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1°. Les uns viennent de Dieu : ce sont les prescriptions du droit divin, naturel ou
positif. L’Eglise ne fait et ne peut que les proposer à l’observation des fidèles. N.B. Les
principes du droit divin qui ne sont pas proposés par l’Eglise conservent leur valeur
propre et autonome mais ne font pas partie intégrante du droit canonique.
2°. D’autres ensembles de droit canonique sont élaborés par les chefs de l’Eglise en
vertu du pouvoir législatif qu’ils tiennent de Jésus christ et qui leur est indispensable pour
maintenir l’ordre dans la société catholique.
3°D’autres enfin ne sont qu’approuvés, ayant été emprunté aux lois naturelles puis
adoptés et sanctionnés dans l’Eglise.
D’autres appellations :ius sacrum et religium ; ius pontificiu ;, ius divinum ; ius
decretalium
b. Le droit de l’Eglise : ensemble des facteurs et normes juridiques qui donnent à l’Eglise
la structure d’une société juridiquement organisée.
Le droit canonique est l’harmonique union des éléments divins et éléments humains. En lui,
se reflète le mystère de l’Eglise. (LG 8a).
Le droit divin constitue le fondement du droit canonique. La vérité fréquemment répétée
que les Saintes Ecritures constituent avec la Sainte Tradition la règle suprême de la foi
catholique de l’Eglise (Dei Verbum, n. 21) cela vaut aussi pour le droit de l’Eglise.
La loi canonique doit avoir une intrinsèque spécifique rationalité ; c-à-d doit être, lecture,
interprétation et application du plan de Dieu sur l’Eglise. C’est en d’autres termes, ordinatio
rationis et ordinatio fidei en vue de la communion ecclésiale.
Quant à sa portée d’application personnelle, le droit canonique est général s’il oblige tous
les fidèles et spécial s’il concerne seulement quelques catégories. En fonction du but
poursuivi on le nomme droit public, l’ensemble des lois qui s’efforcent de pourvoir au
bien commun de l’Eglise et droit privé l’ensemble des lois qui tendent à assurer le bien
particulier des fidèles, et seulement de façon indirecte le bien commun.
CHAPITRE I
L’histoire du droit canonique est extrêmement importante parce que ce droit s’est
constitué au long de vingt siècles qui représentent le temps de la vie de l’Eglise. Le Code
actuel peut être relu comme la résultante de cette histoire, et il est possible de repérer les
différences couches de sédimentation qui le constituent. D’ailleurs les Eglises d’Orient
demeurent fidèlement attachées à ces antiques références comme à autant de sources
vivantes.
Les premiers tenants de la Tradition, ses initiateurs sont les Pères de l’Eglise que l’on
a coutume de définir à partir de quatre critères :
- l’ancienneté : les Pères sont aux origines de l’Eglise, dans la continuité des apôtres ;
- l’orthodoxie de la doctrine qui doit être en conformité avec l’Ecriture ;
- la sainteté de vie qui vient la confirmer ;
- l’appropriation de l’Eglise.
Nous retiendrons seulement quelques Pères, comme autant de grands témoins qui
ont apporté des éléments importants à l’organisation de l’Eglise, à son fonctionnement donc
à sa vie juridique.
A. Clément de Rome
Clément fut évêque de Rome entre 92 et 101. Il fait partie des Pères apostoliques qui
ont directement connu les apôtres. En 95 ou 96, l’évêque de Rome a envoyé une lettre à
l’Eglise de Corinthe qui s’était soulevée contre ses presbytres. L’épître ne dit pas qui a
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sollicité le siège de Rome. Il peut s’agir des presbytres renversés : on serait alors en face du
premier recours au Siège romain. Ou bien il peut s’agir d’un scandale résonnant
publiquement de Corinthe jusqu’à Rome et dont Clément se serait personnellement saisi :
pareille intervention motu proprio serait tout à fit remarquable et montrerait que l’Eglise de
Rome, dès la fin du premier siècle, se faisait déjà un devoir d’intervenir dans les affaires
d’une autre Eglise en difficulté. Dans l’une ou l’autre hypothèse, le Pontife montre la haute
conscience qu’il a de sa mission.
La lettre est fort longue qui invite à pratiquer les vertus de concorde et indique les
remèdes propres à rendre la paix à l’Eglise de Corinthe. L’unité de l’Eglise est hiérarchique :
« Le Christ vient de Dieu ; les apôtres viennent du Christ … prêchant à travers les villes et les
campagnes, les apôtres éprouvèrent dans le Saint Esprit leurs prémices et les établissements
comme épiscopes et comme diacres des futurs croyants » (42). La charité seule peut
maintenir l’unité du Corps du Christ. Donc « ceux qui ont été établis par les apôtres, avec
l’approbation de toute l’Eglise, qui ont rempli leur office de façon irréprochable … nous
estimons qu’il n’est pas juste de les démettre de leurs fonctions » (44). Clément prescrit une
solution identique pour les presbytres. On le voit, à la transmission héréditaire de la fonction
lévitique, succède ici une cooptation appuyée par un consensus ecclésial.
B. Ignace d’Antioche
Ignace, évêque d’Antioche, fut condamné à être livré aux bêtes à Rome. Il y subit le
martyre en 107. Enchaîné, il écrivit pendant son long parcours sept lettres aux Eglises
locales. Sur le plan canonique, on peut retenir deux éléments.
L’admirable lettre aux Romains témoigne, en son adresse, d’une suprématie certaine
de l’Eglise de Rome « digne de Dieu ; digne d’honneur, digne d’être appelée bienheureuse,
digne de succès, digne de pureté, qui préside à la charité, qui porte la loi du Christ ». On en
trouve trace encore au Concile Vatican II qui la cite (Lumen Gentium 13).
Par ailleurs, Ignace insiste, et dans plusieurs lettres, sur l’unité hiérarchique de la
communauté autour de son évêque : « Là où paraît l’évêque, là est la communauté autour
de son évêque : « Là où paraît l’évêque, là est la communauté … (aussi) votre presbyterium
doit-il être accordé à l’évêque comme les cordes à la cithare » (aux Smyrniotes). Chaque
Eglise locale est, à elle seule, catholique par son harmonisation symphonique autour de
l’évêque représentant du Père : « Accomplissez toutes vos actions dans cet esprit de
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concorde qui plait à Dieu, sous la présidence de l’évêque qui tient la place de Dieu, des
presbytres qui représentent le sénat des apôtres, des diacres … chargés du service de Jésus-
Christ » (lettre aux Magnésiens). On le voit, comme dans les épîtres pastorales
contemporaines, un certain flou entoure les différents degrés de la hiérarchie cléricale. Mais
de ces lettres, se dégage un sens fort de la catholicité autour des Eglises locales et de leurs
évêques, sans négliger une certaine primauté de l’Eglise de Rome.
C. Irénée
Né zen Asie Mineure vers 140, Irénée deviendra évêque de l’Eglise qui est à Lyon et y
mourra martyr sous Septième Sévère vers 202. Son œuvre la plus importante est un gros
ouvrage, composé de cinq livres, adversus haereses. Le titre exact et complet dit bien le but
de l’auteur : « Mise en lumière et réfutation de la gnose au non mensonger ». Irénée veut y
réfuter les fausses connaissances et les fausses vérités sur Dieu, cette prétention à s’élever
au-dessus de la foi. Il n’y a pas de science supérieure ni extérieure à la Bible et à la Tradition
de l’Eglise. D’où le livre III intitulé « Réfutation (de la pseudo-gnose) par la Tradition et la
doctrine des apôtres ».
De forts passages vont tout naturellement nous renseigner sur la Tradition reçue des
apôtres et transmise par leurs successeurs de façon ininterrompue. Autrement dit, la
succession apostolique est garantie d’une saine Tradition et la fonde en vérité : « La
Tradition des apôtres a été répandue dans le monde entier. En effet, lorsque les apôtres
fondateurs des Eglises, ils choisissent des hommes saints et les établissaient comme évêques
à la tête de ces Eglises. Les apôtres transmettaient à ces évêques l’enseignement qu’ils
avaient reçu du Christ. Ces évêques devaient, à leurs tour, transmettre ce même
enseignement à ceux qui seraient évêques après eux, et ainsi de suite » (III.1.).
Par ailleurs, Irénée dégage dans la succession apostolique une certaine primauté de
l’Eglise,= de Rome, tout à fait dans le vaine de la lettre de Clément de Rome expressément
citée : « C’est avec cette Eglise de Rome, en raison de sa plus puissante autorité de fondation
(par les très glorieux apôtres Pierre et Paul), que doit nécessairement s’accorder toute
Eglise, c’est-à-dire les fidèles qui proviennent de partout, elle en qui toujours a été conservés
la Tradition qui vient des apôtres » (III.2.). du reste, l’évêque de Rome peut se targuer de
succéder personnellement, par une suite ininterrompue d’évêques, à l’apôtre Pierre. Alors
qu’implicitement les autres évêques, quelle que soit l’ancienneté de leur siège, fut-il
apostolique, succèdent au collège des apôtres.
l’une et l’autre Eglises proviennent des apôtres. En outre, Irénée écrit directement, à cette
même occasion, à beaucoup d’autres chefs d’Eglises, manifestant ainsi une sollicitude
certaine pour l’Eglise universelle. Chez Irénée, primauté romaine et collégialité épiscopale
d=se conjuguent plus qu’elles ne s’excluent.
