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Macroéconomie

Travaux dirigés

TD 2
Politiques économiques et solde de la balance courante

Texte à lire : ``Peut-on dévaluer sans dévaluer ?’’ Sophie Piton et


Yves-Emmanuel Bara. La lettre du CEPII N° 324, janvier 2012.
1. Exercices de simulation
1.1. Le taux d’intérêt réel et le solde de la balance courante
Supposons qu’on a une petite économie ouverte dont les hypothèses sont :

• La production Y est déterminée par les facteurs de production et par la fonction de


production

𝑌 = 𝑌̅ = 𝐹(𝐾
̅ , 𝐿̅)

• La consommation C est positivement reliée au revenu disponible Y-T


𝐶 = 𝐶(𝑌 − 𝑇)

• L’investissement I est négativement relié au taux d’intérêt réel r


𝐼 = 𝐼(𝑟)

• Les identités comptables peuvent être décrites comme étant :


𝑁𝑋 = (𝑌 − 𝐶 − 𝐺) − 𝐼
𝑁𝑋 = 𝑆 − 𝐼

• Si l’on considère que le taux d’intérêt domestique est égal au taux d’intérêt mondial,
on obtient :

𝑁𝑋 = [𝑌̅ − 𝐶(𝑌̅ − 𝑇) − 𝐺] − 𝐼(𝑟 ∗ )


= 𝑆̅ − 𝐼(𝑟 ∗ )
Cette équation peut être représentée par la figure ci-dessous :

Supposons que l’économie soit en position initiale d’équilibre de sa balance courante, c.-à-d.
qu’au niveau du taux d’intérêt mondial, l’investissement I est égal à l’épargne S et les
exportations nettes sont égales à 0. Utilisons le modèle suivant pour prédire les effets de
politiques économiques domestiques et étrangers :
1.1.1. Quels sont les effets d’une politique de restriction budgétaire
domestique (à travers une diminution du niveau des dépenses publiques
ou augmentation du niveau des impôts) sur le solde de la balance
courante ? Expliquez les mécanismes économiques à l’œuvre et donnez
une représentation graphique de ces effets.

1.1.2. Quels sont les effets d’une politique de restriction budgétaire étrangère
(à travers une diminution du niveau des dépenses publiques ou une
augmentation du niveau des impôts) sur le solde de la balance courante ?
Expliquez les mécanismes économiques à l’œuvre et donnez une
représentation graphique de ces effets.

1.1.3. Quels sont les effets d’une diminution du niveau des investissements (à
travers une diminution du niveau des dépenses publiques ou une
augmentation du niveau des impôts) sur la balance courante ? Expliquez
les mécanismes économiques à l’œuvre et donnez une représentation
graphique de ces effets.

1.2. Le taux de change réel et la balance courante


La relation entre le taux de change réel et les exportations nettes est :
𝑁𝑋 = 𝑁𝑋(𝜀)
Cette relation (négative) est représentée par la figure suivante :

Dans le cas où on devait représenter l’autre variable qui détermine le solde de la balance
courante (S-I), on aurait :
1.2.1. Comment varient le taux de change réel et la balance courante si le
gouvernement domestique augmente le niveau d’épargne national en
diminuant le niveau des dépenses publiques ou en augmentant les
impôts ? Expliquez les mécanismes économiques à l’œuvre et donnez une
représentation graphique de ces effets.

1.2.2. Comment varient le taux de change réel et la balance courante si le


gouvernement étranger diminue le niveau des dépenses publiques ou
augmente les impôts ? Expliquez les mécanismes économiques à l’œuvre
et donnez une représentation graphique de ces effets.

