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UNIVERSITE MOULAY ISMAIL

Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales -


Meknès

Masters :
Economie et management internationaux
Management logistique

Module : Macroéconomie

Axe IV : FLUCTUATIONS, CYCLES ET CRISES


ECONOMIQUES

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Introduction

La croissance économique n’est pas uniforme, elle connaît des variations (variations
du PIB), parfois même des baisses du PIB sur une période.
Il faut distinguer les mouvements d’expansion et ceux de récession : on parle de
fluctuation conjoncturelle lorsque les périodes de variation sont courtes (quelques mois,
quelques années) et de fluctuations de longue période, à l’échelle d’un siècle, ponctuées de
grandes crises.
Une crise économique est une période de difficultés économiques graves dont la plus
importante est le chômage.
On distingue différents types de crise :
- Les crises d’Ancien Régime : ce sont des crises frumentaires de sous-
production. La sécheresse diminue les récoltes, ce qui entraîne disette/famine et
augmente les prix agricoles. La baisse des revenus agricoles se diffuse dans
l’ensemble de l’économie (secteur agricole dominant dans la structure productive du
pays), ce qui a pour conséquence une grave crise dans l’ensemble de l’économie. On
trouve ce type de crise aujourd’hui dans les Pays Moins Avancés (PMA) et les Pays
En Développement (PED).
- Les crises modernes : pas de sous-production mais une insuffisance de
débouchés rentables. L’offre, supérieure à la demande, entraîne une diminution des
capacités de production (crise de surinvestissement) et augmente le chômage. Il n’y a
pas de diminution de la production (PIB) mais une croissance fortement ralentie.

Quant au cycle, il représente des mouvements de hausse et de baisse de l’activité qui


se succèdent de façon plus ou moins régulière.

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I- Les fluctuations de court terme : expansion et récession
1- Présentation

Au XIXème siècle, C. JUGLAR a mis en évidence des cycles de huit ans :


PIB

1 2 3 4

8 ans Temps
1, Expansion : hausse de la production, des prix et des revenus, développement excessif des
crédits ;
2, Crise : retournement conjoncturel : baisse des prix, du volume des crédits (anticipations pessimistes),
baisse de la production ;
3, Dépression/récession : baisse continue des prix, de la production et des revenus. On parle
de dépression en cas de forte baisse de l’activité économique ;
4, Reprise : arrêt de la baisse des prix, de la production et des revenus, point de départ de
l’expansion.
Ne pas confondre avec la relance, action de l’Etat pour faire redémarrer l’activité
économique.

Aujourd’hui, les cycles sont moins réguliers (entre 5 et 8 ans), on parle plutôt de
fluctuations. Les cycles JUGLAR ont permis de montrer que la crise est un moment
particulier du cycle économique. En parallèle, d’autres cycles ont été observés comme le
cycle de J. KITCHIN, d’une durée moyenne de 40 mois, des cycles spécifiques à certaines
activités (bâtiment, agriculture…)
REMARQUE : aujourd’hui, il n’y a plus de baisse de la production mais une baisse du taux
de croissance de l’activité. De même, il n’y a plus de baisse des prix mais plutôt des
situations de stagflation (stagnation de l’activité et poursuite de l’inflation, même modérée).
Le schéma est ainsi plutôt le suivant :

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PIB

Temps

2- Les mécanismes

L’expansion : des exportations supplémentaires (croissance étrangère, taux de change


favorable), une élévation de la consommation (répartition des revenus, politique
fiscale/sociale, produits innovants), une reprise de l’investissement (baisse des taux
d’intérêt, anticipations optimistes), des dépenses publiques sans hausse des impôts,
autant de facteurs qui permettent d’enclencher une période expansionniste.
En outre, ce mouvement s’auto-entretient :
Augmentation de la production

INVESTISSEMENTS INDUITS

Hausse des achats


de biens d’équipement Augmentation du revenu
et de biens intermédiaires distribué

Hausse de la demande
de biens de
consommation
Se rapporter au principe d’accélération : une hausse de la demande anticipée engendre
une hausse plus que proportionnelle de l’investissement (à capacités de production
pleinement employées), ce qui, en vertu du principe de multiplicateur, crée un revenu
supplémentaire qui alimente de nouvelles dépenses, ce qui crée un nouveau revenu…

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La crise et la récession : un ralentissement de la demande dans une industrie motrice
se transmet aux autres branches liées (partenaires, fournisseurs, sous- traitants..), ce
qui déclenche des vagues de licenciements et des anticipations pessimistes qui
deviennent auto-réalisatrices…
Mais, le risque principal est lié aux anticipations des entreprises : une phase
d’expansion entraîne une hausse des coûts et parallèlement une baisse du taux de
profit (profit/capital fixe) et une hausse des prix. Les taux d’intérêts nominaux
s’élèvent, ce qui bloque l’investissement et rend les anticipations pessimistes.
En effet, une croissance trop forte entraîne de l’inflation (surchauffe de l’économie)
qui dégrade la compétitivité-prix des entreprises et gêne les exportations.
Parallèlement, l’Etat intervient par une politique monétaire restrictive de lutte contre
l’inflation et diminue ses investissements, ce qui amplifie la marche vers la crise
économique. Il ne faut pas oublier que le principe d’accélération et le multiplicateur
d’investissement fonctionnent dans les deux sens !
REMARQUE : ne pas confondre la crise, une phase de transition (retournement de la
conjoncture), courte (en général 6 mois) et la récession qui est un processus long de
difficultés économiques.