D. Cyprien
Cyprien naquit en Afrique vers 200 dans une famille païenne. Après sa conversion, il
sera rapidement élu évêque de Carthage à la fin de 248 ou au début de 249. Quelques mois
plus tard, éclaté la persécution de Dèce. Il ne crut pas devoir attendre le martyre, mais se
cacha jusqu’en 251. Pendant ce temps, Fabien évêque de Rome est martyrisé. Le Siège
romain reste inoccupé quinze mois durant, et le collège épiscopal divisé. Finalement
Corneille est élu, mais le candidat évincé, Novatien, fait schisme. L’un et l’autre envoient des
agents à Carthage pour obtenir la communion de l’Eglise voisine. Cyprien, publie alors son
traité De l’unité de l’Eglise catholique, qui met en garde contre les démons de la division.
L’œuvre constitue une apologie convaincu de l’unité, considérée comme le signe et le
ferment de la véritable Eglise. Oui, l’Eglise se doit d’être « le sacrement visible de cette unité
salutaire », formule reprise par Vatican II « Lumen Gentium 9).
Quoi qu’il en soi, Cyprien est aussi un grand défenseur du collège des évêques en face
des prérogatives pontificales. Pour preuve sa lettre 71 sur la question du rebaptême des
lapsi : il ne faut point se retrancher derrière la coutume (romaine : ne pas rebaptiser ;
africaine : rebaptiser), mais il faut vaincre par la raison. Pierre, que le Seigneur a choisi tout
d’abord et sur lequel il a bâti son Eglise, se trouvant par la suite en désaccord avec Paul au
sujet de la circoncision, ne montre point d’arrogance ou de prétention insolente ; il ne dit
point qu’il avait la primauté et que les nouveaux venus et les moins anciens devaient plutôt
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lui obéit, et il ne méprisa point Paul sous le prétexte qu’il avait été le persécuteur de l’Eglise,
mais il se rendit de bonne grâce à la vérité et aux justes raisons que Paul faisait valoir. Il nous
donnait ainsi une leçon d’union et de patience », et finalement, dans cette lettre écrite en
256. Cyprien de prendre parti contre le Pape Etienne en préconisant le rebaptême des
hérétiques.
En résumé, Cyprien est sans doute un défenseur équilibré des droits du collège des
évêques et du Pontife romain. Car l’unité de l’Eglise est revendiquée autour de l’évêque qui
la préside : « L’épiscopat est un et indivisible … La dignité épiscopale est une ; et chaque
évêque en possède une parcelle sans division du tout ; et il n’y a qu’une Eglise qui, par sa
fécondité toujours croissante, embrasse une multitude toujours plus ample » (Traité V). ou
encore, « L’évêque vit dans l’Eglise, et l’Eglise dans l’évêque ; et si quelqu’un n’est pas avec
l’évêque, il n’est pas dans l’Eglise » (lettre 66).
A. La Didaché
B. La Tradition apostolique
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Souvent confondue avec les Constitutions apostoliques, la Tradition a été écrite par
Hippolyte, un prêtre de l’Eglise de Rome au début du IIIe siècle. Le genre littéraire de ce
recueil est original qui contient de nombreuse prières et prescriptions liturgiques, mais aussi
institutionnelles et disciplinaires. L’auteur, peut-être du fait de son origine romaine, tient à
rappeler la discipline de l’Eglise en donnant des directives non seulement à sa communauté,
mais aussi aux autres Eglises.
Dans la communauté, quelques-uns prennent une place spéciale par le fait que
l’imposition des mains leur confère un don particulier de l’Esprit Saint : « Qu’on ordonne
donc comme évêque celui qui a été choisi par tout le peuple (et qui est) irréprochable.
Lorsqu’on aura prononcé son nom et qu’il aura été agréé, le peuple se rassemblera avec le
presbyterium et les évêques qui sont présents le jour du dimanche. Du consentement de
tous, que ceux-ci lui imposent les mains et que le presbyterium se tienne sans rien faire »
(2). Avec une exception vraisemblable : à Alexandrie, jusqu’au début du IVe siècle, l’évêque
était sans doute non seulement élu mais encore ordonné par les prêtres de son diocèse.
Quoiqu’il en soit, nous trouvons dans le ex consensu omnium les prémices de la désignation
des évêques cum clero et populo.
L’ordination du prêtre se fait par l’évêque seul. Cependant, au plan liturgique, il est
accueilli dans le presbyterium avec lequel il participe au même sacerdoce ministériel ; aussi
« quand on ordonne un prêtre, que l’évêque lui impose la main sur la tête, tandis que les
prêtres le touchent également » (7). La précision a demeuré jusqu’à nos jours. Le diacre, lui,
est établi par la seule imposition des mains de l’évêque, notamment pour le soin des
malades (8). Quant au sous-diacre, il est simplement nommé pour qu’il suive le diacre (13)
ainsi la hiérarchie cléricale se précise, se complexifie aussi. Mais elle est encore loin d’être
stricte. Pour preuve, la mention des confesseurs de la foi arrêtés pour le nom du Seigneur
(9) : à eux on n’imposera pas les mains pour l’accès au diaconat ou à la prêtrise, car ils en
possèdent les honneurs de par leur confession.
On trouve également dans la Tradition plusieurs développements sur les sacrements
de l’initiation chrétienne, baptême et Eucharistie. Ainsi il est précisé que dès sa consécration,
le nouvel évêque exerce son sacerdoce en célébrant l’Eucharistie avec le presbyterium. Le
diacre apporte les dons et aussitôt l’évêque impose les mains avec les prêtres.
C. Le Didascalie
qui sont des interprètes de l’Evangile envers le peuple. Au-dessus d’eux, des sous-diacres.
Chez les femmes, on trouve des diaconesses et des veuves.
Historiquement les conciles locaux sont les plus anciens : ils se sont tenus à Rome ou
en Afrique dès la fin du IIe siècle. Les conciles provinciaux sont convoqués par le
métropolitain qui rassemble ses suffragants, comme à Iconium en 230. Leur caractère local
ne doit pas tromper : certaines de leurs décisions auront une grande importance, en étant
reçues par l’Eglise universelle. Les réunions de ces conciles seront cependant épisodiques,
malgré les tentatives des conciles de Nicée II (787) puis de Latran IV (1213) qui prévoiront
leur réunion annuelle. Mais en vain. On noter aussi que ces conciles provinciaux, outre un
pouvoir législatif, détiennent un pouvoir judiciaire d’appel envers les jugements épiscopaux.
Au Moyen-Age enfin, des conciles de légats seront parfois réunis, directement présidés par
des ambassadeurs du Pontife romain. Un glissement s’opère alors : les conciles provinciaux
deviendront un instrument d’unification du droit au service du siège apostolique.
A un échelon plus élevé, il existe des conciles nationaux (même si le qualificatif est
historiquement anachronique) qui réunissent les évêques de plusieurs provinces d’une
même région ou d’un même royaume. On citera le cas très ancien du concile d’Elvire
(Espagne 300), ou encore de plusieurs conciles de Carthage. Ces conciles sont normalement
présidés par le premier métropolitain auquel on reconnaîtra plus tard le titre de patriarche
(par exemple, Tolède). Le roi prendra l’habitude, chez les Francs, de convoquer les conciles
nationaux : ainsi Clovis convoque en 511 le concile d’Orléans qui réunira 32 évêques. En 743,
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Initialement, les empereurs convoquaient les conciles. Rien d’étonnant car ils
légiféraient alors directement pour l’Eglise, on l’a vu. Ainsi Constantin convoque le Concile
de Nicée (325) ; ou encore après le brigandage d’Ephèse (449) ; le Pape saint Léon supplia
Théodose II de convoquer un nouveau concile, et ce sera Chalcédoine en 451. En revanche,
l’empereur, pas plus que le Pape d’ailleurs, ne préside le concile ; celui-ci est présidé par un
évêque, un légat du Pape, l’empereur étant représenté par des commissaires. Enfin, au tout
début du moins, c’était l’empereur qui confirmait les décisions conciliaires et prescrivait de
les observer. A partir de saint Léon, la ratification politique sera remplacée par la réception
pontificale.
Les quatre premiers conciles œcuméniques occupent une place à part dans l’histoire
de l’Eglise, d’autant qu’ils sont les seuls à avoir été reçus par presque toutes les Eglises
chrétiennes. Ils ont été réunis dans le souci de lutter contre les hérésies abondantes en ces
premiers temps de l’Eglise, afin de préserver l’intégrité de la foi et en même temps de
cimenter l’unité de l’Empire. Les conciles de Nicée et Constantinople ont condamné
l’arianisme ; Ephèse, le nestorianisme ; tandis que Chalcédoine sanctionnait le
monophysisme. La doctrine a reconnu l’importance fondamentale des quatre premiers
conciles ; ainsi Gratien, au Moyen-Age, n’hésitera pas à les comparer aux autres Evangiles.
