilisation des nouvelles
technologies pour reconstruire des monuments, des sites ou des objets
détruits. Ces dernières années, certains ont appelé à la reconstruction
systématique de tous les biens culturels endommagés ou perdus, en
s’appuyant sur des modèles en 3D et des techniques sophistiquées,
afin de répondre à la stratégie de « nettoyage culturel » mise en place
par les extrémistes. En fait, chaque proposition doit être étudiée au
cas par cas, dans la mesure où il n’existe pas de solution universelle.
De nombreux facteurs entrent en jeu dans la détermination de
la solution la plus appropriée à chaque cas de figure. Ces derniers
comprennent :
• le point de vue des différentes parties prenantes (communautés
locales dans leur diversité, propriétaires, experts, etc.) ;
• l’étendue des dégâts (destruction mineure ou complète) ;
• la nature du préjudice (dommages collatéraux ou attaque
délibérée) ;
• le type et la fonction du bâtiment/site (un temple classique en
marbre sera très différent d’une maison en briques d’argile) ;
• le niveau de documentation disponible sur l’état d’origine avant
la destruction du bien ;
• la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée, de matériaux
appropriés ou d’options de financement ;
Focus
• l’importance culturelle et l’utilisation envisagées de la structure
restaurée (identique à la situation précédant le conflit, transformée
en « monument » ou « mémorial » de la destruction, etc.).
Chaque solution doit être le fruit d’un processus de consultation
mené de manière exhaustive auprès de toutes les composantes
de la société, y compris, si nécessaire, les personnes déplacées et
la diaspora. Elle doit également tenir compte et faire partie d’une
vaste stratégie de reconstruction sociale, économique et culturelle
de la société comprenant des mesures concrètes pour répondre aux
besoins humanitaires fondamentaux, aux violations des droits de
l’homme et aux crimes de guerre. Enfin, les personnes concernées
doivent être considérées en premier lieu dans le cadre de toute
stratégie de réhabilitation du patrimoine culturel.
La restauration de certains biens tels que le site de Palmyre en
République arabe syrienne, inscrit au patrimoine mondial, ou de
Nimrud, inscrit sur la liste indicative de l’Iraq, nécessitera plusieurs
années de recherche, de réflexion, d’études et de travaux méticuleux.
Le fait que beaucoup de ces lieux ont été intentionnellement détruits
devra également être pris en compte dans la détermination d’une
vision d’avenir pour ces sites, sachant que les communautés affectées
voudront peut-être les voir restaurer afin de réaffirmer leur identité,
leur dignité et leur résilience face aux tentatives délibérées d’effacer
leur patrimoine culturel. Dans certains cas, les populations locales
souhaiteront peut-être aussi conserver des traces de la destruction,
afin de garder le souvenir des pertes engendrées. Dans ce contexte,
la décision finale devra résulter d’un grand débat englobant tous les
groupes concernés, y compris, mais pas uniquement, des experts en
patrimoine culturel.
Dans ce contexte, les nouvelles technologies ont un rôle important
à jouer, dans la mesure où elles permettent de promouvoir une
approche participative éclairée, transparente et inclusive pour
décider de l’avenir de la culture au sein des sociétés, dans le cadre
de leur rétablissement et de leur reconstruction à l’issue d’une
catastrophe ou d’un conflit.
Patrimoine Mondial Nº86 61
 OAXACA
LA PLUS BELLE VILLE DU MEXIQUE
Oaxaca est réputée pour son patrimoine colonial, ses origines précolombiennes, sa
cuisine, ses traditions et ses habitants.
PUBLIREPORTAGE

La ville d’Oaxaca offre au visiteur une expérience haute en couleur,

mariant traditions pittoresques, arts plastiques, espaces ouverts et
histoire.

Prenez le temps de flâner dans ses rues pavées en admirant ses

façades coloniales, d’aller à la rencontre de ses habitants ou de
découvrir ses monuments historiques. Remontez le temps dans le
temple de Santo Domingo de Guzmán en vous émerveillant
devant son magnifique retable doré, ses sculptures d’archanges en
bois, la ferveur de ses fidèles et ses imposants beffrois qui
ponctuent chaque célébration religieuse.

Visitez son marché le 20 novembre pour y savourer

de délicieux mets typiques, comme des tortillas
tlayuda, des viandes séchées, des chiles de agua
(piments d’eau) ou d’irrésistibles Aguas Casilda à
base de fruits frais. Célébrez les lunes del cerro («
lundis de la colline ») ou Guelaguetza, la plus
importante fête de l’année durant laquelle tous les
habi
habitants de la région se rassemblent pour partager
ce qu’ils ont de plus cher.

Ne manquez pas ses sites archéologiques,

comme Monte Albán, où vous pourrez
assister à un ancien jeu de balle.

Oaxaca de Juárez laissera une empreinte

indélébile sur votre esprit et votre cœur.

Centre historique de Oaxaca et

zone archéologique de Monte Alban
Inscrit sur la Liste du patrimoine mondial
en 1987
Forum

Forum
La reconstruction est un sujet fréquemment abordé
par le Comité du patrimoine mondial et l’ICOMOS dans
le cadre des dossiers de candidature ou des rapports
sur l’état de conservation. Cette question avait même
été traitée dans les années 1990 à l’issue des guerres
de l’ex-Yougoslavie. Mais aujourd’hui, l’ampleur de
la destruction à laquelle nous sommes confrontés,
notamment au regard de la destruction intentionnelle
et de sa vaste zone géographique, exige une nouvelle
réflexion.
Voir page 69

Entretien Page 64
Organisations consultatives Page 69
Conventions Page 73

Quartier du Vieux pont de la vieille ville de Mostar (Bosnie-Herzégovine).

© Xiquinho Silva

Patrimoine Mondial Nº86 63

Forum Entretien
Entretien avec Christina Cameron
Christina Cameron est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine bâti à l’Université
de Montréal où elle dirige un programme de recherche sur la conservation du patrimoine. Elle
travaille avec la Convention du patrimoine mondial depuis 1987 et est co-auteur de « La Convention
du patrimoine mondial : La vision des pionniers» (2013).
Patrimoine Mondial :
Hormis certains cas exceptionnels bénéficiant d’une documen-
tation exhaustive, la reconstruction des sites du patrimoine
mondial n’est pas autorisée. Cette question doit-elle, à votre avis,
être étudiée et se traduire par des politiques claires au sein du
mandat du Comité du patrimoine mondial ? Et si oui, comment
Christina Cameron (CC) : Dès le départ, le Comité du patrimoine
mondial était opposé à la reconstruction des sites inscrits, dans la
mesure où ce type de travaux falsifie l’histoire et crée des lieux fictifs
qui n’ont jamais existé sous leur nouvelle forme physique. Après avoir
beaucoup hésité, le Comité fit toutefois une exception à sa règle en
1980, avec l’inscription de la ville de Varsovie décrite comme « une
réussite exceptionnelle d’une reconstitution à l’identique d’un bien
culturel associé à des événements ayant une signification historique
considérable ». Au cours de la même année, le Comité clarifia sa position
doctrinale qui se fonde sur la Charte internationale de l’ICOMOS de
1964 sur la conservation et la restauration des monuments et des
sites (Charte de Venise). Aujourd’hui encore, le paragraphe 86 des
Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du
patrimoine mondial fait écho à cette Charte, en précisant : « En ce qui
concerne l’authenticité, la reconstruction de vestiges archéologiques
ou de monuments ou de quartiers historiques n’est justifiable que
dans des circonstances exceptionnelles. La reconstruction n’est
acceptable que si elle s’appuie sur une documentation complète et
détaillée et n’est aucunement conjecturale. »
Certains événements récents nous ont toutefois amenés à
réévaluer les politiques du Comité sur la reconstruction. Depuis la
destruction des bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan, en 2001, les
cas de destruction délibérée de biens culturels emblématiques dans le
monde ont augmenté de manière spectaculaire, avec une accélération
notable depuis 2012. Les exemples les plus frappants sont les attaques
perpétrées contre les mausolées de Tombouctou (Mali) et les dégâts
causés aux sites du patrimoine mondial de Syrie, comme l’ancienne
cité de Palmyre et la grande mosquée d’Alep. Malgré ses propres
recommandations et des conseils d’experts en patrimoine, le Comité
a récemment pris des décisions encourageant la reconstruction, dans
le but de rétablir l’identité perdue et de prendre position contre les
extrémistes. Dans ce type de cas, le Comité du patrimoine mondial
établit de facto une politique de conservation, sans passer par un
examen approfondi de ses principes fondamentaux.
Les décisions de ce prestigieux organe international valident ainsi
des normes qui n’ont pas fait l’objet de recherches, d’analyses et
de débats. Ces décisions sont prises à la hâte, et la participation
communautaire passe parfois au second plan, derrière les
64 Patrimoine Mondial Nº86
© UNESCO
organisations professionnelles et gouvernementales. Or l’histoire
nous a enseigné à quel point il était important de documenter les
processus décisionnels du Comité pour permettre aux générations
futures de comprendre comment ont été faits certains choix,
comment ont été envisagées certaines options, ce qui reste des
valeurs originales et quels nouveaux éléments ont été apportés.
Le fait de marquer une pause après des événements traumatisants
de ce type fournirait certainement un espace de réflexion dans le
temps et à travers les générations. De nouvelles orientations sont
nécessaires pour gérer les pressions de la reconstruction. Si une
doctrine de conservation axée sur les matériaux, comme le précisent
les Orientations, fait toujours partie de notre héritage, les chartes de
conservation doivent encourager de nouvelles idées, et les principes
directeurs du patrimoine mondial doivent être actualisés.
PM : Dans quelle mesure diriez-vous que la reconstruction
doit être abordée sous un angle particulier, qu’il soit
culturel, social ou autre, par opposition aux considérations
uniquement liées à la valeur universelle exceptionnelle des
sites du patrimoine mondial ?
CC : En tant que traité territorial, la Convention du patrimoine
mondial impose l’obligation de conserver la valeur universelle
exceptionnelle de chaque bien inscrit. Dans un premier temps, les
questions relatives à la reconstruction doivent être considérées
sous l’angle de la valeur universelle exceptionnelle et des éléments
qui la composent. Si l’on décide de traiter des caractéristiques
matérielles qui ont été perdues, il est important de savoir s’il existe
suffisamment d’informations pour re-créer une reproduction fidèle
de l’état original du tissu. Au-delà des connaissances techniques
existantes, le processus de re-création des éléments matériels
perdus pourrait impliquer des perspectives sociales et culturelles
spécifiques. Ainsi, le projet de reconstruction des mausolées de
Tombouctou, soutenu par la communauté locale, présente des
avantages sociaux supplémentaires qui incluent la transmission de
techniques de construction traditionnelles par les anciens à une
nouvelle génération de bâtisseurs, et le rétablissement d’espaces
religieux et cérémoniels. L’implication de la communauté locale
pourrait aussi être considérée comme une partie importante d’un
processus de réconciliation et comme un outil de régénération.
S’agissant des éléments immatériels qui ont été perdus, comme
l’utilisation traditionnelle d’un espace sacré, selon la Charte de
Burra d’ICOMOS Australie, « la reconstruction constitue une option
comme expression d’un usage ou d’une pratique qui maintient la
valeur culturelle d’un lieu ou d’un bien patrimonial ». Le Document de

