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année 2013-2014
ce fascicule comprend :
La présentation de l'ue
La série 1
Le devoir 1 à envoyer à la correction
intrOductiOn au management
et aPPrOches théOriQues
W1171-f1/4
Management • Série 1
Les auteurs :
Pascal CHARPENTIER : Docteur en sciences économiques, maître de conférences en sciences
de gestion à l’Intec-Cnam (auteur des titres 1 et 2).
François GOXE : Doctorant en sciences de gestion, chercheur au Crepa de l’Université Paris-IX
Dauphine (auteur du II, section 3, chapitre 2, titre 1).
Madina RIVAL : Professeur agrégé d’économie et de gestion, maître de conférences en sciences
de gestion à l’Intec-Cnam (mise à jour et présentation de l’UE).
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UE 117 • Management
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UE 117 • Management
Présentation de l’UE 7
Plan annuel du cours 13
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Index
Management • Série 1
Lexique
Devoir 1
Exercices autocorrigés
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104
103
98
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UE 117 • Management
Présentation de l’UE
L’importance de l’UE de management est renforcée par le caractère transversal des probléma-
tiques abordées. Cela signifie que la maîtrise des principes et outils du management est indis-
pensable non seulement pour des raisons évidentes d’acquisition d’une culture économique et
gestionnaire, mais aussi pour exercer de manière plus efficace les métiers de la comptabilité. Les
différentes missions de l’expert-comptable sont étroitement articulées avec les problématiques
du management et de l’organisation. Ceci est d’autant plus vrai que la part de la clientèle consti-
tuée par les entreprises de petite taille est très importante, et que l’expert-comptable, au-delà de
ses apports traditionnels, doit être en mesure d’épauler les dirigeants dans toutes leurs déci-
sions importantes. Contrairement à une idée reçue (et bien entendu totalement fausse), les
métiers de la comptabilité, du contrôle et de l’audit ne se réduisent pas à la manipulation de
données chiffrées et de procédures de traitement ou de reporting : la dimension d’analyse et de
conseil y occupe une place croissante, et en particulier dans le domaine social, qui suppose une
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Management • Série 1
L’UE de management du DCG est aussi une préparation indispensable aux UE du DSCG, et en
particulier de l’UE « Management et contrôle de gestion ». Cette dernière, en effet, reprend des
thèmes qui sont traités dans le présent module et qui seront supposés connus de l’étudiant en
DSCG : management stratégique, théories des organisations, gestion des ressources humaines,
missions et place des grandes fonctions dans les organisations…
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réponse concrets.
7. Décision, direction L’étude des processus de décision au sein des organisations conduit
et animation à compléter les approches rationnelles par des analyses plus
organisationnelles et politiques.
7.1. Les processus décisionnels Caractériser le processus décisionnel en soulignant que la décision
est insérée dans un contexte où s’affrontent des intérêts divergents et
où prennent place de nombreux conflits et jeux de pouvoir.
S’interroger sur la rationalité des décisions managériales.
7.2. Animation, modes Une organisation rassemble des personnes différentes quant à leur
de coordination et leadership culture, leur statut et leurs fonctions. Il est nécessaire de les fédérer
pour satisfaire les objectifs de l’organisation, d’où l’étude des modes
de coordination et de la notion de leadership.
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UE 117 • Management
et la communication
Titre 1 : Les comportements organisationnels
Titre 2 : La communication
Cet ensemble traite donc du management des individus et des comportements organisa-
tionnels (animation, motivation, coordination, attitudes des individus et des groupes). Il corres-
pond aux thèmes 5 et 6 du programme officiel.
V. Bibliographie
Le cours de l’UE de Management du cursus DCG est autosuffisant et ne nécessite pas l’acqui-
sition de manuel complémentaire. Pour une introduction assez générale aux différents thèmes
traités dans le cours, nous vous incitons à lire dès maintenant les articles (eux-mêmes accom-
pagnés d’une bibliographie) du numéro 321 des Cahiers Français (Comprendre le management,
n° 321, La Documentation Française, juillet-août 2004). Par ailleurs, il est recommandé aux étu-
diants désireux d’approfondir certains points spécifiques du cours de se reporter aux indications
bibliographiques données dans chacune des séries.
VI. Devoirs
Vous devrez rédiger six devoirs qui seront adressés à l’équipe de correction du Cned. Après
correction individuelle, les devoirs seront retournés annotés aux élèves. La première et la qua-
trième série ne comportent qu’un seul devoir. Les deuxième et troisième séries en comportent
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Management • Série 1
chacune deux, portant en général sur deux aspects différents de la série. Un commentaire (ou
« corrigé type ») détaillé sera par ailleurs joint à une série ultérieure (en principe la suivante).
Les devoirs à envoyer au Cned sont situés en fin de série et peuvent prendre différentes formes
(questions pratiques d’application du cours, commentaire de texte, dissertation ou étude de cas).
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concrets) d’environ une demi-page (la copie n’est pas notée au poids mais deux lignes ne
peuvent être considérées comme une réponse satisfaisante).
B. Commenter un texte
Le texte à commenter peut être un texte d’auteur (extrait d’un ouvrage de Chandler, par exemple)
ou un article (« Bouygues doit-il sortir des mobiles », Les Échos, 12/04/2006, dans l’examen
d’essai 2008). Cela doit vous inciter à lire régulièrement la presse de référence, notamment Le
Monde, La Tribune ou Les Échos. Le commentaire est structuré par des questions qui vous gui-
deront (ex. : Quelle expression du texte évoque ce que Porter appelle une stratégie de focalisa-
tion ?). Attention, il ne s’agit pas ici de « re-plaquer » des connaissances mais de vous imprégner
du texte. À l’inverse, le simple plagiat du texte vous apportera peu de points. On attend de vous
que vous mettiez en interdépendance vos savoirs et le document donné.
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Exemple
Connaissance : selon Aristote repris par Popper, on peut distinguer la connaissance tech-
nique (locale) de la connaissance scientifique (généralisable) ; évolution : donnée, information,
savoir, connaissance (savoir en action).
Changement : processus dynamique qui permet de passer d’un état A vers un état B compor-
tant des phases : potentialisation, préparation, décision, action et réalisation.
La problématique doit permettre de savoir à quelle question précise la dissertation va répondre.
Dans l’exemple ci-avant : comment concilier le changement avec le management des connais-
sances dans l’entreprise ?
Exemple applicatif
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Introduction
• Sujet d’actualité dans de nombreuses entreprises.
• Connaissance : selon Aristote repris par Popper, on peut distinguer la connaissance technique
(locale) de la connaissance scientifique (généralisable). Évolution : donnée, information, savoir,
connaissance (savoir en action).
• Changement : processus dynamique qui permet de passer d’un état A vers un état B compor-
tant des phases : potentialisation, préparation, décision, action et réalisation.
• Problématique : Comment concilier les deux ? Quelles interactions entre les deux ?
• Annonce du plan : Tensions/Résolution.
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Management • Série 1
II. Vers une conciliation du changement dans les entreprises et la gestion des connais-
sances
Conclusion
• Bilan du développement.
• Ouverture : du microéconomique (vie de l’entreprise) au macroéconomique (un nouveau capi-
talisme avec l’économie de la connaissance).
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UE 117 • Management
Série 1
comportement humain
Section 3. L’école socio-technique : l’optimisation conjointe du social
et du technique
Section 4. L’école comportementale : les processus de décision
dans un système complexe
Section 5. L’école de la contingence : le poids des déterminants extérieurs
à l’organisation
Section 6. Les courants théoriques actuels
Série 2
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Série 3
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Section 3. La production en juste-à-temps
Section 4. Vers le management industriel et logistique
Titre 2. Les fonctions de support dans les organisations
Chapitre 1. La fonction financière
Section 1. La fonction financière et la financiarisation de l’économie
Section 2. Les acteurs de la financiarisation de l’économie
Section 3. Les implications de la financiarisation de l’économie
Chapitre 2. L’innovation et la fonction recherche et développement
Section 1. L’innovation dans l’entreprise
Section 2. La complexité des processus d’innovation
Section 3. Les enjeux de l’innovation
Section 4. Manager l’innovation
Chapitre 3. La fonction ressources humaines
Section 1. La fonction RH dans l’entreprise : sa contribution et sa place
Section 2. La gestion administrative du personnel
Section 3. Les politiques d’emploi
Section 4. Acquisition, évaluation et rémunération des ressources humaines
Section 5. Le développement des ressources humaines
Section 6. Climat social et relations professionnelles
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Série 4
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1
partie
Introduction au management :
évolution des pratiques
et approches théoriques
Le terme de management peut se définir rapidement comme « la direction d’une affaire », qu’il
s’agisse d’une entreprise, d’une organisation ou d’un sous-ensemble de celles-ci. Mais, on va le
voir dans cette première série, manager suppose la maîtrise de compétences, de techniques et
d’outils dans de nombreux domaines puisqu’on peut appliquer la notion de management à la
direction d’une firme multinationale, d’une PME, d’un service de production ou encore d’un
département financier et comptable… Mais quelles que soient la taille et la nature de l’entité à
piloter, l’« art » du management consiste aussi, et même surtout, à gérer des individus, à les
amener à optimiser leur contribution dans le sens attendu par l’organisation. L’un des plus
célèbres auteurs contemporains dans ce domaine, Peter Drucker (1909‑2005), estimait ainsi que
le management est « l’organe déterminant de toutes les institutions modernes » (et donc pas
seulement des entreprises), « l’organe qui fait d’une masse une organisation, et transforme en
performance l’effort humain ».
