Vous êtes sur la page 1sur 36

Domaine : FLLA

Établissement : FLLA

Filière : ANGLAIS

FRA 001 :
Technique de composition : La dissertation
(Unité d’enseignement de français --- 4e Semestre de Licence LMD)

Paguindambe SAMBIANI

1
SYLLABUS DE COURS

Code et Intitulé de l’UE : FRA 001/TECHNIQUE DE DISSERTATION


Domaine : FACULTE DES LETTRES, LANGUES ET ARTS (FLLA)
Parcours : ANGLAIS/License
Semestre : Mousson/Semestre 4
Crédits : 2 crédits
Volume horaire : 24 heures
Jour, heure, Lieu de l’enseignement : Samedi de 11H30 à 13H30, AGORA C
Enseignant responsable de l’UE : SAMBIANI PAGUINDAMBE, docteur, Lettres
modernes, Théâtre Africain,
Adresse : tel : 90 94 05 46/99752298, courriel : sambjack83@yahoo.fr
Disponibilité : Samedi de 11H30 à 13H30 à la salle de professeurs de Lettres
modernes pour recevoir les étudiants.
Public cible : Etudiants du département d’Anglais, Parcours Licence, Semestre 4
(Mousson)
Bref descriptif de l’UE :
Le cours est construit pour développer les capacités rédactionnelles des étudiants.
Ainsi, nous aborderons d’abord les stratégies d’argumentation. Ensuite, nous
étudierons l’élaboration du plan de la dissertation : analyse du sujet, formulation de la
problématique, recherche des idées, progression du texte. Puis, les étudiants mettront
en pratique les aspects enseignés en apprenant à rédiger des dissertations portant sur
des problématiques littéraire, sociale, historique, philosophique, culturelle… Cet
exercice d’écriture exige, d’une part, une capacité de lecture et de composition, d’autre
part, une compréhension véritable des enjeux de la problématique sur laquelle porte
l’exercice.
A chaque séance, les étudiants suivront un cours magistral avec l’enseignant. Pendant
ce cours, ils acquerront tous les éléments théoriques et méthodologiques concernant la
dissertation et ses caractéristiques formelles. Après les séances théoriques, ils suivront
aussi des cours pratiques. Grâce aux exercices de rédaction, ils appliqueront les
données théoriques enseignées en cours magistral. Les questions développées pendant
les séances magistrales et pratiques préparent les étudiants à produire des travaux
universitaires, surtout argumentatifs, de qualité.
L’absence à une séance magistrale ou pratique peut affecter considérablement la
compréhension de la leçon de la leçon suivante.

2
PRE-REQUIS :
Pour suivre ce cours, l’étudiant doit avoir des compétences en narration et en
description. Il doit maîtriser la typologie textuelle, les mots de liaison, les éléments
grammaticaux, l’orthographe, le vocabulaire. Il doit posséder une culture générale et
littéraire denses.
OBJECTIF GENERAL :
Le cours Fra 001 vise à guider les étudiants à produire des travaux universitaires,
surtout argumentatifs, de qualité.
OBJECTIFS SPECIFIQUES :
A la fin de ce cours, les étudiants doivent être en mesure de :
- analyser les textes, en dégager le plan, la signification et les objectifs et de
traiter à leur sujet d’une problématique de façon cohérente et structurée ;
- formuler les idées de manière qu’elles s’enchaînent logiquement selon une
progression ordonnée
- rédiger des textes qui traitent une problématique ou expliquent un fait en
portant attention tant au contenu qu’à la forme ;
- plus particulièrement maîtriser l’art de la dissertation en faisant attention à la
conception du plan (recherche d’idées, agencement et structuration, forme) ;
- introduire dans leurs textes des citations accompagnées de références
bibliographiques ;
- repérer dans leurs textes les erreurs de langue les plus fréquentes et les corriger.

PLAN DU CONTENU D’ENSEIGNEMENT

Objectifs Séance Contenu et activités d’enseignement Méthodes


/ apprentissage d’enseignement/

apprentissage
1 L’argumentation : Les différents types Magistral + Travaux
d’arguments et les stratégies personnels des étudiants
d’argumentation
2 Le sens implicite du texte : Les Magistral + Travaux
différents types d’implicite et personnels des étudiants
pourquoi recourt-on à l’implicite
3 La progression thématique : Les types Magistral + Travaux
de progression et les outils de la personnels des étudiants
cohérence du texte
4 Le sujet de dissertation : Analyse du Magistral + Travaux

3
sujet et Formulation de la personnels des étudiants
problématique
5 Construire un plan : Le plan Magistral + Travaux
d’ensemble et le plan détaillé personnels des étudiants
6 Articuler, construire des paragraphes Magistral + Travaux
personnels des étudiants
7 Comment trouver les idées principales Magistral + Travaux
et secondaires personnels des étudiants
8 Comment intégrer les citations et Magistral + Travaux
exemples personnels des étudiants
9 Introduire et conclure : Rédaction de Magistral + Travaux
l’introduction et de la conclusion) personnels des étudiants
10 Développement, argumentation et Magistral + Travaux
transition : Rédaction des paragraphes personnels des étudiants
du développement
11 Rédaction d’une dissertation sur le Magistral + Travaux
sujet annonce à la leçon 4. personnels des étudiants
12 Un modèle de présentation du devoir, Présidentiel + Travaux
correction générale personnels des étudiants

INTERVENTION PEDAGOGIQUE :
- Les cours théoriques magistrales
- Les travaux pratiques et dirigés

CRITERE D’EVALUATION :
-DST obligatoire (1/2 des crédits)
-Examen semestriel (1/2 des crédits)

BIBLIOGRAPHIE :
Ouvrages sur la dissertation
Baudelle.Y, Deguy J., Leroy C., Renard P., Viart D., Dissertations littéraires
générales, Nathan université, 2003.
Bergez, Daniel, L’explication de texte littéraire, Paris, Dunod, 1996 [1989].
Blain, Thérèse et al., Technique de dissertation. Comment élaborer et présenter sa
pensée, Sainte-Foy, Le Griffon d’argile, 1992.

4
Chassang, A, Senninger, Ch ., La Dissertation littéraire générale. Structuration
dialectique de l’essai littéraire, Hachette université, 1972. (très classique, plusieurs
rééditions).
Genette, Gérard, « Rhétorique et enseignement », Figures II, Paris, Seuil, 1979,
[1969].
Gicquel, Bernard, L’explication de textes et la dissertation, Paris, PUF, 1993.
Huisman, Denis et al., L’art de la dissertation littéraire, Paris, Enseignement
supérieur, 1975, [1960].
Labre, Chantal et Patrice Soler, Méthodologie littéraire, Paris, PUF, 1995.
Morfaux, Louis-Marie et Roger Prévost, Résumé et synthèse de textes. Méthodes et
textes d’application, Paris, Armand Colin, 1984.
Preiss, Axel et Jean-Pierre Aubrit, L’explication littéraire et le commentaire composé,
Paris, Armand Colin, 1994.
Ravoux Rallo, Élisabeth, Le deug de lettres modernes, Paris, Armand Colin, 1992.
Rohou, Jean, Les études littéraires. Méthodes et perspectives, Paris, Nathan, 1993.
Rohou, Jean, Les études littéraires. Méthodes et perspectives, Paris, Nathan, 1993.
Sabbah, Hélène, Le résumé : définitions, méthodes, exercices, mots clés, corrigés,
Paris, Hatier, 1991.
Scheiber, Claude, La dissertation littéraire, Paris, Bordas, 1989.
Sur la lecture d’œuvres littéraires
Arambourou, Charles, François Texier et Francis Varoye, Guide du résumé de texte,
Paris, Hachette, 1991.
Barthes, Roland, Le plaisir du texte, Paris, Seuil, 1973.
Boucher, Raymond et Marcel Mignault, Les étapes de la rédaction d’un travail en
bibliothèque, La Pocatière, Société du stage en bibliothéconomie, 1978, [1964].
Calvino, Italo, Pourquoi lire les classiques ?, Paris, Seuil, 1993.
Gracq, Julien, En lisant en écrivant, Paris, José Corti, 1982, [1980].
Pound, Ezra, A.b.c. de la lecture, Paris, Gallimard, 1966.
Dictionnaires
Bailly, René, Dictionnaire des synonymes, Paris, Larousse, 1975.
Bénac, Henri, Dictionnaire des synonymes, Paris, Hachette, 1982.

5
Bescherelle 1. L’art de conjuguer. Dictionnaire de 12 000 verbes, Bruxelles/Paris,
Didier/Hatier, 1990.
Grevisse, Maurice, Le bon usage, grammaire française, Paris/Gembloux, Duculot,
1993.
Aquien, Michèle et Georges Molinié, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, Paris,
Librairie générale française, 1996.
Dupriez, Bernard Marie, Gradus des procédés littéraires, Paris, Union générale
d’éditions, 1980.

6
L’ARGUMENTATION
Objectifs : -repérer les types d’arguments et de raisonnement utilisés ;
-identifier la stratégie d’argumentation, le thème, la thèse, les arguments et exemples dans un
texte ;
-rédiger des textes argumentatifs.

Introduction
Un argument est une proposition qui est reconnue ou donnée comme vraie et qui sert à en
faire admettre une autre, dont la vérité est à prouver.
Argumenter, c’est choisir et organiser les arguments qui permettent de convaincre
l’interlocuteur ou le lecteur, c’est construire un raisonnement à propos d’une question
(Le thème de l’argumentation) et choisir une stratégie de parole pour amener l’autre à adopter
la thèse que l’on soutient.
La discussion, le commentaire, la dissertation s’appuient sur un plan argumenté et des
articulations bien définies.

I. Les différents types d’arguments


1. Les arguments logiques
Ils s’inspirent de la démarche scientifique où l’on distingue :

a. Le raisonnement par induction


On part de faits particuliers pour conclure sur une vérité générale : c’est la démarche des
sciences d’observation qui induisent des vérités abstraites sur la base d’expériences. On
raisonne couramment sur la base de documents, de faits, de témoignages :
Ex. : Il a voté dimanche (argument) : c’est (donc) un bon citoyen (conclusion).
b. Le raisonnement par déduction
On part d’idées générales pour justifier une conclusion particulière : c’est la démarche du
mathématicien qui s’appuie sur des postulats, propositions qu’il n’a pas à démontrer, et en
déduit des conséquences. C’est aussi celle de raisonnements, très courants, en forme de
syllogismes, qui fondent une conclusion sur deux propositions posées comme vraies :
Ex. Les hommes sont mortels (vérité générale= argument1)
(or) Socrate est un homme (évidence admise par tout le monde = argument2)
Très souvent le syllogisme est raccourci :
Socrate est mortel parce qu’il est homme (ici l’argument 1 est implicite*)
Hors des textes scientifiques, le raisonnement peut être logique dans sa forme, mais utiliser
des arguments qui consistent en des vérités subjectives et donc discutables. Ainsi dans Le
Misanthrope de Molière :
…je hais tous les hommes (conclusion d’Alceste) :
Les uns, parce qu’ils sont méchants et malfaisants,
Et les autres pour être aux méchants complaisants. (arguments discutés par Philinte)

2. Les arguments d’autorité


La citation*d’une personnalité qui fait autorité, un proverbe, lieu commun de la sagesse
populaire, peuvent renforcer un argument ou en tenir lieu.
Mais si la citation contient une contre-vérité, elle risque de justifier un raisonnement qui
aboutit à une conclusion erronée :
La nature des choses pesantes, dit Aristote, est de tendre au centre du monde. Or l’expérience
nous fait voir que les choses pesantes tendent au centre de la terre. Donc le centre de la terre
est le centre du monde.
3. Les exemples
7
Pour soutenir une opinion, une vérité d’ordre intellectuel, on peut l’illustrer par une donnée
concrète plus facile à saisir, un fait connu, une histoire vraie ou fictive, une comparaison *ou
une métaphore * frappant l’imagination, qui sert d’exemple.
L’exemple vient en principe à l’appui de l’argumentation logique, comme illustration. Mais
dans certains cas, il peut servir de point de départ à une généralisation et remplacer une
démonstration : ainsi les récits des fables fondent-ils les moralités de La Fontaine.