L’auteur du Décret considère leurs dispositions comme de droit divin insusceptibles de
dispense, à l’exception de règles disciplinaires particulièrement rigoureuses et du canon 28
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de Chalcédoine qui n’a jamais été reçu par l’Eglise de Rome – ce canon reconnaissant une
primauté d’honneur comparable au siège de Constantinople.
Sur le fond les conciles adoptent, outre des principes théologiques nombreuses
mesures d’organisation de l’Eglise, et ses règles disciplinaires pour attaquer l’Eglise au
monde de son temps, tout en assurant sa pro cohérence.
Les canons les plus anciens remontent au concile d’Elvire. On trouve un véritable
code pénitentiel assorti de nombreuses sanctions. Le souci des évêques est alors de lutter
contre les pratiques idolâtriques hérétiques et de développer la pureté du clergé. Par
exemple :
- C.1 : « Si un adulte baptisé est entré dans un temple d’idole pour y sacrifier, et a ainsi
commis un crime capital, il ne peut être reçu à communion même à la fin de sa vie ».
- C.13 : « Si des vierges consacrées à Dieu rompent le pacte de 1 virginité … sans
reconnaître leur péché, il conviendra de les excommunier à jamais ».
- C.75 : « Celui qui, par un faux témoignage a accusé un évêque, prêtre ou un diacre,
ne pourra-même à l’article de la mort – recevoir communion ».
L’importance de ces canons d’Elvire fut grande ; plusieurs directement repris sans les
canons de Nicée.
Les conciles œcuméniques adopteront également des canons qui, s’ils sont reçus par
l’évêque de Rome, feront partie de la législation de l’Eglise universelle. Ainsi les canons de
Nicée insistent beaucoup sur la hiérarchie ecclésiastique, sur la distinction entre l’ordo
ecclesiasticus et la plebs. L’ordo comprend d’un côté évêques, prêtres et diacre ; et puis il y a
les autres clercs (acolytes, lecteurs, exorcistes, portiers) qui exercent des fonctions mineures
(c. 16). Sont seuls députés au sacerdoce les évêques et les prêtres, les diacres étant ordonné
ad ministerium. L’accès aux fonctions sacerdotales doit être précédé d’un temps de
probation (c.2). les canons 4 et 6 développent la liturgie des ordinations : on est ici en face
de règles qui rentrent dans les détails liturgiques. Pr ailleurs, le concile de Nicée moule
l’organisation des diocèses dans le creuset des provinces de l’Empire : la province comprend
un synode qui se réunit chaque semestre ; elle se choisit un métropolitain et donne don
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consentement pour le choix des évêques suffragants. Plus tard, le concile de Chalcedoine
systématisera, en les reprenant, des règles adoptées par des conciles antérieurs : on est là
en face d’une source fondamentale pour le droit à venir. Par la suite, seul l’examen des
collections canoniques permettra de dresser le tableau des conciles acceptés, de leurs
canons reconnus (infra § V).
La plus ancienne décrétale remonte sans doute à 375 ; elle est attribuée à l’évêque
Damase : les évêques de Gaule avaient consulté « l’autorité du siège Apostolique » pour
connaître la loi et les traditions relatives aux clercs. La réponse, argumentée à partir des
canons de Nicée, montre bien le souci de s’inscrire dans la Tradition en se réfugiant derrière
l’autorité emblématique de Pierre. Le texte pontifical est source de droit : « Non seulement
Nous, mais la divine Ecriture appelle les évêques, prêtres, diacres à vivre dans la plus grande
chasteté et nos pères ont ordonné de garder la continence … Au sujet des ordinations, il fut
toujours observer la règle selon laquelle seuls des clercs peuvent devenir évêques. Et qui n’a
pas fait ses preuves un temps suffisant, dans un ordre mineur ne saurait être proposé à la
cléricature ».
pontifical : sollicité pour régler des difficultés ou litiges individuels, le Pape en vient à
prendre des décisions générales. On observe là l’émergence d’un véritable pouvoir normatif
dont l’éclosion n’est pas sans évoquer celle de la jurisprudence. Au reste une décrétale
d’innocent 1er se qualifie elle-même de Liber regularum. Et le vocabulaire pontifical imite
celui des constitutions impériales en reprenant une terminologie soucieuse d’autorité
(constituimus, praecipimus, prohibimus …). La ressemblance terminologique est frappante
qui révèle la volonté du Pontife romain d’endosser les prérogatives impériales : comme
l’empereur, il prend des rescrits et s’entoure d’une Chancellerie pour les préparer et les
conserver à compter du IVe siècle.
On le remarque encore une fois (voir supra p. 20), l’analogie est ici évidente avec le
pouvoir législatif des premiers empereurs romains. Pas plus que le Pape, l’empereur ne
s’était vu attribuer le pouvoir législatif par une clause formelle. Mais l’un et l’autre sont
menés à régler des situations embarrassantes pour les évêques ou les fonctionnaires qui ont
recours à eux. Engagée sur cette voie, la papauté interviendra à l’occasion directement, de
son propre mouvement. Cependant pour asseoir leur autorité, les Papes se référeront à
l’Ecriture, à la Tradition des Pères, aux canons conciliaires, puis de plus en plus aux actes des
Pontifes eux-mêmes, sans du reste qu’ils se sentent toujours liés par les décisions de leurs
prédécesseurs. Les Décrets du Siège Apostolique deviennent ainsi une source autonome de
droit que le Pape Hilaire, en 465, ose ranger au même niveau que les divines constitutions.
Au Moyen-âge, les décrétales seront une source de droit en pleine expansion, pour
régir les domaines les plus divers (infra Par VI).
Il s »’agit d’œuvres privées qui rassemblent les textes de droit applicable à l’Eglise.
Les plus anciennes collections ramassent des canons conciliaires. Ainsi on connaît une
collection romaine des conciles de Nicée et de Sardique rédigée vers 350. En Orient, le canon
I de Chalcedoine se réfère à une série de canons antérieurs. Œuvres d’autant plus utiles que
ce canon ont dispensés et émanent de conciles souvent locaux. Ensuite il y aura des
collections de décrétales : collections de Cologne, reins et Albi vers 420. La collection de
Fraising, vers 495, mixte des documents conciliaires et des décrétales auxquelles on ajoutera
parfois du droit romain.
A. Du Vie au XIe siècle
A Rome, vers les années 500, le moine Denys le Petit devait rédiger une collection
promise à une grande fortune. Il établit une traduction latine des conciles orientaux et
présente les décrétales pontificales. La Dionysienne comportait trous grandes parties
présentant trois séries concernant l’Orient, l’Afrique et Rome. Vaste compilation, la
collection comporte forcément une sélection : ainsi le fameux canon 28 de Chalcédoine qui
mettait en question la primauté de Rome en est exclu. La compilation est donc au service
d’une thèse, d’une démonstration : en l’occurrence affermir l’autorité pontificale. En 774, le
Pape Hadrien offre à Charlemagne la dionysienne : elle devient la Dionyso-Hadriana, code
quasi-public de l’Empire, selon G. Le Bras. On peut également citer la Hispana qui
rassemblait les textes des conciles gaulois et espagnols, selon un plan non point
chronologique mais systématique. Ces deux collections seront fusionnées en 800 dans la
Dacherina (qui sera publiée au XVIIe siècle par Luc d’Achery), laquelle deviendra une source
essentielle pour les collections à venir.
L’œuvre canonique la plus importante de l’Occident carolingien est constituée par les
faux Isidoriens ; elle comprend quatre groupes : des interpolations de l’Hispana, deux séries
de Faut capitulaires et les Fausses décrétales. Les Faux capitulaires sont l’oeuvre de Benoît le
diacre vers 847 ; leur auteur triture de nombreux textes antérieurs et les attribue à Pépin ou
à charlemagne pour s’appuyer sur le prestige de ces souverains ; aussi est-il très difficile de
discerner le vrai du faux ! Les Fausses décrétales ont été rédigées autour de Reins vers 852.
On y retrouve mêlés des textes authentiques (canions conciliaires), des textes faussement
attribués (par exemple aux Papes avant Nicée), et des faux intégraux (ainsi la Donation de
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Constantin ou les lettres des Papes jusqu’en 604). Le but de ces faux est de limiter l’autorité
des métropolitains et des chorévèques, en appuyant celle des évêques. A cet effet, les
évêques sont priés de s’adresser directement u Pape Qui peut toujours recevoir les appels
des clercs, ayant autorité sur toute l’Eglise. Ces textes donnent une image très juridique et
centralisée de la papauté qui marquera l’histoire à l’évêque de Rome sont réservées toutes
les causes majeures et la prérogative de convoquer les conciles. En outre, ils veulent
préserver ! Eglise des Etats, notamment en déclarant ses biens sacrés ou en pontificale devra
beaucoup aux fausses décrétales, largement reprises dans le Décret de Gratien et qui auront
une influence jusqu’à la Renaissance.