Nara sur l’authenticité adopté par le Comité soutient, quant à lui, la
reconstruction des éléments immatériels, en élargissant la définition
des caractéristiques de manière à inclure certains aspects immatériels
tels que l’esprit et les sentiments, et en encourageant des approches
diversifiées selon le contexte culturel. Alors que les idées évoluent et
que les concepts changent, la conservation du patrimoine joue un
rôle plus important au sein de la société, contribuant à la qualité de
vie, à la résilience et au rétablissement des communautés.
PM : Pensez-vous que la restauration ou la reconstruction
d’un site du patrimoine mondial dans un contexte de
post-conflit soit compatible avec des plans de relance plus
ambitieux qui répondent à des questions humanitaires et de
développement durable ? Quels défis la Convention doit-elle
relever à cet égard et quels moyens peut-elle utiliser ?
CC : Naturellement, dans les situations de post-conflit, la priorité
consiste à mettre en œuvre des plans de relance permettant de
répondre aux questions humanitaires et de développement durable.
Les recommandations et les politiques du patrimoine mondial
soulignent que la conservation peut contribuer aux objectifs de
développement durable et de qualité de la vie des communautés.
Or il n’est pas toujours possible de concilier les obligations des sites
du patrimoine mondial et des plans de rétablissement post-conflit.
Toute activité de restauration ou de reconstruction doit se conformer
à un éventail de politiques énoncées dans les Orientations du Comité.
Si le rétablissement de la valeur universelle exceptionnelle dans les
situations d’après-guerre est clairement l’option la plus souhaitable,
on peut rencontrer certains cas où la perte des caractéristiques est
tellement importante que d’autres approches deviennent alors
nécessaires. Le Comité devrait également veiller à bien enregistrer
toute l’étendue des valeurs de chaque site lors de son inscription.
Dans le cas du Mali, il est important de noter que la déclaration de la
valeur universelle exceptionnelle se concentre essentiellement sur les
tombeaux en tant que témoins du passé de Tombouctou, sans mention
des valeurs communautaires et des techniques de construction
traditionnelles. Ce n’est qu’après la destruction des tombeaux qu’ont
été évoquées ces valeurs communautaires et immatérielles.
La question de la reconstruction du patrimoine culturel ayant fait
l’objet d’une destruction intentionnelle est aujourd’hui étudiée dans
le cadre des stratégies holistiques pour la protection des droits de
l’homme et la consolidation de la paix. Le défi que doit relever la
Convention consiste à s’acquitter de son obligation première de
protection et de conservation de la valeur universelle exceptionnelle
des sites inscrits, en déterminant au cas par cas la faisabilité de
chaque projet. Les principes et les recommandations en matière
de reconstruction ne correspondent pas toujours aux objectifs de
développement durable.
PM : Pourriez-vous nous expliquer en quoi la reconstruction
d’un monument diffère de celle d’une ville ?
CC : La reconstruction d’un monument et la reconstruction d’une ville
diffèrent de par leur envergure respective. La valeur d’un monument
repose sur ses caractéristiques architecturales ainsi que sur d’autres
aspects matériels. Sa reconstruction nécessite, par conséquent, le
Entretien
Le minaret renversé de la grande mosquée d’Alep (janvier 2017).
© UNESCO
rétablissement de détails spécifiques. Dans le cas d’une ville, la priorité
ne porte pas sur la conservation de bâtiments, mais sur le rétablissement
de tous les processus sociaux, culturels et économiques qui composent
le tissu urbain. Ces valeurs sont définies en termes généraux et à
l’échelle urbaine. Elles comprennent des plans de rues, des modes
d’utilisation, des paysages urbains, une organisation spatiale, des
éléments naturels, des vues importantes, des pratiques culturelles ainsi
que d’autres dimensions immatérielles du patrimoine. Par conséquent,
il est plus facile d’y intégrer des éléments et des fonctionnalités
modernes pour répondre à de nouveaux besoins, tout en respectant
l’authenticité et l’intégrité générales de la ville. La Recommandation
de l’UNESCO concernant le paysage urbain historique (2011), qui
fournit des orientations pour promouvoir le développement durable
au sein des villes historiques, préconise des décisions de conservation
à l’échelle du paysage. Cette recommandation considère que la
conservation des ressources existantes est une contribution essentielle
au développement durable des villes historiques. Elle se focalise sur
l’intégration des stratégies de conservation dans la planification locale
et les processus de développement pour créer des villes harmonieuses
et dynamiques. Elle énonce clairement que « l’approche centrée sur
le paysage urbain historique soutient les communautés dans leur
effort de développement et d’adaptation, tout en préservant les
caractéristiques et les valeurs liées à leur histoire et à leur mémoire
collective, ainsi qu’à l’environnement. »
PM : Pensez-vous que le Comité a eu raison de n’inscrire
le Quartier du Vieux pont de la vieille ville de Mostar en
Bosnie-Herzégovine qu’au titre du critère (vi), sachant
que la reconstruction par l’UNESCO était conforme à la
documentation exhaustive ?
CC : Je me souviens très bien du débat chargé en émotions qu’a
suscité l’inscription de Mostar. La décision d’inscrire ce bien avait été
différée par le Comité du patrimoine mondial en 1999, en 2000 et en
2003. Il fut finalement inscrit en 2005. Malgré la grande qualité de la
documentation disponible, l’ICOMOS doutait de l’intégrité des travaux
de reconstruction. Ces doutes furent confirmés par une évaluation
externe du projet et par le regretté Léon Pressouyre, Président du
comité scientifique pour la reconstruction du pont de Mostar, de 2002
à 2004. Selon le Professeur Pressouyre, le projet utilisait à la fois des
matériaux et des techniques historiques et contemporains, et créait
Patrimoine Mondial Nº86 65
 Forum Entretien
une structure hybride qui « dissociait l’étude scientifique de la mise
en œuvre ». Le fait que le pont et les bâtiments environnants étaient
des reproductions modernes empêchait l’application du critère (iv),
comme le proposait l’ICOMOS, puisqu’on ne peut pas affirmer que
l’ensemble architectural rebâti « illustre une période significative de
l’histoire humaine ».
À cause du manque d’authenticité matérielle du pont, l’inscription
de ce site s’est exclusivement concentrée sur le critère (vi). L’ICOMOS
soutenait l’idée d’une authenticité « globale », arguant que la
reconstruction du tissu devait être perçue comme une toile de fond
à la restauration des dimensions immatérielles du bien. Le Comité
décida finalement que la valeur universelle exceptionnelle du site
était un symbole universel de la coexistence d’une communauté aux
origines culturelle, ethnique et religieuse diverses, ainsi qu’un symbole
de résilience dans un contexte de conflits humains. Sans contester la
décision du Comité d’inscrire ce site au titre du critère (vi), je pense
néanmoins que l’accent aurait dû porter sur l’acte symbolique de
la reconstruction du pont par la communauté internationale. À cet
égard, l’inscription de Mostar est très différente de la situation de
Varsovie où la reconstruction de la place du marché symbolise la
reconstruction d’une caractéristique nationale par un peuple qui avait
perdu ses repères essentiels et voulait les retrouver.
PM : À votre avis, comment le Comité abordera-t-il, à l’avenir,
les travaux de reconstruction majeurs de sites tels que Bamiyan,
Hatra, Palmyre et d’autres lieux détruits intentionnellement ?
www.cavernedupontdarc.fr
www.cavernedupontdarc.fr
Vallon
VallonPont
Pontd’Arc
d’Arc• •Ardèche
Ardèche• •France
CC : Évidemment, je serais bien incapable de prédire la façon dont
réagira le Comité du patrimoine mondial à l’avenir, d’autant que sa
composition est périodiquement renouvelée. Néanmoins, il est clair
que le nombre d’attaques délibérées de sites du patrimoine mondial
est en augmentation et que la protection de ces sites implique
désormais la participation d’autorités supérieures comme les Nations
Unies, Interpol et la Cour pénale internationale. Ce changement de
paradigme présente un nouveau défi pour le Comité et soulève
la question de savoir si la destruction intentionnelle affecte son
approche en matière de reconstruction. Ma recommandation serait
qu’avant que le Comité ne renforce sa position sur la reconstruction
des lieux détruits intentionnellement dans un contexte de conflit,
il serait utile de prendre du recul et de réfléchir aux conséquences
politiques de ses actions. Si nous avons aujourd’hui les capacités
techniques et numériques de créer des répliques fidèles de sites
historiques, les questions d’éthique et de doctrine n’ont pas encore
été résolues.
Dans le cadre de cette réflexion, des solutions alternatives à la
reconstruction doivent être explorées afin de déterminer si ces
solutions pourraient répondre ou non aux besoins des communautés,
pour lesquelles la reconstruction semble être la seule option. Il existe
de nombreuses approches alternatives permettant de commémorer
ces sites, comme des structures « fantômes » fabriquées en
matériaux contemporains, des expositions d’interprétation utilisant
des technologies modernes telles que la réalité virtuelle ou
augmentée et des projections en 3 D.
France
Observatoire
Jodrell Bank Observatory,
de Jodrell Bank, UK
Royaume-Uni
In support of its scientific, cultural and
L’observatoire de Jodrell
historical significance, Bank
Jodrell est le
Bank
prochain candidat
Observatory, is the du Royaume-Uni
UK’s next nomineepour
uneinscription
for inscription assur la Liste du
a UNESCO patrimoine
World
Heritage
mondial deSitel’UNESCO.
. Cette candidature
repose sur la remarquable importance
historique et culturelle de ce lieu.

Jodrell Bank Observatory
Université de Manchester
Macclesfield, Cheshire, SK11 9DL
+44 (0)1477 571766
www.jodrellbank.net
Télescope Lovell de l’Observatoire de
Jodrell Bank, image : Anthony Holloway
L’Observatoire de Jodrell Bank a été
construit en 1945 dans le cadre de
l’Université de Manchester afin de
s’intéresser à une toute nouvelle science :
l’exploration de l’univers « invisible » par
ondes radio plutôt que par lumière.
La radioastronomie venait tout juste de
découvrir des phénomènes jusqu’alors
inimaginables tels que des quasars, des
pulsars, des lentilles gravitationnelles
et l’écho lumineux du Big Bang, pour
nous offrir une vue au-delà de notre
galaxie et nous permettre de remonter
14 milliards d’années jusqu’à l’origine de
l’univers.
Jodrell Bank est l’unique site à avoir conservé
des preuves de l’évolution de la radioastronomie,
depuis ses prémices jusqu’à nos jours. Son
histoire comprend des découvertes scientifiques
révolutionnaires, des prouesses d’ingénierie
dans un contexte d’après-guerre, l’aube de l’ère
spatiale et la construction du télescope Lovell,
une icône de science et d’ingénierie classée aux
monuments historiques (Grade I).
PUBLIREPORTAGE

L’ART RUPESTRE DE L’ARAGON (ESPAGNE)

VINGT ANS AU PATRIMOINE MONDIAL (1998-2017)

Le patrimoine de l’Aragon se distingue par ses diverses manifestations

d’art rupestre couvrant plus de 30 000 ans d’histoire. Cette région, qui
englobe d’extraordinaires paysages de haute montagne, des reliefs et
des gorges profondes, et comprend 163 sites de peintures et de gravures
murales, a été inscrite en 1998 sur la Liste du patrimoine mondial. Plus
de 70 % de ses œuvres se situent dans les quatre parcs culturels de
Vero, Martin, Maestrazgo et Albarracin. Au cours des vingt dernières
années, la gestion efficace et respectueuse de ce patrimoine a permis de
compiler une documentation complète des sites, d’assurer leur protection
et leur promotion, de mieux diffuser les connaissances scientifiques et
de soutenir le développement rural de son environnement naturel. Pour
répondre à la demande croissante du public pour des produits culturels et
faire face à l’extraordinaire essor du tourisme culturel et rural, les autorités
ont mis en place des mesures visant à mieux protéger cette précieuse ressource, en encourageant notamment
le partage de connaissances et l’établissement de protocoles et d’interventions de conservation scientifiques.
L’amélioration de certains aspects tels que la signalisation, la protection et la diffusion a conféré à ce patrimoine un
plus grand respect et en a fait l’un des atouts phare de l’Aragon ainsi qu’une destination importante, tant au niveau
national qu’international.

Art rupestre du bassin méditerranéen de

la péninsule Ibérique
Inscrit sur la Liste du

www.aragon.es patrimoine mondial en 1998

Forum Organisations consultatives

Comment l’ICOMOS favorise la discussion sur la

Organisations consultatives
reconstruction en tant que processus dynamique

L
ICOMOS
www.icomos.org

a récente vague de destruction

délibérée du patrimoine culturel qui
a frappé la Libye, le Mali, le Nigeria,
la Syrie et le Yémen dans le cadre
de conflits armés, ainsi que l’impact
dévastateur des tremblements de terre qui
ont dévasté le Népal et d’autres pays, ont
mis la question de la reconstruction des
sites culturels sur le devant de la scène.
La reconstruction est un sujet
fréquemment abordé par le Comité du
patrimoine mondial et l’ICOMOS dans le
cadre des dossiers de candidature ou des
rapports sur l’état de conservation. Cette
question avait même été traitée dans les
années 1990 à l’issue des guerres de l’ex-
Yougoslavie. Mais aujourd’hui, l’ampleur
de la destruction à laquelle nous sommes
confrontés, notamment au regard de la
destruction intentionnelle et de sa vaste
zone géographique, exige une nouvelle
réflexion.
Les décisions prises par le Comité du
patrimoine mondial conduisent à une
meilleure compréhension de ce que signifie
la reconstruction dans le contexte de la
sauvegarde et du maintien de la valeur
universelle exceptionnelle. Elles mettent
également en évidence la nécessité de Le site archéologique de Sabratha est l’un des cinq sites du patrimoine mondial en Libye inscrits sur la Liste
considérer la reconstruction comme un du patrimoine mondial en péril en 2016 en raison des dégâts causés par le conflit qui affecte le pays.
© Neil Weightman
concept aux multiples facettes allant bien
au-delà de l’idée de « reconstruire des
tissus ». En effet, les caractéristiques de la les problèmes techniques doivent être sites post-traumatiques, et particulièrement
valeur universelle exceptionnelle concernent considérés dans le cadre d’un contexte ceux où des quartiers tout entiers ont été
non seulement le tissu des bâtiments, des social, culturel et économique plus large touchés ou anéantis, s’accompagne de
monuments ou des villes, mais aussi les et intégré à des structures formelles et multiples défis : les informations disponibles
processus qui lient les gens aux lieux, et informelles et à des relations symbiotiques. et la documentation sont souvent
les associations historiques, sociales ou Ce point est d’autant plus important lorsqu’il insuffisantes ou quasi inexistantes, le savoir-
spirituelles. La reconstruction peut ainsi s’agit de lieux détruits lors d’événements faire artisanal et les matériaux traditionnels
être l’occasion de renforcer ces processus et traumatiques. Comme l’illustrent les ne sont pas toujours facilement accessibles,
d’améliorer la résilience des communautés exemples exposés dans les autres articles et la pression pour une action rapide est
du point de vue de la manière dont leurs de ce numéro, les bâtiments font partie de généralement très grande. Comment
traditions sociales et culturelles soutiennent l’identité culturelle, et la reconstruction doit aborder ces défis ? Comment reconstruire
la valeur universelle exceptionnelle. être considérée comme faisant partie d’un un cadre de vie ? Et comment rétablir la
Bien que, dans une large mesure, processus dynamique. résilience quand des réponses rapides
la reconstruction soit, une opération Malheureusement, l’ampleur de la sont nécessaires ? Toutes ces questions
technique, dans quasiment tous les cas, destruction que présentent de nombreux nécessitent une réflexion urgente.

Patrimoine Mondial Nº86 69

Forum Organisations consultatives
La contribution de l’ICOMOS
Le 4 mars 2016, l’ICOMOS a organisé un
colloque international préliminaire à Paris
afin de lancer des discussions sur le thème
de la reconstruction post-traumatique.
Cette rencontre permit d’ouvrir le débat et
de recueillir les points de vue de différentes
parties prenantes et disciplines. Les enjeux
et les défis abordés mirent en évidence le
besoin de créer un nouveau document
d’orientation pour traiter le sujet de la
reconstruction au sens large, impliquant
une large sphère de disciplines, notamment
des ingénieurs, des psychologues, des
sociologues, des historiens et des médiateurs,
mais aussi des défenseurs de l’environnement,
des urbanistes et des architectes (http://
openarchive.icomos.org/1707/).
Cette rencontre permit également
d’identifier tous les domaines où il est
important d’agir à différents niveaux et à
différents rythmes. Parallèlement à une
réponse rapide pour résoudre les problèmes
les plus urgents, la nécessité de bien
comprendre les conséquences à long terme
de la reconstruction du point de vue de
concepts tels que l’authenticité, l’intégrité,
la mémoire, la reprise, la transmission ou la
réappropriation doit également être prise
en considération.
Le travail de formulation de ces orientations
fut poursuivi lors d’un atelier international
Dégâts après le tremblement de terre de 2015 à Katmandou (Népal).
© Guido Dingemans for ReSurge International
70 Patrimoine Mondial Nº86
de l’ICOMOS sur la reconstruction des sites
du patrimoine mondial, qui eut lieu du 19
au 21 septembre 2016, avec le soutien
financier de l’Université de Kyushu (Japon).
Une première version des Orientations
pour le rétablissement et la reconstruction
post-traumatiques des biens culturels
du patrimoine mondial de l’ICOMOS fut
préparée à la suite de cet atelier. Le but de
ces orientations provisoires était de stimuler
la discussion et d’encourager la compilation
d’études de cas. Le document d’orientation
a depuis été traduit dans quatre langues,
attestant du degré d’intérêt que suscite
ce domaine (http://openarchive.icomos.
org/1763/).
De plus, toujours avec le soutien
financier de l’Université de Kyushu (Japon),
un colloque du Forum des universités de
l’ICOMOS a eu lieu du 13 au 15 mars 2017
sur l’authenticité et la reconstruction, afin
d’apporter des réponses à des questions
fondamentales liées à la reconstruction.
Cet atelier donna lieu à un forum unique
où des membres de l’ICOMOS et des non-
membres, notamment des chercheurs
et des étudiants de cycle supérieur
sélectionnés selon un processus d’examen
par des pairs, étudièrent la question de
l’authenticité sous différents angles. Cet
atelier visait à élargir les perspectives des
participants. Des articles revus par des
pairs seront publiés sur le site de l’ICOMOS
en décembre 2017.
Une approche contextuelle
Tout au long de ce processus, deux
éléments sont devenus clairs : d’une part,
la reconstruction est un enjeu contextuel
et, d’autre part, une approche universelle
ne permet pas d’évaluer correctement
les cas de reconstruction. Afin de faciliter
l’évaluation de chaque cas, une analyse
comparative serait très utile. C’est pourquoi
l’ICOMOS élabore actuellement, avec le
soutien de l’Agence des affaires culturelles
(Japon), un cadre qui servira de base
commune aux études de cas et facilitera les
analyses comparatives. Une fois ce cadre
établi, l’ICOMOS recueillera des cas de
reconstruction (sans se limiter aux sites du
patrimoine mondial) et créera une base de
données sur la reconstruction, afin d’aider
les gestionnaires de patrimoine, ainsi que
les experts et les chercheurs.
Les tâches de l’ICOMOS ne se limiteront
pas à l’analyse et à l’évaluation de cas
de reconstruction individuels, mais elles
comprendront également la création de
systèmes permettant de contribuer aux
projets de reconstruction en partenariat
avec l’UNESCO. Cette approche constitue
fondamentalement la contribution de
l’ICOMOS à cette importante question.
 L’ART RUPESTRE DE