TEXTE 1
Le vote dont j’ai bénéficié me touche d’autant plus qu’1il prend ainsi à mes yeux une
valeur symbolique. Car2 de toute évidence il ne va pas à ce que j’ai pu faire ; il va donc2 à ce
que je représente-non sans conviction, il est vraie : un professeur, une helléniste.
Discours de réception à l’Académie française, De J. de Romilly (Le Monde, 29
Octobre 1989).

Une argumentation logique


Repérages
1. Lien logique entre un sentiment (me touche) et sa cause.
2. Lien logique entre un jugement (valeur symbolique) et sa cause.
3. Conclusions du raisonnement.

Vers l’interprétation
La modestie de J. de Romilly la pousse à rechercher à son élection une cause
qui dépasse sa personne :
Partant de son émotion, elle remonte une chaîne d’inductions qui la conduit à
la conclusion qu’on a voulu honorer sa fonction.
TEXTE 2
L’étude de l’Histoire permet, enfin, de situer exactement la notion de progrès.1 on se fait
généralement du progrès une idée forte élémentaire. Comme l’écrit Lewis Mumford (a), on est
porté à penser que, si les rues de nos villes étaient sales XIXe siècle, elles devaient avoir été
six cents fois plus sales, six cent ans auparavant. Combien d’étudiants croient de bonne foi
que ce qui s’est passé au XIXe siècle, par exemple le travail des enfants dans les usines, avait
toujours existé et que seuls la lutte des classes et le syndicalisme à la fin du XIX e siècle ont
débarrassé l’humanité de cette tare !…2pour l’historien le progrès général ne fait pas de
doute : mais non moins le fait qu’il ne s’agit jamais de progrès continu, uniforme,
déterminé.que l’humanité avance sur certains points, recule sur d’autres, et cela d’autant plus
aisément que tel élan qui fait l’effet d’un progrès à un moment donné fera, par la suite, l’effet
d’une régression. Au XVIe siècle, on n’a nullement douté que l’humanité ne fût en progrès, et
notamment du point de vue économique ; fort peu de gens ont pris conscience de ce que,
comme le clamaient Las Casas(b) et quelques autres frères dominicains du Nouveau Monde, ce
progrès économique se faisait en rétablissant l’esclavage par un gigantesque mouvement de
réaction et que, par conséquent, un pas en avant ici peut se payer d’un recul
ailleurs.3L’humanité progresse indiscutablement, mais pas uniformément ni partout.4
Régime PERNOUD, Pour en finir avec le Moyen Age, Coll.Points Histoire,
Éditions du Seuil (1979).
(a) Lewis Mumford : historien et sociologue américain qui s’est intéressé aux problèmes de
l’urbanisme.
(b) Las Casas : religieux dominicain espagnol du XVIe siècle. Il défendit les Indiens contre
l’oppression des conquérants.

8
Le développement d’une argumentation
Repérages
1 Thème en discussion (la question du progrès).
2 Thèse rejetée (le progrès est continu) et mise en question polémique de cette
thèse : terme dévalorisant (idée fort élémentaire), exclamation.
3 Thèse soutenue (le progrès général ne fait pas de doute… mais il n’est ni
continu ni uniforme…) et arguments à l’appui (exemple+argument d’autorité).
4 Conclusion : reformulation plus percutante de la thèse défendue.
Vers l’interprétation
La thèse combattue est d’abord introduite comme une idée reçue (… on est
porté à penser que … généralement…) et repoussée comme erronée :
raisonnement par l’absurde (six cents fois plus sales… !), exemples et opinion
d’un expert à l’appui. Puis, après une concession partielle (le progrès général
ne fait pas de doute : mais…), la thèse soutenue est énoncée brièvement, puis
expliquée : elle n’est ensuite étayée que par un exemple, le cas du XVIe siècle,
et par un argument d’autorité, le jugement de Las Casas.

II. Les stratégies d’argumentation


Défendre efficacement une thèse impose de choisir une stratégie d’argumentation, qui varie
selon la force des arguments dont on dispose et de ceux de la thèse réfutée.

1. Dans certains textes, tous les arguments et les raisonnements présentés sont en faveur de
la thèse soutenue par l’auteur (type plaidoyer, apologie)
La thèse peut être placée en tête du raisonnement et reprise en conclusion ou apparaître
seulement en conclusion. Les citations et les exemples à l’appui ouvrent, accompagnent ou
clôturent le dispositif argumentatif.
2. Dans d’autres textes (type discussion, débat) on peut, comme dans une controverse
dialoguée, prendre en compte la thèse opposée.
a. On peut réfuter ses arguments en montrant qu’ils ne sont pas pertinents par rapport à
la conclusion qui en est tirée ou qu’ils sont faibles (on a déjà noté que les arguments
d’autorité pouvaient être contestables).
On peut aussi objecter à un argument de l’adversaire un contre-argument qui l’invalide, ou
retourner l’argument contre lui.
Jupiter : Tu n’as jamais désiré être déesse, ou presque déesse ?
Alcmène : Certes non ?pour quoi faire ?
Jupiter : pour être honorée et révérée de tous. (Argument)
Alcmène : je le suis comme simple femme, c’est plus méritoire. (Contre argument)

(J.GIRAUDOUX, Amphitryon 38).

b. On peut jouer de la concession* qui est un procédé par lequel on donne raison, en un
premier temps, à la thèse adverse pour mieux la rejeter ensuite.
Bien sûr il y a des injustices en France, mais regardez ce qui se passe ailleurs !
c. On peut laisser implicites*certains éléments du raisonnement, car ce qui est sous-
entendu est plus difficilement réfutable que ce qui est explicitement dit.
3. Dans certaines stratégies plus polémiques* on vise à disqualifier l’adversaire.
a. Le raisonnement par l’absurde démontre la fausseté d’une thèse par les absurdités qui
s’ensuivraient si on l’admettait.
En France la publicité pour les distributeurs est interdite à la télévision. En Europe elle est
permise. Bref la France n’est pas en Europe. (Publicité des centres Leclerc)

9
b. Le dilemme enferme l’autre dans un choix impossible.
Si la femme qu’on épouse est belle, elle cause de la jalousie ; si elle est laide, elle déplait,
donc il ne faut point se marier.
c. L’ironie*consiste à feindre d’adopter l’opinion de l’autre pour mieux la détruire, en la
ridiculisant.
4. Dans une argumentation de mauvaise foi on peut en arriver à de faux arguments.
a. La tautologie est un raisonnement en cercle vicieux.
100% des gagnants ont tenté leur chance ! (publicité pour le Loto)
b. Le prétexte est une fausse raison invoquée pour se tirer d’un mauvais pas (cas de la
maladie « diplomatique »).
c. L’argument ad hominem s’appuie sur la personnalité de l’adversaire (son physique, sa
morale, ses origines) pour réfuter son opinion ou le condamner : ainsi lorsqu’on attaque les
thèses de Rousseau en invoquant le fait qu’il a abandonné ses enfants.

TEXTE 3
Mme SMITH :  Le docteur Mackenzie-King est un bon médecin. On peut avoir confiance
en lui. Il ne recommande jamais d’autres médicaments que ceux dont il a fait l’expérience sur
lui-même. Avant de faire opérer Parker, c’est lui d’abord qui s’est fait opérer du foie, sans être
aucunement malade1
M.SMITH : Mais alors comment se fait-il que le docteur s’en soit tiré et que Parker en soit
mort ? 2
Mme SMITH : Parce que l’opération a réussi chez le docteur et n’a pas réussi chez Parker3
M. SMITH : Alors Mackenzie n’est pas un bon docteur. L’opération aurait dû réussir chez
tous les deux ou alors tous les deux auraient dû succomber.… un médecin consciencieux
doit mourir avec le malade s’ils ne peuvent pas guérir ensemble. Le commandant d’un bateau
périt avec le bateau.…4

Eugène IONESCO, La Cantatrice chauve, Scène1, Gallimard (1950)

Une argumentation absurde

Repérages

1. Thèse et arguments de Mme Smith :


-arg. 1 logique en apparence (induction), absurde en réalité ; -arg.2 exemple
(Avant de se faire opérer…).
2. Mise en question (= contre-argument) de l’exemple de Mme Smith.
3. Réponse par un argument tautologique (raisonnement en forme de
lapalissade, qui ne démontre rien).
4. Thèse et arguments de M. Smith :
- Arg.1 par déduction, à partir d’un principe déontologique cocasse :
l’opération aurait dû … ;
- Arg.2 par analogie loufoque entre commandant et médecin, entre bateau et
malade.

Vers l’interprétation
Les personnages usent des ressources d’une argumentation apparemment logique (induction,
déduction, exemple, comparaison, contre-argumentation). Mais leurs arguments sont

10
absurdes : le comique naît de l’utilisation caricaturale de la logique par des individus dont la
pensée déraille.

TEXTE 4
Je ne puis troubler sa boisson2
Un agneau se désaltérait -Tu la troubles, reprit cette bête cruelle ;
Dans le courant d’une onde pure. Et je sais que de moi tu médis l’an passé.
Un loup survient à jeun, qui cherchait -Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas
aventure, né ?
Et que la faim en ces lieux attirait. Reprit l’agneau ; je tête encore ma
 « Qui te rend si hardi de troubler mon mère.
breuvage ? -Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
Dit cet animal plein de rage : -Je n’en ai point. - C’est donc quelqu’un
Tu seras châtié de ta témérité1 des tiens ;
- Sire, répond l’agneau, que votre Majesté Car vous ne m’épargnez guère,
Ne se mette pas en colère ; Vous, vos bergers et vos chiens3
Mais plutôt qu’elle considère On me l’a dit : il faut que je me
Que je me vas désaltérant venge. » 4
Dans le courant
LA FONTAINE, « Le loup et l’agneau », Fables, I,10
Plus de vingt pas au-dessous d’Elle ; (1668).
Et que par conséquent, en aucune façon,

Une argumentation de mauvaise foi


Vers l’interprétation
Repérages Les deux animaux plaident avec tout l’appareil de
1. Arguments-prétextes de l’accusation. l’argumentation logique : au loup qui L’accuse
2. Argument (preuve par induction) innocentant sous des
l’accusé Prétextes divers, l’agneau objecte des contre-
3. Nouveaux prétextes du loup : argument ad arguments imparables ; le loup réagit avec de
hominem, généralisation abusive (argument de nouveaux arguments d’une mauvaise foi
responsabilité collective). grandissante pour conclure sur une condamnation
4 En dernier recours, argument de pseudo-autorité décidée par avance.
justifiant l’exécution immédiate. *La fable est un exemple qui démontre
ironiquement l’hypocrisie de ceux
qui « raisonnent » pour justifier l’usage injuste de
la force.

