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Les Français aiment la mode et montrent leur versa lité dans ce domaine.

Relevez le
procédé li éraire qui traverse la le re 99 pour souligner ce trait de caractère puis expliquez
comment Montesquieu joue sur les apparences, en masquant le vrai sujet de ce e le re.
La le re 99 est tout en ère construite sur une série d’an thèses, souvent renforcées
par des hyperboles. Ces figures pointent la rapidité des changements de mode ves mentaire,
qui rend presque impossible la reconnaissance d’une même femme à quelques mois
d’intervalle. Le champ lexical de l’oubli est ainsi très développé («Ils ont oublié» et «ils
ignorent» ; «si elle s’y était oubliée»). L’absurdité de telles métamorphoses est soulignée par
les phrases suivantes: «Une femme qui qui e Paris, pour aller passer six mois à la campagne,
en revient aussi an que que si elle s’y était oubliée trente ans. Le fils méconnaît le portrait de
sa mère». La comparaison «aussi an que» crée d’abord un effet comique par l’hyperbole qui
transforme six mois en trente ans. La rapidité de ces métamorphoses interroge cependant
aussi la possibilité de liens de parenté durables et l’iden té des êtres dans le temps. Puis des
corps sens dessus dessous sont ainsi décrits: les images de l’architecture («les coiffures
montent insensiblement, et une révolu on les fait descendre tout à coup», de l’artefact («les
talons faisaient un piédestal qui les tenait en l’air») et finalement du monstre («On voit
quelquefois, sur un visage, une quan té prodigieuse de mouches») sont convoquées pour
dénoncer l’ar ficialité de ces métamorphoses. La le re glisse ensuite vers une cri que de la
versa lité des Français, pour abou r dans le dernier paragraphe au véritable objet de la le re:
les Français sont soumis en toutes choses au bon plaisir de leur roi et vivent finalement à la
mode qu’il leur impose. Des formules laconiques et frappantes résument ce e idée, par
exemple «les Français changent de mœurs, selon l’âge de leur roi». Prudemment,
Montesquieu garde le plus sévère de sa cri que pour la fin — en espérant avoir semé les
censeurs, rassurés par le mo f apparemment frivole de la le re.

COMMENTAIRE DE LA LETTRE 99

Le comique de la mode vu par un Persan

Enjoué et railleur, doué d'un humour vorace et sensible au pi oresque, aux bizarreries
ou au ridicule de la société française, Rica est aidé par sa situa on d'étranger à déceler le
comique des mondanités ar ficielles et de la mode. La le re 99 offre un exemple remarquable
de l'u lisa on du regard persan: «Tout l'agrément consistait dans le contraste éternel entre
les choses réelles et la manière singulière, naïve ou bizarre dont elles étaient aperçues», note
Montesquieu dans ses Quelques réflexions sur les Le res persanes. La fic on sert en effet de
filtre et ne re ent que ce qui est singulier pour Rica, nouveau venu en France. Les modes
persanes diffèrent profondément des modes parisiennes et sur- tout demeurent iden ques:
ce qui frappe donc d'emblée Rica, ce sont les « caprices» de la mode; le persan trouve plaisant
que les Français aient « oublié » leurs habits d'été et ignorent ce que sera la mode hivernale.
Pour rendre ces varia ons plus accessibles à son compatriote Rhédi installé à Venise, Rica use
de l'exagéra on et sa peinture devient caricature.

Hyperbole et caricature

La finesse de l'analyse se mêle au badinage quand Rica, Sans craindre l'hyperbole, met
en relief la fréquence des changements, leur rapidité, leur ampleur - prenant parfois
la forme d'une révolu on », leur illogisme - alliant la fantaisie et l'irra onnalité des caprices,
ou leur coût (on ne saurait croire combien il en coûte à un mari pour me re sa femme à la
mode»).
À par r d'une observa on a en ve des réalités, Rica glisse volon ers vers le burlesque
et le caricatural. D'où le recours à la bouffonnerie: une allusion à l'usage des fards entraîne
l'image exo que d'une Américaine (= une femme peau-rouge) ou, par une concession
comique, l'hypothèse de l'extravagance d'un ar ste. Le persan colore aussi son persiflage
d'outrances (sa coiffure ou ses talons peuvent me re le visage ou les pieds d'une femme au
milieu d'elle-même ») qui transforment l'adepte de la mode en une sorte de monstre sujet à
des muta ons brutales.
L'écriture «cinématographique souligne, grâce au secours de l'exagéra on, l'effet
d'instantanéité dans les mouvements de montée ou de descente des coiffures et l'appari on
ou la dispari on des mouches. Enfin le comique de l'absurde est a eint quand le Persan
constate avec un sérieux imperturbable: « Autrefois les femmes avaient de la taille et des
dents; aujourd'hui il n'en est pas ques on.

