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Mémoire de fin d’études pour l’obtention

Du
Diplôme de Master

Juriste d’Affaires International

Sur le thème :

La Recapitalisation par « Coup d’accordéon »

Soutenu publiquement le 26/06/2023 par ASRARY Selma

Stage effectué du 02/01/2023 au 02/07/2023

Nom de l’entreprise : Bennani & Associés

Membres du jury

Président :

Encadrant :

Suffragant :

Année Universitaire : 2022/2023


« L’université internationale de Rabat n’entends donner aucune approbation ni
improbation au contenu du présent document qui n’exprime que les seules
opinions de son auteur »
Remerciements :

Je tenais à remercier mon encadrant le professeur Reda Mokhtar EL FTOUH


pour la pertinence de son encadrement ainsi que son soutien et la bienveillance
dont il m’a fait part durant la préparation du travail scientifique de recherche
académique.

Également, je tiens à remercier par la même occasion les professeurs Othmane


TOUGANI, Ilham MAMOUNI et Hanane RHARRABI pour leur immense
soutien et leurs conseils tout au long de ce cursus, ainsi que leur générosité dans
le partage de connaissances et d’expériences dans le milieu du Droit.

En remerciant par la suite le corps administratif de l’École de Droit pour la


pertinence et la qualité de la formation ainsi que du suivi pédagogique tout au
long de ces deux dernières années.

J’exprime mes plus sincères respects et ma profonde gratitude envers tous ceux
qui se sont donnés la peine et qui m’ont soutenu durant l’ensemble de ma
formation à l’université.

Je remercie enfin, mes parents, ma sœur ainsi que tous ceux qui ont su laisser
une trace de leur existence conséquente à l’édification de ma personne et de mon
savoir.
Résumé :

La recapitalisation dans le monde de la finance renvoi à l’augmentation ou


la reconstitution du capital des entreprises. La recapitalisation par « coup
d’accordéon » signifie qu’avant d’augmenter le capital, il est procédé à une
réduction de celui-ci, moyennant une procédure légale définie pour chacune des
opérations de réduction et d’augmentation et respectant des conditions
jurisprudentiellement établies.
Le « Coup d'accordéon » est une opération qui combine une réduction de
capital motivée par des pertes, pouvant atteindre zéro, avec une augmentation de
capital. Son objectif est de faciliter le redressement et le refinancement d'une
entreprise, qu'elle soit en bonne santé financière ou en cours de procédure
collective. Il s’agit d’une mesure stratégique visant à réduire les pertes, en
restructurant les dettes et en renforçant les fonds propres.
Le « Coup d’accordéon » vise principalement à garantir la survie et la
durabilité des entreprises en difficulté financière, bien que sa réalisation soit au
détriment des intérêts individuels des actionnaires.
Face aux crises financières, notamment celles résultant de la pandémie du
COVID 19, on remarque que de plus en plus de sociétés recourent à la pratique
d’accordéon, car en effet, elle leur permet de s’adapter aux réalités économiques
de la manière la moins nocive.
Abstract:

In the world of finance, recapitalization refers to the process of


increasing or reconstituting a company's capital. Recapitalization by “Coup
d'accordéon” means that before increasing the capital, the latter is reduced, in
accordance with a legal procedure defined for each of the operations of decrease
and increase, and observing conditions established by case law.
The “Coup d'accordéon” is an operation that combines a capital decrease
motivated by losses, up to zero, and a capital increase. Its purpose is to facilitate
the recovery and refinancing of companies, whether they are in good financial
health or in the process of collective proceedings. It is a strategic measure
designed to reduce losses by restructuring debt and strengthening equity.
The main aim of the " Coup d'accordéon " is to ensure the survival and
sustainability of companies in financial difficulty, even if its implementation is
at the expense of shareholders' individual interests.
In the face of financial crises, notably those resulting from the COVID 19
pandemic, more and more companies are resorting to the accordion practice, as
it enables them to adapt to economic realities in the least harmful way.
Abréviations :

AGE : Assemblée générale extraordinaire.


Art : Article.
APE : Appel public à l’épargne.
B.O : Bulletin Officiel.
C.com : Code de Commerce.
C. cass : Cour de cassation.
C.A : Cour d’Appel.
D.O.C : Dahir des Obligations et des contrats.
SARL : Société à responsabilité limitée.
SA : Société anonyme.
SAS : Société anonyme simplifiée.
SASU : Société anonyme simplifiée à associé unique.
Sommaire :
Introduction
générale...................................................................................................................1

Partie I : L’environnement juridique complexe encadrant le « Coup d’accordéon »


….............18
Chapitre 1 : Les difficultés et incertitudes liées à la qualification juridique de l’opération
accordéon ……………………………………………………………………………………19
Section 1 : Le manque de consécration législative d’une définition pour l’opération
d’accordéon………………………………………………......................................................25
Section 2: La multiplicité des fondements juridiques et de l’opération
d’accordéon……………………………………………………………..................................32

Chapitre 2 : Les difficultés liées à la mise en œuvre de l’opération


d’accordéon……………………………………………………..............................................32
Section 1: La convergence de deux mécanismes de restructuration juridique
fondamentalement
différents……………………………………………………...................................................38
Section 2 : La divergence d’intérêts juridiques générés par l’opération d’accordéon en droit
des
sociétés…………………………………………………………………………………..........43

Partie II : La recapitalisation par « coup d’accordéon » entre salutaire remède et dépossession


des actionnaires………………………………………………………….................................44
Chapitre 1 : L’appréciation jurisprudentielle contrastée du « coup d’accordéon »
…………………...……………………………………………................................................45
Section 1 : Une appréciation jurisprudentielle favorable en raison du pragmatisme et de la
cohérence financière de
l’opération………...............................................................................50
Section 2 : Une appréciation jurisprudentielle limitée en raison du risque d’abus
………………………………………………………………...................................................56
Chapitre 2 : Le « Coup d’accordéon », une opération se heurtant aux droits des actionnaires
existants.....................................................................................................................................57
Section 1 : L’impact de l’opération accordéon sur les droits des actionnaires minoritaires…59
Section 2: Le risque d’évincement auquel font face les actionnaires
existants....................................................................................................................................66
Conclusion................................................................................................................................67
Introduction générale :

« Les entreprises qui survivent à long terme sont celles qui savent se réinventer, se
réajuster, se remettre en cause, et cela implique parfois de passer par des moments difficiles,
comme une recapitalisation par exemple. » Isabelle Kocher
Cette citation d'Isabelle Kocher met en lumière un aspect essentiel de la survie à long
terme des entreprises : leur capacité à se réinventer et à s'adapter aux changements. Selon
Kocher, les entreprises qui réussissent à prospérer dans la durée sont celles qui sont prêtes à
remettre en question leurs modèles existants, à ajuster leur stratégie et à traverser des périodes
difficiles, parmi lesquelles la recapitalisation peut être une option envisagée.
La réinvention d'une entreprise implique une remise en question constante de ses
pratiques, de sa structure et de sa vision. Dans un environnement commercial en perpétuelle
évolution, il est crucial pour une entreprise de rester à l'écoute des besoins de ses clients, de
surveiller les tendances du marché et de s'adapter en conséquence. Cela peut signifier prendre
des mesures audacieuses pour repenser ses produits ou services, adopter de nouvelles
technologies, explorer de nouveaux marchés ou établir de nouveaux partenariats. En outre, se
réajuster est une autre facette importante de la réinvention. Les entreprises doivent être
capables de reconnaître les signaux du marché et de réagir rapidement aux changements qui
se produisent. Cela peut impliquer des ajustements dans la stratégie commerciale,
l'organisation interne, la gestion des ressources ou même la structure de l'entreprise. Être agile
et flexible est essentiel pour s'adapter aux nouvelles réalités et saisir les opportunités qui se
présentent.
Cependant, se réinventer et se réajuster ne sont pas des processus faciles. Ils peuvent
entraîner des moments difficiles, notamment lorsque des décisions radicales doivent être
prises pour rétablir l'équilibre financier ou opérationnel de l'entreprise. C'est dans ce contexte
que la recapitalisation est évoquée. La recapitalisation est une mesure souvent mise en œuvre
lorsqu'une entreprise doit renforcer sa structure financière en mobilisant de nouveaux
capitaux. Cela peut se faire par l'émission de nouvelles actions, l'entrée de nouveaux
investisseurs ou la restructuration de la dette. Bien que cela puisse entraîner des sacrifices et
des défis à court terme, cela peut également offrir à l'entreprise une base solide pour se
développer et se réinventer.
Jusqu’en 1985, le Code civil français fournissait une définition de la société en tant
qu'entité créée par un contrat entre deux ou plusieurs personnes qui s'engageaient à mettre en
commun des biens ou leur savoir-faire afin de partager les bénéfices ou de tirer profit des
économies qui pourraient en découler.1
Aujourd’hui, la Société est, classiquement définie par les juristes comme étant un
contrat par lequel deux ou plusieurs personnes décident de mettre en commun des biens ou
leur industrie en vue de partager les bénéfices, les économies ou les pertes, qui en résulteront.
En effet, la société en tant que personne morale se distingue des autres personnes morales par
la nature de son objet. Il s’agit d’une personne dont l’activité est essentiellement marchande.
Qu’est-ce que l’on signifie par activité ou production marchande d’une société ? Selon P.
DIDIER et Ph. DIDIER, la production marchande renvoie au processus qui conduit à la
fabrication d’un produit ou à la prestation d’un service et à leur mise à la disposition de ceux à
qui ils sont destinés. La production est donc dite marchande lorsqu’elle est du fait des
entreprises, contrairement à la production non marchande qui elle, est financée soit par des
contributions obligatoires, impôts ou taxes, soit par des contributions volontaires tel que les
cotisations ou les dons. 2
Les entreprises cherchent ainsi à pourvoir aux besoins de leur activité avec les
ressources que leur procure leur exploitation, en d’autres termes, elles paient leurs charges
avec les produits de leur activité. Ces produits et charges sont celles que l’on retrouve dans
leurs comptes de résultat qui fait apparaître par différence, après déduction des
amortissements et des provisions, le bénéfice ou la perte de l’exercice. Ladite production des
biens ou services dont elle vit, l’entreprise doit acquérir des actifs qui peuvent être de deux
sortes, les uns sont destinés à rester durablement dans l’entreprise, appelés « actifs
immobilisés », les autres ne doivent rester que pour une certaine période, on les appelle
« actifs circulants ». Le principe étant que l’entreprise vit du produit de ses ventes émanant de
son exploitation, la pratique quant à elle, est beaucoup moins simple. En effet, il existe un

1
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article.
2
P. DIDIER & P. DIDIER, Les sociétés commerciales, Tome 2, Droit commercial, p :1 éd Economica 2011,
Paris.
décalage structurel entre les décaissements liés au paiement des charges et les encaissements
issus des ventes. L’entreprise doit produire avant de pouvoir vendre, ce qui nécessite un
financement autre que celui résultant des produits de son activité. Ces financements dits de
relais, sont de deux types : les capitaux d’emprunt d’une part et les fonds propres d’une autre.
C’est ainsi que les classent le Plan Comptable Général français et le Plan Comptable
Marocain, les premiers figurent dans le Bilan comptable des entreprises sous l’intitulé de
« Dettes » tandis que les fonds propres prennent la dénomination « Capitaux propres »3. Les
Dettes correspondent en effet aux crédits obtenus par l’entreprise de ses divers créanciers. Ces
crédits lui sont consentis, sans exhaustivité, soit par ses fournisseurs, ses banquiers, le public,
ou encore par ses associés.
Les Capitaux propres, anciennement appelés, actif net, ont une double origine. Ils sont
constitués d’une part par les résultats enregistrés par l’entreprise elle-même et, de l’autre, par
les biens mis à sa disposition de manière permanente par ses associés ou actionnaires.
S’agissant des bénéfices ou résultats de l’entreprise, ils constituent une composante
importante des fonds propres de l’entreprise, ils sont signes de santé et de prospérité de la
société et donc assure une certaine sécurité pour les créanciers de celle-ci, et si mis en réserve,
permettent d’accroître l’actif de la société qui est dit leur gage commun. D’un autre côté, on
retrouve dans la catégorie des capitaux propres de la société, les apports des associés,
communément appelés « Capital Social ». Il s’agit en effet de la composante la plus
essentielle des fonds propres et des ressources de l’entreprise en général. Le Code civil
français les définit comme étant des opérations de crédit, que l’on peut assimiler à des prêts
puisqu’en effet, ils mettent à la disposition de la société quelque chose qu’elle devra
rembourser aux apporteurs, raison pour laquelle les apports peuvent apparaître comme une
dette de la société envers cette catégorie de créanciers que seraient les apporteurs. C’est
d’ailleurs pourquoi on les retrouve inscris au passif du bilan. L’apport est donc une opération
à double face qui, d’une part requiert la mise à disposition de la société de biens et de valeurs,
et qui confère à l’apporteur les droits et le statut d’associé, d’une autre.
Corrélativement, le capital social, qui n’est autre que le mot par lequel est désignée la
valeur d’origine de l’ensemble des apports reçus par les associés à la constitution de la
société, a lui aussi une double face, car désigne en même temps que la valeur d’origine des
biens apportés, la valeur nominale des titres émis. La valeur nominale d'une action ou d’un titre

3
P. DIDIER & P. DIDIER, Les sociétés commerciales, Tome 2, Droit commercial, édition Economica 2011,
Paris.
émis, correspondant à la division du capital social d'une société par son nombre
d'actions émises. Cette action fluctuera ensuite en fonction de l'offre et de la demande, sans limite de
temps. Ainsi, une action d'une société peut être émise avec une valeur nominale de 50, mais valoir
beaucoup plus, ou beaucoup moins, quelques années après.
Historiquement, l’expression « Capital social » a fait son apparition dans la législation
française avec le code de commerce de 1807 dans lequel, il a été fait mention à deux reprises, une
fois à l’article 34 qui déclarait que « le capital de la société anonyme est divisé en actions de valeur
égale » et une deuxième fois à l’article 38 qui, reprenait relativement le même principe en édictant
que « le capital de la commandite par actions pourra être aussi divisé en actions de valeur égale ».
4
La définition du capital a officiellement été consacrée par la loi du 24 juillet 1867 dont l’article 1er
disposait que les sociétés en commandite ne pouvaient diviser leur capital en actions de moins d’un
certain montant et qu’elles n’étaient définitivement constituées qu’après la souscription de la totalité
du capital déterminé. Cette définition a ensuite été étendue aux SARL dès leur création en 1925,
après avoir été rendue applicables par les dispositions de l’article 24 de la même loi aux sociétés
anonymes et n’a été généralisée aux autres sociétés commerciales qu’en 1966 puis aux sociétés
civiles en 1978. Qu’est-ce-que l’on entend donc par l’expression « capital social » ? A l’origine, le
capital social s’entendait de l’ensemble des apports que la société avait reçus de ses apporteurs, et
s’appelait un « fonds capital ». A la fin du XIXe siècle, la définition a commencé à évoluer,
notamment par le fait que les apports ne formaient pas un ensemble distinct dans l’actif de la société,
mais s’y incorporaient, s’y dispersaient et s’y transformaient, on est ensuite progressivement arrivés à
l’idée selon laquelle le capital social représentait non pas les apports eux-mêmes, mais leur valeur
d’origine. Ainsi, pour Lyon-Caen et Renault, le capital social désigne le montant total des apports en
argent et en nature, tel qu’indiqué dans l’acte de société, le décret du 29 juin 1948 relatif aux règles
comptables en a aussi donné une définition similaire, à savoir que celui-ci représente « la valeur
d’origine des éléments mis à la disposition de l’entreprise d’une manière permanente par le
propriétaire ou par les apporteurs sous forme d’apports en espèces ou en nature ». En somme, le
capital n’est pas une chose, une masse de choses ou un actif, mais plutôt une valeur, un chiffre et un
montant exprimé en monnaie nationale, il représente ainsi la valeur d’origine des actifs mis à la
disposition de la société par ses apporteurs. La société en est donc débitrice envers ses apporteurs,
raison pour laquelle, le capital est inséré en tête du passif du bilan et est aujourd’hui définit comme
étant le montant de ce que la société doit à ses apporteurs au titre des apports qu’elle a reçu. Le

4
P. DIDIER & P. DIDIER, Les sociétés commerciales, Tome 2, Droit commercial, édition Economica 2011,
Paris.
montant du capital entendu passivement est ainsi strictement identique au montant du capital défini
activement, ce qui explique le glissement d’un sens à l’autre, à savoir de l’actif vers le passif. 5
L’inscription du montant du capital social revêt une importance vitale, notamment car celui-
ci détermine la forme sociale de la société en cours de constitution et conditionne son existence
même. En effet, les statuts sociaux, même à l’état de projet, le déterminent. Il est principalement
arrêté en fonction de considérations financières, politiques et juridiques. S’agissant des dernières, on
entend par cela les exigences du capital minimum imposées par les législateurs.
Le capital social est aussi la clef de la répartition des droits et des devoirs de chacun des
associés. La répartition des droits et des devoirs de chaque associé repose sur le capital social. Selon
l'article 1844-1 du Code civil français et l'article 992 du Dahir des obligations et des contrats, la part
de chaque associé dans les bénéfices et sa responsabilité en cas de pertes sont déterminées en
fonction de sa participation dans le capital social. Le capital ou fonds social représente la propriété
collective des associés, chaque associé possédant une part indivise proportionnelle à la valeur de sa
contribution. D’une autre part, à défaut d’être inscrits dans les statuts, les dirigeants sociaux risquent
de le faire varier selon leurs ambitions, intérêts et besoins. Or, toute modification du capital,
notamment l’entrée de nouveaux associés, risque de modifier l’équilibre des droits et pouvoirs des
associés déjà en place, son inscription dans les statuts, oblige les dirigeants à solliciter, pour la
modification de son montant, l’accord de l’ensemble des associés ou du moins de la majorité
qualifiée d’entre eux, selon la forme sociale et les conditions légales ou statutaires.
De surcroît, l’idée selon laquelle on dit que le capital social est le « gage » des créanciers,
renvoi à la sécurité que celle-ci entend et l’inscription de son montant dans les statuts représente une
mesure de protection de ces derniers et vaut engagement des associés à leur égard, un engagement
par le biais duquel les associés certifient et la réalité du capital annoncé, c’est-à-dire qu’ils ont bien
apporté les sommes déclarés, et son intangibilité, c’est-à-dire qu’ils s’interdisent d’user de leurs
pouvoirs sociaux pour les reprendre au détriment du droit de priorité des créanciers de la société. Cet
engagement sous-entend aussi leur obligation de le reconstituer ou à dissoudre la société si lesdits
apports sont amenés à être perdus. L’intangibilité précitée du capital social ne signifie cependant pas
que le montant de ce dernier ne peut pas être modifié en cours de la vie de la société ou qu’il est
définitivement inchangeable. Aujourd’hui, le droit des sociétés permets, sauf aux sociétés en nom, de
modifier les dispositions prévues dans leurs statuts, à la majorité, telle que prévue par l’article L225-
129 du Code de commerce français et les dispositions des articles 75 et 110 respectivement relatifs
aux SARL et aux Sociétés Anonymes.
5
Enfin, le capital fait l’objet, en comptabilité, d’un compte spécial qui enregistre à son crédit le
montant du capital figurant dans l’acte constitutif de la société et retrace l’évolution de celui-ci au
cours de la vie de la société. Il est crédité lors des augmentations de capital, en espèces ou en nature
effectués par les associés et débité des réductions de capital quelle qu’en soit la cause, absorption des
pertes, comme nous le développeront plus tard ou encore le remboursement des associés. Le capital
figure en effet en tête des fonds propres et du passif du bilan et son montant varie selon les
fluctuations de l’actif et du passif de la société. Lorsque celle-ci se porte bien, les bénéfices s’ajoutent
au montant et les fonds propres augmentent, et à l’inverse, baissent lorsque la société va mal et que
les pertes enregistrées prennent la place desdits fonds. Selon Ph. DIDIER et P. DIDIER6 « Le
montant du capital social fait ainsi figure de point fixe. Il est comme le repère d’un thermomètre dont
le montant des propres serait la colonne de mercure. Mais cette immutabilité ne doit pas faire illusion.
Quand elles ont absorbé tous les bénéfices, les pertes viennent, au moins virtuellement, en déduction
du montant du capital, qui est “ perdu.” » On parle ainsi de perte de capital lorsque les comptes et le
bilan de la société montrent que les fonds propres sont devenus inférieurs au montant nominal du
capital, ce qui signifie que les créanciers sociaux n’auront plus la garantie annoncée par le capital
inscrit dans les statuts et que la société ne pourrait plus rembourser intégralement ses associés de
leurs apports si elle venait à être dissoute. Le législateur, français comme marocain, prévoient, selon
l’importance des pertes, des mesures de prévention, mais aussi de redressement, si nécessaires,
notamment lorsque le montant des pertes est assez conséquent au point que les capitaux propres de la
société sont devenus inférieurs à la moitié du capital social, pour le législateur français et au quart du
capital pour son homologue marocain.
En France, les articles L.223-42 pour les SARL et l’article L.225-248 pour les Sociétés
Anonymes prévoient que lorsque les pertes atteignent le seuil susmentionné, les associés ou
actionnaires sont appelés à décider s’il y a lieu à dissolution anticipée de la société, la décision devant
intervenir dans les quatre mois suivant l’approbation des comptes qui font apparaître lesdites pertes.
A défaut de réunion de l’Assemblée générale aux fins de délibérer sur le sort de la société, tout
intéressé peut demander en justice la dissolution de celle-ci. A l’issue des délibérations de
l’assemblée générale, les associés décident soit de la dissolution anticipée de la société, à ce moment-
là, devront être liquidés, les actifs de la société, payés les créanciers et le reste réparti entre les
associés. A contrario, si l’assemblée décide que la société poursuive son activité, cette dernière sera
dès lors invitée à reconstituer ses capitaux propres à concurrence d’une valeur au moins égale à la

