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Mouvements oculaires et apprentissages moteurs et Fonctions

symboliques
Partie 2: Sémiologie psychomotrice des troubles neurovisuels
I. Regard psychomoteur sur les processus neurovisuels : de la prise d’information à l’action
II. Troubles neurovisuels
1. Les agnosies visuelles
1.1 Les agnosies aperceptives :
 L'agnosie de la forme :
 L'agnosie intégrative
 L'agnosie de transformation :
1.2 Les agnosies associatives :
 L'agnosie sémantique :
 L'agnosie d'accès sémantique :
 Les agnosies des visages
2. Les Troubles visuo-spatiaux
2.1 Les Troubles visuo-spatiaux classification de NEWCOMBE et RATCLIFF
 Trouble de l’attention spatiale
 Trouble de la perception et de l’analyse sensorielle
 Trouble de la cognition spatiale et de la pensé spatiale
 Trouble de l’orientation topographique
 Troubles de l’orientation égocentrée et trouble de l’image du corps
2.2 Les Troubles visuo-spatiaux classification de VIADER (1995)
 Trouble de l’analyse perceptive de l’espace
 La négligence spatiale unilatérale :
 Le trouble de la connaissance de l’espace dans son ensemble »
 La perte des notions topographiques
 Syndrome de Balint
3. Le trouble visuo-constructif
1. La dyspraxie visuo-constructive
2. Prérequis à la visuo-construction
 L’attention
 La planification
 La reproduction praxique
 Le contrôle
 L’analyse visuelle
II- Manifestations psychomotrices dans les troubles visuels
 Bilan psychomoteur des troubles neurovisuels
III- Dépistage et diagnostic
A. Bilan neurovisuel
B. Diagnostics différentiels et co-morbidités
C. Répercussions scolaires et dans la vie quotidienne
D. Les items psychomoteurs perturbés chez l’enfant malvoyant
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I- REGARD PSYCHOMOTEUR SUR LES PROCESSUS
NEUROVISUELS : DE LA PRISE D’INFORMATION À
L’ACTION

Visuo-spatial, visuo-perceptif, visuo-constuctif… comment s’y retrouver ?

Nous présenterons quelques rappels synthétiques ainsi qu’une vision


d’ensemble.
1/ L’aspect oculomoteur « comment je regarde »
2/ L’aspect visuo-perceptif « comment j’identifie »
3/ L’aspect visuo-spatial « comment j’oriente et localise »
4/ L’aspect visuo-moteur « comment je fais par rapport à ce que je
vois »
5/ L’aspect visuo-constructif « comment je construis »
6/ Modélisation récapitulative
Nous ne rentrerons pas dans le détail neurophysiologique de la
vision au sens littéral (« comment je vois ») pour nous concentrer
sur les aspects neurovisuels sous-jacents aux compétences
motrices de l’enfant (adresse, précision, graphisme,
construction…) et dont le déficit peut perturber les
apprentissages (dyslexie, dysgraphie, dyspraxie…).

1/ L’aspect oculomoteur « comment je regarde »

L’oculomotricité correspond aux mouvements des globes oculaires.


Il s’agit donc d’une coordination particulièrement fine : la motricité
conjuguée des yeux, assurant l’organisation du regard dans un
but fonctionnel.
Les mouvements oculaires (volontaires ou automatiques selon les
situations) les plus souvent décrits sont :

 la fixation permettant aux yeux de fixer un élément et ainsi placer l’objet


d’intérêt dans la partie centrale du champ visuel (la fovéa).
 les saccades permettant aux yeux de modifier rapidement (< 0,05 s.) leur
direction vers un point de fixation à un autre (il s’agit du mouvement le
plus rapide chez l’homme).
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 la poursuite permettant aux yeux de suivre lentement et avec précision un
objet dynamique. Il s’agit d’un mécanisme proche des saccades mais
effectué de façon continue et fluide sur une cible en mouvement.

L’exploration visuelle est constituée d’une succession de saccades


oculaires et de fixations.
Le psychomotricien observe si l’enfant (selon son âge) peut suivre un
objet en mouvement devant ses yeux (sans bouger la tête) ; s’il est
en mesure d’effectuer des saccades visuelles ; s’il peut loucher ; s’il a
mis en place une stratégie de balayage visuel efficace (lecture de
gauche à droite par exemple) et redirige vers des bilans
complémentaires en cas de suspicion de troubles.
Ces aspects sont spécifiquement étudiés par l’orthoptiste qui
assure la détection et la rééducation des troubles du regard. Il
contribue par exemple à assurer un différentiel entre une fragilité
attentionnelle au niveau visuel et une fixation oculaire pathologique,
traiter un strabisme pénalisant pour l’enfant, réaliser un champ
visuel, etc.
Il existe bien entendu de nombreux autres champs d’études
spécifiques (vergences, nystagmus optocinétique, réflexe vestibulo-
oculaire…) et autres troubles centraux (Voir Chokron, 2015 pour
revue) que nous n’aborderons pas ici.

Remarque : vision vs. attention

La capacité attentionnelle et les mouvements oculaires sont


étroitement liés. En effet, lors de l’exploration d’une scène visuelle,
les objets qui attirent l’attention d’un individu correspondent aux
endroits où se pose son regard. Une saccade oculaire est à la fois un
mouvement des yeux et un déplacement de l’attention du sujet
(Wardak & Duhamel, 2004).
Dès lors que nous mobilisons notre attention en observant
activement notre environnement, nous utilisons un balayage visuel.
Voyons un exemple à expérimenter ci-dessous : trouver l’anomalie
en moins d’une minute !