Éléments pour un commentaire

PRÉSENTATION DU TEXTE :
Au cours de leurs pérégrina ons dans les différents milieux parisiens, Usbek et Rica
sont par culièrement sensibles aux phénomènes visibles de l'extérieur. Il est à ce tre normal
qu'ils remarquent les changements de mode. La le re XCIX est consacrée à un compte rendu
humoris que, à la limite de la caricature, de l'aKtude capricieuse des Français dans le domaine
de la mode ves mentaire. Sur un ton qui traduit l'étonnement et la surprise, avec une fantaisie
adaptée au sujet, Rica tente de faire comprendre à son correspondant la rapidité de
changement des modes. Il insiste également sur le ridicule des costumes et des coiffures. Les
exemples ne manquent pas et la le re devient rapidement une joyeuse sa re des
extravagances de la mode française.
Mais comme toujours, le propos est plus sérieux qu'il n'y paraît. Ménageant ses effets,
Usbek garde le meilleur pour la fin. La descrip on des caprices de la mode recouvre en réalité
une sévère cri que du caractère velléitaire et faible des Français. Leur soumission trop facile à
la mode est le reflet extérieur de leur soumission au roi. Ainsi se dessine, dans un dernier
paragraphe d'au- tant plus efficace qu'il est plus ina endu, le schéma d'une pyramide à l'image
de la centralisa on de l'époque tout dépend du roi qui « donne la forme ». Le terme est
par culièrement bien choisi pour exprimer à quel point le souverain, déjà présenté ailleurs
comme un puissant magicien, influence, comme le fait la mode, non seulement l'extérieur,
mais, plus gravement, l'intérieur de ses sujets.

On pourra libeller le sujet du commentaire de la façon suivante :


Montrer, par exemple, comment la présenta on sa rique d'une soumission aux caprices
de la mode conduit à une cri que sévère du comportement des Français et de leur
système poli que.

1. LA RAPIDITÉ DE CHANGEMENT DE LA MODE

Une fois donné le thème de la le re (les manifesta ons surprenantes de la mode en


France), Rica illustre, en quatre paragraphes de plus en plus longs, l'extrême rapidité des
varia ons de la mode. Ce e rapidité est soulignée par des nota ons temporelles précises,
accompagnant l'idée du changement et par la structure même du texte.
L'idée du changement : varia on sur le vêtement « étaient habillés, le seront »,
transforma on (« mode nouvelle, détruire »; -« en revient aussi an que »), difficulté
d'iden fica on « méconnaît le portrait », modifica on brutale « une révolu on;
« changement », « on voit... disparaissent ».
La rapidité de ce changement est mise en relief par des nota on temporelles
nombreuses qui soulignent que les modifica ons interviennent très vite, et se succèdent dans
un laps de temps réduit: succession « été/hiver » ; le changement se fait en une saison. La
subordonnée de temps avant que tu eusses reçu ma le re fait allusion aux quelques semaines
nécessaires à l'acheminement d'un message à Venise. On note encore le rapprochement
humoris que « six mois / trente ans » , la brutalité de « tout à coup » , la répé on suggérée
par « souvent », la rapidité exprimée par « le lendemain »,l'opposi on « autrefois
/aujourd'hui » et le parallèle établi entre les mères et les filles .
Il faut enfin signaler la structure du texte en pe ts paragraphes consacrés à une
succession d'exemples soulignant la variété des cas et donc, implicitement, à une évolu on
rapide. Le fait de présenter successivement de mul ples situa ons dans un récit bref laisse
penser que chacune ne dure pas longtemps. La diversité concourt ici à l'expression de la
rapidité.

II. LES EXTRAVAGANCES DE LA MODE

Remarquable par son caractère éphémère la mode l'est aussi par ses extravagances elle
transforme, métamorphose au point de rendre les iden fica ons difficiles. Rica s'efforce de
me re relief, avec humour et fantaisie, tout ce qu'elle a de ridicule et de grotesque. Ces
ridicules n'ont pas tous la même origine; les effets de la mode sont pas tous les mêmes.

a) Le passage du normal à l'insolite

La mode métamorphose au point de changer un être et de le rendre méconnaissable.