3- L’analyse néoclassique

Il existe des variations fortes des prix et du PIB réel, mais à très court terme (mois ou
semaine).

P Offre de long terme

Point
d’équilibre
Offre de court terme
B C Demande

Y
Dichotomie classique : l’offre de long terme ne dépend pas des prix : Y = f(K, L).
A court terme, les prix sont rigides : une baisse de la demande s’ajuste par les quantités (point
B). Mais à long terme, l’ajustement se fait par les prix car les quantités sont rigides, elles
dépendent des structures productives, d’où une baisse de l’inflation (point C).

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P Offre de long terme

C
B Offre de court terme
A Demande

Y
Si la demande augmente : à court terme, le produit s’élève (point B) mais à long terme le
produit baisse et les prix augmentent car l’offre est durablement inférieure à la demande, d’où
l’inflation (point C). Une politique budgétaire expansive n’augmente le produit que
temporairement, le temps de l’illusion ! Au final, l’économie retrouve son rythme naturel,
seule l’inflation a augmenté car la croissance du produit n’est liée qu’aux facteurs de
production, Y = f(K, L). Ce raisonnement repose sur une des hypothèses fondamentales du
modèle néoclassique, à savoir la neutralité de la monnaie.

Dans la logique keynésienne, le point d’équilibre peut être un équilibre de sous-


emploi car les prix sont rigides, l’ajustement se fait par les quantités.

i Offre de long terme LM

IS’
i*
IS

Y
Y* Y*’
IS’ : l’augmentation des dépenses publiques ou l’investissement public (Ig) engendre de
l’inflation uniquement si l’économie est en plein-emploi de ses ressources !
Mais, ces politiques budgétaire ou monétaire ne sont que des politiques de court terme,
conjoncturelles.

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II- Les fluctuations de long terme et les grandes crises
1- L’analyse de J. A. SCHUMPETER

Il part de l’observation de cycles longs par N. D. KONDRATIEV, d’une durée


moyenne de 50 ans. Deux grandes phases : l’expansion et la récession, chacune d’environ 25
ans. Dans chaque cycle long, on observe des cycles courts de type JUGLAR, KITCHIN…

P de gros

1780 1810/17 1844/51 1870/75 1890/96 1914/20


Les variations de prix entraînent des variations de même sens des profits et de l’activité
économique (Y).

EXPANSION DEPRESSIO FACTEURS-


N CLES
1789/1816 1816/1847 Faible coût du travail. Textile (coton), industrie motrice.
1847/1874 1874/1896 Faible coût du charbon, machine à vapeur.
1896/1920 1920/1945 Faible coût de l’acier, développement sidérurgique.
1945/1975 1975/1990 Faible coût du pétrole, chimie et Fordisme.
1990/ ? Informations, connaissances (Post/Néo-Fordisme, flexibilité,
réseaux...).

On peut se rapprocher des thèses de J. A. SCHUMPETER (Théorie du développement


économique ; Capitalisme, socialisme et démocratie). Le moteur du capitalisme, c’est
l’innovation, l’entrepreneur. Si l’innovation est validée par le marché, alors il se forme des
grappes par imitation/diffusion de l’innovation, qui portent la croissance économique.
Mais c’est un processus de destruction créatrice, les secteurs anciens et obsolètes sont en
crise. L’innovation a un caractère systémique car elle concerne l’ensemble de l’économie
(exemple de l’informatique), ce qui est favorable à la croissance. Ensuite, le potentiel de
l’innovation s’épuise, les taux de profit diminuent, ce qui débouche sur une nouvelle crise.

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Expansion
Crise
Dépression

Innovation radicale, Nouvelle innovation


systémique radicale, systémique

Le problème, c’est qu’avec le développement du capitalisme, l’innovation est mise en


œuvre par de grandes entreprises bureaucratisées qui empêchent les entrepreneurs de les
concurrencer. L’innovation est ainsi empêchée, ce qui aboutira à la mort du système
capitaliste suite à une grave crise. La solution pourrait être alors le socialisme qui n’a pas
besoin de moteur comme le capitalisme (innovation et recherche de profit).
REMARQUE : pour N. D. KONDRATIEV les crises sont normales, le capitalisme rebondit
toujours. Une pensée éloignée de la vision marxiste qui lui a valu le Goulag !