Pour des raisons que nous examinerons dans le premier titre de cette série, la gestion de « l’ef-
fort humain » est aujourd’hui à la fois plus complexe et essentielle dans la réalisation de la per-
formance. Le succès croissant du terme de management traduit bien ce basculement d’une
époque où on a valorisé principalement la dimension technique dans le fonctionnement des
organisations, vers la période actuelle, qui a démarré en gros dans les années 1980 après les
chocs pétroliers et la fin de la production de masse, et qui se caractérise par un souci croissant
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de la gestion des hommes dans l’organisation. Il faut cependant se garder d’une vision exagéré-
ment optimiste de la réalité : dire que les firmes portent une attention croissante aux ressources
humaines n’a pas de connotation morale ou philanthropique. Les méthodes modernes de mana-
gement ne rendent pas forcément les individus ni plus heureux ni plus malheureux dans leur
travail ; et si l’on en croit les travaux des psychologues du travail, le stress n’a pas disparu dans
les organisations, il aurait même plutôt tendance à s’accentuer, aussi bien pour les salariés peu
qualifiés que pour les responsables de la ligne hiérarchique soumis à des pressions de plus en
plus fortes.
Les grandes avancées dans le domaine du management ont en effet peu à voir avec la volonté
désintéressée d’améliorer les conditions de travail des individus. Elles concernent bien plutôt le
souci de gérer efficacement les compétences dont ces derniers sont porteurs ; elles se préoc-
cupent de définir les modes de coordination permettant de motiver les collaborateurs, de les
faire coopérer, de les impliquer dans des dynamiques d’innovation et de changement, de les
inciter à adhérer à la vision et à la mission de l’organisation… Le management est donc dyna-
mique, il est orienté vers l’action et le changement ; en un mot, il cherche à être à l’image (vraie
ou supposée) de la société : en mutation profonde, en perpétuel mouvement.
Car il y a bien un lien entre l’évolution de la société et la manière de diriger les organisations. Les
grands bouleversements des systèmes productifs au cours du siècle passé se sont ainsi tou-
jours accompagnés de modifications profondes des méthodes de management, non seulement
parce que les besoins des entreprises changent en fonction de leurs contraintes productives,
mais aussi parce que les aspirations des individus, leur rapport au travail et à la société se sont
eux-mêmes profondément transformés.
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Management • Série 1
Voilà pourquoi le champ du management continue inlassablement à être labouré : les probléma-
tiques évoluent peu, en revanche, la matière à laquelle elles s’appliquent ne cesse de changer.
Prenons l’exemple de la « motivation ». Ce thème est travaillé depuis près d’un siècle et fait
encore aujourd’hui l’objet de nombreuses communications dans la presse spécialisée et dans
les colloques en sciences de gestion. Mais il faut bien comprendre que motiver un individu dans
l’entreprise fordienne de l’entre-deux-guerres et motiver un individu dans la firme mondialisée du
début du xxie siècle n’appellent pas les mêmes réponses : il ne s’agit ni des mêmes entreprises,
ni des mêmes individus, ni bien sûr des mêmes exigences productives.
Il n’est donc pas étonnant de constater des évolutions dans les mots-clés et outils du manage-
ment qui sont ainsi fortement contextualisés, quand ils ne sont pas tout simplement le produit
de modes plus ou moins éphémères. Dans un numéro spécial consacré aux « défis du manage-
ment aujourd’hui », la revue Problèmes Économiques1 reproduit le palmarès 2005 des outils
plébiscités par les managers. On y trouve beaucoup d’outils de pilotage de la firme (planification
stratégique, externalisation, alliances, compétences-clés…), d’analyse de la situation (bench-
marking), de marketing et d’organisation, mais assez peu concernant les individus (gestion par
les compétences, knowledge management…). C’est bien l’illustration que la dimension humaine
du management, pour importante qu’elle soit, n’épuise pas la réflexion sur ce thème fécond.
Cette remarque justifie le plan que nous avons retenu pour ce cours. C’est dans la quatrième et
dernière série que nous aborderons dans le détail les différentes problématiques de la gestion
des individus dans les organisations. Dans les trois séries précédentes, nous évoquerons des
thèmes généraux, mais aussi transversaux : direction et pilotage des organisations, approches
théoriques du management (série 1), décision et management stratégique (série 2), management
opérationnel (série 3), management des ressources humaines et communication (série 4). On
verra que dans aucune des trois premières séries qui ne traitent pas spécifiquement des indivi-
dus dans l’organisation la composante humaine ne peut être absente : comment parler de direc-
tion sans évoquer les groupes humains impliqués dans l’activité de la firme, comment parler des
choix stratégiques et de leur mise en œuvre sans montrer le rôle des individus et groupes agis-
sant comme « acteurs » dans et hors de l’organisation, comment parler d’innovation ou de ges-
tion de production sans considérer comme essentielle la variable humaine qui est parfois le
principal facteur de production et la principale ressource stratégique de l’organisation ?
C’est donc par une réflexion sur la direction et les managers que nous commencerons notre
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exploration des différentes dimensions du management. Cette réflexion fera l’objet du second
chapitre du premier titre de la série. Auparavant, dans le premier chapitre, nous souhaitons expli-
citer le champ couvert par ce cours et clarifier le concept de management, afin de poser dès le
début du cours le cadre et le vocabulaire de notre analyse. Ensuite, dans le second titre de la
série, nous examinerons les grands apports théoriques qui constituent le socle nécessaire non
seulement à la compréhension du fonctionnement des organisations, mais aussi à la mise en
perspective de l’évolution des pratiques managériales.
1. La Documentation française N° 2894, mercredi 1er mars 2006. Le document reprend une enquête pro-
posée par D. Rigby, « Le palmarès 2005 des outils de management », L’Expansion Management Review,
n° 119, décembre 2005.
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UE 117 • Management
collaborateurs au sein d’un service public et d’une entreprise sociétaire peut revêtir des formes
différentes parce que les contraintes à intégrer sont variables, mais elles le seraient tout autant
entre deux administrations distinctes ou entre deux entreprises différentes selon la taille et le
secteur d’activité. En revanche, les questions à poser seront dans tous les cas les mêmes. Il
suffit d’ailleurs de constater la capacité des organisations non marchandes à s’approprier les
outils de l’analyse stratégique ou encore du marketing pour s’en convaincre. Et désormais, ce
sont les outils de gestion des ressources humaines conçus dans les entreprises qui inspirent les
méthodes managériales des organisations du secteur public… Enfin, on y reviendra dans le titre
suivant de la série, une partie des théories des organisations, en particulier les approches socio-
logiques, a été conçue à partir d’analyses conduites dans des administrations et des bureaucra-
ties « industrielles » !
I. Organisations et entreprises
Définition
L’organisation est une collectivité humaine spécifique définie par des frontières, un objectif et
des moyens structurés. Elle est l’objet d’étude des sciences de gestion.
L’ensemble des organisations est bien entendu trop vaste et trop hétérogène pour être appré-
hendé avec finesse dans sa globalité. Il faut donc le découper en sous-ensembles plus acces-
sibles à l’analyse. La première opération de segmentation consiste à distinguer les organisations
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ayant une activité marchande, c’est-à-dire mettant sur un marché des biens ou des services
qu’elle a produits (ou fait produire), et les organisations n’ayant pas, à titre principal, une activité
de nature commerciale. Le premier sous-ensemble regroupe les entreprises, et c’est plutôt sur
cette catégorie spécifique d’organisations que nous porterons notre attention dans ce cours.
