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Chap. 1.

Le
capitalisme
marchand au XVIe
et XVIIIe siècle
F.-D. Vivien
Histoire du capitalisme
L’Enseigne de Gersaint, Watteau, 1720 L1 AES & L1 SEG
Plan
• Introduction : la longue marche vers le capitalisme
• Le triomphe du capitalisme marchand hollandais au XVIIe siècle
• 1. La VOC
• 2. La banque et la bourse d’Amsterdam
• 3. La flotte hollandaise
• Une économie florissante, un « âge d’or »
• La doctrine mercantiliste
• Le commerce triangulaire
• Le déclin des Provinces-Unies
La longue marche vers le capitalisme
• Le mode de production féodal domine entre
la fin de l’Antiquité romaine et le début de la
Renaissance.
• Le capitalisme dit « commercial » ou
« marchand » apparaît vers la fin du Moyen
Âge. Selon Fernand Braudel, les premiers
soubresauts du capitalisme sont repérables à
Venise dès le XIVe siècle.
• On y trouve, en gestation, les éléments d'un
nouveau système économique qui
progressivement remplaceront ceux de la
société féodale :
• Des institutions (des entreprises, des
marchés, des magasins, des foires, des
banques…) sur lesquelles s’appuie le
capitalisme.
Quentin Metsys (1514) Le Prêteur et • Développement d’une classe bourgeoise.
sa femme.
• Constitution et affirmation des Etats-
nations. Mise en place de politiques
économiques.
• Elargissement des échanges à l’échelle
mondiale.
• Affirmation de nouvelles mentalités
favorables aux activités économiques.
• Avènement d’un esprit scientifique et
rationaliste.

• le capitalisme marchand va prendre son essor


à partir du XVe siècle et prévaloir jusqu’au
milieu du XVIIIe siècle à travers les
Marinus van Reymerswaele, Les usuriers, 1540 dominations successives des Républiques
italiennes, de l’Espagne, du Portugal, de la
Hollande et de l’Angleterre.
Le triomphe du capitalisme marchand
hollandais au XVIIe siècle

• « La Hollande était au XVIIe siècle la


nation capitaliste par excellence »
(Marx, Le Capital, livre 1)
• Le capitalisme des Provinces-Unies,
devenues indépendantes en 1581,
repose sur trois piliers :
• La Compagnie hollandaise des
Indes orientales
• La banque d’Amsterdam
• La flotte néerlandaise.

Rembrandt, Le syndic des drapiers, 1662


1. La Compagnie hollandaise des
Indes Orientales
• La Vereenigde Oost-Indische Compagnie
(VOC) est créée en 1602 par six chambres de
marchands qui se regroupent.
• Une entreprise multinationale très structurée avec
une organisation centralisée qui décide des achats
à effectuer en Indes, des ventes de marchandises,
de leur tarif, destination, etc.
• Son capital de 6,5 millions de florins est réparti en
actions souscrites par le public et cotées à la
bourse d’Amsterdam.
• Un monopole du commerce avec les Indes. L’accès
aux Indes est interdit aux Anglais, Portugais,
Français…
• La compagnie exerce aussi des droits régaliens :
elle signe des traités de paix, elle nomme des
gouverneurs, elle rend justice, elle a une armée,
elle frappe sa propre monnaie…
2. La Banque et la bourse
d’Amsterdam