Ce e idée se traduit dans l'expression du vieillissement prématuré « aussi an que », du
portrait insolite ou totalement imaginaire en apparence. La difficulté d'iden fica on qui en
découle apparaît dans le champ lexical de l'étrange « méconnaît, étranger, fantaisies » .
L'allusion à une Américaine (à prendre ici dans le sens de habitante de l'Amérique et donc
Indienne) ajoute une note plaisamment exo que. Tout insiste sur la transforma on insolite qui
fait passer d'un domaine à l'autre (jeunesse/vieillesse, civilisée/indigène). On retrouve la
même idée de modifica on insolite dans l'affirma on « avaient de la taille et des dents » suivie
de la néga on « il n'en est pas ques on » .

b) La modifica on des formes et de la silhoue e

Elle est décrite avec humour dans le troisième paragraphe qui donne plusieurs images
de femmes totalement déformées par la mode, par un jeu nouveau de propor ons. Les
portraits sont si précis que l'on peut voir là de véritables caricatures « visage au milieu d'elle-
même » (par suite de l'extraordinaire hauteur des coiffures), puis allusion aux pieds dans la
même situa on (par suite de l'extraordinaire hauteur des talons). L'u lisa on de termes
appartenant à un registre différent (révolu on, piédestal) accentue le côté humoris que et
caricatural: tout se trouve grossi et exagéré, ce qui conduit à imaginer de véritables monstres.
On remarque qu'il ne s'agit pas de descrip ons: l'u lisa on de verbes d'ac on (« me aient,
occupaient »), accorde un véritable pouvoir de métamorphose aux éléments qui relèvent de
la mode et qui ne sont pourtant pas dotés d'autonomie (coiffures, chaussures). L'idée de
modifica ons morphologiques d'une généra on à l'autre complète sous une forme plus simple
mais tout aussi inquiétante, le catalogue des anomalies de la mode (allusion aux mères et aux
filles).

c) Les conséquences dans la vie quo dienne

Elles sont ina endues, mais importantes, successives et différentes, parfois


contradictoires. Il s'agit essen ellement de modifica ons de l'environnement architectural.
L'énuméra on des verbes « hausser, baisser, élargir » souligne les varia ons importantes de la
mode en hauteur (les coiffures), ou en largeur (les robes) et donc la soumission des arts et des
mé ers à un phénomène qui relève pourtant du caprice et de la frivolité. La violence cri que
du terme « asservies », associé à « caprices » donne au texte une tonalité nouvelle, qui oriente
(mais le lecteur ne le sait pas), vers la cri que finale.

III. UNE COMPARAISON INATTENDUE

On aurait pu croire que la présenta on humoris que de la mode relevait simplement


d'une volonté, chez Usbek, de faire œuvre de chroniqueur.
Le dernier paragraphe, ina endu, prend l'analyse de la mode comme référent dans un
système compara f faisant intervenir un élément nouveau: la manière de vivre des Français.
Il faut alors me re en place tout un système d'analogies qui permet de comprendre la portée
non seulement sociologique, mais poli que, du début de la le re. On peut me re ici en
parallèle les éléments à rapprocher: « manières, façons de vivre, comme modes, mœurs âge »
L'idée de varia on est exprimée de plusieurs manières dans la comparaison ini ale,
qui oblige à une sorte de lecture rétrospec ve du texte et rappelle l'extravagance, la rapidité
et le ridicule des modes suivies par des êtres peu raisonnables et peu réfléchis; par les verbes
« changer, rendre, imprimer, donner la forme » par l'image efficace d'une succession
hiérarchique dans laquelle se dessine l'idée d'une centralisa on extrême où l'exemple à suivre
vient du sommet et se répercute à différents échelons sans aucune remise en ques on. La
suite hiérarchique est exprimée dans l'avant-dernière phrase qui progresse par paliers
successifs, chacun prenant, par le jeu d'une répé on, appui sur le précédent: « Prince=>
Cour/ Cour =>Ville/ Ville=> Provinces ». L'idée est synthé sée par la formule finale qui souligne
le pouvoir du roi et la soumission de ses sujets « âme du souverain / toutes les autres ».
Il revient alors au lecteur, comme dans bien des Le res persanes, à effectuer son
propre parcours dans le texte pour en saisir toute la portée cri que. Le phénomène de la vision
(faussement) étonnée conduisant l'étonnement du lecteur est par culièrement remarquable
ici. À la lecture du dernier paragraphe, et par le phénomène d'analogie , il doit comprendre
que les ridicules signalés dans l'analyse de la mode sont analogues à ceux que l'on peut
observer dans les comportements en général. Ainsi, la prise de conscience d'un
asservissement à la mode ves mentaire devrait le conduire à la découverte de son
asservissement social et poli que. La situa on des sujets est remise en cause ainsi que le rôle
et le comportement du roi. La simple remarque concernant sa capacité à rendre ses sujets
sérieux « s'il l'avait entrepris » est un coup de griffe de Montesquieu à Louis XIV: le souverain
qui devrait être un modèle et donner l'exemple à ses sujets u lise au contraire sa fonc on et
son pouvoir à me re en œuvre leur asservissement. Sujets et monarque se trouvent réunis
dans une cri que sévère qui reproche aux premiers leur passivité et au second son manque
de courage et de lucidité. La responsabilité est ainsi partagée et la cri que aussi sévère d'un
côté que de l'autre.

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