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Bazin Vincent

Belabes Fares
Colbertisme et exploitation coloniale.

Le document que nous allons vous présenter aujourd’hui est un ouvrage d’économie destiné
à un public de personnes initiées au domaine économique, commercial et politique traitant
de
la situation économique et commerciale des possessions américaines de l’Espagne à la fin
du XVIIème et au XVIIIème siècle. Il s’agit d’un extrait de l'ouvrage Nuevo sistema de
gobierno económico para América. Son auteur José Del Campillo est un économiste et
homme politique de la fin XVIIème et XVIIIème siècle. Issu d’une illustre famille asturienne, il
occupa des postes à responsabilité au sein de l'État castillan et fut un commissaire en
nouvelle espagne. Cependant la paternité de ce texte est remise en question en Espagne
par des universitaires notamment Fernando Duran Lopez de l’université de Cadix qui relève
des incohérences surtout vis à vis de la date présumée de parution de l’ouvrage qui est
postérieure à la mort de José Del Campillo en 1743. D’autres historiens espagnols pensent
également que ce texte pourrait être une reprise d’un autre auteur plus ancien. Il se pourrait
qu’un auteur postérieur à Campillo ait écrit ce texte tout en lui attribuant le mérite. Le débat
en Espagne reste ouvert et ne pouvons pas certifier que Campillo est bien l’auteur de ce
document.
Le document prend son contexte dans l’Empire colonial espagnol en Amérique. De la
découverte par Christophe COlomb en 1492 de l’arc Caribéen en passant par la conquête
du Mexique et d’une grande partie de l’Amérique du Sud l’Espagne règne sur un immense
territoire. La conquête s’achève dans les années 1570 avec les guerres au Nord contre
les Chichimèques, au Sud contre les Araucans et à l’Est avec la conquête de la Bolivie des
Chiriguanos. Suite à ces conquêtes, une organisation sur le modèle européen se met en
place avec un découpage des territoires en VIce-Royautés sous le le contrôle du Conseil
des Indes fondé en 1524 et répondant à la couronne. Ces vices-rois vont administrer de
manière locale au nom du Roi en s’appuyant sur une administration locale prenant en charge
la justice, la gestion du commerce et la perception des impôts et des tributs imposés aux
amérindiens. A la fin du XVIIIème siècle, l’Espagne règne sur un territoire immense
composé de 5 ensembles : les vices-royauté de Nouvelle-Espagne, du Pérou, de
Nouvelle-Grenade et De La plata ainsi que des possessions dans les Caraïbes. Ces
grandes entités sont elles-mêmes divisées en Audience, Présidence et Capitainerie
Générale. Ces possessions outre-atlantique feront de l’Espagne un riche et puissant Empire
de l'Époque Moderne grâce aux richesses de ses colonies avant de connaître un déclin à
partir du XVIIème siècle.
Dans ce contexte nous pouvons nous demander dans quelle mesure la politique
économique et commerciale mercantiliste est inadaptée dans le contexte de l’Empire
colonial espagnol ?
Pour tenter d’apporter une réponse à cette problématique, nous commencerons par aborder
le modèle économique local à travers l’exploitation minière, l’activité agricole et le système
commercial. Dans un second temps, nous nous intéresserons au caractère inadapté de la
politique économique et commerciale mercantiliste via les taxes nuisibles au commerce,
l’autosuffisance locale et les échanges commerciaux avec les étrangers. Pour finir, nous
présenterons les idées de réformes dites régérationnistes à savoir un nouveau système
colonial sans violence, en rendant plus facile les exportations des produits espagnols vers
l’Amérique et la mise en place de lois protectionnistes.
I. Le modèle de l’économie locale

Au cours de la période moderne, l’Empire colonial espagnol en Amérique possède des


caractéristiques composant un modèle économique local basé sur trois aspects permettant
de mettre en valeur cet immense territoire à savoir l’exploitation minière, l’agriculture et le
commerce.