1.2.3. Comment varient le taux de change réel et la balance courante si le


gouvernement domestique diminue le niveau d’investissement ?
Expliquez les mécanismes économiques à l’œuvre et donnez une
représentation graphique de ces effets.
2. Exercice de formalisation
Cet exercice s'inspire du modèle macroéconomique développé par Jean Freyss dans son
ouvrage intitulé "Economie assistée et changement social en Nouvelle Calédonie" et paru en
1995 aux Presses Universitaires de France. Ce modèle vise à expliciter et à quantifier les
problèmes posés par le développement économique de la Nouvelle-Calédonie durant la
période couvrant la fin des années 1970 jusqu'à la fin des années 1980.
Plus précisément, ce modèle représente le comportement d'un territoire français d'outre-
mer, la Nouvelle-Calédonie (que l'on peut assimiler à une petite économie ouverte), et dont
la monnaie ayant cours légal sur le territoire, le Franc CFP (Change Franc Pacifique) a, sur la
période d'étude, une parité fixe et non ajustable avec le Franc français.
Ce modèle décrit les conséquences à court terme sur l'économie de la Nouvelle Calédonie
d'une augmentation des transferts publics en provenance de la Métropole qui, en théorie,
doit permettre de financer le déficit commercial. En pratique, Jean Freyss montre que, si ces
transferts permettent un accroissement de la richesse, ils aboutissant in fine à une
dépendance plus importante de la Nouvelle-Calédonie à l'égard de ces transferts en
provenance de la Métropole et font de ce territoire une "économie assistée".
L'objectif de cet exercice est d'illustrer et d'expliquer les différents mécanismes qui font, selon
Jean Freyss, de la Nouvelle-Calédonie une "économie assistée".
A priori, la modélisation d'une petite économie telle que celle de la Nouvelle Calédonie est
proche de celle d'une petite économie ouverte aux seuls échanges commerciaux avec le reste
du monde, se situant dans un régime de changes fixes et non ajustables et dans laquelle les
prix (prix domestiques et étrangers) sont fixés.
La seule différence provient de l'introduction des transferts en provenance de la Métropole.
Ces transferts (i) agissent comme un revenu supplémentaire et impactent donc la
consommation et les importations ; (ii) amplifient l'action exercée par les propensions à
consommer et à importer et (iii) sont censés financer le déficit commercial de manière à ce
que la balance courante soit équilibrée (Remarque : la balance des paiements de la Nouvelle-
Calédonie a une modalité de bouclage spécifique puisque comme il s'agit d'un territoire
d'outre-mer, il n'y a pas de réserves de change).
La modélisation de l'économie calédonienne proposée par Jean Freyss est la suivante :

𝑌 = 𝑐(𝑌 − 𝑇̅ + 2𝑇𝐹
̅̅̅̅ ) + 𝐼 ̅ + 𝐺̅ + 𝑋̅ − 𝑚(𝑌 + 2𝑇𝐹
̅̅̅̅ )

𝐵𝐶 = 𝑋̅ − 𝑚(𝑌 + 2𝑇𝐹
̅̅̅̅ )
̅̅̅̅
𝐶𝐴 = 𝐵𝐶 + 𝑇𝐹
Avec
Y : revenu de la Nouvelle-Calédonie
C proposition à consommer, 0 < c < 1
𝑇̅ : impôts collectés par la Nouvelle-Calédonie (exogènes)

𝐼 ̅ : Investissement privé en Nouvelle-Calédonie (exogène)

𝐺̅ : dépenses publiques effectuées par la Nouvelle-Calédonie (exogènes)


BC : balance commerciale de la Nouvelle-Calédonie

𝑋̅ : exportations de la Nouvelle-Calédonie vers le reste du Monde (exogènes)


