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Analyse du discours

Cours Magistral

Agnès Steuckardt et Camille Bouzereau


Plan de la séance
Introduction. Les connecteurs dans la cohésion textuelle

1. Les rôles des connecteurs dans l’enchaînement syntaxique

2. Le classement des connecteurs / les différents sens des connecteurs

3. Les rôles des connecteurs dans l’argumentation


Introduc0on
Défini0on (1/2)

Les connecteurs sont tous les termes qui assurent l’organisation d’un
texte et d’un discours.
Ils comprennent :
• Les conjonctions de coordination (mais ; ou ; et ; donc ; or ; ni ; car)

• Les adverbes (ensuite ; alors ; pourtant ; cependant)

• Les groupes prépositionnels (d’une part ; d’autre part ; en fin de compte)


Du texte à la textualité

Quatre notions fondamentales :

• La cohérence

• La cohésion

• La progression

• La continuité
La cohésion textuelle

L’ensemble des relations sémantiques et linguistiques que le texte


instaure entre les énoncés :

• Les enchainements syntaxiques (ex. les connecteurs)

• Les reprises anaphoriques


La cohésion textuelle

La cohésion textuelle se manifeste à trois niveaux (Détrie et al. 2001 :


57) :

• Au plan interphras0que par des marqueurs de liaison entre les énoncés


(comme les connecteurs)

• Au plan intraphras0que par des marqueurs de reprise (comme l’anaphore)

• Au plan supraphras0que (la macrostructure), par la structuraVon du tout


textuel, faisant du texte un ensemble linguisVque qui s’appuie sur une
séquenValité textuelle prévisible
Défini0on (2/2)

Les connecteurs sont des termes de liaison et de structuration qui


recouvrent plusieurs catégories grammaticales (conjonctions de
coordination, adverbes, groupes prépositionnels, etc.). Ils ont une
force textualisante par leur fonction d’organisation.
(Grammaire méthodique du Français, 2009 : 1044)
1. Le rôle des connecteurs dans
l’enchaînement syntaxique
À quoi servent les connecteurs ?
Les connecteurs permettent de mettre en
relation
En relation quoi ?
Des phrases, des propositions, des
paragraphes ?
« Tremblez les sorcières sont de retour ! »
Mona Chollet
Les vicVmes, issues dans leur immense majorité des classes populaires,
pouvaient être des guérisseuses ou simplement des femmes jugées
trop remuantes, au verbe trop haut. Les célibataires et les veuves, ainsi
que les femmes âgées, étaient surreprésentées parmi elles. Certaines
se voyaient accuser de sorcellerie quand elles tentaient de dénoncer un
crime. Ainsi, en 1679, à Marchiennes (Nord), Péronne Goguillon
échappe de peu à une tentaVve de viol par quatre soldats ivres qui,
pour la laisser tranquille, lui extorquent la promesse de leur verser de
l’argent. En les dénonçant, son mari abre l’acenVon sur la mauvaise
réputaVon de son épouse : elle est brûlée comme sorcière.
Mona Chollet, « Tremblez les sorcières sont de retour ! », Le Monde Diploma<que, octobre 2018.
« Tremblez les sorcières sont de retour ! »
Mona Chollet
Les victimes, issues dans leur immense majorité des classes populaires,
pouvaient être des guérisseuses ou simplement des femmes jugées
trop remuantes, au verbe trop haut. Les célibataires et les veuves, ainsi
que les femmes âgées, étaient surreprésentées parmi elles. Certaines
se voyaient accuser de sorcellerie quand elles tentaient de dénoncer un
crime. Ainsi, en 1679, à Marchiennes (Nord), Péronne Goguillon
échappe de peu à une tentative de viol par quatre soldats ivres qui,
pour la laisser tranquille, lui extorquent la promesse de leur verser de
l’argent. En les dénonçant, son mari attire l’attention sur la mauvaise
réputation de son épouse : elle est brûlée comme sorcière.
Mona Chollet, « Tremblez les sorcières sont de retour ! », Le Monde Diplomatique, octobre 2018.
Analyser les connecteurs du texte
• Entraînement au devoir :
è Partie définition : Les connecteurs sont tous les termes qui assurent l’organisation d’un texte et d’un discours. Les connecteurs
sont des termes de liaison et de structuration qui recouvrent plusieurs catégories grammaticales (conjonctions de coordination,
adverbes, groupes prépositionnels, etc.). Ils ont une force textualisante par leur fonction d’organisation.