• La Banque d’Amsterdam est une banque


publique, créée en 1609, sur le modèle des
banques vénitiennes.
• Elle institue une monnaie stable, gagée sur
l’or : le « florin banco ».
• Elle a le monopole du change. Elle fournit aux
marchands les monnaies étrangères. Elle
reçoit des dépôts, elle fait des virements. Elle
fait des crédits, à la ville d’Amsterdam, à la
Compagnies des Indes orientales et à d’autres
entreprises privées.
• La bourse d’Amsterdam est créée en 1611.
Andries Bicker peint par B. van der
Helst (1642), commissaire de la
Banque d’Amsterdam en 1624.
3. La flotte hollandaise
• Les Provinces-Unies disposent d’un ensemble de
bateaux assurant des liaisons commerciales
avec les Indes et la route du Levant, l’Europe du
Nord et de l’Ouest.
• Une flotte de pêche au départ, puis une flotte
commerciale.
• Des innovations techniques en matière
d’embarcations (notamment, les “flûtes”). La
fabrication de ces différentes sortes de navires
est mécanisée (machines actionnées par des
moulins à vent) et standardisée.
• 6000 navires, plusieurs dizaines de milliers de
marins… En 1614, la flotte hollandaise emploie
plus de marins que les flottes anglaise, française
et espagnole réunies. Navire de la Compagnie néerlandaise des Indes
Orientales croisant au large du Cap de Bonne-Espérance,
anonyme, 1762. William Fehr Collection, château de
Bonne-Espérance, Le Cap, Afrique du Sud
Les « grandes découvertes » et
leurs explications économiques
• Pénurie de métaux précieux au XVe siècle qui
gêne le développement du commerce. Les
Portugais vont en Afrique en quête de l’or ; les
Espagnols le trouveront en Amérique.
• Les commerçants vénitiens et génois
détiennent le monopole du commerce des
épices et de la soie avec l’Orient et vendent
ces produits à des prix très élevés.
• A partir du XVIe siècle, c’est la façade
Atlantique, de Séville à Liverpool, qui
bénéficie des nouvelles orientations du
commerce et va devenir la partie la plus
dynamique de l’Europe.
• Au départ, en compétition avec la
flotte espagnole, les Hollandais
règnent sur la quasi-totalité des
mers au XVIIe siècle. Ils dominent
les routes du Moyen Orient et de
l’Orient.
• Ils arrivent au Japon en 1600, en
Chine en 1601. Ils créent Batavia
(actuelle Jakarta, Java) en 1619.
• Ils prennent pieds aussi en
Amérique : création de la Nouvelle
Amsterdam en 1626. Mais ils s’y
font concurrencer par les Anglais
qui prennent la ville en 1664 pour y
fonder New York.
Une économie florissante
• Au XVIIe siècle, 50% de la population hollandaise vit
dans les villes. L’agriculture est très productive.
• Amsterdam est la place financière la plus
dynamique du monde.
• Elle est aussi le lieu d’une activité commerciale
intense : y transitent du poivre et des épices, des
minerais (argent, cuivre), du sucre, des chevaux,
des peaux, des soies, des cotonnades, de la
porcelaine, du bois….
• La Hollande dispose aussi d’activités de
transformation de matière première et de
manufactures : industrie de la laine à Leyde, de la
toile à Harlem, du diamant à Amsterdam, du sucre
raffiné, des distilleries, la fabrication de pendules,
d’instruments de navigation, de cartes maritimes,
d’atlas, l’impression d’ouvrages…
Le siècle d’or hollandais et le déclin Vermeer,
progressif des Provinces-Unies L’astronome
1668

• Au XVIIe siècle, Amsterdam devient la résidence


des intellectuels, des artistes, des artisans –
dont certains y trouvent refuge, fuyant les
guerres ou les persécutions religieuses :
Rembrandt, Spinoza, Descartes…
• Une telle richesse suscite les convoitises et
déclenche des conflits.
• Des guerres éclatent avec les autres puissances :
contre l’Angleterre entre 1652 et 1674 ; contre la
France de Louis XIV entre 1672 et 1713.
• Des monopoles de commerce (« Actes de
navigation ») sont octroyés par ces autres puissances
européennes, au détriment des Provinces-Unies.
• De nouvelles compagnies maritimes sont lancées par
ces mêmes puissances (East India Company en 1600 ;
Cie française d’Occident en 1717…).
Antoni van Leeuwenhoek
(1632-1723)
La doctrine
mercantiliste
• Une appellation péjorative que l’on doit
rétrospectivement à Adam Smith et aux
auteurs libéraux.
• Pas vraiment une école de pensée
économique. Un ensemble d’écrits publiés en
Angleterre, France, Pays-Bas… au XVI et XVIIe
siècles dont il est possible de tirer une
doctrine.
• L’Etat développe sa puissance en favorisant
l’enrichissement du peuple et des citoyens.
• En réalité, le mercantilisme est une défense
des marchands, des financiers et des
manufacturiers.
Antoine de Montchrétien et le « Traité
d’économie politique » (1615)
• L’économie est au service du politique.
• « Il est impossible de faire la guerre sans hommes,
d'entretenir des hommes sans solde, de fournir à leur
solde sans tributs, de lever des tributs sans commerce. »
• Une prise de position vis-à-vis de d’Aristote et de son
oïkos nomos : « la science d’acquérir des biens (…) est
commune aux républiques aussi bien qu’aux familles. »
• Le commerce intérieur est neutre par rapport à
l’enrichissement de la nation. Par contre, le
commerce extérieur peut être avantageux ou
désavantageux.
• Attirer les métaux précieux dans le pays. Rechercher une
balance commerciale excédentaire.
• « Nous en avons la Hollande pour preuve et pour
exemple. Toutes les terres lui sont ouvertes par la mer. »