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La réussite à ce jeu d’observation témoigne d’une stratégie
de balayage visuel efficace, d’un maintien attentionnel de qualité
ainsi que d’une capacité de discrimination visuelle permise grâce à
la visuo-perception que nous allons à présent décrire.

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ça a marché pour vous ?

2/ L’aspect visuo-perceptif « comment j’identifie »

La composante visuo-perceptive conduit à la reconnaissance des


objets (Irani, 2011) au moyen du repérage de la similitude (ou
« constance ») des couleurs, formes et tailles et du produit de cette
synthèse d’informations.
Le cheminement neurophysiologique (de l’ afférence visuelle à son
intégration corticale) emprunte la voie dite « ventrale » (ou occipito-

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temporale) permettant la réponse à la question
du « QUOI ? » : l’identification. On parle à ce titre de gnosie visuelle.
Identifier un dessin pertinent parmi des distracteurs, percevoir
un élément simple dans un ensemble confus, repérer des
similitudes…constituent des exemples typiques de tâches visuo-
perceptives que l’enfant est amené à traiter quotidiennement à
l’école et dans sa vie de tous les jours.
Au moyen de différents tests et épreuves, le psychomotricien
compare les habiletés visuo-peceptives de l’enfant avec les
performances attendues au regard de son âge de développement.
Selon les outils d’évaluation, nous veillons à différencier ce qui relève
du perçu (en lien avec l’équipement visuo-perceptif) de ce qui relève
du connu (en lien avec le niveau de vocabulaire de l’enfant).
La rééducation porte sur l’analyse visuelle (verbalisation de ce que
l’enfant perçoit), le renfort de l’attention, la proposition d’exercices
spécifiques (jeux au bureau de type « cherche et trouve », jeux des
différences…) ainsi que l’adaptation de matériel si nécessaire (feuilles
avec lignage contrasté, etc.).
Extrait d’un test pour enfant : désigner quels éléments de
l‘encadré composent la figure globale

L’univers des énigmes fait souvent appel aux compétences visuo-


perceptives comme ci-dessous où trouver le bon nombre de

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triangles dépendra de votre bonne discrimination visuelle
(constance des formes) dans un ensemble complexe.

Combien de triangles ? (Réponse à la fin… *)

3/ L’aspect visuo-spatial « comment j’oriente et localise »

Le traitement visuo-spatial est une fonction mentale impliquée


dans la distinction, par la vue, de la position relative des objets
dans l’environnement ou par rapport à soi (OMS, 2001). Il assure
la capacité à se représenter et à analyser l’espace (en 2D ou en
3D) et intervient dans la rotation mentale ainsi que la perception
spatiale du mouvement.
L’analyse visuo-spatiale porte sur la topologie (le sens et les
rapports entre les éléments de l’espace telle la position, orientation,
direction, dimension, relation, intrication, distance). Elle nous permet
de projeter à l’extérieur nos repères spatiaux de façon à pouvoir
structurer mentalement l’espace qui nous entoure (par exemple
s’imaginer dans une pièce tout en situant l’emplacement des pièces
avoisinantes ; suivre un plan sur une carte, etc.).
Le cheminement neurophysiologique (de l’afférence visuelle à son
intégration au niveau cortical) emprunte la voie dite « dorsale » (ou
occipito-pariétale) permettant la réponse à la question « OÙ ? » : la
localisation.

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Par volonté pédagogique nous isolons les différents aspects
neuro-visuels dans nos descriptions mais ils sont en réalité tout à fait

intriqués
Illustrons cela par l’exemple ci-dessous : identifier le carré le plus
proche de la sphère

En quelques instants, différentes composantes se sont mobilisées en


coopération :

L’exploration visuelle est enclenchée au moyen de saccades (la


cible étant fixe) et de fixations successives (domaine oculomoteur).

La capacité d’identification de la forme (domaine visuo-


perceptif) et de reconnaissance des objets (domaine des
gnosies) est impliquée en discriminant les éléments les uns des
autres.

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Le traitement visuo-spatial est particulièrement sollicité
compte tenu du besoin de localisation des objets, d’orientation et de
structuration spatiale, nécessaire à l’évaluation de leur distance
relative.
En toile de fond, la mémoire de travail conserve les informations
pertinentes de la consigne (la « boucle phonologique » – Baddeley,
1974) et l’attention visuelle assure le maintient de la concentration
sur la tâche sans se laisser distraire.
Le psychomotricien porte une attention toute particulière à la façon
dont l’enfant s’organise dans l’espace
Par des mises en situation et dispositifs ludiques, il renforce :
– les repères spatiaux corporels afin de consolider le référentiel de
base (le « corps propre », à partir de l’axe corporel notamment).
– l’orientation spatiale (exercices impliquant les notions
d’horizontalité, de verticalité, de rotation, de repérage droite/gauche,
de symétrie…dans l’espace environnant comme sur l’espace
graphique).
– l’organisation topologique (exercices nécessitant de situer les
éléments visuels les uns par rapport aux autres, percevoir leur
position relative, etc.).
– l’aspect « gnosique » de nomination des éléments (notamment
auprès des personnes âgées ou avec lésion cérébrale spécifique).
– les processus métacognitifs d’analyse visuelle de la tâche de
perception spatiale par la verbalisation et
d’éventuelles stratégies organisationnelles.
Après la compréhension des notions visuo-perceptives et visuo-
spatiales (correspondantes plus particulièrement au traitement
cérébral de l’information visuelle), voyons à présent les débouchés
moteurs, consécutifs à cette prise d’information.