A. L’exploitation minière

Des lignes 119 à 125 l’auteur évoque l’importance du rôle de l’attrait des espagnols pour les
ressources minières, je cite : “ Après les conquêtes est venu l’appât des mines et nous
avons continué à en tirer une infinité de trésors qui n’ont fait que passer et sont allés
enrichir d’autres Nations. Le véritable trésor de l’Etat, que sont les hommes, s’est
épuisé dans cette tâche cruelle”. Cet extrait démontre l’intérêt des Conquistadores pour
les métaux précieux qui ont, à eux seuls, motivé partiellement les conquérants à s’enfoncer
toujours plus loin à la recherche d’or et d’argent renforçant le mythe de l’Eldorado. Suite aux
conquêtes s’accompagnant de pillages des trésors amérindiens, les nouveaux arrivants se
sont reposés sur l'industrie minière déjà existante et par la recherche de l’or alluviale. Les
ressources en minerais alors jugées inépuisables du Nouveau Monde ont permis le soutien
de la politique impériale de la couronne du XVI au XVIIIème siècles. Au cours du XVIème
siècle l’exploitation des minerais se réorganise avec l’introduction de l’amalgame en
Nouvelle-Espagne. Dans le même temps, dans les territoires du Pérou notamment dans les
mines du Potosi, l'ancienne méthode de raffinage amérindienne le Guayaras est toujours en
vigueur jusqu’à la diminution des rendements au début du XVIIème siècle et l’introduction de
l’amalgame.
L’industrie minière se met en place autour des haciendas de beneficias où le minerai extrait
est acheminé pour y réaliser les différentes opérations de raffinage et l’obtention des
métaux précieux. Malgré la mise en place de ces structures, l'exploitation de l’or et de
l’argent reste coûteuse en moyen avec un fort besoin de main d'oeuvre humaine et animale
pour l’extraction et le transport. Afin de répondre au besoin en main d'oeuvre, les autorités
coloniales mettent en place le système des mitas à savoir l'enrôlement de force des
populations indigènes pour exploiter les gisements même si des travailleurs libres vont
également travailler à l’extraction des minerais. De plus, l’altitude ou les conditions
climatiques sont souvent un obstacle non négligeable. Nous pouvons prendre l’exemple des
espaces semi-désertiques Nord-mexicains où le manque de bois pour étayer les galeries
pose des problèmes de sécurité et l'impossibilité une fois que le minerai de surface est
épuisé de s’enfoncer plus profondément. Les conditions de travail dangereuses provoquent
la mort de nombreux esclaves et mineurs libres, l’auteur qualifiant l'activité minière de “tâche
cruelle” à la ligne 125.
Les XVII et XVIIIème siècles voient une baisse de la production qui pousse la couronne à
réagir sur plusieurs points. Tout d'abord par une réduction des impôts sur l’extraction des
minerais passant d’un cinquième de la production à un dixième. Pour faciliter l’exploitation
des mines et le raffinage des métaux, une baisse du prix de la poudre noire et du mercure
nécessaire à la réalisation de l’amalgame est décidée entre 1768 et 1777. Afin de mieux
encadrer le secteur, des tribunaux spécialisés sont créés en 1777 à Mexico et en 1785 à
Lima, des collèges des mines sont également ouverts notamment à Mexico pour optimiser la
production minière. Enfin, l'Etat facilite l’accès au crédit pour les mineurs pour dynamiser le
secteur.
Ces réformes lancées par les Bourbons pour soutenir l’industrie minière ont pour objectif de
maintenir un système mercantiliste au profit de la métropole. Nous pouvons également dire
que l’argent et l’or vont malgré l'interdiction de commercer avec les autres nations enrichir
les adversaires de l’Espagne, mais aussi de soutenir l’effort de guerre notamment en
finançant la construction de navires de guerre le contrôle des mers étant alors un enjeux
primordial. Nous pouvons aussi mentionner le rôle de l’industrie minière dans l’inflation
observée en Europe au XVI et XVIIème siècles.
Malgré la quantité de métaux précieux extraite dans les mines du Nouveau Monde, les
bénéfices engendrés par cette industrie ne vont pas égaler ceux de l’agriculture comme le
cite Thomas Calvo dans son ouvrage L’Amérique Ibérique de 1570 à 1910 : “ Vers
1790-1800 l’agriculture mexicaine rapportait quelque 200 millions de pesos par an, les
mines 25 millions”.