La seconde opération de segmentation rassemble toutes les organisations non marchandes, ce
vaste ensemble mettant côte à côte des administrations publiques, des associations à but non
lucratif, des partis politiques ou des syndicats, des ONG… Ensuite, il est nécessaire de segmen-
ter à nouveau chacun des deux sous-ensembles, en fonction de différents critères : le statut
juridique, la taille, l’activité, les performances…
Nous ne développerons pas cette approche comparative des différents types d’organisations
pour deux raisons. La première est qu’elles constituent le terrain où s’épanouit ce qui est notre
principal sujet : le management. La seconde raison est liée à la première : les organisations,
qu’elles soient marchandes ou non, publiques ou privées, petites ou grandes etc. connaissent
des problèmes de management de même nature, même si l’intensité des problèmes et les
réponses apportées peuvent changer selon la spécificité de chacune. Toutes les organisations
sont des collectivités humaines finalisées (elles ont un objet) et hiérarchisées : c’est bien autour
de la question de l’animation des individus dans ces groupes humains associés en vue de la
réalisation d’objectifs que se construisent les grandes problématiques du management. Alors, il
y aura des nuances parfois importantes qui nous amèneront à distinguer les différents contextes
possibles dans lesquels les managers agissent, cet aspect est développé ci-dessous. On en
verra d’autres implications dans la série suivante qui porte sur le management stratégique. Mais
au fond, la matière première des préoccupations managériales est bien la même : les individus
et groupes d’individus dans les organisations.
Définition
Une entreprise est une organisation qui utilise les facteurs capital et travail, pour produire des
biens et/ou des services vendus sur un marché, dans l’objectif de maximiser son profit.
En bref
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Ex : Danone de 50 % du capital)
Ex : SNCF
Non marchand Association, ONG Administration centrale ou locale
Ex : Médecins sans frontières Établissements publics…
Ex : Gendarmerie
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comme dans la banque ou l’assurance adoptent aujourd’hui des comportements fort semblables
à ceux des entreprises sociétaires du secteur privé. Leur développement suppose d’ailleurs une
plus grande fluidité de leur capital : à l’instar du Crédit Agricole, elles se dotent alors d’un « véhi-
cule coté » (une partie du capital est convertie en actions librement cessibles) qui leur permet de
réaliser des acquisitions en dégageant des ressources sur les marchés financiers. De même, les
organisations du secteur public tendent à se rapprocher des méthodes de management du sec-
teur privé. C’est évident pour les firmes soumises à la concurrence dans lesquelles l’État est
désormais minoritaire, c’est de plus en plus visible là où il est encore majoritaire, comme dans
les services postaux ou l’énergie qui s’ouvrent depuis quelques années à la concurrence. Mais
c’est également vérifiable, même à l’état embryonnaire dans les services publics où la Loi orga-
nique relative aux lois de finance (LOLF) du 1er août 2001 introduit une démarche de perfor-
mance dans la gestion publique pour substituer à la culture de moyens prédominante, une
culture de résultat inspirée du secteur privé.
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Management • Série 1
composantes distinctes en relation avec diverses entités de son environnement. Qu’elles soient
à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières de l’organisation, les unes et les autres ont des objec-
tifs spécifiques qui peuvent être plus ou moins conflictuels. C’est d’ailleurs ce qui fondera la
dimension « politique » des organisations que nous évoquerons plus bas. En effet, la réflexion
sur le pouvoir dans les organisations consiste à identifier les acteurs, individus ou groupes, sus-
ceptibles d’influencer et de modifier, par la persuasion, l’incitation ou la coercition, les compor-
tements d’autrui au sein de l’entité.
Ces « agents d’influence » sont désormais couramment désignés par l’expression « parties pre-
nantes » c’est-à-dire l’ensemble des individus et groupes, situés à l’intérieur ou à l’extérieur de
l’organisation, qui en déterminent le fonctionnement et qui dépendent d’elle, en partie au moins,
pour la réalisation de leurs objectifs propres. L’expression « partie prenante » est la traduction
plus ou moins heureuse de l’anglais stakeholders, dont la traduction serait « détenteurs d’en-
jeu », par opposition aux shareholders, détenteurs d’actions. Les réflexions récentes sur la
gouvernance des entreprises et sur le rôle de ces différentes parties prenantes, notamment en
liaison avec les scandales du début des années 2000 (Enron, Wordcom, Parmalat, Vivendi,
Ahold, etc.) expliquent la diffusion large de cette expression Cette expression est à attribuer à
Freeman (1984). Pour une entreprise du secteur marchand, les parties prenantes sont les appor-
teurs de ressources (actionnaires, créanciers, salariés, dirigeants, etc.), les composantes internes
de l’organisation (filiales, services, etc.), les acteurs liés à l’activité et qui appartiennent à l’envi-
ronnement économique, politique, social et technologique de la firme : les fournisseurs, les
clients, mais aussi ses concurrents, les distributeurs, les collectivités territoriales où elle est
implantée, où elle embauche ou au contraire licencie, l’État qui prélève les impôts et les redistri-
bue par des primes ou des subventions, les syndicats, les mouvements consuméristes, etc.
Définition
Une partie prenante est un acteur ou une organisation qui peuvent être touchés directement
ou indirectement par l’activité de l’entreprise.
En bref
Interne Externe
Salariés Clients
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Actionnaires ? Fournisseurs
Partie NB : à ce sujet, vous trouverez des Concurrents
prenante articles et des manuels ayant des État et organisations publiques
positions contradictoires : certains Société civile matérialisée notamment par
considèrent que les actionnaires sont une des associations et des ONG
partie prenante, d’autres pas.
Les attentes de ces différentes parties prenantes sont souvent contradictoires. Elles se tra-
duisent par des oppositions entre court et long terme, entre logiques économique et sociale,
entre croissance et rentabilité, autonomie et contrôle…
D’où la nécessité d’identifier l’intérêt respectif des parties prenantes ainsi que le pouvoir dont
elles disposent et qui est susceptible d’infléchir les choix de l’organisation. Selon sa configura-
tion, sa taille, son statut juridique, sa finalité, l’organisation n’intégrera pas les buts et aspirations
de ses parties prenantes avec le même niveau d’importance. Le rôle de ces dernières, la prise
en compte de leurs attentes et des conflits d’intérêts qui en résultent, leur influence dans les
orientations et le fonctionnement des organisations apparaîtront avec évidence dans le cadre
des problématiques de « gouvernance » et en particulier des débats autour de la question du
partage de la richesse créée (voir UE « Management et contrôle de gestion » du DSCG).
Dès lors se pose la question de la gestion par l’entreprise de ces différentes attentes que l’on
traite dans le débat autour de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE).
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UE 117 • Management
« L’approche minimaliste considère que “la responsabilité sociale de l’entreprise est d’ac-
croître ses profits” (Friedman, 1970)3. Les tenants de cette approche adhèrent à la théorie
néo-classique qui considère que la maximisation de la richesse de l’entreprise va entraîner
celle du bien-être général. À l’opposé, la théorie des parties prenantes (Freeman, 19844)
suggère que les responsabilités de l’entreprise sont beaucoup plus étendues. Il ne s’agit
plus de maximiser la richesse des actionnaires mais de favoriser un équilibre entre les
parties prenantes identifiées par l’entreprise. »
Frédérique Déjean et Madina Rival, « Les stratégies hors marché, nouveaux enjeux pour
l’entreprise », Communication aux États Généraux du Management, 2012.
Concrètement, par éthique ou intérêt financier, l’entreprise devrait aussi, à long terme, se soucier
du bien être des salariés, on parlera alors d’entreprise socialement responsable. A contrario, des
entreprises comme Gap ou Nike ont longtemps été confrontées à des accusations de travail des
enfants. De manière plus large, on parlera de responsabilité sociétale de l’entreprise au regard
des autres parties prenantes. Il s’agit par exemple de respecter ses fournisseurs (Carrefour est
souvent interpellé à ce sujet) ou de dialoguer avec des associations de consommateurs ou de
riverains. Une entreprise à l’écoute de l’ensemble de ses parties prenantes est parfois appelée
« entreprise citoyenne ». Deux enjeux majeurs peuvent être signalés à ce sujet :
• La problématique de l’internationalisation et de l’externalisation des entreprises qui accroît les
difficultés de contrôle du siège sur les exécutants, c’est d’ailleurs en se reposant sur des sous-
traitants étrangers que Gap et Nike ont justifié les erreurs commises en matière de travail des
enfants.
• La problématique du respect de l’environnement résumée sous la terminologie de développe-
ment durable ou de développement soutenable (traduction directe de l’expression sustai-
nable development que l’on trouve pour la première fois en 1987 dans le rapport Brundtland
de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement). Il s’agit pour l’entre-
prise de produire et/ou vendre sans amputer les ressources naturelles des générations futures.
Définition
La responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) désigne la capacité de l’entreprise à prendre
en compte les intérêts de ses différentes parties prenantes dans sa gestion.