6
P. DIDIER & P. DIDIER, Les sociétés commerciales, Tome 2, Droit commercial, édition Economica 2011,
Paris.
moitié du capital social, et ce, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours
duquel les pertes ont été constatées. À défaut, la société sera tenue, non pas de dissoudre, mais au
moins de réduire son capital d’un montant au moins égal à celui des pertes qui n’ont pas pu être
imputées sur les réserves.
Au Maroc, le principe est le même, les articles 357 et 86 respectivement prévues dans la loi
5-96 pour les SARL, et la loi 17-95 pour les Sociétés Anonymes disposent que lorsque du fait des
pertes constatées dans les états de synthèse , la situation nette de la société devient inférieure au quart
du capital social, les organes dirigeants doivent convoquer une assemblée générale extraordinaire à
l’effet de décider sur le sort de la société, soit en prononçant sa dissolution anticipée ou la
reconstitution, de ses capitaux propres à concurrence d’une valeur au moins égale au quart du capital
social, cela au plus tard à la clôture du deuxième exercice ayant fait apparaître les pertes en question.
En effet, le législateur n’a pas jugé nécessaire de prévoir des dispositions contraignantes aux
sociétés, tant que la perte est inférieure au quart, pour le Maroc ou à la moitié pour la France du
capital social. Dans le cadre des dispositions prévues pour la reconstitution des capitaux propres, le
législateur marocain fait référence aux dispositions de l’article 360 de la loi relative aux sociétés
anonymes, lui prévoit que « La réduction du capital à un montant inférieur doit être suivie,
dans le délai d'un an d'une augmentation ayant pour effet de le porter au montant prévu à
l'article 6, à moins que, dans le même délai, la société n'ait été transformée en société d'une
autre forme. A défaut, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société,
deux mois après avoir mis les représentants de celle-ci en demeure de régulariser la
situation. »7 Le législateur le prévoit de la même manière dans l’article L. 224-2 al 2 pour les
SARL, qui conditionne la réduction du capital social réalisée dans le but de remédier aux
pertes constatées, à l’obligation d’être suivie d’une augmentation de capital, à moins que la
société ne change de forme sociale. La réduction dite sous conditions ne produit donc ses
effets qu’au moment où l’augmentation de capital produit les siens, de telle sorte que le
capital de la société n’est inférieur au seuil légal qu’un instant de raison, c’est ce qu’on
appelle « Opération » ou « Coup d’accordéon ». 8
Le « Coup d’accordéon » est donc une opération associant une réduction de capital
motivée par des pertes, pouvant aller jusqu’à zéro, et une augmentation de capital. Réalisé
dans le but de permettre le redressement et le refinancement de la société, il peut intervenir

7
Loi 17-95 relative aux SA, telle que modifiée et complétée par la loi 20-05.
8
P. DIDIER & P. DIDIER, Les sociétés commerciales, Tome 2, Droit commercial, édition Economica 2011,
Paris.
dans les sociétés in bonis comme dans les sociétés faisant l’objet d’une procédure collective.
Il s’agit en effet de l’instrument privilégié de la reconstitution des capitaux propres
sociétaires. Bien que ledit redressement ne soit pas sans impact sur les associés et les
créanciers, notamment sur leur situation au sein de la société. Pour les créanciers,
l’opposabilité de la réduction du capital en cas de pertes peut présenter le risque de la
tentation que fait naître chez les dirigeants sociaux et les associés majoritaires, lors des
périodes de difficultés, la possibilité dans le cadre des SARL, d’accroître les profits de ses
membres sans augmenter leurs risques de pertes et donc risquer le tout pour le tout et de
procéder à des risques spéculatifs au détriment des créanciers sociaux. Pour protéger ces
derniers, certaines législations, notamment l’américaine et l’anglaise, hésitent encore à laisser
tout ou partie du passif social ou du préjudice des créanciers entre les mains des dirigeants,
des actionnaires, voire des commissaires aux comptes, lorsque ces responsables, ont par
incurie ou incompétence, laissé la société aller vers la faillite. De la même manière, la
réduction du capital réalisée dans le cadre du « coup d’accordéon », bien qu’elle ne soit pas
une fin en soi, mais simplement le préalable nécessaire à une recapitalisation de la société, ne
passe pas sans conséquences sur les associés de la société sujette à l’opération. En effet, en
concrétisant leur contribution aux pertes, le coup d’accordéon peut entraîner l’augmentation
de leurs engagements initiaux ou leur exclusion de la société. Ces conséquences assez graves,
sont toutefois justifiées par la nécessité d’assurer la survie de la société. De surcroît,
l’opération s’avère moins critiquable car gouvernée par le principe de l’égalité entre les
associés qui subissent de la même manière la réduction et ce, même en présence de catégories
d’actions différentes, y compris avec les porteurs de valeurs mobilières composées9.
L'étude de la recapitalisation par coup d'accordéon présente un intérêt théorique
majeur dans le domaine de la finance et du droit des sociétés. Elle permet d'approfondir notre
compréhension des mécanismes de restructuration financière et des stratégies utilisées par les
entreprises en difficulté pour se réorganiser et se refinancer. En examinant les aspects
juridiques, financiers et économiques de cette opération, nous pouvons mieux appréhender ses
implications sur les actionnaires, les créanciers et l'entreprise elle-même. De plus, l'étude de la
recapitalisation par coup d'accordéon offre des perspectives pour améliorer les cadres
réglementaires et les pratiques de gouvernance d'entreprise, afin de mieux protéger les parties
prenantes et favoriser la stabilité financière. L’intérêt pratique est quant à lui d’expliquer les

9
S. SYLVESTRE TOUVIN, Résumé « Le coup d’accordéon ou les vicissitudes du capital » thèse de doctorat
en Droit privé, 2002.
mécanismes, les avantages et les risques liés à l’opération afin d’être mieux appréhendée par
les praticiens du droit, les actionnaires et tout acteur intéressé.
Il est ainsi pertinent de se demander quels sont les défis que présente la recapitalisation
par coup d’accordéon quant au revers de la protection des associés ?
Dans le but de développer une analyse structurée de notre réflexion, nous aborderons
dans une première partie l’environnement juridique complexe encadrant le « coup
d’accordéon » (Partie I), puis dans une seconde partie, la recapitalisation par « coup
d’accordéon » entre salutaire remède et dépossession des actionnaires (Partie II).
Partie I : L’environnement juridique complexe encadrant le « coup d’accordéon »
Le « coup d’accordéon » est une opération particulièrement complexe. Issue de la
pratique, elle ne fait, à ce jour, l’objet d’aucune définition législative. Le défaut de
reconnaissance législative laisse l’opération en elle-même dans une situation d’incertitude tant
sur le plan pratique que juridique.
D’un point de vue pratique, l’opération accordéon est complexe en raison de sa nature
et de ses mécanismes. Elle implique une réduction de capital et une augmentation simultanée,
ce qui peut nécessiter des ajustements complexes au niveau des ressources financières, des
structures de propriété et des obligations contractuelles. Sans une définition légale claire, les
parties impliquées dans l’opération peuvent être confrontées à des incertitudes quant aux
procédures à suivre, aux autorisations requises et aux implications fiscales, ce qui rend la
tâche de sa mise en œuvre en œuvre difficile.
D’un point de vue juridique, comme nous l’exposerons ci-dessous, l’absence de
consécration législative crée une incertitude quant à la qualification juridique de l’opération
accordéon. Les tribunaux doivent donc interpréter les dispositions existantes du droit des
sociétés et du droit des entreprises en difficultés pour déterminer si l’opération peut être
légalement effectuée. Cela peut en effet entraîner une variété d’interprétations et de
jurisprudences divergentes, ce qui ajoute à la complexité et à l’incertitude entourant
l’opération.
Il serait donc pertinent de voir dans un premier temps les difficultés et incertitudes
relatives à la qualification juridique de l’opération d’accordéon (Chapitre 1), en surlignant le
manque de consécration législative d’une définition explicite, claire et ferme de l’opération
(Section1) pour ensuite exposer la multiplicité des fondements juridiques justifiant
l’opération, bien qu’elle ne soit pas légalement définie (Section 2). Nous verrons ensuite dans
un second temps (Chapitre 2) les difficultés liées à la mise en œuvre et à la concrétisation de
l’opération en mettant la lumière sur la convergence des mécanismes de réduction et
d’augmentation du capital social (Section 1) et la divergence des intérêts que l’opération
prône (Section 2).

Chapitre 1 : les difficultés et incertitudes liées à la qualification juridique de l’opération


accordéon
Il est difficile, à ce jour, de classer l’opération du « Coup d’accordéon » dans l’une des
branches du Droit, et ce, en raison des incertitudes entourant sa qualification juridique qui
réside principalement dans la complexité de l’évaluation de ses aspects légaux et
réglementaires. L’opération est en effet de nature particulière, car elle fait sans cesse appel à
des principes du droit des sociétés mais aussi des notions qui relèvent de la finance, et la
comptabilité des entreprises. Sa complexité réside également dans le fait qu’elle implique
différents intérêts sociétaires.
L’une des questions majeures qui entourent le « Coup d’accordéon », est celle relative
à son absence de mention explicite dans la loi, comme nous l’examinerons dans le présent
chapitre. Cette absence, constatée à la fois chez le législateur marocain et français, n’empêche
pas pour autant le recours à la pratique par les sociétés. Cela relève l’idée selon laquelle le
« Coup d’accordéon » puise certainement sa légitimité de sources et de fondements autres que
la loi.
Il serait ainsi pertinent de traiter dans un premier temps le manque de consécration
législative auquel fait face l’opération d’accordéon (section 1) pour ensuite développer la
pluralité et la multiplicité de ses fondements juridiques dans un second temps (section 2).

Section 1 : le manque de consécration législative d’une définition pour l’opération


d’accordéon
Cette technique créée par la pratique est devenue classique, au Maroc comme en
France, dans l’hypothèse où la société ayant subi des pertes importantes, un investisseur ou
les actionnaires existants, acceptent de la renflouer.
Au Maroc, la technique financière de l’accordéon a vu le jour pour la première fois
dans le cadre de l’affaire de « Brink’s Inc ».10 En 1999, le groupe américain de sécurité et de
surveillance des biens et des personnes, a procédé à une restructuration du capital de sa filiale
marocaine, il s’agissait d’un « coup d’accordéon » destiné à assainir le passif des pertes
cumulées au titre des exercices antérieurs ; l’opération s’est matérialisée par une réduction de
capital qui a ramené celui-ci de 27,7 millions de dirhams à 23,2 millions de dirhams, et a été
immédiatement suivie par une recapitalisation de 29,5 millions de dirhams entièrement
souscrite par la société mère, portant ainsi le total du capital social de la filiale marocaine à
52,6 millions de dirhams. L’exposition de la valeur de l’opération et de l’importance du
groupe, aurait pu faire espérer les juristes que l’élaboration d’une législation propre à
l’opération serait envisageable, à la suite de l’affaire, mais le législateur marocain est resté
silencieux et continue à l’être jusqu’à nos jours.
En effet, le cadre juridique marocain régissant les sociétés commerciales et leurs
activités ne contient aucune disposition spécifique concernant le fonctionnement en
accordéon. Cette absence de reconnaissance législative crée une lacune importante dans le
paysage juridique marocain, qui va à l'encontre de l'objectif du pays de se conformer aux
standards internationaux en matière de droit des affaires et de garantir une certaine sécurité
juridique aux sociétés et entreprises étrangères souhaitant s'implanter dans le pays. Ladite
lacune laisse les praticiens, les entreprises et les avocats dans l'incertitude quant aux
procédures à suivre, aux conditions requises et aux implications juridiques de l'opération
accordéon. En l'absence d'une définition juridique claire, les parties impliquées dans une
opération en accordéon doivent s'appuyer sur les interprétations jurisprudentielles et les
pratiques courantes pour guider leur démarche. Cela peut entraîner un certain degré de
variabilité et d'incertitude dans l'application de l'opération, les décisions des tribunaux
pouvant différer d'un cas à l'autre. Il convient également de noter que l'opération d’accordéon
peut avoir des conséquences fiscales importantes, et l'absence de dispositions spécifiques dans
la législation fiscale marocaine ajoute une dimension supplémentaire d'incertitude. Les parties

10
Challenge. Coup d’accordéon chez Brink’s Maroc. 17 mars 2017, Challenge.ma.
https://www.challenge.ma/coup-daccordeon-chez-brinks-maroc-79117/
doivent prendre en compte les implications fiscales potentielles de l'opération et se référer aux
avis d'experts ou aux positions administratives existantes pour évaluer les conséquences
fiscales de leur approche. Cette situation préoccupante, peut in fine décourager les
investissements étrangers et limiter la confiance des entreprises dans le système juridique
marocain. En comblant ce vide juridique, le Maroc pourrait renforcer sa position en tant que
destination attrayante pour les investisseurs étrangers et favoriser un climat des affaires plus
propice à la croissance économique.
Il est donc crucial que le législateur marocain introduise des dispositions spécifiques
régissant le fonctionnement de l'accordéon. Une telle réglementation fournirait des lignes
directrices claires, des procédures définies et une plus grande sécurité juridique pour les
parties impliquées dans ces opérations. Cela renforcerait la confiance des investisseurs,
faciliterait la planification stratégique des entreprises et contribuerait à rendre l'environnement
des affaires au Maroc plus dynamique et plus compétitif.
Globalement, le fait que le législateur marocain n'ait pas spécifiquement consacré le
« Coup d’accordéon » crée une incertitude juridique et pratique pour les parties intéressées.
Cela souligne le besoin d'interprétations jurisprudentielles, de pratiques établies et d'avis
juridiques pour encadrer cette opération dans le contexte marocain. Selon K. NFISSI, Le
silence persistant du législateur marocain sur l'opération accordéon, malgré son adoption et
son utilisation pratique dans le contexte des entreprises marocaines, soulève des questions sur
sa position et ses intentions. D'une part, l'absence de réglementation spécifique peut être
interprétée comme un manque de reconnaissance et d'attention de la part du législateur à
l'égard de cette opération. L'opération accordéon est devenue une pratique courante dans les
entreprises marocaines, notamment pour les entreprises en difficulté financière qui cherchent
à restructurer leur capital. Cependant, en l'absence de réglementations claires et spécifiques,
les parties impliquées dans ces opérations doivent naviguer dans un territoire juridique
incertain. Cela peut entraîner des risques et des incertitudes quant à la validité et à la sécurité
juridique de l'opération. D'un autre côté, cette situation peut également être considérée comme
une opportunité pour le législateur marocain de saisir cette occasion et de développer une
réglementation moderne adaptée à l'opération accordéon. Une réglementation claire et
spécifique fournirait un cadre juridique solide et prévisible, résolvant les problèmes juridiques
potentiels associés à cette opération et promouvant un environnement entrepreneurial plus
transparent et plus sûr.
Une réglementation adéquate pourrait en effet clarifier les procédures, les conditions et
les implications juridiques de l'opération accordéon, facilitant ainsi sa mise en œuvre et
encourageant son utilisation dans les activités des entreprises marocaines. Elle pourrait
également offrir des garanties aux parties prenantes, notamment les créanciers et les
actionnaires, en établissant des règles et des mécanismes de protection appropriés. En somme,
le silence du législateur marocain sur l'opération accordéon soulève des interrogations quant à
ses intentions. L'émergence de cette pratique pourrait être considérée comme une opportunité
pour le législateur d'élaborer une réglementation moderne et adéquate, à même de résoudre les
problèmes juridiques qui pourraient se poser. Une telle réglementation apporterait clarté et
sécurité juridique, favorisant ainsi le développement d'un environnement entrepreneurial
robuste et dynamique au Maroc.
En France, le « coup d’accordéon » bien qu’il ne bénéficie d’aucune reconnaissance
explicite au sein du cadre législatif, la pratique est souvent réalisée par les sociétés en
difficulté financière et est beaucoup plus encadrée par le juge français que par son homologue
marocain. L’un des principes imminents posés par la jurisprudence française en matière
d’accordéon, est celui conditionnant la validité de la réduction du capital à l’augmentation
simultanée de celui-ci. La jurisprudence française a aussi développé une ligne directrice
relative à l’opération, offrant ainsi une certaine orientation aux professionnels et praticiens du
droit aux fins d’établir des pratiques et des normes de référence pour guider la mise en œuvre
du « coup d’accordéon »
Néanmoins, il faut préciser que bien que l’opération ne soit pas expressément
consacrée par des dispositions législatives spécifiques en France, elle est largement utilisée et
encadrée par la jurisprudence et les pratiques établies. Toutefois il faut noter que le manque,
encore une fois de définition légale, peut engendrer une incertitude et des défis
supplémentaires lors de la mise en œuvre de l’opération.
La complexité de l’opération d’accordéon provient aussi de la diversité des intérêts
qu’elle implique. En effet, l’opération met en évidence la dualité entre l’intérêt collectif des
associés, qui vise à assurer la pérennité de la société en tant qu’entité distincte et les intérêts
individuels de chaque associé. D'une part, l'intérêt commun des associés est axé sur la
continuité et la prospérité de la société dans son ensemble cherchant à garantir la stabilité
financière, la croissance et la compétitivité de celle-ci. Ce qui implique parfois la nécessité de
restructurer l'entreprise, d'ajuster sa structure de capital, voire de la recapitaliser pour relever
les défis économiques ou saisir les opportunités du marché ce qui justifie, selon certains
auteurs le recours au « coup d'accordéon » lorsqu'il s'avère nécessaire. D'autre part, les
intérêts individuels des associés se reflètent quant à eux, dans leurs motivations personnelles
et financières. Chacun d'entre eux peut avoir des objectifs différents, tels que la protection de
son investissement, l'optimisation de son rendement financier ou la limitation de sa
responsabilité. Comme ils peuvent aussi avoir simplement des points de vue divergents sur la
stratégie de l'entreprise ou sur les modalités de participation à l'opération accordéon. Cette
dualité d'intérêts crée une tension sous-jacente dans la mise en œuvre de l'opération
accordéon. Il est donc essentiel de trouver un équilibre entre la préservation de l'intérêt
collectif et la prise en compte des intérêts individuels des associés. Cependant, la recherche
d'un tel équilibre s’avère d’autant plus complexe que l'opération en accordéon n'est pas
explicitement réglementée et que son cadre juridique reste flou. En effet, tant en France qu'au
Maroc, le législateur se contente de réglementer les mécanismes utilisés dans cette opération,
à savoir la réduction et l'augmentation de capital.
En France, les articles L.225-204 et L.225-205 du Code de commerce régissent la
réduction du capital social, tandis que les articles L.225-127 et L.225-150 concernent les
augmentations de capital des sociétés anonymes. Au Maroc, les articles 208 et suivants de la
loi 17-95 régissent la réduction du capital dans les sociétés anonymes, et les articles 76 et
suivants de la loi 5-96 définissent les conditions de réduction du capital dans les sociétés à
responsabilité limitée. Par conséquent, l'incertitude persiste quant aux procédures à suivre,
aux conditions requises et aux implications juridiques précises de l'opération en accordéon.
D’un autre point de vue, la complexité de l’opération d’accordéon découle également de la
pluralité des objectifs qu’elle vise. En effet, l’opération peut être envisagée dans le contexte
de la résorption des pertes accumulées par la société, lorsqu’elle fait face à des difficultés
financières et accumule des pertes importantes, le « coup d’accordéon » peut être utilisé
comme une stratégie de restructuration visant à réduire ces pertes et à restaurer la stabilité
financière de l’entreprise, ce qui permet de consolider les ressources financières de la société,
de réduire son endettement et d’améliorer sa solvabilité.
Aussi, l’opération peut être motivée par l’objectif d’attirer de nouveaux investisseurs.
Dans certaines situations, une société peut chercher à augmenter son capital social pour
financer des projets d’expansion, soutenir sa croissance et renforcer sa position sur le marché.
L’opération d’accordéon offre ainsi une solution pratique d’entrer dans la société en échange
de l’augmentation de son capital, créant des opportunités de financement supplémentaires et
stimuler le développement de l’entreprise. Nous nous contenterons dans notre étude de traiter
la recapitalisation par « coup d’accordéon » motivée par les pertes. Effectivement, si l’on se
penche sur le fait que l’opération d’accordéon ne soit pas officiellement consacrée par la
législation, combiné à sa nature complexe, cela en fait un sujet d’étude fascinant, notamment
car son absence des textes législatifs ne signifie pas nécessairement qu'elle manque de
fondement juridique ou qu'elle est réalisée de manière illégitime. Au contraire, cette opération
trouve sa légitimité dans plusieurs disciplines juridiques, notamment le droit des sociétés et le
droit des entreprises en difficultés. Parallèlement, en droit anglo-saxon, la pratique est plutôt
marginalisée. Il convient en effet de noter que l'opération d'accordéon n'est pas une pratique
largement reconnue par le droit anglo-saxon. Dans de nombreux pays anglophones,
notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, l'accent est davantage mis sur la protection
des droits des actionnaires minoritaires et sur le respect du principe de la majorité des
actionnaires.
Dans le système juridique anglo-saxon, les opérations d'accordéon peuvent être
considérées avec méfiance, car elles peuvent être perçues comme une méthode permettant à la
majorité des actionnaires de diluer les intérêts et les droits des actionnaires minoritaires. Par
conséquent, les tribunaux dans ces juridictions sont souvent plus stricts dans l'examen de ces
opérations et accordent une attention particulière à la protection des droits des actionnaires
minoritaires. De plus, le terme « coup d'accordéon » représente souvent la pratique du
« squeeze-out » en anglais qui fait référence à une opération par laquelle les actionnaires
majoritaires d'une société prennent des mesures pour évincer ou diluer les droits des
actionnaires minoritaires. Il peut prendre différentes formes, mais l'objectif commun est de
réduire la participation des actionnaires minoritaires dans la société. Contrairement à la
pratique des romano-germaniques, un coup d'accordéon peut dans certains cas en droit des
sociétés anglosaxonnes, se produire par une augmentation de capital suivie d'une dilution de
la participation des actionnaires minoritaires, ce qui réduit leur influence et leur droit de vote
au sein de la société. Dans d'autres cas, il peut impliquer une réduction de capital suivie d'une
augmentation de capital, ce qui a pour effet de diluer la participation des actionnaires
minoritaires existants.
Le « squeeze out » peut être utilisé pour diverses raisons, notamment pour simplifier la
structure du capital, faciliter une restructuration ou une fusion, ou pour éliminer les
actionnaires minoritaires indésirables. Toutefois, en raison des préoccupations liées à la
protection des droits des actionnaires minoritaires, l’opération est généralement soumise à un
examen minutieux et à des restrictions dans le cadre du droit anglo-saxon.11 Dans certaines
juridictions anglo-saxonnes, des règles spécifiques régissent les opérations de squeeze-out,
telles que les procédures d'offre publique d'achat obligatoire ou les droits de retrait des
actionnaires minoritaires. Ces règles sont conçues pour assurer un traitement équitable des
actionnaires minoritaires lorsqu'ils sont confrontés à un coup d'accordéon potentiellement
préjudiciable à leurs droits et intérêts. A défaut d’avoir une équivalence précise de la pratique
d’accordéon dans la Common Law, on peut l’assimiler aussi à la pratique appelée « debt for
equity swap »12 qui désigne le mécanisme utilisé Lorsqu'une entreprise rencontre des
difficultés financières, mais demeure viable, une option efficace pour restructurer son capital
et ses dettes, tout en renforçant son bilan et en résolvant des problèmes tels que le
surendettement, est d'opter pour un échange de créances contre des participations. Dans le
cadre d'un tel échange, un créancier accepte de convertir une créance qu'il détient sur
l'entreprise en une participation au capital de celle-ci. Cette conversion se traduit par
l'émission de nouveaux capitaux propres au profit du créancier, qui sont utilisés pour
rembourser, libérer ou éteindre la dette en question.
Ce mécanisme permet à l'entreprise de se décharger de ses obligations financières
envers le créancier, tout en offrant à ce dernier une participation directe dans le capital de
l'entreprise. En conséquence, l'entreprise réduit son endettement, améliore sa structure
financière et peut ainsi retrouver une meilleure stabilité économique. L'échange de créances
contre des participations présente des avantages pour les deux parties concernées. Pour
l'entreprise, il permet de réduire ses dettes et d'améliorer sa solvabilité, ce qui facilite son
accès à de nouveaux financements. Pour le créancier, cela offre une opportunité de participer
à la croissance future de l'entreprise et de récupérer une partie de sa créance sous forme de
participation au capital.

