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INTRODUCTION

Un secteur fondamental…
Le secteur des transports est fondamental dans la vie de nos sociétés où
chacun se déplace continuellement, où la plupart des produits consommés
viennent d’ailleurs et où circulent continuellement l’argent, les images et les
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informations.
Que les transports s’arrêtent (pour cause d’intempérie ou de grève) et c’est
toute la vie économique qui est mise en léthargie !

… dont les progrès rythment l’histoire de l’humanité


L’histoire de nos sociétés est d’ailleurs profondément marquée par les
progrès en matière de transport car l’homme a toujours cherché à réduire
la durée et le coût des déplacements. Les progrès furent d’abord lents mais,
depuis un demi-siècle, que de changements ! L’explosion démographique (plus
de 7 Md d’hommes en 2013 contre 2,5 Md en 1950) provoque, d’une part,
un besoin accru de mobilité en liaison avec l’élargissement des échanges et
« Géographie des transports », Émile Mérenne

l’amélioration de l’accessibilité (facilité plus ou moins grande d’accéder à un


lieu) des différents endroits du globe (en raison des performances accrues
des moyens de transport et de la maîtrise de nombreux obstacles naturels) et,
d’autre part, l’explosion urbaine entraînant celle de l’habitat et des activités
et, par voie de conséquence, le gonflement de la circulation.
Là où les moyens de transport n’existent pas ou lorsqu’ils sont réduits au
minimum, comme dans plusieurs régions ou pays en développement, l’acti-
vité économique reste au stade de la subsistance et de l’autoconsommation,
d’où la nécessité de donner la priorité aux transports afin de promouvoir le
développement de ces régions ou pays.

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« Géographie des transports », Émile Mérenne
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Doc. 1
Les recherches en transport

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Géographie des transports
Introduction

Une matière interdisciplinaire mais avec une forte dimension géo-


graphique
Si l’étude des transports intéresse de nombreuses disciplines (l’aménage-
ment du territoire, le droit, l’économie, l’histoire, la politique, la sociologie,
les techniques…), elle est aussi au cœur des préoccupations de la géographie
(doc. 1) car :
– les infrastructures (installations fixes permettant la circulation des
personnes et des biens) et des installations terminales (aéroports, gares,
ports…) contribuent à l’organisation de l’espace à travers les échelles spatiales,
à son découpage en sous-ensembles, à son irrigation et à sa structuration.
Les voies de communication sont, en quelque sorte, les vaisseaux sanguins
du Corps-Terre, des pays, des régions et des villes. Et ces infrastructures
dépendent des milieux physiques et humains dans lesquels elles s’inscrivent
en même temps qu’elles les transforment ;
– les transports sont à la fois l’alpha et l’oméga de l’organisation de la
plupart des activités, qu’il s’agisse de l’agriculture, de l’industrie, du tourisme
ou des services. Ils influencent leur localisation et facilitent ou freinent leur
développement ;
– les transports constituent un secteur d’activités à part entière avec sa
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propre logique d’organisation spatiale, ses contraintes de localisation et ses


impacts sur les autres activités.

Quelques notions fondamentales


Les déplacements de personnes, de biens, de l’argent, d’informations… à
travers l’espace caractérisent la circulation (ensemble des déplacements) dont
l’intensité dans le temps et dans l’espace détermine le trafic (importance et
fréquence de la circulation) et les flux (déplacements massifs de personnes,
de biens, de l’argent et d’informations). Ces déplacements font appel à des
moyens techniques appelés moyens de transport (ensemble de techniques
utilisées pour effectuer les déplacements) qui s’inscrivent dans les territoires
« Géographie des transports », Émile Mérenne

grâce aux voies de communication, à savoir la route, le rail, la voie d’eau, les
conduites, la voie aérienne, les télécommunications… (doc. 2).
Les modes de transport (modes d’acheminement des personnes ou des
biens comme la route) ne s’inscrivent pas nécessairement parallèlement l’un
à l’autre et certains, comme le rail, ont besoin de traces sur le sol sur toute
la longueur de leur parcours pour constituer un réseau alors que d’autres,
comme les transports aérien et maritime, ne nécessitent que des installations
terminales (lieux de départ et d’aboutissement de services de transport ou de
voies de communication). La jonction de plusieurs modes de transport ou d’iti-
néraires du même mode de transport et la présence des points de rupture de
charge (lieux de transfert d’une marchandise d’un mode de transport à l’autre

