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UNIVERSITE BADJI MOKHTAR DE ANNABA.

FACULTE DE MEDECINE.

DEPARTEMENT DE MEDECINE.
ENSEIGNEMENT DE GRADUATION.
MODULE D’OPHTALMOLOGIE : 6e ANNEE.

LES TROUBLES OCULO-MOTEURS.

RESPONSABLE DU COURS : Pr BENMERZOUGA MAHFOUDI N.

ANNEE UNIVERSITAIRE : 2021/2022.

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LES STRABISMES.
Objectifs du cours :

• Comprendre mécanismes: confusion, neutralisation, diplopie et amblyopie


fonctionnelle.

• Apprendre à dépister un strabisme.

• Connaitre les principes du traitement.

I. INTRODUCTION.
Le strabisme est une pathologie relativement fréquente, qui touche 5% de la population.
L’examen ophtalmologique et orthoptique est une étape clé de la prise en charge, il permet
de dépister les strabismes, d’évaluer la fonction sensorielle et d’éviter les complications.

L’amblyopie fonctionnelle est la principale complication du strabisme en dehors du


préjudice esthétique, elle nécessite une prise en charge précoce et prolongée avant l’âge de
6 ans. L’instauration d’un traitement précoce conditionne le pronostic fonctionnel des
strabismes chez l’enfant.

II. DEFINITION.

Le strabisme est une déviation des axes visuels (perte du parallélisme) associée à des
anomalies sensorielles de l’œil dévié (amblyopie fonctionnelle) et de la vision binoculaire.

III. RAPPEL ANATOMOPHYSIOLOGIQUE.

Parallélisme des axes visuels : est indispensable pour maintenir la correspondance sur le
plan fonctionnel de points rétiniens identiques, spécialement la macula qui est le point de
meilleure vision.

L’Innervation des muscles oculomoteurs : est assurée par les paires crâniennes: moteur
oculaire commun (IIIe), le pathétique (Ive) et le moteur oculaire externe (Ive).

Les noyaux des paires crâniennes : se situent au niveau du tronc cérébral, la


connaissance de leur localisation et du trajet des nerfs permet d’expliquer les pathologies
en neuro-ophtalmologie.

La loi d’innervation réciproque de Sherrington : stipule que en présence de 2 muscles


antagonistes, lorsque l’un se contracte, l’autre se relâche.

La loi de correspondance motrice de Hering: lors de mouvement binoculaire, la même


quantité d’influx nerveux est envoyée aux 2 muscles synergiques.

Développement de la vision : débute à la naissance et se poursuit jusqu’à l’âge de 4ans,


voir 6ans. Certains reflexes doivent être présents dès la naissance, il est à noter que
jusqu’à l’âge de 3 mois en général, les yeux ne sont pas synergiques et peuvent converger,
le parallélisme s’installe ensuite de manière définitive.

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Age (mois) AV DVPT psycho visuel et moteur Signes d’appel
d’une anomalie

Naissance RPM. Incoordination


oculocéphalique
Reflexe de clignement à la menace, à l’éblouissement.
Reflexe oculodigital
1 Reflexe de fixation
Nystagmus

2 Reflexe de poursuite Strabisme constant

Ebauche vergence/accommodation.

3 0,1 Reflexe de fusion.

Coordination ouïe-vue.

4 Vergence fusionnelle. Strabisme


intermittent
Reflexe de convergence.

Coordination préhension vision.

5 Accommodation précise. Retard de


maturation
6 Stéréoscopie précise.

Coordination praxique (main œil/ main bouche/


préhension bimanuelle).

9 0,4 Coordination visuomotrice corrélée à l’attention.

12 Discrimination visuelle des objets.

Synergie accommodation-convergence. Strabisme

Torticolis
18 Nomme et montre les images
Photophobie

24 Imite un trait. Plissement palpébral

Mesure possible de l’AV.