11
D. SHINE (2014, March 20). Delaware decision reinforces need for proper procedure in squeeze-out
merger. The Harvard Law School Forum on Corporate Governance.
https://corpgov.law.harvard.edu/2014/03/20/delaware-decision-reinforces-need-for-proper-procedure-in-
squeeze-out-merger/
12
J. CHEN, What Is a Debt/Equity Swap? How It Works and Who Benefits. Investopedia, 2021.
https://www.investopedia.com/terms/d/debtequityswap.asp#:~:text=A%20debt%2Fequity%20swap
%20is%20a%20refinancing%20deal%20in%20which,or%20improve%20its%20equity%20standing.
En effet, la pratique du « debt for equity swap » offre diverses possibilités, notamment
pour restructurer les dettes avec des créanciers importants non bancaires, ajuster la répartition
entre dettes et capitaux propres afin de renforcer le bilan de l'entreprise, ou établir une alliance
stratégique avec un fournisseur clé. Ces opérations permettent de rééquilibrer les obligations
financières de l'entreprise, renforcer sa stabilité et développer des relations bénéfiques avec
des partenaires stratégiques. Cela souligne que, bien que le « debt for equity swap » et le
« coup d'accordéon » soient des mécanismes différents, ils répondent tous deux aux mêmes
besoins fondamentaux. En effet, tant le « debt for equity swap » que le « coup d'accordéon »
visent à résoudre des problèmes financiers et à renforcer la situation d'une entreprise. Ils
offrent des solutions pour rééquilibrer les obligations financières, améliorer la structure du
capital, renforcer le bilan et établir des partenariats stratégiques. Malgré leurs différences, ces
deux approches ont en commun la volonté de favoriser la pérennité de l'entreprise et d'assurer
sa viabilité à long terme.
Section 2 : la multiplicité des fondements juridiques et de l’opération d’accordéon
Si l’opération d’accordéon n’est spécifiquement visée par aucun texte de loi, elle n’est
néanmoins pas dépourvue de base légale. L’opération puise en effet sa légitimité de deux
disciplines du droit des affaires. Le droit des sociétés car elle s’opère dans un cadre
exclusivement sociétaire et le droit des entreprises en difficultés, car dans la plus part des cas,
elle est utilisée par les sociétés en situation financière difficile.
Comme nous l’avons exposé plus haut, sont régis par les lois relatives aux sociétés
marocaines et le code de commerce français les mécanismes de réduction et d’augmentation
qui encadrent l’opération d’accordéon, mais l’opération fait aussi appel aux dispositions
relatives aux entreprises en difficulté, car in fine il s’agit d’une opération qui permet
principalement de réagir aux pertes et d’y remédier. Afin de procéder à l’analyse de
l’opération et de ses fondements, il serait d’abord pertinent d’exposer les éléments
déclencheurs de l’opération, à savoir les seuils et les indices qui mettent en évidence que la
société est en situation critique, nécessitant une recapitalisation. Dans notre introduction, nous
avons mentionné que le capital social de la société représentait en partie l’ensemble des
apports des actionnaires et sa valeur repose sur celle desdits apports. Il représente en somme
l’addition des apports en numéraire et en nature et figure dans les statuts de la société et son
inscription donne une idée sur l’état financier de la société. Une idée, car en effet, la situation
réelle de la société n’est que partiellement reflétée dans le capital, ce dernier ne permettant
pas d’illustrer en temps réel les bénéfices et les pertes de la société. Ce sont effectivement les
capitaux propres, qui représentent une image plus proche de la réalité de la société, c’est ce
que le législateur français appelle « actif net » et que son homologue marocain décrit comme
« situation nette ». 13
Comme l’indique Jean-Jacques DAIGRE, « la loi de 1966 impose une procédure
d’alerte dans les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes lorsque les
capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié du capital social. »14 Selon lui, il est fait
référence à la loi de 1966 qui instaure une procédure d'alerte pour les sociétés à responsabilité
limitée et les sociétés anonymes lorsque leurs capitaux propres deviennent inférieurs à la
moitié du capital social. L'objectif de cette disposition légale est d'établir un mécanisme de
contrôle et de prévention pour garantir la stabilité financière et la pérennité des entreprises. La
procédure d'alerte mentionnée dans la loi de 1966 implique qu'une fois que les capitaux
propres d'une société deviennent inférieurs à la moitié de son capital social, des mesures
spécifiques doivent être mises en place pour évaluer la situation et prendre les décisions
appropriées. Cette procédure peut comprendre la convocation d'une assemblée générale
extraordinaire, la consultation d'experts-comptables ou de commissaires aux comptes, ou
encore la mise en œuvre de mesures de redressement financier.
En soumettant les entreprises à cette procédure d'alerte, la législation vise à prévenir
les situations de déséquilibre financier qui pourraient mettre en péril la continuité de l'activité
de l'entreprise et la protection des intérêts des associés et des créanciers. Il s'agit d'une mesure
de précaution destinée à détecter précocement les signes de difficultés financières et à prendre
les mesures nécessaires pour y remédier. Il convient donc de souligner que cette disposition
légale traduit le souci du législateur de surveiller la santé économique des entreprises et de
promouvoir la transparence financière.
En effet, aujourd’hui, tant en France qu'au Maroc, l'importance des capitaux propres se
traduit par la fixation de seuils en deçà desquels ils ne doivent pas descendre. Dans le cas des
sociétés marocaines, si les capitaux propres deviennent inférieurs au quart, la dissolution de la
société doit être décidée par une assemblée générale extraordinaire. En France, ce seuil est
fixé à la moitié des capitaux propres.

13
S. DEBBABI, Mémoire, Le coup d’accordéon comme mode de restructuration d’une société en difficulté, en
droit comparé français et marocain, Mémoire Online, 2021.
14
Jean-Jacques DAIGRE, Entreprise en difficulté : personnes morales et dirigeants, Décembre 1996
Au Maroc, c’est l’article 357 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes qui
impose le seuil en énonçant que si les états financiers révèlent des pertes qui entrainent une
situation nette de la société inférieure au quart du capital social, le conseil d’administration ou
le directoire est tenu, dans un délai de trois mois après l’approbation des comptes faisant état
de ces pertes, de convoquer une assemblée générale extraordinaire afin de décider de la
dissolution anticipée de la société. Le législateur rajoute aussi que si la dissolution n’est pas
prononcée, la société doit, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant au cours
duquel les pertes ont été constatées, de réduire son capital d’un montant au moins équivalent à
celui des pertes qui n’ont pas pu être compensées par les réserves, à condition que la réduction
opérée, porte le capital à un montant inférieur au minimum légal, doit être suivie d’une
augmentation dans un délai d’un an. C’est en effet cette condition, qui finalement, illustre
l’essence même du « coup d’accordéon ». Si nous examinons attentivement les conséquences
prévues par le législateur en cas de non-reconstitution des capitaux propres à la suite des
pertes subies par une société, cela met en évidence le véritable rôle des seuils en tant
qu'indicateurs de la viabilité réelle des sociétés. R. Mortier fait référence à la notion de
« sincérité du capital social » ou de « réalité du capital social », ce qui souligne l'idée que ces
seuils représentent pour le législateur un outil d'appréciation de la situation financière et par là
même provoquent le coup d'accordéon, notamment lorsque la société, malgré les pertes
subies, décide de ne pas mettre fin à ses activités et se trouve donc dans l'obligation de
reconstituer ses capitaux propres afin de poursuivre son activité.
Au-delà des fondements en droit des sociétés, le coup d’accordéon puise aussi sa
légitimité du droit des entreprises en difficulté, notamment dans le cadre de la restructuration
amiable et des procédures collectives, de sauvegarde et de redressement judiciaire. De façon
générale, lorsqu’une entreprise est en difficulté, il est prévu dans la loi 73-17 abrogeant et
remplaçant le Livre V du code de commerce marocain relatif aux entreprises en difficulté que
ladite entreprise est tenue dans un premier temps à procéder par elle-même, à travers la
prévention interne, au redressement permettant la continuité de l’exploitation, et qu’à défaut,
le tribunal intervient à travers la prévention externe. Le recours à la procédure de prévention
externe a lieu lorsque tous les éléments pris en compte lors de la procédure préventive interne
indiquent que l’entreprise, bien qu’elle ne soit pas en cessation de paiement, rencontre des
difficultés juridiques, économiques, financières ou sociales, ou a des besoins qui ne peuvent
être comblés par un financement adapté à ses capacités. Dès lors que la procédure est ouverte
devant le président du tribunal, celui-ci convoque immédiatement le chef de l’entreprise, soit
de sa propre initiative, soit à la demande de ce dernier, afin d’obtenir des explications sur la
nature des difficultés susceptibles de compromettre la continuité de l’exploitation et les
moyens envisagés pour y faire face. Cette rencontre vise en effet à envisager les mesures
appropriées pour redresser la situation de l’entreprise. Le président peut à ce moment désigner
soit un mandataire spécial, qui sera chargé d’intervenir pour réduire les oppositions
auxquelles l’entreprise est confrontée, soit un conciliateur chargé de rechercher la conclusion
d’un accord avec les créanciers, selon la situation, dans l’optique de négocier avec les
créanciers de la société les stratégies de restructuration de l’entreprise. Certains auteurs
considèrent que le « coup d’accordéon », étant une modalité de restructuration, peut être opéré
dans le cadre des sociétés in Bonis, comme dans les sociétés en procédure collective, laissant
ainsi place, en théorie à la possibilité de négociation et mise en place amiable du « coup
d’accordéon ». La distinction entre l'opération d'accordéon en droit des sociétés et en
procédure collective peut susciter des questionnements quant à leur articulation et à
l'obligation de reconstitution des capitaux propres. En effet, alors que les seuils définis par les
dispositions du droit des sociétés jouent un rôle clé dans l'opération d'accordéon, la situation
est différente en procédure collective.
En droit français, selon l'article L.626-3 du code de commerce français, dans le cadre
de l'élaboration d'un plan de sauvegarde, si les pertes constatées dans les documents
comptables conduisent à une diminution des capitaux propres en dessous de la moitié du
capital social, l'assemblée des associés ou l'assemblée générale extraordinaire est appelée à
reconstituer ces capitaux. Il est également possible de procéder à une réduction et à une
augmentation du capital en faveur des personnes s'engageant à exécuter le plan. Certains
spécialistes considèrent que cette faculté de réduction et d'augmentation du capital prévue par
l'article L.626-3 peut être assimilée à l'opération d'accordéon.
Cependant, il est important de souligner que la reconstitution des capitaux en
procédure collective ne découle pas nécessairement des seuils fixés par le droit des sociétés.
Contrairement à la situation dans le droit des sociétés, où les seuils déterminent l'obligation de
reconstitution, en procédure collective, c'est le plan de sauvegarde lui-même qui établit cette
obligation. Ainsi, dès lors que le plan prévoit une modification du capital comme moyen de
faire face aux difficultés de l'entreprise, cela peut servir de base pour un coup d'accordéon en
procédure collective.
Il convient aussi de noter que le livre VI du code de commerce français traite
spécifiquement des procédures collectives, telles que la sauvegarde et le redressement
judiciaire. L'article L.626-3, qui s'inscrit dans ce cadre, définit les modalités relatives à la
reconstitution des capitaux et aux modifications statutaires lors de l'élaboration du plan de
sauvegarde. Ainsi, la reconstitution des capitaux en procédure collective est soumise aux
règles spécifiques prévues par le code de commerce dans le cadre de ces procédures. Ainsi, si
les seuils prévus par le droit des sociétés sont essentiels pour déclencher l'opération
d'accordéon dans ce contexte, la reconstitution des capitaux en procédure collective découle
de l'élaboration du plan de sauvegarde et des mesures envisagées pour remédier aux
difficultés de l'entreprise. Cette différence met en évidence la spécificité de l'opération
d'accordéon en procédure collective et son articulation avec le droit des sociétés. Toutefois, il
est à préciser qu’au Maroc, on ne retrouve pas de dispositions parallèles aux précédents
alinéas qui excluent l'application des seuils de reconstitution dans certaines situations. Nous
avons précédemment souligné que, en France, l'inapplicabilité de l'obligation de reconstitution
des capitaux propres prévue par l'alinéa 5 de l'article L.225-248 du code de commerce aux
procédures collectives ne signifie pas que cette obligation n'existe pas. En réalité, la
reconstitution des capitaux propres doit être décidée dans le cadre d'un plan avant de
s'appliquer à la procédure collective. Cette approche s'explique par les diverses possibilités de
reconstitution d'une société sans nécessairement toucher à son capital ou à ses statuts.
Au Maroc, comme en France, la modification du capital par le biais d'un plan de
sauvegarde est envisageable. La loi marocaine 73-17 mentionne cette possibilité en renvoyant
à l'article 570, qui prévoit que la modification des statuts (et donc potentiellement du capital)
peut être envisagée comme une solution aux difficultés rencontrées par l'entreprise. Il est alors
possible de convoquer l'assemblée compétente pour voter sur cette éventuelle modification.
S'agissant de la procédure de redressement, l'article 599 de la loi 73-17 prévoit que si le
syndic envisage de proposer un plan de continuation avec une modification du capital social,
il demande au conseil d'administration, au directoire ou au gérant de convoquer l'assemblée
générale extraordinaire ou l'assemblée des associés, selon le cas. Par conséquent, si les
capitaux propres sont inférieurs au quart du capital social en raison des pertes constatées dans
les documents comptables, l'assemblée est d'abord appelée à reconstituer ses capitaux à
concurrence du montant proposé par le syndic, qui ne peut être inférieur au quart du capital
social. L'assemblée peut également décider de réduire et d'augmenter le capital en faveur
d'une ou plusieurs personnes qui s'engagent à exécuter le plan.
A l'examen de cet article, on constate une structure très similaire à l'article L626-3 du
code de commerce français concernant l'élaboration du plan de sauvegarde. Au premier
alinéa, on retrouve l'idée d'un plan de continuation prévoyant une modification du capital, ce
qui justifie la modification du capital de manière similaire à l'article français et la soumet aux
assemblées. Au deuxième alinéa, on trouve le seuil du quart du capital social, qui fait écho au
seuil de la moitié prévu en France. Cet article prévoit également, comme nous l'avons vu pour
l'article L626-3 français, la réduction et l'augmentation du capital en faveur de personnes
s'engageant à exécuter le plan. Cela pourrait donc valider l'opération de coup d'accordéon au
Maroc, si l'on raisonne par analogie avec l'interprétation que certains auteurs français ont
donnée à cette formulation identique.
En France, les réformes ont poussé le dessaisissement et donc l'efficacité potentielle de
l'opération d'accordéon plus loin que ce qui est prévu au Maroc, où la modification du capital
se limite à une disposition presque identique à l'article L626-3 relatif à l'élaboration du plan
de sauvegarde. En premier lieu, l'article L.631-9-1 introduit par l'ordonnance du 12 novembre
2014 et modifié en 2016 stipule que si les capitaux propres n'ont pas été reconstitués
conformément à l'article L.626-3, l'administrateur est habilité à demander la désignation d'un
mandataire judiciaire chargé de convoquer l'assemblée compétente et de voter la
reconstitution du capital, jusqu'à concurrence du montant proposé par l'administrateur, en
remplacement des associés ou actionnaires opposants lorsque le projet de plan prévoit une
modification du capital en faveur de personnes s'engageant à exécuter le plan. On constate ici
une disposition bien différente de celle du Maroc concernant la modification du capital en
redressement. Le dessaisissement est beaucoup plus prononcé en France. On remarque que,
lors de la modification du capital (pouvant entraîner un coup d'accordéon), il est possible de
contourner le refus des associés ou actionnaires de voter une modification de capital requise
par le projet de plan de redressement. Cela est conditionné par le "refus des actionnaires de
reconstituer les capitaux propres devenus inférieurs à la moitié du capital social ou
d'approuver l'opération de « Coup d'accordéon ». Ainsi, l'opération d'accordéon est renforcée
dans le cadre des procédures collectives françaises. Cette disposition témoigne de la volonté
du législateur de favoriser une analyse économique du droit afin d'assurer une meilleure
répartition des pouvoirs entre les acteurs de la procédure. Cela est interprété comme étant lié
au rapport de force entre les créanciers et les actionnaires de l'entreprise en difficulté.
Le législateur français ne s'arrête pas là. L'article L631-19-2, introduit par la loi
Macron lors de la réforme de 2015, permet, si l'entreprise en difficulté atteint certains seuils,
d'imposer la dilution ou l'exclusion pure et simple des actionnaires refusant de voter la
modification du capital. Cette disposition est justifiée par la volonté de favoriser la poursuite
de l'activité de la société et l'intérêt général, d'où probablement les seuils fixés par l'article.
Certes, dans le droit des sociétés et le droit des entreprises en difficulté, tant au Maroc qu'en
France, il n'existe pas de disposition spécifique visant l'opération dite « Coup d'accordéon ».
Or, la pratique trouve implicitement sa justification et sa légitimité dans plusieurs dispositions
légales de ces régimes juridiques. Ainsi, l'opération de coup d'accordéon repose sur une base
légale qui lui sert de fondement juridique lorsqu'elle est mise en œuvre pour faire face aux
difficultés de l'entreprise. Cela contribue à rendre cette technique attrayante et lui confère une
certaine sécurité juridique, bien qu’elle ne soit pas expressément consacrée par le législateur.