4/ L’aspect visuo-moteur « comment je fais par rapport à ce que je vois »

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C’est la fonction qui règle et ajuste les mouvements d’après les
informations provenant de la vision (Larousse).
Il s’agit de l’association entre les aptitudes perceptives et
l’activité motrice coordonnée (Korkman et al., 2003).
La coordination visuo-motrice renvoie ainsi à « la capacité d’un
organisme à transformer des données visuelles en mouvements
adaptés » (Jeannerod, 1994, p. 217). Certains auteurs
parlent d’intégration visuo-motrice (Ruel, 1981).
Nous ciblons les exercices perceptivo-moteurs conciliant
informations visuelles et kinesthésiques vers une finalité
fonctionnelle (pour améliorer le graphisme par exemple).

Remarque : coordination oculo-manuelle vs. visuo-motrice

Par soucis de précision sémantique, nous nuançons le terme oculo-


manuel qui sous-tend la coopération motrice entre l’oeil et la
main (saisir, pointer, manipuler…) du terme visuo-moteur qui sous-
tend l’aspect praxique et de programmation gestuelle que la tâche
requiert (effectuer un tracé sans dépasser des bords ou enfiler une
perle par exemple).
Ces notions ont toute deux pour but le contrôle moteur mais à
différentes échelles et restent dépendantes de l’intégrité de
l’oculomotricité et de l’intégration des données visuo-spatiales et
visuo-perceptives.

5/ L’aspect visuo-constructif « comment je construis »


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Cette compétence est sollicitée dans les situations associant la
perception visuelle aux capacités de construction
graphique (dessiner, recopier…) et/ou d’assemblage
d’objets (assemblage de cubes, légos, puzzles, mosaïques ; faire du
bricolage…).
Lezac (1995) décrit la performance constructive comme l‘association
d’activités perceptives avec une réponse motrice et toujours une
composante spatiale.
Les fonctions visuo-constructives résultent des habiletés visuo-
perceptives et visuo-spatiales et requièrent de la
planification (Desmarais et al, 2004).
Cette capacité peut s’effectuer en spontanée (modèle visuel interne)
ou à partir d’un modèle (image visuelle externe).

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Remarque : La dyspraxie visuo-spatiale (DVS)

Pour Albaret et Chaix (2013), la DVS serait une forme particulière de


dyspraxie visuo-constructive (trouble du geste intervenant dans les
assemblages et construction) associée à des troubles du
regard (notamment de poursuite oculaire) ainsi que des difficultés
de structuration spatiale.
On comprend alors pourquoi recopier un schéma du tableau à sa
feuille est si complexe pour l’enfant DVS. Certains (Mazeau, 1995)
parlent de « modèle toxique » pour désigner cette difficulté.
Chokron (2015) envisage quant à elle que les troubles neurovisuels
peuvent être à eux seuls responsables des troubles praxiques, tant
la vision sert d’appui dans le contrôle postural et les aptitudes
psychomotrices de l’individu.

TDC

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Les dernières recommandations INSERM (2020) encouragent à moins
se préoccuper des sous-types de dyspraxies finalement peu
discriminantes et non consensuelles à l’international pour englober
tous les troubles praxiques sous l’appellation des Troubles du
Développement des Coordinations (TDC) malgré les différents
modèles théoriques pouvant s’y rattacher.
Le soin psychomoteur cible l’amélioration de l’organisation et
l’automatisation gestuelle tout en y associant souvent guidance
parentale et préconisations pédagogiques, sans omettre le renfort
de la confiance et de l’image de soi souvent dévalorisées.
La dimension de plaisir à manipuler et/ou à investir corporellement
l’espace par le mouvement accompagne ces pistes de rééducation.
Remarque : Si tous les aspects décrits sont enchevêtrés lors de leur
mise en action, ils ne sont pas confondus pour autant dans la
rééducation. En effet, si un trouble visuo-spatial et/ou visuo-perceptif
risque fortement d’entrainer des difficultés constructives, un trouble
visuo-constructif n’inclut pas nécessairement de déficit visuo-spatial
si la seule difficulté réside dans la planification de la construction.

5/ Modélisation récapitulative

Nous proposons une modélisation (largement inspirée de la


représentation de Chaix et Albaret de 2013, eux-même s’appuyant
sur Irani, 2011) reprenant l’ensemble du processus perceptivo-
moteur : du traitement périphérique (permettant d’extraire
efficacement des informations issues de l’environnement) à la
réponse motrice (permettant de produire une réponse adaptée aux
contraintes) en passant par les traitements corticaux.
Nous mentionnerons quelques tests associés aux fonctions
sollicitées, figurant souvent dans le bilan psychomoteur selon l’âge
de l’enfant.

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Sémiologie psychomotrice d’un sujet présentant un trouble visuel
Sémiologie psychomotrice et troubles neurovisuels

Trois catégories d’atteinte visuelle d’origine cérébrale sont reconnues :


atteintes du champ visuel, atteintes de la voie dorsale (pariétale), atteintes de
la voie ventrale (temporale). En fonction de l’atteinte, la clinique psychomotrice
observée sera différente:

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Les aires visuelles associatives (V3, V4, V5),

La voie dorsale, autrement nommée « voie du où », traite la localisation du stimulus


visuel. Les atteintes de cette voie concernent particulièrement l’attention visuelle
d’un point de vue exploration spatiale ou encore l’organisation/la représentation
spatiale du stimulus, ainsi que l’action sur lui (coordination visuo-motrice).