Le Pape lui-même pourra se mêler de structurer le droit canonique. En témoignent
les dictatus Papae établis par Grégoire VII en 1075. Ils contiennent une déclaration des
droits du Pontife romain en forme de table des matières d’une collection canonique. En
filigrane, on discerne la querelle avec l’empereur romain-germanique qui débouchera
l’année suivante sur le déposition d’Henri IV. Aussi le Pontife romain veut-il asseoir
doublement son autorité. Sur l’Eglise d’abord :
- 1. L’Eglise de Rome a été fondée par le Seigneur seul.
- 3. Seul le Pontife romain peut déposer ou absoudre les évêques
- 14. Il peut, où il veut, ordonner un clerc de n’importe quelle Eglise
- 21. Les causes majeures de toute Eglise doivent lui être rapportées.
- 25. Il peut, en dehors d’une assemblée synodale, déposer et absoudre les évêques.
Le Pontife romain désire également établir sa suprématie politique face aux Etats :
- 2. Seul le Pontife romain mérite d’être appelé universel.
- 8. Seul, il peut user des insignes impériaux
- 12. Il lui est permis de déposer les empereurs
- 19. 11 ne doit être jugé par personne.
- 26. Le Pape peut délier les sujets du serment de fidélité fait aux injustes.
Pour terminer, on remarquera que tous ces textes, ces collections canoniques font
une large utilisation du droit romain qu’ils transposent à l’Eglise. Ce droit était notamment le
seul référent possible pour légiférer sur de nouvelles matières canoniques (contrats,
successions) et assurer un ordre public cohérent chez les clercs comme chez les laïcs. Et puis
la procédure ecclésiastique en inspirera très largement. Progressivement, le canoniste ne
pourra plus se passer de droit romain. Sur cette question, voir supra p. 201.
Sur le fond, deux domaines l’ont retenu plus que d’autres : le mariage et les
investitures. Il fit admettre que le roi n’avait aucune action dans le domaine spirituel, se
contenant d’offrir aux évêques la disposition de leurs biens temporels – la consécration
épiscopale et la remise de la cura animarum relevant des Eglises locales.
Gratien, ‘père de la science du droit canonique’, excellera dans cette démarche qu’il
systématisera et dépassera, ce qui lui valut très tôt le titre de magister noster :
probablement moine, il enseignera à l’Université de Bologne. Son Décret, qui remonte aux
années 1140-1150, deviendra rapidement un texte semi-officiel extrêmement répandu.
Ultérieurement, les décrétistes ajouteront au Décret des papes en comblant ses lacunes (par
ex. sur les bénéfices, le mariage ou les effets des sentences). La compilation a pour sous-titre
Concordantia discordantium canonum. Ce qui explique la méthode suivie par son auteur.
D’un côté, les auctoritates représentent les sources juridiques de l’œuvre, réparties
en quelques 4000 chapitres. On y trouve les canons conciliaires, orientaux ou occidentaux,
les décrétales mis aussi de nombreux textes patristiques (saint Augustin surtout), sans
oublier des références, notamment procédurales, au droit canon. Chacun des textes
rapportés est précédé d’un bref sommaire qui en résume la portée et aide à la consultation,
selon une méthode qui doit beaucoup à Y. de Chartres. C’est le Décret, par exemple, qui fixe
définitivement l’autorité des quatre premiers conciles œcuméniques, elle-même fondée sur
un consensus général. Nous sommes face à une première théorie générale des sources du
droit canonique.
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D’un autre côté, les dicta sont des commentaires plus ou moins développés qui
accompagnent les sources en tentent éventuellement de les concilier. Autrement dit les
auctoritates ne sont pas seulement compilées, mais également commentées par les dicta de
Gratien qui assure ainsi la charpente du Décret. En outre l’auteur propose des solutions
personnelles aux discordances. Prenons le cas des biens propres des clercs. Pour Jérôme,
Augustin ou Ambroise, tous les biens des clercs doivent leur être communs et ils ne
sauraient posséder aucun bien séculier. Au contraire, les canons des apôtres et les conciles
d’Agde ou d’Antioche reconnaissent cette possibilité juridique. Gratien en déduit en début
qu’il convient de distinguer la situation canonique des clercs en Occident, et en Orient où ils
peuvent être mariés.
Certains dicta pourront cependant ne pas faire ensuite l’unanimité chez les
canonistes. Tel celui qui affirme : « La sacro-sainte Eglise romaine impose son droit et son
autorité aux saints canons », parce que le Pape est le seul à pouvoir définir des articles de foi
qui pourraient dépasser les décisions des conciles œcuméniques. Les décrétistes insisteront
surtout sur les exceptions qui doivent être apportées à ce principe général posé par Gratien !
Pour eux, ce qui intéresse tout le monde doit être approuvé par tous, et le pape ne pourrait
même pas accorder des dispenses à des décisions conciliaires.
L’œuvre, qui est une approche systématique du droit de l’Eglise, à l’exception très
large des sacrements, connaîtra un profond retentissement grâce aux commentaires
autorisés de ces très nombreux décrétistes. Dans les siècles qui suivront, on lui fera même
des ajouts. Mais le travail demeure privé. Les premières collections officielles seront des
compilations de décrétales rassemblées par la papauté.
§ VI. Le ius novum des Pontifes romains et le Corpus iuris canonici
Le Moyen-âge est caractérisé par la production systématique de décrétales, le Pontife
ne se borne plus à répondre à des demandes de consultation émanant des évêques, mais
intervient directement motu proprio. Cette activité croissante sera rendue possible par la
compétence canonique de certains Papes et le développement de la curie. Le Pape peut agir
seul ou en consistoire de cardinaux. A cette époque, la doctrine se met à distinguer le récrit,
acte à portée individuelle, et la décrétale, qui est à portée générale et impersonnelle. Le
rescrit comporte une faveur qui est concédée pro gratta ou un privilège accordé contra ius.
La décrétale va surtout servir à combler les déficiences du Décret : par exemple, dans
le domaine des bénéfices ou en procédure criminelle. Ailleurs, ainsi en droit du mariage, il
s’agira seulement de préciser les règles apportées par le Décret. Le Pontife romain devient
progressivement le législateur unique, le chef direct de l’administration et le juge suprême.
On en vient à le qualifier de Jons iuris. Et les décrétales l’aident à asseoir son propre pouvoir.
Sans compter qu’il se reconnaît la prérogative d’interpréter le droit en vigueur, aussi bien les
constitutions apostoliques que les décrets conciliaires.
Chapitre troisième
Le Pontife romain
L'évêque de Rome, de par son élection sur ce siège, reçoit autorité comme
pasteur suprême de tous les fidèles; il exerce alors, à son gré selon une forme
collégiale ou personnelle, le gouvernement de ! 'Église universelle. De façon
incontestable, il contribue à assurer l’unité de l’Église catholique.
écrire:« Les autres apôtres ont été amenés à partager le pouvoir, mais Pierre est le seul qui
ait été amené à jouir de la plénitude ... Le Pape est le vicaire de Celui dont le royaume n'a
pas de limites ». Ce qui signifie clairement, ajoute-t-il en commentant Luc 22, 32 que « les
successeurs de Pierre n'ont jamais dévié de la foi ». On passe alors de l'indéfectibilité de
l'Église, qui trouve sa source dans l 'inerrance de) 'Écriture, à l'infaillibilité du Pontife
romain, même s'il faudra attendre Vatican I pour qu'elle soit solennellement proclamée.
Entre temps, les poussées anti-conciliaristes lui auront ouvert la voie, particulièrement le
Concile de Florence qui, en 1439, proclama la primauté du Siège Apostolique sur toute la
terre et que la Constitution Pastor Aeternus citera expressément : « Le Pontife romain est
le vrai vicaire du Christ, la tête de toute l'Église, le père et le docteur de tous les chrétiens ; à
lui, dans la personne de saint Pierre, a été confié par N .S .J .C. plein pouvoir de paître, de
régir et de gouverner toute l'Église». À Vatican I on va justement reconnaître au Pontife
romain un pouvoir vraiment épiscopal sur toute la terre. En cette même période, tandis que
la souveraineté politique de l'Église est contestée, le Pape va chercher à asseoir son autorité
magistérielle. Dans un contexte ecclésial tourmenté qui oppose ultramontains de droite (de
Maistre) et de gauche (Lamennais) aux gallicans de France (Maret, Dupanloup, Darboy),Pie
IX va en faire une affaire personnelle: son Magistère peut être infaillible de par lui-même et
non en vertu du consentement de l'Église (sur les conditions strictes alors posées, voir infra
p. 117-118). Ainsi tranche la Constitution Pastor Aeternus sur laquelle certains Pères
conciliaires préfèreront s'abstenir en quittant
Rome.