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Dans son acception économique, le verbe « manager » signifie, selon Le Robert, « diriger une
affaire ». Les synonymes les plus proches sont administrer, conduire, gérer. Manager vient en
effet de l’anglais to manage qui signifie diriger, administrer, conduire, manier, mais aussi parvenir
à, s’arranger, se débrouiller. Le substantif « management » est défini comme l’« ensemble des
techniques d’organisation et de gestion d’une affaire, d’une entreprise ». Quant au manager lui-
même, il est assimilé à un chef, un dirigeant. L’emploi fréquent du terme dans des situations
différentes y compris en dehors de la sphère de l’économie contribue quelque peu à brouiller son
sens véritable. Il désigne les dirigeants de l’entreprise, mais aussi les responsables aux différents
échelons de la ligne hiérarchique ; il est utilisé couramment dans l’ensemble des organisations
non marchandes ; on le rencontre de plus en plus souvent dans le domaine du sport où la fonc-
tion de manager relève de l’acception courante lorsqu’il s’agit de diriger un club, mais s’en
éloigne pour devenir du « coaching » quand il s’agit de « manager » un sportif. Pourtant, qu’il
s’agisse de sport, d’administration ou d’entreprise, on sent bien intuitivement que le verbe
« manager » n’est pas exactement équivalent à ses deux synonymes les plus proches proposés
par le dictionnaire, « diriger » et « gérer » : il banalise ou, si l’on préfère, il dédramatise le premier
tout en ayant un contenu plus large que le second.
3. Milton Friedman, “The social responsibility of business is to increase its profits”, New York Times
Magazine, 13. septembre 1970, pp.32-33.
4. R. E. Freeman, Strategic Management: a stakeholder approach, Pitman Publishing Inc, 1984.
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Management • Série 1
En élargissant son utilisation à d’autres catégories que les seuls patrons des organisations,
l’usage du terme démystifie en effet l’action de diriger : chaque responsable, à son échelle et en
fonction de sa place dans l’organisation, est amené à exercer la fonction de manager. Un agent
de maîtrise, un responsable d’association, un dirigeant de firme mondialisée, un officier de l’ar-
mée de l’air : tous ont une fonction de manager.
Mais cette fonction ne se limite pas à la seule action de « gestion » au sens de mise en œuvre
pratique de principes et d’outils assurant un bon fonctionnement de l’organisation. Malgré un
emploi souvent abusif et sans nuance, le verbe « manager » introduit au moins trois nuances
essentielles qui permettent de le distinguer nettement du fait de « gérer » :
• Implicitement, la notion de management fait référence à un contexte plutôt dynamique, en
mouvement, qui oblige à des choix non déterminés à l’avance et non programmables, à
prendre des initiatives en fonction du contexte, à réagir à des situations nouvelles, voire à les
anticiper. Ce n’est pas un hasard si le terme est utilisé de plus en plus systématiquement
depuis que l’environnement concurrentiel est considéré comme toujours plus complexe et
turbulent ; il est ainsi appliqué à toute une série de thèmes qui se caractérisent justement par
l’incertitude, l’instabilité, le risque : management stratégique, management de projet, manage-
ment de l’innovation, management interculturel, management des compétences etc. A priori,
donc, la signification du verbe « manager » a pris ses distances avec l’acception courante du
terme « gérer », ce dernier étant caractérisé au contraire par l’idée de routine, de stabilité, de
mise en œuvre appropriée d’outils et de principes fondés sur une approche rationnelle de
l’organisation.
• De plus, la notion de « management » valorise le rôle de la personne qui agit : les caractéris-
tiques mêmes du manager sont au moins aussi importantes que la pertinence des techniques
qu’il manipule. Certes, le bon manager sera bien celui qui saura utiliser de manière efficace ses
connaissances théoriques et les instruments pratiques qu’il a à sa disposition ; mais les prin-
cipes et les outils ne sont rien indépendamment de la personne qui les choisit, les met en
œuvre de manière opportune, les modifie ou les transgresse le cas échéant. Autrement dit,
contrairement à une tendance récurrente dans la littérature de gestion, le management ne se
réduit pas à un catalogue de théories et de bonnes pratiques. C’est aussi un ensemble de
comportements, de savoir-faire, par définition peu normés et difficilement formalisables. C’est
une compétence qui ne s’acquiert pas seulement par l’apprentissage classique, formation et
expérience5 ; elle résulte de caractéristiques intrinsèques des individus, innées pour certaines,
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et qui souvent n’apparaissent et ne sont validées que lorsque l’individu est en situation concrète
de manager.
• Non seulement la notion de management renvoie à la personne même du manager, mais elle
fait référence implicitement aussi aux personnes managées. Certains auteurs proposent d’ail-
leurs de définir le management au sens strict comme la manière dont sont mises en œuvre les
ressources humaines de l’entreprise par son encadrement. Depuis les années 1950 et les tra-
vaux d’auteurs comme Douglas McGregor, on sait que la conception que les dirigeants ont de
la nature humaine influence leur leadership, c’est-à-dire leur mode d’exercice de l’autorité ; et,
à l’inverse, la façon dont réagissent les individus dans l’organisation oriente le style de leader-
ship des dirigeants. Il existe bien une relation dialectique entre les acteurs du management,
responsables et subordonnés, et cette relation est au cœur des problématiques du manage-
ment. D’où l’importance accordée dans ce cours aux individus, aux relations sociales dans
l’organisation, à la gestion des hommes et des compétences (voir la quatrième série).
Manager, on le voit, suppose des connaissances théoriques, la maîtrise de divers principes et
techniques relatifs au pilotage et à la gestion des organisations et suppose aussi des disposi-
tions spécifiques des managers. Pour reprendre une expression convenue, le management est
donc tout à la fois une science en raison des connaissances théoriques et des outils rationnels
mobilisés, et un art car il fait appel à des dispositions personnelles et suppose intuition et créa-
tivité. La dimension humaine y est centrale. Dans le contexte actuel de mondialisation marqué
5. On verra plus loin que c’est une des raisons pour lesquelles un auteur comme Mintzberg pense qu’on
ne peut former que des managers déjà en activité et part en guerre contre les formations en manage-
ment américaines (les MBA : Master of Business Administration).
24
UE 117 • Management
par l’incertitude et la complexité, elle est même considérée comme la clé de voûte du manage-
ment, plus importante que les savoirs et les techniques dans la réalisation de la performance des
dirigeants :
« L’autorité ne vient plus du savoir, mais de la personnalité, du charisme, de la capacité à
faire adhérer les hommes à des idées, et surtout de la capacité à les faire travailler
ensemble6. »
Autrement dit, avec sa fonction administrative, Fayol identifie une mission spécifique correspon-
dant à la fonction de direction de l’entreprise, et donc aux différentes activités des managers.
Pour Fayol, cette fonction administrative est essentielle car c’est elle qui définit les programmes,
constitue le corps social de l’entreprise, coordonne les efforts et harmonise les actes. De la qua-
lité de « l’administration » (on peut aussi lire « management ») va dépendre la capacité de l’entre-
prise à dégager un excédent et donc à se développer.
Le projet de Fayol était de préciser les contours de ce qu’il concevait comme le profil type du
manager efficace. C’est d’ailleurs lui qui aurait le premier introduit le terme de management dans
un ouvrage de langue française. Dans sa position de centre de décision relativement autonome,
c’est bien le manager qui oriente les activités de l’organisation et qui porte la responsabilité de
la réalisation des objectifs. Contrairement à une idée reçue, assez courante à son époque, Fayol
pense que le manager (= le dirigeant) ne se contente pas :
• d’une part, de commander, c’est-à-dire assurer par sa personnalité et sa connaissance de
l’administration de l’entreprise la bonne marche de celle-ci et la direction des individus qui y
travaillent ;
• d’autre part, de contrôler, c’est-à-dire vérifier l’application des programmes d’action et des
ordres grâce à des procédures rigoureuses et à un système de sanctions.
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Management • Série 1
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proches de la conception proposée par Fayol, en y ajoutant néanmoins quelques nuances
importantes.
Prenons quelques exemples :
« La notion de management concerne l’ensemble des actions impliquées dans la conduite
des organisations pour réaliser les finalités et les objectifs de ces organisations. Ces
actions se déclinent en termes d’organisation, de planification, d’animation et de
contrôle.8 »
Cette définition est très voisine de celle proposée par R.-A. Thiétart dans son « Que sais-je ? »
sur le management9. Pour cet auteur, le management est :
« L’art de conduire une organisation, de diriger, de planifier son développement, de la
contrôler, s’appliquant à tous les domaines d’activité de l’entreprise. »
Puisque Fayol lui-même, comme on l’a vu plus haut, insistait dans ses principes sur la néces-
saire capacité d’adaptation du manager, le fait de considérer le management comme un « art »
ne constitue pas en soi une rupture spectaculaire avec l’effort de rationalisation de la fonction de
7. J.-M. Saussois, « Coordonner, coopérer, adhérer, les enjeux du management », Les Organisations, État
des savoirs, Éditions Sciences Humaines, sd P. Cabin, 1999.
8. J. Aubret, P. Gilbert, F. Pigeyre, Management des compétences, réalisations, concepts, analyses, Dunod,
2002.