Chapitre 2 : les difficultés liées à la mise en œuvre de l’opération d’accordéon


La mise en œuvre du « Coup d’accordéon » peut être complexe en raison de ses
implications financières et juridiques. L’obtention du consentement de tous les actionnaires
peut présenter un défi, car l’opération a un impact direct sur leurs droits et intérêts au sein de
la société. La difficulté réside aussi dans le fait que l’opération est composée de deux
mécanismes qui sont juridiquement distincts, mais qui se complètent dans le cadre du « Coup
d’accordéon », car l’un réduit le capital pour faire disparaître les pertes de capitaux propres
constatées dans les bilans et l’autre l’augmente pour le remettre aux seuils exigés par la loi,
voire même plus dans les cas où l’objectif est d’attirer les investisseurs et assurer la solvabilité
de l’entreprise autrefois, en difficulté.
Ainsi, après avoir exposé les éléments attestant de la complexité de la nature de
l’opération, il conviendrait de nous attarder sur les difficultés relatives à sa mise en œuvre, en
mettant en exergue la convergence des mécanismes de restructuration juridique qui la
composent dans un premier temps, (Section 1) pour ensuite détailler la divergence des intérêts
que l’opération génère dans un second temps (Section 2).
Section 1 : la convergence de deux mécanismes de restructuration juridique
fondamentalement différents.
S’il existe différents moyens de reconstituer les capitaux propres d’une société afin de
maintenir sa stabilité financière, réalisation d’un résultat bénéficiaire, abandon de créance ou
autres, l'augmentation de capital par le biais de nouveaux apports ou la réduction de capital en
imputant les pertes sociales, sont les méthodes les plus couramment utilisées. Il convient de
souligner que ces deux modalités peuvent être combinées pour réaliser une opération de
réduction/augmentation du capital social, communément appelée « coup d'accordéon ».15
Le « Coup d'accordéon » est un processus par lequel une société réduit son capital
social, éventuellement jusqu'à zéro si les pertes constatées le justifient, en imputant le montant
des pertes sur le capital existant. Ensuite, la société procède immédiatement à une
augmentation de capital en réalisant de nouveaux apports, ne serait-ce que pour atteindre le
minimum requis par la loi, qui peut varier selon le type de société. L'objectif principal de cette
opération est de rétablir l'équilibre financier de la société en compensant les pertes subies et
en renforçant ses capitaux propres. En réduisant le capital social et en imputant les pertes, la
société peut se débarrasser de son passif excédentaire et réorganiser sa structure financière.
L'augmentation de capital qui suit permet de reconstituer les fonds propres de la société,
généralement par de nouveaux apports en numéraire ou en nature.
S’agissant de la réduction de capital social indépendamment de l’augmentation à
laquelle le « Coup d’accordéon » la conditionne, est une procédure par laquelle les organes
compétents d'une société décident de diminuer le montant initial fixé lors de sa constitution et
inscrit dans ses statuts. Cette opération nécessite donc une modification des statuts de la
société. Les motifs de réduction du capital peuvent être regroupés en deux principaux types,
conformément aux dispositions légales de la loi 17-95.
Initialement, la réduction du capital est entreprise dans le but d'imputer les pertes
subies par la société. Lorsque la société connaît des pertes financières, l'actif net, composé du
capital et des réserves accumulées, sert de garantie envers les créanciers de la société.
Toutefois, lorsque ces pertes affectent la situation financière de la société au point de ne plus
refléter sa réalité économique, la réduction du capital peut être mise en œuvre pour rétablir
cette garantie et présenter une situation financière conforme à la réalité. Ensuite, la réduction
du capital peut également être réalisée en vue du remboursement d'une partie des apports des
15
P. RAIMBOURG & M. BOIZARD, Ingénierie financière, fiscale et juridique, DALLOZ, 2009, 2010.
associés, notamment en cas d'excédent de disponibilités. Si la société dispose de ressources
excédentaires, il peut être jugé approprié de réduire le capital social et de rembourser une
partie des fonds initialement apportés par les associés. Cette mesure vise à rationaliser la
structure financière de la société en ajustant ses capitaux propres à ses besoins réels.16 En ce
qui concerne sa mise en œuvre, la réduction peut être réalisée de deux manières, soit par la
diminution de la valeur nominale des actions, soit par la réduction du nombre d'actions,
conformément à l'article 208 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes. Dans le premier
cas, la réduction peut être effectuée en remboursant la partie non libérée du montant des
actions ou en rachetant les propres actions de la société. Dans le second cas, la réduction peut
être réalisée en rachetant les propres actions de la société ou en échangeant des actions.
La décision de réduction de capital est prise lors d'une assemblée générale
extraordinaire (« AGE »), qui doit respecter les principes régissant le droit des sociétés.
L'AGE peut déléguer le pouvoir de réaliser la réduction du capital au conseil d'administration
ou au directoire. L'avis de convocation adressé aux actionnaires doit préciser l'objectif de la
réduction de capital et la manière dont elle sera réalisée. Cependant, la décision de l'AGE est
limitée par le principe d'égalité entre les actionnaires, le montant minimum du capital social,
les droits des actionnaires et les engagements des actionnaires. Le projet de réduction de
capital doit être communiqué au commissaire aux comptes au moins 45 jours avant la tenue
de l'AGE, et celui-ci présente un rapport à l'AGE sur les causes et les conditions de la
réduction de capital. La réduction de capital doit faire l'objet d'une publicité, notamment par
l'insertion d'un avis dans un journal d'annonces légales et par le dépôt de la délibération de
l'AGE auprès du greffe du tribunal compétent. Les créanciers de la société ont le droit de
s'opposer à la réduction de capital, selon certaines conditions et délais.17La réduction de
capital est donc une opération qui peut être réalisée en diminuant la valeur nominale des
actions ou en réduisant le nombre d'actions. La décision est prise lors d'une AGE, avec des
limites et des procédures à respecter, notamment en ce qui concerne l'égalité entre les
actionnaires, le montant minimum du capital social, les engagements des actionnaires et les
droits des créanciers. La réduction de capital doit également être publiée et peut faire l'objet
d'une opposition de la part des créanciers dans certaines situations.
Il convient maintenant de se poser la question sur le deuxième mécanisme qui
compose notre opération. Force est de constater que bien que la réduction de capital ait été

16
L.HAMOUCHI & A.S. CHEIKHI, La modification du capital social en société anonyme, 2008,2009.
17
L.HAMOUCHI & A.S. CHEIKHI, La modification du capital social en société anonyme, 2008,2009.
évoquée en premier lieu, il est important de souligner la primauté accordée à l'augmentation
du capital social en tant que technique privilégiée pour redresser les sociétés et entreprises en
difficulté. En effet, les tribunaux ont souvent recours à l'augmentation de capital comme
solution systématique pour sauver les entreprises en difficultés économiques. Cette mesure de
redressement revêt une importance particulière et peut être justifiée par plusieurs raisons.
De prime abord, l'augmentation de capital est considérée comme l'une des solutions les
plus favorables permettant à une société d'obtenir des financements à moindre coût. En effet,
la société ne rémunère le capital qu'à travers le versement de dividendes, ce qui permet
d'attirer des investisseurs sans augmenter le fardeau des charges financières de l'entreprise. De
plus, l'augmentation du capital contribue à renforcer la fonction de garantie du capital, ce qui
favorise le rétablissement de la confiance des partenaires de l'entreprise. Les fonds propres
dont dispose une entreprise influent sur sa capacité à emprunter des capitaux. Par conséquent,
en augmentant son capital, l'entreprise améliore sa capacité d'emprunt, ce qui peut faciliter
son accès à des financements supplémentaires pour soutenir ses activités et sa croissance.
L’augmentation du capital social est ainsi considérée comme une mesure essentielle pour
redresser les sociétés en difficulté. Elle offre à l'entreprise des opportunités de financement à
coût réduit, renforce sa capacité d'emprunt et contribue à rétablir la confiance des partenaires.
Ainsi, elle joue un rôle crucial dans la restructuration et la revitalisation des entreprises en
difficulté économique.
L'augmentation du capital peut être réalisée par différents procédés, soumis à des
règles communes mais aussi à des conditions spécifiques en fonction du type d'apport
envisagé. Les conditions générales pour une telle augmentation sont établies par la loi n°17-
95 sur les sociétés anonymes, et leur non-respect peut entraîner la nullité de l'opération tel que
prévu dans l’article 201 de la loi sur les sociétés anonymes. La première condition concerne
l'organe décisionnaire. Selon l'article 186 de la loi sur les sociétés anonymes, seule
l'assemblée générale extraordinaire a le pouvoir de décider, sur la base des rapports du conseil
d'administration, du directoire et du commissaire aux comptes, une augmentation de capital.
Cependant, l'assemblée générale peut déléguer au conseil d'administration ou au directoire les
pouvoirs nécessaires pour réaliser l'augmentation de capital en une ou plusieurs fois, fixer les
modalités, constater sa réalisation et effectuer les modifications statutaires correspondantes.
La deuxième condition concerne la libération intégrale du capital précédemment souscrit.
Selon l'article 187d la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes, le capital doit être
entièrement libéré avant toute émission d'actions nouvelles à libérer en numéraire, sous peine
de nullité de l'opération. De plus, si l'augmentation du capital par appel public à l'épargne
intervient moins de deux ans après la constitution de la société, une vérification de l'actif, du
passif et des avantages particuliers consentis doit être effectuée par le ou les commissaires aux
comptes. Le non-respect de cette règle entraîne des sanctions pénales, telles qu'une amende de
8 000 à 40 000 dirhams et une peine d'emprisonnement d’un à six mois, prévue par l’article
395 de la loi 17-95. La troisième condition concerne la publicité préalable à l'opération. Selon
l'article 196, toute décision d'augmentation du capital, ainsi que les modalités de souscription,
doivent être portées à la connaissance des actionnaires et, le cas échéant, du public,
conformément à la loi. Trois procédures de publicité sont prévues, en fonction de la société
faisant ou non appel public à l'épargne et du caractère nominatif ou au porteur des actions. Si
la société ne fait pas appel public à l'épargne, les actionnaires sont informés de l'émission
d'actions nouvelles par le biais d'un avis publié au moins six jours avant la date de
souscription dans un journal d'annonces légales. En cas d'APE, l'avis doit être inséré dans une
notice publiée au Bulletin Officiel, et les derniers états de synthèse certifiés doivent y être
annexés. Si les actions sont nominatives, l'avis est remplacé par l'envoi d'une lettre
recommandée aux actionnaires au moins quinze jours avant la date d'ouverture de la
souscription. L'avis doit également informer les actionnaires du droit préférentiel, de ses
conditions d'exercice, des modalités, du lieu, des dates d'ouverture et de clôture de la
souscription, ainsi que du taux d'émission des actions et du montant à libérer. Enfin, la
quatrième condition concerne le délai de réalisation de l'opération. L'augmentation de capital
doit être réalisée dans un délai de trois ans à compter de l'assemblée générale qui l'a décidée
ou autorisée, sous peine de nullité, sauf en cas d'augmentation par conversion d'obligations en
actions. Elle est considérée comme réalisée à partir du jour de l'établissement de la déclaration
de souscription et de versement.
S’agissant de la procédure même de l’augmentation, La loi n° 17-95 sur la société
anonyme prévoit deux options pour l'augmentation du capital social. Selon l'article 182, cette
augmentation peut se faire par l'émission d'actions nouvelles ou par l'augmentation de la
valeur nominale des actions existantes. Dans le premier cas, les actions nouvelles peuvent être
libérées de différentes manières, telles que par apport en numéraire ou en nature, par
compensation avec des créances liquides et exigibles sur la société, par incorporation de
réserves, bénéfices ou primes d'émission, ou par conversion d'obligations. L'augmentation du
capital par apport en numéraire ou en nature présente des avantages significatifs en évitant à
la société de recourir à des emprunts obligataires ou bancaires. Cela peut également offrir des
avantages aux actionnaires et aux tiers, tels que des actions de priorité, qui confèrent certains
avantages particuliers sans affecter le droit de vote, sauf dans certains cas spécifiques. Si la
société est prospère, il est plus facile de trouver des souscripteurs et de demander une prime
d'émission en plus de la valeur nominale de l'action.
Les actionnaires ont un droit de préférence à la souscription des actions nouvelles en
numéraire, proportionnellement au nombre de leurs actions non cédées. Ce droit de préférence
sera étudié en détail, y compris son régime juridique, sa mise en œuvre et sa suppression.
L'augmentation du capital par compensation avec des créances liquides et exigibles implique
qu'un créancier de la société renonce au paiement en numéraire en échange d'une attribution
d'actions. Cette opération nécessite un arrêté de compte certifié par le conseil d'administration
ou le directoire, ainsi que par le ou les commissaires aux comptes. L'augmentation par
incorporation de réserves ne représente pas l'introduction de nouveaux actifs dans le
patrimoine de la société, mais plutôt un réaménagement des comptes pour affecter une somme
prélevée sur un ou plusieurs comptes de réserve au compte « Capital ». Cette opération
présente plusieurs avantages, notamment une meilleure proportion entre la valeur nominale du
titre et sa valeur boursière, une augmentation de la confiance des tiers envers la société et une
possibilité de mieux proportionner les dividendes à l'importance du capital. Cette forme
d'augmentation nécessite une décision de l'assemblée générale extraordinaire, sans nécessiter
l'accord unanime des actionnaires. Enfin, l'augmentation du capital par conversion
d'obligations nécessite une autorisation préalable de l'assemblée générale extraordinaire.18
Après avoir analysé les mécanismes de réduction et d'augmentation de capital
indépendamment l'un de l'autre, il est essentiel de comprendre comment ces deux mécanismes
convergent dans le domaine du droit des sociétés en général, et plus spécifiquement dans le
cadre de l'opération d'accordéon. En effet, dans le cadre du « coup d'accordéon », la
convergence des mécanismes de réduction et d'augmentation de capital se manifeste
également par leur interdépendance et leur complémentarité.
La réduction de capital permet à l'entreprise de réduire ses passifs, notamment en
annulant des actions détenues par les actionnaires. Cette opération peut être réalisée en
utilisant les pertes accumulées ou en réduisant la valeur nominale des actions. En réduisant les
pertes ou les dettes, l'entreprise améliore sa capacité à obtenir du financement, à négocier avec
18
L.HAMOUCHI & A.S. CHEIKHI, La modification du capital social en société anonyme, 2008,2009.
ses créanciers et à restaurer sa crédibilité auprès des investisseurs. Cependant, la réduction de
capital seule peut laisser l'entreprise avec des ressources limitées pour poursuivre ses activités
ou mettre en œuvre des projets de croissance. C'est là que l'augmentation de capital entre en
jeu. En émettant de nouvelles actions ou en augmentant la valeur nominale des actions
existantes, l'entreprise peut lever des fonds supplémentaires et renforcer sa structure
financière. L'augmentation de capital permet non seulement d'apporter de nouvelles liquidités
à l'entreprise, mais elle peut également améliorer sa réputation et sa confiance auprès des
investisseurs. Lorsqu'une entreprise réussit à attirer de nouveaux investisseurs ou à mobiliser
ses actionnaires existants pour participer à l'augmentation de capital, cela envoie un signal
positif quant à la confiance dans la direction future de l'entreprise. En combinant la réduction
de capital et l'augmentation de capital, l'entreprise peut donc réduire ses dettes, restructurer 19
ses passifs et renforcer simultanément ses ressources financières. Cette approche globale
permet de restaurer l'équilibre financier de l'entreprise, en créant une base plus solide pour sa
croissance future.
De plus, la convergence des mécanismes de réduction et d'augmentation de capital
dans le cadre du « Coup d'accordéon » peut également faciliter d'autres processus de
restructuration, tels que la réorganisation des activités, la consolidation de dettes ou même une
éventuelle fusion ou acquisition. En rétablissant la stabilité financière de l'entreprise, ces
opérations deviennent plus réalisables et attractives pour les parties prenantes et permet in fine
une approche holistique de la restructuration financière de l'entreprise. En réduisant les pertes
ou les dettes tout en renforçant les ressources financières, cette approche favorise la
restauration de la solvabilité de l'entreprise, améliore sa réputation auprès des investisseurs et
crée une base plus solide pour sa croissance future.
Etant donné que la complexité entourant la pratique d’accordéon a été exposée, il
serait maintenant judicieux de s’attarder sur les effets de l’opération lorsqu’elle est réalisée, et
comment l’encadrement jurisprudentielle essaye de trouver un équilibre entre les deux intérêts
au socle desquels l’opération touche.

Section 2 : la divergence d’intérêts juridiques générés par l’opération d’accordéon en


droit des sociétés.