11
Exercice

A. Repérez dans les textes suivants les types d’arguments et de raisonnements utilisés.
1. Nous avons du talent. Vous avez du talent. Conjuguons nos talents. (slogan publicitaire
pour une banque)
2. Je passe donc je suis. (Descartes)
3. La culture c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale. (E. Herriot)
4. Extrait d’une circulaire adressée à des parents d’élèves de collège :

Pourquoi choisir le LATIN ?


Le latin est utile à la formation de l’enfant :
- parce qu’il est le fondement de la langue française et facilite son étude sur le plan
du vocabulaire, de la grammaire et de la littérature ;
- parce qu’il est indispensable à une bonne compréhension de notre histoire, de nos
lois et de nos mœurs ;
- parce qu’il est un outil de formation intellectuelle développant, parallèlement aux
mathématiques, l’aptitude au raisonnement, l’esprit d’analyse et de synthèse,
comme en témoigne la réussite des latinistes dans les classes C.

B. Repérez dans le texte suivant :


- le thème de l’argumentation ;
- la thèse soutenue par l’auteur ;
- l’explication de la thèse ;
- l’argument logique qui la soutient ;
- l’exemple à l’appui de la thèse.

La lecture est un plaisir, une nécessité, une hygiène. Toutes les lectures ne se valent pas, mais
n’importe laquelle vaut mieux que pas de lecture du tout. Lire un journal, c’est mieux que se
laisser imbiber passivement par le ronronnement audiovisuel ; lire un mauvais livre, c’est
mieux que pas de livre du tout, pourquoi ? Parce que la lecture appelle la lecture, et que la
« mauvaise » finira toujours par entrainer la bonne. En musique, on commence par Les Yeux
noirs et Le Beau Danube bleu et l’on arrive à Mozart et à Berg. La lecture est une pente qui
nous entraine en montant.
F. Nourissier, Le Figaro Magazine (1992)

C. « L’émulation et la sélection sont le ressort de l’enseignement. Elles sont indispensables.


Et elles sont bonnes et fécondes. » Recensez les arguments favorables, puis les arguments
défavorables à cette thèse J. de Romilly.
En utilisant une stratégie de concession (il ne fait pas de doute que… mais…) élaborez une
argumentation pour :
- soutenir la thèse ;
- pour l’attaquer.

12
LE SENS IMPLICITE DU TEXTE

Objectifs : -dégager le sens d’un texte


-déceler le sens implicite d’un texte
-recourir à l’implicite dans son argumentation

Introduction
Les textes ont un sens explicite, communiqué directement (dénotation*) ou indirectement
(connotations* ‘figures) par les mots ou les phrases que l’on emploie. Mais certains mots et
certains agencements de phrases véhiculent un sens implicite, un non-dit, intentionnellement
caché. L’essentiel du sens est parfois dans ce qu’on veut laisser entendre ou faire entendre. Il
est donc important de réparer l’implicite du texte et de se demander pourquoi on y recourt si
souvent dans les dialogues et dans les textes argumentatifs.
▪ le recourt à l’implicite est une des stratégies d’argumentation
▪ la recherche des éléments implicites d’un sujet de dissertation permet d’enrichir sa
pro- problématique.

1. Les différents types d’implicite

a. Les présuppositions
Quand on dit : je regrette la démission du président, on énonce explicitement une information
(j’éprouve du regret …) et on en présuppose une autre (« le Président a démissionné) »,
comme si elle était déjà connu. Autre exemple : Même ses amis intimes ont renoncé à le
défendre.
Même entraine la présupposition « les autres, moins intimes, avaient déjà renoncé … » ; ont
renoncé présuppose « ses amies intimes l’ont jusqu’à présent défendu ».
Les présuppositions attachées à l’emploi de divers mots et constructions sont donc des
informations implicites qui sont impliquées obligatoirement par ce qui est dit explicitement.

b. Les sous- entendus


Avec une phrase comme : si vous ne demandez rien, vous n’obtiendrez rien, on peut sous-
entendre : « si vous demandez vous obtiendrez quelque chose ».
En disant : comme vous êtes élégante aujourd’hui ! on peut sous-entendre : « D’ordinaire
vous l’êtes moins ! »
Les sous-entendus ne se dégagent que facultativement de ce est dit : dans l’exemple
précédent, le locuteur peut se défendre d’avoir fait ce sous-entendu, que son interlocutrice
peut cependant repérer.

2. Pourquoi recourt-on à l’implicite ?


Hormis les sous-entendus involontaires et les cas où on laisse implicites des informations
effectivement connues et admises pour éviter des répétitions, le recours à l’implicite est le
fruit d’un calcul.
a. Dans une stratégie de persuasion, laisser implicites certains éléments d’un
raisonnement revient comme s’ils allaient de soi pour le destinataire. Ainsi, dans le
slogan : il n’y a pas de bulles dans les fruits. Alors il n’y a pas de bulles dans Banga,
est sous-entendue la première proposition du syllogisme : Banga ne contient que des
fruits, argument de vente essentiel que l’on tient pour admis, de convaincre avec le
client potentiel.

13
b. Dans une argumentation polémique,
→ Par les présuppositions, on peut forcer le destinataire à admettre certaines vérités
sans lui laisser la possibilité de les réfuter, car il est difficile de contredire ce qui n’a pas
été dit, mais seulement discrètement glissé dans l’énoncé. Ainsi, quand on donne à
discuter une phrase comme : la chanson n’est plus art mineur, on exclut a priori de la
discussion la proposition présupposée « la chanson a été autrefois un art mineur », alors
qu’elle pourrait être elle-même mise en question.
→ Par les sous-entendus, on peut faire passer des informations sur le mode de
l’insinuation en limitant les risques de réfutation. On peut en effet aisément, ayant dit :
comme vous êtes élégante aujourd’hui, se défendre d’avoir été malveillant : la
responsabilité du locuteur est engagée vis-à-vis de ce qu’il a dit et non de ce qu’il a pu
sous-entendre.

TEXTE 1

Vittel vous aide à retrouver la vitalité qui est en vous.1

Avec Rochas vos traits ont encore plus d’attraits. (Publicité pour une ligne de maquillage.)2

Sans parfum la peau est muette. (Publicité pour la Compagnie des parfums.)3

La vie est trop courte pour s’habiller triste. (Publicité pour les vêtements Newman.)4

L’implicite dans la publicité

Repérage
1. Présupposition : « vous avez perdu cette vitalité ». (retrouver)
2. Présupposition : « vos traits ont déjà beaucoup d’attraits ». (Encore plus)
3. sous-entendu : « avec un parfum, la peau est très éloquente ». (Sans…)
4 Sous-entendus : le slogan est l’amorce d’un syllogisme à reconstituer : « or
porter des vêtements Newman, c’est s’habiller « pas triste », donc : il faut porter des
Newman ! »

Vers l’interprétation
Les slogans, publicitaires ou politiques, ont pour but de faire adhérer le destinataire à la vérité
du locuteur. Ces messages, très courts en général, jouent beaucoup sur l’implicite, qui
présente deux avantages : on offre au lecteur le plaisir de se sentir intelligent en repérant ce
qui est dissimulé (il amorce ou conclut lui-même un raisonnement), et on tire parti d’une
complicité obtenue sans discussion, pour imposer des conclusions expéditives.

TEXTE 2
(Rousseau vit en France, éloigné de Genève, sa patrie. Brouillé avec Voltaire, qui vit en
Suisse, Rousseau lui reproche, dans cette lettre, d’avoir corrompu Genève par ses idées. Il le
juge aussi responsable de ses propres démêlés avec les Genevois.)

A M. de VOLTAIRE
A Montmorency, le 17 juin 1760
Je ne vous aime point1, monsieur, vous m’avez fait les maux qui pouvaient
m’être les plus sensibles, à moi votre disciple et votre enthousiaste.… C’est vous qui
me rendez le séjour de mon pays insupportable ; c’est vous qui me ferez mourir en
terre étrangère, privé de toutes les consolations des mourants …, tandis que tous les

14
honneurs qu’un homme peut attendre vous accompagnent dans mon pays. Je vous hais
enfin, puisque vous l’avez voulu2, mais je vous hais en homme encore plus digne de
vous aimer si vous l’aviez voulu. De tous les sentiments dont mon cœur était pénétré
pour vous, il n’y reste que l’admiration qu’on ne peut refuser à votre beau génie3, et
l’amour de vos écrits. Si je ne puis honorer en vous que vos talents4, ce n’est pas ma
faute5 : je ne manquerai jamais au respect que je leur dois, ni aux procédés que ce
respect exige. Adieu, monsieur.
Jean-Jacques ROUSSEAU, Lettre à Voltaire (extrait).

L’implicite dans la polémique


Repérage
1. Formule négative qui présuppose qu’un lien affectif, désormais rompu, a existé
entre les deux écrivains.
2. Présupposition centrale entraînée par puisque : « vous avez voulu que je vous
haïsse ». Avec puisque à la différence de parce que ou car, la cause énoncée est
présentée comme implicitement admise par Voltaire lui-même.
3. Sous-entendu : « j’admire votre génie, non votre personne »
4. Sous-entendu : « j’honore vos talents, non votre personne ».
5. Sous-entendu : « c’est votre faute ».
Vers l’interprétation
La violence polémique de cette lettre tient en grande partie à la présupposition sans appel qui
l’inspire (Voltaire veut que Rousseau le haïsse). Les présuppositions du texte permettent à
l’auteur de donner pour évidente, sans discussion possible, sa condition de victime innocente.
Les sous-entendus, masqués sous les proclamations d’admiration respectueuse, font de
Voltaire l’unique et odieux agresseur. Voltaire ne répondra pas à cette lettre, considérant
Rousseau comme fou !

Exercice :
A. Seuls ses amis intimes lui sont restés fidèles.
Cet énoncé contient une information implicite, une présupposition : « ses autres amis l’ont
abandonné… » entrainée par seuls.
Voici des énoncés dans lesquels vous dégagerez les présuppositions, en repérant le terme ou
la construction qui l’entraine.
1. Il a continué à fumer.
2. il ne prend plus de caviar à son petit déjeuner.
3. A quelle sauce voulez-vous être mangé ?
4. Je commence à vous trouver désagréables.
5. Le ralentissement de la baisse du chômage est inquiétant.
6. La sélection fondée sur les mathématiques est absurde.
7. Si vous insistez, je m’en vais.
B. Donnez sous forme explicite les propositions présupposées ou sous-entendues dans les
énoncés publicitaires suivants.

Ex. : Avec Soldécor, décorer n’est plus un luxe. (slogan pour une chaîne de magasins de
bricolage.)
→Sous-entendu : « Autrefois c’en était un… »
1.France-Inter : la radio pour ceux qui ont quelque chose entre les deux oreilles.
2. Puisque vous n’aimez pas être en retard, nous nous sommes permis de prendre une certaine
avance. (automobile Audi)
3. Je ne suis pas Einstein mais j’ai tout compris. (logiciel informatique TTG).