B. L’activité agricole

Malgré le peu d’allusion au secteur agricole dans le texte, nous ne pouvons pas négliger
l’importance de l’agriculture qui est l’un des piliers de l’Empire espagnol en Amérique. Des
lignes 82 à 84 l’auteur écrit : “La conservation de ce marché aurait maintenu notre
agriculture et nos fabriques dans leur ancienne prospérité”. A travers cette phrase,
l’auteur souligne l’autosuffisance économique et alimentaire des colonies vis à vis de la
métropole. En effet dès les conquêtes effectuées, les Conquistadores encore imprégnés de
valeurs féodales sont très attachés à la possession de terres agricoles comme le soutien
Michel Bertrand dans son ouvrage L’Amérique ibérique : “ Elle renvoie au prestige attaché à
la terre dans une société construite sur un modèle nobiliaire et seigneurial”. Dans un premier
temps, les européens vont se reposer sur l’agriculture amérindienne mais rapidement on
assiste à l'émergence de plantations et d’unités de production les haciendas. Ces dernières
sont dès le XVIIème siècle des exploitations agricoles pouvant s’étendre sur de grande
distance et regroupant tous les services nécessaires aux esclaves, maîtres et employés les
composant. Elles sont souvent construites à proximité des terres indiennes afin de répondre
au besoin de main d'oeuvre. L’élevage va prendre également de l’importance tout comme la
culture de produits éxotique comme le sucre, le tabac et le cacao au sein de plantation sur le
même modèle que celui des haciendas. Ce système va se coupler à de petites
communautés rurales pratiquant une agriculture vivrière formant un secteur agricole pouvant
répondre aux besoins alimentaire des populations, l’Espagne n’étant pas en mesure de les
ravitailler comme le texte le mentionne lignes 93 et 94 : “ l’incapacité de l’Espagne à leur
fournir aujourd’hui ce qu’il leur faut”. Mais également de pratiquer des cultures de rentes
qui sont exportées en Europe et faisant la richesse des planteurs et des marchands des
Amériques et d’Espagne.

C. Le système commercial

Le système commercial de l’Empire espagnol repose sur le mercantilisme à savoir une


relation de dépendance économique et commerciale des colonies au profit de la métropole
avec un monopole des exportations vers les colonies et des importations en provenance de
ces dernières. L’auteur des lignes 61 à 63 le résume avec la phrase : “L’Espagne
fournissait tout à ses Indes et, en retour, tout ce qu’elles produisaient lui était
destiné”.
Le commerce permettant de réaliser des bénéfices importants, le monopole commercial est
encadré par une administration dédiée à savoir la Casa de la contratacion de Indias créée
en 1503 à Séville puis déplacée à Cadix en 1517. Cette administration contrôle le commerce
vers les colonies jusqu’en 1790. Cette dernière prévoit l’interdiction à tous ports mise à part
Séville puis Cadix de commercer avec les Amériques. Dans le même esprit, seuls les ports
de Carthagène et de Portobello sont autorisés à faire du commerce avec les marchands
venus d’Espagne et uniquement dans le cadre de foires dont les dates sont fixées par
l'administration. Pour assurer le transport des richesses des Amériques, l’Espagne utilise
des flottes entières escortées par des Galions comme le cite l’auteur des lignes 127 à 129 :
“comme la méthode de commercer avec les Indes au moyens de flottes et de
galions”. Cette flotte marchande se nomme la Carrera de Indias et sera la seule habilitée à
effectuer le transport de marchandise entre l’Espagne et les Amériques. Les richesses de
l’Empire étant très importantes comme le souligne l’auteur des lignes 5 à 8 : “d’aussi riches
possessions nous offrent des bénéfices à la mesure de l’immensité de ces domaines
et de la richesse de leurs productions", les marchands vont prendre une grande
importance. Dès le XVIème siècle ces derniers vont s’associer en corporations, celles des
marchands des Indes ou Cargadores de India qui vont désigner deux consuls afin de régler
les litiges commerciaux entre marchands. Dans le même esprit, des corporations similaires
se forment dans les capitales des Vices-Royautés de Nouvelle-Espagne et du Pérou entre le
XVI et XVIIème siècle.
A ce système de monopole va également s’ajouter une contrainte supplémentaire, toujours
au profit de la métropole, l’interdiction de commercer entre les provinces espagnoles des
Amériques et avec les autres puissances dont les colonies sont proches des possessions
espagnoles. Cette centralisation de la gestion des échanges et plus généralement de
l'économie dans ce contexte mercantiliste va néanmoins rapidement atteindre ses limites à
partir des XVII et XVIIIème siècles du à sa rigidité rendant difficile l’adaptation au niveau
local.