PUBLIREPORTAGE
LA RÉGION DE VALENCE
Le gouvernement régional de Valence était l’autorité responsable de
la proposition d’inscrire le bien « Art rupestre du bassin méditerranéen
de la péninsule Ibérique » sur la Liste du patrimoine mondial. Ce site fut
choisi en raison de la valeur universelle exceptionnelle que présente l’art
rupestre levantin pour le territoire de la région administrative de Valence.
D’un point de vue culturel, la région renferme le plus grand nombre de
sites d’art rupestre macroschématique connus.
La région de Valence comprend trois sites exceptionnels à visiter. Le
musée de la Valltorta à Tirig, Castellón, possède trois parties principales :
un musée monographique consacré aux gravures rupestres, un centre
dédié aux études d’art rupestre du gouvernement régional de Valence et
un musée qui accueille les visiteurs du site de Valltorta.
L’écomusée de Bicorps se situe au cœur de la province de Valence, dans
le massif de Caroig. Il précède la visite de la grotte d’Araña, réputée dans
le monde entier pour sa représentation d’une scène de collecte de miel, et
des abris de la gorge de Moreno et de la grotte de Voro à Quesa.
La grotte de Sarga située dans la province d’Alicante, à Alcoy, et le
sanctuaire de Pla de Petracos à Castell de Castells, sont également
dignes d’intérêt. Ce dernier est l’épicentre de l’art macroschématique, et
se caractérise par des représentations schématiques de personnages de
très grande taille dans des scènes d’adoration.

Barranco de la Valltorta (Tirig, Castelló)

Grotte de la Saltadora Pla de Petracos (Castell de Castells, Alacant) Grotte de Voro (Quesa, València)

Generalitat Valenciana-Communauté autonome espagnole de Valence

Art rupestre du bassin méditerranéen de

www.gva.es
la péninsule Ibérique
Inscrit sur la Liste du
patrimoine mondial en 1998
 L’ART RUPESTRE DE LA
PUBLIREPORTAGE

RÉGION DE MURCIE
Les gravures rupestres de la région de
Murcie se situent dans le bassin de la rivière
Segura et ses affluents. Elles se répartissent
à travers plus de 100 sites sur les basses
terres côtières et les massifs montagneux
de l’arrière-pays, dans un paysage en grande
partie intact.
Cette zone réduite présente des preuves
d’activité humaine s’étalant sur plus de
10 000 ans, depuis le paléolithique supérieur
jusqu’à l’âge du bronze. Par ailleurs, une
grande partie des sous-sols renferme des
vestiges archéologiques liés à l’art pariétal.
Pour mieux comprendre l’art rupestre de la
région de Murcie, il est important de visiter les
musées des sites qui abritent ces peintures
exceptionnelles.
Les peintures les plus anciennes datent
du paléolithique supérieur et se concentrent
autour de la ville de Cieza. Elles comprennent
des représentations impressionnantes de
bovins et de caprins peintes dans de petites
cavités.
Les villes de Moratalla et d’Yecla
possèdent, quant à elles, des abris rocheux
dotés de magnifiques peintures de style
levantin d’un étonnant réalisme. Représentant
essentiellement des femmes et des animaux
de grande taille, ces dernières permettent
Comunidad Autónoma de la Región de Murcia

au visiteur de remonter le temps. Le style Manual de Identidad Corporativa

Símbolo y logotipo versión horizontal con símbolo centrado en color/

schématique des terres centrales de Jumilla,
Cieza et Lorca incarne la synthèse d’un art
associé aux premiers éleveurs néolithiques. Archer levantin (Cañaíca del Calar, Moratalla).

Región de Murcia

www.carm.es

Art rupestre du bassin méditerranéen de

la péninsule Ibérique
Inscrit sur la Liste du
La figure humaine s’adapte à la morphologie du Figure humaine schématique patrimoine mondial en 1998
rocher (Abrigo de Los Rojos, Cieza) (Grotte-sima de La Serreta, Cieza)
S
Forum Conventions
Soixante-quatre villes rejoignent le Réseau des villes créatives de l’UNESCO
oixante-quatre villes, réparties
dans 44 pays, ont été désignées
Villes créatives de l’UNESCO par
l’ancienne Directrice générale, Irina
Bokova. Elles rejoignent un réseau
conçu par l’UNESCO pour mettre l’innovation
et la créativité au cœur des nouvelles
stratégies urbaines pour un développement
plus durable et plus inclusif. Ce réseau suscite
un intérêt croissant des collectivités locales.
« Ces nouvelles désignations témoignent
d’une plus grande diversité dans les
typologies des villes et d’un meilleur
équilibre géographique, avec 19 villes de
pays jusqu’alors non-représentés dans
le Réseau », a déclaré Mme Bokova. « Le
cadre de coopération mis en place pour
encourager les candidatures de villes de la
région Afrique – une priorité globale de
l’UNESCO – a également porté ses fruits,
avec neuf villes africaines qui rejoignent le
Réseau », a-t-elle ajouté.
Les 64 nouvelles Villes créatives de
l’UNESCO sont :
• Alba (Italie) – Gastronomie
• Almaty (Kazakhstan) – Musique
• Amarante (Portugal) – Musique
• Auckland (Nouvelle-Zélande) – Musique
• Baguio (Philippines) – Artisanat et arts
populaires
• Barcelos (Portugal) – Artisanat et arts
populaires
• Braga (Portugal) – Arts numériques
• Brasilia (Brésil) – Design
• Bristol (Royaume-Uni de Grande-
Bretagne et d’Irlande du Nord) – Film
• Brno (Tchéquie) – Musique
• Bucheon (République de Corée) –
Littérature
• Buenaventura (Colombie) – Gastronomie
• Carrare (Italie) – Artisanat et arts
populaires
• Changsha (Chine) – Arts numériques
• Chennai (Inde) – Musique
Centre historique de Morelia (Mexique).
© Antonio Tapia
• Chiangmai (Thaïlande) – Artisanat et arts
populaires
• Chordeleg (Équateur) – Artisanat et arts
populaires
• Cochabamba (Bolivie [État plurinational
de]) – Gastronomie
• Courtrai (Belgique) – Design
• [Ville métropolitaine de] Daegu
(République de Corée) – Musique
• Dubaï (Émirats arabes unis) – Design
• Durban (Afrique du Sud) – Littérature
• Frutillar (Chili) – Musique
• Gabrovo (Bulgarie) – Artisanat et arts
populaires
• [Ville du] Grand Geelong (Australie) –
Design
• Guadalajara (Mexique) – Arts numériques
• [Municipalité métropolitaine de] Hatay
(Turquie) – Gastronomie
• Istanbul (Turquie) – Design
• João Pessoa (Brésil) – Artisanat et arts
populaires
• Kansas City (États-Unis d’Amérique) –
Musique
• Kolding (Danemark) – Design
• Košice (Slovaquie) – Arts numériques
• Kütahya (Turquie) – Artisanat et arts
populaires
• Le Caire (Égypte) – Artisanat et arts
populaires
• Le Cap (Afrique du Sud) – Design
• Lillehammer (Norvège) – Littérature
• Limoges (France) – Artisanat et arts
populaires
• Łódź (Pologne) – Film
• Macao [Région administrative spéciale
de], Chine (Membre Associé de l’UNESCO) –
Gastronomie
• Madaba (Jordanie) – Artisanat et arts
populaires
• Manchester (Royaume-Uni de Grande-
Bretagne et d’Irlande du Nord) – Littérature
• Mexico (Mexique) – Design
• Milan (Italie) – Littérature
Conventions
• Morelia (Mexique) – Musique
• Norrköping (Suède) – Musique
• Ouagadougou (Burkina Faso) – Artisanat
et arts populaires
• Panama (Panama) – Gastronomie
• Paraty (Brésil) – Gastronomie
• Pesaro (Italie) – Musique
• Porto-Novo (Bénin) – Artisanat et arts
populaires
• Praia (Cabo Verde) – Musique
• Qingdao (Chine) – Film
• [Ville de] Québec (Canada) – Littérature
• San Antonio (États-Unis d’Amérique) –
Gastronomie
• Seattle (États-Unis d’Amérique) –
Littérature
• Sheki (Azerbaïdjan) – Artisanat et arts
populaires
• Sokodé (Togo) – Artisanat et arts populaires
• Terrassa (Espagne) – Film
• Tétouan (Maroc) – Artisanat et arts
populaires
• Toronto (Canada) – Arts numériques
• Tunis (Tunisie) – Artisanat et arts
populaires
• Utrecht (Pays-Bas) – Littérature
• Wuhan (Chine) – Design
• Yamagata (Japon) – Film
Le Réseau des villes créatives de l’UNESCO,
créé en 2004, met en valeur la créativité de
ses membres autour de sept domaines :
artisanat et arts populaires, design, film,
gastronomie, littérature, arts numériques, et
musique. Il compte désormais un total de 180
villes dans 72 pays.
Au-delà des différences géographiques,
démographiques ou économiques, les
Villes créatives s’engagent à développer et
à échanger de bonnes pratiques innovantes
pour promouvoir les industries créatives,
renforcer la participation à la vie culturelle
et intégrer la culture dans les politiques de
développement urbain durable.
Dans le cadre de la mise en œuvre du
Programme de développement durable
à l’horizon 2030 des Nations Unies et du
Nouveau Programme pour les villes, le
Réseau offre aux villes une plateforme pour
démontrer le rôle de la culture en tant que
levier pour construire des villes durables.
La prochaine Réunion annuelle du Réseau
des villes créatives se tiendra à Cracovie et
Katowice (Pologne) en juin 2018.
Patrimoine Mondial Nº86 73
PUBLIREPORTAGE

L’ART RUPESTRE DE
CASTILLE-LA MANCHE
Selva Pascuala, à Villar del Humo, Cuenca. © Juan Francisco Ruiz López

La région de Castille-La Manche occupe le sous-plateau méridional

du centre de la péninsule ibérique. Cette vaste plaine entourée de reliefs
montagneux est réputée pour ses manifestations d’art rupestre. On y trouve
des vestiges d’art rupestre levantin, d’art rupestre paléolithique, comme
à Cueva de los Casares, ainsi que des gravures rupestres schématiques,
comme à l’abri de Peña Escrita, découvert en 1783, où certaines œuvres
représentent notamment des femmes en train d’accoucher. Au total, plus
de 400 sites ont été recensés à travers la région.
Les vestiges d’art rupestre levantin se situent dans les massifs orientaux,
essentiellement dans la Sierra del Segura (Albacete) et dans la Sierra de las
Cuerdas (Cuenca), avec des enclaves importantes à Torcal de las Bojadillas
et à Solana de las Covachas, Nerpio, Abrigo Grande de Minateda, à Hellín, Grotte de Tío Modesto, à Henarejos, Cuenca. © Juan Francisco Ruiz López

Cueva de la Vieja en Alpera, Peña del Escrito et Selva Pascuala, Villar del
Humo et Cueva del Tío Modesto, Henarejos.
Abrigo Grande de Minateda est une paroi rocheuse longue de 16 m, sur
laquelle ont été peints des centaines de personnages très détaillés, dans
des scènes de chasse, de cueillette, de danse ou de rituels. Les ensembles
de Nerpio se composent de petites grottes situées sur une plateforme
commune. Villar del Humo présente un paysage unique constitué de
formations géologiques en grès.
La région de Castille-La Manche est un site privilégié pour étudier ces
manifestations fragiles du point de vue de la conservation et de l’analyse
des facteurs de détérioration. Solana de las Covachas, à Nerpio, Albacete. © Juan Francisco Ruiz López