19
L. DUFOUR, Le coup d’accordéon pour restructurer le capital social d’une entreprise, Le Blog du dirigeant.
Publié le 07/12/2021, consulté le 20/05/2023.
La notion d’intérêt fait l’objet de plusieurs définitions et d’une multitude
d’interprétations. En principe, les associés et les dirigeants expriment l'intérêt social au travers
d'un acte juridique. Cela commence par les statuts de la société, qui lient un ou plusieurs
associés à celle-ci et dans lesquels les dirigeants peuvent être désignés. Il convient de noter
que les associés d'une société créée de facto sont théoriquement liés par un contrat de société,
même en l'absence d'un document écrit, ce contrat étant généralement découvert a posteriori,
souvent lorsqu'on recherche la dissolution de la société. Les dirigeants peuvent également être
nommés par le biais d'une délibération des associés, qui constitue un acte juridique
manifestant la volonté de la société. Quel que soit le processus de désignation, le futur
dirigeant doit nécessairement consentir à cette fonction en l'acceptant ou en la refusant.20 En
règle générale, toute personne autre qu'un associé ou un dirigeant ne peut être liée à l'intérêt
social que par le biais d'un acte juridique. Cet acte peut prendre différentes formes, telles
qu'une délégation de pouvoir, un mandat de représentation, une décision de justice ou encore
un usufruit conventionnel.
En droit des sociétés, l'intérêt social constitue la référence à partir de laquelle une
définition pratique des conflits d'intérêts peut être établie. Cette définition, basée sur l'intérêt
social, peut s'appliquer à toutes les sociétés et concerner aussi bien les dirigeants que les
associés. Le conflit d'intérêts se manifeste quant à lui, dès lors que l'intérêt social est
confronté à des intérêts personnels, c’est-à-dire, lorsque les actions ou les décisions d'un
associé ou d'un dirigeant peuvent être influencées par des avantages personnels ou des
motivations qui vont à l'encontre de l'intérêt global de la société. Le concept d'intérêt
personnel est également lié à la volonté d'une personne de préserver ou d'accroître son
patrimoine. Cette notion se manifeste dans le contexte du « Coup d'accordéon » par la
divergence possible entre les intérêts des associés et ceux de la société. En particulier,
lorsqu'une entreprise traverse une période de crise financière, les associés peuvent se trouver
confrontés à la nécessité de recapitaliser la société en injectant de nouveaux fonds. Cependant,
cette décision peut être perçue comme un investissement à risque pour les associés, car elle
implique un engagement financier supplémentaire de leur part. D'un autre côté, l'intérêt de la
société dans le cadre du « coup d'accordéon » étant de rétablir sa solvabilité et sa capacité à
poursuivre ses activités, l’opération va permettre de renforcer les fonds propres de la société,

20
N. BOUCANT, Les conflits d’intérêts en droit des sociétés, Thèse de doctorat UPEC, 2022
d'améliorer sa structure financière et de restaurer la confiance des créanciers et des
investisseurs.21
Toutefois, il semble légitime que les associés soient réticents face au risques de
dilution de leur participation dans la société, de diminution de la valeur de leurs actions ou
encore de la remise en cause de leur contrôle sur la gestion de la société. Ainsi, il existe une
tension entre les intérêts des associés, qui cherchent à protéger leur investissement et à
minimiser les risques, et l'intérêt de la société, qui nécessite une recapitalisation pour assurer
sa survie. Il est donc primordial d'analyser ces divergences d'intérêts et de trouver un équilibre
entre la protection des associés et la préservation de l'intérêt social. Cela peut nécessiter la
mise en place de mécanismes de protection pour les associés, tels que des clauses spécifiques
dans les statuts de la société ou la négociation de garanties et de droits particuliers lors de
l'opération de « Coup d'accordéon ». Il est également essentiel d’exposer les règles et les
procédures prévues par la législation en vigueur en matière de restructuration financière et de
protection des droits des associés. La transparence, l'information et la consultation des
associés sont des éléments clés pour parvenir à un consensus et à une décision équilibrée dans
l'intérêt de toutes les parties prenantes. Aux fins de procéder à une analyse de ladite
divergence, il conviendrait de souligner le rôle que jouent la législation et la jurisprudence
pour remédier aux effets de la divergence.
En référence au rôle du commissaire aux comptes précédemment évoqué, ce dernier
joue un rôle protecteur, bien qu’entaché de complexité. En effet, le rôle de l’auditeur légal est
défini au titre de l’alinéa 2 de l’article 211 de la loi 17-95, selon lequel « l'assemblée statue
sur le rapport du ou des commissaires aux comptes qui font connaître leur appréciation sur
les causes et conditions de la réduction » est louable en principe. Ladite disposition s'inscrit
en effet, parmi les différentes mesures visant à prévenir les abus de majorité, plutôt que de
simplement limiter les conséquences une fois qu'ils ont été commis.
Le respect de l'égalité des actionnaires existants constitue la principale contrainte des
opérations sur le capital social. La vérification de cette règle fait partie intégrante du rôle du
commissaire aux comptes, car tout au long de sa mission au sein de la société anonyme, il doit
être attentif au risque de rupture de l'égalité. En tant qu'acteur essentiel dans le processus
décisionnel relatif au capital social, le commissaire aux comptes est en première ligne pour
détecter toute atteinte à cette égalité. Il est vrai que l'auditeur légal n'est pas spécifiquement
chargé de contrôler le respect absolu de l'égalité des actionnaires lors de cette opération, mais
21
N. BOUCANT, Les conflits d’intérêts en droit des sociétés, Thèse de doctorat UPEC, 2022.
il doit constamment garder cet objectif à l'esprit lors de l'exercice de ses autres vérifications et
contrôles. Si le commissaire aux comptes est convaincu que l'égalité entre les actionnaires n'a
pas été respectée, il doit discuter de cette irrégularité avec les dirigeants de la société anonyme
et signaler le problème à l'assemblée générale. Dans le cadre de cette opération, où le
législateur prend certaines libertés avec le principe d'égalité entre les actionnaires, il n'est pas
du ressort de l'auditeur légal de veiller à une égalité absolue, mais plutôt à l'absence de rupture
d'égalité interdite par la loi. Il s'agit d'une mission très intéressante qui demande une grande
vigilance de sa part afin de garantir un contrôle efficace de l'opération. Le rôle du
commissaire aux comptes est principalement de dissiper les suspicions des actionnaires
minoritaires qui estiment que l'opération en question porte atteinte à leurs intérêts et qui sont
enclins à soupçonner les dirigeants de négliger leurs intérêts au profit des actionnaires
majoritaires. L'intervention de ces professionnels permet d'éviter toute discrimination ou abus
lors des opérations de modification du capital social.
Pour atteindre cet objectif, ils doivent mener une vérification rigoureuse de l'opération
de réduction-augmentation afin de s'assurer que les intérêts en présence sont pris en
considération et qu'il n'y a pas de volonté de nuire aux petits actionnaires par le biais du coup
d'accordéon. Ainsi, toute réduction de capital à zéro entraînant la suppression des actions
existantes ne peut être approuvée qu'à la lumière du rapport du commissaire aux comptes,
document qui doit être présenté à l'assemblée générale qui se prononcera sur l'opération.
L'intervention de l'auditeur légal dans ce cadre est double : il doit tout d'abord s'assurer que la
réduction du capital a été réalisée de manière à préserver au mieux l'égalité entre les
actionnaires, qui doivent tous subir un sort commun. Plus concrètement, il vérifie que les
causes et les conditions de l'opération sont régulières et conformes aux dispositions légales.
Son rôle de diligence lors de l'augmentation de capital consiste à protéger les anciens
actionnaires dont le droit préférentiel de souscription a été supprimé. Selon les articles 209 et
211 de la loi 17-95, tels qu'ils ont été modifiés et complétés par la loi 20-05 : « la réduction
du capital est décidée par l'assemblée générale extraordinaire sur le vu d'un rapport des
commissaires aux comptes qui font connaître leur appréciation sur les causes et les
conditions de l'opération ». Le commissaire aux comptes fait état de son contrôle dans son
rapport spécial, établi à l'intention des actionnaires, dans le but de les informer sur
d'éventuelles atteintes à leurs droits, afin que l'assemblée puisse se prononcer sur les
opérations en question en toute connaissance de cause. Dans son rapport spécial à l'assemblée,
il expose les raisons de l'opération envisagée et souligne qu'elle est loin de compromettre
l'égalité des actionnaires. Lorsque le commissaire aux comptes vérifie le respect de l'égalité
des actionnaires, il veille à préserver la situation collective et à empêcher tout abus de
majorité. Son intervention dans ce cadre est cohérente avec l'ensemble de sa mission, ce qui
lui permet d'être le gardien vigilant contre les abus de majorité. A côté du rôle confié au
commissaire aux comptes dans le cadre de la prévention des abus pouvant s’opérer lors du
« coup d’accordéon », le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, a introduit de nouvelles
dispositions relatives aux infractions liées au fonctionnement des sociétés et leurs sanctions.
En effet, parmi ces infractions, on retrouve celles liées aux modifications du capital social.
Nous nous attarderons sur celles réalisées lors de l’augmentation du capital. On retrouve en
effet dans la loi 17-95 dans ses articles 395 et suivants les sanctions rattachées aux infractions
réalisées dans ce cadre-là, notamment lorsque Les membres des organes d'administration, de
direction ou de gestion d'une société anonyme seront soumis à des sanctions financières en
cas de non-respect des règles lors d'une augmentation de capital. Une amende de 4.000 à
20.000 dirhams sera infligée, si les actions sont émises avant l'établissement du certificat du
dépositaire, ou si les formalités préalables à l'augmentation de capital n'ont pas été
régulièrement accomplies. L'amende peut être doublée si les actions sont émises sans que le
capital souscrit précédemment par la société ait été intégralement libéré, ou sans que les
nouvelles actions d'apport aient été intégralement libérées avant leur inscription modificative
au registre du commerce. De plus, si les actions de numéraire nouvelles ne sont pas libérées,
lors de la souscription, d'au moins un quart de leur valeur nominale et, le cas échéant, de la
totalité de la prime d'émission, l'amende sera également doublée. Les mêmes personnes seront
également passibles de l'amende précédemment mentionnée si elles ne conservent pas les
actions de numéraire dans leur forme nominative jusqu'à leur entière libération. Dans le cas
des sociétés anonymes qui font publiquement appel à l'épargne, une peine d'emprisonnement
de un à six mois peut également être prononcée.
S’ajoutent à cela, les sanctions pécuniaires allants de 10 000 à 100 000 dirhams,
prévues à l’encontre des membres des organes d’administration, de direction ou de gestion
d’une société anonyme, lorsqu’ils ne font pas bénéficier les actionnaires d'un droit de
préférence à la souscription des actions de numéraire, en proportion du nombre de leurs
actions détenues ou s'ils ne réservent pas aux actionnaires un délai minimal de vingt jours à
compter de l'ouverture de la souscription, durant lequel ces derniers peuvent exercer leur droit
de souscription. Également, s'ils ne procèdent pas à l'attribution des actions restantes, faute
d'un nombre suffisant de souscriptions préférentielles, aux actionnaires qui ont souscrit de
manière réductible un nombre d'actions supérieur à celui qu'ils pouvaient souscrire
préférentiellement, en proportion de leurs droits, ou encore en cas d'émission préalable
d'obligations convertibles en actions, il ne préservent pas les droits des obligataires qui optent
pour la conversion. Enfin, si, en présence d'obligations convertibles existantes, ils amortissent
la valeur nominale des actions de capital, réduisent le capital par le biais de remboursements,
modifient la répartition des bénéfices ou distribuent des réserves sans prendre les mesures
nécessaires pour protéger les droits des obligataires qui optent pour la conversion. Cet article,
largement inspiré de l’article 450 de la loi française de 1966 et qui s’applique à toutes les
sociétés anonymes, y compris les sociétés anonymes simplifiées, établit en fait deux
catégories d’infractions ; celles liées directement à l’exercice préférentiel de souscription et
celles liées aux droits des titulaires d’obligations émises par la société, convertibles en
actions. S’agissant de la première catégorie, il est créé au profit des anciens actionnaires, à
l’occasion d’une augmentation de capital, un droit de préférence, proportionnellement au
nombre d’actions qu’ils possèdent. Pendant toute la durée de la souscription, ce droit est
négociable et cessibles, dans les mêmes conditions que l’action elle-même. Selon l’article 190
de la loi sur les sociétés anonymes, si l’assemblée générale l’a décidé expressément et si
certains actionnaires n’ont pas souscrit les actions auxquelles ils avaient droit à titre
irréductible, les actions ainsi rendues disponibles sont attribuées aux actionnaires qui auront
souscrit, à titre réductible, un nombre d’actions supérieur, proportionnellement à leur part
dans le capital, et dans la limite de leurs demande. Ce sont donc les infractions à ces deux
dispositions qui sont sanctionnées par la loi, sous réserve que l’assemblée générale n’ait pas
supprimé le droit préférentiel de souscription pour le réserver à une ou plusieurs personnes.
Quant à la deuxième catégorie d’infractions, celle relative aux droits des propriétaires
d’obligations convertibles en actions, il s’agit de toute souscription d’actions émises par
conversion d’obligations décidée à l’occasion d’une augmentation de capital doit être
réservée, en priorité, aux titulaires de ces obligations.
Pareillement, le législateur prévoit aussi des sanctions applicables en cas d’infractions
réalisées lors de la réduction du capital précédant son augmentation, notamment dans l’article
401 de la même loi qui énonce une amende de 10 000 dirhams, pouvant atteindre les 50 000
dirhams contre tout membre des organes sociétaires, qui aurait procédé à une réduction sans
respecter le principe d’égalité des actionnaires, ou sans communiquer le projet de réduction
du capital social aux commissaires aux comptes.
La mise en œuvre de l'opération d'accordéon devient particulièrement complexe en
raison de la divergence des intérêts juridiques qui en découle. Lorsque les membres des
organes sociaux se lancent dans cette opération visant à reconstituer les fonds propres d'une
société en crise financière, ils accordent une priorité à l'intérêt de la société en tant qu'entité
distincte de ses fondateurs, reléguant ainsi l'intérêt individuel des actionnaires au second plan.
Cette dynamique met en évidence un aspect délicat de l'opération d'accordéon, qui est souvent
redouté par les actionnaires. Malgré cela, cela ne dissuade pas la pratique de cette opération,
car elle est perçue comme une bouée de sauvetage pour les sociétés dont l'activité est en péril.
Ce phénomène de divergence d'intérêts met également en lumière une tension entre la
théorie institutionnelle de la société et la théorie contractuelle. En mettant en avant l'intérêt de
la société en tant qu'entité distincte et en privilégiant sa survie, l'opération d'accordéon
souligne l'importance des obligations et des responsabilités des organes sociaux envers la
société et ses parties prenantes. Cela peut parfois entrer en conflit avec la vision contractuelle
de la société, qui met l'accent sur les droits et les intérêts individuels des actionnaires en tant
que parties prenantes contractuelles. Ainsi, la mise en œuvre de l'opération d'accordéon se
heurte à cette divergence d'intérêts juridiques et met en évidence la complexité inhérente à
l'équilibre entre l'intérêt de la société et les intérêts individuels des actionnaires. Il est essentiel
de naviguer habilement entre ces deux perspectives pour assurer une procédure équitable, tout
en préservant la viabilité de la société en difficulté.
L'opération d'accordéon est ainsi perçue comme une solution complexe, mais justifiée,
malgré ses controverses et les défis qu'elle implique lors de sa mise en œuvre. Dans cette
perspective, il est important d'explorer comment la recapitalisation par « coup d'accordéon »
se situe à l'intersection entre son potentiel de sauvetage et le risque qu'elle représente pour les
droits des actionnaires.
Partie II : La recapitalisation par « Coup d’accordéon » entre salutaire remède et
dépossession des actionnaires
La recapitalisation en général est une opération financière courante pour les entreprises
qui cherchent à renforcer leur structure et à accéder à des fonds nécessaires à leur croissance.
En effet, au cours de sa vie, une société doit faire face à deux types de changements, réaliser
des projets de croissance d’un côté, en développant de nouveaux produits ou services ou en
accédant à de nouveau marchés, ou des difficultés.
Le principal objectif de la recapitalisation est de renforcer les fonds propres de
l’entreprise, qui correspondent à la valeur totale de ses actifs moins ses dettes. Lorsque les
capitaux propres d’une entreprise se retrouvent à une valeur inférieure au montant du capital
social, cela peut être un signal d’alerte pour les investisseurs et les créanciers, qui peuvent
percevoir cette situation comme une fragilité financière de l’entreprise. C’est souvent le cas
lorsque la société a connu une période difficile, une baisse de son chiffre d’affaires ou une
perte importante, encourageant ainsi ses organes de gestion à envisager la reconstitution des
capitaux propres. Ainsi, afin de comprendre la recapitalisation en général et la recapitalisation
par coup d’accordéon en particulier, il serait judicieux d’étudier la position de la
jurisprudence face au manque de consécration et la complexité du mécanisme.
Dans le premier chapitre de cette seconde Partie, nous aborderons le contraste de
l'appréciation jurisprudentielle du « coup d'accordéon ». Dans la (Section 1), nous
examinerons comment la jurisprudence française et marocaine reconnaissent cette opération,
tandis que dans la (Section 2), nous nous concentrerons sur le rôle plus encadrant du juge
français par rapport au juge marocain. Plus précisément, nous explorerons comment le juge
français limite les effets de cette pratique, notamment lorsqu'elle est utilisée dans le cadre d'un
abus de majorité au sein de la société concernée.
Dans le deuxième chapitre, nous nous pencherons sur les risques inhérents à
l'opération d'accordéon pour les droits des actionnaires. Nous analyserons en détail les
impacts potentiels sur ces droits (Section 1), en mettant en évidence les préoccupations liées à
cette pratique (Section 2).

Chapitre 1 : Une appréciation jurisprudentielle contrastée du « coup d’accordéon »


L'appréciation jurisprudentielle revêt une importance cruciale dans le contexte du
manque de consécration législative de l'opération d'accordéon. En l'absence de dispositions
légales claires et spécifiques régissant cette pratique, c'est au pouvoir judiciaire qu'il revient
de combler cette lacune et d'établir les principes et règles applicables.
La position de la jurisprudence concernant le « Coup d’accordéon » s’avère nuancée
malgré sa constance quant à la validité de l’opération dans différents scénarios. Le contraste
s’illustre notamment par le conditionnement de la validité, autrefois, presque assurée.
Nous verrons ainsi dans une première section l’appréciation favorable du « Coup
d’accordéon » par le juge, motivée par le pragmatisme et la cohérence de la pratique
(section1), pour ensuite développer dans une seconde section l’appréciation positive limité du
juge de l’opération d’accordéon, faisant face aux risques que l’opération présente pour les
actionnaires en général et les minoritaires en particulier (section 2).
Section 1 : une appréciation jurisprudentielle favorable en raison du pragmatisme et de
la cohérence financière de l’opération
La jurisprudence joue un rôle essentiel dans l'encadrement de l'opération d'accordéon
en fournissant des lignes directrices et en définissant les limites de sa mise en œuvre. Les
juges sont confrontés à des situations complexes et diverses, où les intérêts des différentes
parties prenantes peuvent être en conflit. Ils doivent donc analyser les cas qui leur sont soumis
et établir des décisions qui serviront de référence pour les litiges futurs. Par le biais de ses
décisions, la jurisprudence et en particulier la française, a permis de répondre à certaines
questions clés, telles que la validité de l'opération, les conditions de son exercice, les droits
des actionnaires, la protection des minoritaires, ou encore les conséquences sur le capital
social de la société. En développant une approche cohérente et prévisible, les décisions
jurisprudentielles contribuent à apporter une certaine sécurité juridique dans un domaine où la
législation est lacunaire.
La question sur la validité de l’opération s'est posée notamment dans le cadre de la
possibilité de réduire le capital social à zéro en cas de pertes. La Cour de cassation française a
abordé cette problématique dans son arrêt Usinor du 17 mai 199422, rendu suite au refus de
l'assemblée générale extraordinaire de dissoudre la société. Dans cette décision, la Cour a
autorisé la réduction du capital à zéro en annulant toutes les actions existantes et en utilisant
les fonds obtenus pour rembourser une partie des dettes sociales. Parallèlement, une
augmentation de capital a été effectuée en accordant la priorité aux actionnaires préexistants,
notamment à l'actionnaire majoritaire qui était également créancier de la société. Cette
augmentation de capital s'est réalisée par compensation avec la dette détenue par cet
actionnaire créancier, ce qui a immédiatement reconnu l'exigibilité de sa créance envers la
société. Cependant, les actionnaires minoritaires ont contesté la technique de réduction-
augmentation, alléguant une faute de gestion et soutenant qu'ils étaient exclus ou expropriés
de leurs droits.
Les actionnaires minoritaires ont, par conséquent contesté la décision de la Cour
d'appel, arguant que l'opération d'accordéon impliquait une augmentation de leurs
engagements, puisqu'ils doivent à nouveau souscrire au capital social de la société afin de
rester actionnaires. Ils ont aussi estimé que ladite décision aurait dû être prise à l'unanimité
plutôt qu'à la majorité. De plus, ils remettent en question la compensation, craignant qu'elle ne