On le voit, l 'histoire a inscrit la primauté pontificale dans une perspective biblique
certes, mais aussi très politique, ne la réduisant pas à une simple primauté d'honneur en
insistant sur ses implications hiérarchiques. Le Concile Vatican II et surtout l'encyclique Ut
unum sint de 1995 permettent de revisiter cette histoire. Jean-Paul II y qualifie sa charge de «
présidence dans la vérité et dans l'amour» (n° 97). Le collegium est un terme de droit romain,
repris par saint Cyprien, qui correspond à la notion biblique d 'adelphotes, de fraternité
apostolique des ministres de l 'Évangile. La primauté s'inscrit dans ce collège, à son service et
non au-dessus de lui (Tillard). Voilà le sens authentique de la primauté pétrinienne, laquelle est
inséparable de la collégialité et ne doit servir qu'à l'édification de l'Église. Du reste, tout à fait
traditionnellement, le Pontife romain est qualifié de Servus servorum Dei. Aussi Jean-Paul Il,
dans une perspective œcuménique , se disait-il prêt à rechercher, avec les théologiens et les
pasteurs des différentes Églises, des formes nouvelles de ce ministère d'amour. Notamment il
est désormais acquis que le champ de la primauté peut évoluer dans un sens ou dans l'autre: «
Le fait qu'une tâche déterminée ait été assurée par la primauté à une certaine époque ne signifie
pas à lui seul que cette tâche doive nécessairement être toujours réservée au Pontife romain; et
inversement le seul fait qu'une fonction déterminée n'ait pas été préalablement exercée par le
Pape n'autorise pas à conclure qu'elle ne puisse jamais, d'aucune manière, devenir dans l'avenir
une compétence de la primauté» (Congr. pour la Doctrine de la Foi, Note sur la primauté du
successeur de Pierre, 1998). L'histoire ne nous éclaire donc pas sur un noyau dur de la
23
primauté; celle-ci est d'appréciation conjoncturelle et peut toujours donner lieu à des relectures
du Nouveau Testament. Dans le nouveau Peuple de Dieu, le cardinal Ratzinger pouvait
écrire en 1971 : « L'image d'un État centralisé ... le droit ecclésial unitaire, la liturgie unitaire,
l'attribution unitaire de sièges épiscopaux à partir du centre romain - tout cela ce sont des
choses qui ne font pas nécessairement partie de la primauté en tant que telle». La communion
même imparfaite avec les autres Églises devrait aider à de possibles redéfinitions.
Tradition?
Le Pontife romain est élu au sein de son Eglise particulière qui est l’Eglise de Rome.
Traditionnellement il est l’élu des cardinaux qui sont tous titulaires d’un siège ou
d’une charge dans l’Eglise de Rome. L’élection du Pontife romain revient à leur
collège depuis le XIIIe siècle. Mais pendant très longtemps, en pratique jusqu’à
l’élection de Pie X, il y a eu immixtion des pouvoirs civils, certaines grandes
puissances ayant un droit de veto. Actuellement, c’est uniquement une affaire de
l’Eglise dont les modalités sont prévues par la Constitution apostolique Universi
Dominici Gregis du 22 février 1996 qui a trouvé à s’appliquer en 2005 après la mort
de Jean Paul II et qui a été légèrement modifiée par Benoît XVI, le 11 juin 2007.
Paul II a lui-même, un temps, songé d'élargir le conclave aux patriarches des Églises
orientales voire aux membres du secrétariat du synode des évêques. De tels
bouleverse n'auraient pas été sans inconvénients: détacher le Pontife romain du
clergé de son Église de Rome (même si l’appartenance des cardinaux à cette Église
est fictive: infra p. 126); accroitre encore l’autorité du Pontife élu par une base
élargie ; boucher, de ce fait, des perspectives de rapprochement œcuménique. Oui,
finalement il semblerait dangereux à bien des égards de dissocier le Pontife romain
de son Église particulière pour en faire un délégué de l'Église universelle. On ne
peut donc qu'approuver le statu quo actuel.
A. Enseignement: le Magistère
La question de l'enseignement par le Pontife romain amène à examiner plus
largement la question du Magistère dans l’Eglise qui, est également exercé par les
évêques pour déterminer ce qui appartient à la foi. Depuis le Concile de Trente, Le
Magistère est l’élément décisif de la Tradition (Kasper).
La problématique est déjà ancienne. On a repéré dans l'historique (supra p. 28
s. et 31 s.) le développement progressif des pouvoirs des conciles et des Papes. Cet
accroissement des prérogatives d'enseignement sera une vive pomme de discorde avec
la Réforme: le libre-examen prôné par M. Luther s'oppose à l'autorité magistérielle. Le
dogme de l’infaillibilité pontificale, trop souvent mis en avant depuis la fin du XIXe
siècle, ne fera qu'envenimer le débat. Mais, par son Magistère, l'Église aura aussi à se
défendre contre les ennemis de l’intérieur. Ce sera, au début du XX e siècle le serment
anti-moderniste imposé pour préserver l'autorité du Magistère; sa forme actualisée en
est le serment de fidélité imposée aux décideurs et aux enseignants dans l'Église.
Le Concile Vatican II a posé, sous une forme renouvelée, l'autorité du Magistère
en examinant à nouveaux frais, et non sans débats passionnés, l'articulation de la
Tradition sur ! 'Écriture. Les positions de Dei Verbum (n° 10) ont le mérite de la
clarté: le Magistère n'est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais la sert en la portant.
26
1) Le Magistère solennel
Le c. 749 § 1 en rappelle les modalités qui reprennent les conditions posées par
la Constitution Pastor Aeternus (laquelle doit être relue à la lumière du rapport
Gasser). Ces conditions sont au nombre de trois:
- Quant à l'auteur de l'acte: le Pontife romain doit avoir agi comme ‘pasteur et
docteur suprême de tous les fidèles’'. Il doit vouloir vraiment décider comme Chef de
l’Eglise catholique, en tant que son suprême enseignant. Ce qui n’est pas réalisé
lorsqu'il parle à des groupes linguistique particuliers, par exemple, ou lors
d'instances peu solennelles comme les audiences du mercredi. L'intention d'agir ainsi
doit être expresse, c'est-à-dire explicitée par le Pontife romain ; autrement dit il n'y a
pas.de présomption d'infaillibilité (c. 749 §3).
largement appuyée par la doctrine spirituelle; en outre, le Pape avait fait précéder sa
définition par une consultation de tous les évêques de l'univers qui, quasi
unanimement, avaient répondu positivement à la question posée.
Le Magistère du concile œcuménique a été affirmé par Vatican II dans la
Constitution Lumen Gentium (n° 25) selon des conditions symétriques à celles
prévues pour le Pontife romain. On rappellera que ce même Concile n'a pas proposé
de nouvelle définition dogmatique solennelle, se bornant à exercer son Magistère
ordinaire et universel - ce qui conduisit certains à qualifier le Concile Vatican II de
simplement « pastoral ».
Cet héritage, qui s'enrichit au cours des siècles, couvre donc tout le champ de la
Révélation ainsi que ce qui est transmis par la Tradition : canon et inerrance des
Écritures, affirmations christologiques ou mariales (c. 750 § 1 préc.). Le serment de
fidélité de I 989 a encore élargi le champ de ce Magistère en y incluant des vérités 'à
croire' simplement connexes à la Révélation, c'est-à-dire qui ne sont pas directement
inscrites en elle mais qui peuvent en être déduites, par exemple les enseignements sur
la contraception ou l’euthanasie, sur la prostitution, les canonisations ou le sacerdoce
réservé aux hommes. On le devine, la liste peut être longue de toutes ces vérités
requises pour garder saintement et fidèlement le dépôt de la foi. Le Moru proprio Ad
29
tuendam fidem de I 998 insiste sur le statut de ces vérités: elles sont définitives et
doivent être gardées comme telles. À la double condition qu'elles appartiennent à la
substance de la foi ou des mœurs et qu'elles soient conformes à la Tradition. Ce texte a
été codifié dans le §2 duc. 750 ajouté au Code de droit canonique.
Une telle doctrine est définitive car elle a un lien intrinsèque avec la vérité
révélée et désire souvent mettre un point final à des controverses. Alors le Pontife
romain porte un jugement définitif sur une matière jusque-là discutée ; il la ferme au
débat - ce qui n'est guère dans l'esprit de Lumen Gentium 25, mais bien plus du
schéma De Magisterio qui avait pourtant été retiré.
Il est prévu par les c. 752 et 753. C'est, pourrait-on dire, le Magistère de droit
commun dans la mesure où, sauf précision contraire, c'est lui qui est engagé dans le mu nus
docendi .