Junta de Comunidades de Castilla-La Mancha

www.castillalamancha.es Art rupestre du bassin méditerranéen de

la péninsule Ibérique
Inscrit sur la Liste du
patrimoine mondial en 1998
Les membres du Groupe de liaison sur les conventions
L
relatives à la biodiversité (GLB) se réunissent pour
discuter des moyens d’unir leurs efforts
es 28 et 29 septembre 2017, les
chefs de huit conventions liées
à la biodiversité, constituant
le Groupe de liaison sur les
conventions relatives à la
biodiversité, se sont rencontrés au Siège
de la FAO pour discuter des moyens d’unir
leurs efforts en faveur de la biodiversité
mondiale.
« Nous reconnaissons tous que la perte
de biodiversité a de nettes conséquences
sur la sécurité alimentaire et la nutrition », a
déclaré René Castro Salazar, Sous-Directeur
général de la FAO, département climat,
biodiversité, terres et eau, en inaugurant
cette 12e réunion du GLB.
La réunion a été l’occasion d’échanger
des informations concernant les différentes
conventions, notamment sur leurs différentes
réunions statutaires à venir. Le besoin urgent
d’accroître la sensibilisation et de revaloriser
l’image de la biodiversité a également été
discuté : Cristiana Paşca Palmer, Secrétaire
exécutive de la CDB, a déclaré : « nous
devons rendre la biodiversité significative à
l’échelle internationale et montrer ses effets
positifs ». L’intégration de la sauvegarde de la
biodiversité aux objectifs de développement
durable à l’horizon 2030 est un pas important
dans la bonne direction.
Le Groupe de liaison sur les conventions relatives à la biodiversité s’est réuni au siège de la FAO à Rome (Italie).
© FAO
Parallèlement, il semble peu probable
que l’objectif ambitieux d’Aichi, fixé lors
de la 10e Conférence des Parties à la CDB
en 2010, soit atteint. Il est de plus en plus
reconnu que des efforts supplémentaires
sont nécessaires pour ancrer la sauvegarde
de la biodiversité dans tous les secteurs
économiques. Les membres du GLB sont
convenus de travailler ensemble pour tirer
parti de l’attention portée au Programme
d’action durable à l’horizon 2030, afin de
sensibiliser et de mobiliser un soutien en
faveur de la biodiversité, en élaborant des
stratégies et des plans de travail commun.
Le GLB a discuté des moyens pratiques
de renforcer la coopération entre les
secrétariats des conventions participantes,
en particulier dans le domaine de la
communication et du renforcement des
capacités. Une plus grande coopération et
des synergies entre les différents ministères
et institutions, qui sont les points focaux
pour les différentes conventions au niveau
national, ont également été considérées
cruciales, et les opportunités pour les
promouvoir ont été discutées.
Guy Debonnet a assisté à la réunion GLB
au nom du Centre du patrimoine mondial, et
il a présenté les points clés de la 41e session
du Comité du patrimoine mondial tenue en
Conventions
juillet 2017 à Cracovie, en Pologne, ainsi que
l’Assemblée générale des États parties à la
Convention du patrimoine mondial, qui s’est
tenue du 14 au 15 novembre 2017 au Siège
de l’UNESCO.
La réunion a également été une bonne
occasion de discuter d’une coopération
bilatérale renforcée avec les autres
conventions, en particulier avec la CITES
et la Convention de Ramsar. La réunion
du GLB s’est tenue immédiatement
après une autre réunion entre le GLB
et les représentants des agences hôtes
pour discuter des moyens de renforcer
la coordination et la coopération inter-
institutions dans le cadre des programmes
de biodiversité et de développement
durable. La réunion a été suivie par
les représentants de la FAO, du PNUE,
de l’ONUDI et de l’UICN. Ces agences
fournissent un soutien programmatique et
administratif substantiel à la mise en œuvre
des conventions relatives à la biodiversité.
Pour plus d’informations sur la 12e
réunion du GLB, veuillez consulter : http://
w w w.fao.org/plant-treaty/news /news-
detail/en/c/1044332/. Le compte rendu
de la réunion sera disponible sur le site
internet de la CDB à l’adresse https://
www.cbd.int/blg/.
Patrimoine Mondial Nº86 75
 URGENCE

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Photo : © VNF - Réalisation :
Nouvelles

Nouvelles
Un atelier sur le patrimoine du Pacifique a été
organisé du 30 août au 1er septembre 2017 à Koror,
Palaos, par l’UNESCO, en coopération avec le ministère
de la Communauté et des Affaires culturelles des
Palaos. Cette initiative réunissait des représentants
gouvernementaux de huit États membres du Pacifique
chargés de la préservation du patrimoine, ainsi que
des représentants du Pacific Heritage Hub (PHH) situé
à l’Université du Pacifique Sud (USP), des ONG et des
observateurs régionaux.
Voir page 86

Préservation Page 79
Sites en péril Page 88
Promotion Page 91

Lagon sud des îles Chelbacheb (Palaos).

© LuxTonnerre

Patrimoine Mondial Nº86 77

 Les Monastères
PUBLIREPORTAGE

de San Millán de
Yuso et de Cono
Susoaiutorio
de nuestro
La Rioja, Espagne
dueno dueno
christo dueno
Les monastères de San Millán de Yuso et de Suso situés à San Millán de

Cono aiutorio
de nuestro
salbatore… la Cogolla ont été inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO le 4 décembre
1997. Non seulement ce bien constitue un témoignage exceptionnel de
l’introduction et de la survivance de la vie monastique chrétienne du VIe siècle
à nos jours, mais il est également porteur d’une signification associative
dueno dueno exceptionnelle en tant que berceau de la langue espagnole moderne, écrite
christo Inicio
dueno de la glosa emilianense 89etdel códice 60 de San Millán,
parlée.
primer texto escrito en español
DP: LR-1333-2017

salbatore… Aujourd’hui, San Millán de la Cogolla est à la fois un important centre

culturel et une destination à la renommée internationale où coexistent
Inicio de la glosa emilianense 89 del códice 60 de San Millán,
primer texto escrito en español harmonieusement religion, culture et tourisme.

Suso abrita la première communauté monastique du monde hispanique.

Aujourd’hui encore, on peut y admirer l’autel le plus ancien d’Espagne où San
Notre langue,
notre culture
20e anniversaire de l’inscription
Nuestra lengua, Millán célèbre l’Eucharistie ; un sacrement toujours célébré à Yuso par l’ordre
des Augustins récollets.

des Monastères de San Millán

de Yuso et de Suso sur la Liste
du patrimoine mondial nuestra cultura La vie culturelle prit son essor à l’époque médiévale. Les textes les plus
abondants et les mieux rédigés en espagnol proviennent de ces pupitres.
fsanmillan.es L’une des productions littéraires les plus cultivées du Moyen-âge fut écrite
par Gonzalo de Berceo, premier poète de renom. Aujourd’hui encore, le
site conserve sa réputation de centre culturel grâce au Centre international
20 Aniversario de la Declaración de recherche sur la langue espagnole (CILENGUA), une référence clé pour
l’étude de la langue espagnole.
de los Monasterios de Suso y Yuso
como Patrimonio de la Humanidad
Les sites qui, comme celui-ci, conjuguent en toute harmonie spiritualité et
religion, culture et histoire, nature et paysages, origines et avenir de la langue
fsanmillan.es
espagnole sont rares dans le monde.

Monastères de San Millán de Yuso

et de Suso Monasteries
inscrits sur la Liste du patrimoine mondial
en 1997
Nouvelles Préservation
Appel au
renforcement de
la coopération
durant l’Assemblée
générale de
Blue Shield
Le 13 septembre 2017, l’ancienne
Directrice générale de l’UNESCO, Mme Irina
Bokova, a pris la parole lors de la séance
d’ouverture de l’Assemblée générale de Blue
Shield International, qui a eu lieu à Vienne,
Autriche, pour appeler au renforcement de
la coopération dans le cadre de la protection
du patrimoine.
Lors de la séance plénière publique,
en présence du Vice-maire de Vienne,
M. Johann Gudenus, et du Président par
intérim de Blue Shield International, M. Karl
von Habsburg-Lothringen, Mme Bokova
a déclaré que l’UNESCO et Blue Shield
International avaient un objectif commun.
« Nous cherchons à protéger des biens
culturels et, par extension, le patrimoine
culturel de l’humanité », a-t-elle fait
remarquer, indiquant que cette ambition
était bien plus qu’une simple question
Au Mali, les habitants de Tombouctou participent à l’entretien de la mosquée Djingareyber.
© UN Photo/Tiecoura Ndaou
culturelle : « Il s’agit de renouveler nos outils
élémentaires afin de promouvoir la paix et
la sécurité ».
L’ancienne Directrice générale a évoqué
tous les progrès accomplis depuis la
création de la Convention de La Haye de
1954 de l’UNESCO pour la protection des
biens culturels en cas de conflit armé, un
document ratifié par 128 États parties et,
récemment, par le Royaume-Uni.
« Cela témoigne d’une nouvelle
reconnaissance mondiale du rôle que joue
le patrimoine culturel dans les conflits
modernes. Notre rôle consiste à transformer
cette prise de conscience en réseaux efficaces,
en outils pratiques pour appliquer la loi et en
mesures de protection concrètes », a ajouté
Mme Bokova en rappelant les programmes
récemment déployés par l’UNESCO pour
former des responsables militaires, des forces
de police et des professionnels des services
des douanes dans ce domaine.
Lors de la cérémonie, le Colonel Keba
Sangare (Mali) et la Major Corine Wegener
(États-Unis) se sont vus décerner le prix Blue
Shield International pour leur engagement
exceptionnel en faveur de la protection du
patrimoine. Le Président von Habsburg-
Lothringen a notamment décrit la façon
dont le Colonel Keba Sangare avait décidé,
en 2015, pendant la bataille de Tombouctou,
Préservation
de ne pas faire appel à l’armée de l’air et de
poursuivre au sol la bataille afin de vaincre
les extrémistes sans infliger de dommages
importants à la grande mosquée de la ville.
« Cela est interdit par le droit international »,
avait-il déclaré à l’époque.
« La Convention de 1954 ne s’inscrit pas
uniquement dans le droit international, elle
fait aussi partie du droit humanitaire et du
droit de la guerre », a déclaré le Président de
Blue Shield, « et pour vaincre l’extrémisme
violent, nous devons nous appuyer sur le
droit international. »
« Nous avons parcouru beaucoup de
chemin depuis 1954, mais aujourd’hui plus
que jamais, nous devons promouvoir la
paix », a déclaré Mme Bokova, appelant à
une meilleure coordination entre tous les
acteurs et à une coopération plus poussée
entre les experts militaires, judiciaires,
humanitaires et culturels.
Évoquant la récente inscription du Centre
historique de Vienne sur la Liste du patrimoine
mondial en péril, a rappelé l’importance
de cette ville décrite comme « le cœur de
la culture et de l’esprit européens », et
souligné la volonté de l’UNESCO de travailler
avec l’Autriche pour mettre en œuvre la
recommandation du Comité du patrimoine
mondial visant à transmettre le patrimoine
de la ville aux générations futures.
Patrimoine Mondial Nº86 79
Nouvelles Préservation
Des experts
géorgiens invités
par l’UNESCO
Du 17 au 23 septembre 2017, l’UNESCO
a accueilli des représentants de la Géorgie
afin de discuter de la protection des biens
inscrits au patrimoine mondial. L’objectif de
cette rencontre était d’explorer de nouvelles
voies de coopération et de partager
les expériences des experts français et
géorgiens.
La visite a débuté par une table ronde au
Siège parisien de l’UNESCO. La délégation
géorgienne, composée d’autorités
nationales, municipales et religieuses, a
examiné la question de la protection des
Monuments historiques de Mtskheta, un site
inscrit au patrimoine mondial, en compagnie
de représentants du ministère français
de la Culture, de l’Association française
pour le patrimoine mondial, du Centre du
patrimoine mondial et de l’ICOMOS.
Au cours de leurs débats, les participants
ont échangé leurs expériences en matière de
gestion de paysages urbains historiques et
de biens du patrimoine mondial présentant
un intérêt religieux. Le représentant du
ministère français de la Culture a proposé
de coopérer à l’avenir dans ces domaines.
Les autorités géorgiennes se sont
également rendues à la cathédrale Notre-
Dame de Paris pour y rencontrer Monseigneur
Patrick Chauvet, Recteur Archiprêtre de la
cathédrale, ainsi que des représentants de
la Direction régionale des affaires culturelles
(DRAC Île-de-France). Ils ont pu échanger
Rencontre entre des experts géorgiens et l’UNESCO.
© UNESCO
80 Patrimoine Mondial Nº86
leurs points de vue sur la participation des
communautés religieuses à la gestion de
sites exceptionnels d’intérêt religieux.
Durant cette visite, les participants ont
eu l’occasion de partager leurs expériences
et d’évoquer les principaux défis liés à la
gouvernance, à la gestion et à l’utilisation
des biens du patrimoine mondial en France
et en Géorgie.
Les temps forts de cette rencontre ont
compté la visite de prestigieux sites du
patrimoine français, comme l’ancienne
église Notre-Dame de Rigny, l’abbaye de
Fontevraud, les éléments du Val de Loire
entre Sully-sur-Loire et Chalonnes, inscrit
au patrimoine mondial, et la cathédrale
de Chartres, également site du patrimoine
mondial. Ces visites ont alterné avec
des présentations et des réunions avec
des maires, des architectes et différents
membres d’associations concernées par la
conservation, l’utilisation ou la promotion
des sites du patrimoine mondial français.
La délégation géorgienne a pu mieux
comprendre les bonnes pratiques appliquées
dans les domaines de la conservation, de la
gestion et de la protection des paysages
urbains historiques, ainsi que les stratégies
de développement urbain et du patrimoine,
et les politiques concernant l’aménagement
du territoire sur les sites du patrimoine
français.
Cette initiative faisait partie de l’assistance
technique apportée par l’UNESCO à la
Géorgie, dans le cadre de l’accord signé
en 2015 entre l’UNESCO et la Géorgie.
Le service de consultation en patrimoine
culturel de l’UNESCO bénéficie du soutien
financier de la Banque mondiale.
Anniversaire de
la Déclaration
des Nations Unies
sur les droits
des peuples
autochtones
Cette année marque le 10e anniversaire
de l’adoption de la Déclaration des
Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones. C’est l’occasion d’honorer les
droits des peuples autochtones ainsi que
la contribution unique de ces derniers à la
compréhension mutuelle, à la paix et au
développement durable.
La Journée internationale des peuples
autochtones, célébrée chaque année le
9 août, marque la première réunion du
Groupe de travail des Nations Unies sur les
populations autochtones en 1982, au sein
de la Sous-Commission de la promotion et
de la protection des droits de l’homme.
Cette année, un groupe de représentants
des peuples autochtones réunis lors du
4e Forum international des ONG, tenu
préalablement à la 41e session du Comité
du patrimoine mondial, a décidé de
créer un Forum international des peuples
© United Nations