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Géographie des transports

Doc. 2
Quelques classements opérés en géographie des transports

Par mode Par nature


route personnes
rail marchandises
voie d'eau personnes + marchandises
aérien images, sons
maritime
autres :
- conduites
- télécommunications
multimodaux :
- ferroutage (rail-route)
- roulage (mer-fleuve)
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. route
. rail
- conteneurisation
(mer-route-rail-fleuve-air)

Par propriétaire Par utilisateur


publics individuels
privés collectifs (en commun)

Par type de site utilisé Par milieu


« Géographie des transports », Émile Mérenne

site propre urbains


site banal (partagé avec d'autres modes ou interurbains
moyens)

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Introduction

ou, au sein d’un même mode, d’un véhicule à l’autre) marquent le paysage
par l’aménagement d’espaces souvent destinés au transfert d’un mode à un
autre : ces points de contact constituent autant de nœuds de communications
appelés aussi points nodaux. En revanche, la présence et la coordination de
plusieurs modes de transport sur un même territoire constituent un système
de transport tandis qu’un même mode de transport peut proposer des sous-
systèmes composés d’axes d’importance variée.
Les performances techniques sont à l’origine de la mise en circulation de
véhicules de plus en plus spécialisés, de l’augmentation de la capacité et de la
vitesse de ces véhicules en même temps que de la création d’infrastructures
nouvelles destinées à réduire les distances, les ruptures de charge, les temps
de parcours (la distance-temps : le temps mis pour parcourir une distance
donnée), voire le coût de transport (la distance-coût : le coût du parcours sur
une distance donnée). D’autre part, des concepts d’ordre géographique et
économique comme la mondialisation et les flux tendus (système de produc-
tion basé sur la suppression des stocks par l’ajustement strict de l’offre à la
demande) déterminent une évolution centrée également sur l’augmentation
de la mobilité, c’est-à-dire la propension de déplacement des personnes, des
biens, des services, des informations…
Toute étude de géographie portant sur les transports ne peut donc ignorer
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tous ces faits ainsi que les nouvelles méthodes de travail (par exemple les
modèles mathématiques et les graphes) mises au point pour affiner les obser-
vations. Par ailleurs, certains travaux peuvent aussi proposer des solutions
adéquates en vue de répondre aux desiderata des décideurs, des investisseurs,
des aménageurs, des gestionnaires, des transporteurs et, bien entendu, des
usagers (doc. 3).
Dès lors, il nous paraît normal de faire débuter l’analyse des transports
par l’établissement du cadre à l’intérieur duquel évoluent réseaux et systèmes
de transport. À côté des contraintes du milieu physique en face desquelles
l’homme est parfois impuissant, il en est d’autres qui changent au cours de
l’histoire et à travers l’espace : les options politiques prises par un pays à une
époque donnée peuvent différer de celles décidées à d’autres moments ou de
« Géographie des transports », Émile Mérenne

celles prises au même moment dans d’autres pays. Par contre, l’évolution des
techniques est telle que les performances vont toutes dans le même sens :
l’adaptation des modes et moyens de transport à une demande de plus en plus
exigeante (première partie).
La répartition spatiale des modes de transport et des réseaux varie forte-
ment d’un continent à l’autre, d’un pays à l’autre et, à l’intérieur d’un pays,
d’une région à l’autre. De plus, l’utilisation des divers modes et moyens de
transport s’opère en fonction de besoins dont la variété est grande ; le tout est
de voir comment adapter les modes et moyens de transport dans les meilleures
conditions en vue de satisfaire les besoins en déplacements de la population
et des biens physiques et immatériels (deuxième partie).