II. Une politique économique et commerciale mercantiliste inadaptée.

Comme nous venons de l'évoquer, la rigidité du système mis en place par l’Espagne à partir
du XVIème siècle va se montrer inefficace notamment à travers les taxes imposées, les
réalités des productions locales ainsi que les échanges informels entre les colonies et avec
les colonies étrangères.

A. Des taxes nuisibles pour le commerce.

Dans le document, l'auteur fait à plusieurs reprises mention du poids de la fiscalité sur
l’activité commerciale dans les Amériques au début du XVIIIème siècle contrairement à une
époque antérieure sous le règne de Philippe II entre 1556 et 1598. Il l’affirme des lignes 53 à
67 je cite : “ À l'époque de Philippe II, étaient florissantes en Espagne et aux Pays-Bas
que nous dominions, toutes sortes de fabriques que n’avaient ni la France, ni
l’Angleterre, et il n’y avait pas de République de Hollande dans le monde [...].
L’exclusion des produits étrangers était alors effective [...] on a alors pu faire
supporter des droits peu élevés et imposer des restrictions, sans pour autant que ce
soit une entrave”.
En ce qui concerne le XVIIIe siècle, l’auteur dénonce la méthode employée pour taxer le
commerce des Amériques sur la base du volume exporté comme aux lignes 138 et 139 : “la
méthode qui consiste à percevoir les droits en fonction des dimensions des paquets
à contribué tout autant à la ruine du commerce”. Selon lui, cette méthode a exclu les
exportations vers les Amériques de produits volumineux mais nécessaires au plus grand
nombre au profit de produits plus raffinés moins volumineux. Pour appuyer ces dires, il écrit
ligne 145 à 148 : “ en Amérique pour vingt pauvres qui ont besoin de choses
grossières et ordinaires, on ne sert qu’un seul riche qui veut des produits fins”.
Cependant, l’auteur ne cite pas l’ensemble des taxes imposées sur les produits
commerciaux et sur le transport. Pour commencer nous pouvons mentionner l’Averia
permettant de financer l’escorte des navires de commerce jusqu’à la fin du XVIIe siècle
quand la couronne prend en charge l’entretien des navires d'escorte. De plus, pour faire
fonctionner l'organe administratif chargé des échanges commerciaux la Casa de
Contratacion, une taxe nommée almojarifazgo est perçue à travers un droit de douane sur
toutes les marchandises entrant et sortant des ports de commerce. Enfin, une taxe allant de
6 à 10% du prix de toutes les transactions commerciales est perçue l’alcabala.
A cela, des taxes en amont de la commercialisation sont également prélevées notamment
dans le secteur minier avec le Quinto à savoir un cinquième de la valeur des extractions, en
1723 cette taxe sera réduite au dixième de la valeur extraite le Diezmo. L’agriculture est
également concernée, en plus de la Dîme payée au Clergé, des taxes indirectes sont
prélevées sur chaque transaction. Au cours des XVII et XVIIIe siècles, la pression fiscale sur
le commerce et plus largement sur l’économie va s’accentuer et culminer lors de la guerre
de Succession d’Espagne de 1701 à 1714 avec les besoins de la couronne en revenus pour
financer le conflit.
Le résultat de la politique économique et commerciale est donc un échec, la pression
fiscale évoquée au cours de cette partie va avoir pour conséquence une explosion de la
contrebande, des fraudes et du commerce avec les autres puissances coloniales dont les
possessions entourent les Indes espagnoles.