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Les troubles de l’exploration visuelle, telle qu’une négligence spatiale, se
caractérisent par une impossibilité de prendre en compte un stimulus dans une
partie de l’espace et donc une absence de comportement moteur en réponse au
stimulus.

Les troubles de l’organisation et de la représentation de l’espace font eux


référence à un trouble de l’élaboration et de l’utilisation d’une représentation
spatiale et se manifestent par l’impossibilité d’une comparaison de tailles ou de
localisation d’objets entre eux (Cavézian et al., 2010). Ces troubles s’expriment
notamment lors de copies de figures complexes, ou lors de déplacements spatiaux,
qu’ils soient réels ou virtuels (Berthoz, 1999, in Cavézian et al., 2010).
La voie ventrale (ou « voie du quoi ») permet quant à elle une
reconnaissance/identification de l’information visuelle. Lorsqu’il y a une altération
de cette voie, le patient peut donc identifier et nommer les objets à l’aide d’un son
associé par exemple, ou encore lors de la manipulation de ces objets, mais non par
leur présentation visuelle. On parlera d’agnosie visuelle chez une personne adulte
ou de trouble de la reconnaissance visuelle chez le jeune.

Au regard de ces différentes pathologies, la sémiologie psychomotrice repérée chez


les enfants présentant un trouble neurovisuel s’avère large. Cavézian et al. (2010)
rangent les symptômes neuropsychologiques de la pathologie neurovisuelle suivant
les catégories suivantes : les troubles de l’exploration et de l’attention visuelle, les
troubles de l’organisation et de la représentation de l’espace, le trouble de la
reconnaissance visuelle et les troubles de la coordination visuo-manuelle.

La liste ci-après propose un regroupement non exhaustif de quelques signes ou


symptômes psychomoteurs possiblement rattachés à une atteinte neurovisuelle, et
classés suivant 5 catégories : comportement/attitude/verbalisation face à la tâche,
tonus et motricité, graphisme/ écriture, organisation spatio/temporelle, attention
visuelle. Cette sémiologie psychomotrice vise à aiguiller le diagnostic différentiel et
la compréhension du patient présentant une combinaison de ces troubles.

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I. LES TROUBLES NEUROVISUELS

On appelle «trouble neurovisuel » un trouble de la perception visuelle en lien avec


des lésions cérébrales ou des dysfonctionnements cérébraux au niveau des voies
visuelles rétro- chiasmatiques(une lésion située en arrière du chiasma). Lorsqu’on
mesure l’acuité visuelle celle-ci est tout à fait normale, et il n'y a aucune anomalie
au niveau de l'œil lui-même.

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Une personne atteinte de troubles neurovisuels ne peut pas faire confiance à sa
vision. Dans la rue, il peut ne pas bien analyser un carrefour (forme, sens de
circulation), ou ne pas percevoir une voiture en mouvement. Cela peut le mettre en
danger. Ce trouble peut aussi rendre difficile la copie de dessin, la reconnaissance de
formes, objets ou visages. La personne « voit » des choses mais n’arrive pas à bien
les traiter pour les analyser et les identifier ou les localiser.

Sémiologie des troubles neurovisuels


Le défaut de vision consécutif à un trouble neurovisuel correspond à différents
troubles liés à des atteintes cérébrales qui se situent sur les voies visuelles rétro-
chiasmatiques. Ce sont l'étendue et la localisation exacte de la lésion qui vont
déterminer les caractéristiques cliniques du trouble.
Une atteinte localisée au niveau du début des voies rétro-chiasmatiques jusqu’aux
aires visuelles primaires vont entraîner une atteinte au niveau du champ visuel. Une
atteinte au niveau des aires visuelles associatives, selon sa localisation ventrale ou
dorsale, provoque des agnosies visuelles ou spatiales.

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1. Les agnosies visuelles
Le terme "agnosie" vient du grec a- qui signifie « absence » et « gnosis » qui veut dire «
connaissance ». L'agnosie est un trouble de la reconnaissance qui ne peut pas être
expliqué par une atteinte organique, c'est un trouble du traitement de l’information
visuelle au niveau perceptif, ou de l’accès au stock sémantique. Il existe différents
types d'agnosies, elles peuvent être visuelles, tactiles, auditives ou bien spatiales.

Dans notre cas, ce sont les agnosies visuelles et spatiales qui vont nous intéresser. Ces
deux types d'agnosies apparaissent suite à des atteintes de localisations différentes.
L'agnosie visuelle qui touche la reconnaissance des objets est due à une atteinte de la
voie ventrale (voie du «quoi»). L'agnosie spatiale, elle, touche à la connaissance
spatiale, l'atteinte se trouve donc au niveau de la voie dorsale (voie du «où»).

L'agnosie visuelle se définit par l'incapacité à reconnaître ou analyser par la vision,


des objets, des formes ou des symboles antérieurement connus, malgré une vision
correcte, sans trouble du langage, de la mémoire ou des fonctions intellectuelles. En

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revanche, l'objet peut être reconnu par une autre modalité sensorielle, par le
toucher par exemple.