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Géographie des transports

Doc. 3
Évolution de la géographie des transports
Si la géographie des transports s’est surtout développée au cours de la seconde
moitié du xxe siècle, les prémices de certaines de ses composantes se retrouvent dans
des travaux réalisés au xixe et au début du xxe siècle par les économistes allemands
J. H. von Thünen et A. Wéber. Le premier met en évidence ses résultats d’études
réalisées dans le cadre de son domaine agricole (Der isoliert Staat in Beziehung auf
Landwirschaft und Nationalökonomie, Hambourg, 1826) : l’impact des coûts de la
distance pour une bonne utilisation des terres autour des villes et, par voie de consé-
quence, l’amorce de la théorie de la localisation ; quant au second, il établit (Uber den
Standort der Industrien, Tubingen, 1909) que, pour une industrie lourde cherchant
à s’établir quelque part, le transport ferroviaire permettait des relations entre lieux
de production des matières premières, de l’énergie et des produits finis telles qu’une
entreprise peut s’établir à un endroit où les coûts étaient minimisés.
Plus tard, les modèles de Christaller et de Lösch ont également inspiré les
recherches des géographes. Par exemple, le modèle mis au point par le géographe
allemand W. Christaller (Die zentralen Orte in Süddeutschland, Iena, Fischer, 1933)
est une théorie spatiale cherchant à expliquer la hiérarchie des villes sur base de leur
taille, de leur localisation et de leur fonction. Or, d’après A. Lösch (Die räumliche
Ordnung der Wirtschaft, Iena, Fischer, 1940), il n’est pas possible d’envisager une
théorie à partir d’un modèle géométrique comme celui de Christaller car ne tenant
pas compte de données spatiales peu homogènes.
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Au total, l’aspect géographique proprement dit des transports est peu valorisé si
ce n’est par des travaux portant notamment sur des problèmes de circulation devenus
de plus en plus aigus. En effet, l’apparition du rail au xixe siècle et les progrès réalisés
en matière de transport ferroviaire au xxe siècle (augmentation des vitesses et spécia-
lisation des wagons) ainsi que l’essor prodigieux du transport par route ont permis,
à l’échelle des pays et des continents, une spécialisation croissante des régions à
partir de leurs avantages comparatifs en facilitant les contacts entre régions voisines.
D’autre part, le développement des transports maritime et aérien (augmentation des
vitesses et des capacités et spécialisation du matériel), des conduites et des télécom-
munications au cours du xxe siècle ont accentué le processus et ont surtout élargi les
aires de marché de nombreux produits. Résultat global : la complémentarité entre
modes de transport, la réduction du coût et de la durée des transports et, last but not
least, la mondialisation.
Dans ce contexte naît une école américaine de géographie des transports
« Géographie des transports », Émile Mérenne

(E. L. Ullman) à la fin des années 50 ; elle considère le réseau de transport en fonc-
tion de ses propriétés spécifiques, définit des notions comme la connectivité, l’acces-
sibilité et la centralité et introduit la théorie des graphes et des modèles gravitaires
dans la planification des réseaux de transport.
Par contre, du côté des géographes français, le rôle des transports n’apparaît pas
de façon aussi évidente. Par exemple, chez les précurseurs de la discipline comme
P. Vidal de la Blache sont mises en avant la circulation dans la formation et l’évolu-
tion des territoires puis la localisation des activités mais sans analyser leurs intercon-
nexions : Vidal de la Blache traduisait donc simplement la question de la circulation
et non celle des transports eux-mêmes. Jusqu’il y a un demi-siècle, il est donc surtout
question, dans les publications en langue française, de géographie de la circulation
plutôt que de géographie des transports au sens actuel du terme car la plupart des
études traitent avant tout d’un seul mode de transport en insistant sur les circulations