è Annonce : on en relève trois essentiels dans la structuration de ce texte.

è Partie analyse
Nature du connecteur (la catégorie grammaticale) : conjonction (et / ou / mais), adverbe (pourtant / mais / ainsi)
Énoncer les constituants mis en relation
Nature de la relation : opposition, alternative, conclusion, etc (voir (2.) les classements des connecteurs)
Interprétation : la production du sens
Partie analyse
Le connecteur « ou » est une conjonction et met en relation deux groupes nominaux (GN). Ce connecteur marque en effet
une alternative entre le GN « des guérisseuses » et le GN « des femmes jugées trop remuantes, au verbe trop haut ».
Le connecteur « ou » est soit inclusif soit exclusif. Et ici ?
Partie analyse
Le connecteur « ou » est une conjonc0on et met en rela0on deux groupes nominaux (GN). Ce connecteur marque en effet
une alterna0ve entre le GN « des guérisseuses » et le GN « des femmes jugées trop remuantes, au verbe trop haut ».
Le connecteur « ou » est soit inclusif soit exclusif. Et ici ?
La vérité du second groupe nominal « des femmes jugées trop remuantes » n’exclut pas la vérité du premier « des
guérisseuses » (d’ailleurs s’ensuit une énuméraVon notamment marquée par un autre connecteur « et ») mais l’adverbe
« simplement » vient bien alléger la valeur d’inclusion et l’énuméraVon qui suit développe l’idée portée par le second GN.
Par0e analyse
Le connecteur « ou » est une conjonction et met en relation deux groupes nominaux (GN). Ce connecteur marque en effet
une alternative entre le GN « des guérisseuses » et le GN « des femmes jugées trop remuantes, au verbe trop haut ».
Le connecteur « ou » est soit inclusif soit exclusif. Et ici ?
La vérité du second groupe nominal « des femmes jugées trop remuantes » n’exclut pas la vérité du premier « des
guérisseuses » (d’ailleurs s’ensuit une énumération notamment marquée par un autre connecteur « et ») mais l’adverbe
« simplement » vient bien alléger la valeur d’inclusion et l’énumération qui suit développe l’idée portée par le second GN.
Le connecteur « ou » annonce une énumération également marquée par le connecteur « et ».
Le connecteur « et » est une conjonction qui a une valeur d’addition et coordonne les groupes nominaux « les célibataires »
et « les veuves ».
Partie analyse
Le connecteur « ou » est une conjonction et met en relation deux groupes nominaux (GN). Ce connecteur marque en effet
une alternative entre le GN « des guérisseuses » et le GN « des femmes jugées trop remuantes, au verbe trop haut ».
Le connecteur « ou » est soit inclusif soit exclusif. Et ici ?
La vérité du second groupe nominal « des femmes jugées trop remuantes » n’exclut pas la vérité du premier « des
guérisseuses » (d’ailleurs s’ensuit une énumération notamment marquée par un autre connecteur « et ») mais l’adverbe
« simplement » vient bien alléger la valeur d’inclusion et l’énumération qui suit développe l’idée portée par le second GN.
Le connecteur « ou » annonce une énumération également marquée par le connecteur « et ».
Le connecteur « et » est une conjonction qui a une valeur d’addition et coordonne les groupes nominaux « les célibataires »
et « les veuves ».
Enfin le dernier connecteur de cet extrait, soit l’adverbe « ainsi » en tête de phrase prend une valeur de conclusion : il
permet de juxtaposer les énoncés qui précèdent avec l’énoncé conclusif « Ainsi (…) Péronne Goguillon échappe de peu à
une tentative de viol par quatre soldats ivres qui lui extorquent la promesse de leur de l’argent ». Le connecteur « ainsi »
est utilisé ici pour annoncer une conclusion générale à partir d’un fait particulier.
Premier bilan

• Les connecteurs sont des morphèmes grammaticaux qui ne font


pas partie des propositions mais qui assurent leur liaison et
organisent leurs relations.