LISSAUER distingue deux formes d'agnosies visuelles :


- Les agnosies aperceptives : C'est l'étape perceptive elle-même qui est
atteinte. La personne voit très bien mais est incapable d'organiser les
éléments. Dans ce cas, la personne a des difficultés de reproduction par
le dessin d'un objet 3D ou d'un dessin 2D, et pour identifier un objet de
façon partielle.
Exemple: 2D: figure de rey 3D: test des trajet au sole
- Les agnosies associatives : Le traitement perceptif est correct mais la
représentation qui en résulte est dépourvue de sens. Lors de la
reconnaissance d'un objet, la personne fait des erreurs au niveau de la
morphologie et de la fonction de l'objet.

Exemple :
L’agnosie associative des couleurs:
C’est l’incapacité à associer une couleur particulière avec un objet particulier. La
perception des couleurs est normale. Elle se caractérise par une incapacité à associer
une couleur particulière (par exemple le jaune) à des objets précis (par exemple le
poussin ou la banane).

a. Différents types d'agnosies visuelles


1.1 Les agnosies aperceptives :
 L'agnosie de la forme :
C'est l'atteinte neurovisuelle la plus grave. La perception en 2 dimensions est altérée.
La personne a une mauvaise détection des traits de la forme. La discrimination des
formes géométriques simples est déficitaire. Les personnes atteintes d'agnosies de la
forme témoignent qu'elles voient trop de choses, et qu'elles ne savent quoi en faire.
 L'agnosie intégrative :

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Dans le cas de cette agnosie, il n'y a pas d'intégration globale des informations. Il est
difficile de détacher un ensemble de formes du fond afin de les synthétiser. ( figure de
Rey)
 L'agnosie de transformation :
Ici, le défaut de perception se situe au niveau tridimensionnel. La rotation mentale de
l'objet dans l'espace est difficile. Dans ce cas, la symétrie et le volume est mal perçu.

Parmi les agnosies aperceptives on retrouve aussi l'achromatopsie. C'est la perte de la


perception des couleurs. La personne voit des nuances de gris. Ce trouble peut ne
concerner qu'un seul hémichamp visuel.

1.2 Les agnosies associatives :


 L'agnosie sémantique :
Le trouble se situe au niveau de l'identification. Une personne atteinte va avoir des
difficultés à retrouver le nom, le sens et la fonction de l'objet. Les traitements
perceptifs sont inadéquats, il y a une perte des concepts.
On peut trouver dans ce type une agnosie spécifique aux couleurs (différente de
l'achromatopsie). La personne est incapable d'évoquer spontanément ou sur
commande verbale une couleur par son nom.

 L'agnosie d'accès sémantique :


Dans ce cas il n'y a pas d'accès au système sémantique. On parle aussi d'aphasie
optique. La personne reconnaît l'objet et peut en expliquer la fonction mais est
incapable d'en donner le nom.

 Les agnosies des visages


On les appelle aussi prosopagnosie. C'est un trouble dû lui aussi à une atteinte de la
voie ventrale. Dans ce type d'agnosie, la personne sait que ce qu'elle regarde est un
visage. Cependant, elle ne reconnaît pas les visages familiers et ne mémorise pas les
nouveaux visages. Ce trouble peut passer longtemps inaperçu parce que la personne
peut être reconnue par d'autre biais comme la voix, la posture, la démarche, ou

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l’odeur. Le trouble est mis en avant quand la personne atteinte se retrouve devant une
personne assise qui ne parle pas, ou devant une photo.

2. Les Troubles visuo-spatiaux


Les troubles visuo-spatiaux sont relatifs à une lésion de la voie dorsale, donc
localisée dans la région occipito-pariétale. Ils sont plutôt liées à des atteintes
bilatérales ou de l'hémisphère droit. Ils vont se traduire par un trouble de la
localisation, une désorientation spatiale, un trouble de la perception ou de
l’exploration de l’espace ou une incapacité à appréhender l’espace par la vue…
a. Classifications

NEWCOMBE et RATCLIFF répartissent les troubles visuo-spatiaux en cinq


catégories :
- Trouble de l’attention spatiale : il se traduit par une diminution de
l’attention au niveau du champ spatial.
- Trouble de la perception et de l’analyse sensorielle : dans ce cas la
difficulté se trouve au niveau de la localisation, et/ou au niveau de la
perception de la profondeur et de la longueur.

- Trouble de la cognition spatiale et de la pensé spatiale : il y a un défaut


de rotation mentale et de mémoire spatiale.

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- Trouble de l’orientation topographique : la représentation spatiale de
l’environnement est difficile, ainsi que l’orientation sur une carte.

- Troubles de l’orientation égocentrée et trouble de l’image du corps : la


reconnaissance et l’identification des parties du corps est déficitaire, et le
sujet ne peut utiliser son corps propre comme point de référence.

 VIADER (1995)
Lors du séminaire Jean-Louis SIGNORET en 1995, VIADER propose une
classification des troubles visuo-spatiaux rassemblés sous le terme d’ «
agnosies spatiales ». Ce terme est peu reconnu du fait qu’ « agnosie » renvoie
à un trouble de la reconnaissance, ce qui ne correspondrait pas, par exemple, à
un défaut d’attention visuelle décrit dans l’héminégligence spatiale. VIADER a
répertorié 3 catégories :

- Troubles de l’exploration spatiale (syndrome de Balint),


- Troubles perceptifs spatiaux (aspects élémentaires de la prise
d’information spatiale),
- Troubles cognitifs (aspects gnosiques, mnésiques, de représentation
mentale, maniement).
- Les différents types
Chez l’enfant, on retrouve une symptomatologie proche de chez l’adulte. Les
principales descriptions sont au niveau d’un défaut d’analyse perceptive de
l’espace, ou au niveau attentionnel (négligence spatiale unilatérale). Le
dysfonctionnement neurovisuel décrit dans les troubles visuo-spatiaux est aussi
retrouvé en partie dans un syndrome : le syndrome de Balint.