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Introduction

dans les territoires considérés et sur leurs relations, d’une part, avec les conditions
physiques et humaines et, d’autre part, avec les infrastructures et moyens techniques
mis en œuvre pour effectuer les déplacements. Parmi les ouvrages de cette époque,
citons : M. Blanchard, Géographie des chemins de fer, Paris, librairie Gallimard-NRF,
1942 ; R. Capot-Rey, Géographie de la circulation sur les continents, Paris, librairie
Gallimard-NRF, 1946 ; E. Pépin, Géographie de la circulation aérienne, Paris librairie
Gallimard-NRF, 1956 ; R. Clozier, Géographie de la circulation, T. I. L‘économie des
transports terrestres (rail, route et eau), Paris, éd. M.-Th. Genin, 1963 ; A. Perpillou,
Géographie de la circulation : la navigation et les transports maritimes, 2 T., Paris, CDU,
1964 ; A. Vigarié, Géographie de la circulation, T. II. La circulation maritime, Paris,
librairie Gallimard-NRF, 1968 ; C. Verlaque, Géographie des transports maritimes,
Paris, Doin, 1975 et H. Bakis, Géographie des télécommunications, Paris, PUF, 1984.
En fait, la géographie des transports repose sur une multitude d’éléments dont
ceux en rapport avec la place des transports à chaque niveau territorial (supranatio-
nal, national, régional et même local) ; aussi la société s’est-elle appropriée le système
de transport comme une des solutions aux rapports entre la demande de transport et
l’organisation spatiale compte tenu du milieu naturel, de la dynamique des progrès
techniques, du comportement des individus et du contexte économique politique et
social. C’est ainsi que l’économie spatiale joue un rôle important dans l’approche géo-
graphique des transports mais il faut attendre les années 70 pour voir apparaître les
premiers ouvrages abordant cette problématique (J. Ritter, La Géographie des trans-
ports, Paris, PUF, 1971 et M. Wolkowitsch, Géographie des transports, Paris, A. Colin,
1973).
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La particularité de la géographie des transports est donc d’inscrire les transports


dans les territoires et de rechercher les liens entre ceux-ci en termes de contraintes
et d’enjeux dans une articulation de plus en plus complexe entre systèmes de trans-
port et développement durable : la géographie des transports concerne, dès lors, de
multiples domaines comme l’aménagement du territoire, le développement régional,
la protection du cadre de vie, la mise en place de nouveaux modes, moyens et organi-
sations de transport, les déplacements en milieu urbain, les transferts intermodaux…
Pour s’en rendre compte, il suffit de prendre en considération divers ouvrages relati-
vement récents : P. Merlin, Géographie, économie et planification des transports, Paris,
PUF, 1991 et Géographie des transports, Paris, PUF, 1992 ; M. Wolkowitsch, Géo-
graphie des transports, Paris, A. Colin, 1992 ; E. Mérenne, Géographie des transports,
Paris, Nathan, 1995 et Rennes, PUR, 2008 ; J. Marcadon, E. Auphan, E. Barré et
M. Chesnais, Les transports, Paris, A. Colin, 1997 ; M. Goussot, Les transports dans le
monde, Paris, A. Colin, 1998 et J.-J. Bavoux, F. Beaucire, L. Chapelon et P. Zembri,
Géographie des transports, Paris, A. Colin, 2005.
« Géographie des transports », Émile Mérenne

Sources : d’après P. Claval, 2001 et G. Pini, Géographie des transports, in A. Bailly (sous la dir. de),
2004, p. 175-183.

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Géographie des transports

Dans des cas de plus en plus nombreux, les gestionnaires et les usagers
orientent les choix ; de toute manière, la décision finale revient au pouvoir
public surtout si la décision est prise en concertation avec les pays voisins ou si
elle s’intègre dans un contexte international ou supranational (troisième partie).
D’autre part, de nombreux secteurs d’activités sont concernés par l’exploi-
tation des transports en plus du secteur des transports lui-même : la produc-
tion de matériel et d’équipements, l’entretien, la réparation de ce matériel et
les activités dont la localisation et l’existence sont liées à la facilité d’accès que
leur procurent les modes et moyens de transport. Dans le monde occidental,
le rôle joué par la population à l’occasion de décisions prises lors de l’implan-
tation de nouvelles infrastructures est manifeste en raison de sa sensibilisation
à divers paramètres comme le coût, la qualité du service offert et du cadre de
vie. (quatrième partie).

L’intérêt des géographes pour les transports


Depuis quelque temps, la géographie des transports retient l’attention des
géographes et pour cause : le domaine spatial et les transports sont constam-
ment et étroitement corrélés. En fait, les géographes n’ont pas étudié la
géographie des transports de façon systématique ; progressivement ils ont
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réalisé l’importance de ce genre d’étude et ont alors étudié les transports


dans leur dépendance spatiale et leurs impacts dans des domaines comme la
distribution des hommes et de l’habitat et récemment l’état de l’environne-
ment (doc. 3).
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