autochtones sur le thème du patrimoine
mondial. Le Comité a reconnu que la
création de ce forum constituait une plate-
forme importante pour la réflexion sur la
participation des peuples autochtones dans
l’identification, la conservation et la gestion
des biens inscrits au patrimoine mondial,
avec un accent particulier sur le processus
de proposition d’inscription.
Le cinquième rapport d’évaluation du
Groupe d’experts intergouvernemental sur
l’évolution du climat (GIEC) reconnait que
les systèmes de savoirs et les pratiques
autochtones, locaux et traditionnels
constituent une ressource importante dans
le cadre de l’adaptation au changement
climatique. L’UNESCO organisera en
décembre 2017 dans les Caraïbes une
conférence régionale sur les connaissances
autochtones et locales et le changement
climatique.
En 2002, l’UNESCO a lancé le programme
Systèmes de savoirs locaux et autochtones
(LINKS) afin d’aider les gouvernements à
créer des synergies entre les connaissances
scientifiques et les savoirs des peuples
autochtones. Cette initiative a été
davantage développée avec la publication,
par le Conseil consultatif scientifique du
Secrétaire général des Nations Unies,
d’une note d’orientation sur les Sciences et
savoirs autochtones et locaux au service du
développement durable.
Application de
la Convention
au Maghreb
Un atelier régional sur les modalités de
soumission des propositions d’inscription
de sites sur la Liste du patrimoine mondial
a eu lieu à Djerba, Tunisie, du 11 au
15 septembre.
Ce séminaire a permis aux participants
de se refamiliariser avec les principes de
la Convention du patrimoine mondial,
d’examiner tous les aspects de la procédure
de soumission de sites proposés pour
inscription, et de renforcer la coopération
régionale dans la mise en œuvre de la
Convention, en offrant une tribune pour
l’échange d’expériences liées à la protection,
à la gestion de site et à la coopération
transfrontalière en Algérie, en Libye, en
Mauritanie, au Maroc et en Tunisie.
Les participants ont discuté de divers
moyens permettant d’améliorer la
représentation des États arabes sur la
Liste du patrimoine mondial. Ils ont
analysé le patrimoine de la région arabe
ainsi que les problèmes que posent les
Houmt Souk, Djerba (Tunisie).
© Daniel PERRIES
Préservation
conflits, la croissance urbaine, le manque
de ressources, la faiblesse des capacités
techniques et le tourisme de masse.
Les participants se sont également
entretenus avec des représentants de la
société civile et des collectivités locales pour
examiner l’identification, la protection et la
classification des sites aux niveaux national
et international.
Le directeur du patrimoine libyen a appelé
les pays voisins à coopérer pleinement pour
intercepter le trafic illicite du patrimoine
culturel de la Libye, et il a demandé l’aide
de l’UNESCO pour mettre en place des
mesures de gestion des risques permettant
de protéger efficacement les sites libyens
du patrimoine mondial, lesquels sont tous
actuellement placés sur la Liste en péril.
L’île de Djerba, qui figure sur la liste
indicative de la Tunisie depuis 2012, a
servi d’étude de cas pour la préparation
d’un dossier d’inscription sur la Liste du
patrimoine mondial. Les participants ont
élaboré, avec l’aide d’experts tunisiens et
internationaux, un plan d’action ainsi qu’un
calendrier détaillés pour la protection de
Djerba, et pour la préparation du dossier
d’inscription du site en vue d’une éventuelle
inscription sur la Liste.
Patrimoine Mondial Nº86 81
Nouvelles Préservation
Rencontre des
gestionnaires
de sites marins
du Pacifique
tropical oriental
Une réunion des gestionnaires de sites
marins du Pacifique tropical oriental a
eu lieu le 11 août 2017 à Guanacaste,
Costa Rica, afin d’identifier des mesures
concrètes pour permettre aux biens de se
soutenir mutuellement et de renforcer leur
conservation.
Cette rencontre, organisée et financée
par PACIFICO (un réseau de quatre fonds
environnementaux), avec le soutien du
ministère de l’Environnement du Costa Rica,
de la Zone de conservation de Guanacaste
et du Bureau de l’UNESCO à San José,
réunissait plus de 40 personnes, dont les
gestionnaires du Sanctuaire de baleines d’El
Vizcaino, des Îles et aires protégées du Golfe
de Californie, de la Zone de conservation
de Guanacaste, du Parc national de l’île
Cocos, du Sanctuaire de faune et de flore
de Malpelo et des Îles Galápagos.
Les gestionnaires de site ont partagé leurs
données scientifiques, leurs réussites et
leurs défis, et identifié des opportunités de
collecte de fonds pour soutenir des projets
de conservation régionale. Les participants
ont examiné la gestion des aires marines
protégées, les politiques côtières, le suivi
scientifique et la prévention de la pêche
illégale. Ils ont débattu plusieurs idées de
projets concrets, tels que l’installation de
Requins-marteau halicornes, île Cocos (Costa Rica).
© John Voo
82 Patrimoine Mondial Nº86
radars de télésurveillance et des projets
de coopération pour éradiquer les espèces
exotiques et envahissantes.
Les sites du patrimoine mondial marin
de la région ont accompli des progrès
importants pour réduire le braconnage,
comme sur l’île Cocos, où l’installation
d’un radar de télésurveillance a permis
aux gestionnaires de mieux contrôler ces
activités à travers le site. Cela étant, la pêche
illicite non déclarée et non réglementée
demeure un problème de taille dans cette
partie d’Amérique latine et dans les sites
marins du patrimoine mondial du monde
entier.
En août 2017, les autorités équatoriennes
ont confisqué un navire transportant des
milliers de requins pêchés illégalement
dans la Réserve marine des Galápagos
— un sanctuaire marin où aucune pêche
industrielle n’est autorisée. Le navire a
pu être arraisonné grâce à un système
de surveillance électronique récemment
modernisé. L’UNESCO a contribué, en 2015,
à la conception de ce système en facilitant
les échanges avec le site de la Grande
barrière, dans le but de renforcer l’efficacité
des patrouilles dans de vastes réserves
marines. Dans la mesure où les requins,
les baleines, les dauphins et les tortues
parcourent de très grandes distances, une
coopération internationale est essentielle
pour garantir la protection de ces sites du
patrimoine mondial.
La plate-forme de financement PACIFICO
fonctionne désormais avec les sites du
patrimoine mondial afin de soutenir les
propositions concrètes qui nécessitent un
financement.
© Yeowatzup
Le nouveau
rapport : l’Horizon
du patrimoine
mondial 2 de
l’UICN dresse
un tableau des
perspectives pour
les sites naturels
Pour la première fois, l’Horizon du
patrimoine mondial 2 de l’UICN – version
actualisée du rapport sur l’Horizon du
patrimoine mondial de l’UICN de 2014
– évalue comment les perspectives de
conservation des 241 sites naturels du
patrimoine mondial changent au fil du
temps. Il analyse les menaces, la protection
et la gestion des sites ainsi que l’état
de leurs valeurs de patrimoine mondial,
caractéristiques uniques qui justifient leur
statut prestigieux de sites du patrimoine
mondial.
Selon cette évaluation, les conséquences
du changement climatique touchent un
quart des sites, contre un sur sept en 2014.
Le rapport signale que le nombre de sites
naturels du patrimoine mondial affectés par le
changement climatique risque d’augmenter
encore, car le changement climatique reste
la plus grande menace potentielle pour le
patrimoine mondial naturel.
Au lancement du rapport à la Conférence
des Nations Unies sur le climat à Bonn,
Inger Andersen, Directrice générale de
l’UICN a déclaré : « La protection des
sites du patrimoine mondial est une
responsabilité internationale qui incombe
aux gouvernements signataires de l’Accord
de Paris. Ce rapport de l’UICN adresse un
message clair aux délégués réunis ici à
Bonn : le changement climatique agit vite et
n’épargne pas les trésors de notre planète.
La rapidité et l’échelle à laquelle il dégrade
notre patrimoine naturel met en évidence
à quel point une implication urgente et
ambitieuse des nations est indispensable
pour mettre en œuvre l’Accord de Paris. »
Outre ce constat, le rapport présente
encore d’autres défis à relever pour le
patrimoine mondial. Des menaces, telles que

IUCN World Heritage
IUCN WORLD HERITAGE OUTLOOK 2
Outlook 2
A conservation assessment of all natural
World Heritage sites
November 2017
les espèces invasives, le tourisme non durable
ou le développement d’infrastructures, sont
également en augmentation. Elles affectent
les processus écologiques et menacent la
survie des espèces dans les sites. Les espèces
exotiques invasives constituent la menace la
plus répandue.
Globalement, le rapport estime que
29 % des sites du patrimoine mondial sont
confrontés à de graves préoccupations, et
que 7 % ont un avenir menacé. Il prévoit
que deux tiers des sites, c’est-à-dire la même
proportion qu’en 2014, ont de grandes
chances d’être bien conservés dans un avenir
proche. Le rapport révèle également que la
qualité et l’efficacité de la gestion des sites
naturels du patrimoine mondial ont chuté
depuis 2014, notamment en raison de
ressources financières insuffisantes. Moins
de la moitié des sites ont un bon niveau de
gestion.
Toutefois, le rapport évoque aussi des
exemples de réussite qui montrent l’impact
positif et concret que peut donner une
bonne gestion. Le Parc national de Comoé
en Côte d’Ivoire, par exemple, a vu sa
population d’éléphants et de chimpanzés
se rétablir grâce à une gestion efficace
et au soutien international. Il s’agit de
l’un des 14 sites dont le classement a
progressé depuis le rapport sur l’Horizon du
patrimoine mondial de l’UICN de 2014.
Le rapport est disponible en ligne et les
évaluations du site peuvent être consultées
sur worldheritageoutlook.iucn.org. Pour plus
d’informations, écrire à whconservation@
iucn.org.
Lutte contre le
commerce illégal
des poissons
totoaba et
du vaquita
Le 4 septembre 2017, le Président du
Mexique, M. Enrique Peña Nieto, et le
Président de la Chine, M. Xi Jinping,
ont réaffirmé leur engagement pour la
conservation des poissons totoaba et la
préservation du vaquita, une espèce de
cétacé en danger critique d’extinction,
pratiquement disparue, à l’occasion du
sommet des économies émergentes et des
pays en développement, organisé dans la
ville de Xiamen, Chine.
La pêche des poissons totoaba est
interdite depuis 1975 dans les Îles et aires
protégées du Golfe de Californie, un site
mexicain inscrit au patrimoine mondial.
Pourtant, la pêche illégale se poursuit
et s’intensifie sensiblement depuis les
années 2010/2011, suite à une hausse de
la demande internationale pour la vessie
natatoire du totoaba, principalement en
Chine. Les poissons pêchés illégalement
sont souvent transportés à travers les États-
Unis pour être vendus en Chine.
Les populations de vaquita, qui étaient
déjà en danger bien avant l’inscription du
site sur la Liste du patrimoine mondial, se
sont considérablement réduites pour frôler
l’extinction, à la suite de l’intensification
de la pêche illégale du totoaba. En effet, le
Réunion trilatérale sur la lutte contre le trafic illicite des poissons totoaba, Ensenada (Mexique).
© Manolo Gómez
Préservation
vaquita se retrouve piégé par accident dans
les filets qu’utilisent les trafiquants pour
pêcher le totoaba.
La rencontre de septembre entre les
présidents du Mexique et de la Chine
reflète le soutien très élevé qui existe pour
la création d’un groupe tri-national visant à
lutter contre le trafic illégal du totoaba.
Recommandant le renforcement de la
coopération entre le Mexique, la Chine
et les États-Unis, le Comité du patrimoine
mondial, lors de sa 41e session en juillet
2017, a décidé de ne pas inscrire le site
du patrimoine mondial sur sa Liste du
patrimoine en péril.
À la suite de cette recommandation, une
réunion trilatérale a été organisée les 23
et 24 août 2017 à Ensenada, Mexique. Les
participants ont noté que la collaboration
transfrontalière avait conduit à l’arrestation
de trafiquants et à la saisie de nombreuses
vessies natatoires de totoaba, et ils ont
souligné l’importance du renforcement de
la formation des personnels des douanes,
premiers acteurs dans la prévention de ce
commerce illégal.
Le Comité a demandé qu’une mission
conjointe de suivi réactif soit effectuée sur
le site par le Centre du patrimoine mondial
et l’UICN, afin d’évaluer l’efficacité des
mesures mises en œuvre pour la protection
du vaquita. Le Comité a également
demandé un rapport actualisé sur l’état de
conservation du bien, qu’il examinera lors
de sa 42e session, avec la possibilité, en
l’absence de progrès significatifs, d’inscrire
le site sur la Liste du patrimoine mondial en
péril.
Patrimoine Mondial Nº86 83
PUBLIREPORTAGE

L’ART RUPESTRE EN
Abri de Perellada III à Capçanes, l’un des sites les plus
récemment documentés du district de Priorat
CATALOGNE
En 1979, lorsque l’UNESCO décida d’inclure l’art rupestre sur La liste du patrimoine mondial, avec
l’inscription de l’Art rupestre du Valcamonica (Italie) et les Sites préhistoriques et grottes ornées
de la vallée de la Vézère (France), la voie s’ouvrait vers la reconnaissance de l’art rupestre levantin.
Lors de la convention de Las Palmas en 1995, le gouvernement régional de Valence parvint à
unir les forces des régions administratives possédant des manifestations de ce type, dans un but
commun : inscrire l’Art rupestre du bassin méditerranéen de la péninsule Ibérique au patrimoine
mondial de l’UNESCO. La Catalogne travaillait déjà depuis plus d’une dizaine d’années sur le projet
« Ensemble de peintures rupestres ». Cette initiative, qui avait débuté par une documentation
complète des grottes d’El Cogul, incluait un état des lieux de chaque site en matière de
Les aplicacions següents corresponenconservation, a formes Podeu de
de protection, de travaux consultar la normativa
restauration en el manual, disponible
et de sensibilisation de l’opinion.
d’identificació corporativa de la identificació bàsica amb en línia a http://identitatcorporativa.gencat.cat
L’inscription de
tipografies de cossos 8 i 12 en composició horitzontal i ce bien sur la Liste du patrimoine mondial en décembre 1998 concernait
centrada, i en composició vertical 60 sites, situés
només perautour de 27 villes. Depuis, ce bien s’est enrichi et compte aujourd’hui plus de
a aquells
casos
Détails de la restauration de l’archer de Cabra Feixet, enCogul.
grottes d’El què l’espai ho requereixi.
120 sites, répartis autour de 37 villes. Par souci de concision, nous ne citerons ici qu’une sélection
de projets les concernant : la création de trois grands sites territoriaux pour l’interprétation de l’art
rupestre de la Catalogne (l’Art rupestre de l’Ermita à Ulldecona, Muntanyes de Prades à Montblanc
et les grottes d’El Cogul) et la création d’un réseau de sites capable d’accueillir les visiteurs avec
enclos de protection, panneaux d’information et visites guidées ou réservées. Seize interventions
de conservation furent également menées pour restaurer la couleur de différentes séries de
peintures difficiles à voir. Neuf de ces œuvres figurent sur la Liste du patrimoine mondial, et sept
sont de nouvelles découvertes. On citera aussi la réalisation de nouvelles études approfondies
sur les problèmes et les facteurs qui affectent la conservation de ces sites, des propositions
pour leur conservation et la commande d’études sur la consolidation du substrat sur lequel sont
peints les panneaux.

Centre d’interprétation territorial des grottes d’El Cogul.