22
C. cass, com, 17 mai 1994, 91-21.364, Publié au Bulletin, Légifrance.
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007032960
rende prématurément exigible la dette de l'État et ont affirmé que l'extinction du terme était
contraire aux intérêts de la société débitrice et constituait une atteinte à leur droit de propriété,
ainsi qu'une exclusion des actionnaires. Toutefois, la Cour de cassation a validé l'opération
d'accordéon, en affirmant que la souscription à l'augmentation du capital social était
facultative, et que la réduction du capital était légitime compte tenu de la situation financière
de la société. Elle a aussi considéré cela comme une manifestation de la participation des
associés aux pertes. D’un autre côté, l’appréciation positive de l’opération d’accordéon dans
les décisions jurisprudentielles découle aussi de la cohérence de la pratique et de son caractère
pragmatique.
En effet, selon K. NFISSI23, l'opération de coup d'accordéon est considérée comme
« l'instrument idéal » pour le refinancement d'une société en difficulté. Cette opération
commence généralement par une réduction du capital, qui peut se faire soit en réduisant le
nombre d'actions, soit en diminuant leur valeur nominale. Dans les deux cas, la valeur du
capital social est réduite. Mais comment cette réduction permet-elle d'apurer les pertes ? Le
capital social d'une société représente certes l'ensemble des apports souscrits par les associés.
Cependant, cette valeur ne tient pas compte des pertes accumulées. Ces pertes viennent
diminuer les capitaux propres, qui constituent les véritables actifs de la société. Ainsi, la
réduction du capital va permettre d'imputer les pertes sur le montant du capital social. On peut
simplifier cette situation par la formule : Capital social - Montant des pertes, ce qui nous
donne le véritable montant des actifs de la société.24 Cette équation évolue en fonction du
montant des pertes ; plus les pertes sont importantes, plus le capital social devient faible.
Grâce à cette compensation, la réduction de capital permet d'effacer les pertes antérieures. M.
C. HOUPIN explique que sans cette réduction, les nouveaux actionnaires se retrouveraient
injustement chargés d'un déficit qui a été accumulé avant leur entrée dans la société, et ils ne
pourraient pas recevoir de dividendes tant que ce déficit ne serait pas comblé. La réduction de
capital prépare donc une situation plus saine et attrayante pour les nouveaux actionnaires qui
souhaitent participer à l'augmentation du capital. Cela favorise le redressement de la société
en difficulté.
Il est aussi possible, comme nous l’avons exposé plus haut, que la société soit
contrainte de procéder à l'opération de coup d'accordéon par le biais d'un « coup d'accordéon
23
K. NFISSI, L’impact de la technique du coup d’accordéon sur les droits des actionnaires, RERJ, n°7, 2021,
consulté le 05/03/2023.
24
S. DEBBABI, Mémoire, Le coup d’accordéon comme mode de restructuration d’une société en difficulté, en
droit comparé français et marocain, Mémoire Online, 2021.
forcé ». Cela découle des dispositions du droit des sociétés concernant les seuils minimums.
Par exemple, en France, pour les sociétés anonymes qui ne font pas appel public à l'épargne,
le capital ne doit pas descendre en dessous de 37 000 euros, tandis qu'au Maroc, le seuil est de
300 000 dirhams pour les sociétés anonymes non cotées en bourse (3 millions de dirhams
pour celles qui font appel public à l'épargne). Il existe également un seuil de 100 000 dirhams
pour les SARL au Maroc. Toutefois, il convient de noter que depuis la loi Dutreil de 2003, la
SARL en France ne requiert pratiquement plus de capital social théoriquement 1 euro. Qu'est-
ce qui inciterait donc la société à souscrire à une augmentation si, théoriquement, elle n'est
pas obligée de le faire après une réduction de capital ? Il est tout simplement dans l'intérêt du
bon fonctionnement de la société. Un capital social trop faible présente de grands risques pour
la société, tels qu'une crédibilité réduite, des conditions strictes imposées par les investisseurs
ou autres acteurs, des difficultés à obtenir des financements externes en raison du manque de
crédibilité, ainsi qu'une vulnérabilité face à de futures pertes, puisque le capital déjà affaibli
ne pourra pas résister à de nouvelles pertes. C'est pourquoi la recapitalisation réalisée par
l'opération de coup d'accordéon revêt une grande importance.
Il convient de souligner qu'il s'agit d'une démonstration théorique de l'importance de
l'augmentation subséquente pour la santé de la société et la réussite de sa restructuration. Cela
met en évidence l'importance du principe d'indivisibilité du coup d'accordéon, car dans la
plupart des cas, l'opération d'accordéon est forcée en raison de l'imputation des pertes sur le
capital social, en raison de l'ampleur des pertes. Certains auteurs qualifient même cette
opération de « dernière chance ». De surplus, dans les cas de restructuration des entreprises,
qu'elle soit réalisée dans le cadre d'une procédure amiable ou collective, les sacrifices
nécessaires pour remédier aux difficultés de celles-ci sont souvent demandés en premier lieu
aux créanciers.
Dans le cas des procédures amiables, il s'agit notamment de négocier des remises de
dettes, des pénalités de retard et des délais de paiement avec les créanciers. Cependant, ces
négociations se déroulent sous la menace constante d'une procédure collective, telle qu'une
sauvegarde ou un redressement, qui imposent des restrictions. En droit français, qui favorise
largement les débiteurs, ou même en droit marocain, la liquidation de l'entreprise peut
entraîner une vente à prix réduit et des contraintes quant au remboursement partiel de la dette,
ainsi que des classements concurrents de créanciers privilégiés. Les salariés sont également
exposés au risque de licenciement lors d'une procédure collective. Ces principes s'appliquent
aussi bien en droit français qu'en droit marocain. Comme l'indiquent les auteurs marocains, la
restructuration selon les dispositions de la loi 73-17 se fait « …au détriment du paiement des
créanciers… », car le droit marocain des entreprises en difficulté est fortement inspiré du droit
français, qui constitue sa principale référence. Certains passages sont même repris tel quel.
Cela explique la similitude que l'on peut observer entre les articles français et marocains dans
ce domaine. De leur côté, les actionnaires ont l'obligation de contribuer aux pertes,
conformément à l'article 1832 alinéa 3 du Code civil français, qui prévoit que « …les associés
s'engagent à contribuer aux pertes… »25. En droit marocain, l'équivalent se trouve à l'article
1033 du dahir des obligations et des contrats, stipulant que « …la part de chaque associé
dans les bénéfices et les pertes est proportionnelle à son apport…». Les actionnaires doivent
donc concrètement libérer leurs apports souscrits mais non encore libérés, ainsi que les
apports qu'ils se sont engagés à libérer.
Cependant, cela est considéré comme insuffisant. Un autre auteur explique en
référence aux actionnaires que « …le législateur ne considère pas les membres de la personne
morale débitrice comme des partenaires économiques à part entière, contrairement aux
créanciers et aux salariés …». Cette tendance se manifeste également dans l’exemple de
l'ancien article L.624-1 du code de commerce français, qui étendait les effets de la procédure
de redressement et de liquidation à tous les membres d'une société personne morale, a
également été supprimé par la loi du 26 juillet 2005. Ainsi, la tendance en matière de droit de
la restructuration est protectrice des actionnaires dans les deux ordres juridiques français et
marocain très proches. C'est pourquoi l'opération de coup d'accordéon opère un changement
de paradigme. Elle offre une protection à l'actionnaire en l'abritant des conséquences
angoissantes découlant des pertes, telles que la dilution de sa participation dans l'entreprise
lors de la phase d'augmentation de capital souscrite par d'autres, ou même son exclusion de la
société lors de la phase de réduction du capital, où ses apports seront consommés par les
pertes et souvent complètement réduits à néant. Cela peut être dû à la non-souscription
volontaire de l'associé en question, à un manque de moyens financiers ou encore à des cas de
coup d'accordéon avec suppression du droit préférentiel de souscription. M. J. Ernst
DEGENHARDT considère de son côté que le sacrifice des actionnaires est équitable, car ils
sont « le groupe qui a bénéficié des plus grandes chances et qui a assumé en contrepartie les
plus grands risques ».26

25
Code civil Français.
Ce changement de paradigme opéré par l'opération d'accordéon est à l'origine de la
majorité des contentieux qui lui sont liés. En effet, cette opération, qui se situe à la frontière
entre le droit des sociétés et le droit des entreprises en difficulté, permettant ainsi la
remédiation aux difficultés et pertes de l'entreprise, n'est pas sans conséquence pour les
actionnaires, qui ressentiront les répercussions des altérations du capital social qu'elle
entraîne.
Il est donc clair que le juge répond le plus souvent favorablement aux questions liées
au coup d’accordéon, dès lors que le but de ce dernier tend à assurer la pérennité et la
continuité de la société qui y recourt et reconnait la validité du coup d'accordéon, même au
détriment des intérêts d'une partie des actionnaires. Cette décision est motivée par la priorité
accordée à l'intérêt de la société et à la préservation de sa continuité d'activité. En effet, dans
un arrêt rendu par la Cour de cassation le 18 juin 2002 27, celle-ci avait statué en affirmant que
l'opération d'accordéon, objet du litige avait été réalisée dans le but de sauvegarder la
pérennité de l'entreprise et qu'en cela, elle était conforme à l'intérêt social et n'avait pas
préjudicié à l’intérêt des actionnaires, même minoritaires.
La Cour a également souligné que l'opération litigieuse avait été approuvée par
l'assemblée générale des actionnaires dans le but de reconstituer les fonds propres de la
société, assurant ainsi la pérennité de l'entreprise, sans nuire aux actionnaires, même
minoritaires, et que les actionnaires majoritaires subissaient les mêmes conséquences. Cette
observation met en évidence que la réduction du capital à zéro n'a pas constitué une atteinte
au droit de propriété des actionnaires, mais plutôt une sanction de leur obligation de
contribuer aux pertes sociales dans la limite de leurs apports. Par conséquent, la cour d'appel a
pu conclure, de manière motivée, que cette opération n'était pas une expropriation illégale.
Dans un autre arrêt rendu en date du 15 juin 201028, la Cour de cassation s’est
prononcée sur la demande de la société MAALDRIFT concernant les délibérations de
l'assemblée extraordinaire de la société COMIREG qui s'était tenue en date du 29 juin 2004,
ainsi que l'opération de réduction et d'augmentation de capital qui en avait découlé. La société
26
J.Ernst DEGENHARDT « La hiérarchie du Bec » toujours renversée en procédure collective ? BJE nov.2015,
p432.
27
Cass. com. 18 juin 2002, 99-11.999. Publié au BO.

28
Cass. civ. com. 15 juin 2010, 09-10.961, inédit.
MAALDRIFT avait précédemment demandé l'annulation de ces délibérations en arguant que
l'opération de recapitalisation avait été mise en place par d'autres sociétés, à savoir FINARIES
et SYCAMINE, dans le but de diluer sa participation minoritaire et de poursuivre leur
entreprise de pillage de COMIREG.
Cependant, la Cour de cassation a rejeté cette demande de nullité. Elle a considéré que
l'opération dite « d'accordéon » avait été réalisée pour des raisons comptables et non dans le
but de nuire à la société MAALDRIFT. En effet, après avoir examiné le rapport du conseil
d'administration et du commissaire aux comptes, l'assemblée générale avait constaté que le
bilan de la société COMIREG, établi au 31 décembre 2003, affichait un montant de capitaux
propres négatif. Face à cette situation financière difficile, il avait été décidé de réduire le
capital social à zéro et de le réaugmenter immédiatement par la création de 10 000 actions
nouvelles. La Cour de cassation a estimé que cette opération était légitime et répondait à la
nécessité de rétablir une situation comptable saine pour la société COMIREG. Elle a souligné
que la demande de nullité de l'assemblée formulée par la société MAALDRIFT reposait sur
des irrégularités liées aux opérations préalables, mais que ces opérations n'avaient pas été
sanctionnées par la Cour. Par conséquent, la Cour a conclu que l'opération d'accordéon ne
pouvait pas être annulée, car elle découlait d'une situation comptable dégradée et n'était pas
motivée par un comportement fautif.
Ainsi, la Cour de cassation a infirmé le jugement précédent qui avait annulé les
délibérations de l'assemblée générale et a confirmé la validité de l'opération de réduction et
d'augmentation de capital. Cette décision met en évidence l'importance accordée par le juge à
la situation financière de la société et à la nécessité de garantir sa continuité et sa stabilité,
même si cela peut impliquer des sacrifices pour certains actionnaires. Certes, la jurisprudence
reconnaît généralement la validité des opérations d'accordéon, même lorsqu'elles peuvent
affecter les droits des actionnaires minoritaires. Cependant, elle veille attentivement à ce que
ces opérations respectent les principes d'égalité entre les actionnaires et sanctionne tout abus
de majorité. Ainsi, la jurisprudence établit des limites pour encadrer les effets de l'accordéon
et conditionne sa validité.

Section 2 : Une appréciation jurisprudentielle limitée en raison du risque d’abus de


majorité
Le coup d'accordéon est généralement considéré comme un sujet bien établi, avec une
jurisprudence favorable et relativement stable depuis de nombreuses années. Il n'a pas connu
de bouleversements majeurs sur le plan juridique. En effet, il a été consacré par la
jurisprudence il y a plus de vingt ans, comme en témoigne l'arrêt Usinor, qui légitimait la
réduction du capital d'une société à zéro, sous réserve d'une augmentation de capital ultérieure
pour atteindre le minimum légal requis. Malgré cette orientation jurisprudentielle claire, les
actionnaires minoritaires cherchent inlassablement à remettre en question les coups
d'accordéon auxquels ils estiment être victimes, car ils considèrent que l'opération porte
atteinte à leurs droits d'associés les plus fondamentaux en raison de sa brutalité. Dans certains
cas, les juges semblent donner raison à ces actionnaires minoritaires, même s'ils sont
généralement favorables à l'utilisation de l'accordéon. Ainsi, bien que le coup d'accordéon
bénéficie d'une reconnaissance juridique, les actionnaires minoritaires continuent de contester
cette opération en faisant valoir leurs droits d'associés. Les décisions des juges peuvent varier
en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas.
L'arrêt rendu par la chambre commerciale le 11 janvier 2017 29 représente selon S.
SYLVESTRE, une victoire pour les actionnaires minoritaires, confirmant la décision
d'annuler une assemblée générale extraordinaire ayant décidé un coup d'accordéon.30 Bien que
la fraude ait été invoquée comme motif d'annulation, il est légitime de se demander si c'est
réellement la fraude qui a conduit à cette décision. Dans cette affaire, les actionnaires de la
société Clinique de la Ciotat étaient en conflit. La société était majoritairement détenue par la
société de Gestion Sainte Marguerite , qui est l' « Actionnaire Majoritaire » tandis que des
actionnaires minoritaires comprenaient le Centre d'Hémodialyse Provence Aubagne et la
société Clinique La Casamance. En raison de la situation financière difficile de la société, une
assemblée générale extraordinaire a décidé d'une réduction de capital à zéro en raison des
pertes, ainsi que d'une augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de
souscription réservée à l'Actionnaire Majoritaire. Cette décision a été contestée par les
Actionnaires Minoritaires, car elle entraînait la disparition totale de leur investissement. Il est
en effet surprenant que, compte tenu de la situation financière de la société, la validité du
coup d'accordéon n'ait pas été retenue, car ce type d'opération est généralement considéré
comme conforme à l'intérêt social. Cependant, les circonstances spécifiques de cette affaire,

29
C. cass. com. 11 janvier 2017, 14-27.052, Inédit.
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000033884967
30
S. SYLVESTRE, le coup d’accordéon ou les vicissitudes du capital, bulletin Joly Sociétés, P :377, 2017
mises en évidence par la Cour de cassation, soulèvent des doutes quant à la légitimité de
l'opération. La Cour a souligné que la procédure requise par le Code de commerce n'avait pas
été suivie. Lors de l'approbation des comptes de l'exercice clos en septembre 2010, il n'a pas
été mentionné que les capitaux propres de la société étaient inférieurs à la moitié du capital
social. De plus, l'assemblée générale extraordinaire n'a pas été convoquée dans les délais
prévus par la loi. La Cour critique également le choix de convoquer l'assemblée générale en
août, une période où de nombreuses personnes sont indisponibles, pour prendre une décision
aussi importante. Sur le fond, la Cour remet en question la nécessité de la réduction de capital
à zéro, arguant que la survie de la société n'était pas en jeu. De plus, l'augmentation de capital,
réservée à l'Actionnaire Majoritaire, a été effectuée sans apport en numéraire réel, mais en
compensant une créance en compte courant de l'Actionnaire Majoritaire. Cela n'a pas généré
de trésorerie supplémentaire pour la société.
La décision de la Cour de cassation peut être critiquée lorsqu'elle affirme que la survie
de la Société n'était pas en jeu, malgré les documents présentés aux associés montrant des
capitaux propres et des résultats d'exploitation négatifs, une situation financière déficitaire
depuis 2003, et des prévisions indiquant peu d'améliorations à venir. Cependant, le moyen du
pourvoi souligne que lors de l'assemblée générale extraordinaire (AGE), il a été mentionné
aux associés que le projet de création du Pôle santé public-privé avait été autorisé en février
2005, que la Société avait obtenu une subvention de 1 000 000 euros de l'ARH PACA, ainsi
qu'un financement de 3 420 000 euros en décembre 2009, et que la construction de la partie
clinique avait débuté en janvier 2010. Ces informations, volontairement fournies par le
président aux associés, laissent penser que la survie de la Société n'était pas aussi menacée,
puisqu'elle parvenait à obtenir des financements et démontrait sa capacité à réaliser son objet
grâce à un projet de développement ambitieux. On peut également regretter l'appréciation de
la Cour concernant la libération de l'augmentation de capital par compensation avec la créance
de compte courant de l'Actionnaire Majoritaire, car cela donne l'impression que ce mode de
libération serait frauduleux. Cependant, même si la compensation du compte courant
n'apporte pas de trésorerie supplémentaire, il convient de souligner que l'apport initial en
compte courant a bien constitué un surplus de trésorerie, et que la compensation de ce compte
courant a permis de réduire l'endettement de la Société, contribuant ainsi à sa survie.
Cependant, en réalité, il convient de critiquer moins les décisions judiciaires de la
Cour d’Appel d'Aix-en-Provence et de la Cour de cassation que la présentation de l'opération
telle qu'elle a été faite par l'Actionnaire Majoritaire. En effet, le moyen du pourvoi révèle que
le rapport du président aux associés mentionnait clairement que l'un des objectifs du coup
d'accordéon était de donner le contrôle total de la Société à l'Actionnaire Majoritaire, afin de
rassurer ses propres actionnaires qui avaient cautionné les emprunts réalisés. L'Actionnaire
Majoritaire ne pouvait pas exprimer plus clairement son souhait de réaliser l'opération dans
son propre intérêt, en vue de prendre le contrôle de la Société. Il était cependant maladroit de
mettre explicitement l'accent sur cet objectif de prise de contrôle de la Société, même si l'on
peut penser que, dans ce cas précis, les raisons économiques de cette prise de contrôle étaient
justifiées. L'Actionnaire Majoritaire mettait en avant la situation financière déficitaire de la
Société, la nécessité d'investissements importants pour la construction de la partie privée du
Pôle santé, ainsi que le fait qu'il avait assumé tous les risques financiers et obtenu un prêt de
3,45 millions d'euros en tant que caution solidaire pour les emprunts liés à la construction de
la partie privée du Pôle santé public.31
Il est légitime de penser que c'est à travers cette volonté de prise de contrôle que la
cour d'appel et la Cour de cassation ont examiné l'ensemble de l'opération et décidé de son
annulation. En effet, la réduction du capital à zéro suivie d'une augmentation de capital avec
suppression du droit préférentiel de souscription a déjà été admise par la Cour de cassation.
Cependant, en plus d'avoir explicitement déclaré que l'objectif de l'opération était de prendre
le contrôle de la Société, l'opération a accumulé des violations des procédures de
reconstitution des capitaux propres, une convocation des associés en plein mois d'août, une
réduction de capital à zéro, une augmentation de capital réservée à un actionnaire et une
libération par compensation du compte courant. Tout cela fournissait aux Actionnaires
Minoritaires de nombreux arguments pour invoquer une fraude à leurs droits. La Cour de
cassation a conclu que « l'ensemble de cette opération avait pour objectif essentiel d'évincer
les actionnaires minoritaires, sans que rien ne démontre que cette éviction était justifiée par
l'intérêt social de la Société Clinique de la Ciotat ; que la cour d'appel a pu en déduire que les
délibérations de l'assemblée générale extraordinaire étaient intervenues en fraude du droit des
actionnaires minoritaires ». La Cour a donc sanctionné cette « contradiction de motifs » entre
l'intérêt social invoqué et la prise de contrôle effectuée. Pourtant, utiliser le coup d'accordéon
pour réaliser une prise de contrôle n'est pas critiquable en soi. En réalité, le coup d'accordéon
peut être un moyen d'effectuer une prise de contrôle, en permettant la substitution
d'actionnariat et l'apport de nouveaux capitaux. Cependant, il est préférable que cette prise de
31
S. SYLVESTRE, le coup d’accordéon ou les vicissitudes du capital, bulletin Joly Sociétés, P :379, 2017
contrôle soit présentée comme un effet collatéral de l'opération plutôt que comme son objectif
avoué. Ainsi, si le coup d'accordéon conduit à un changement de contrôle et à l'élimination
des anciens actionnaires, il est préférable de ne pas le dire et surtout de ne pas l'écrire dans le
rapport aux associés. Il convient de mettre en avant et de caractériser la contribution aux
pertes des associés, la nécessité de reconstituer les capitaux propres imposée par la loi, et la
survie de la Société, afin d'éviter toute remise en cause de l'opération.
Suite à la décision annulant l'accordéon en cas de fraude, il est important de souligner
une autre jurisprudence plus récente, datant du 4 janvier 202332. Cette nouvelle jurisprudence
introduit une condition essentielle, à savoir l'indivisibilité des deux mécanismes juridiques de
restructuration qui s'opèrent dans le cadre de l'accordéon. En d'autres termes, cette décision
met en avant le fait que les deux phases de l'opération d'accordéon doivent être indissociables
et solidaires l'une de l'autre. Il ne suffit pas de réduire le capital à zéro et d'augmenter ensuite
le capital pour que l'opération soit valide. Les tribunaux exigent désormais que ces deux
étapes soient intrinsèquement liées et ne puissent pas être séparées. Cette condition, bien
qu’elle était implicitement posée, vise à prévenir d'éventuelles fraudes ou manipulations lors
de la mise en œuvre de l'accordéon. Elle garantit que les actionnaires minoritaires sont
protégés et que leurs droits sont respectés, en évitant toute tentative de les évincer ou de leur
nuire.
En effet, la Cour de cassation française a apporté des éclaircissements importants sur
la question du conditionnement de l'opération d'accordéon dans une société par actions. La
Haute juridiction a donc rappelé que le coup d’accordéon reposait sur deux opérations
indivisibles, consistant en une réduction du capital pour apurer les pertes sociales, suivie
d’une augmentation de capital par apport de ressources nouvelles. Aussi, si la seconde partie
de l’opération est suspendue, la première partie est mécaniquement privée d’effet.33
Dans cette affaire, lors d'une assemblée générale extraordinaire d'une société par
actions simplifiée (SAS), tenue le 30 juin 2015, il a été décidé de réduire le capital social à
zéro et d'augmenter ensuite ce capital par la création de nouvelles actions, avec le maintien du
droit préférentiel de souscription des actionnaires. À la suite de cette opération, l'associé