B. Des échanges commerciaux avec les étrangers

Le mercantilisme, qui est le système dans lequel un gouvernement contrôle le commerce


qui se produit sur ses territoires tout comme le monopole commercial, a reflété de nombreux
problèmes dans cet empire colonial.
En effet, cette politique commerciale basée sur le mercantiliste et le monopole commercial
n’a pas profité aux colonies. Ces dernière, étaient interdites de commercer avec des
personnes ou des entreprises qui n’avaient pas de licence du roi ; en particulier, il était
interdit de commercer avec des personnes ou des entreprises d’autres nations, parce que
l’Empire espagnol considérait les Anglais, les Néerlandais et d’autres comme des
concurrents, sinon des ennemis. Or, je cite “nos américains ayant tant d’avantages à
traiter avec l’étranger”. Cela s'explique par le fait que, compte tenu du développement
manufacturier espagnol insuffisant, la métropole a dû importer des produits fabriqués par
ses rivaux pour ensuite les amener en Amérique. Afin d’en tirer un bénéfice, ces produits
exportés étaient donc comme nous l’avons vu fortement taxés. Ainsi, selon l’auteur “nous
avons fermé la porte des indes aux productions espagnoles et invité les autres
nations à les introduire aux indes par les innombrables portes qui s’offrent sur quatre
mille lieues de côté, sans compter que ces lointaines provinces sont bien obligées de
s’approvisionner d’une façon ou d’une autre”. En outre, cela empêchait donc les locaux
de pouvoir acheter les marchandises et a ainsi permis aux Hispano-Américains de
développer un goût pour les marchandises étrangères qu’ils d’ailleurs préféraient
généralement aux marchandises espagnoles. Ce monopole commercial ainsi que ses
réglementations strictes ont également favorisé les fraudes telle que la contrebande ou
(interlope) qui passe souvent par la corruption des fonctionnaires. De plus, l’Amérique
ibérique était fournie par la métropole seulement deux fois par an, grâce à deux flottes
annuelles depuis 1564. Or, selon José Del Camillo, je cite “ce système n’est pas moins
utile au contrebandier en lui donnant une année pour prendre ses dispositions et
approvisionner les endroits où ira la flotte avant même que celle-ci ne sorte
d’Espagne”. Ainsi l'Espagne n’a, je cite, “pas tenu compte des distances et de
l’immensité de ces domaines lointains, ni de la proximité des colonies étrangères".
On est donc selon l’auteur dans un système inefficace, et favorable à la contrebande. Il est
important d'ajouter que les réformes des Bourbons dans la seconde moitié du XVIIIe siècle
ont constitué une tentative d’éradiquer ce commerce illégal dans son ensemble avec des
réformes telles que le libre-échange qui ont été décrétées ainsi que de nouvelles unités
administratives qui ont été créées. Cependant il s’agissait de réformes trop tardives qui ont
généré des conflits et le mécontentement des peuples autochtones.
Ainsi, le mercantilisme espagnol en Amérique et son monopole,ont favorisé la contrebande
où les étrangers sont les principaux bénéficiaires du commerce des Indes avec plus de 90%
du capital et des bénéfices du trafic entre l’Amérique et le port andalou qui appartiennent en
réalité aux Français, aux Néerlandais, aux Anglais ou encore aux Allemands.