Art rupestre du bassin méditerranéen de
la péninsule Ibérique
Inscrit sur la Liste du
www.gencat.cat patrimoine mondial en 1998
Mission de
suivi réactif sur
l’île Wrangel
Une mission de suivi réactif dirigée
par Francesco Bandarin, Sous-directeur
général de l’UNESCO pour la Culture, a été
réalisée sur le site du patrimoine mondial
du Système naturel de la Réserve de l’île
Wrangel (Fédération de Russie) du 10 au
18 août 2017. Avec l’île Herald et un vaste
territoire océanique, l’île Wrangel est le site
le plus septentrional inscrit sur la Liste du
patrimoine mondial.
Conformément à une demande formulée
par le Comité du patrimoine mondial lors
de sa 40e session, en 2016, la tâche de la
mission était d’évaluer l’état de conservation
du bien, ainsi que les menaces pesant
potentiellement sur sa valeur universelle
exceptionnelle.
La mission a consulté les autorités
russes compétentes, et préparé des
Système naturel de la Réserve de l’île Wrangel (Fédération de Russie).
© John Voo
recommandations pour examen par le
Centre du patrimoine mondial et l’UICN.
Son rapport a également été envoyé au
gouvernement de la Fédération de Russie
pour examen. Les conclusions de ce rapport
seront reflétées dans les documents
de travail qu’examinera le Comité du
patrimoine mondial lors de sa 42e session.
Le Système naturel de la Réserve de l’île
Wrangel se distingue par sa biodiversité
exceptionnelle au sein de la région arctique.
Ayant été épargnée par la glaciation de la
dernière période glaciaire, l’île Wrangel
a offert un refuge à de nombreuses
espèces qui auraient autrement disparu.
Le site renferme également la plus grande
population mondiale de morses du
Pacifique, ainsi que la plus forte densité de
tanières ancestrales d’ours blanc. La réserve
constitue, par ailleurs, un site de nourrissage
important pour la baleine grise qui migre
depuis le Mexique, et depuis le Sanctuaire
de baleines d’El Vizcaino, un autre bien du
patrimoine mondial.
Journée de
Préservation
surveillance
de Pavlopetri
Le 29 juillet 2017, l’UNESCO a participé
à la deuxième Journée de surveillance de
Pavlopetri, à l’invitation de l’Alliance pour la
restauration du patrimoine culturel (ARCH)
et en collaboration avec les autorités
grecques. Le but de cette initiative était
d’exposer les menaces qui pèsent sur
le patrimoine subaquatique unique de
Pavlopetri. Lors de cet événement, la
directrice de la Division du patrimoine,
Mme Mechtild Rössler, a prononcé un
discours – ainsi que Mme Elena Korka du
ministère de la Culture et l’Éphorat pour le
patrimoine culturel subaquatique.
Pavlopetri est la plus ancienne
ville submergée au monde. Ce site
exceptionnel proche de Néapolis, dans
le sud du Péloponnèse, ainsi que tous
ses éléments (maisons, rues, cimetières,
etc.) peuvent être facilement observés.
Il s’agit de la première ville submergée à
avoir été numériquement étudiée en trois
dimensions.
La Journée de surveillance de Pavlopetri
a été créée pour mettre en évidence le
vaste éventail de ressources culturelles et
biologiques qui rendent cette région à la
fois unique et fragile, et pour encourager
les participants de tous horizons à
promouvoir et à protéger ce site pour les
prochaines générations.
Une visite archéologique sous-marine
a été organisée à Pavlopetri avec des
experts, des représentants des autorités et
des communautés locales, tandis que les
discussions ont porté sur l’environnement,
la dégradation des vestiges irremplaçables
du site par la navigation commerciale,
l’élimination illégale des déchets et la
pêche illégale qui menacent aussi les
espèces végétales et animales en voie de
disparition dans la baie.
Le 30 juillet, plusieurs activités ont
été organisées dans une école de l’île
voisine d’Elafonisos, afin de sensibiliser la
population, et plus particulièrement les
jeunes.
Patrimoine Mondial Nº86 85
Nouvelles Préservation
Sauvegarde du
patrimoine dans
le Pacifique
Un atelier sur le patrimoine du Pacifique
a été organisé du 30 août au 1er septembre
2017 à Koror, Palaos, par l’UNESCO,
en coopération avec le ministère de la
Communauté et des Affaires culturelles
des Palaos. Cette initiative réunissait des
représentants gouvernementaux de huit
États membres du Pacifique chargés de la
préservation du patrimoine, ainsi que des
représentants du Pacific Heritage Hub (PHH)
situé à l’Université du Pacifique Sud (USP),
des ONG et des observateurs régionaux.
L’atelier a permis de développer les
capacités des parties prenantes en
partageant les progrès accomplis dans la
mise en œuvre du Plan d’action 2016-2020
pour le patrimoine mondial du Pacifique. Il a
également permis aux participants de mieux
comprendre la Convention de La Haye pour
la protection des biens culturels en cas de
conflit armé (1954) et ses deux protocoles,
ainsi que la Convention sur la protection du
patrimoine culturel subaquatique (2001).
Son objectif principal était de promouvoir
une approche intégrée pour la sauvegarde
du patrimoine terrestre et subaquatique à
travers toute la région Pacifique.
Uu atelier sur le patrimoine du Pacifique a été organisé à Koror (Palaos).
© UNESCO
86 Patrimoine Mondial Nº86
Les participants ont actualisé les
données liées aux mesures de sauvegarde
du patrimoine au niveau national. Ils se
sont concentrés sur la nécessité de mieux
connaître et comprendre le contexte
culturel et socio-économique afin de gérer
plus efficacement les questions relatives à la
préservation du patrimoine dans le cadre du
développement durable de la région.
Ils ont ensuite examiné plusieurs questions
liées à la protection du patrimoine dans les
États insulaires du Pacifique, notamment la
détermination de la zone tampon, les droits
de propriété dans le cadre de la gestion
du patrimoine, ainsi que les coûts et les
avantages du tourisme du point de vue de la
protection du patrimoine. Ils ont également
discuté du renforcement mutuel du droit
coutumier traditionnel et du droit national
officiel, des mécanismes de financement
durables pour la gestion du patrimoine et
du développement de la politique culturelle.
Les participants ont convenu de
plusieurs mesures à prendre pour renforcer
la protection du patrimoine culturel
subaquatique, comme l’utilisation d’un
système de parc marin, l’encouragement
de l’engagement communautaire, et la
création de partenariats avec des opérateurs
et des guides de plongée afin d’améliorer
la collecte de données, et l’application de
l’annexe de la Convention sur la protection
du patrimoine culturel subaquatique, en
tant que bonnes pratiques reconnues au
plan international, tout en renforçant la
promotion de cette Convention dans la
région. La session sur la Convention de La
Haye et ses protocoles a été marquée par
des discussions animées et une évolution
des points de vue. Les problèmes évoqués
comprenaient le besoin urgent de se
préparer davantage aux catastrophes
naturelles (dont l’impact du changement
climatique) qu’aux catastrophes causées par
l’homme, la priorisation de la ratification
des différentes conventions de l’UNESCO ;
et la complémentarité et la synergie des
différentes Conventions de l’UNESCO. Les
participants ont convenu de l’importance
de créer des systèmes nationaux avant la
ratification, de la nécessité de mener des
actions de sensibilisation ainsi que des
consultations avec les parties prenantes
sur la Convention de La Haye, aux niveaux
national et régional, et l’organisation
éventuelle d’une formation en droit
humanitaire international dans les pays du
Pacifique qui contribuent aux opérations de
maintien de la paix des Nations unies.
L’atelier s’est terminé avec la volonté de
continuer à surveiller les progrès réalisés
dans la mise en œuvre du Plan d’action
actualisé pour 2018-2020, en garantissant
des auto-évaluations volontaires aux
niveaux national et sous-régional jusqu’au
prochain atelier régional prévu pour 2020.
 Seabourn et
l’UNESCO
Un partenariat pour préserver
le patrimoine mondial

TAJ MAHAL, INDIA

Seabourn collabore avec l’UNESCO pour promouvoir le tourisme durable dans les sites du patrimoine mondial. Notre
soutien contribue à renforcer la compréhension et l’engagement face à la mission de l’UNESCO pour identifier, sauvegarder
et promouvoir un patrimoine naturel et culturel unique, considéré comme ayant une valeur universelle pour l’humanité tout
entière. Des experts invités ayant une connaissance approfondie des sites du patrimoine mondial participent à notre série
Seabourn Conversations, ce qui permet aux visiteurs d’enrichir leur voyage, en recevant davantage d’informations ainsi
qu’une meilleure compréhension des sites.

Deux types d’excursions uniques à terre permettent également aux voyageurs de soutenir les efforts de conservation lorsqu’ils
visitent les sites et qu’ils apprennent à mieux les connaître. Seabourn World Heritage Tours comprend des visites de sites du
patrimoine mondial, tandis que Seabourn World Heritage Discovery Tours apporte un contenu enrichi exclusif, et ce uniquement
sur Seabourn. Un petit don au Fonds du patrimoine mondial de l’UNESCO sera ajouté aux prix de ces visites facultatives.

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Organisation Convention
des Nations Unies du patrimoine Seabourn soutient la conservation
pour l’éducation, mondial du patrimoine mondial grâce au
la science et la culture tourisme durable
Nouvelles Sites en péril
Réunion
d’experts à Alep
Les 10 et 11 août 2017, l’UNESCO a
organisé une réunion d’experts portant sur
l’utilisation de matériaux et de techniques
de construction traditionnels à Alep, Syrie.
Le but de cette rencontre était d’estimer les
besoins de l’Ancienne ville d’Alep (Syrie),
un site inscrit au patrimoine mondial, en
termes de techniques et de matériaux de
construction traditionnels en s’appuyant
sur les analyses et les évaluations des
dommages disponibles. Cette réunion a
également permis d’établir un inventaire
complet des artisans présents dans la
région.
La réunion, qui s’inscrivait dans le cadre
du projet « Sauvegarde d’urgence du
patrimoine culturel syrien », visait aussi à
poser les bases d’une école professionnelle
à Alep spécialisée dans les métiers de
construction traditionnelle et susceptible
d’être financée par l’UNESCO dans un futur
proche.
Cette initiative rassemblait 30 interve-
nants issus d’institutions gouvernementales,
d’ONG et du secteur privé, ainsi que
des experts locaux et internationaux et
14 artisans traditionnels venant de la
communauté locale.
La séance d’ouverture réunissait des
décideurs et des représentants techniques
Alep (République arabe syrienne) en 2007.
© we_like_it
88 Patrimoine Mondial Nº86
officiels comme le Gouverneur et le Maire
d’Alep et le chef de la Direction générale
des antiquités et des musées (DGAM).
Durant la réunion ont été présentés les
exposés d’experts de différentes institutions,
notamment la DGAM, le Comité du
patrimoine d’un Syndicat d’ingénieurs,
la Direction de l’Ancienne ville du Conseil
municipal d’Alep, l’Université d’Alep, la
Société archéologique d’Al-Adiyyat, le
Fonds de l’Aga Khan pour la culture et
l’UNESCO. Une sélection de matériaux de
construction et d’outils traditionnels a été
exposée par les artisans tout au long de la
réunion.
Les groupes de travail ont examiné les
priorités et les besoins futurs du point de
vue des matériaux de construction, des
techniques et du savoir-faire traditionnels.
La réunion a recommandé l’élaboration
d’une étude détaillée afin d’estimer la
disponibilité des matériaux et des artisans,
et d’identifier les coûts et les initiatives
similaires existantes.
Les participants ont noté que les
autorités locales avaient un rôle crucial à
jouer pour faciliter les questions d’ordre
logistique, juridique ou administratif,
tout en soulignant que les communautés
locales concernées devaient être
impliquées dans le processus décisionnel
et dans la mise en œuvre de toute activité
connexe. Les participants ont également
encouragé la participation de différentes
parties prenantes, telles que les jeunes, les
étudiants et les femmes.
Les participants ont recommandé la mise
à jour de la base de données des matériaux,
des métiers, des compétences et des
artisans.
Ils ont précisé que les programmes de
formation devraient inclure une partie
théorique, des activités manuelles dans des
ateliers de maîtres-artisans et des travaux
sur site. Ils ont noté que les processus de
sélection des stagiaires et des formateurs
devraient être étudiés et définis de manière
scientifique, et ont préconisé l’établissement
d’une école ou d’un centre dédié à
l’artisanat du bâtiment traditionnel. Ils ont
également demandé l’étude et l’adoption
de modalités de rémunération adéquates
(honoraires, microcrédits) afin d’encourager
la participation et la durabilité.
Enfin, les participants ont demandé la
poursuite du soutien scientifique, technique
et financier apporté par l’UNESCO.
Le projet de « sauvegarde d’urgence du
patrimoine culturel syrien » est une initiative
novatrice financée par l’Union européenne
avec le soutien des gouvernements flamand
et autrichien, en partenariat avec l’ICCROM
et l’ICOMOS. Ce projet se concentre sur
le renforcement des capacités techniques
des experts et des institutions de Syrie et
le renforcement de la coordination locale,
régionale et internationale afin de mener
des interventions efficaces.
La restauration
du Lion d’Al-Lât,
statue de la
cité antique
de Palmyre
endommagée
par Daesh, est
terminée
Le Lion d’Al-Lât qui a plus de 2 000 ans
et surplombait jadis la cité antique de
Palmyre, en Syrie, se dresse de nouveau
fièrement à l’entrée du site, grâce au Projet
de sauvegarde d’urgence du patrimoine
culturel syrien de l’UNESCO.
Ce lion de calcaire, également connu
sous le nom de Lion d’Athéna, mesurant
3 m 45 et pesant 15 tonnes, dominait et
protégeait autrefois l’entrée du temple
d’Al-Lât. Depuis sa découverte par des
archéologues polonais en 1977, il ornait
l’entrée du musée de Palmyre. La statue a
été fortement endommagée en mai 2015,
lorsque Palmyre, site inscrit au patrimoine
La statue du Lion d’Al-Lât au musée de Palmyre
(République arabe syrienne) avant sa restauration.
© UNESCO
mondial de l’UNESCO, est tombée au main
des forces armées de Daesh.
« C’était un symbole internationalement
reconnu de la ville de Palmyre, elle se tenait
devant le musée », a expliqué le restaurateur
polonais Bartosz Markowski qui a entrepris
la restauration de la statue pendant deux
mois. Au pied du lion, une antilope est
assise entre ses pattes, symbolisant la
protection du plus fort envers le plus faible.
« C’est une statue exceptionnelle », a
déclaré Markowski, « il n’y en a pas d’autre
comme celle-ci à Palmyre ».
« La restauration du Lion d’Al-Lât est une
grande réussite de dimension symbolique »,
a déclaré Hamed Al Hammami, Directeur
du Bureau régional de l’UNESCO pour
l’éducation dans les États arabes et
représentant de l’UNESCO au Liban et en
République arabe syrienne. « Cela fait partie
d’un projet de grande envergure visant
à protéger le patrimoine culturel syrien
unique qui est malheureusement menacé ».
À la suite de la décision adoptée à
l’unanimité par la 199e session du Conseil
exécutif de l’UNESCO concernant le rôle
de l’organisation dans la « sauvegarde et
la préservation de Palmyre et d’autres sites
syriens du patrimoine mondial », l’UNESCO
a envoyé une mission d’évaluation rapide à
La statue restaurée au musée de Damas.
© UNESCO
Sites en péril
Palmyre du 24 au 26 avril 2016, grâce à son
Fonds d’urgence pour le patrimoine.
Sur place, les experts ont alors découvert
que le musée de Palmyre avait subi des
dégâts considérables. Des statues et des
sarcophages, trop imposants pour être
placés en lieu sûr, avaient été détruits et
défigurés ; des bustes, retrouvés couchés
sur le sol et en ruine, avaient été décapités.
Les fragments du Lion du temple d’Al-Lât
ont été transférés à Damas afin d’y être
restaurés.
Le musée de Palmyre abritait des objets
d’une valeur inestimable du site de Palmyre
inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le site, une oasis dans le désert syrien au
nord-est de Damas, était l’un des foyers
culturels les plus importants du monde
antique du Ie au IIe siècle. Au carrefour de
plusieurs civilisations, l’art et l’architecture
de Palmyre unissaient les techniques gréco-
romaines aux traditions locales et aux
influences de la Perse. Le Lion d’Al-Lât est
de nouveau exposé.
Le projet de sauvegarde d’urgence du
patrimoine culturel syrien vise à restaurer
la cohésion sociale, la stabilité et le
développement durable en Syrie, grâce à la
protection et à la sauvegarde du patrimoine
culturel riche et unique de la Syrie.
Patrimoine Mondial Nº86 89
 Quito :
PUBLIREPORTAGE