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Position des globes oculaires en position primaire et lors des mouvements.
Les droits horizontaux ont une seule action, le droit externe est abducteur et le droit
interne adducteur.
Les droits verticaux ont une triple action, ils sont tous les deux abducteur, le droit
supérieur est élévateur et extorteur et le droit inférieur est abaisseur et intorteur.
Les obliques ont une triple action ; ils sont tous les deux adducteurs, le grand oblique est
intorteur et abaisseur tandis que le petit oblique est extorteur et élévateur.

Les antagonistes homolatéraux: les muscles oculomoteurs agissent par paire, les
antagonistes homolatéraux sont localisés sur le même œil mais ont des actions contraires ;
droit interne / droit externe, droit supérieur/ droit inférieur, petit oblique/ grand oblique.

Les synergiques opposés: ont la même action mais ne sont pas localisés sur le même œil.
A savoir, le droit externe droit/ droit interne gauche, droit interne droit/ droit externe
gauche, droit supérieur droit/ petit oblique gauche, droit inférieur droit/ grand oblique
gauche, grand oblique droit/ droit inférieur gauche, et petit oblique droit/ droit inférieur
gauche.

IV. PHYSIOPATHOLOGIE.
1. La neutralisation.
Lorsque les axes sont parallèles, l’objet est vu par les fovéas et le cerveau perçoit deux
images identiques qu’il superpose pour n’en faire qu’une.
Lorsque l’axe d’un des yeux dévie, l’objet est vu par la fovéa de l’œil non dévié mais sur
l’œil dévié, il est perçu par un autre point rétinien (figure 1).

Deux images différentes sont alors perçues par le cerveau, il s’agit d la diplopie. En raison
de la plasticité cérébrale chez l’enfant, le cerveau tente de superposer les deux images
pour en créer une seule ; nous parlons de confusion.

Pour supprimer la diplopie et la confusion, le cerveau neutralise (oublie) l’image de l’œil


dévié en développant un scotome de neutralisation ; avec risque d’amblyopie sur l’œil
dévié.

Figure 1 : perception de l’objet.

2. La correspondance rétinienne anormale :

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Est un mécanisme de compensation qui vise à sauvegarder la vision binoculaire et ne peut
se voir que chez l’enfant. Il consiste en la création par le cerveau d’un nouveau système
où à la fovéa de l’œil non dévié correspond à un point rétinien extrafovéolaire, les deux
images obtenues sont superposées pour créer une image unique. La vision binoculaire
obtenue est anormale.

Ce système doit être dépisté avant toute chirurgie, car le repositionnement de l’œil dévié
en position primaire non déviée va entrainer l’apparition d’une diplopie qui sera cette fois
ci définitive.

3. L’amblyopie fonctionnelle:

S’installes sur l’œil dévié qui n’est plus sollicité par le cerveau. Elle sera d’autant plus
sévère et profonde que le strabisme est précoce et le traitement est tardif.

V. LE DIAGNOSTIC DU STRABISME.
1. L’examen:
1.1.Le bilan moteur :
 Examen de la motilité oculaire dans les 9 positions du regard:
 Œil non dévié: poursuite facile.
 Œil amblyope: poursuite avec rotation de la tête, voire du corps (il n’y a pas de
paralysie des mucles).
 Défense à l’occlusion: l’occlusion de l’œil amblyope est mal tolérée par l’enfant,
l’enfant s’agite et tente d’enlever le cache placé sur l’œil qui voit, c’est un signe subjectif
qui peut orienter vers une malvoyance.
• Test de Sarniguet-Badoche : permet de confirmer l’existence du strabisme. Une
monture d’essai équipée de verres opaques dans le champ nasal est placée devant les
yeux de l’enfant qui regarde devant lui.

 A l’état normal: la limite de l’opacité déborde de chaque côté de la pupille


 Convergence: l’opacité recouvre toute la pupille.
 Divergence: l’opacité n’atteint pas la pupille.