2- L’analyse keynésienne

Elle prend appui sur l’interprétation de M. KALECKI, basée sur les anticipations des
acteurs. Pour investir, les acteurs comparent le profit estimé avec le coût d’acquisition
(importance du taux d’intérêt).
Mais, nous sommes en environnement incertain, d’où le problème pour opérer des choix
d’investissements. Les acteurs se basent alors sur le passé, l’expérience..., ce pourquoi c’est
l’incertitude vraie, source d’instabilité.
Au fur et à mesure des investissements, l’efficacité marginale du capital décroît car
l’entreprise met en œuvre des projets de moins en moins rentables. Mais, par inertie des
comportements, l’investissement continue comme si son efficacité marginale était stable. A
un certain point, on assiste à un surinvestissement et un retournement très violent des
anticipations qui deviennent auto-réalisatrices : la baisse de l’investissement entraîne une
récession voire une dépression économique. L’Etat a ainsi un rôle important de régulateur
pour éviter ces crises mais aussi des emballements trop importants.
Ainsi, on en conclut que pour M. KALECKI : Yt = f(Yt-1), conformément au modèle
de l’oscillateur (J. HICKS et P. A. SAMUELSON) qui explique les variations du revenu Y.
Un modèle proposé en 1939 par P. A. SAMUELSON en combinant deux effets pour
formaliser les différentes formes de fluctuations économiques :
Il considère une dépense publique autonome en début de processus et utilise le multiplicateur
keynésien et l’accélérateur, le premier crée un effet de stabilisation tandis que

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le second conduit à l’instabilité de l’économie par les à-coups provoqués d’investissements
provoqués par les variations de la demande.
Il déduit de cette coalition d’effets contraires quatre situations possibles : aucune oscillation
avec une évolution stable, des oscillations contrôlées dans leur impact sur le revenu national,
des oscillations non contrôlées qui prennent beaucoup d’ampleur, une absence d’oscillation
dans une phase de croissance régulière.

3- L’analyse de l’Ecole de la régulation (M. AGLIETTA, R. BOYER, A. LIPIETZ,


J. MISTRAL...)

L’évolution économique est fonction du régime d’accumulation. Trois régimes se sont


succédé depuis le début XIXème siècle :
 A dominante extensive : régime fondé sur la coopération simple dans le travail,
faibles gains de productivité, production importante de biens d’équipement ;
 A dominante intensive sans consommation de masse : régime fondé sur le
Taylorisme avec de forts gains de productivité, la mise en place d’un secteur
producteur de biens de consommation mais avec une persistance de rapports salariaux
anciens ;
 A dominante intensive avec consommation de masse : régime fondé sur des
rapports salariaux de type nouveau, Fordiste, des salaires élevés combinés à de forts
rendements qui permettent une production de masse et une consommation de masse.

La succession de ces régimes expliquent les grandes périodes de crise et de croissance.


Aujourd’hui, nous vivons une crise du Fordisme, un processus de régulation trop rigide, trop
standardisé, alors que les acteurs demandent de la différence, de la flexibilité pour faire face à
l’environnement concurrentiel international. De plus, le secteur tertiaire ne peut plus absorber
la main-d’œuvre dégagée par les gains de productivité, eux-mêmes ralentis, ce qui nécessite
de nouveaux rapports salariaux, difficiles...

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III- Les autres analyses des grandes crises économiques
1- La vision néoclassique

Les crises sont des ajustements nécessaires pour éliminer les


acteurs les moins performants, imposer de nouveaux modes de
production plus efficaces et mieux orienter la production face aux
évolutions de la demande mondiale.
Les crises ne sont jamais des crises générales mais des crises
sectorielles dues à une concurrence imparfaite.
L’Etat doit laisser au marché son rôle régulateur, sa flexibilité, ce
qui permet d’atteindre le prix d’équilibre, surtout pour les salaires, car si
le salaire versé est supérieur au salaire d’équilibre, il y aura forcément un
chômage involontaire.

2- Le rôle de l’Etat chez F. A. VON. HAYEK et M. FRIEDMAN

Ils analysent la crise de 1974 comme une crise due aux politiques
de relance keynésiennes de 1944 à 1974.
Pour F. A. VON HAYEK, l’intervention de l’Etat pour faire baisser les
taux d’intérêt est inefficace car le prix n’indique plus la rareté relative des
biens, ce qui biaise les choix économiques. A long terme, les
investissements sont excessifs, on assiste à des crises de surproduction, à
l’effondrement des marchés.
Pour M. FRIEDMAN, les politiques de relance entraînent de l’inflation
sur le long terme sans conséquence sur l’emploi car la monnaie est
neutre. Les anticipations sont erronées, ce qui débouche sur une crise
économique.

3-Le modèle marxiste

L’augmentation de l’écart entre la production et le revenu des


travailleurs entraîne une surproduction, la baisse du taux de profit, donc
la diminution de l’investissement et la crise économique par
suraccumulation de capital. Celle-ci ne peut être résolue que par la
dévalorisation du capital (élimination des petites entreprises) ou
l’extension des marchés (mondialisation de la production).
Mais, de nouvelles crises amèneront à la mort du capitalisme et à
l’avènement d’un nouveau mode de production, le communisme.

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