40 ans de
patrimoine
mondial
Église et couvent de San Francisco
culturel
Nichée entre gorges et montagnes à 2 800 m d’altitude, la capitale Conformément aux engagements pris en 2016, en tant qu’hôte
de l’Équateur, Quito, est à la fois un berceau de légendes et le témoin de la troisième Conférence des Nations Unies sur le logement et le
privilégié de nombreux événements historiques. Le 8 septembre développement urbain durable (Habitat III), Quito applique l’Agenda
prochain, la ville célébrera avec Cracovie le 40 e anniversaire de son 2030 et intègre à ses processus des objectifs de développement
statut de première ville du patrimoine culturel mondial de l’UNESCO. durable, tels que la mise à niveau de son plan de développement. Ce
La zone inscrite par l’UNESCO couvre dernier propose déjà des indicateurs de qualité
un total de 72 hectares. Le site compte de vie conformes à la conservation des valeurs
également une aire de plus de 300 ha universelles exceptionnelles et à la réalisation
protégés par l’Institut du patrimoine de l’Objectif 11.4 : « le renforcement des efforts
métropolitain. Cet organisme œuvre pour pour protéger et sauvegarder le patrimoine
notre « patrimoine vivant » depuis 30 ans culturel et naturel mondial. ».
en enregistrant, protégeant, sensibilisant, Quito constitue un excellent exemple de
réhabilitant, préservant et sauvegardant le dialogue et d’engagement de ses habitants
patrimoine culturel (matériel et immatériel) de pour le patrimoine culturel. Grâce à une
la ville et des quartiers historiques du District gestion efficace en matière de réhabilitation
métropolitain de Quito. et de conservation, qui inclut toutes les parties
Nous travaillons en collaboration avec les habitants et les prenantes, la ville renforce le sentiment d’appartenance aux niveaux
propriétaires de biens patrimoniaux qui souhaitent réhabiliter l’espace local, rural, national et international, et conjugue avec fierté, patrimoine
pour en faire profiter la communauté. et pérennité.

Art sacré de l’école baroque de Quito Place San Blas - entrée du centre historique de Quito

Ville de Quito
Inscrit sur la Liste du
patrimoine mondial en 1978
Nouvelles Promotion
L’exposition
« Récifs coralliens
du patrimoine
mondial de
l’UNESCO »
à Paris
Une étonnante exposition sur les systèmes
de récifs coralliens les plus emblématiques
au monde a eu lieu à l’Aquarium de Paris du
mois d’octobre au mois de décembre 2017.
L’exposition mettait en lumière la condition
de ces systèmes de récifs coralliens, inscrits
sur la Liste du patrimoine mondial. Grâce à
une série de photos, à des expériences en
réalité virtuelle, à des films et à des activités
éducatives pour les enfants, l’exposition
sensibilisait à la diversité unique de ces récifs
et aux impacts qu’a sur eux le changement
climatique.
Depuis 1972, la Convention du
patrimoine mondial unit le monde autour
d’une responsabilité commune, celle de
protéger les lieux naturels et culturels de
valeur universelle exceptionnelle. La Liste
du patrimoine mondial compte 29 sites
naturels marins qui intègrent des systèmes
de récifs coralliens. Répartis tout autour
Parc naturel du récif de Tubbataha (Philippines).
© Q Phia
de la planète, ces récifs d’importance
mondiale incluent, entre autres, les Lagons
de Nouvelle-Calédonie : diversité récifale et
écosystèmes associés (France), la Grande
Barrière (Australie), Papahānaumokuākea
(États-Unis d’Amérique), le Réseau de
réserves du récif de la barrière du Belize
(Belize) et le Parc naturel du récif de
Tubbataha (Philippines). Ils sont reconnus
pour leur caractère unique, leur importance
à l’échelle mondiale et parce qu’ils font partie
du patrimoine commun de l’humanité.
À mesure que la température des océans
augmente, les récifs coralliens du monde
entier sont gravement atteints par des
épisodes de blanchissement de masse, et
les récifs des sites inscrits sur la Liste du
patrimoine mondial ne font pas exception.
La première évaluation scientifique
mondiale sur les impacts du changement
climatique sur les récifs coralliens du
patrimoine mondial, publiée par le Centre
du patrimoine mondial en juillet dernier, a
révélé que sur ces 29 sites, 25 ont souffert
d’un stress de blanchissement au cours
des trois dernières années. L’étude précise
même que les 29 sites du patrimoine
mondial abritant des coraux pourraient
cesser d’exister en tant qu’écosystèmes de
récifs coralliens fonctionnels d’ici la fin de ce
siècle, si les émissions de CO2 ne sont pas
considérablement réduites.
Promotion
Cette exposition visait à améliorer auprès
du grand public la compréhension des
impacts du changement climatique sur
les récifs coralliens les plus précieux de
la planète. Les visiteurs ont pu découvrir
la diversité exceptionnellement riche de
ces récifs et en apprendre davantage
sur le travail quotidien du Centre du
patrimoine mondial pour la protection et
la conservation de ces sites au bénéfice
des générations futures. Durant la visite de
l’exposition, adultes et enfants avaient la
possibilité de s’impliquer en enregistrant,
accompagnés de personnel spécialement
formé, leur vidéo #MyOceanPledge – une
initiative lancée par des enfants originaires
de sites marins du patrimoine mondial, lors
de l’Assemblée générale des Nations Unies,
à New York, au cours de la Conférence de
haut niveau organisée à l’occasion de la
célébration, le 8 juin dernier, de la Journée
mondiale de l’océan.
L’exposition a été rendue possible grâce
au généreux soutien de l’Aquarium de
Paris et de ses partenaires, ainsi que de
l’Agence française pour la biodiversité.
Les photographies ont été gracieusement
transmises par The Ocean Agency et les
sites marins du patrimoine mondial. Les
films de réalité virtuelle ont été fournis par
Seaview 360.
Patrimoine Mondial Nº86 91
Nouvelles Promotion

Des jeunes le Centre du patrimoine mondial, en

coopération avec la Fondation MarViva.
L’UNESCO et
de PEID des La création de guides touristiques a ses partenaires
Caraïbes et de été initiée par les participants lors des
activités menées dans le cadre du projet résistent au
pays d’Amérique jeunesse. Par la suite, la Fondation MarViva
s’est engagée dans la consolidation, la
nettoyage culturel
centrale traduction et la numérisation des guides et à l’extrémisme
élaborent touristiques. Avec la collaboration du
Ministère de l’environnement du Panama violent
des guides et de l’Université de Panama, les guides ont
été officiellement produits et imprimés en À l’occasion de la Conférence générale de
touristiques anglais et en espagnol. l’UNESCO, un panel international de haut

pour le Parc Les guides touristiques proposent deux

national de Coiba
au Panama
Quatorze jeunes ayant des intérêts
communs dans le domaine de la biodiversité
marine et du changement climatique ont
élaboré deux guides touristiques pour le
Parc national de Coiba au Panama, dans
le cadre du Projet de patrimoine mondial
sur la biodiversité marine et le changement
climatique, organisé en janvier 2016 par
Parc national de Coiba (Panama).
© Diane Herr
circuits différents sur l’île de Coiba : le
sentier de Santa Cruz et le circuit des
trésors de Coiba. Les guides indiquent
les sites clés et mettent en évidence les
espèces remarquables qui peuvent être
observées. Le premier circuit propose
diverses randonnées, et le second
offre des promenades touristiques en
bateau. Actuellement, le ministère de
l’Environnement du Panama met ces guides
touristiques à la disposition des visiteurs
dans un poste de garde de l’île.
niveau, qui s’est tenu le 6 novembre 2017,
a réuni des ministres iraquiens et maliens,
le Procureur général de la Cour pénale
internationale et des experts internationaux
pour renforcer la coopération en réponse au
nettoyage culturel et à l’extrémisme violent.
En ouverture du panel, l’ancienne
Directrice générale de l’UNESCO, Irina
Bokova, a souligné le rôle clé de la
protection du patrimoine dans l’élaboration
de nouvelles stratégies pour la paix et la
cohésion sociale dans les situations de
conflit.
« Les extrémistes violents ciblent la
culture parce qu’ils savent que le patrimoine
culturel est une force de résilience. Ils
attaquent le patrimoine et persécutent les
communautés dans une stratégie globale
de “nettoyage culturel“, parce qu’ils
connaissent le pouvoir de la culture de
délégitimer leurs revendications et leurs
fausses promesses. Face à cette menace,
nous devons répondre avec le “pouvoir
dur“ (hard power) des mesures militaires.
Cela appelle également le “soft power“
de la culture et la transmission de l’histoire,
comme bouclier moral et intellectuel contre
la haine », a-t-elle déclaré.
Mme Bokova a également souligné les
récents progrès historiques réalisés en
intégrant la protection du patrimoine dans
les stratégies de paix et de sécurité, rap-
pelant l’adoption d’importantes résolutions
du Conseil de sécurité de l’ONU 2199,
2347, 2354 et 2379 sur la protection du
patrimoine en cas de conflit armé.
Ce panel faisait partie d’une série
d’événements organisés sous le thème « Le
soft power de l’UNESCO aujourd’hui »,
soulignant l’utilisation du soft power par
l’Organisation pour répondre aux défis que
constituent aujourd’hui le développement
durable et la consolidation de la paix.

92 Patrimoine Mondial Nº86

L’UNESCO s’associe

Promotion
à Seabourn
À une époque où voyager à l’étranger
devient de plus en plus simple, de
nombreuses destinations doivent gérer
un nombre de plus en plus important de
visiteurs pleins de curiosité. Mais comment
concilier les besoins des sites et ceux des
tour-opérateurs ? Le partenariat entre
l’UNESCO et Seabourn Cruise Line apporte
la preuve qu’un tourisme durable organisé
de manière collaborative bénéficie non
seulement aux destinations, mais aussi à
leurs visiteurs.
Le partenariat pluriannuel mis en place par Visite de l’ Ensemble des grottes de Gorham (Royaume-Uni).
© Seabourn
Seabourn et l’UNESCO permet aux plus de
170 sites du patrimoine mondial desservis
chaque année par Seabourn de recueillir développés et se trouvent maintenant fonctionnaires du Siège de l’UNESCO
des dons pour soutenir le financement de au cœur du partenariat, permettant à Paris.
projets de l’UNESCO en faveur du tourisme d’identifier les besoins et les préoccupations Après avoir examiné les points de vue
durable. des sites du patrimoine mondial figurant sur de toutes les parties présentes, Seabourn a
Au cours de l’année dernière, Seabourn les itinéraires de Seabourn. décidé de réduire la taille de ses groupes de
a renforcé ses relations avec ses partenaires Au printemps 2017, Seabourn s’est voyageurs afin de proposer à chaque client
locaux afin de proposer à ses clients associée à l’Association des biens français une expérience plus intime sur les sites du
des expériences plus authentiques. Les du patrimoine mondial pour organiser un patrimoine mondial. En faisant découvrir à
échanges engagés entre les gestionnaires atelier de deux jours à bord du Seabourn ses clients des zones moins visitées et en leur
des biens inscrits au patrimoine mondial, les Quest à Bordeaux ainsi que dans une mairie offrant des informations privilégiées données
autorités gouvernementales, les responsables de la région de Saint-Emilion. Cet atelier par les gestionnaires des sites, Seabourn
du tourisme, les tour-opérateurs et le multipartite réunissait des représentants contribue à faire vivre l’histoire spécifique de
Programme sur le patrimoine mondial et de tous les secteurs de l’industrie culturelle chaque site, tout en continuant de soutenir
le tourisme durable de l’UNESCO se sont et du tourisme français, ainsi que des les objectifs de tourisme durable.

Atelier à bord du Seabourn Quest à Bordeaux (France).