 Mesure de la déviation oculaire:


 Test de Hirschberg: (figure 2, 3 et 4) consiste en l’étude des reflets pupillaires par
projection d’une source lumineuse en face de l’enfant. Ce test permet de confirmer
l’existence d’une déviation et d’éliminer les faux strabismes (cas de l’épicanthus qui
correspond à un élargissement de la base du nez avec fentes mongoloïdes pouvant
simuler un strabisme).
 Les prismes : placer une règle comprenant plusieurs prismes de puissance croissante,
l’arête du prisme est dirigée dans le sens de la déviation oculaire. Augmenter
progressivement la valeur des prismes jusqu’à rétablissement du parallélisme des globes
oculaires. Cette méthode est plus précise dans la détermination de l’amplitude du
strabisme.

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Figure 2 : épicanthus. Figure 3 : esotropie. Figure 4 : exotropie.

1.2.Le bilan sensoriel :


• Etude de l’AV de loin et de prés en mono et binoculaire.
• Réfraction après atropinisation de 8 jours.
• Fond d’œil et examen complet à la LAF (éliminer une cause organique en particulier
un rétinoblastome).
• Évaluation de la VB : se fait au synoptophore, le premier niveau correspond à la vision
simultanée (percevoir deux images différentes sans les fusionner) (figure 5), le 2e
niveau correspond à fusion des images (essayer de superposer l’image perçue par l’œil
droit et celle perçue par l’œil gauche et les fusionner pour créer une seule image)
(figure 6), le 3e niveau correspond à la vision stéréoscopique qui permet de percevoir
des images complexes (contraste, profondeur de champ) (figure 7 et 8).

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Figure 5 : vision simultanée. Figure 7 : fusion des images.

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Figures 7 et 8 : vision stéréoscopique.

2. Les formes cliniques :


2.1.les strabismes convergents (ésotropie):
 Les ésotropies accommodatives pures:
• Sont secondaires à une hypermétropie non corrigée, leur cause est réfractive pure.
• Apparaissent entre 2 ans et demi et 3 ans.
• Leur traitement repose sur la correction optique de l’amétropie.
 Les ésotropies non accommodatives:
• D’origine congénitale.
• Se voit chez l’enfant plus jeune, son pronostic est plus sombre, avec altération de la
VB.

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• Le traitement l’amétropie corrige une partie seulement de la déviation, un geste
chirurgical complémentaire est nécessaire.

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Figure 9 : ésotropie. Figure 10 : exotropie. Figure 11 : hypertropie.

2.2.Les strabismes divergents (exotropies):


Sont moins fréquents que les esotropies, apparaissent vers l’âge de 7/ 8ans. Ils sont le
plus souvent intermittents et de meilleur pronostic.
 Les exotropies accommodatives:
• Surviennent par insuffisance de convergence chez le myope fort.
• Leur traitement est celui de la myopie.
 Les exotropies non accommodatives:
• Sont congénitales et de mauvais pronostic.
 Les exotropies secondaires:
• À une amblyopie fonctionnelle ou organique.
• À une esotropie.
• Iatrogène (suite à la prise en chirurgicale d’une ésotropie).
2.3.Les strabismes verticaux:
 Primaire : par hyperaction des obliques.
 Secondaire : à l’élément horizontal.

3. Traitement :
3.1.But :
 Rétablir une vision correcte mono et binoculaire et lutter contre
l’amblyopie.
 Rétablir le parallélisme des axes des globes oculaires.
3.2.Moyens :
 Traitement optique :
Correction optique totale et permanente de l’amétropie quand elle existe après mesure de
la réfraction sous cycloplégie.
 Traitement de l’amblyopie:
• Rechercher l’œil dominant, l’alternance, la fixation et la réaction à l’occlusion.
• Le test à l’écran alterné permet de définir l’œil dominant et de dépister une
amblyopie.
L’enfant est assis face à l’examinateur, on met un cache devant l’œil dévié et on
observe ce qui se passe :