9. R.-A. Thiétart, Le Management, « Que sais-je ? », PUF, 1980.
26
UE 117 • Management
direction qu’il avait réalisé au début du siècle. L’analogie avec l’art est réaffirmée dans cette
autre définition, qui toutefois exclut la stratégie du champ du management :
« Le management est l’art de mettre l’organisation au service de la stratégie.10 »
On verra dans la série suivante qu’il ne peut pas ne pas y avoir de continuité entre l’élaboration
de la stratégie et sa mise en œuvre, ne serait-ce que pour la simple raison qu’une décision stra-
tégique n’a de sens que si elle est considérée comme acceptable par les différentes parties
prenantes concernées. Et le travail de conviction, si ce n’est d’adhésion des parties prenantes
au projet stratégique relève clairement de problématiques managériales.
Autre exemple, pris cette fois-ci chez des auteurs américains :
« Le management désigne le processus par lequel des activités sont réalisées de façon
efficace, avec et via d’autres personnes. Il englobe les fonctions de base que sont la pla-
nification, l’organisation, la direction et le contrôle.11 »
En gros, ici encore, la définition de Fayol avec l’accent mis sur l’activité de coordination et l’ajout
d’une connotation a priori positive (le management est associé à l’idée d’action efficace). Si on
prend la proposition de J.-M. Saussois, il faut :
« Comprendre le management comme une formalisation de pratiques sous la forme
d’énoncés pragmatiques […] qui concernent trois types de problèmes au sein d’une orga-
nisation : la coordination des activités, la coopération entre les membres de cette organi-
sation et, enfin, l’adhésion à la culture d’entreprise.12 »
Si, comme le fait l’auteur, on range sous la catégorie « coordination des activités » les différentes
dimensions de la fonction administrative de Fayol, on reste à nouveau dans le même registre que
les propositions précédentes, avec toutefois une insistance plus grande sur l’importance de la
coordination des individus membres de l’organisation, et une précision intéressante : le mana-
gement suppose un minimum d’adhésion des individus à des normes et des valeurs
communes.
Que retenir alors de ces différentes propositions finalement beaucoup moins divergentes qu’elles
ne paraissent ?
• Premièrement, le cœur du métier de manager correspond toujours au contenu que Fayol avait
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Management • Série 1
la qualité dominante. D’autre part, définir le management comme un art est abusif dans la
mesure où le bon sens et la logique jouent un rôle essentiel dans la performance des mana-
gers ; de plus, l’équivalence « management = art » risque de décourager les efforts de compré-
hension des pratiques en les renvoyant à des comportements difficilement explicables parce
que produits par la pensée créatrice et l’intuition qui sont des variables propres à chaque
individu. Le management est un curieux mélange de principes inspirés à la fois par la pensée
la plus rationnelle et par des « croyances » qui relèvent souvent de l’incantation, voire de la
pensée magique. On peut bien sûr dénoncer l’appétit des managers pour les modes managé-
riales successives (certains auteurs ont parlé de « zapping managérial »), leur fascination pour
quelques « gourous13 », dont certains ont opéré parfois des retournements d’opinion qui
laissent les observateurs sceptiques sur leur rigueur… hélas trop souvent a posteriori. Mais il
faut bien comprendre que les innovations managériales, dont quelques-unes ont largement
contribué à la prospérité des firmes, se sont aussi diffusées grâce à ces « croyances », à la
certitude chez de nombreux managers de la pertinence de leur action, même lorsque cette
dernière n’est pas toujours fondée en raison. Il sera toujours bien temps, si les résultats le
permettent, de donner ex-post un habillage rationnel à ces pratiques. C’est d’ailleurs souvent
ainsi que naissent les modes et les nouvelles « bonnes pratiques ».
Définition
Le management est la mise en œuvre d’un ensemble de principes et de pratiques formalisées
ayant pour finalité de piloter une organisation, de coordonner ses activités, d’animer et faire
coopérer les membres associés à son fonctionnement et de susciter chez ces derniers, par
l’adhésion à des valeurs partagées, des comportements favorables à la réalisation des objec-
tifs de l’organisation.
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tion rationnelle et universelle ont été élevées au rang de principes normatifs : tout se passe comme
si ces auteurs avaient défini les normes de ce qu’il convient « rationnellement » de faire, tout autre
comportement étant nécessairement moins efficient. Un siècle plus tard, les manières de diriger,
de coordonner, de contrôler etc. n’ont plus grand-chose à voir avec ces premiers grands principes
de management. Certes, on en trouvera toujours des traces, plus ou moins marquées dans les
firmes occidentales en fonction de leur taille et de leur activité (le chronomètre n’a pas disparu pour
le calcul des temps productifs dans l’automobile, le principe fayolien d’unicité de commandement,
adapté par son auteur du modèle militaire, est toujours la référence en matière de conception des
organisations). Ces traces sont encore plus visibles dans les pays émergents dont l’économie
présente des traits communs avec le modèle de la production de masse.
Malgré tout, on peut affirmer aujourd’hui que la rupture avec ces principes anciens est consom-
mée, que de nouvelles configurations productives ont émergé et rendu caduques les grandes
lignes du management « efficace » tracées par les pionniers de l’organisation rationnelle. Même
13. Les Échos (datés 6 et 7 janvier 2006) ont dressé une liste des « maîtres à penser » des grands dirigeants
des milieux d’affaires internationaux. Sur les 22 personnalités les plus influentes, on trouve essentielle-
ment des universitaires et chercheurs américains (M. Porter est le plus souvent cité), puis quelques
patrons charismatiques (Bill Gates ou Jack Welch, l’ancien PDG de General Electric…) puis quelques
consultants, experts, voire un dessinateur humoriste (Scott Adams, le créateur du personnage Dilbert).
L’échantillon est très largement influencé par les perceptions des Américains qui dominent le monde
des affaires, mais, finalement, on trouve peu de « gourous » dans la liste, au sens un peu péjoratif du
terme (T. Peters, inventeur de « l’excellence », qui s’est ensuite renié, figure néanmoins à une très hono-
rable quatrième place, loin devant Mintzberg par exemple).
28
UE 117 • Management
les administrations et les entreprises publiques, derniers grands vestiges de l’idéal-type bureau-
cratique proposé par Weber entrent désormais, non sans résistances il est vrai, dans les logiques
managériales dominantes de gestion des compétences, de performance, d’individualisation, de
mobilité, d’adaptabilité… La loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF) votée par le par-
lement en 2001 illustre bien cette évolution : il s’agit d’appliquer le management par objectifs aux
dépenses de l’État et à la gestion des services dans l’administration. On voit que le tandem
classique de la bureaucratie « commander-contrôler », accusé de brider la créativité et d’autant
plus décrié qu’il a survécu (et continue d’ailleurs à prospérer dans certains contextes) aussi long-
temps à ses détracteurs, doit faire place aux logiques largement répandues dans les entreprises
privées de responsabilisation et d’incitation.
Dans les séries suivantes du cours, vous trouverez le détail de ces nouvelles configurations et de
ces principes et méthodes récents qui constituent la « boîte à outils » du management actuel.
Notre objectif dans ce paragraphe est d’expliquer les raisons de cette mutation radicale. Pour
cela, on reviendra sur cette période essentielle des années 1970‑1980, transition entre une
phase de croissance forte et dominée par le modèle productif taylorien-fordien et la période
actuelle dont on tentera de décrire les traits principaux. On insistera ensuite sur deux détermi-
nants clés qui orientent le comportement des managers : la prise en compte du système social,
d’une part, les conditions de réalisation de la performance économique, d’autre part.
velles puissances économiques, en Asie notamment, incertitude croissante et exigences plus éle-
vées en matière de compétitivité sur des marchés de plus en plus offrants… C’est dans ce contexte
que se sont épanouies des disciplines comme la stratégie et le marketing qui ont apporté aux
managers les outils nouveaux dont ils n’avaient pas eu besoin au cours de la période précédente :
la planification à long terme de la production faisait alors office de stratégie et les marchés absor-
baient sans effort spécifique de l’entreprise une production de masse de biens standardisés et de
qualité moyenne. À partir de ce moment, les outils du management n’ont pas cessé de se sophis-
tiquer, qu’il s’agisse de stratégie ou de marketing, mais aussi de tous les autres domaines de la
gestion. Une multitude de concepts sont apparus pour aider à la prise de décision dans un envi-
ronnement toujours plus complexe et turbulent. La mondialisation des économies oblige les mana-
gers actuels à raisonner à une autre échelle et à prendre en considération des risques nouveaux,
ceci étant vrai quelle que soit la taille de l’entreprise. D’une certaine manière, on peut dire que la
multiplication des outils de management et l’engouement dont ils sont l’objet traduisent le besoin
des managers d’introduire de la rationalité dans un environnement marqué par l’incertitude.