M : proposition à importer, 0 < m < c < 1
CA : balance courante de la Nouvelle-Calédonie
̅̅̅̅
𝑇𝐹 : transferts en provenance de la Métropole (exogènes)
2.1. Montrez que l'impact que peut avoir une variation des dépenses sur la variation
du revenu (∆Y) et sur la variation de la balance commerciale (∆BC) de la Nouvelle-
Calédonie se formalise de la manière suivante :
1
∆𝑌 = [−𝑐∆𝑇̅ + ∆𝐼 ̅ + ∆𝐺̅ + ∆𝑋̅ + 2(𝑐 − 𝑚)∆𝑇𝐹
̅̅̅̅ ]
(1 − 𝑐 + 𝑚)
1
∆𝐵𝐶 = [𝑐𝑚∆𝑇̅ − 𝑚∆𝐼 ̅ − 𝑚∆𝐺̅ + (1 − 𝑐)∆𝑋̅ − 2𝑚∆𝑇𝐹
̅̅̅̅ ]
(1 − 𝑐 + 𝑚)
2.2. On suppose que les transferts en provenance de la Métropole augmentent d'un
montant ∆𝑇𝐹̅̅̅̅. Décrivez alors l'impact, en précisant et en expliquant tous les mécanismes,
qu'aura cette augmentation en termes de variation du revenu (∆Y) et de variation de la
balance commerciale (∆BC) de la Nouvelle-Calédonie, en distinguant pour la balance
commerciale l'effet direct exercé par les transferts et leur effet total, c'est-à-dire prenant en
compte l'effet de retour de la variation du revenu sur la balance commerciale.
2.3. Moyennant une propension à consommer, c = 0, 7, et une propension à importer, m = 0,
5, une augmentation des transferts de la Métropole d'un montant égal à ∆𝑇𝐹 ̅̅̅̅ = 100 entraîne
une variation du revenu égale à ∆Y = 50, une variation de la balance commerciale égale à ∆BC
= -125 et donc une variation de la balance courante égale à ∆CA = -25. Compte tenu de ces
résultats, justifiez alors l'expression d’"économie assistée" utilisée par Jean Freyss pour
décrire la Nouvelle-Calédonie.
3. Questions sur le texte

3.1. Quels sont les conséquences, en termes de solde de la balance courante, des
failles de l'intégration économique européenne ?

3.2. Pourquoi les pays de la zone euro ne peuvent-ils pas avoir recours à une
dévaluation externe pour améliorer le solde de leur balance courante ?

3.3. Décrivez le processus par lequel la Lettonie, l'Irlande et l'Islande ont connu un
déficit chronique de leur balance courante.

3.4. En quoi consiste une dévaluation interne ? En quoi consistent les politiques de
dévaluation interne menées par la Lettonie et l’Irlande ? Quelles en sont les
conséquences ?

3.5. Au regard des effets des dévaluations internes et externes décrits par les
auteurs, quelle politique de dévaluation préconiseriez-vous ?
LA LETTRE DU
CEPII
N° 324 - 1er août 2012
CENTRE
D'ÉTUDES PROSPECTIVES
E T D ' I N F O R M AT I O N S
I N T E R N AT I O N A L E S

PEUT-ON DÉVALUER SANS DÉVALUER ?


La crise actuelle a révélé la menace que font peser les déséquilibres courants sur l'existence même de la zone euro. En l'absence
d'une réponse fédérale, des efforts nationaux de rééquilibrage seront nécessaires. Deux stratégies d'ajustement sont possibles :
la dévaluation externe ou la dévaluation interne. Les expériences irlandaise et lettone montrent que la dévaluation interne
est un processus lent qui ne permet qu'un ajustement limité, au prix de coûts sociaux persistants. L'Argentine et l'Islande,
qui ont laissé leur monnaie se déprécier, ont eux subi une thérapie radicale : un ajustement conséquent et immédiat qui a
permis une reprise relativement rapide. Plus efficace, la dévaluation externe ne semble pourtant pas à portée des pays de la
zone euro tant les coûts d'une sortie sont considérables. Les processus de dévaluation interne devront sûrement être facilités
par un effort européen.

1
 Les déséquilibres externes
au cœur du problème européen

L a crise actuelle a mis au jour d'importantes failles dans sont pourtant sujets à controverse : bien que la reprise lettone
la conception de la zone euro. L'intégration économique et a été saluée par certains1, plusieurs auteurs ont relativisé son
monétaire a provoqué une irrigation excessive des économies importance et pointé les coûts sociaux des politiques mises en
périphériques en capitaux européens. Dans le même temps, place2. Si les stratégies de dévaluation interne ne fonctionnent
on a assisté à une divergence de la compétitivité des États pas en période de crise, certains pays pourraient être contraints
membres, accentuant l'hétérogénéité des performances à de retrouver des changes flexibles afin de dévaluer leur monnaie.
l'exportation. Ces deux facteurs ont engendré d'importants Nous analysons ici les processus de dévaluation interne en
déséquilibres des comptes courants. De telles asymétries Irlande et en Lettonie en œuvre dès 2009 que nous comparons
aggravent considérablement les difficultés actuelles : en aux épisodes de dévaluation externe3 qui ont eu lieu en Islande
l'absence de transferts entre États permettant un rééquilibrage dès 2008 et en Argentine en 2002.
au niveau européen, les États membres sont contraints de
réduire individuellement leur déficit extérieur.
Une dévaluation externe ne pouvant avoir lieu en régime de  Quatre expériences de crise de balance
change fixe, la Troïka (BCE, FMI et Commission européenne) des paiements
préconise un ajustement par la déflation. L'Irlande et la Lettonie
ont ainsi été élevées au rang de modèles par la Commission La Lettonie, l'Irlande et l'Islande connaissent à partir de
pour avoir suivi dès 2009 ce type de stratégie face à leurs 2007 des crises de nature et d'ampleur comparables (encadré).
propres déséquilibres. Ces processus de « dévaluation interne » Elles résultent invariablement d'une surchauffe de l'économie