1576-1621
Atelier de la Manufacture des Gobelins
• Eloge du marchand et de son désir
louable de profit.
• Apologie du travail. L’ « activité » est
opposée à la « contemplation ».
• Eloge des manufactures.
• En conséquence, l’Etat doit stimuler
la production et les exportations.
• Essor du colbertisme (1661-1683) :
• Développement des manufactures :
tapisseries aux Gobelins, armes à Saint-
Etienne, verres et glaces à Saint-Gobain,
porcelaine à Sèvres…
• Promotion de la marine marchande.
• Réforme fiscale.
• Légalisation de l’esclavage (« Code noir »
adopté en 1685)
Le commerce triangulaire au
cœur des échanges globaux
• « Découverte » de l’Amérique en 1492 par
Christophe Colomb.
• Dès 1501, la main-d’œuvre acheminée
d’Afrique remplace les « Indiens ».
• Le commerce triangulaire se met en place
progressivement au cours du XVIe siècle,
s’accélère à partir de 1740 et va perdurer
pendant trois siècles. On estime que 12
millions d’esclaves ont été déportés
d’Afrique entre 1520 et 1860.
• Abolition de l’esclavage en Angleterre
(1807), en France (1794, 1848), aux Etats-
Unis (1863), au Brésil (1880)…
• Pour en savoir plus :
https://www.arte.tv/fr/videos/RC-016061/les-
routes-de-l-esclavage/
La fortune des ports
négriers
L’économie de plantation
• Les ¾ des esclaves déportés aux Amériques ont
travaillé dans des plantations sucrières.
• Le modèle de l’économie sucrière est mis au point par
les Portugais à Sao Tomé à la fin du XVe siècle.
• A partir de 1620, il est transposé par les colonisateurs
européens dans les Caraïbes (Hollandais à Curaçao et
St-Martin; Français à La Martinique, la Guadeloupe, la
Grenade; Anglais aux Bahamas et à la Jamaïque;
Espagnols à Cuba…). Il est florissant jusqu’à la fin du
XVIIIe siècle.
• Un modèle de grande exploitation avec une forte
immobilisation du capital (moulin pour broyer les
cannes, équipements pour en filtrer le jus) et une main
d’œuvre importante.
• Une économie spéculative qui repose sur une Encyclopédie universelle de
demande forte en sucre en Europe. Diderot et D’Alembert
Le centre de gravité du négoce international
se déplace vers Londres à la fin du XVIIIe
• La Banque d’Angleterre, banque privée, est créée en 1694.
C’est une société par actions. Elle a le privilège de l’émission
fiduciaire. Elle va devenir peu à peu une banque centrale.
• La City of London, centre financier, se développe à cette
époque et réalise des échanges de titres publics et privés.
• Les douanes intérieures sont supprimées. Des lois
protectionnistes (corn laws, 1663, 1673) protègent
l’agriculture et l’industrie anglaises.
• Le statut de monopole (1624) tend à accorder la protection
de leur invention aux inventeurs.
• L’Angleterre a connu deux révolutions au XVIIe siècle qui ont W. Hogarth, Humours of an
conduit à des réformes politiques importantes : Election, The Polling (Le Scrutin),
1755, Sir John Soane’s Museum,
• un protectorat républicain (le Commonwealth) est instauré London
en 1649 ; extension des libertés individuelles (Habeas
corpus) en 1679 ; Déclaration des droits (Bills of Rights) en
1689 qui institue un régime de monarchie contrôlée ; Acte
d’Union en 1707 qui crée le Royaume Uni.
Adam Smtih : une enquête sur l’enrichissement des nations
• L’origine de la richesse se trouve dans le travail des hommes.
Comment peut-elle se multiplier ?
• La division du travail et la capacité à salarier.
• L’augmentation de la taille des marchés et le jeu de la
concurrence.
• L’accumulation du capital qui permet l’augmentation de la
productivité. A. Smith
• Des secteurs où l’intervention des pouvoirs publics est (1723-1790)
nécessaire.
• A partir d’un jeu de passions et d’intérêt, Smith annonce la
marche des sociétés modernes vers l’opulence… sans masquer
l’existence d’intérêts opposés au sein de l’économie capitaliste.
• Un plaidoyer pour la liberté économique.
• Il explique que le travail des esclaves est en fait bien plus
coûteux que celui des hommes libres, motivés par l’appât du
gain et guidés par les forces du marché.
• Il est favorable à l’indépendance des Amériques qui étaient 1776
jusqu’à lors colonies britanniques.

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