© Seabourn

Patrimoine Mondial Nº86 93

Nouvelles Promotion
Signature d’une
collaboration
entre l’UNESCO et
la Principauté de
Monaco en faveur
du patrimoine
mondial marin
Après une première coopération cette
année ayant permis l’identification,
en Arctique, de nouveaux sites marins
pouvant prétendre au statut de patrimoine
mondial, la Principauté de Monaco a
annoncé le 1er novembre la signature
d’une collaboration stratégique pour le
renforcement des activités du Programme
marin du patrimoine mondial.
La Liste du patrimoine mondial compte
aujourd’hui 49 sites marins répartis dans
37 pays et reconnus pour le caractère
unique de leur biodiversité marine, la
singularité de leur écosystème, l’originalité
des processus géologiques qu’ils présentent
ou leur beauté incomparable. Ce réseau de
Sanctuaire de baleines d’El Vizcaino (Mexique).
© Sam Beebe
94 Patrimoine Mondial Nº86
sites comprend les aires de reproduction de
la dernière population de baleines grises
(Sanctuaire de baleines d’El Vizcaino), la
plus grande densité d’anciennes tanières
d’ours blancs (Système naturel de la Réserve
de l’île Wrangel), l’habitat naturel du plus
ancien poisson connu au monde (Parc de
la zone humide d’iSimangaliso) ou encore
l’inimitable iguane marin des Îles Galápagos
(Îles Galápagos). La disparition de ces
espèces serait une perte irréversible pour
l’humanité.
La signature de cet accord reflète la volonté
de soutenir une collaboration stratégique
entre l’UNESCO et la Principauté de Monaco,
notamment dans le cadre de la campagne
Monaco Explorations. Cette initiative
internationale et multidisciplinaire, lancée
cette année par S.A.S. le Prince Albert II de
Monaco, renoue avec la tradition de plus de
120 ans d’expéditions marines scientifiques
menées par le Prince Albert 1er. De 2017
à 2020, la mission Monaco Explorations
a pour objectif de mettre en œuvre des
programmes de recherche dont les travaux
fourniront de nouveaux éléments concrets
permettant d’étayer les messages d’alerte,
de sensibilisation et d’éducation en faveur
d’une protection renforcée des océans.
Pendant trois ans, le Yersin, navire
écologique transformé en laboratoire de
recherches flottant, accueillera à son bord
d’éminents scientifiques et chercheurs
qui étudieront récifs coralliens et espèces
marines durant les vingt étapes que
comptera ce tour du monde dans les océans
des tropiques. Le Programme marin du
patrimoine mondial apportera son soutien
et son expertise à la campagne Monaco
Explorations lors de chacune de ses escales
dans les sites marins du patrimoine mondial.
En outre, l’UNESCO – ayant pour
mandat international de superviser l’état
de conservation des sites du patrimoine
mondial afin de garantir leur préservation
pour les générations futures – bénéficiera
également des nouvelles informations et
données scientifiques que la campagne
devrait collecter tout au long de son voyage.
En apportant une meilleure sensibilisation
à la protection mondiale des océans,
la mission Monaco Explorations devrait
également permettre d’appuyer les prises
de décision de l’UNESCO et de renforcer les
actions menées par l’Organisation en faveur
du patrimoine mondial marin.
Célébration de 35 ans de patrimoine mondial aux Seychelles

Atoll d’Aldabra
Inscrit sur la Liste du
patrimoine mondial en 1982
Édition et multimédias

World Heritage, Wilderness,

World Heritage, Wilderness, and Large Landscapes and Seascapes

and Large Landscapes and
Seascapes
Cyril F. Kormos, Tim Badman, Tilman Jaeger, Bastian Bertzky,
Remco van Merm, Elena Osipova, Yichuan Shi, Peter Bille Larsen
livres

INTERNATIONAL UNION
FOR CONSERVATION OF NATURE

WORLD HEADQUARTERS
Rue Mauverney 28
1196 Gland, Switzerland
Tel +41 22 999 0000
Fax +41 22 999 0002
www.iucn.org

IUCN

Najaf : Portrait d’une World Heritage, wilderness, World Heritage Ramsar et la Convention
ville sainte and large landscapes Conservation: The World du patrimoine mondial :
Cahiers du patrimoine mondial and seascapes Heritage Convention, au confluent du succès
Sous la dir. de Sabrina Mervin, Robert
[Patrimoine mondial, Linking Culture and Comment les valeurs
Gleave et Géraldine Chatelard
UNESCO Publishing/Ithaca Press nature sauvage et Nature for Sustainable culturelles et la
Uniquement disponible vastes paysages Development participation des
en version anglaise terrestres et marins] [Conservation du communautés contribuent
http://publishing.unesco.org/ UICN
details.aspx?Code_Livre=5178#
patrimoine mondial : à la conservation de zones
Uniquement disponible
en version anglaise La Convention du humides protégées au
Najaf: Portrait of a Holy City examine les patrimoine mondial, lier niveau international
La version PDF de cet ouvrage
aspects historiques et sociaux de l’une
des plus importantes villes d’Iraq, centre
peut être téléchargée sur : culture et nature pour un Sous la dir. de Robert McInnes,
https://portals.iucn.org/ Mariam Kenza Ali et Dave Pritchard
d’études et de dévotion religieuses du développement durable] Secrétariat de la Convention
library/node/46825?dm_ Claire Cave et Elene Negussie
monde chi’ite depuis l’époque médiévale. de Ramsar
i=2GI3,13LX3,48BPZZ,3BUDL,1 Routledge/Earthscan
Cet ouvrage contient 13 contributions Disponible en versions anglaise,
originales émanant d’éminents penseurs Cette étude thématique traite de la https://www.routledge.com/
française et espagnole
iraquiens et internationaux. Il présente façon dont la Convention du patrimoine World-Heritage-Conservation-
La version PDF de cet ouvrage
plusieurs perspectives clés sur l’histoire mondial peut contribuer à la conservation The-World-Heritage-Convention-
peut être téléchargée sur : http://
et le développement de la ville, sur son de la nature sauvage dans le monde. Elle Linking-Culture/Cave-Negussie/p/
whc.unesco.org/en/news/1709
importance spirituelle et éducative dans fournit des orientations pragmatiques book/9780415728553
le monde et sur son rôle moderne en tant concernant la Convention et ses Ramsar et la Convention du patrimoine
que centre économique et politique. Ce livre donne un aperçu de la mondial : au confluent du succès
nombreux partenaires afin de renforcer
Convention du patrimoine mondial à illustre, au travers de six cas d’études,
la protection des zones sauvages en
travers une approche interdisciplinaire les avantages et les défis de la gestion
favorisant des liens solides entre la culture
de la conservation. Il montre qu’en des écosystèmes de zones humides,
et la nature sauvage. Cinq études de cas
se fondant sur la notion de valeur et donne de nombreux exemples de
décrivent les relations qu’entretiennent
universelle exceptionnelle et la participation communautaire ayant
les peuples autochtones et les
coopération internationale pour contribué de manière positive à la
communautés avec des aires de nature
protéger le patrimoine, la Convention conservation du patrimoine naturel et
sauvage ou de vastes paysages terrestres
constitue une plate-forme privilégiée culturel. Les cas d’études se réfèrent à
La Convention du et marins partiellement ou entièrement
pour favoriser le développement
inscrits au patrimoine mondial. l’analyse menée par l’UICN Gérer les
patrimoine mondial : La durable par le biais de la conservation SDIM (2016), qui procure des orientations
vision des pionniers et de la gestion du patrimoine revêtant concernant les sites à désignations
Christina Cameron et Mechtild Rössler une importance pour l’humanité. internationales multiples (SDIM).
Université de Montréal
https://pum.umontreal.ca/catalogue/ Teotihuacan
la-convention-du-patrimoine-mondial Ville d’eau, ville de feu
Matthew H. Robb
Cet ouvrage est la traduction française de Young/Fine Arts Museums
de Many Voices, One Vision: The of San Francisco, and University
Early Years of the World Heritage of California Press
Convention, publié en 2013. www.ucpress.edu
En 1972, l’UNESCO crée la Convention
du patrimoine mondial, un traité Le site de Teotihuacan, établi au I er siècle
international extrêmement efficace av. J.-C., est désormais un grand
qui influence l’activité patrimoniale de centre urbain qui attire une population
presque tous les pays du monde. Cet multiethnique comptant aujourd’hui
ouvrage, qui se concentre sur la création 100 000 habitants. À son apogée,
et les débuts de la mise en œuvre de c’était le centre culturel, politique,
la Convention, examine le système du économique et religieux de l’ancienne
patrimoine mondial et son impact au Méso-Amérique. La cité préhispanique de
plan mondial à travers divers prismes, Teotihuacan (Mexique) a été inscrite en
notamment ses cadres normatifs, ses 1987 sur la Liste du patrimoine mondial.
organes constitutifs, ses activités de
programmes, un certain nombre de
personnalités et des questions clés.

96 Patrimoine Mondial Nº86


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Calendrier
Du 29 au 30 janvier
Calendrier
Colloque Bouclier bleu Australie 2018 : Patrimoine culturel, changement
climatique et catastrophes naturelles.
Canberra, Australie.
Informations : a.takahashi@unesco.org
Du 7 au 13 février
9e session du Forum urbain mondial.
Kuala Lumpur, Malaisie.
Informations : https://unhabitat.org/wuf/
Du 20 au 21 mars
Engager le marché de l’art européen dans la lutte contre le trafic illicite de
biens culturels.
Siège de l’UNESCO, Paris, France.
Informations : m.minana@unesco.org
Du 23 au 26 avril
9e réunion du Conseil consultatif scientifique et technique & réunion d’UNITWIN.
Réseau pour la Convention de 2001 sur la protection du patrimoine culturel
subaquatique.
Siège de l’UNESCO, Paris, France.
Informations : u.guerin@unesco.org
Du 6 au 8 mai
Destruction et renaissance des villes : les défis du patrimoine culturel
Reconstruction au XXIe siècle.
Varsovie, Pologne.
Informations : http://www.nid.pl
Du 28 au 30 mai
6e session du Comité subsidiaire de la Réunion des États parties à la
Convention de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et
empêcher l’importation, l’exportation et le transfert illicites des biens culturels.
Siège de l’UNESCO, Paris, France.
Informations : m.minana@unesco.org
Du 31 mai au 1er juin
Comité intergouvernemental pour la promotion du retour de biens culturels à
leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale (ICPRCP).
Siège de l’UNESCO, Paris, France.
Informations : e.planche@unesco.org
Du 4 au 7 juin
Assemblée générale de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine
culturel immatériel.
Siège de l’UNESCO, Paris, France.
Informations : https://ich.unesco.org/en/
Du 24 juin au 4 juillet
42e session du Comité du patrimoine mondial.
Manama, Bahreïn.
Informations : r.veillon@unesco.org
Patrimoine Mondial Nº86 97
www.ourplaceworldheritage.com

CONTACT GEOFF STEVEN, PDG

geoffs@ourplaceworldheritage.com
 PHOTOGRAPHIES ET EXPOSITIONS DU PATRIMOINE MONDIAL

Photographie pour
la protection et
la préservation

Travaux de restauration, Piazza del Duomo, Pise - Italie

PUBLIREPORTAGE
Excavation at historical mosque
JAZIRAT AL-HAMRAH, VILLAGE DU PATRIMOINE
RAS AL-KHAIMAH
ÉMIRATS ARABES UNIS
Le nom Al Jazirat Al-Hamrah signifie
« l’île rouge ». Ce site unique est le tout
dernier exemple d’un village de pêcheurs des
Émirats arabes unis du début du XVIIe siècle.
Relativement bien conservé, il affiche une
architecture côtière traditionnelle avec
des éléments et des fonctions typiques de
l’époque, ainsi que des aspects témoignant
de la période préurbaine de la région. Jazirat
Al-Hamrah se situe à 18 km au sud-ouest de la
ville de Ras Al-Khaimah, et à 100 km au nord-
est de Dubaï. S’étalant sur 50 ha, il renferme
les vestiges d’environ 450 structures,
dont 270 bâtiments traditionnels. La
plupart d’entre eux sont construits avec
des matériaux traditionnels, comme la
pierre de corail, la roche, le Juss (mélange
traditionnel de mortier) et la mangrove. Les
composés reflètent le changement constant
Restoration of living compound
du matériau traditionnel afin de trouver des
solutions aux problèmes structurels, ce
qui a finalement conduit à l’utilisation de
matériaux modernes. On y trouve de petites
maisons à un niveau, des logements plus
importants, un fort, un souk (place de marché
traditionnelle) et plusieurs mosquées. L’état
de conservation de ces structures va de très
dégradé à relativement intact et préservé.
En 2015, le ministère des Affaires
présidentielles d’Abu Dhabi, le ministère du
Développement des Infrastructures d’Abu
Dhabi et le département des Antiquités
et des Musées du gouvernement de Ras
Al-Khaimah ont lancé un projet conjoint
visant à restaurer, conserver et revitaliser
ce village du patrimoine. De nombreux
travaux sont actuellement en cours dans
plusieurs domaines tels que le recensement
Coral stones set in Juss​
et l’analyse des bâtiments, les fouilles,
la restauration et la conservation. Ces
travaux sont effectués conformément
aux normes internationales afin de
préserver le caractère original de chaque
élément, ainsi que les particularités et les
techniques de construction traditionnelles
de Jazirat Al-Hamrah. Par ailleurs, un plan
de revitalisation du village est en cours de
préparation pour stimuler la culture et le
tourisme dans l’émirat de Ras Al-Khaimah.
Contact: Ahmad Hilal, Directeur
Département d’archéologie
Département des antiquités
et des musées
Gouvernement de Ras Al-Khaimah, EAU
Tel.: +971 (0) 72339900
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Organisation Patrimoine du
Convention
des Nations Unies patrimoine
mondial mondial

Bulletin d’abonnement
pour l’éducation,
la science et la culture

Chers amis du patrimoine mondial,

La revue Patrimoine Mondial est éditée conjointement par l’UNESCO et Publishing for Development, et est
publiée quatre fois par an en anglais, français et espagnol. Un point sur l’actualité et des dossiers offrent aux
lecteurs une information détaillée sur la préservation des sites naturels et culturels les plus importants au
monde. La publication est conçue pour diffuser et mettre en valeur l’action et l’engagement de l’UNESCO en
faveur du patrimoine mondial, notre héritage du passé, notre responsabilité pour le présent et notre devoir
pour les générations futures.

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Patrimoine Mondial Nº86
PUBLIREPORTAGE

Cité préhispanique et parc

national de Palenque
Inscrit sur la Liste du
patrimoine mondial en 1998
Prochain numéro

Prochain numéro
Banteay Srei (Cambodge).
© Eric Wilson

Dossier : Commerce illicite

Le prochain numéro de Patrimoine Mondial sera consacré au

commerce illicite, qu’il s’agisse de biens culturels ou d’espèces
végétales ou animales rares, avec un accent particulier sur le
patrimoine culturel et naturel. Nous examinerons l’expérience du
Cambodge en matière de trafic illicite, les efforts déployés par
le Centre du patrimoine mondial et la CITES (Convention sur le
Paire de vaquita aperçue durant l’étude de 2008 dans le golfe de Californie.
commerce international des espèces de faune et de flore sauvages
© NOAA Fisheries West Coast / Paula Olson
menacées d’extinction) pour gérer l’impact du commerce illégal
d’espèces sauvages sur les sites du patrimoine mondial, et la situation
du marsouin du Pacifique, un mammifère marin en danger critique
d’extinction, qui vit dans les eaux mexicaines du golfe de Californie. explorerons diverses solutions permettant d’enrayer le trafic de
Nous nous pencherons également sur les derniers développements biens culturels au sein du marché de l’art à travers un entretien avec
légaux relatifs au trafic et au commerce illicites. Enfin, nous le collectionneur d’art Jean-Claude Gandur.

Patrimoine Mondial Nº86 103

Gobierno del Estado
de Zacatecas

OBC