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Management • Série 1
majeurs. L’émergence de nombreuses activités liées aux NTIC a été qualifiée de « nouvelle écono-
mie » en raison des potentiels de croissance énormes qu’elles laissaient entrevoir. Le parallèle a
d’ailleurs été fait entre l’impact de la nouvelle économie et d’autres innovations majeures des
siècles précédents comme le chemin de fer ou l’automobile. L’épanouissement de cette société de
l’information a accéléré le développement du secteur tertiaire, la priorité passant désormais de
l’industrie aux services. Les conséquences sont trop nombreuses pour être répertoriées ici.
Signalons néanmoins quelques traits saillants concernant directement le management des
organisations :
• On voit se dessiner une tendance à une nouvelle division internationale du travail où les entre-
prises des pays en développement assurent plutôt les opérations de production (téléphonie,
électronique grand public, textile habillement…) et où les firmes des pays les plus avancés se
spécialisent dans les métiers du « savoir » et dans les activités de services à forte valeur ajou-
tée. Face à la concurrence des pays à bas coût de main-d’œuvre, les économies des pays les
plus développés se trouvent alors dans l’obligation d’innover en permanence pour maintenir
un avantage concurrentiel. Les virages stratégiques récents d’entreprises comme Alcatel,
Thomson ou même IBM, qui a confié la production de ses ordinateurs à un fabricant chinois,
illustrent parfaitement ce recentrage des grandes firmes occidentales sur les métiers du savoir
et de la connaissance. Dans les pays comme la France, la part de la main-d’œuvre ouvrière
dans la population active se réduit au profit des emplois de services et des professions intel-
lectuelles (ingénieurs, enseignants, comptables, programmeurs, analystes, concepteurs de
logiciels…). Cela dit, cette nouvelle division internationale du travail risque d’évoluer très rapi-
dement en raison de la montée en puissance d’économies émergentes comme la Chine et
l’Inde qui rattrapent rapidement leur retard sur les économies occidentales, y compris dans le
domaine des hautes technologies et des NTIC. On voit déjà des grandes firmes occidentales
qui délocalisent en Asie une partie de leur recherche et développement. Et certains secteurs
comme l’informatique sont appelés à être bientôt largement concurrencés, si ce n’est dominés
par des pays comme l’Inde où fleurissent actuellement plusieurs pôles de recherche et déve-
loppement constituant l’amorce d’autant de nouvelles « Silicon Valley ».
• Les NTIC modifient également les liens entre acteurs économiques : elles les facilitent, les
accélèrent, peuvent aussi les améliorer ; ceci est vérifié aussi bien au sein des organisations
que dans les relations entre organisations. La coordination et le contrôle des activités, fonc-
tions centrales du management, s’en trouvent alors bouleversés. Les organisations pyrami-
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dales, où le rôle et le poids de la hiérarchie sont essentiels à la coordination, disparaissent
progressivement au profit de structures plus organiques, avec moins de niveaux hiérarchiques,
plus de coordinations transversales etc. Puisque les progrès dans les technologies de la com-
munication et de l’information permettent de réduire le coût des transactions marchandes, les
entreprises se trouvent incitées à confier certaines de leurs activités à des partenaires exté-
rieurs plutôt que d’alourdir leurs structures et de se bureaucratiser en les assurant elles-
mêmes. D’où la banalisation des stratégies d’externalisation et l’émergence de formes
économiques coopératives comme les réseaux, les alliances, les partenariats. L’engouement
actuel des entreprises pour les progiciels de gestion intégrés (les ERP) est l’illustration du rôle
clé joué par l’information dans le management des firmes.
• Conséquence du point précédent, au niveau de l’organisation productive des firmes, les NTIC
sont en passe de modifier profondément les processus opérationnels allant de la conception
à la fabrication et à la vente des produits. Ces derniers sont organisés encore majoritairement
de manière séquentielle : on conçoit, puis on produit avant de vendre. Même si la mise en
œuvre du modèle japonais de Juste-à-Temps (JAT) a contribué à raccourcir cette séquence,
elle n’a pas eu l’ampleur des évolutions actuelles où les NTIC et en particulier Internet compri-
ment les délais et transforment des processus discontinus en processus continus :
« Ce que permet Internet, en interconnectant tous les acteurs de la chaîne, c’est de lancer
l’ensemble de ces opérations simultanément. On passe ainsi à un processus “continu”
avec, comme principale conséquence, un écrasement radical des délais.14 »
14. J.-M. Yolin, « Des mutations majeures dans l’organisation des entreprises », op. cit.
30
UE 117 • Management
Parmi ces évolutions figure également la disparition des contraintes de stock. Le management
de l’information tout au long de la filière productive devient un enjeu fondamental de l’activité de
la firme : on est très loin de la rationalisation taylorienne qui considérait l’entreprise comme un
système fermé.
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Management • Série 1
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lisé l’idée selon laquelle les travailleurs avaient un point de vue sur l’organisation.
Cette affirmation d’une intelligence ouvrière a mis du temps en France à se traduire en principes
concrets d’organisation, alors même que des auteurs américains comme P. Drucker15 militaient
déjà dans les années 1940 en faveur d’une plus grande responsabilisation des ouvriers.
Cette idée d’un management plus participatif, Peter Drucker l’a précisée dans son ouvrage de
1954 (The Practice of Management) dans lequel il liait performance de l’entreprise et contribution
de ses employés. Pour lui, les buts économiques doivent être segmentés en objectifs dont la
réalisation doit être confiée clairement à des services et des individus. C’est la base de ce qu’on
a appelé le « management par objectifs », idée reprise plus tard par le Français Octave Gélinier
sous la forme de la direction participative par objectifs (DPPO), opérant ainsi une synthèse
entre la proposition de Drucker et les travaux de Douglas McGregor sur le management partici-
patif, la théorie Y développée plus bas dans le second titre de la série). Drucker ne rejette pas
l’organisation scientifique du travail, il en fait même une clé essentielle de la productivité. Mais il
l’associe à d’autres principes fondamentaux de management, comme la décentralisation, la
gestion du personnel, la formation, la communication. Le management de la seconde moitié du
xxe siècle est donc plus orienté vers les individus à qui on reconnaît un droit à participer à la
détermination de leurs objectifs professionnels.
15. Drucker, à partir de son expérience chez General Motors dans les années 1940, a publié un ouvrage
(The Concept of Corporation) dans lequel il affirme la nécessité pour les firmes de donner du pouvoir à
leurs ouvriers et de les responsabiliser, de les considérer non pas comme des coûts (c’est l’approche
du contrôle de gestion taylorien), mais comme une ressource capable de créativité.
32
UE 117 • Management
Dans le contexte économique de l’après-guerre (et en France jusque dans les années 1970‑1980)
encore largement dominé par le modèle taylorien-fordien d’organisation, le management par
objectifs a surtout concerné les échelons intermédiaires de la hiérarchie et assez peu les ouvriers
et employés. Une étape nouvelle a cependant été franchie en France avec les lois Auroux de
1982 qui reconnaissaient aux salariés un droit d’expression directe, organisé par groupes sur le
lieu et le temps de travail. Certes, la mise en place de ces structures d’expression a été mal
vécue par le patronat qui voyait, dans cette mesure emblématique de la gauche récemment
venue au pouvoir, l’amorce de « conseils d’ateliers » évoquant le modèle soviétique…
Cette menace perçue de contre-pouvoirs semblait remettre en cause les pratiques antérieures
de management où les salariés n’avaient quasiment aucune incidence sur les choix organisa-
tionnels. Elle venait en tout cas s’ajouter aux travaux sur la motivation des auteurs de l’École des
Ressources Humaines et aux principes de plus en plus souvent affirmés du management par
objectifs. Faisant de nécessité vertu, les entreprises françaises se sont converties progressive-
ment à une approche plus participative du management. Mais l’élément principal expliquant leur
conversion définitive, c’est l’affaiblissement du modèle taylorien-fordien dans la période
1970‑1980 et la montée en puissance de nouvelles configurations productives inspirées du
toyotisme et qui placent l’homme et son esprit d’initiative au cœur de l’organisation.
de manière efficiente sans une implication forte des individus qui y travaillent. La prise en compte
du système social est ainsi devenue l’un des thèmes privilégiés du management, à partir des
années 1980‑1990 : la gestion des hommes se fait plus qualitative, l’évolution des formes orga-
nisationnelles sollicite de nouveaux modes de coordination ; apparaissent alors de nouveaux
outils de repérage, mesure, évaluation, développement des compétences… En d’autres termes,
le management des (ou par les) compétences est devenu une exigence indissociable du métier
de manager, quelle que soit sa position sur l’échelle hiérarchique.