32
C. cass. civ.com. 4 janvier 2023, 21-10.609 21-12.515, publié au bulletin.
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046959981?isSuggest=true
33
Juridique, L. M. (n.d.). Les effets de l’indivisibilité du coup d’accordéon, Le mag juridique (refonte
2021), consulté le 10/05/2023.
https://www.lemag-juridique.com/all-articles/articles-societes/articles/les-effets-de-lindivisibilite-du-coup-
daccordeon-3985.htm
majoritaire, ayant souscrit à l'intégralité de l'augmentation de capital, est devenu l'associé
unique de la société qui est devenue une société par actions simplifiée unipersonnelle
(SASU). L'un des associés minoritaires de la SAS a déposé une demande en référé auprès du
président du tribunal de commerce. Par une ordonnance du 11 septembre 2015, le président a
suspendu les résolutions constatant la modification du capital et des statuts, ainsi que celles
constatant la souscription de l'associé à l'intégralité de l'augmentation du capital. Seules les
résolutions relatives à la réduction du capital à zéro et au principe de l'augmentation
subséquente sont restées en vigueur.
Un mois après cette décision, l'associé de la SASU a approuvé un apport partiel d'actif
au profit d'une filiale de la société. L'associé évincé a demandé l'annulation de cet apport
partiel. La Cour d'appel de Paris a déclaré l'action en nullité de l'apport partiel d'actif
irrecevable, considérant que le demandeur avait perdu sa qualité d'associé en raison de
l'opération d'accordéon. Les juges ont estimé que l'absence de suspension de la réduction de
capital était suffisante pour valider l'opération d'accordéon et donc entraîner la perte de la
qualité d'actionnaire. En l'absence de cette qualité d'associé, il était privé du droit d'agir au
moment de l'introduction de l'action en nullité. Insatisfait de cette décision, l'associé
minoritaire a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel. La Cour de
cassation, en se référant aux articles L.210-2 et L.224-2 du Code de commerce français, a
énoncé que « la réduction du capital d'une société par actions à zéro n'est licite que si elle est
décidée sous la condition suspensive d'une augmentation effective de son capital, portant
celui-ci à un montant au moins égal au montant minimum légal ou statutaire ». Ainsi, il
importe peu que la résolution autorisant la réduction de capital n'ait pas été suspendue, car
tant que l'augmentation de capital n'était pas effective, la réduction ne pouvait pas avoir d'effet
légal. Il en ressort que lors de la réalisation d'un accordéon, de veiller à ce que les deux
mécanismes de restructuration soient interdépendants et indissociables. Il convient également
de souligner que cette nouvelle jurisprudence souligne l'importance de la transparence et de la
clarté dans la présentation de l'opération aux associés. Les rapports et les informations
communiquées doivent refléter de manière fidèle les objectifs et les conséquences de
l'accordéon, en évitant toute dissimulation ou manipulation des faits.
Dans un autre arrêt du 7 mai 2019, la Cour de cassation française a abordé la question
des voies d'action disponibles pour un actionnaire minoritaire confronté à une opération de
réduction du capital social, communément appelée « coup d'accordéon ». Cette décision offre
une nouvelle illustration de la manière dont les droits des minoritaires peuvent être préservés
tout en permettant la survie de l'entreprise. Le « coup d'accordéon » est une opération
financière utilisée dans les entreprises en difficulté pour réduire leur capital social à zéro, puis
le reconstituer immédiatement par l'émission de nouvelles actions. Cette opération vise à
assainir la situation financière de l'entreprise et à éliminer les pertes accumulées. Cependant,
elle peut entraîner une dilution importante des droits des actionnaires minoritaires.
Dans cette affaire, la Cour de cassation a cherché à équilibrer les intérêts des
actionnaires majoritaires, qui souhaitent la survie de l'entreprise, et ceux des actionnaires
minoritaires, qui peuvent être affectés négativement par le coup d'accordéon. La solution
adoptée par la jurisprudence permet de valider l'opération tout en protégeant les droits des
minoritaires. La décision de la Cour de cassation rappelle que l'opération de coup d'accordéon
doit être justifiée par des raisons objectives et sérieuses, telles que la sauvegarde de
l'entreprise ou la recherche d'un investissement nécessaire à sa pérennité. De plus, la Cour
souligne que l'opération doit être réalisée dans l'intérêt social de l'entreprise, c'est-à-dire
qu'elle ne doit pas être mise en œuvre dans le seul but de porter préjudice aux actionnaires
minoritaires. En reconnaissant ces critères, la Cour de cassation permet aux actionnaires
minoritaires de contester l'opération de coup d'accordéon s'ils estiment que leurs droits ont été
lésés. Les tribunaux auront alors pour mission d'évaluer si l'opération répond aux critères de
justification et d'intérêt social énoncés par la Cour de cassation.
Cette jurisprudence constitue donc une avancée significative dans la protection des
droits des actionnaires minoritaires lors d'opérations de coup d'accordéon. Elle offre un
équilibre entre les intérêts des différents acteurs tout en favorisant la survie des entreprises en
difficulté.
Chapitre 2 : le coup d’accordéon, une opération se heurtant aux droits des actionnaires
existants
Le « Coup d’accordéon » peut, lors de sa mise en œuvre, se heurter aux droits des
actionnaires qui risquent de voir leur participation diluée, ce qui réduirait leur influence et
contrôle au sein de la société. Le deuxième risque majeur encouru par les actionnaires est
aussi le fait qu’ils peuvent, carrément se voir évincés de la société, notamment lorsque leur
droit préférentiel de souscription est écarté de l’équation, soit de leur renonciation, ou de
force, ce qui est contradictoire aux règles et principes posés par la législation en vue d’assurer
la protection des actionnaires, notamment celui de la permanence de la qualité d’associé qui
leur est reconnu.
Il serait ainsi pertinent d’étudier comment l’opération se heurte aux droits des
actionnaires, en évoquant dans un premier temps l’impact de l’opération d’accordéon sur les
droits des actionnaires minoritaires (section 1) pour ensuite illustrer le risque d’évincement
auquel font face les actionnaires existants, lors d’un « Coup d’accordéon », dans un second
temps (section 2).

Section 1 : l’impact de l’opération accordéon sur les droits des actionnaires minoritaires
M.GERMAIN a dit : « Voici le droit fondamental des actionnaires à faire partie de la
société qui vole en éclats. Voici les actionnaires exclus». La citation de M. GERMAIN34
souligne de manière frappante la problématique de l'exclusion des actionnaires minoritaires
dans les opérations d'accordéon. Les décisions judiciaires favorables à ces opérations ont
soulevé des préoccupations quant à la préservation des droits fondamentaux des actionnaires.
La Cour de cassation française, dans un arrêt du 11 janvier 201735, a établi que
l'opération de coup d'accordéon doit être annulée en cas de fraude aux droits des associés
minoritaires. La décision de la Cour repose sur plusieurs constatations et appréciations. Tout
d'abord, elle souligne que la délibération initiale qui approuvait les comptes n'a pas mentionné
que les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social, et aucune assemblée
générale extraordinaire n'a été convoquée par la suite pour discuter de la dissolution anticipée
de la société. Ensuite, la Cour relève que l'objectif principal de l'opération était de permettre à
l'actionnaire majoritaire de prendre le contrôle total de la société, la reconstitution des
capitaux propres étant considérée comme un prétexte. De plus, la Cour estime que la survie de
la société n'était pas en jeu et que le choix du mois d'août, une période où de nombreuses
personnes sont indisponibles, pour prendre des décisions concernant la recapitalisation de la
société, n'était pas justifié. Elle constate également que l'augmentation de capital, réalisée en
créant de nouvelles actions réservées à l'actionnaire majoritaire, a été entièrement libérée par
compensation avec une créance en compte courant détenue par cet actionnaire, sans apporter
de trésorerie supplémentaire pour répondre aux besoins de financement invoqués. Enfin, la
Cour conclut que l'ensemble de l'opération avait pour objectif principal d'évincer les
actionnaires minoritaires, sans démontrer que cette exclusion était justifiée par l'intérêt social
de la société. Sur la base de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a donc pu
conclure que les délibérations de l'assemblée générale extraordinaire étaient intervenues en
fraude des droits des actionnaires minoritaires, et le moyen invoqué a été jugé non fondé.

34
M. GERMAIN : Le capital des sociétés commerciales, Le traité du droit des affaires, 20e éd, LGDJ-Lextenso,
Paris, 1946
35
C. cass. com. 11 janvier 2017, 14-27.052, Inédit.
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000033884967
En effet, bien que la réalisation d'une opération d'accordéon doive tenir compte des
droits des actionnaires minoritaires, il arrive parfois que ces droits soient compromis, et ce, de
manière légale. Cette situation peut être problématique pour les actionnaires minoritaires, car
ils peuvent se retrouver exclus ou évincés de la société sans disposer de recours efficaces pour
protéger leurs intérêts. Dans certains cas, cela peut être le résultat d'une manipulation des
décisions prises lors des assemblées générales extraordinaires, où les intérêts des actionnaires
majoritaires peuvent primer sur ceux des minoritaires. Cela peut conduire à des conséquences
injustes et préjudiciables pour les actionnaires minoritaires, qui voient leurs droits de propriété
et leur participation dans la société dilués, voire complètement éliminés. Malheureusement,
même si les droits des actionnaires minoritaires sont protégés par la loi, il peut être difficile
pour eux de faire valoir leurs droits et de contester ces opérations d'accordéon qui les
désavantagent. Cela souligne l'importance de la garantie de protection des droits des
actionnaires minoritaires opérée assurée par la jurisprudence.
La question des droits des associés dans le contexte des opérations d'accordéon suscite
des préoccupations depuis l'apparition de cette pratique, en particulier lorsque le coup
d'accordéon est validé par le juge. On peut se référer à l’arrêt Usinor, précédemment étudié,
dans le cadre duquel l'opération d’accordéon consistait à réduire le capital social à zéro, puis à
le réduire à nouveau après une augmentation de capital. Dans ce cas, les actionnaires
pouvaient légalement être exclus de facto de la société s'ils ne disposaient pas des liquidités
nécessaires pour exercer leur droit préférentiel de souscription. Cela ne créait pas de rupture
d'égalité entre les actionnaires, car l'actif net de la société était considérablement inférieur à la
moitié du capital social, et la survie de la société dépendait de la mesure de réduction du
capital à zéro, compte tenu du refus de l'assemblée générale de dissoudre la société.
Parallèlement, il faut noter aussi que lorsque le « Coup d'accordéon » est réalisé avec
un investisseur externe, certains actionnaires devront normalement céder leurs droits
préférentiels de souscription. À cet égard, on renvoi à l’arrêt du 18 juin 2002, dans lequel la
Cour de cassation s'est prononcée sur la validité d'un coup d'accordéon où l'augmentation de
capital était réservée à un tiers par suppression du droit préférentiel des actionnaires. Comme
nous l’avons expliqué plus haut, la suppression du droit préférentiel de souscription avait pour
objectif d'assurer la pérennité de l'entreprise et n'avait pas porté atteinte à l'intérêt commun
des associés, y compris des associés minoritaires. En effet, l'opération n'avait pas lésé les
actionnaires, car compte tenu de la situation, la seule alternative aurait été une faillite. De
plus, les actionnaires majoritaires avaient subi le même sort, ce qui démontre que la réduction
du capital à zéro ne constituait pas une atteinte au droit de propriété des actionnaires. Ainsi, la
suppression du droit préférentiel est possible même s'il s'agit du seul droit qui subsiste pour
l'actionnaire. Cette solution permet à l'investisseur qui vient en aide à une société en difficulté
d'obtenir le contrôle de celle-ci en réservant l'augmentation de capital à laquelle il souscrit.36
Cependant, lorsque la survie de l'entreprise n'est pas en jeu, les actionnaires
minoritaires peuvent avoir intérêt à contester une restructuration de la société qui entraîne la
disparition de leurs actions et porte atteinte à leurs droits. Dans de tels cas, il peut être crucial
pour les actionnaires minoritaires de défendre leurs intérêts et de protéger leurs droits lors de
ces opérations d'accordéon. De manière générale, le coup d'accordéon peut entraîner des
conflits avec les droits des actionnaires minoritaires, remettant en question leur place au sein
de la société. L'exclusion des actionnaires minoritaires constitue l'un des principaux
problèmes associés à cette opération. Lorsque le capital social est réduit à zéro, les actions
détenues par les actionnaires minoritaires sont annulées, les excluant ainsi de la société et les
privant de leur droit fondamental de participer aux décisions et aux bénéfices de l'entreprise.
De plus, le coup d'accordéon peut entraîner une dilution significative de la participation des
actionnaires minoritaires, réduisant ainsi leur pouvoir de décision au sein de l'entreprise.
L'augmentation du capital social et l'entrée de nouveaux investisseurs peuvent diminuer le
poids relatif des actionnaires minoritaires, limitant ainsi leur influence sur les décisions
stratégiques.
Une autre problématique réside dans la violation du droit préférentiel de souscription
des actionnaires minoritaires. Lorsque ce droit est supprimé, les actionnaires minoritaires sont
privés de la possibilité de participer à l'augmentation de capital et de maintenir leur position
relative. Cette inégalité de traitement peut porter atteinte à leurs intérêts. De surcroît , la juste
valorisation des actions des actionnaires minoritaires est cruciale lors d'un coup d'accordéon.
Cependant, il peut arriver que la valorisation soit sous-évaluée, nuisant ainsi aux intérêts des
actionnaires minoritaires en les privant d'une compensation équitable pour leur participation
dans la société. Enfin, le manque de transparence et d'information peut également poser
problème. Les actionnaires minoritaires peuvent être confrontés à un manque d'informations
détaillées sur les décisions relatives au coup d'accordéon, ce qui limite leur capacité à prendre
des décisions éclairées et à protéger leurs intérêts. Il est par ailleurs important de souligner

36
Avocats Picovschi : « Restructurations du capital : le « coup d’accordéon », mis à jour le 04/03/2019.
https://www.avocats-picovschi.com/ consulté le 01/06/2023.
que toutes les opérations d'accordéon ne sont pas nécessairement préjudiciables aux droits des
actionnaires minoritaires. Cependant, il est essentiel de garantir que leurs droits soient
protégés tout au long du processus, en veillant à ce qu'ils soient traités de manière équitable et
en leur fournissant les informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées.
Le premier élément d’abus de majorité lors d'une opération de « coup d'accordéon »,
découle du droit de vote de la majorité, qui, par le contrôle qu'elle détient, pourrait adopter
une décision préjudiciable aux actionnaires minoritaires de manière injustifiée. Le contrôle
constitue la base de cet abus, mais ce sont les effets de cette décision qui caractérisent
véritablement l'abus. L'abus de majorité est une notion qui fait référence à l'abus de pouvoir,
de décision ou de contrôle au sein de la société. Il s'agit essentiellement d'un exercice abusif
du pouvoir de contrôle. Le contrôle, dans ce contexte, représente le premier élément d'un abus
de majorité. Selon le professeur Claude CHAMPAUD37, contrôler une société signifie détenir
le contrôle des actifs sociaux de manière à exercer une maîtrise sur l'activité économique de
l'entreprise. Cela se manifeste notamment lors des assemblées générales où ce pouvoir est
exercé. L'opération de coup d'accordéon, en tant qu'opération financière relevant des
modifications de capital, peut être décidée par un vote à la majorité qualifiée lors de
l'assemblée générale extraordinaire. En France comme au Maroc38, cette décision est prise à la
majorité des deux tiers des voix exprimées par les actionnaires présents ou représentés.
Toutefois, il est important de noter que les abus de majorité sont, directement ou
indirectement, des abus du droit de vote.

Section 2 : le risque d’évincement auquel font face les actionnaires existants


Le risque de porter atteinte aux droits des actionnaires qui est omniprésent dans les
restructurations statutaires se multiplie dans l’opération d’accordéon. En effet, selon les
dispositions légales relatives aux droits des actionnaires, il est interdit à la fois de porter
atteinte à leur statut d'associés et d'augmenter leur engagement financier dans la société.
L'opération de "coup d'accordéon" se déroule en deux phases, et chacune de ces phases peut
potentiellement compromettre ces principes, que ce soit lors de la réduction ou de
l'augmentation du capital, si elles sont réalisées de manière imprudente.

37
Cl. CHAMPAUD, op.cit, n184 BIS p.161 cité par Anne-Laure Champetier De Ribes Justeau , «Abus de
majorité de minorité et d'égalité,» p.44
38
S. DEBBABI, Mémoire, Le coup d’accordéon comme mode de restructuration d’une société en difficulté, en
droit comparé français et marocain, Mémoire Online, 2021
L’interdiction de porter atteinte à la qualité d’associé renvoi à la permanence de ladite
qualité. Cette permanence signifie selon I. KAMOUN, que la permanence de la qualité
d’associé revêt en elle-même deux aspects. D’une part, lorsqu’une personne devient associée,
elle souhaite éviter d’être dans une situation précaire ou elle pourrait être évincée à tout
moment. Elle désire donc que sa qualité d’associé soit permanente. D’autre part, cette même
personne espère pouvoir quitter la société si elle ne souhaite plus maintenir sa position dans le
capital. I.KAMOUN, considère que la qualité d’associé, une fois acquise, pour tous modes
d’acquisition confondus, bénéficie à son porteur des droits variés de nature patrimoniale ou
extrapatrimoniale, on peut citer le droit aux dividendes et aux réserves, le droit d’assister aux
assemblées générales, le droit de vote, le droit à l’information, le droit à l’intangibilité des
engagements sociaux, le droit préférentiel de souscription, le droit de rester associé et aussi le
droit de quitter volontairement la société. Elle renvoie aussi à la théorie des droits propres de
l’associé, élaborée par la doctrine et apparue lorsque les juristes du XIXe siècle ont été
confrontés aux besoins d’évolution des sociétés commerciales et à la question de savoir
jusqu’où elles pouvaient modifier leur organisation première et a souligné l’importance des
droits spécifiques des associés. Les partisans de cette théorie considèrent que les statuts
peuvent être modifiés à condition de ne pas porter atteinte à un droit spécifique de l’associé.
Toutefois, la théorie des droits propres dépasse la simple question des pouvoirs de
l’assemblée générale extraordinaire pour modifier les statuts. Elle permet en effet de
distinguer les droits caractéristiques de la notion d’associé des autres prérogatives.
Les droits propres sont inhérents à la qualité d’associé et sont considérés intangibles
par nature ; parmi ces droits on retrouve celui de rester associé, de ne pas être exclu et celui de
quitter volontairement la société. L’associé est bien évidement aussi soumis à certaines
obligations, notamment celles de libérer les apports souscrits, de contribuer au passif de la
société, l’obligation générale de bonne foi et de non-concurrence. Tant qu’en effet l’associé
conserve sa qualité, il doit pouvoir exercer l’ensemble des prérogatives liées à cette qualité et
assumer tous les devoirs qui en découlent. De plus, la question de la permanence de la qualité
d’associé se situe à la croisée de thèmes de réflexion essentiels en droit des sociétés, tels que
l’intuitu personae, l’affectio societatis, l’intervention du juge dans la vie des sociétés, la
nature contractuelle ou institutionnelle de la société, ainsi que la balance entre l’intérêt social
et l’intérêt de l’associé. L’intérêt de s’attarder sur la question de la permanence de la qualité
d’associé, semble être pleinement justifiée par l’importance des intérêts en jeu, à savoir celui
de la société en tant qu’entité distincte de ses fondateurs, et l’intérêt de ses associés. Il a en
effet déjà été admis que l’entreprise est considérée comme un acteur économique autonome,
poursuivant ses propres objectifs, distincts de ceux de ses actionnaires. Cependant, ces
objectifs correspondent aussi à leur intérêt général commun, qui est d’assurer la prospérité et
la continuité de l’entreprise. Par conséquent, cet intérêt peut parfois, comme il a été admis
dans le cadre du « coup d’accordéon », justifier le départ d’un ou de plusieurs associés. 39
D’un autre côté, la deuxième interdiction relative à augmenter l’engagement des
associés, appartient au droit de l’actionnaire à ne pas être obligé d’augmenter ses
engagements au sein de la société. Les législateurs, marocain comme français ont mis en
place des dispositions consacrant le principe selon lequel un associé ne peut pas se voir
contraint à augmenter son apport. Le Code civil français, l’a précisé dans le cadre d’une règle
à portée générale prévue dans l’article 1836 al 2 qui reflète le caractère contractuel de la
société et qui prévoit qu’ « En aucun cas, les engagements d’un associé ne peuvent être
augmentés sans le consentement de celui-ci »40 ; En droit marocain, le principe est présent
dans le Dahir des obligations et des contrats dans son article 1001 qui fait ressortir l’idée en
prévoyant qu’ « Aucun associé n’est tenu de reconstituer son apport en cas de perte…, ni de
l’augmenter au-delà du montant établi par le contrat »41. Le principe étant que l’associé ne
peut en aucun cas être obligé à reconstituer son capital, même dans les cas où celui-ci a été
perdu du fait des pertes enregistrées par la société durant sa vie. La conception contractuelle,
clairement mise en exergue ici, renvoi à l’idée selon laquelle, pour procéder à la modification
des statuts, l’unanimité de tous les associés doit être obtenue. Toutefois, comme l’a souligné
S. DEBBABI, les nécessités de la vie sociale, ont pu introduire une autre conception
institutionnelle de la société, où l’unanimité des associés n’est plus requise pour modifier le
contrat social.
Pendant qu’en France, il a été constaté que l’interdiction énoncée à l’article L.225-96
du code de commerce qui dispose que seule l’assemblée générale extraordinaire est habilitée à
modifier les dispositions statutaires ; une disposition similaire existe au Maroc dans l’article
110 de la loi 20.05 modifiant et complétant la loi 17-95 relative aux SA. Les deux articles,

39
I. KAMOUN. La permanence de la qualité d’associé. (n.d.). Mémoire Online. 2006
https://www.memoireonline.com/07/09/2412/La-permanence-de-la-qualite-dassocie.html#:~:text=La
%20permanence%20de%20la%20qualit%C3%A9%20d'associ%C3%A9%20signifie%20que
%20celui,soit%20redout%C3%A9e%20par%20l'associ%C3%A9.