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1e situation : L’œil non dévié reste en place, on enlève le cache et on constate que l’œil
dévié n’a pas bougé : amblyopie profonde avec œil non dévié dominant.
2e situation : l’œil non dévié au départ dévie, on enlève le cache, l’œil dévié reste
dévié et l’œil non dévié reprend sa place initiale : strabisme bilatéral alternant avec œil
non dévié fixateur (ou dominant).
3e situation : l’œil non dévié au départ dévie, on enlève le cache et on constate que
l’œil dévié devient non dévié : strabisme bilatéral alternant sans œil dominant (bon
pronostic car stimule les deux yeux).
• Occlusion du bon œil: par pansement (sinon secteurs, ou atropine), traitement
d’attaque jusqu’à amélioration de l’AV au dessus de 5/10e.
• Traitement d’entretien: jusqu’à l’âge de 10/12 ans.
• Facteurs de mauvais pronostic: profondeur de l’amblyopie, l’âge avancé,
l’anisométropie et la non observance.
 Traitement chirurgical :
• Envisagé à âge variable mais toujours après rééducation de l’amblyopie.
• Agit sur la déviation oculaire.
• L’affaiblissement des muscles se fait par le recul d’un muscle de son insertion de
plusieurs millimètres.
• Le renforcement des muscles se fait par la résection ou le plissement d’un muscle
d’un ou plusieurs millimètres à partir de son insertion.

3.3.Indications :
 En cas de strabisme convergent :
• Recul droit interne.
• Résection ou plissement droit externe.
 En cas de strabisme divergent :
• Recul droit externe.
• Plissement ou résection droit interne.

LES PARALYSIES OCULOMOTRICES.


Objectifs du cours :

• Confirmer la diplopie.
• Identifier le muscle atteint.
• Eliminer une urgence neurovasculaire.
I. L’examen:
1. Les signes fonctionnels:
 La diplopie: sensation de vision double. Elle peut être :

• Binoculaire: ressentie en VB, neutralisée à l’occlusion d’un œil, elle constitue une
urgence ophtalmologique.

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• Monoculaire: perçue par un seul œil, neutralisée à l’occlusion de l’œil concerné
(atteinte cornéenne, anomalie irienne, cataracte, maculopathie, membrane
épimaculaire).

 La fausse orientation: appréciation erronée de la position des objets dans l’espace.


 Signes associés: malaise, vertige, nausées.
2. Les signes physiques:
 L’attitude vicieuse de la tête: destinée à compenser la diplopie.
 La déviation oculaire.
 Limitation d’action dans le champ d’action du muscle paralysé.
II. Les étiologies:
 Congénitales: dues à un traumatisme obstétrical
 Traumatiques: par atteinte d’un ou plusieurs muscles lors de traumatismes crâniens
ou orbitaires (fracture du plancher de l’orbite= dt inf, paralysie du III lors d’hématome
extra ou sous dural)
 Affection de l’orbite et de voisinage: Tumeurs de la sphère ORL ou de l’apex
orbitaire, Orbitopathie inflammatoire (thyroïdite, vascularite), Sinusites.
 Causes vasculaires et neurologiques: Tm de l’étage moyen et de la base du crâne,
SEP, AVC avec diplopie douloureuse ; HIC et Syphilis nerveuse.
 Causes métaboliques: Hyperthyroïdie, Myasthénie (associée à un ptosis) ; le diabète.
 Causes infectieuses et toxiques: Typhoïde, scarlatine, diphtérie, Zona ophtalmique,
Avitaminoses et Intoxication par le plomb, barbituriques.
 La migraine ophtalmique.
3. Traitement :
 Etiologique : celui de la cause.
 Symptomatique : vitaminothérapie B1, B6, B12.
 Orthoptique : les prismes.
 Chirurgical: au stade de séquelles.

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