• Les connecteurs ont une fonction pragmatique : ils donnent des


instructions au destinataire pour interpréter un énoncé.
2. Classement des connecteurs
Classement de la Grammaire méthodique du français
(GMF)

La Grammaire méthodique du français regroupe les connecteurs en


différentes classes en associant les organisateurs textuels et les
connecteurs pragma0ques.
Les organisateurs textuels
Les connecteurs temporels

• Les connecteurs temporels s’emploient pour marquer une succession


chronologique.
è Exemples de connecteurs temporels : alors, après, ensuite, et, puis

• Ils permettent de regrouper des propositions en un ensemble homogène et


de découper le texte en séquences. Ils marquent par exemple la succession
linéaire :
èd’abord marque le début ; puis la suite ; enfin et finalement marquent
l’aboutissement

è voir aussi dans les énumérations dans des descriptions


Les connecteurs spatiaux

• Les connecteurs spatiaux structurent une description

è Nature des connecteurs : adverbes, groupes prépositionnels, locutions


adverbiales

èExemples : en haut / en bas ; à gauche / à droite ; d’un côté / de l’autre


côté
Les marqueurs d’exemplification et d’illustration

• Les marqueurs d’exemplifica<on et d’illustra<on me=ent en relief


un élément par<culier dans un ensemble

è Exemples de marqueurs d’exemplificaVon : par exemple, notamment,


en par,culier, ainsi …
Les marqueurs de clôture

• Les marqueurs de clôture (au sens étroit du terme) introduisent


une récapitulation des propositions précédentes :

è Exemples de marqueurs de clôture : enfin, finalement, en somme, en


définitive, en résumé, en conclusion, bref
Les connecteurs pragmatiques
L’opposition ou la concession

• Certains connecteurs introduisent un contre-argument qui peut infirmer le


précédent :

è Le connecteur mais peut à la fois exprimer une concession (Sam est petit mais il est malin) et
une opposition (Il n’est pas célibataire mais marié depuis 10 ans) ;

è Autres connecteurs exprimant une concession : pourtant, cependant, néanmoins, toutefois,


en revanche ;

è Pourtant peut aussi exprimer la faiblesse d’un argument voire une opposition dans de rares
cas

è Les connecteurs comme certes, il est vrai, bien entendu introduisent une concession à une
autre thèse et laissent attendre un mais (d’opposition) qui va les contredire
L’explication et la justification

• Certains connecteurs ont une valeur d’explication ou de


justification

è Exemples de connecteurs : car, parce que, puisque


La complémenta0on

• Certains connecteurs servent à introduire un argument addi<f

è Exemples de connecteurs : or, d’ailleurs, par ailleurs, de plus, de


surcroît
La conclusion

• Certains connecteurs marquent la conclusion d’un raisonnement


ou d’une argumentation

è Exemples de connecteurs : donc, aussi, c’est pourquoi, par conséquent,


ainsi, en résumé, en conclusion
Connecteurs et genre discursif

• Les connecteurs contribuent à une opération langagière fondamentale : la


linéarisation !

• Comme la ponctuation (autre mode de mise en relation) les connecteurs


favorisent la linéarisation en spécifiant les relations que les unités du texte
entretiennent entre elles ;

• Le choix et le nombre de connecteurs va ainsi dépendre du genre :


è Dans un texte narratif où la succession chronologique est simple (moins besoin de
connecteurs)

è Dans un texte argumentatif les connecteurs servent à mettre en évidence les relations entre
les arguments et les contres arguments
3. Le rôle des connecteurs dans
l’argumentation
Pourquoi identifier les connecteurs ?
Discours sur les fondements de l’inégalité
Rousseau
Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez
simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de
meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant
les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables: « Gardez-vous d'écouter cet imposteur;
vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne». Mais il
y a grande apparence qu'alors les choses en étaient déjà venues au point de ne pouvoir plus durer
comme elles étaient ; car ceRe idée de propriété, dépendant de beaucoup d'idées antérieures qui
n'ont pu naître que successivement, ne se forma pas tout d'un coup dans l'esprit humain. Il fallut
faire bien des progrès, acquérir bien de l'industrie et des lumières, les transmeRre et les augmenter
d'âge en âge, avant que d'arriver à ce dernier terme de l'état de nature. Reprenons donc les choses
de plus haut et tâchons de rassembler sous un seul point de vue ceRe lente succession
d'événements et de connaissance, dans leur ordre le plus naturel.
Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Rousseau (1753).
Références bibliographiques

ADAM, Jean-Michel (2005), La linguis,que textuelle. Introduc,on à


l’analyse textuelle des discours, Paris, Colin.

DÉTRIE, Catherine, SIBLOT, Paul, VERINE, Bertrand (2001), Termes et


concepts pour l’analyse du discours, Paris, Champion.

RIEGEL MarVn, PELLAT Jean-Christophe, RIOUL René (2009),


Grammaire méthodique du français, Paris, PUF.

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