1. Voir notamment A. Aslund (2011), How Latvia Came Through the Financial Crisis, Peterson Institute for International Economics, 207 pp. et J. Asmussen (2012),
"Lessons from Latvia and the Baltics", introductory remarks, Riga, disponible sur le site internet de la BCE (http://www.ecb.int).
2. Voir notamment D. Rodrik (2012), "What I learned in Latvia", Dani Rodrik’s weblog ou P. Krugman (2012), "Latvian competitiveness", The conscience of a liberal.
3. Les deux pays n’étaient plus sous régime de change fixe au moment de l’ajustement. Ainsi, nous entendrons par dévaluation externe le fait de laisser sa monnaie
se déprécier brutalement au même titre que la dévaluation monétaire.
caractérisée par des taux de croissance et d'inflation (notamment  Des ajustements d'ampleur inégale
des salaires) dépassant bien souvent les 5% dans les années précédant
l'effondrement. En parallèle, les agents privés accroissent fortement La dévaluation interne : un ajustement limité
leur endettement alors que la dette publique reste relativement Au sein d'une union monétaire ou d'un currency board, les
stable. L'expansion des systèmes bancaires nationaux atteint des ajustements entre pays ne peuvent plus se faire par les taux de
proportions dangereuses. Des bulles immobilières se développent change : il faut agir directement sur les prix. Une dévaluation
dans les trois pays. La montée de ces déséquilibres a pour corollaire interne vise à réaliser cet ajustement via une baisse généralisée des
un creusement du déficit courant et une appréciation du taux de coûts de production provoquée par la déflation et la mise en œuvre
change effectif réel. de réformes structurelles. En pratique, les États n'ont pas d'influence
La Lettonie est un cas typique de boom and bust. En rattrapage, sur l'ensemble des prix et doivent miser sur la propagation d'une
le taux de croissance du PIB s'accélère dès 2004. La contraction du baisse substantielle des salaires des fonctionnaires aux rémunérations
crédit, l'explosion de la bulle immobilière puis la crise mondiale font du secteur privé, puis à l'ensemble des prix à la production. Le
entrer l'économie en récession en 2008. processus doit mener à un déplacement de l'investissement vers
L'Irlande représente un cas intéressant de développement excessif les secteurs exposés à la concurrence internationale. Les réformes
du système financier, de bulle immobilière et de surendettement structurelles doivent quant à elles permettre des gains de productivité.
des agents privés. Alors qu'elle était à l'équilibre depuis 15 ans, l'île L'Irlande et la Lettonie mettent en œuvre une dévaluation interne
connaît ses premiers déficits de balance courante en 2005, révélant dans des contextes politiques différents. L'appartenance de la
davantage une croissance excessive de la demande intérieure qu'une première à la zone euro ne lui laisse guère de choix. Dans le cas de
perte de compétitivité à l'exportation. La crise mondiale de 2008 la Lettonie, en revanche, le FMI préconise un retrait de l'ancrage du
atteint rapidement l'Irlande, faisant vaciller un système bancaire lat à l'euro établi en 2005 ; le gouvernement letton ne voulant en