Il appartient au Pontife romain dans tous les cas où celui-ci n'engage pas son
31
Ce Magistère est authentique parce qu'il est revêtu de l'autorité du Christ, laquelle est
justement confiée aux évêques. Inauguré par Vatican Il (Lumen Gentium 25), il requiert «
une soumission religieuse de l'intelligence et de la volonté» (c. 752). Autrement dit, une
obéissance de jugement est demandée aux fidèles; cette soumission est qualifiée de
'religieuse' parce qu'elle n’est pas forcément scientifique ou rationnelle, mais fondée sur
l'autorité spirituelle du Magistère assisté par l’'Esprit Saint. Pareille obéissance de foi oblige
à faire un effort pour entrer dans les vues de l'autorité. La Note sous le Motu proprio Ad
tuendam fidem (n° 11) est curieusement plus souple sur ce point, soulignant que des degrés
différents d'adhésion peuvent être requis selon la nature de chaque document ou la volonté de
ses auteurs. Elle reprend ici l'instruction sur la vocation ecclésiale du théologien (n° 24) qui
avait tenu compte de la nature des questions soulevées, lesquelles peuvent encore être
débattues (telle la procréation assistée dans l'instruction Donum vitae de 1987). On observe
ici une plasticité tout à fait remarquable de l'adhésion sollicitée à l'égard du Magistère
authentique.
De façon plus générale, le refus d'obéir au Magistère authentique constitue une faute
relevant de la Pénitence et pourra éventuellement être puni d'une juste peine dans les
conditions prévues au c. 1371 § 1 préc.
B. Sanctification
Le Pontife romain est grand prêtre et dispensateur des mystères de Dieu pour! 'Église
de Rome et! 'Église universelle à laquelle il préside dans la communion de la charité. À ce
titre, il a des responsabilités particulières ; on retiendra ci-après les principales.
1) Fonctions liturgiques
Il revient au Siège Apostolique d'organiser la sainte liturgie de l'Église tout
entière, d'éditer les livres liturgiques, de reconnaître leurs traductions diverses
(préparées sous l'autorité des conférences d'évêques) et de veiller à ce que les règles
liturgiques soient fidèlement et partout observées (c. 838 §2). Le régime est
relativement centralisé: compte tenu du caractère public de l'action liturgique et de ses
implications théologiques, il revient en effet à l’autorité suprême de l’Eglise de la
32
3) Indulgences
L'autorité suprême de l'Église a également le pouvoir d'accorder des
indulgences. L'indulgence est caractéristique de la miséricorde de Dieu : elle est
gratuite. Dans l'ancienne Alliance, elle était liée à l’année jubilaire, année de remise
des dettes. Dans l'Église actuelle, elle est « la remise devant Dieu de la peine
temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée» (c. 992). Le péché est,
en effet, générateur de peines en ce monde (souffrances, épreuves, cicatrices diverses)
ou dans l'au-delà (peines purificatoires) ; en péchant, nous nous sommes blessés nous-
mêmes ou nous avons blessé les autres. L'Eglise croit que la communion des saints est
une solidarité de grâce, un don de Dieu qui désire que tout le bien fait dans le monde
puisse profiter aux pécheurs impuissants par eux-mêmes à se sauver. C’est un trésor
33
que celui des mérites des saints dans lequel le Pape s'autorise à puiser en accordant des
indulgences. Pour l'obtenir, le pécheur doit être en état de grâce, avoir été pardonné et
avoir réparé les préjudices éventuellement causés. L'indulgence est comme un
prolongement de la pénitence, une irradiation de la rédemption. Encore faut-il que le
pénitent fasse une démarche concrète de conversion, et accomplisse une œuvre au
temps et selon les modalités fixés par l'Église. On signalera enfin que l'indulgence est
plénière ou partielle selon qu'elle libère totalement ou partiellement de la peine
temporelle due pour les péchés (exclusion de la peine ou simple réduction de peine
comme dans le procès pénal). Pour éviter pareille comptabilité, dans un domaine
sensible très critiqué par la Réforme. le Bulle d'indiction du grand Jubilé de l'an 2000
a davantage insisté sur l'indulgence de Dieu que sur 'les' indulgences au pluriel ;
Benoît XVI fera de même lors de son intronisation ou pour fêter le quarantième
anniversaire de la clôture de Vatican Il en 2005.
C. Gouvernement
1) Pouvoir législatif
Le Pontife romain est le premier titulaire du pouvoir législatif dans l'Église. C'est
lui qui élabore la loi, mais aussi éventuellement la constitution, laquelle actuellement
n'en est pas différenciée formellement puisque insérée dans le même Code de droit
canonique (v. supra p. 45-47 sur l'échec du projet de Loi fondamentale). C'est lui
également qui peut modifier la loi de l'Église universelle, ce qu'il ne fait que fort
rarement: depuis 1983, le Motu proprio Ad tuendam fidem de 1998 a seulement
modifié deux canons du Code (supra p. 119 s.) ; voilà qui éloigne l'Église de la
pratique des États modernes qui, à temps et à contre-temps, toilettent leurs
législations ; mais peut-être l'Église est-elle, à l'inverse, trop prudente pour procéder à
l’aggiornamento de son droit dans une société en constante et rapide évolution? Et
pourtant la procédure législative est autrement plus souple dans l'Église que dans les
démocraties contemporaines. Le pouvoir législatif peut, en effet, s'exercer sous les
formes les plus variées: constitution apostolique, Motu proprio, décret général (destiné
à une communauté particulière de personnes capables de recevoir la loi, selon le c. 29).
Le Pape peut même légiférer par simple chirographe, voire par oracle de vive voix
sans jamais être tenu par la règle du parallélisme des formes et des procédures. En
34
2) Pouvoir exécutif
Le Pontife romain dispose du pouvoir exécutif qu'il exerce avec l’aide de la
Curie. Il assure l’exécution des lois grâce à des décrets généraux exécutoires
(justement pris pour leur application: c. 31); par le canal de la Curie différentes
instructions seront publiées, parfois approuvées par le Pontife romain. Par ailleurs, il
procède aux nominations les plus importantes (évêques, légats notamment). Il accorde
des privilèges ou des dispenses par la voie de rescrits ou d'indults (ainsi la dispense
des vœux perpétuels dans un institut de droit pontifical : c. 691 §2 ; la dispense du
mariage non consommé: c. 1698 ; ou encore la dispense de célibat en faveur d'un
prêtre désirant se marier: c. 291).
3) Pouvoir judiciaire
Le Pontife romain dispose du pouvoir judiciaire qu'il exerce normalement par
l'intermédiaire de tribunaux spécialisés (infra p. 133- 135). Cependant, il a un pouvoir
général d'évocation l’autorisant à se saisir de toute affaire pendante devant une
quelconque juridiction ecclésiastique, et le Code (c. 1405 § 1) lui réserve le droit
exclusif de juger les Chefs d'État, les cardinaux et les évêques dans les affaires
pénales.
1) Pouvoir ordinaire
Le pouvoir du Pontife romain est en effet attaché à sa charge par le droit. Ce pouvoir
35
ne lui est délégué par personne, fut-ce le collège = évêques ni même le conclave qui] 'a élu. Ses
prérogatives proviennent de son autorisation épiscopale sur le Siège de Rome. Cela souligne
bien la conception catholique de l’Église universelle: elle ne se conçoit pas comme une
fédération d'Eglises particulières, mais elle possède une singularité, une réelle autonomie
voire une préexistence par rapport à elles (supra p. 62). Le c-,331 constate, en outre, que ce
pouvoir est reconnu ès-qualité à ‘l’évêque de 1 'Eglise de Rome': c’est bien l'évêque de cette
Église qui en tant que tel, est Pontife romain (supra p. 114-115). De ce fait, l’Eglise de Rome a une
vocation universelle.
2) Pouvoir suprême
Le Pontife romain est source de droit, au niveau le plus élevé, mais il n'est pas lié par le
droit. Le principe général patere legem quem fecisti ne lui est pas applicable: il n'est pas
tenu de supporter la loi qu'il a faite, sauf si elle consacre du droit divin. En outre, il peut
dispenser de l'application de la loi. Par ailleurs, il peut évoquer toutes les causes majeures et
ainsi dessaisir les institutions légalement saisies. Enfin, il bénéficie d'une immunité absolue
de juridiction que le c. 1404 énonce d'une façon large: « Le Premier Siège n'est jugé par
personne. » Ne peuvent donc être soumis à aucun jugement, d'aucun pouvoir humain, ni le
Pontife ni ses décisions ni celles qu'il a faites siennes en les approuvant. Le Décret de Gratien
introduisait une réserve à cette immunité « si le Pontife romain venait à s'écarter de la foi»;
convaincu d'hérésie, il se trouverait ipso facto déchu de sa charge; en vertu du parallélisme
des formes, un tel constat pourrait revenir au collège des cardinaux (d'Onorio).
3) Pouvoir plénier
Le Pontife romain détient la plénitude du pouvoir dans! 'Église. C'est ainsi qu'il exerce
les trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Et il choisit toujours la façon de les exercer
personnellement ou collégialement (c. 333 §2).