 Syndrome de Balint.
Le syndrome de Balint est surtout connu chez l’adulte. Il est issu de la
description de sujets cérébrolésés par BALINT en 1909, puis HOLMES en 1918.

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Ces patients présentaient des troubles de l’exploration visuo-motrice. Le
syndrome de Balint se définit par 3 symptômes.

Le syndrome de Balint est caractérisé par :


- Une paralysie psychique du regard :
On remarque une paralysie psychique du regard par la fixité du regard.
L’orientation ou le déplacement volontaire du regard est impossible.
Cependant, l’orientation automatique du regard vers un stimulus est
conservée.
- Une simultagnosie :
La simultagnosie se caractérise par la difficulté à traiter et à reconnaître ou
identifier des objets ou images présentées de façon simultanée. En revanche
la reconnaissance d’un objet présenté seul est intacte.
- Une ataxie optique :
Défaut de coordination aboutissant à une difficulté d'exécuter des
mouvements adaptés sous le seul contrôle de la vue, ceci en l'absence de
toute atteinte sensitivo-motrice, de toute atteinte oculo-motrice et de toute
atteinte du champ visuel. L'ataxie optique se manifeste cliniquement par un
trouble de la préhension des objets sous le contrôle de la vue.

 Trouble de l’analyse perceptive de l’espace


Un déficit au niveau du traitement de l’information spatiale est caractérisé par
un défaut dans l’analyse des dimensions spatiales d’un objet ou de figures. La
discrimination de l’orientation, des longueurs, des distances ou même du
mouvement est difficile à appréhender. VIADER développe différents déficits :
- La localisation : capacité à localiser un stimulus,
- La perception de la profondeur : les distances entre l’observateur et
l’espace extérieur sont mal estimées,
- L’orientation des lignes : difficulté à dessiner ou positionner un élément
de façon verticale, horizontale ou oblique,
- Dénombrement des stimuli,

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- Perception des formes : cette catégorie est mise en évidence suite à une
épreuve de classement de formes géométriques sans signification

Il est rare qu’une de ces caractéristiques soit seule. On retrouve encore


d’autres déficits particuliers :
- L’akinétopsie : c’est l’absence de perception du mouvement. Un objet
mobil est perçu par une vision statique, image par image.
- Astéréopsie : c’est la perception sans relief, l’environnement est vu
comme absolument plat. A cela s’ajoute une incapacité à apprécier les
distances.

 Trouble du traitement cognitif de l’espace


Le traitement de l’information spatiale met en jeu différents processus cognitifs
pour un traitement plus élaboré. VIADER nomme cette catégorie « troubles
spatiaux cognitifs ». La négligence spatiale unilatérale en est le trouble le plus
fréquent. VIADER décrit aussi des troubles de la connaissance de l’espace, ainsi
qu’au niveau des notions topographiques.

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- La négligence spatiale unilatérale :
Elle porte aussi le nom d'héminégligence spatiale, la personne atteinte ne fait
plus attention à tout ce qui se passe du côté d'un hémi-espace, et se comporte
comme s'il n'existait plus. Elle va, par exemple, manger seulement la moitié de
son assiette ou se cogner contre des obstacles positionnés du côté négligé. Le
côté touché est controlatéral à la lésion. Une lésion à droite (grande majorité
des cas), entraîne donc une héminégligence à gauche.

- « trouble de la connaissance de l’espace dans son ensemble »


VIADER en décrit deux types : l’«agnosie des lieux» et la «perte des notions
topographiques». L’agnosie des lieux correspond aux difficultés à se repérer
dans un espace à cause d’une absence de reconnaissance des lieux extérieurs
(rues, places, bâtiments) ou intérieurs connus (mobilier, pièces).
La perte des notions topographiques est caractérisée par une « impossibilité
de s’orienter sur une carte ».
II- Dépistage et diagnostic
Les premières plaintes apparaissent souvent à l'âge de la scolarisation. Les
enseignants et les parents sont alertés par le fait que l'enfant ne remplit pas
toutes les compétences attendues. Des difficultés sont repérées en moyenne à
partir de la grande section de maternelle. Ils poursuivent une scolarité
chaotique, et sont parfois redirigés vers des classes adaptées. L'échec scolaire
se caractérise principalement par des difficultés majeures dans les domaines :
- De la lecture,
- Du graphisme : écriture, dessin spontané, reproduction de dessin...,
- En mathématiques : numération, calcul et géométrie.
De plus, des difficultés apparaissent aussi dans les activités de la vie
quotidienne (habillage, toilette, repas, …), ainsi que dans les déplacements.

La passation d’un bilan psychologique peut révéler des premières indications


sur l’état des fonctions visuo-perceptives et visuo-spatiales chez l’enfant. Dans
le WISC par exemple, les compétences perceptivo-spatiales sont évaluées par
l’ «indice de raisonnement perceptif ».

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Aujourd'hui, les difficultés neurovisuelles intéressent de plus en plus les
neuropsychologues et les psychomotriciens.