hypertrophié (dont l'actif représentait 700% du PIB en 2007). aucun cas renoncer à la possibilité de rejoindre rapidement l'euro, il
L'Islande est également un exemple édifiant de croissance démesurée opte pour la dévaluation interne.
de la sphère financière et de développement excessif du crédit. L'actif La Lettonie et l'Irlande mènent ainsi des programmes mêlant
du système bancaire représente ainsi plus de 1000% du PIB en 2007. contraction des dépenses publiques, libéralisation de nombreux
Les ménages islandais établissent la même année un record avec un secteurs et flexibilisation du marché du travail. Les salaires des
2 ratio de dette sur revenu disponible de 213%. La forte inflation liée fonctionnaires sont sensiblement réduits dans les deux pays (de 4,4%
à la croissance se double d'une inflation monétaire provoquée par en 2010 en Irlande, de 13,2% en 2009 puis 8,1% en 2010 en Lettonie,
l'afflux de capitaux européens. voir encadré). Le gouvernement letton procède par ailleurs à une
L'Argentine est un cas à part : elle connaît une inflation modérée dans réduction importante du nombre d'agents de la fonction publique
les années 1990, notamment grâce à son currency board. En 1995, (de 19% entre 2008 et 2010). La baisse des salaires du secteur privé
le FMI félicite la résistance argentine à la crise mexicaine. Pourtant, est pourtant loin des proportions escomptées : 2,3% en Irlande en
d'inquiétants signes de déséquilibres externes s'amoncèlent : le déficit 2010/2011 et 2,9% en Lettonie en 2009/2010. Les salaires lettons
du compte courant atteint 5% du PIB et l'endettement extérieur repartiront d'ailleurs à la hausse dès 2011, revenant à leur niveau de
s'accroît. L'origine de la crise argentine fait débat4 ; le système de 2008. Les prix connaissent des évolutions encore moins favorables :
change fixe aurait néanmoins largement contribué à la dégradation en Irlande, les prix ne baissent que de 2,1% entre 2008 et 2011
de la compétitivité à l'exportation. La crise russe et la dévaluation malgré deux ans de déflation, alors que sur la même période, les prix
du real brésilien de 1998 achèvent de fragiliser la compétitivité et le augmentent de 6% en Lettonie, pays qui ne connaît qu'une seule
solde courant argentins. année de déflation (1,2% en 2010).
Ces quatre pays connaissent ainsi des déséquilibres importants et L'appauvrissement des ménages n'a ainsi pas permis de rétablir la
le désajustement de leur taux de change effectif réel nous donne compétitivité comme le montrent les taux de change effectif réels
une indication de l'ampleur du rééquilibrage à réaliser. Le taux des pays considérés qui ne se sont que modérément dépréciés : 11%
irlandais, globalement sous-évalué dans les années 2000, semble en Irlande, 7% en Lettonie. Le retournement du solde courant letton
légèrement surévalué en 2008 (d'environ 5%). Les autres pays en 2009 traduit ainsi davantage un effondrement de la demande
connaissent quant à eux des surévaluations majeures : 12% en 2007 intérieure qu'un regain de compétitivité : corrigée des évolutions de
pour l'Islande, 15% la même année pour la Lettonie et 20% en la demande interne6, le déficit du compte courant atteindrait 6% du
1999 pour l'Argentine5. PIB en 2009 et 18% en 2011. Même si les exportations augmentent