C. Une autosuffisance indienne

La mise en place de taxes a donc été nuisible pour le commerce, et a été à l’origine de la
contrebande et ainsi de l’obligation des locaux d’être autosuffisants. En effet, le
renchérissement des produits en provenance d'Espagne a donc limité le commerce. Il s’agit
d’un inconvénient qui a favorisé le mécontentement des américains qui, au lieu d’acheter des
produits chers et taxés, ont décidé de fabriquer leurs propres produits.
Selon l’auteur “ ce qui, à l’intérieur de l’Amérique (..) ne peuvent acheter les
marchandises qui viennent d'Espagne en raison de leur prix exorbitant, ont monté
des ateliers de tout ce dont ils ont besoin, de sorte qu’aujourd'hui on voit des milliers
d’ateliers de tissage dans les deux royaumes et fournissent non seulement les
indiens, mais aussi tous les espagnols qui ne peuvent acheter les marchandises
d'Europe”. De ce fait, compte tenu du développement industriel limité de la métropole, les
industries surgissent spontanément là où il y avait un marché pour un article qui n’était pas
fourni par la métropole ou par la contrebande. L'auteur décrit donc, je cite “l'incapacité de
l'Espagne à leur fournir aujourd’hui ce qu’il leur faut”. Le développement industriel
américain représente donc la réponse à l’échec de l’Espagne à approvisionner ses colonies
en produits manufacturés de ces, je cite, “lointaines provinces sont bien obligées de
s’approvisionner d’une façon ou d’une autre”. On avait donc dans les villes, la présence
et l’essor d’industries artisanales, réglementées par des ordonnances de guilde (Association
confraternelle ou économique regroupant dans certains pays d'Europe au Moyen Âge, et
parfois jusqu'à nos jours, des personnes ayant des intérêts communs (marchands, artisans,
artistes), et orientées vers la production d’articles de demande quotidienne, avec des
activités liées à l’alimentation (fabrication de pain, salaisons, fromages, sucre, miel), ainsi
que l’artisanat artistique, en particulier l’orfèvrerie et l’argenterie. Les industries des
fonderies, ou celles liées à l’élevage (tannage de cuirs, bougies de suif, savon) ou à la
construction (briques) ou encore au transport (fabrication de chariots) ont également été
développées.
De plus, en dehors de ces activités artisanales, les industries américaines de grande
importance sont la fabrication de textiles et la construction navale qui se développent grâce à
l’abondance de matières premières.
On assiste ainsi à la consolidation des économies régionales américaine où je cite “Les
fabriques seule chose que l’on ne doit en aucune façon autorisé en Amérique, y ont
pris quelque importance au grand détriment de l'Espagne, au point qu’il y a déjà tant
d’ateliers de tissage dans les deux royaumes américains”.
La politique économique et commerciale dite mercantiliste a donc engendré l’essor de la
contrebande favorisant les échanges commerciaux avec les étrangers au détriment de la
métropole ainsi qu’une autosuffisance indienne avec la multiplication d'industries locales.
Dans l’extrait de ce mémorial, l’auteur qui parlait en tant que ministre, va avec dureté donner
des idées de réformes à ce système qu’il connaît à la racine. Un système cependant
déclinant. Il va donc par sa politique économique proposer : Un nouveau système de
gouvernance économique pour l’Amérique

III. Des idées de réformes : Régénérationnisme

En effet, José Del Campillo va ainsi nous faire partager ses, je cite, “nouvelles méthodes
de gouvernement, afin que d'autres riches possessions nous offrent des bénéfices à
la mesure de l’immensité de ces domaines et de la richesse de leurs productions”.
Ainsi il va notamment promouvoir de nouvelles idées de réformes. Il s’ancre alors dans ce
qu’on appelle le régénérationnisme (en espagnol : regeneracionismo) qui est un mouvement
intellectuel, à la charnière du XIXe siècle et du XXe, qui mène une profonde réflexion sur les
causes de la décadence de l'Espagne en tant que nation.

A. Un nouveau système colonial sans violence

L’auteur comme solution au déclin colonial espagnol souhaite, en premier temps, un