1. Bilan neurovisuel
Ce bilan, en vue du dépistage des troubles neurovisuels, est réalisé en général
par les neuropsychologues, les psychomotriciens et les orthoptistes. Le
praticien doit connaître la problématique de ce trouble afin de mieux le
détecter. Les observations qui en découlent sont mises en lien avec les
observations faites par les membres de l’équipe interdisciplinaire :
ophtalmologue, orthophoniste, ergothérapeute, psychomotricien, …
Par une batterie de tests variés, le bilan neurovisuel va permettre d’éloigner
ou confirmer d’éventuels diagnostiques différentiels

2. Diagnostics différentiels et co-morbidités


Dans un premier temps, toutes les hypothèses d’un déficit sensoriel doivent
être écartées. Il ne doit donc pas y avoir de trouble ophtalmologique dû à une
anomalie de la voie pré- chiasmatique, c’est-à-dire de l’œil lui-même ou des
nerfs optiques. De plus, la symptomatologie ne doit pas non plus être expliquée
par une déficience intellectuelle.
Les comportements observés lors de la présence de troubles neurovisuels
peuvent faire penser en premier lieux à d’autres symptomatologies :
- Un trouble du regard : cela correspond à l’oculomotricité, c’est-à-dire à
la fixation, poursuite et saccades. Une difficulté sur ces mouvements
empêche de bien poser son regard sur le stimulus et peut donc
provoquer des difficultés de reconnaissance. Cependant, la comorbidité
de ce trouble avec un trouble neurovisuel est fréquente.
La présence de troubles neurovisuels est souvent associée à une dyspraxie
visuo-spatiale ou visuo-constructive. Nous allons aborder ce sujet dans une
troisième partie.
-
Un trouble du langage ou de la dénomination : dans le bilan, il est
nécessaire d’alterner des épreuves qui mettre en jeu le langage et
d’autre non, afin de bien déterminer la cause.
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Des troubles du comportement de type isolement social, ou agressivité,
hyperactivité sont souvent associés. Parfois, cela peut faire penser à des
troubles envahissants du développement. On peut aussi retrouver des
troubles de l’humeur comme de l’anxiété ou des symptômes dépressifs.

De plus, il est fréquent de rencontrer des troubles secondaires à une lésion ou


à une atteinte cérébrale en présence d’un trouble neurovisuel. C’est le cas de
l’épilepsie (environ 60% des cas selon une étude de KHETPAL et DONAHUE en
2007). D’autres troubles neurologiques peuvent être également rencontrés :
infirmité motrice cérébrale, hémiparésie, une perte de l’audition, …
NB/ L'hémiplégie est l'atteinte de la moitié du corps (membre supérieur et
membre inférieur) et l'hémiparésie est une atteinte partielle de la moitié du
corps.

3- Répercussions scolaires et dans la vie quotidienne


De manière générale, un enfant atteint de troubles neurovisuels se présente
comme un enfant lent, avec une certaine fatigabilité dans les tâches visuelles
ou cognitives. Il est plus performant à l’oral qu’à l’écrit.
3.1 Répercussions scolaires
 Graphisme et écriture :
En bas âge, les difficultés de graphisme vont être observées au niveau de
tâches de dessins. Les premières figures géométriques ne sont pas produites.
Par la suite les dessins sont pauvres et parfois immatures. Ils sont souvent mal
structurés, l’enfant a du mal à joindre les deux traits qui sont mal orientés, les
dimensions ne sont pas respectées, l’espace de la feuille est mal utilisée…

Ensuite, en fin de grande section de maternelle l’enfant ne sait pas écrire son
prénom, et l’apprentissage de l’écriture est très difficile à l’âge scolaire. La
dysgraphie peut être très sévère. La copie est difficile, le contrôle du modèle
est fréquent et il y a des sauts de lignes, de mots ou de lettres. Il y a des
difficultés de mémorisation du mot dans sa forme globale. La difficulté peut se

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trouver au niveau du contrôle du geste par la vision (cas de l’ataxie optique). La
composante spatiale de l’écriture peut aussi être un frein à son apprentissage.
Une répétition de lettres ou de mots par exemple peut être due à une
négligence spatiale unilatérale.

 Lecture
La lecture demande d’acquérir des stratégies visuelles de types balayage. La
présence d’un trouble neurovisuel, autant gnosique que visuo-spatial, va
entraver cet apprentissage. Un trouble de la reconnaissance rend difficile
l’intégration orthographique des mots. S’il y a une atteinte du champ visuel,
selon sa localisation l’anticipation en vision périphérique, ou la fixation d’un
mot par la zone centrale peut être déficitaire. La lecture est alors lente et
manque de fluidité avec des sauts de mots, de lignes, des inversions de
phrases, et un manque de compréhension. La présence d’une simultagnosie
va entraver le traitement global du mot. La focalisation sur les détails
empêche donc la compréhension globale du mot et de la phrase. Globalement
ces enfants disent ne pas aimer lire.
 Calcul
À partir de l’école primaire des difficultés en numération et calcul
apparaissent. Il y a des difficultés pour poser les opérations, leur organisation
spatiale, pour se repérer dans les tableaux à doubles entrées… L’origine de
ces déficits peut se trouver dans le défaut de représentation spatiale
(mémoire de travail visuelle, représentation des nombres). Ainsi, l’utilisation
des nombres dans un calcul en devient compliquée. Lorsqu’il s’agit de compter
des éléments, il peut y avoir des erreurs d’oublis ou d’ajouts. On peut qualifier
ce trouble de dyscalculie spatiale.
 Géométrie
La géométrie demande une certaine organisation spatiale et un contrôle
visuo-moteur important. On retrouve alors des difficultés pour reproduire une
figure géométrique dans un quadrillage, relier deux points, mesurer
précisément une distance…. La difficulté peut se trouver au niveau de la
reconnaissance des formes elles-mêmes ou au niveau de l’interprétation de ce
qu’on voit : la perception des longueurs, l’obliquité (diagonales,
perpendiculaires, parallèles). De plus, l’utilisation d’outils géométriques

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(équerre, règles, compas) pose aussi des difficultés car pour un bon tracé ils
doivent être orientés et placés correctement.