15
LA PROGRESSION THÉMATIQUE
Objectifs : -identifier la progression d’un texte ;
-structurer un texte à partir de ses liens logiques.

Introduction
Chaque phrase d’un texte a un thème (ce dont on parle) : c’est un point de départ, donné
comme connu, sur lequel on apporte une information nouvelle, le propos. On ne peut parler de
texte, quel qu’il soit, que lorsqu’une suite de phrases est organisée selon un développement
progressif et cohérent de l’information communiquée sur un thème donné.
Le texte se tisse dynamiquement selon les règles générales de la langue et des procédés de
style particuliers. Il faut bien observer dans un texte quel est le type de progression
thématique adopté et quels outils grammaticaux et lexicaux assurent sa cohérence.
A suivre
▪ La progression thématique sert à caractériser les différents types de texte.
▪ La structure du texte argumentatif repose essentiellement sur les liens logiques.
1. Les types de progression
▪ Il y a trois manières d’enchaîner des phrases pour construire un texte.

→ La progression à thème constant : chaque phrase du texte part du même thème, avec
des propos successifs différents.
Ex a : M.Clinton a invité à la Maison Blanche le chef de l’OLP et le premier ministre
israélien. Le président des USA a voulu, par cette invitation, garantir leur accord. Il a aussi
voulu marquer le poids de sa diplomatie.

→ La progression linéaire : le propos d’une phrase est repris comme thème de la phrase
suivante. Ce nouveau thème fait l’objet d’un nouveau propos, lui-même repris comme
thème. Et ainsi de suite …
Ex b : M.Clinton a dépêché son secrétaire d’état en Syrie. Celui-ci est porteur d’un
message pour le président Assad qui doit rencontrer prochainement le roi de Jordanie.

→ La progression à thème divisé : le thème d’ensemble est divisé en sous-thèmes sur


lesquels les phrases successives apportent des informations nouvelles.
Ex c : L’accord de paix au Proche-Orient sera conclu à Washington.
Le leader palestinien vient d’arriver de Tunis. Le chef du gouvernement israélien a déjà
été reçu par le président Clinton…

▪ Le choix de la progression dépend du type de texte (descriptif, narratif, informatif


…) et des effets recherchés. Les types de progression sont souvent combinés entre
eux.

2. les outils de la cohérence du texte


La cohérence du texte dépend de la continuité thématique mais aussi d’un ensemble d’outils
qui en marquent la trame.
→ Les substituts permettent la reprise des informations déjà données :
- Substituts grammaticaux : pronoms personnels (Ex a : il), démonstratifs, relatifs,
articles défini, déterminants possessifs, démonstratifs ;

16
- Substituts lexicaux : périphrases (ex a : le président des USA), termes remplaçant
une proposition (Ex a : leur accord), synonymes*.
→ Les adverbes (d’abord, ensuite, cependant), les conjonctions de coordination
(mais, car, donc, etc.) et de subordination (puisque, quand …) explicitent les liaisons
temporelles et logique.
→ Les temps des verbes assurent la cohérence dans l’enchaînement chronologique
des événements.
→ Les champs lexicaux*contribuent à l’homogénéité du texte.

TEXTE 1
Monsieur Grandet1 jouissait à Saumur d’une réputation dont les causes et les effets ne
seront pas entièrement compris par les personnes qui n’ont point, peu ou prou, vécu en
province. Monsieur Grandet, encore nommé par certaines gens le père Grandet1, mais
le nombre de ces vieillards diminuait sensiblement, était en 1789 un maître-tonnelier
fort à son aise, sachant lire, écrire et compter. Dès que la République française mit en
vente, dans l’arrondissement de Saumur, les biens du clergé, le tonnelier1, alors âgé de
quarante ans, venait d’épouser la fille d’un riche marchand de planches. Grandet1 alla,
muni de sa fortune liquide et de la dot, muni de deux mille louis d’or, au district, où,
moyennant deux cents doubles louis offerts par son beau-père au farouche républicain
qui surveillait la vente des domaines nationaux, il1 eut pour un morceau de pain,
légalement, sinon légitimement, les plus beaux vignobles de l’arrondissement, une
vieille abbaye et quelques métairies.
Honoré de BALZAC, Eugénie Grandet (1833).

Une progression à thème constant


Repérages
1. Termes désignant successivement Grandet, thème constant du texte.
Vers l’interprétation
La progression à thème constant, dans ce texte narratif, offre l’inconvénient d’une
certaine monotonie. Elle est contrebalancée ici par la variété des termes qui désignent
successivement le personnage-thème unique du passage. Le jeu des substituts rend
bien compte de l’évolution des attitudes de l’entourage de Grandet : de la familiarité
(le père Grandet), à un respect plus ou moins sincère (Monsieur Grandet). Les reprises
neutres (Grandet, il) marquent la distance du narrateur, tandis que le terme le tonnelier
souligne la modestie des origines du personnage.

TEXTE 2
Le village était là, le village tout entier1, hommes et bêtes. Et il semblait attendre. Il
semblait attendre avec confiance. C’était un village patient et de bonne foi. Cela
sautait aux yeux, rien qu’à voir la tête des gens. Elles étaient sensées et pacifiques et il
y en avait plusieurs rangs.
Le premier se tenait assis gravement sur un banc de bois2. Au milieu3 trônait le maire.
Le maire avait la face glabre et les cheveux raides et blancs. Il s’était endimanché. Un
énorme faux col amidonné sortait de sa jaquette puce, et probablement le gênait
beaucoup, car il n’osait pas tourner la tête.….
Devant son immobilité, les autres, par respect, restaient immobiles. A sa droite3,
d’abord, le vieux curé. Par habitude, il croisait les mains sur ventre.…
A côté de lui3, le notaire, petit vieux, maigre comme un clou, à la bouche railleuse, se
grattait le nez. … immédiatement à la gauche du maire3, le garde champêtre
sommeillait. …

17
Tel était le banc des notables4.
Henri BOSCO, L’Enfant et la rivière, Gallimard (1953).
Une progression à thème divisé

Repérages
1. Thème principal : le village tout entier, dont les sous-ensembles sont
successivement envisagés.
2. Sous-thème principal lui-même subdivisé en ses différents membres.
3. Expressions indiquant la répartition des sous-thèmes dans l’espace.
4. Le texte se boucle par un retour au sous-thème principal.

Vers l’interprétation
• Cette description divise le thème principal (le village, hommes et bêtes) en
sous-thèmes, en rétrécissant par étapes le champ de vision : les gens, plusieurs
rangs, le maire. Ce premier mouvement du texte s’apparente à l’effet de zoom*
d’une caméra qui, partant d’un champ large (plan d’ensemble*), recadre
progressivement son sujet pour aboutir à un gros plan*.
• Le texte progresse ensuite, à partir du maire, par un lent déplacement du regard
qui balaie successivement les personnages du banc des notables : ce mouvement
fait penser au travelling* cinématographique. Les portraits du maire, du curé, du
notaire suivent une progression à thème constant : chacun fixe un détail du
personnage, en très gros plan (faux col, mains, bouche, nez).

Exercice :
A. Identifiez dans le passage suivant, le type de progression thématique adopté et repérez les
outils qui assurent les reprises de thème (pronoms, déterminants…).

Autour de l’appartement étaient rangés des escabeaux d’ébène. Derrière chacun d’eux, un
tigre en bronze pesant sur trois griffes supportait un flambeau. Toutes ces lumières se
reflétaient dans les losanges de nacre qui pavaient la salle. Elle était si haute que la couleur
rouge des murailles, en montant vers la voûte, se faisait noire…
Flaubert, Salammbô (1862).
B. Complétez l’énoncé suivant en remplaçant les points de suspension par les substituts qui
conviennent.

Un commando de 200 hommes armés a fait irruption hier soir au parlement espagnol, tandis
que l’… était encerclé par d’autres éléments armés vêtus de la tenue des gardes civils. Cet … -
prise d’otage ou tentative de coup d’état ? – a été marqué par des coups de feu. L’… est
intervenue à 18h20. Il a été possible de suivre des bribes du début de l’… grâce aux radios. Une
heure après le …, la radio annonçait… (Le matin)

18
LE SUJET DE DISSERTATION

Objectifs : -définir la dissertation


-analyser un sujet de dissertation
-formuler la problématique

Traiter un sujet de dissertation, c’est :


-Lire de près le libellé du sujet pour identifier le problème posé et le formuler de manière à
pouvoir le résoudre, c'est-à-dire dégager la problématique particulière à traiter ;
-Être en mesure de relier la connaissance d’une œuvre précise à une problématique littéraire
plus large, autant par l’étude méthodique de l’œuvre intégrale que par des connaissances
générales d’histoire littéraire ;
-Concevoir un texte argumentatif qui doit être construit pour convaincre, selon une stratégie
d’argumentation, au moyen d’articulations logiques.
Cette démarche demande une étude attentive des termes mêmes du libellé : type de question,
vocabulaire de la consigne et éventuellement de la citation, éléments implicites.

1. L’analyse du sujet
Le sujet porte sur une problématique littéraire. La dissertation prend appui sur une (ou
plusieurs) des œuvres étudiées en classe : comme le rappelle le libellé, il faudra fonder
l’analyse sur la connaissance précise d’une œuvre.
Le sujet se présente généralement sous la forme d’une question. Il s’appuie souvent sur une
citation. On distingue trois grands types de sujets.
▪ Une question qui invite à discuter une opinion, qui appelle une réponse argumentée
dans un sens positif ou négatif : peut-on considérer que … ? êtes-vous d’avis, comme
untel, que (citation)… ?
→ Ces sujets sollicitent une prise de position personnelle. Ils impliquent une
argumentation tenant compte de l’opinion que l’on réfute. Ils conduisent à
l’élaboration d’un plan de type dialectique.
▪ Une demande de définition d’une notion, d’explication d’une formule : que représente
pour vous … ? - Expliquez… - Comment comprenez-vous que (citation)… ? ou bien :
Destin et liberté chez … - Qu’est-ce qu’un héros pour … ?
▪ Ces sujets se prêtent moins que les autres à une organisation argumentative : ils
requièrent une reformulation de la question plus conforme au développement d’une
problématique. Le plan sera de type plutôt analytique.
▪ Une demande de commentaire et d’appréciation d’une citation : illustrez, appréciez,
discutez (citation)… ; Expliquez (citation) … et dites si vous êtes d’accord avec ce
jugement.
→ Ces sujets font appel à une explication et à une illustration de la citation, puis à une
discussion et à une prise de position personnelle. Le plan à suivre devra respecter cette
double demande.

2. La formulation de la problématique
▪ A la problématique d’ensemble prévue par le programme doit se substituer, devant un
sujet précis, une problématique particulière : le sujet correspond rarement à une
« question de cours » préétablie.
→ Même si le sujet comporte une question explicite, on posera les questions préalables
suivantes :
De quoi s’agit-il ? Que faut-il montrer ? Quel est le problème ?