4. FMI (2003), "Lessons from the crisis in Argentina", staff report prepared by the Policy Development and Review Department, octobre.
5. Pour l'Islande et la Lettonie, estimations du FMI. Pour l'Argentine et l'Irlande, estimations de V. Mignon et al. (2012), "On currency misalignments within the euro
area", CEPII Document de travail, n° 2012-07, avril.
6. Pour obtenir la balance courante corrigée des évolutions de la demande intérieure, nous soustrayons de la balance courante les évolutions des importations relatives
aux variations de la demande domestique. Afin de calculer ces évolutions, nous corrigeons les importations des évolutions de la demande domestique en utilisant
une élasticité des importations à la demande finale adressée au pays de 1,5, en ligne avec la littérature.
Encadré 1 – Crises et ajustements
(t : début de l'ajustement, 2002 pour l'Argentine, 2008 pour l'Islande, 2009 pour l'Irlande et la Lettonie)

Argentine Islande Irlande Lettonie


Balance courante corrigée des évolutions
PIB réel (t-5 = 100) Balance courante (en % du PIB)
de la demande intérieure (en % du PIB)
  





 


 

  
W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W

Taux de change effectif réel (t-5 = 100) Inflation des prix à la consommation (en %) Taux de chômage (en %)
  


 
 

 




  
W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W W

Évolution des salaires horaires, valeur nominale (moyenne des variations annuelles, en %)

SULYp SXEOLF


















































$UJHQWLQH ,VODQGH ,UODQGH /HWWRQLH

Source : Calculs des auteurs à partir des données du FMI, de la BRI, d'Eurostat et de sources nationales.
3
plus rapidement que les importations entre 2009 et 2011, la balance Ces ajustements se révèlent très coûteux à court terme : le PIB
commerciale est toujours déficitaire en 2011, à hauteur de 3,9% réel se contracte de 10% en 2009/2010 en Islande et dans les
du PIB. En Irlande, la chute de la demande intérieure explique en mêmes proportions en 2002 en Argentine. La hausse des prix à la
grande partie l'amélioration du solde courant (encadré). consommation atteint 26% en moyenne en 2002 en Argentine ; elle
Ces politiques procycliques aggravent une conjoncture déjà se stabilise à 12% sur la période 2008-2009 en Islande. Rapidement
défavorable : l'Irlande et la Lettonie sont en récession de 2008 à ces effets s'estompent et laissent la place à une reprise l'année suivant
2010 avec un PIB se contractant respectivement de 10,4% et 21,3%. l'ajustement : en 2003 le PIB réel argentin augmente de 9% et le PIB
Le retour de la croissance en Lettonie (5,5%) en 2010 témoigne d'un islandais de 3% en 2011. La hausse des prix décélère et atteint en
environnement extérieur favorable (hausse des importations de ses moyenne 4% deux ans après la crise (2004 pour l'Argentine et 2011
partenaires commerciaux). L'Irlande, qui ne bénéficie pas d'un tel pour l'Islande).
rebond, voit son économie stagner (encadré). Finalement, même si l'inflation a atténué une partie des effets de
la dépréciation, cette dernière a tout de même permis une baisse
La dévaluation externe : une solution radicale des prix relatifs (pass-through) de 54% en 2002 pour l'Argentine
L'Argentine, qui a tenté un ajustement par la déflation, a vu sa et de 19% pour l'Islande en 2008. De plus, l'inflation consécutive
situation se dégrader entre 1998 et 2001 (encadré). Le choix d'un à la dévaluation externe a essentiellement concerné les biens
défaut sur la dette publique, puis d'une sortie du currency board, exportables8, permettant un transfert des ressources des secteurs
se fait dans un contexte politique difficile. La monnaie argentine abrités vers les secteurs exposés. Le taux de change effectif réel s'est
se déprécie fortement : un peso ne vaut plus que 0,25 dollar en instantanément corrigé : de 57% en Argentine en 2002, de 37% en
juillet 20027. En Islande, l'année 2008 est marquée par le délitement Islande en 2008/2009 (encadré).
progressif du système financier. La couronne islandaise voit son Même s'il n'est pas encore possible de conclure pour l'Islande, les
cours s'effondrer continuellement jusqu'à ce que la banque centrale reprises des deux pays semblent soutenables. Le déficit courant
tente d'imposer un ancrage à l'euro. Ce dernier est très vite islandais s'est réduit de 17 points de PIB entre 2008 et 2011 et la
abandonné. Au total, la couronne perd plus de 50% de sa valeur balance courante argentine est redevenue excédentaire dès 2002,
vis-à-vis de l'euro entre janvier 2008 et janvier 2009. se stabilisant à 2,5% du PIB en moyenne entre 2004 et 2007. En