Le pouvoir du Pontife s'exerce directement sur les pasteurs comme sur tous les fidèles
catholiques de 1 'univers entier.
des thèses de Tamburini qui, au XVIIIe siècle, distinguait la fonction de 1 'évêque de Rome,
lequel exerçait une juridiction épiscopale diocésaine, et le pouvoir du Pape, pouvoir de
surveillance sur toute l'Église mais non épiscopal. Ce dualisme a été dépassé par Vatican II
et, dans son sillage, par le Code de 1983 dont le c. 331 affirme que le Pontife romain
est « le pasteur de l’Eglise toute entière sur cette terre ».
1). Tous les évêques diocésains nommés cardinaux font partie de l'ordre presbytéral.
Ils peuvent être appelés, par nomination en consistoire au bout de dix années, à faire
partie de l’ordre épiscopal qui leur est supérieur: ce sont eux et eux seuls qui élisent,
sous réserve de l’approbation du Pontife romain, le Doyen du Sacré Collège qui reçoit
automatiquement pour titre le diocèse d'Ostie.
Jadis tout baptisé catholique pouvait être promu cardinal, même s'il était laïc, et il en est
de célèbres comme Mazarin. Aujourd'hui le c. 351 § 1 réserve le cardinalat au moins à des
prêtres et « ceux qui ne sont pas encore évêques doivent recevoir la consécration épiscopale».
Certains, comme jadis le P. de Lubac, ont pu la refuser afin d'éviter le reproche, d'être évêque
de nulle part (reproche jadis adressé, lors de son ordination épiscopale, au cardinal Daniélou).
Ensemble, les cardinaux constituent un collège que le Code de 1917 appelait hier 'le
Sénat du Pontife romain' (ancien c. 230). On en trouve trace dans le c. 349 qui dispose
notamment : « Les cardinaux assistent le Pontife romain en agissant collégialement quand ils
sont convoqués en corps pour traiter des questions de grande importance.» Le Pape les réunit
alors en consistoires. Le terme est ancien: il est hérité du droit romain puisqu'il désignait le
lieu où les conseillers de l'empereur tenaient leurs délibérations. Le Pontife romain prendra
pareillement l'habitude de traiter les questions les plus importantes de fratrum nostrorum
consilio. Les consistoires se réunissent à huis clos, sauf les consistoires publics qui n'ont
qu'une valeur symbolique, ainsi pour les pétitions officielles de béatification ou de
canonisation. Le consistoire est ordinaire si les cardinaux se trouvant à Rome sont seuls
convoqués ; il est dit extraordinaire si tous les cardinaux de l'univers sont convoqués. Parmi
les derniers consistoires réunis, on citera en 1991 celui sur l'éthique, en 2001 celui sur les
perspectives pour le IIIème millénaire, enfin en 2006 celui réuni par Benoît XVI relatives à
38
quelques questions ecclésiales d'actualité. Le Pontife romain peut aussi réunir des conseils
de cardinaux: ainsi pour les finances de l'Église, il existe un conseil de quinze cardinaux
qui se réunit au moins trois fois par an et qui joue un peu le rôle d'un ministère des Finances
dans! 'Église.
Sede vacante, le collège des cardinaux reçoit des prérogatives particulières. C'est
lui qui pourvoit à l'administration de l'Église, selon le c. 359 précisé par la
Constitution Universi Dominici Gregis. En effet, dès la mort du Pontife régnant
dûment constatée par le cardinal camerlingue, tous les chefs des dicastères cessent
d'exercer leurs fonctions. La charge du gouvernement de l'Église est confiée au Sacré
Collège des cardinaux. Les affaires les plus importantes relèveront de la Congrégation
générale qui comprend - sous la présidence du cardinal Doyen du Sacré Collège - tous
les cardinaux jusqu'à la réunion du Conclave, purs les seuls cardinaux électeurs. Les
affaires les plus simples seront confiées à une congrégation particulière qui comprend
le camerlingue et trois autres cardinaux tirés au sort (régulièrement tous les trois
jours). Durant l'interrègne, le grand principe demeure: nihil innovetur. Il ne saurait
donc être question de modifier ni d'abroger les lois de l'Église, mais seulement de
gérer les affaires courantes. Sede vacante toujours, certains cardinaux ont un pouvoir
propre: le camerlingue veille sur l'administration des biens de l'Église; le grand
pénitencier continue à administrer la justice au for interne; le vicaire général pour le
diocèse de Rome poursuit sa tâche de gouvernement pour les affaires ordinaires; le
Doyen du Sacré Collège préside le Conclave; le cardinal proto-diacre enfin, qui est le
plus ancien dans l'ordre des cardinaux diacres, annoncera au peuple le nom du Pontife
nouvellement élu.
Au total, le Sacré Collège offre le visage d'une vénérable institution de type
aristocratique, mais qui a su rester bien vivante par-delà les siècles ; sans doute parce
qu'il a su prolonger au quotidien son pouvoir dans la Curie.
B. La Curie romaine
Elle est un rouage essentiel du Saint Siège qui assiste le Pontife romain pour
préparer, prendre et exécuter ses décisions.
1) Historique
Le terme de Curie apparaît sous Urbain II à la fin du XI° siècle: la camera
désigne alors une institution financière du Siège Apostolique, sur le modèle de
l'organisation impériale. La Chambre apostolique, sous l'autorité d'un camérier, gère
les fonds souvent considérables de l'Église. Puis, avec l'accroissement des contentieux,
on lui confiera des responsabilités judiciaires: à partir du XII° siècle, la Pénitencerie
recevra une partie des pouvoirs juridictionnels des Papes avec la dispense des
39
juridiquement égales entre elles. Cependant, dans les faits, certaines se dégagent, dont
la plus importante d'entre elles est la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Elle
a des compétences horizontales : tout ce qui touche la foi ou les mœurs, et qui vient à
être traité dans un quelconque dicastère, doit être soumis à son jugement préalable
(art. 54). Dans le droit fil du Saint Office, même si ses prérogatives ont été réduites et
son nom changé, elle reçoit une double fonction: promouvoir la doctrine d'une part,
défendre la vérité de la foi et l'intégrité des mœurs d'autre part. Elle est aidée par deux
Commissions : biblique et théologique. En outre, par le Motu Proprio Ecclesiae
unitatem de juillet 2009, elles 'est vue rattacher la Commission Ecclesia Dei chargée des
rapports entre l'Église catholique et la Fraternité lefebvriste saint Pie X. Ainsi, après la levée
des excommunications, le Pape a voulu déplacer le débat de la discipline à la doctrine afin
d'ouvrir de larges échanges pour tenter de retrouver, un jour, la pleine communion de cette
mouvance avec l'Église.
Par ailleurs. Selon l’art. 54 de Pastor Bonus, la Congrégation est juge des délits les
plus graves commis contre les mœurs ou dans la célébration des sacrements. Le Motu
proprio Sacramentorum sanctitatis tutela du 30 avril 2001, intervenu dans le contexte du
scandale de la pédophilie auquel des clercs ont été mêlés, précise les délits les plus graves qui
sont réservés à la Congrégation, notamment la consécration des saintes espèces hors de la
célébration eucharistique, l’absolution du complice dans la violation du sixième
commandement, et « le délit contre (le même) commandement commis par un clerc avec un
mineur de moins de dix-huit ans.» L'Ordinaire informé, après enquête préalable, devra
systématiquement en porter connaissance à la Congrégation romaine qui soit jugera
directement l'affaire, soit la transmettra à qui de droit. L'objectif est ainsi atteint de garantir
une uniformisation du régime pénal pour des délits aussi graves et d'éviter d'inopportunes
transactions. Mais la procédure montre bien que la Congrégation est à la fois administrateur
42
et juge, selon un système de confusion des responsabilités abandonné depuis longtemps dans
les États de droit.
existantes entre le Pontife romain, les cardinaux et les évêques ; mais aussi la
rémanence de la théorie de la société parfaite qui fait ressembler l'ensemble à un
organigramme ministériel. Aussi dans l'annexe II à Pastor Bonus est-il insisté sur la
communauté de travail spécifique que forment les collaborateurs du Siège
Apostolique: ceux-ci feront montre du sens de leurs responsabilités et de leurs devoirs
au service d'une œuvre très haute à dimension spirituelle. Car si le Saint Siège est un
État souverain, il est un « État différent du type commun», ce qui n'est pas sans
conséquences financières ou sociales pour les agents des dicastères appelés à une
certaine sobriété et à une réelle discrétion.
On prendra maintenant l'exemple des congrégations: comment sont-elles
structurées ? Chaque congrégation est présidée par un cardinal préfet ou par un
archevêque président. Les membres proprement dits sont les cardinaux et les
évêques qui ont seuls voix délibérative et sont réunis, au moins une fois par an, en
assemblée générale. Sont adjoints à la congrégation différents consulteurs ou
officiers qui peuvent être des religieux ou des laïcs. Ils sont nommés pour cinq ans
par le Pontife romain. À 75 ans, la majorité des proposés à la Curie sont priés de
présenter leur renonciation à l'office.