19
▪ Il s’agit de problématiser le libellé, c'est-à-dire d’en extraire un ensemble
d’interrogations, de manière à construire une argumentation. Il faut donc :
→ Identifier et analyser les mots-clés de la consigne et de la citation :
dénotation*/connotations*, métaphores*… ; synonymes* ; champ lexical* (on se
fondera sur des dissociations et des associations de sens, pour opposer ou hiérarchiser
les éléments) ;
→ Repérer les jugements ou questions implicites, de manière à élargir ou à réorienter la
question initiale.
▪ L’étape finale consiste à reformuler la problématique et à organiser les éléments
inventoriés en fonction de la conclusion à laquelle on souhaite parvenir.

SUJET-EXEMPLE 1

Selon Jean-Jacques Rousseau, « la tragédie, telle qu’elle existe, est si loin de nous, elle nous
présente des êtres si gigantesque, si boursouflés, si chimériques, que l’exemple de leurs vices
n’est guère plus contagieux que celui de leurs vertus n’est utile » (Lettre à d’Alembert sur les
spectacles, 1758).
Partagez-vous cette opinion ? Vous fonderez votre point de vue personnel sur votre
connaissance précise de la tragédie que vous avez étudiée dans le cadre du programme ; vous
pourrez également vous appuyer sur des exemples tirés d’autres tragédies que vous
connaissez.

Une thèse à discuter


➢ Analyse du libellé
• La question (Partagez-vous … ?) invite à approuver ou à désapprouver la position
de Rousseau. On peut ne pas connaître l’opinion de Rousseau sur le théâtre : la
thèse est ici suffisamment explicite pour être discutée hors contexte.
• La méthode indiquée (vous fonderez … sur …) invite à une argumentation par
l’exemple : un point de vue personnel fondé sur la connaissance d’une œuvre.
L’œuvre particulière (par exemple Phèdre, si le programme prévoit « une tragédie
de Racine ») sera analysée comme représentative du genre auquel elle appartient.

➢ Formulation de la problématique
▪ Les mots-clés doivent être repérés et analysés, pour favoriser la recherche et
l’organisation des idées :
-Distance tragédie / réalité formulée en termes de distance entre personnes : êtres irréels ;
-Termes péjoratifs : gigantesque, boursouflés ; chimériques ; jugement esthétique négatif ;
-Champ lexical de la morale : antonymes vices-vertus.
Rousseau juge et condamne au nom de ses propres valeurs : la nature (refus de personnages
surnaturels) et la morale (refus d’œuvres qui ne sont pas « exemplaires »).

▪ La problématique peut donc partir d’une mise en question des critères de Rousseau : la
distance entre tragédie et réalité quotidienne n’est pas condamnable si l’on accepte le
code propre du genre, qui n’a pas pour buts premiers la vraisemblance et
l’enseignement moral. La thèse de Rousseau manque de nuances : plutôt que de
simplement l’accepter ou la rejeter, on déplacera le problème en reconsidérant la
dimension proprement esthétique de la tragédie.

20
SUJET-EXEMPLE 2
« Qu’est-ce qu’un beau poème sinon une folie retouchée ? » (G. Bachelard, Poétique de la
rêverie)
Comment comprenez-vous cette définition du texte poétique ? Vous fonderez votre analyse
sur des exemples précis de poèmes tirés du recueil que vous avez étudié dans le cadre du
programme. Vous pourrez également vous appuyer sur d’autres poèmes que vous connaissez.

Une définition à expliquer

➢ Analyse du libellé
• Une définition lapidaire : la formule de Bachelard, dense et condensée, n’appelle pas
directement une prise de position. Il ne convient pas de s’engager précipitamment dans
la recherche d’une définition personnelle de la poésie : un beau poème est un poème
qui me plaît…
• Des éléments implicites : il y aurait une essence éternelle de la poésie (un beau
poème, c’est …), et l’on pourrait aisément opposer les beaux poèmes à ceux qui ne le
sont pas… - deux présupposés discutables. Toutefois la forme interrogative (Qu’est-
ce…sinon… ?) relativise le point de vue énoncé : Bachelard est conscient d’avancer
encore une définition après bien d’autres tentatives- sans prétention didactique, plutôt
pour surprendre par un paradoxe.

➢ Formulation de la problématique
▪ Les mots-clés : deux groupes nominaux dont la composition ne va pas de soi :
-beau poème – c’est apparemment un pléonasme, puisque le poème se définit précisément par
la beauté.
-folie retouchée - un paradoxe : folie /entraîne par association égarement, déraison ; retouchée
suppose contrôle, raison. L’alliance *de mots folie/retouchée reprend l’opposition
inconscient/ conscient. En outre, l’ordre nom-participe suppose un ordre dans le temps :
d’abord la « folie »(les idées) puis la « retouche » (les mots) - à discuter.
▪ La problématique peut dès lors être reformulée ainsi : comment le poème parvient-il
à réunir ces contraires – le délire et le travail, le dérèglement et la règle ? il faudra
séparer (folie/retouche) avant d’envisager une synthèse qui surmonte la contradiction
entre inspiration et travail, imagination et rigueur formelle.

Exercices :
A. Quels sont les éléments implicites que l’on doit restituer pour enrichir la problématique du
sujet suivant ? Après l’analyse du sujet, formulez sa problématique.
« Pour l’artiste et en dépit de ses convictions politiques les plus fermes, en dépit même de sa
bonne volonté de militant, l’art ne peut être réduit à l’état de moyen au service d’une cause
qui le dépasserait, celle-ci fût-elle la plus juste, la plus exaltante. »
Vous commenterez et discuterez à l’aide d’exemples précis cette affirmation d’Alain
Robbe-Grillet, écrivain contemporain.

B. Il est généralement nécessaire, pour ajuster la problématique sur laquelle on bâtira le plan,
d’aller au-delà de la question posée par le sujet. La recherche des idées se poursuit après
analyse des mots-clés par une série d’interrogations sur le modèle suivant.
Vous répondrez à ces questions après l’analyse du sujet proposé.

21
Sujet : « les romanciers, par la description trop exacte de leurs personnages, gênent plutôt
l’imagination qu’ils ne la servent, et ils devraient laisser chaque lecteur se représenter chacun
de ceux-ci comme il lui plaît. »
Que pensez-vous de cette opinion qu’André Gide prête à l’un de ses personnages de son
roman Les Faux-Monnayeurs ? Vous fonderez votre réponse sur des exemples tirés de romans
que vous avez lus.
Questions :
1.De quel type de sujet s’agit-il ? Faut-il prendre une position personnelle ?
2. D’après les mots-clés : quel est le thème ? De quoi s’agit-il ?
3. Le problème porte-t-il explicitement sur un thème littéraire ? un genre littéraire ? une
période ou un mouvement ? Précisez.
4. Repérez-vous des éléments implicites ? dans la citation ? dans le libellé ?
5. La thèse proposée à la discussion est-elle présente sur un ton neutre ? personnel ?
polémique ? Sur le mode constatif (comme une constatation) ou normatif (comme une loi, une
obligation) ?
6. Que savez-vous de l’auteur cité (A. Gide) ? du texte cité (Les Faux-Monnayeurs) ?
7. Quelle sera la principale source des exemples : quel roman ? quels personnages ?
8. A quelles autres références pourra-t-on penser : titre ? noms de personnages ?
9. Quels seraient les arguments favorables à une description détaillée des personnages ?
Exemples ?
10. Quels seraient les arguments favorables à une description limitée des personnages ?
Exemples ?

C. Indiquez clairement la problématique du sujet suivant :


A la question : qu’y a-t-il de vrai dans vos histoires ? le romancier contemporain Michel
Butor avoue être tenté de répondre : « Rien, j’ai tout inventé. »
Pensez-vous que tout soit inventé dans les romans ? Vous répondrez à cette question en
fondant sur vos lectures.

22
CONSTRUIRE UN PLAN
Objectifs : -repérer le plan à suivre,
-construire le plan d’ensemble et le plan détaillé du devoir.

Construire un plan de discussion ou de dissertation, c’est choisir, en fonction de la


problématique (le type de plan à suivre pour la dissertation découle directement de la
formation de la problématique), de suivre un itinéraire qui conduit au but que l’on s’est fixé.
Deux niveaux d’organisation de l’argumentation sont à maîtriser :
➢ Le plan d’ensemble, qui doit toujours être logiquement articulé, est conditionné par le
genre de sujet à traiter. Deux grandes familles de plans sont à distinguer selon qu’il
s’agit de :
-Prendre parti dans une confrontation de points de vue : plan dialectique ;
-Définir, expliquer en dissociant, en reliant et en hiérarchisant les idées : plan analytique.
Ces deux types de plans doivent être combinés (plan mixte) lorsque le sujet appelle à un
commentaire suivi d’une discussion.
➢ Le plan détaillé : il suppose le choix des idées, des arguments et des exemples
pertinents pour chacune des parties du plan d’ensemble, puis leur mise en ordre et leur
articulation. Les mêmes principes d’organisation du plan détaillé s’appliquent au
commentaire composé, même si le plan d’ensemble est déterminé différemment.

1. Le plan d’ensemble
▪ Le plan dialectique Comme son nom l’indique, c’est une sorte de dialogue argumenté
entre deux opinions ou thèses différentes, voire opposées.
Devant une thèse donnée, trois attitudes sont envisageables : on est plutôt d’accord, on est
plutôt en désaccord, on ne peut trancher.
D’où les stratégies de plan suivantes.

Si l’on approuve : Si l’on désapprouve :


1. arguments défavorables possibles 1. arguments favorables possibles
2. arguments favorables 2. arguments défavorables (réfutation)
3. dépassement des réserves et confirmation 3.élargissement de la critique et thèse
de la thèse proposée personnelle défendue

Remarque : dans ces deux cas, le plan s’articule comme un vaste schéma de concession* :
Certes, on peut admettre que (mouvement concessif)…, cependant (renversement
argumentatif : transition vers la thèse défendue)…

→ Si l’on est partagé quant à la réponse à donner :


1. arguments favorables ; 2. Arguments défavorables (réfutation) ;
3. dépassement du problème (synthèse).

▪ Le plan analytique. Il détaille les faits pour les expliquer, il sépare les idées, les
points de vue, pour les hiérarchiser ou les opposer avant de les synthétiser. Il répond à
une demande de définition, d’explication formulée par le sujet (Que représente pour
vous… ? Expliquez …) :
1. repérage des critères possibles de définition, d’interprétation ;
2. examen des différents points de vue selon un ordre progressif ;
3. point de vue synthétique, dépassement de la question.

23
Les sujets de ce type portent souvent sur des formules paradoxales ou unissant des contraires :
le plan analytique se rapproche alors du plan dialectique ; l’explication surmonte le paradoxe
ou la contradiction.
▪ Le plan mixte correspond à une demande de commentaire : l’explication précède la
discussion (Pourquoi… ? Expliquez… et discutez…) :
1. description d’un état de choses, analyse d’une citation ; 2. Explication ; 3. Discussion
Dans ce cas plan analytique et plan dialectique se combinent.

2. Le plan détaillé

L’organisation interne des grandes parties doit être elle-même hiérarchisée en sous-parties et
en paragraphes. Elle obéit aux principes suivants.
→ Choisir, parmi les idées jetées dans le désordre au cours de la préparation, des
arguments, des critères d’analyse et des exemples pertinents.
→ Ordonner ces éléments : mieux vaut placer en dernier les arguments les plus forts ou
les critères d’analyse les plus riches.
→ Lier ces éléments par des outils d’articulation logique.