7. Sous le currency board, le taux de change était de 1 peso pour 1 dollar.


8. Voir A. Burstein, M. Eichenbaum & S. Rebelo (2005), "Large Devaluations and the Real Exchange Rate", Journal of Political Economy, vol. 113, n° 4.
Islande, la baisse de la demande intérieure consécutive à la dévaluation jusqu'en 2003 et le solde migratoire islandais s'est retourné en 2009.
externe explique largement l'amélioration de la balance courante en Néanmoins, cet impact s'est rapidement estompé : le chômage
2008/2009. Cependant, la réduction ultérieure du déficit courant commence à baisser dans l'année suivant le choc monétaire.
tient davantage à la hausse des exportations (voir la balance courante Les secteurs privés argentin et islandais étant largement endettés en
corrigée des évolutions de la demande interne en encadré). dollar ou en euro, les pays risquaient une vague de faillites du fait de la
dévaluation externe. En Argentine, la sortie de l'ancrage était d'autant
plus risquée que la confiance dans la monnaie nationale était faible.
 Dévaluations interne ou externe : En 2002, l'inflation soutenue et l'apparition de monnaies parallèles ont
des choix coûteux mis en danger l'existence même du peso. Sa survie a été assurée par la
volonté politique d'une pesification de l'économie entraînant un défaut
L'explosion du chômage, qui augmente de 11 points de pourcentage partiel sur la dette externe publique et privée. En Islande, la dévaluation
en Lettonie et de 7 points en Irlande entre 2008 et 2010, reflète la externe a elle aussi été menée dans un cadre strict de contrôle des
baisse de l'emploi public mais aussi la chute de la demande intérieure : capitaux, sans quoi ils auraient massivement fui le pays. Ainsi, une
le secteur privé ajuste davantage par la réduction des effectifs que particularité de la dévaluation externe est qu'elle implique de favoriser
par la baisse des salaires. La récente baisse du chômage en Lettonie les débiteurs nationaux au détriment des créanciers étrangers.
(de 3 points en 2011) s'explique davantage par le recul continu de
la population active (de 6% entre 2008 et 2011) que par la création
d'emplois (l'emploi total n'a augmenté que de 3% entre 2010 et  La crise de la zone euro ne se résoudra
2011). L'émigration a joué un rôle important : selon Eurostat, elle pas au niveau national
a doublé dans les deux pays alors que l'immigration chutait. Á long-
terme, ces mouvements induiront des coûts importants en termes de Au regard des expériences passées, la dévaluation externe représente
capital humain et de transferts sociaux. Comme le souligne le FMI, la un moyen plus efficace que la dévaluation interne d'éliminer les
pauvreté et les inégalités se sont accrues en Lettonie, pays déjà parmi déséquilibres. Elle n'est cependant pas réalisable au sein d'une union
les plus pauvres d'Europe, alors qu'en Irlande le système de protection monétaire. Les ajustements devraient donc s'effectuer par dévaluation
sociale, plus adapté, a permis d'atténuer le choc. interne, même si ce processus est lent et coûteux. Cette stratégie
4 La dévaluation interne est considérée par ses partisans comme un sera d'autant plus difficile à mettre en œuvre que l'ampleur des
moyen de restaurer compétitivité et finances publiques. Pourtant désajustements en 2011, en Grèce et au Portugal notamment9, est
ces objectifs sont largement contradictoires : dans un contexte de plus importante qu'en Irlande et en Lettonie en 2008. Les partenaires
dégradation des comptes publics du fait du sauvetage des systèmes européens devront orienter leurs politiques de manière à faciliter ces
financiers, la chute du pouvoir d'achat des ménages entraîne une processus. Parmis les solutions envisageables, une inflation plus élevée
baisse mécanique des rentrées fiscales et une hausse des dépenses liées dans les pays excédentaires faciliterait l'ajustement des prix relatifs. De
aux aides sociales. Les dettes publiques irlandaise et lettone ont ainsi même, l'allocation d'un budget européen conséquent à l'investissement
explosé : de moins de 5% du PIB en 2007, la dette lettone atteint dans les pays en difficulté permettrait de stimuler leur productivité et
29% en 2011 alors que la dette irlandaise est passée de 11% à 102% de faciliter la réduction de leurs déficits courants.
du PIB sur la même période. Les deux pays se sont vus contraints
de faire appel au FMI et à leurs partenaires européens, entraînant une
dépendance de fait envers les financements publics extérieurs.
La dévaluation externe entraîne elle aussi un appauvrissement de la
population et les taux de chômage argentin et islandais ont atteint des Yves-Emmanuel Bara & Sophie Piton
niveaux importants. L'Argentine a vu son taux de pauvreté augmenter sophie.piton@cepii.fr

9. B. Carton et K. Hervé (2012), "Désajustements des taux de change effectifs réels dans la zone euro", La Lettre du CEPII, n° 319, avril.

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