Bien sûr, l’évolution du management ne s’est pas arrêtée là : d’autres défis se sont profilés dont
les premières années du xxie siècle ont donné un avant-goût, notamment en liaison avec la mon-
dialisation des économies et les évolutions en cours des systèmes sociaux. Ainsi, la prise en
compte de la dimension culturelle est un souci des entreprises ouvertes sur l’international, qui
doivent à la fois préserver les normes locales de fonctionnement tout en essayant de promouvoir
des valeurs propres à l’organisation. Le « management interculturel » est un thème à la mode,
peut-être pas aussi complexe que certains auteurs voudraient le faire croire, mais en tout cas
suffisamment important pour que l’adhésion à la culture soit considérée comme une dimension
clé du management, on l’a vu précédemment dans les différentes tentatives de définition du
concept. Cette valorisation de la culture masque également d’autres préoccupations des mana-
gers, et en particulier les comportements nouveaux des jeunes salariés, moins attachés à l’en-
treprise que leurs aînés. Le rapport des individus au travail évolue, leur engagement vis-à-vis des
institutions s’affaiblit, la fidélité à l’entreprise n’est plus une valeur forte, la perspective d’une
carrière dans la même organisation est un modèle appartenant au passé. Les managers sont
confrontés à une main-d’œuvre plus exigeante, plus volatile, et surtout manifestant des attitudes
plus individualistes. Ces dernières commencent à poser des problèmes dans un contexte où on
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Management • Série 1
valorise au contraire depuis plus de trente ans le travail en équipe ou en projet. Le travail d’ani-
mation suppose désormais de la part des managers des compétences nouvelles de médiation,
de pacification, de gestion de conflits. En d’autres termes, l’apport technique du manager,
essentiel dans la conception qu’en avaient la plupart des auteurs comme Fayol ou même
Drucker, ne suffit plus pour asseoir l’autorité. Les priorités se sont renversées, le social/relation-
nel est devenu prédominant dans les préoccupations des managers. Ce qui toutefois n’enlève
rien de l’exigence de technicité et d’expertise indispensable à la construction de l’autorité, et
sans laquelle les managers peuvent difficilement construire leur légitimité aux yeux de leurs
collaborateurs.
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Ceci justifie pleinement ce que nous avons dit ci-dessus à propos de la prise en compte crois-
sante du système social. Ces dimensions nouvelles de la performance économique (qualité,
réactivité, délais, etc.), ce sont les hommes qui la produisent, pas les seules machines. La ratio-
nalisation taylorienne-fordienne des systèmes techniques a trouvé ses propres limites : le
Toyotisme montre qu’avec des machines moins sophistiquées mais avec une organisation pro-
ductive et une gestion des hommes différentes, les entreprises japonaises pouvaient réaliser des
performances largement supérieures à celles de leurs homologues occidentales.
Mais, on le voit avec le modèle japonais qui valorise aussi de nombreuses méthodes d’organisa-
tion (qualité totale, kanban, SMED16…), la dimension humaine n’est pas tout et le management se
nourrit sans cesse de nombreuses innovations ou de la redécouverte d’anciens outils qu’on s’em-
presse de réactualiser. À chaque modèle nouveau de la performance sont associés de nouveaux
outils et de nouveaux principes d’efficience managériale. On voit alors apparaître les concepts,
les méthodes, les recommandations dont les managers semblent si friands. Ces innovations et
autres outils suscitent parfois un véritable engouement. Les modes managériales qui se suc-
cèdent ainsi s’expliquent assez aisément : pris dans leurs contraintes quotidiennes, les managers
sont demandeurs de solutions efficaces qui leur économisent du temps et/ou qui limitent les
risques. D’où les effets d’imitation, les comportements parfois mimétiques (les entreprises d’un
même secteur ont tendance à adopter des stratégies similaires). Entre cent exemples de tels
engouements, on se souvient de ce best-seller des années 1980‑1990 (l’ouvrage s’intitule Le Prix
de l’excellence) où les deux auteurs, Peters et Waterman, dressaient la liste des bonnes
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Management • Série 1
managers. Elles attendent donc désormais beaucoup plus de ces derniers parce que les prin-
cipes traditionnels de pilotage conçus rationnellement, voire scientifiquement, ne garantissent
plus l’efficience. Non seulement la conception mécaniste du management n’est plus adaptée
aux données actuelles, mais elle peut même être contre-productive : quand on ne peut pas tout
prévoir, il est illusoire de vouloir tout contrôler, en particulier les comportements des acteurs
externes et internes, de prescrire précisément l’organisation, de rechercher un ordre là où l’auto-
nomie des acteurs et leurs capacités d’adaptation sont indispensables à la réalisation de la
performance. Comme le dit fort justement Thiétart :
« La volonté de maîtrise tend à supprimer les désordres internes ou externes, mais conduit
aussi parfois à imposer un ordre arbitraire.17 »
Un tel ordre n’est plus compatible avec les exigences actuelles du management d’organisations
complexes. Cela amène à réfléchir autrement à la distribution des pouvoirs, au rôle de la hié-
rarchie, au degré de centralisation ; cela conduit aussi à accepter une certaine imprécision dans
l’organisation, à accepter ainsi que cette dernière ne soit pas pensée a priori dans ses moindres
détails. Sans aller jusqu’à dire que le manager actuel doit gérer le (relatif) « désordre » ou des
logiques du « flou », on peut affirmer qu’il est de plus en plus souvent confronté à des « impen-
sés » de l’organisation, impensés d’autant plus difficilement évitables que les évolutions de l’en-
vironnement économique, social, technologique et aussi politique sont rapides.
Dans ces conditions, que signifie aujourd’hui être un « bon manager » ? Une réponse est donnée
(mais d’autres sources auraient pu être citées tant la convergence des propos est évidente,
comme s’il existait un véritable consensus sur ce sujet) dans un dossier spécial des Échos qui
liste les missions essentielles aujourd’hui pour le « bon » manager :
• manager son équipe : animer, pacifier, s’imposer ;
• fidéliser ses collaborateurs : redonner du sens au travail et montrer qu’il sait garder le cap ;
• maîtriser les nouveaux risques, en particulier face à la multiplication des recours en
justice et, de manière plus générale à la judiciarisation des rapports sociaux ;
• être créatif, faire le plein d’idées neuves sans tomber dans les travers des modes
managériales.18
Le dossier traite principalement des dirigeants d’entreprises (d’où la référence à la montée des
risques juridiques illustrée par le nombre en forte croissance de plaintes pour harcèlement sexuel
Document de travail réservé aux élèves de l’Intec – Toute reproduction sans autorisation est interdite
ou moral, de litiges sur le temps de travail, de problèmes de discrimination salariale ou syndi-
cale…) mais on peut aisément extrapoler à l’ensemble des managers. On appréciera également
la mise en garde contre le « travers des modes managériales »…
On ne résumera pas ici les vingt pages du dossier qui sont pourtant très représentatives de la lit-
térature sur ce thème : un bon manager évite les comportements routiniers, le jargon et la langue
de bois, doit se remettre en cause « même quand ça marche bien », doit être à l’écoute de ses
collaborateurs mais savoir aussi imposer son point de vue, communiquer avec autrui plutôt que
répercuter sur les autres son propre stress, gérer les conflits sans qu’aucune des parties prenantes
ne perde la face… Et pour les managers qui trouveraient que tous ces principes inspirés par le bon
sens le plus élémentaire sont encore trop complexes à mettre en œuvre, de nombreux consultants
proposent de les aider par un « coaching » adapté, même s’il est un peu coûteux.
17. R.-A. Thiétart, « Les composantes du management », in « Comprendre le management », Les Cahiers
Français, La Documentation Française, n° 321, juillet-août 2004.
18. Enjeux Les Échos, « Devenir un bon manager », février 2005.
36
UE 117 • Management
hiérarchique. Dans cette partie, nous allons voir plus précisément en quoi consistent ces activi-
tés de direction, quelles sont les compétences requises pour les mettre en œuvre et, plus géné-
ralement, dans le cadre d’une réflexion sur la manière d’exercer le pouvoir dans les organisations,
quelles sont les conditions pour que le manager assure un leadership efficace. Ce sera pour
nous l’occasion de commencer à étudier ce groupe spécifique des managers.
Il est important de noter que la notion de direction ou de management doit être nettement distin-
guée de celle de gouvernement de l’entreprise, ou gouvernance d’entreprise. Cette expres-
sion désigne l’organisation générale du pouvoir permettant de réaliser le meilleur équilibre possible
entre les instances de direction (les managers mandatés pour diriger l’organisation), de contrôle,
les propriétaires (actionnaires ou sociétaires) et les autres parties prenantes (salariés, collectivité,
clients, fournisseurs, créanciers, voire l’État et les collectivités territoriales). L’idée générale de la
gouvernance (ou corporate governance) est de veiller au respect des intérêts des différents acteurs
impliqués dans un contexte d’asymétrie d’information où les managers sont mieux renseignés que
les autres catégories d’acteurs sur la nature et les conséquences des décisions qu’ils prennent.