nouveau système colonial sans violence et domination. L'auteur nous dit je cite “ nos
guerriers espagnols ne se rendaient pas compte que le commerce d’un pays, s’il lui
appartient en propre, vaut bien plus que la possession et la domination”. En effet, la
conquête espagnole a provoqué la déstructuration de ce peuple, et ainsi un arrêt de ces
civilisations et de ces grandes cultures. C’est une civilisation qui a été dérangée par une
altération de ses structures économiques ainsi que de leurs croyances religieuses avec
l’intransigeance excessive des missionnaires catholiques qui est à l'origine de divers
mouvements locaux. Les indigènes ont donc dû s’adapter aux nouvelles circonstances
imposées par les conquérants. Par ailleurs, les guerres entre Espagnols et indigènes ont
provoqué la mort d’un nombre considérable de la population locale. On assiste donc à une
domination violente des colonisateurs qui passe également par la mise à profit des
indigènes, en les utilisant comme main d’œuvre. Une main d’œuvre qui s’épuise à la tâche
mais qui représente pourtant je cite “ le véritable trésor de l'État, que sont les hommes,
s’est épuisé dans cette tâche". En effet, les besoins en main d’œuvre pour l’extraction de
l’or et de l’argent ainsi que pour les travaux agricoles ont anéanti d’importants contingents
indigènes. Les indigènes étaient soumis au travail forcé ainsi qu'à des corvées : un système
de travail obligatoire qu’on dénomme mita au Pérou ou encore Cuatequil en nouvelle
Espagne. Des corvées qui donnaient lieu à toutes sortes d’abus tant sur la rémunération que
les conditions de travail. On a également l’exemple de l’Encomienda qui est le regroupement
sur un territoire de centaines d’indigènes que l’on oblige à travailler sans rétribution. On est
donc dans une conquête coloniale où est, je cite, “conserver intempestivement l’esprit de
conquête et préférer la domination aux avantages et aux bénéfices du commerce et
d’un rapport amical avec les nations barbares”. On est donc dans la volonté d’une
économie ascendante avec la mise en place du travail forcé des indiens que l’on disait de
nature paresseuse et ne servaient les espagnols que lorsqu’ils y étaient obligés. Les
espagnols étaient entre la volonté d’une économie dîte de domination mais par ailleurs
devaient d’un autre côté rester fidèles à leur grand principe tel que les indiens étaient des
vassaux libres.
L'auteur je cite “démontre à cor et à cri" qu’il est pour un système ou la domination est
moindre et qu’un rapport amical profiterait plus à l'Espagne et aux commerces. En effet,
nous savons que la monarchie hispanique a épuisé ses coffres en essayant de dominer les
provinces rebelles et c'est ainsi créé par la même occasion des ennemis. C’est cette
domination espagnole qui était à l'origine de nombreuses rébellions qui devait entre autre
être maintenue par des coûts de défense qui je cite «avait pu avoir sa raison d’être en
temps de guerre, mais en temps de paix cela ne sert qu'à faire de commerce une
véritablerégie”. Ce sont donc des coûts de défense qui accentuent la descente de
l'excédent colonial, où les caisses royales devaient contribuer par des versements
importants à cette défense et cette domination, jugé inappropriée pour l’auteur. Or, on peut
nuancer ses propos et imaginer que ce système où les dépenses en sécurité soient
moindres afin d'équilibrer la balance fiscale est une fausse solution. Celle-ci ne vaudrait que
pour les temps de paix, ainsi toute guerre à venir détruirait toute cette comptabilité.

B. Faciliter l’exportation des produits espagnols

L'une des autres idées de réforme de l’auteur pour un empire colonial prospère et
bénéfique est de faciliter l’exportation de produits espagnols.
Selon l’auteur je cite « les principales causes de cette déplorable situation sont au
nombre de deux : l'observance des lois et le fait qu’on ne les ait point adaptées ». En
effet, la monarchie a fait preuve d’une politique stricte et inadaptée, notamment sur le
commerce avec des taxes élevées. Il aurait fallu selon l’auteur « faciliter par tous les
moyens l’exportation de tous nos produits en les grevant de droits faibles ou
insignifiants ». L’auteur défend donc l’application en Espagne de mesures liées au
mercantilisme de la France, de l’Angleterre et des pays bas qui consiste à promouvoir
l’industrie nationale en éliminant les tarifs et taxes intérieurs. Je cite « de la sorte, les
produits destinés à l’Amérique en provenance de Galice, de Catalogne ou d’autres
provinces ou les prix sont bas,sans grands frais de transport, auraient été vendus à
peu près au même prix que les marchandises ». On est donc dans la libéralisation du
commerce et dans la volonté d’augmenter la demande coloniale de produits manufacturés
espagnole, notamment en améliorant la situation des indiens pour augmenter leurs pouvoirs
d’achat. En ce sens, les réformes Bourbon représentent une tentative d’appliquer des
pratiques mercantilistes rigoureuses, mais peut être trop tardivement, dans ce système qui
commence à s'essouffler dans une Europe qui s’ouvre à l'ère du capitalisme. Le
mercantilisme espagnol, que l’on appelle aussi parfois le "Bullionisme" est né de la
préoccupation spécifique de l'Espagne qui était de conserver dans le pays l'or qui venait de
ses conquêtes. L'augmentation de la richesse, se fait donc par accumulation d'or et
d'argent. Or, l’auteur souhaite l’établissement d’un mercantilisme à la française, qui est
représenté par des hommes tels que Jean Baptiste COLBERT (1619-1683). un
mercantilisme où il s'agit toujours d'enrichir l’état, mais par le développement industriel. Cela
expliquerait donc le titre de cet extrait : « colbertisme et exploitation coloniale ».
Cet extrait du mémorial de José Del Campillo s’inscrit donc dans le cadre du mercantilisme
Colbertien consistant à promouvoir l’industrie nationale et à libéraliser le commerce.
Une libéralisation sans cependant renoncer à l'exclusivité et ainsi à accroître la demande
coloniale de produits manufacturés espagnols.