La procédure de travail est précisée par la Constitution Pasto Bonus qui veille à
préserver les prérogatives du Pontife romain: les dec1s1ons d'importance majeure
doivent être soumises à son approbation (art: 18). Plus largement rien de grave ni
d'extraordinaire ne se fait sans avoir été préalablement communiqué au Pape. Si une
affaire intéresse plusieurs dicastères, des réunions ad hoc sont convoquées. À cet
effet, il existe aussi des commissions interdicastèrielles, telle celle pour la formation
des candidats aux ordres sacrés. Enfin, pour assurer un bon travail de coordination,
les cardinaux préfets tiennent, chaque année, plusieurs réunions communes parfois
sous la présidence du Pontife romain lui-même. On rappellera en outre que les
dicastères reçoivent régulièrement les évêques en visite ad limina (supra p. 71).
1) La Rote romaine
À compter du XW siècle déjà, on trouve des auditeurs qui traitent des causes
judiciaires confiées aux congrégations apostoliques. Jean XXIII transformera ces
auditeurs en juges qui rendront la justice au nom du Pontife. Les procédures iront en se
complexifiant, puis les pouvoirs de ces juges déclinent au profit des congrégations. La
Constitution Sapienti consilio de 1908 va restaurer la Rote, lui réserver l'exclusivité
du pouvoir judiciaire en dessaisissant les congrégations (à l'exclusion de la
compétence résiduelle laissée au Saint Office). L'origine de l'appellation 'Rote' est
incertaine. Peut-être parce qu'il existe un tour de rotation entre les juges. Peut-être parce
que les dossiers étaient placés sur un meuble à roues qui tournait devant les auditeurs.
Les principes d'organisation et de compétence sont établis par la Constitution
Pastor Bonus (art. 126 s.) que vient compléter une loi propre du 18 avril 1994. La
Rote est un collège d'égaux: tous les auditeurs, prêtres et docteurs en droit canonique,
sont nommés par le Pontife romain qui désigne également son Doyen. Celui-ci préside
la Rote et le droit lui accorde aussi des facultés extraordinaires d'administration (par
ex. la dispense des lois de procédure).
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En première instance, lui sont notamment dévolus les contentieux relatifs aux
évêques ou abbés : ces personnalités se voient donc reconnaître un privilège de
juridiction (cf. c. 1405 §3); il en va de même pour les contentieux des diocèses ou
assimilés.
En deuxième instance, la Rote connaît des sentences dont il est directement fait
appel au Siège Apostolique: en effet, après une décision de première instance, on peut
toujours en appeler directement au Pontife romain, mais l'appel peut fort bien ne pas
être reçu.
En troisième instance, la Rote est saisie des décisions des Officialités d'appel ;
elle peut aussi connaître des décisions rendues par la Rote elle-même (d'un tour de la
Rote à un autre).
On le perçoit : la Rote, placée au sommet des institutions judiciaires, assure
l'unité de la jurisprudence et aide les tribunaux inférieurs (art. 126 de Pastor Bonus).
On lui reconnaît un véritable pouvoir normatif, comparable à celui d'un tribunal
suprême; pensons à toute sa jurisprudence très constructive en matière de mariage.
2) Le Tribunal Suprême de la Signature Apostolique
L'origine de ce tribunal remonte au IIIe siècle, lorsque le Pape cherchait à se
faire aider pour exercer son pouvoir judiciaire, selon deux procédures :
- la signature de grâce: les conseillers signeraient une supplique au Pontife
romain en lui demandant de rendre un jugement;
À la suite de Vatican Il. Paul II en 1967 va lui modeler un nouveau visage afin
d'assurer - nouveauté dans l’Église - un contrôle juridictionnel sur les actes
administratifs. En conséquence, le Tribunal comporte deux principales Sections
correspondant à des chefs de compétences bien différents.
La première Section exerce un contrôle judiciaire suprême sur la Rote: elle se
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prononce sur les requêtes en nullité de ses sentences ; elle peut aussi connaître d'un
procès en suspicion contre un auditeur de la Rote. C'est une sorte de Cour de
Cassation, mais qui juge en même temps au fond, donc sans renvoi.
La deuxième Section est, quant à elle, un véritable tribunal administratif, une
sorte de Conseil d'État qui peut vérifier, après un recours administratif préalable
devant une congrégation, la validité des actes administratifs particuliers de la Curie,
et accorder éventuellement des dommages-intérêts. C'est là l'embryon d'une justice
administrative dans l'Église, mais enfermée dans des règles de procédure et de délai
strictes, et demeurée à ce jour trop confidentielle d'autant que ses décisions ne sont
pas publiées. En outre, sa composition par des cardinaux et sa présidence par un
cardinal préfet la font davantage ressembler à un dicastère qu'à une juridiction. À
terme, on peut espérer la création de véritables tribunaux administratifs dans l'Église,
au plan régional par exemple. La protection des droits individuels y gagnerait
beaucoup.
Le juriste n'aime pas conclure, encore moins synthétiser dans une conclusion ce
qui a déjà été écrit. .. et qui devient alors une simple redite ! En revanche, il accepte,
en quelques lignes, d'ouvrir une ou plusieurs fenêtres sur un avenir possible,
souhaitable. Quelles perspectives s'ouvrent donc au droit canonique en ce début du
XXIè siècle?
Les années 1980 et sui vantes ont montré la formidable capacité d'évolution du
droit canonique: son adaptation aux nouveautés portées par le Concile Vatican II. Le
Code de 1983 l’a fait de façon satisfaisant aux exigences de changement dans la
continuité voulue par les Pères conciliaires. Il a permis de faire largement passer dans
les faits les textes conciliaires. Sur certains points cependant, son application reste à
compléter. On a pu récemment noter, par exemple, que les conférences d'évêques
n'avaient pas toujours publié l’ensemble des textes d'application prévus par le Code.
On peut aussi relever que la dynamique des conciles particuliers n'a guère été mise en
mouvement. Tandis que des figures « hors Code » se sont développées, comme les
démarches para-synodales dans les diocèses ou les équipes d'animation pastorale dans
les paroisses. Pour contourner les rigidités de la codification? Peut-être.
Mais surtout ce Code commence à vieillir et, on l'a observé, en vingt-cinq ans il
n'a été modifié qu'une seule fois: en 1998 sur la question de l'autorité du Magistère.
Comme l'écrivait Marx, non sans une certaine ironie, « les superstructures s'attardent
» ! Il revient donc au législateur de les faire évoluer. L'élection de Benoît XVI, qui
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connaît parfaitement la Curie, sa valeur, ses freins et ses limites, pouvait laisser
espérer une modification profonde de celle-ci, son allègement aussi. II n'en a rien été
jusqu'à maintenant, sauf des réformes relativement mineures comme le récent
rattachement de la Commission Ecclesia Dei à la Congrégation pour la Doctrine de la
Foi. Oui, la réforme de la Curie, et partant la modification de la Constitution Pastor
Bonus (qui remonte à 1988), restent entièrement à l’ordre du jour. L'allègement
pourrait aussi caractériser la réforme du droit canonique, en le réduisant à certaines
règles cadres. Non pas en revenant à une Loi fondamentale, fausse bonne idée, mais
en laissant plus de marges de manœuvre aux Conférences d'évêques, ou à leurs
regroupements, pour légiférer. Sous le contrôle du Saint Siège bien sûr, pourraient se
développer de plus larges zones d'autonomie des droits particuliers par exemple en
matière de mariage voire d'ordination, d'organisation paroissiale aussi. Sur ce dernier
point, de vastes chantiers seraient à ouvrir pour laisser de plus larges responsabilités
aux laïcs. Un nouvel équilibre serait par ailleurs, et plus fondamentalement, à trouver
pour accroître la collégialité épiscopale face à la primauté pontificale- sans vouloir les
opposer bien sûr. Il passerait peut-être par un accroissement des prérogatives du
synode d'évêques, dans la veine de certaines réformes déjà engagées avec bonheur par
Benoît XVI et qui mériteraient d'être poursuivies. Dans un autre domaine, essentiel
pour la protection des droits et libertés, le système embryonnaire de justice
administrative serait à systématiser; n'oublions pas que c'est, en France, le Conseil
d'État notamment qui a fait largement progresser l’Etat de droit. Le recours à des
processus de médiation, prévu à la marge par le Code, pourrait être facilité et mieux
connu ce qui éviterait, dans certains cas, des contentieux civils toujours préjudiciables
à l'Eglise.
Derrière toutes ces réformes, et notre liste est loin d'être limitative, c'est la
figure même de l'Église qui est enjeu : sa modernité, son adaptation aux nouvelles
réalités d'un temps qui change si vite, sa crédibilité même auprès des non-croyants. Il
ne s’agit pas pour l’Eglise de se replier sur la cléricalisation qui peut être, pour
certains, une tentation. Le mythe de la société chrétienne a vécu. L'Église ne peut
qu'en prendre acte et inventer de nouvelles formes d'évangélisation dans notre société
si sécularisée en Europe du moins. Pour l'y aider, son droit, ses structures ne seront
pas neutres !