PLAN 1 : Plan dialectique


Selon Alain, « il n’y a point de fatalité dans le roman : au contraire le sentiment qui y domine
est d’une vie où tout est voulu, même les passions et les crimes, même le malheur ». (Système
des Beaux-arts, 1920).
Partagez-vous cette opinion ? Vous fonderez votre point de vue sur des exemples précis tirés
du roman et de la tragédie étudiés dans le cadre du programme.

Problématique
Peut-on considérer le héros romanesque comme libéré du poids de la fatalité qui
accable le héros tragique ? (La citation d’Alain appelle implicitement une
comparaison avec la tragédie).
Plans d’ensemble possibles
Si l’on approuve : Si l’on désapprouve :
1. Il est bien vraie que le héros de roman comme 1. Certes, « il n’y a point de fatalité dans le roman » :
celui de la tragédie est privé de liberté : - la fatalité, d’essence religieuse, n’entre pas dans la
-L’hérédité, son histoire individuelle, les traits définition du roman comme dans celle de la tragédie…
de sa personnalité déterminent largement sa conduite ; - le roman inscrit la vie de ses personnages dans le
-Le poids du réel (social, historique) équivaut à temps ; il raconte une histoire explicable par un
celui de la fatalité commandée par les dieux. enchaînement de causes et d’effets ;
2. Pourtant, « tout est voulu » dans le roman : - aucune transcendance n’impose, semble-t-il, a priori
-Les événements de la vie se succèdent, résultant la trajectoire du héros romanesque.
des ambitions, des passions du héros et de mécanisme 2. Cependant, il y a dans le roman des traits qui le
psychologiques strictement humains ; rapprochent de la tragédie :
-Même s’il échoue, le héros de roman ne se livre - l’hérédité, le tempérament, le poids du milieu, l’His-
pas, sans volonté, à son destin. toire constituent des déterminismes sociaux et psy-
3. Bilan : A l’écrasante leçon de morale de la tragédie, chologiques aussi puissants que ceux du destin ;
le roman substitue un enseignement peut-être plus - s’il est doué de volonté, le héros romanesque
amer parce que plus humain : il nous montre l’homme manque de lucidité et de vraie liberté.
affronté à lui-même et aux autres, victime non d’une 3. Bilan : Roman et tragédie montrent l’homme
fatalité qui le dépasse, mais de lui-même, de ses soumis à des forces qui le dépassent : les choix esthé-
erreurs, de ses illusions… tiques, la démarche sont différents, mais la leçon est
PLAN 2 : Plan analytique la même.

24
« Qu’est-ce qu’un beau poème sinon une folie retouchée ? » (G. Bachelard, Poétique de la
rêverie).

Comment comprenez-vous cette définition du texte poétique ? Vous fonderez votre analyse
sur des exemples précis de poèmes tirés du recueil que vous avez étudié dans le cadre du
programme.
Problématique
Comment le poème parvient-il à réunir ces contraires que sont le délire et le travail, le
dérèglement et la règle ? (Recueil de référence : selon le programme Les Contemplations de
V. Hugo, Les poésies de Rimbaud, Alcools d’Apollinaire).
Plan d’ensemble possible
1. Il est difficile de définir dans l’absolu la beauté d’un poème : les critères du jugement
esthétique varient dans le temps ; ils varient aussi selon l’attente du lecteur.
2. Deux principes contraires semblent générateurs de beauté, selon Bachelard :
- la « folie » : l’inspiration produit des images surprenantes, un « dérèglement de tous les
sens », établit des « correspondances »mystérieuses, une communication avec l’au-delà, avec
la nature …
- mais la matière même de l’inspiration ne peut être délivrée sans la maîtrise de la forme : le
poème est l’œuvre d’un travail sur les mots (atelier de retouches) ; il est le fruit de règles
(contraintes du mètre, des formes fixes…), d’un savoir-faire.
3. Plus que de retouches qui viendraient amender après coup le produit d’une création
spontanée, le «beau poème » naît le plus souvent d’un jeu subtil qui sait intégrer la contrainte
dans l’inspiration : le travail formel produit lui-même du sens et renouvelle l’imagination.

Exercices : Voici deux sujets de dissertation. Après en avoir formulé la problématique, dites
quel type de plan qui leur correspond le mieux. Faites le plan détaillé de ces sujets.

Sujet 1 : « La comédie est mitoyenne entre l’art et la vie. Elle n’est pas désintéressée comme
l’art pur. En organisant le rire, elle accepte la vie sociale comme un milieu naturel ; elle suit
les impulsions de la vie sociale. Et sur ce point, elle tourne le dos à l’art qui est une rupture
avec la société […]. »
Partagez-vous cette opinion de Bergson ? Vous justifierez votre réflexion en tirant vos
exemples des œuvres comiques que vous connaissez.

Sujet 2 : A la question : qu’y a-t-il de vrai dans vos histoires ? le romancier contemporain
Michel Butor avoue être tenté de répondre : « Rien, j’ai tout inventé. »
Pensez-vous que tout soit inventé dans les romans ? Vous répondrez à cette question
en fondant sur vos lectures.

25
ARTICULER, CONSTRUIRE DES PARAGRAPHES
Objectifs : -Articuler les paragraphes,
-construire les paragraphes.

La rédaction finale d’une discussion, d’un commentaire composé, d’une dissertation doit
guider le lecteur dans la compréhension du plan suivi. C’est pourquoi il est essentiel de baliser
l’enchaînement des idées et le déroulement de l’argumentation, en assurant une progression
thématique claire, en utilisant les outils qui articulent logiquement le texte. On veillera à ces
articulations, à deux niveaux, en marquant :
-Les transitions entre les grandes parties du plan d’ensemble ;
-Les liens entre les sous-parties du plan détaillé, distinguées par le découpage en paragraphes.
Le paragraphe, unité typographique (le premier mot est écrit en retrait), est un effet un repère
visuel qui facilite la saisie du sens :
-Unité de base de plan, il s’insère dans la progression d’ensemble du texte ;
-Unité de sens, il est lui-même construit comme une micro-argumentation (avec idée
principale, argument, illustration).
Le texte rédigé est donc une construction rigoureuse ; sa disposition doit refléter sa cohérence
et sa progression.

1. Transitions et articulations des paragraphes


➢ Les grandes parties du plan d’ensemble (signalées par un saut d’une ou deux
lignes) doivent être liées entre elles par une transition : le mot ou la phrase-charnière a
pour double fonction de récapituler ce qui précède et d’amorcer ce qui suit.
Après l’introduction, l’amorce de la première partie d’un plan dialectique contient
généralement une formule de concession. Si le plan est analytique, l’entrée en matière sera
plus directe.
Entre les parties, on distinguera :
→ Les transitions dans le plan dialectique.
- Entre la 1ère partie (mouvement concessif) et la 2è partie (renversement
argumentatif), il convient de rappeler l’essentiel de ce qu’on vient
d’admettre avant d’annoncer, sans donner le sentiment qu’on se contredit,
que d’autres arguments plus forts vont être avancés. Plus qu’une
opposition, ou une « antithèse », la phrase de transition introduit des
restrictions, des nuances, une interrogation sur la vérité de ce qui vient
d’être dit.
- La partie de bilan ou de synthèse s’ouvre généralement par le rappel des
conclusions partielles et la présentation d’un point de vue personnel.
→ Les transitions dans le plan analytique.
Elles sont plus variées et dépendent de la dynamique adoptée. Elles doivent
toujours signaler :
- Dans les sujets I et III, la progression logique (explication, conséquences),
les changements de points de vue (dissociations, passage du particulier au
général, du simple au complexe…) ;
- Dans le commentaire composé, le changement d’axe d’étude (dans une
perspective d’élargissement ou d’approfondissement progressif).
-
➢ Les paragraphes à l’intérieur de chaque grande partie doivent être liés entre
eux. Chaque amorce de paragraphe nouveau est articulée sur ce qui précède ; elle

26
contient, outre un élément (pronom, reprise lexicale…) qui assure la progression
thématique*, un mot ou un membre de phrase qui marque :
→ Une explication : cause (en effet, la raison en est que…), conséquence (donc, c’est
pourquoi, si …alors, ainsi …) ;
→ Une rupture : opposition (or, mais, cependant, il n’en est pas moins vrai que…) ;
restriction, atténuation (du moins, tout au moins), rectification, reconsidération (en
tout cas, en fait, tout compte fait…) ;
→ Une continuité : adjonction (en outre, par ailleurs …), énumération (d’une
part…d’autre part…enfin…), mise en parallèle, comparaison (de même que…de
même…), extension, renchérissement (et même, aussi, surtout…), changement de type
d’argument (d’ailleurs), illustration (ainsi…), reformulation (en d’autres termes, c'est-
à-dire, autrement dit…).

TEXTE-EXEMPLE

EXCLUSION

LA SOLIDARITÉ ET LES SOLIDARITÉS (extrait)

Notre siècle est marqué par le dépérissement des anciennes solidarités de


personne à personne et le développement des nouvelles solidarités d’administration
à catégories sociales.
Le dépérissement du réseau de solidarité et d’entraide que constituait la grande
famille verticalement (des aïeuls aux petits-enfants) et horizontalement (liant les
collatéraux jusqu’aux grands-oncles et petits-cousins) vient évidemment du
dépérissement de cette grande famille. De même les solidarités de village
disparaissent avec la disparition du monde paysan et la généralisation du mode de
vie urbain et suburbain. Les entraides de voisinage et les liens de quartiers urbains
s’atrophient dans les grands immeubles et les grands ensembles. La petite famille,
dite nucléaire, à ce titre noyau de solidarité, éclate de plus en plus souvent et
désintègre du coup ses forces intimes de cohésion.
Au début du siècle pourtant, les partis et syndicats ouvriers avaient tissé des
réseaux de solidarité pour soutenir et aider les familles de travailleurs non
seulement en cas de grève, mais aussi dans les difficultés de la vie quotidienne. En
France toutefois, l’ampleur de cette solidarité avait été moindre que dans les social-
démocraties de l’Europe continentale ou nordique.
Toutefois, l’action historique du socialisme et des partis de gauche en Europe
comme en France avait finalement réussi à implanter un État assistantiel.
Nous sommes donc arrivés à la situation suivante :
D’un côté, il y a une formidable machine vouée à la solidarité sociale, mais elle
est de caractère administratif, elle s’applique à des catégories sociales ou
professionnelles, selon des critères quantitatifs et des règles impersonnelles : la
machine subit des processus de bureaucratisation qui aggravent le caractère
dépersonnalisé, désingularisé, et souvent tardif, des solidarités administratives.
D’un autre côté, les individus sont atomisés au sein de la civilisation urbaine ;
ils subissent difficultés et souffrances qui ne trouvent pas de remèdes dans les
solidarités bureaucratiques. Les administrations n’ont aucun instrument qui
connaisse la solitude, le malheur, le désespoir des individus. De plus, elles
n’apportent pas de protection personnelle aux êtres faibles et démunis, notamment
petits vieux et petites vieilles qui courent des dangers nouveaux d’agression dans la

27
rue ou à domicile ; enfin l’angoisse croît dans les quartiers à risques non seulement
à cause du danger, mais aussi à cause de l’absence de solidarité.
C’est l’atomisation individuelle qui empêche la solidarité de se manifester au
moment où elle devient vitale. Ainsi, quand deux à trois énergumènes molestent
une jeune fille dans le métro, les voyageurs se sentent individus isolés et non
membres d’un groupement ; ils sont paralysés, ignorant la force qu’ils représentent
ensemble, alors que dans d’autres conditions historiques ou sociologiques ils
auraient réagi spontanément en bloc.
Edgar MORIN, Le Monde, 26 novembre 1993.