C. Mise en place de lois protectionnistes

En effet, l’une des idées prédominante du texte est la volonté de maintenir une politique
protectionniste. Une politique protectionniste est notamment visible par cette citation “
l’époque de Philippe II, étaient florissantes … l’exclusion des produits était alors
étranger”. L’auteur prend donc comme exemple le règne de Philippe II, roi d’Espagne en
1580. Une période de règne ou le roi avait donc la main mise sur toutes sortes de fabriques.
Un règne durant lequel on assiste au siècle d’or avec une Espagne au sommet de la
puissance. Or pour nuancer, en matière économique, il s’agit d’un règne ou malgré l’affluent
de grandes richesses, l’Espagne se retrouve dans des situations économiques de crises due
aux banqueroutes. De plus, José Del Campillo souhaite un protectionnisme pour la
production intérieure. Le protectionnisme est une politique économique interventionniste
menée par un État qui consiste à protéger ses producteurs contre la concurrence. Ces
mesures consistent essentiellement à freiner les importations, encourager les exportations,
ou encore empêcher les investisseurs étrangers de prendre le contrôle d'entreprises
nationales. Or, l’auteur nous soumet l’idée d’une cohabitation entre libéralisme et
protectionnisme qui pourtant est censé s’opposer. Mais l’auteur nous donne une vision
économique assez moderne où il place le protectionnisme comme un élément indispensable
pour le développement de l'Amérique et son industrialisation, qui vont, une fois être acquis
succéder aux libres échanges avec toujours cette exclusivité a la monopole. On a à ce sujet,
la citation de l’historien économiste Paul Bairoch qui nous dit avant les années 1840 que « le
protectionnisme est la règle, le libre-échangisme l'exception » ainsi que « Le
protectionnisme est notre voie, le libre-échange est notre but. »
Dans cet extrait, l’auteur va donc faire part de sa critique sur le colonialisme espagnol en
dénonçant ses travers. Pour cela il propose des je cite « réflexions prudentes et justes
démontrent à quel point il est nécessaire de mettre sur pied un nouveau système de
gouvernement économique de ces richissimes contrées appartenant à l'Espagne »

Conclusion :
José del Campillo rédige son mémorial avec la volonté de remédier aux problèmes de
l’Amérique espagnole et ainsi améliorer la situation des indiens, tant du point de vue
économique que politique et social. Or, il ne faut pas oublier que tout son schéma de
réforme est dans un but ultime d’accroître le pouvoir de la monarchie hispanique. Campillo
pense comme un ministre de la guerre, voulant remplir les coffres de la monarchie qui lui
permettent de financer sa politique navale, car il était aussi ministre de la Marine. Cela lui
permettrait également de financer les politiques contre ses ennemis, avec lesquels il savait
qu’il était condamné à affronter. Son idée d’Empire ne repose donc pas sur l’égalité de tous
mais plus dans le contrôle espagnol de tous. Cependant, pour répondre à la problématique,
l’auteur a une vision avancée et moderniste de l'économie espagnole, une politique
économique et commerciale mercantiliste qui étaient inadaptée dans ce contexte d’empire
coloniale espagnol et auxquels l’auteur cherche à donner réponses. Ce système et le fait
que les élites espagnoles ne débattent pas à temps de cette option, ont déterminé l’échec et
la fin de l’empire espagnol.

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