Des difficultés se retrouvent aussi dans d’autres activités scolaires. En histoire-


géographie, des compétences spatiales importantes sont demandées au
niveau de la lecture de cartes et plans, de frises chronologiques… Cette
matière s’appuie aussi sur des images telles les portraits et monuments
célèbres et les drapeaux. Leur reconnaissance et mémorisation demandent de
bonnes capacités gnosiques qui sont perturbées en présence d’un trouble
neurovisuel de la reconnaissance ou une prosopagnosie. Et pour les drapeaux
s’ajoute une composante visuo-spatiale par l’assemblage de figures
géométriques. En sciences, la pédagogie s'appuie sur des schémas, des
graphiques, des tableaux à doubles entrées…
3.2 Répercussions dans la vie quotidienne
Au quotidien, la vie est faite de petites tâches devenues automatiques et
rapide. Cela nous rend autonome et nous permet de nous adapter
correctement. Cependant, pour certains, ces tâches demandent un coût
important.
 Les activités de la vie quotidiennes (AVQ)
Elles correspondent à l’habillage, le repas et la toilette, les gestes et
l’organisation du quotidien :
- L’indépendance à table : se verser à boire, couper sa viande, éplucher un
fruit, etc…
- L’hygiène et les soins personnels : reconnaître ses vêtements, s’habiller,
faire ses lacets, se couper les ongles, etc…
- Les activités culinaires : verser un liquide chaud, beurrer des tartines,
éplucher et couper des fruits, etc…
Les activités de la vie en société : faire ses courses, reconnaître la
monnaie, téléphoner, etc…
Toutes ces tâches demandent des compétences spatiales, ainsi que des
compétences de planification, d'anticipation et de résolution de problème. En
vacances ou en week-end, on a le temps mais quand on attaque une journée
de classe, l’entourage peut vite faire comprendre qu’il faut se dépêcher. Face

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à l’habillage par exemple, on se retrouve aussi confronté à une tâche qui met
en jeu les compétences spatiales (est-ce le devant ? le derrière ? le vêtement
est-il à l’envers ou à l’endroit ?). Pour certains, la reconnaissance d’un
vêtement peut devenir difficile en cas de présentation sous une vue
inhabituelle. Cela rend difficile le choix des vêtements. Ensuite, il s’agit de
contrôler le mouvement dans le but d’enfiler le vêtement et dans certains cas
de fermer la fermeture éclair, attacher les boutons
 Interactions sociales
La vision est un élément très important dans les relations sociales dès la
naissance (plus de 80% des informations relèvent de la vision). La présence de
troubles neurovisuel dès l’enfance peut entraver les interactions sociales. Par
exemple, l’enfant va privilégier le regard au sol car il y a moins d’informations à
trier. Le regard n’est alors pas utilisé dans la communication et a tendance à
diminuer les interactions. Dans le cas d’une prosopagnosie, le fait de ne pas
reconnaître les personnes que l’on rencontre et ne pas mémoriser les visages
peut aussi avoir une incidence sur les interactions sociales.
 Déplacements
Les troubles neurovisuels visuo-spatiaux ont une répercussion sur la
perception ou la représentation de l’espace, ainsi que l’orientation. La
représentation topographique de l’environnement est difficile. Parfois, il y a
une mauvaise perception de la profondeur, des reliefs, du mouvement et
donc des obstacles. La mauvaise analyse du milieu extérieur peut rendre un
déplacement insécurisant.
 Jeux
Des difficultés du traitement de l’information visuelle vont avoir un impact
dans la réalisation des jeux. C’est le cas pour un trouble de la reconnaissance
d’objet ou d’image dans un jeu de Memory, ou un trouble visuo-spatiale dans
un jeu de Lego. On peut facilement imaginer que ces enfants vont davantage
vers des jeux sociaux, moteurs, ou intellectuels ne sollicitant pas les
compétences visuo-spatiales et visuo-perceptives.
4. Les items psychomoteurs perturbés chez l’enfant malvoyant
Lorsque des troubles neurovisuels existent, les psychomotriciennes sont
régulièrement confrontées aux aspects suivants :
 Une dérégulation tonique
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 Des troubles des coordinations générales et de
l’équilibre
 Des troubles de la coordination oculomotrice et/ou
bimanuelle
 Des troubles de la motricité fine
 Des troubles graphiques
 Un trouble de la latéralité
 Un trouble de l’orientation et de la structuration
spatiale
 Un trouble de la représentation du corps et une
blessure narcissique pour ce qui est de l’image du
corps
 Des troubles réactionnels sous forme d’instabilité
motrice ou d’inhibition
 Un trouble de l’attention qui peut être associé à une
hypersensibilité aux stimuli auditifs

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