UN TEXTE BIEN « CHARPENTÉ »


Repérages
• Transitions entre les parties : l’introduction annonce le thème (les solidarités) et le
plan analytique : constat, explications (oppositions corrélées : passé/ présent,
dépérissement/ développement, personne / société) et conséquence.
La première partie est amorcée par une reprise lexicale (premier sous-thème : dépérissement
des solidarités de personne à personne (L. 4-12)
La deuxième partie (conséquences) est clairement annoncée : Nous sommes donc arrivés à la
situation suivante (L. 20).
• Articulations entre les paragraphes :
Chaque partie est constituée de trois paragraphes articulés sur ce qui précède :
-Par des mots de liaison : pourtant (opposition entre réseaux anciens et réseaux nouveaux),
toutefois (opposition entre phases successives de l’histoire de France) ; d’un côté … d’un
autre côté (opposition entre société et individu) ;
-Par des oppositions temporelles (passé/présent), des liens lexicaux : les individus sont
atomisés (L. 28) est repris par l’atomisation individuelle (L. 38).
• Articulation à l’intérieur des paragraphes : de même (mise en parallèle), toutefois
(restriction), mais (opposition entre social et administratif), de plus, enfin, ainsi
(Introduction d’exemple).

Observation sur la construction du texte


• Ce texte est rigoureusement articulé à chaque étage de sa construction : l’auteur utilise
toute une gamme d’outils grammaticaux et lexicaux qui guident le lecteur dans le
parcours intellectuel qui lui est proposé. L’argumentation gagne en efficacité ce
qu’elle perd en légèreté…
• En rédigeant un texte argumentatif, il faut veiller à préserver un équilibre délicat entre
la nécessité d’être toujours le plus clair possible et celle de n’être pas inutilement
lourd.

2. La construction des paragraphes


Ponctuation et paragraphes
Les signes de ponctuation sont des marques typographiques qui donnent des indications sur
le découpage syntaxique et le rythme de la phrase, ainsi que sur les attitudes et les jugements
du locuteur (émotions, insistance, ironie…).
Combinée avec le découpage en paragraphes et l’utilisation des espaces blancs (interlignes),
la ponctuation apporte sur la structuration logique du texte des informations visuelles,
indispensables à sa compréhension.

28
a. Le paragraphe
Il est une étape de l’argumentation, signalée par la mise en page ; il contient généralement une
idée principale (une seule de préférence), autour de laquelle s’organise une micro-
argumentation.
Le paragraphe peut être construit sur une des structures suivantes :
→ (1) idée principale- (2) argument(s) – (3) exemple (s) – (4) conclusion :
raisonnement de type déductif * (paragraphe-exemple 1a) ;
→ (1) exemple-(2) argument (s) – (3) idée principale : raisonnement de type
inductif* ; l’exemple dans ce cas a souvent valeur d’argument. Ainsi dans ce
paragraphe extrait de William Shakespeare de Victor Hugo :

Shakespeare n’est pas au-dessus de Dante, Molière n’est pas au-dessus


d’Aristophane, Calderon n’est pas au-dessus d’Euripide, la Divine Comédie, n’est
pas au-dessus de la Genèse, le Romancero n’est pas au-dessus de l’Odyssée, Sirius
n’est pas au-dessus d’Arcturus. Sublimité, c’est égalité.

→ Mise en opposition de deux idées (paragraphe-exemple 1b), ou schéma concessif ;


→ Mise en parallèle, comparaison, énumération.
Certains paragraphes peuvent être plus complexes et donc plus longs : il est
préférable cependant, pour rendre la rédaction plus lisible, de ne pas dépasser une
douzaine de lignes manuscrites.
Un paragraphe très court, souvent réduit à une phrase, permet la mise en relief
d’une idée importante (conclusion partielle, transition). Relié au paragraphe
précédent, le paragraphe peut aussi contenir une phrase, un mot qui prépare la
transition avec le paragraphe suivant.

b. L’introduction d’un exemple


L’exemple peut ouvrir ou clore le paragraphe. Il peut occuper la totalité du paragraphe
lorsqu’il est développé (voir paragraphe-exemple 2a).
Il faut varier ses formules d’introduction : ainsi, c’est ainsi que…l’exemple de x montre bien
cela … qu’il suffise de rappeler que … ce fait est illustré par …, prenons le cas de …, on peut
songer à …
Remarque : le titre d’une œuvre évoquée (livre, pièce de théâtre, peinture, film) doit être
souligné.

c. L’introduction d’une citation


Elle répond à des objectifs différents selon le sujet à traiter.
→ Dans un sujet de type I ou III, elle sert de soutien à l’argumentation ou
constitue, dans le paragraphe, un argument d’autorité*.
→ Dans un commentaire composé, de larges extraits du texte à commenter sont
intégrés dans la rédaction des paragraphes de deux manières (voir paragraphe-exemple
2b) :
- Soit l’analyse inclut au fil du texte rédigé un mot, une expression intégrés dans
une argumentation ;
- Soit elle aboutit à la citation d’une phrase, d’un vers qui vient justifier une
interprétation.
Remarque : toute citation, signalée par des guillemets, doit être accompagnée du nom de
l’auteur et de l’œuvre :
-Les coupures effectuées doivent être signalées par des crochets : … ;

29
-La citation de vers peut se faire soit en respectant la typographie d’origine (retour à la ligne) ;
soit en marquant le retour à la ligne par une barre oblique (avec majuscule à l’initiale de
chaque vers).

PARAGRAPHES-EXEMPLES 1

a Le relatif est dans la science ; le définitif est dans l’art1. Le chef-d’œuvre d’aujourd’hui
sera le chef-d’œuvre de demain2. Shakespeare change-t-il quelque chose à Sophocle ?3
Molière ôte-t-il quelque chose à Plaute ? Même quand il lui prend Amphitryon, il ne lui ôte
pas. Figaro abolit-il Sancho Pança ? Cordelia supprime-t-elle Antigone ?3 Non. Les poètes ne
s’entr’escaladent pas4. L’un n’est pas le marchepied de l’autre. On s’élève seul, sans autre
point d’appui que soi. On n’a pas son pareil sous les pieds. Les nouveaux venus respectent les
vieux. On se succède, on ne se remplace point. Le beau ne chasse pas le beau. Ni les loups, ni
les chefs-d’œuvre, ne se mangent entre eux4.
Victor HUGO, William Shakespeare (1864).

b L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais1 c’est un roseau pensant.
Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau suffit
pour le tuer. Mais2, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui
le tue, parce qu’il 3 il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui ; l’univers n’est sait
rien.
PASCAL, Pensées (1669).

LE PARAGRAPHE : UNITÉ DE BASE DU TEXTE

Repérages
a.
1. Idée principale.
2. Argument.
3. Série d’exemples introduits sous forme de questions.
4. Reformulation successives de l’idée principale aboutissant à une conclusion
imagée.
b.
1. Mise en place de l’opposition.
2. Développement de l’opposition(X mais Y).
3. Argument logique.

Observation
Le paragraphe est une unité de raisonnement : ici de type déductif (a) et
dialectique (b). C’est cette autonomie de sens qui justifie qu’on le distingue par
la mise en page.

PARAGRAPHES-EXEMPLES 2
a La télévision cache en montrant lorsque, voulant dissimuler elle dévoile1, témoin2 la
scène de Ceausescu une dernière fois face à la foule : des cris de protestation fusent et le
réalisateur coupe le reportage ; l’image arrêtée, censurée, dit sans ambages que quelque chose
est inéluctablement cassé au royaume du Génie des Carpates. Gommant la réalité, la
télévision a déclenché ce jour-là une révolution3.
J-Y BELLAY, Études (mais 1990)

30
b Inventer des mots nouveaux serait, selon Mme de Staël, le « symptôme le plus sûr de la
stérilité des idées »1. La remarque semble plus juste aujourd’hui qu’elle ne l’était au début du
siècle dernier. En 1649 déjà, Vaugelas avait décrété : « il n’est permis à qui que ce soit de
faire de nouveaux mots, non pas même au souverain2 ».
CIORAN, Aveux et anathèmes, Gallimard (1987)
EXEMPLES ET CITATIONS DANS LE PARAGRAPHE

➢ Repérages
a. 1. Idée principale
2. Exemple à valeur d’argument ; formule d’introduction : témoin…
3. Reprise plus explicite de l’idée principale.

b. 1. Idée principale appuyée sur un fragment de citation intégré dans le texte (incise,
guillemets).
2. Phrase-citation : argument d’autorité.

➢ Observation
• Un exemple bien choisi peut avoir la force d’un argument : il justifie sans lourdeur
l’idée principale du paragraphe a. pour être efficace il doit être immédiatement
compris : ici l’allusion aux événements de 1989 en Roumanie peut ne pas être claire
pour le lecteur d’aujourd’hui.
• Dans le paragraphe b, Cioran joue sur les deux modes d’introduction de la citation.
On remarquera que, s’appuyant sur deux autorités, le moraliste se dispense de fournir
des arguments logiques.

Exercices :

Voici deux sujets de dissertation. Après en avoir formulé la problématique, indiqué le type de
plan qui leur correspond le mieux et fait le plan détaillé de ces sujets, rédigez deux
paragraphes argumentatifs.

Sujet 1 : « La comédie est mitoyenne entre l’art et la vie. Elle n’est pas désintéressée comme
l’art pur. En organisant le rire, elle accepte la vie sociale comme un milieu naturel ; elle suit
les impulsions de la vie sociale. Et sur ce point, elle tourne le dos à l’art qui est une rupture
avec la société […]. »
Partagez-vous cette opinion de Bergson ? Vous justifierez votre réflexion en tirant vos
exemples des œuvres comiques que vous connaissez.

Sujet 2 : A la question : qu’y a-t-il de vrai dans vos histoires ? le romancier contemporain
Michel Butor avoue être tenté de répondre : « Rien, j’ai tout inventé. »
Pensez-vous que tout soit inventé dans les romans ? Vous répondrez à cette question
en fondant sur vos lectures.

31
INTRODUIRE, CONCLURE
Objectifs : Identifier les étapes de l’introduction et la conclusion,
-rédiger l’introduction et la conclusion.

Il est recommandé de rédiger avant le développement non seulement l’introduction mais aussi
la conclusion, qui sont les moments clés du devoir.
Cette rédaction suppose des préalables : avoir analysé le sujet, formulé la problématique,
établi le plan.
L’introduction et la conclusion obéissent à des principes propres aux différents types de
sujets.
Il est conseillé de respecter ces règles, même si l’on est tenté de s’en affranchir pour gagner
en originalité en élégance ou en rapidité :
-Pour vous-même, afin de vous obliger à savoir dès le début de la rédaction d’où vous partez
et où vous voulez arriver ;
-Pour votre lecteur-correcteur dont vous devez capter l’attention en présentant une lecture
aussi claire que possible.