40
Code civil français
41
Dahir des Obligations et des Contrats, B.O du 12 septembre 1913.
précisent également que l’assemblée générale extraordinaire prend ses décisions à la majorité
des deux tiers. Une précision qui fait naître la principale difficulté et la relative contradiction
selon laquelle ces mêmes articles prévoient aussi que l’assemblée générale ne peut pas
augmenter les engagements des actionnaires. On se libère donc de l’exigence de l’unanimité
pour la modification des éléments du contrat de société, découlant de la conception
contractuelle, pour permettre la modification des statuts à la majorité des deux tiers, mais
lorsqu’il s’agit d’augmenter les engagements des actionnaires, l’unanimité demeure à l’ordre
du jour. Une nuance qui suscite le questionnement, encore une fois, sur la nature du « coup
d’accordéon », serait-il donc assimilable à une simple modification de capital et de statuts
devant être votée par l’assemblée générale extraordinaire à la majorité des deux tiers, ou
plutôt une augmentation de capital, interdite et nécessitant l’unanimité des associés pour être
mise en place ? Face à une question d’ordre pratique, il peut encore une fois, nous sembler
critiquable que les législateurs, marocain ou français restent silencieux et ne pas apporter de
précision à ce sujet.
De leur côté, la jurisprudence française et la doctrine présentent certaines solutions.
Dans un premier temps, on retrouve un arrêt datant du 9 janvier 1937 de la chambre civile de
la Cour de cassation qui s’exprime sur les engagements des actionnaires et qui explique que «
… Les engagements des actionnaires primitifs ne sont augmentés que si les dispositions
prises par l’assemblée entraînent une aggravation de la dette, contractée par eux envers la
société ou envers les tiers... » Une décision qui a aussi eu écho en droit marocain, notamment
en doctrine qui semble l’interpréter en le sens que la majorité exigée dans l’assemblée, ne
peut pas forcer l’actionnaire à verser des sommes supérieures à celles qu’il s’était engagé de
verser à la société lors de sa souscription. Par ailleurs, nous savons maintenant, que
l’opération d’accordéon est une opération qui, suite à sa phase de réduction lors de laquelle
elle va effacer le capital social précédent et donc les apports des actionnaires déjà existants
qui s’y rattachent, procède à une augmentation qui se fera par les actionnaires de la société en
question ou d’autres investisseurs extérieurs qui chercheront à accéder audit capital. Bien que
parmi les prérogatives reconnues aux associés, le droit préférentiel de souscription est un droit
réservé à tous les actionnaires, à condition que ces derniers aient intégralement libéré leurs
actions. Posée par l’article L.228-29 du Code de commerce français, la condition de la
libération totale des apports est aussi une condition pour l’augmentation de capital social
prévue par l’article 187 de la loi 20-05 relative aux Sociétés Anonymes. Ce droit, comme son
nom l’indique offre aux anciens actionnaires qui ont vu leurs apports réduits dans le cadre de
l’opération d’accordéon, un droit de préférence à la souscription d’actions nouvelles,
proportionnellement au montant de leurs actions.
Dans le cas de la Société anonyme, l’article L.225-132 du Code de commerce français
et l’article 189 de la loi portant sur ladite forme sociale, permettent, malgré le caractère
d’ordre public du droit préférentiel, aux actionnaires d’y renoncer individuellement. Cette
alternative reconnue au mécanisme d’accordéon pose ainsi un problème à l’actionnaire qui
refuse de voir son engagement augmenté après que ses apports ont subi une réduction
conséquente et qu’il décide de ne pas participer à l’augmentation de capital.
D’après S. DEBBABI, 42la conséquence de l’alternative au maintien de, bien qu’elle
soit négative, varie selon l’intensité de la contrainte. Si en effet la dégradation de la situation
de ce même actionnaire n’est pas totale, son pouvoir dans la société peut se voir dilué face à
celui des nouveaux apporteurs ou encore face à celui des anciens actionnaires ayant souscrits
à l’augmentation, en revanche, la contrainte serait d’autant plus intense, si du fait de
l’extinction totale des apports de l’actionnaire ayant refusé de participer à l’augmentation par
la réduction du capital à néant, cela entraînerait son éjection totale de la société. Il est donc
évident que l’opération d’accordéon porte atteinte à la fois au droit de l’actionnaire de ne pas
voir ses apports augmentés et à son droit de ne pas être exclu de la société contre son gré.43
Certains auteurs ont expliqué que lorsque la collectivité décide d’un « coup
d’accordéon », la réduction du capital et l’augmentation subséquente peuvent placer
l’actionnaire devant un dilemme douloureux à savoir souscrire ou subir les conséquences dont
l’une est de voir ses droits dilués, tandis que l’autre, plus grave, se voir évincé de facto de la
société. C’est en effet cet aspect-là de l’opération accordéon qui fait qu’elle présente des
risques et des défis à la protection des actionnaires. En plus des droits sociaux reconnus aux
actionnaires, elle touche aussi à l’une des prérogatives de droit commun reconnues aux
associés, à savoir le droit de propriété.
Le législateur considère en effet que les parts et actions sociales sont, depuis que le
Code Napoléon français les a définies comme des biens meubles, appropriables. Cette
appropriation donne selon certains auteurs, aux actionnaires, un droit opposable à tous et
semblable à un droit réel absolu. Ce même principe est aussi reconnu en droit marocain par la
42
S. DEBBABI, Mémoire, Le coup d’accordéon comme mode de restructuration d’une société en difficulté, en
droit comparé français et marocain, Mémoire Online, 2021.
43
Ph. MARIN (IMAVOCATS), « Peut-on exclure contre son gré un associé lors d'un "coup d'accordéon ? »,
Fusacq.com, consulté le 03/03/2023.
Constitution de 201144 qui garantit le droit de la propriété et explique que l’expropriation ou la
limitation dudit droit constitutionnel ne peut se faire que lorsqu’elle répond à des exigences
d’utilité publique relatives au développement économique et social de la Nation.
Il ressort ainsi que lors d’une opération d’accordéon où le capital fait l’objet d’une
réduction à zéro et combinée avec une non-souscription à l’augmentation qui l’a suivi,
l’actionnaire peut se voir exclu de facto de l’entreprise et risque de se trouver confronté à trois
hypothèses distinctes. La première concerne l’expropriation volontaire de l’actionnaire lui-
même, qui, même s’il avait les moyens de souscrire à l’augmentation, a refusé d’y participer.
Bien qu’en pratique l’hypothèse semble être dénuée de sens, théoriquement, elle n’entrave pas
le droit de l’actionnaire à ne pas être exclu contre son gré de la société. La seconde, est celle
où l’actionnaire qui n’a pas les moyens de souscrire à l’augmentation se voit exclu de facto
bien qu’il ait gardé son droit préférentiel de souscription, ce qui protège l’opération contre la
qualification d’expropriation de l’actionnaire contre son gré et par conséquent sa validité. La
troisième concerne l’actionnaire ne pouvant pas souscrire à l’augmentation car son droit
préférentiel a été supprimé et ne fait que subir la disparition de ses apports.
On retrouve ainsi au sens de ces mêmes hypothèses, la théorie de l’exclusion forcée
par la suppression du droit préférentiel de souscription qui diffère de l’alternative de
renonciation volontaire par son caractère contraignant. Prévue par le régime des
augmentations de capital en droit marocain comme français, elle permet, comme son intitulé
l’indique, de supprimer le droit préférentiel de suppression. C’est ici la possibilité pour
l’assemblée générale extraordinaire, de supprimer ce droit, reconnue au titre des articles
L.225-135 du Code de commerce français et 192 de la loi 20.05 relative aux SA. Les articles
L.225-238 et 193 des mêmes législations sont ensuite venu préciser que ladite suppression
peut se faire en faveur d’une ou plusieurs personnes, sous-entendant les éventuels nouveaux
investisseurs appelés « bénéficiaires », ce qui va interdire à l’associé qui ne se trouve pas dans
la « liste des bénéficiaires », prévue par l’assemblée générale ou les organes de gestion, de
souscrire à l’augmentation. L’atteinte au droit de propriété de l’actionnaire est ici visible dans
le sens où celui-ci, bien qu’il souhaite participer à l’augmentation suivant la réduction du
capital à zéro, se verra refusé à la souscription.
Certes, les droits des actionnaires, tels que le droit de ne pas voir leurs engagements
augmentés contre leur gré ou le droit de garder leur qualité d’associés, sont considérés
intangibles. Cependant, lorsqu’une opération d’accordéon est réalisée en cas de graves
44
Dahir n°1-11-91 du 29 juillet 2011 portant promulgation du texte de la Constitution marocaine.
difficultés financières de la société causées par les pertes, il en résulte la disparition du capital.
Les actionnaires sont alors contraints de verser de nouvelles sommes, de subir les
conséquences du refus de versement voire empêchés de verser dans certains cas et se trouver
simplement exclus au profit d’autres investisseurs. Cette situation semble en effet alarmante
pour les actionnaires qui peuvent légitimement considérer que leurs droits en tant
qu’actionnaires sont violés. Face à ces risques considérés calamiteux par plusieurs des juristes
et auteurs qui se sont penchés sur la question des droits sociaux dans le coup d’accordéon, il
serait pertinent de se poser la question sur le système de protection prévu pour préserver les
droits des actionnaires et s’il existe en effet des mesures visant à instaurer un équilibre entre
l’intérêt de ces derniers qui semble passer en second plan et celui de la société en tant
qu’entité autonome et personne morale détachée de ses fondateurs et associés. K. NFISSI45 a
mis l’accent sur la limite faisant face à la liberté de recourir au coup d’accordéon, ouverte aux
sociétés par actions. Il s’agit des principes mis en place pour régir l’opération de
restructuration et conditionnant sa validité, notamment le principe d’égalité des actionnaires46.
Elle soulève aussi que face au risque de lésion des droits des actionnaires, certaines mesures
de protection s’imposent afin d’éviter toute discrimination ou rupture d’égalité à l’occasion de
l’opération d’accordéon. En principe, l’égalité de traitement des actionnaires favorise les
coups d’accordéon qui eux-mêmes sont censés encourager les sociétés à reconstituer leurs
fonds propres. Il s’agit donc d’une mesure reconstitutive du capital. La loi 17-95 impose une
règle de fond devant gouverner toute réduction de capital social. Prévue par l’article 210, le
principe énonce que la réduction ne doit en aucun cas avoir pour effet ni de porter atteinte à
l’égalité des actionnaires ni d’abaisser la valeur nominale des actions en dessous du minimum
légal. Comme nous l’avons déjà abordé, la réduction du capital peut dans certains cas arriver à
zéro, ce qui emporte une double conséquence. Les anciens titres disparaissent avec les droits
s’y rattachant et les associés se voient chassés de la société. Pour que l’opération soit donc
licite, elle ne doit pas constituer un abus de majorité. Le principe étant que tout actionnaire
doit supporter ou tirer profit des mêmes opérations en fonction du nombre d’actions qu’il
possède, l’opération doit donc porter sur toutes les actions de manière égalitaire. Quant à la
phase d’augmentation de capital, la règle de l’égalité n’est formellement respectée que si tous
les actionnaires ont la possibilité d’y souscrire.
45
K. NFISSI, L’impact de la technique du coup d’accordéon sur les droits des actionnaires, RERJ, n°7, 2021,
consulté le 11/06/2023.
46
K. NFISSI, L’impact de la technique du coup d’accordéon sur les droits des actionnaires, RERJ, n°7, 2021,
consulté le 05/03/2023.
Une stricte égalité ne pourrait donc être respectée que si toutes les actions ont été
annulées et les rapports d’échanges étaient les mêmes pour les actionnaires majoritaires et
minoritaires qui auraient tous la possibilité de souscrire à l’augmentation de capital décidée,
participant ainsi à l’apurement des pertes et à la reconstitution du capital social sans aucune
discrimination à l’égard de la minorité. Le principe d’égalité étant un principe d’ordre public
ayant pour but le maintien de la démocratie au sein de la société dans le cadre de l’opération
de restructuration, il vise à éviter que des actionnaires minoritaires de trouvent écartés et
dépossédés de leurs droits dans la société.

Conclusion :
L'opération dite du « Coup d'accordéon » suscite un intérêt certain en matière de
refinancement des sociétés confrontées à une situation où leur actif net est intégralement
perdu. Toutefois, une préoccupation majeure réside dans la possibilité que ce mécanisme
puisse être utilisé par les actionnaires majoritaires comme un moyen détourné pour exclure les
actionnaires minoritaires. La jurisprudence a tenté de répondre à cette préoccupation en
mettant en avant l'intérêt social et commun des actionnaires, sans qu'il y ait d'intention
frauduleuse ou de rupture d'égalité. En effet, l'opération-accordéon permet de valider la
réduction du capital à zéro, ce qui facilite le refinancement de la société et contribue à sa
survie. Cette justification repose sur l'idée que les conséquences graves pour les actionnaires
peuvent être justifiées par l'intérêt social de la société et la nécessité d'assurer sa continuité, ce
qui finalement bénéficie à l'ensemble des actionnaires.
Néanmoins, malgré les justifications apportées par la jurisprudence en faveur du coup
d'accordéon, il reste indéniable que cette opération engendre une véritable "valse" des
actionnaires. Cela soulève la nécessité d'une intervention objective de la part des
commissaires aux comptes, qui doivent veiller à préserver l'égalité des actionnaires et
protéger leurs droits contre toute lésion éventuelle.
Par ailleurs, bien que le coup d'accordéon présente des avantages financiers
intéressants, il engendre également des conséquences multiples et importantes pour les
associés, qu'ils soient actuels ou potentiels. Les actionnaires actuels voient leurs actions
disparaître suite à la réduction du capital à zéro, ce qui peut entraîner une augmentation de
leurs engagements en cas de souscription à l'augmentation ultérieure du capital ou une
exclusion imposée s'ils ne participent pas à cette augmentation. Ainsi, il est légitime de se
demander si les actionnaires bénéficient d'une réelle liberté de choix, étant donné qu'ils
doivent sacrifier leur droit de rester dans la société afin de régulariser sa situation déficitaire.
Le préjudice subi par les actionnaires actuels étant donc une conséquence directe de
leur contribution aux pertes de la société. Aussi, bien que la légalité de l'opération ne soit plus
remise en question, son régime suscite encore des difficultés et des interrogations. Il serait
peut-être opportun que des études approfondies, accompagnées d'une intervention législative
claire réglementant expressément la technique du coup d'accordéon, soient entreprises afin de
trouver des solutions aux problèmes juridiques déjà soulevés.

L’intérêt de la société peut donc être recherché au détriment des intérêts individuels
des associés. Cette prévalence de l'intérêt social sur les intérêts particuliers des membres de la
société est une des conséquences de leur appartenance à celle-ci. Néanmoins, il est essentiel
de trouver un équilibre adéquat entre ces différents intérêts pour assurer la justice et la
protection des droits des actionnaires dans le cadre de l'opération d'accordéon.
BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES :

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d’accordéon : le pacte d’associés », Option Finance, 21 Février 2020, p. 13.
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de la société ne porte atteinte ni à l’intérêt commun des associés, ni au droit de propriété
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o R. MORTIER, « La réalisation du coup d’accordéon », La semaine juridique-Entreprise
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o S. SYLVESTRE TOUVIN, Résumé « Le coup d’accordéon ou les vicissitudes du
capital » thèse de doctorat en Droit privé, 2002.
o J. Ernst DEGENHARDT « La hiérarchie du Bec » toujours renversée en procédure
collective ? BJE nov.2015, p432.

ARTICLES :

o G. LE NOACH : « Coup d’accordéon : la réduction du capital à zéro indissociable de


son augmentation », Lettre Creda-sociétés n° 2023-02, 25 janvier 2023.
o Cabinet BELHOUCINE, « Le coup d’accordéon », Lexis Nexis Maroc, publié le
10/09/2021
o Ph. MARIN (IMAVOCATS), « Peut-on exclure contre son gré un associé lors d'un
"coup d'accordéon ? », Fusacq.com, consulté le 03/03/2023.
o Avocats PICOVSHI, Restructurations du capital : le « coup d'accordéon », mis à jour le
04/03/2019.
o L. DUFOUR, Le coup d’accordéon pour restructurer le capital social d’une entreprise,
Le Blog du dirigeant. Publié le 07/12/2021.
o M. PERRIN, « Coup d’accordéon » Publié le 01/04/2018 - Mis à jour le 14/06/2021
o M. PERRIN, « l’opération d’augmentation du capital de la société », Publié le
05/11/2017 - Mis à jour le 15/06/2021
o Challenge. Coup d’accordéon chez Brink’s Maroc. 17 mars 2017, Challenge.ma.
ETUDES ET MÉMOIRES :

o S. DEBBABI, Mémoire, Le coup d’accordéon comme mode de restructuration d’une


société en difficulté, en droit comparé français et marocain, Mémoire Online, 2021.
Consulté le 18/05/2023.
o KAMOUN. La permanence de la qualité d’associé. (n.d.). Mémoire Online. 2006.
Consulté le 21/05/2023.
o K. NFISSI, L’impact de la technique du coup d’accordéon sur les droits des actionnaires,
RERJ, n°7, 2021, consulté le 05/03/2023.

JURISPRUDENCES :

o Cass. com., 17 mai 1994, no 91-21364, Bourgeois et autres c/ Sté Usinor.


o Cass. com. 11 janvier 2017, n° 14-27.052, du mauvais usage du coup d’accordéon, inédit.
o Cass. civ. Com. 04 janvier 2023, n° 21-10.609, pub.
o Cass. civ. Com 20 mars 2007, n° 05-19.225.pub
o Cass. com. 18 juin 2002, 99-11.999. Pub.
o Cass. civ. com. 15 juin 2010, 09-10.961, inédit.

DISPOSITIONS NORMATIVES :

o Loi 17-95 relative aux Sociétés Anonymes.


o Loi 20-05 modifiant et complétant la loi 17-95.
o Loi 5-96 sur la SNC, la SCA, SAS, la SARL et la société en participation.
o Loi 21-05 modifiant et complétant la loi 5-96.
o Dahir des Obligations et des Contrats
o Code de commerce français.
o Code civil français.
o Dahir n°1-11-91 du 29 juillet 2011 portant promulgation du texte de la Constitution
marocaine.

WEBOGRAPHIE :

o https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article

o https://corpgov.law.harvard.edu/2014/03/20/delaware-decision-reinforces-need-for-
proper-procedure-in-squeeze-out-merger/

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%2Fequity%20swap%20is%20a%20refinancing%20deal%20in%20which,or
%20improve%20its%20equity%20standing.

o https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007032960

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o https://www.memoireonline.com/07/09/2412/m_La-permanence-de-la-qualite-
dassocie.html
Dernière date de consultation le 15/06/2023

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