1. L’introduction
Détachée de la première partie par un espace blanc, l’introduction doit constituer un
paragraphe qui remplit des fonctions différentes selon les types de sujet.
▪ Introduction de la dissertation
L’introduction remplit les trois fonctions suivantes :
→ Amener le sujet, en indiquant d’abord le thème général, de manière à piquer la
curiosité du lecteur. On peut partir d’une réflexion générale sur le genre, l’histoire
littéraire, le contexte historique, culturel : ou partir d’une citation, d’une boutade,
d’une question ; ou appeler l’attention sur un fait paradoxal.
→ Indiquer clairement le problème, soit en reformulant rapidement le sujet s’il
est long (fragments de citation intégrés dans le fil de l’introduction), soit en le citant
intégralement s’il est court. Il ne faut en aucun cas se contenter de faire allusion au
sujet, en le supposant déjà connu du lecteur.
→ Exposer la problématique formulée : C’est un ensemble de questions qui
posent le problème correctement et entièrement, en délimitant clairement le champ
du sujet. Ce questionnement doit englober tous les aspects du sujet, tout en excluant
ce qui ne relève pas du sujet. Ainsi, elle est la question centrale à laquelle répondra
le candidat dans son devoir.
→ Annoncer le plan, en indiquant les orientations des grandes parties :
- Si le plan est dialectique*, il faut poser les mouvements successifs de
l’argumentation dans l’ordre qui sera suivi, en une phrase logiquement articulée
(opposition, schéma concessif), ou sous forme de questions enchaînées.
Dans la mesure où vous exprimerez dans le développement une opinion personnelle
tranchée, il est prématuré de la manifester dès l’introduction.
- Si le plan est analytique*, on signalera la succession des points de vue sur le
thème traité, l’enchaînement des explications et des conséquences. on évitera ici
encore la simple énumération des parties envisagées.

Ne pas perdre de vue que la raison d’être de l’introduction est de faire entrer progressivement
un lecteur, qui est censé ignorer le sujet, dans un débat d’idées qui peut ne pas le préoccuper a
priori. Aussi faut-il l’inviter, aussi habilement que possible, à vous suivre dans la direction
que vous avez choisie.

32
EXEMPLE 1
Commentez, à l’aide d’exemples précis empruntés aux romans que vous connaissez, ce
jugement d’Alain :
« Le thème de tout roman, c’est le conflit d’un personnage romanesque avec des choses et des
hommes qu’il découvre à mesure qu’il avance, qu’il connaît d’abord mal et qu’il ne comprend
jamais tout à fait » (Système des Beaux-arts, 1920).

Une introduction de dissertation (3 parties)


Alors qu’on a pu dire du roman qu’il est un genre sans loi, tant ses formes et ses
contenus varient, Alain avance une formule qui voudrait en définir les constantes : « Le thème
de tout roman, c’est le conflit d’un personnage romanesque avec des choses et des hommes
qu’il découvre à mesure qu’il avance, qu’il connaît d’abord mal et qu’il ne comprend jamais
tout à fait ». Entretenant des relations privilégiées avec le réel et avec le temps, le roman
semble en effet naturellement destiné à raconter les choses de la vie : conflits, réussites,
échecs … et, si un roman est comme miroir tendu au lecteur, son intérêt serait d’autant plus
grand qu’il retracerait l’apprentissage du monde et l’éducation sentimentale d’un personnage
central. Cependant, si la « recette » proposée se vérifie dans de nombreuses œuvres
romanesques, n’est-elle pas à la fois trop générale et trop étroite pour rendre compte d’œuvres
d’hier et surtout d’aujourd’hui qui revendiquent un statut de roman ?
Les trois étapes de l’introduction
1 Mise en place du thème
2 Présentation de la problématique
3 Annonce du plan en trois parties :
• Le conflit avec les choses et les hommes
• Le personnage, centre de perspective.
• Contestation de la formule d’Alain.

EXEMPLE 2 : D’après le marquis de Sade, « on appelle roman l’ouvrage fabuleux composé


d’après les plus singulières aventures de la vie des hommes. » cette définition du roman vous
paraît-elle fondée ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur des œuvres
romanesques que vous connaissez.

Introduction 2 (4 parties)
Généralement, le romancier falsifie ou transforme le réel […] pour en tirer des personnages
engagés dans des aventures exceptionnelles et captivantes. Donc un vrai héros romanesque est
un être à part, original, que l’on ne rencontre pas dans la vie courante. Ainsi, le marquis de
Sade définit le roman comme un « ouvrage fabuleux composé d’après les plus singulières
aventures de la vie des hommes ». Cette définition rend-elle compte de la vraie nature du
roman ? N’est-il composé que d’un monde fabuleux et extraordinaire ? Le roman n’a-t-il pas
souvent un caractère plus réaliste ? Ne peut-il pas plutôt représenter la vie ordinaire des
hommes ? Certes, le roman, œuvre de fiction qui trouve qui trouve ses origines dans l’épopée,
raconte souvent les exploits exceptionnels de héros hors du commun, mais il offre aussi
souvent une peinture réaliste d’une humanité ordinaire. De fait, on ne saurait le réduire à cette
alternative : même lorsqu’il raconte une vie banale, ses ressources lui permettent de la
transfigurer en une destinée « singulière ».

33
UN MODÈLE DE PRÉSENTATION DE LA COPIE

INTRODUCTION

Interligne double

1er paragraphe

2e paragraphe

Interligne double

Interligne double

CONCLUSION

2. Conclusion
La conclusion constitue un paragraphe séparé de la fin du développement par un espace blanc.
Elle peut être articulée logiquement sur ce qui précède par un mot ou une formule de liaison
(donc, ainsi, en somme, au terme de cette analyse…).
Elle remplit les fonctions suivantes.
➢ Récapituler, résumer la démonstration, en rappelant, sans les reprendre à l’identique,
les conclusions partielles des grandes parties (arguments positifs ou négatifs par
rapport aux thèses en présence, si le plan est dialectique ; bilan des différents aspects
du problème si le plan est analytique).
➢ se prononcer : Tout en évitant une formulation péremptoire, il faut prendre position
par rapport à la question que l’on s’est proposé de débattre en introduction. Le but de
tout le travail argumentatif étant de convaincre, il faut faire un choix, adopter une

34
thèse ou une autre, indiquer le point de vue que l’on privilégie, l’explication que l’on
retient finalement. Il faut donc éviter de dire son impuissance à conclure.
Tout en se prononçant personnellement, on préférera à des expressions directes du type je
pense, je conclus que…, d’autres formules où le je se fond dans le nous, ou des tours
impersonnels
➢ Élargir éventuellement : ce troisième temps, qui n’a pas le caractère indispensable
des précédents, permet de montrer que la réponse donnée n’épuise pas le
problème. Comme dans le premier temps de l’introduction, on évitera de se laisser
aller ici à des lieux communs sans intérêt, ou d’ouvrir des perspectives sans
rapport avec le sujet.
On peut élargir le champ argumentatif par une mise en perspective historique, une question
découlant de la réponse qu’on vient de donner.
On peut aussi clore le devoir sur une citation, une forme qui laisse une impression forte.

EXEMPLE 3
Pourquoi Molière est- il le plus populaire des auteurs dramatiques français ?
Vous tenterez de répondre à cette question en vous appuyant sur la comédie de Molière
étudiée et sur d’autres œuvres de cet auteur connues de vous.

Une conclusion de dissertation

Malgré les cabales du XVIIè siècle, malgré les condamnations de Rousseau ou les
reproches de Stendhal Molière n’a jamais cessé d’être lu, d’être joué sur scène et d’emporter
l’adhésion de génération successive : il a été et demeure un de nos auteurs dramatiques les
plus populaires, au sens le plus riche du mot. Par la variété de son comique, l’universalité de
son langage et des types humains qu’il a créés, par la permanence des thèmes moraux qu’il
aborde, il est un des écrivains qui, malgré les siècles qui nous séparent de lui, nous parlent le
mieux1. Molière en classique populaire ? Oui, dans la mesure où, selon Italo
Calvino, « classique » signifie « qui n’a jamais fini de dire ce qu’il a à dire »2.

Une conclusion en deux temps


1 Bilan des trois parties du plan
2. élargissement soulignant la vitalité permanente de Molière.

Exercices : Voici deux sujets de dissertation. Après en avoir formulé la problématique et


indiqué le type de plan qui leur correspond le mieux, rédigez l’introduction et conclusion.
Sujet 1 : « La comédie est mitoyenne entre l’art et la vie. Elle n’est pas désintéressée comme
l’art pur. En organisant le rire, elle accepte la vie sociale comme un milieu naturel ; elle suit
les impulsions de la vie sociale. Et sur ce point, elle tourne le dos à l’art qui est une rupture
avec la société […]. »
Partagez-vous cette opinion de Bergson ? Vous justifierez votre réflexion en tirant vos
exemples des œuvres comiques que vous connaissez.

Sujet 2 : A la question : qu’y a-t-il de vrai dans vos histoires ? le romancier contemporain
Michel Butor avoue être tenté de répondre : « Rien, j’ai tout inventé. »
Pensez-vous que tout soit inventé dans les romans ? Vous répondrez à cette question
en fondant sur vos lectures.

Travail final : Faites une rédaction complète de ces deux sujets.

35
Table des matières
SYLLABUS DE COURS ................................................................................................................. 2
Bref descriptif de l’UE ..................................................................................................................... 2
PRE-REQUIS ................................................................................................................................... 3
OBJECTIF GENERAL ................................................................................................................... 3
OBJECTIFS SPECIFIQUES .......................................................................................................... 3
PLAN DU CONTENU D’ENSEIGNEMENT ............................................................................... 3
CRITERE D’EVALUATION ......................................................................................................... 4
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................... 4
L’ARGUMENTATION ................................................................................................................... 7
Introduction .................................................................................................................................... 7
I. Les différents types d’arguments ................................................................................................ 7
1. Les arguments logiques .............................................................................................................. 7
II. Les stratégies d’argumentation .................................................................................................. 9
LE SENS IMPLICITE DU TEXTE ............................................................................................. 13
Introduction .................................................................................................................................. 13
1. Les différents types d’implicite ................................................................................................ 13
2. Pourquoi recourt-on à l’implicite ? .......................................................................................... 13
LA PROGRESSION THÉMATIQUE ......................................................................................... 16
Introduction .................................................................................................................................. 16
1. Les types de progression .......................................................................................................... 16
2. les outils de la cohérence du texte ............................................................................................ 16
LE SUJET DE DISSERTATION ................................................................................................. 19
1. L’analyse du sujet .................................................................................................................... 19
2. La formulation de la problématique ......................................................................................... 19
CONSTRUIRE UN PLAN............................................................................................................. 23
1. Le plan d’ensemble .................................................................................................................. 23
2. Le plan détaillé ......................................................................................................................... 24
ARTICULER, CONSTRUIRE DES PARAGRAPHES ............................................................. 26
1. Transitions et articulations des paragraphes ............................................................................. 26
2. La construction des paragraphes .............................................................................................. 28
INTRODUIRE, CONCLURE ....................................................................................................... 32
1. L’introduction .......................................................................................................................... 32
UN MODÈLE DE PRÉSENTATION DE LA COPIE................................................................ 34
2. Conclusion................................................................................................................................ 34

36

Vous aimerez peut-être aussi