Les dispositifs de gouvernance ont pour objectif non seulement d’orienter le développement har-
monieux de l’organisation, mais aussi de réduire le risque de spoliation des intérêts des proprié-
taires/actionnaires (mais aussi des autres parties prenantes). Les débats ont évidemment repris
d’intensité après les scandales récents et en particulier après les faillites de grandes sociétés et
l’effondrement de certaines valeurs liées aux nouvelles technologies. D’où l’importance des
réflexions en cours afin de définir les modalités d’une gouvernance à la fois transparente, perfor-
mante sur le long terme et plus équitable. Cette problématique riche n’est pas développée ici mais
elle le sera largement dans l’UE 3 du DSCG (Management et contrôle de gestion).
Définition
Le gouvernement d’entreprise désigne l’équilibre des pouvoirs réalisé dans une entreprise
entre la direction, les propriétaires (souvent actionnaires) et les autres parties prenantes.
toutes les personnes ayant autorité sur d’autres individus et disposant d’un pouvoir légitime de
décision. Dans l’ouvrage mentionné plus haut, Fayol précisait d’ailleurs que :
« L’administration [entendez : la fonction de direction] n’est ni un privilège exclusif, ni une
charge personnelle du chef ou des dirigeants de l’entreprise ; c’est une fonction qui se répartit,
comme les autres fonctions essentielles, entre la tête et les membres du corps social. »
19. L’expression est de Fayol et ne doit pas non plus être confondue avec l’acception actuelle de « gouver-
nement d’entreprise » qui a été explicitée plus haut, et même si la notion de gouvernement chez Fayol
et l’expression actuelle ont une certaine proximité.
20. H. Fayol, Administration industrielle et générale, Bordas, éd. 1979.
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Management • Série 1
ayant le titre de dirigeant. Dans le contexte actuel où le périmètre de l’entreprise est devenu une
notion floue et où la pyramide hiérarchique est moins visible, il est plus difficile qu’à l’époque de
Fayol de distinguer un niveau supérieur de managers dont le métier serait radicalement différent
de celui des managers intermédiaires.
Dans une optique très classique et assez proche de l’approche fayolienne de l’administration des
entreprises, vous trouverez ci-dessous l’inventaire que O. Gélinier a dressé il y a plus de trente ans
des différentes tâches de direction générale. On comprend intuitivement que certaines d’entre
elles resteront du ressort exclusif du directeur général (par exemple les décisions stratégiques, la
conception de la structure, en gros ce que Fayol appelle le « gouvernement »), tandis que d’autres
seront décentralisées ou déléguées à d’autres personnes qui exerceront ainsi à leur échelle des
activités de direction et qui constitueront donc ce « corps » des managers.
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4. Définition de la STRUCTURE des RESPONSABILITÉS d’exécution :
• communication des objectifs et programmes ;
• délégation ;
• coordination des équipes et groupes de travail.
6. Contrôle :
• mesures ou évaluation de l’exécution ;
• actions correctives.
La plupart de ces tâches de direction impliquent :
• étude et prise de décisions complexes ;
• conduite de négociations, avec « art de vendre des idées » ;
• apport créatif d’idées et solutions nouvelles.
38
UE 117 • Management
Cet énoncé des tâches de direction illustre bien le caractère « réparti » de la fonction de direc-
tion. Le directeur général, le cadre intermédiaire ou encore le contremaître sont ainsi tous trois
des managers qui, à leur niveau, réalisent des tâches de clarification des situations, de planifica-
tion, de programmation, de délégation, coordination et contrôle.
Cette approche traditionnelle a été par la suite reprise en y intégrant les apports de l’analyse
systémique (en tout cas, en ce qui concerne le vocabulaire). Certains auteurs ont ainsi présenté
une typologie désormais classique21, en estimant que chaque manager doit, à son niveau :
• organiser, c’est-à-dire mettre en place une structure : identifier les organes de l’entreprise et
leurs liaisons ;
• animer, c’est-à-dire adopter un style de commandement, des principes de direction et de
stimulation des personnes ;
• finaliser, c’est-à-dire déterminer la politique de l’entreprise, les objectifs qui lui sont associés
et les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre.
Que la typologie des activités des managers soit plus ou moins détaillée ne change pas fonda-
mentalement le problème : La fonction de direction correspond aux activités de la fonction admi-
nistrative de Fayol, activités qui sont diffuses et réparties au sens où elles sont partiellement
décentralisées tout au long de la ligne hiérarchique. De plus, autour du directeur ou du noyau
constituant la direction générale, évoluent souvent des personnes qui ne s’inscrivent pas dans
la ligne hiérarchique mais qui détiennent néanmoins une parcelle de la fonction : conseillers,
contrôleurs, adjoints, secrétaire général…, occupant une position de conseil ou d’État-major,
préparant les décisions des responsables et en contrôlant parfois l’exécution. Plus l’entreprise
est grande, plus le phénomène est visible.
Parce qu’elle est plurielle et diffuse, la fonction de direction générale n’est donc pas aisée à
appréhender. On aurait donc tort de croire qu’il suffit d’analyser l’activité du dirigeant pour cerner
l’ensemble de la fonction. Cela dit, une telle analyse constitue une bonne entrée en matière : qu’il
s’agisse d’une petite entreprise ou d’une firme multinationale, la personnalité, le comportement
du dirigeant, ses compétences, son mode d’animation, sa vision du monde ont une influence
évidente sur le pilotage de l’organisation. C’est le dirigeant qui est responsable des grandes
orientations stratégiques, de la définition des objectifs, des choix organisationnels ; c’est à lui en
premier lieu de savoir mobiliser les salariés autour de projets auxquels on leur propose de s’as-
socier si ce n’est d’adhérer, de renforcer le système de valeurs communes partagées par le
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21. P. Jarniou et P. Tabatoni, Les Systèmes de gestion, politiques et structures, Dunod, 1975.
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Management • Série 1
managers. Nous insisterons dans cette partie sur les managers de haut niveau. Cependant, les
raisonnements sont transposables et en partie adaptables à l’ensemble de la catégorie des
managers : entre le directeur et le contremaître, la différence dans les tâches et les rôles est plus
souvent une question de degré et d’intensité que de nature.
Légende 1 : le manager est un planificateur Réalité 1 : étude après étude, on a démontré que les
systématique réfléchi ; managers étaient soumis à un rythme implacable, que
toutes leurs activités sont caractérisées par la brièveté,
la variété et la discontinuité, et qu’elles sont presque
exclusivement orientées vers l’action et très peu vers la
réflexion ;
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Légende 2 : le manager n’a pas de tâches Réalité 2 : en plus des événements imprévisibles
répétitives à accomplir ; auxquels il faut répondre, le travail de gestionnaire
recouvre un certain nombre de tâches répétitives
comprenant aussi bien sa participation aux rites de
l’organisation, à des cérémonies, à des négociations et
à l’information informelle qui rattache ainsi
l’organisation à son environnement.
Légende 3 : le manager supérieur a besoin Réalité 3 : les managers favorisent totalement les
d’informations agrégées, ce que seul un moyens de communication verbaux, c’est-à-dire le
système formalisé d’informations de gestion téléphone et les réunions.
peut lui fournir ;
Légende 4 : le management est, ou du Réalité 4 : les programmes des managers, pour leur
moins est rapidement devenu une science emploi du temps, pour leur accès à l’information, pour
et une profession. prendre des décisions etc., restent totalement
« bouclés » à l’intérieur de leur cerveau.
22. Henry Mintzberg, Le Management, voyage au centre des organisations, Les Éditions d’Organisation,
1990.
23. Dans le numéro 97 (janvier-février 1994) de la Revue Française de Gestion, P. Lemaitre s’en prend vigou-
reusement au travail de Mintzberg dans un article intitulé : « L’analyse de Mintzberg reste à démontrer ».
Il lui reproche notamment « un rejet arbitrairement polémique et un peu démagogique des théories de
H. Fayol », (…) « fondé sur l’observation pendant quelques semaines de cinq dirigeants ». Dans sa
réponse, Mintzberg remarque que son échantillon est de ce fait cinq fois plus important que celui de
Fayol qui n’a observé finalement que lui-même…
40
UE 117 • Management
La ligne « légende et réalité 4 » qui remet en cause le statut scientifique du management appelle
un commentaire. Le management n’est effectivement pas une science dans la mesure où les
raisonnements conduisant à la prise de décision ne peuvent pas être présentés sous forme
d’algorithmes. Il est d’ailleurs fort probable qu’avec des éléments identiques d’information, dif-
férents managers soumis à une situation complexe ne prendront pas les mêmes décisions. Mais
il y a d’autres raisons qui donnent du poids à l’argument de Mintzberg. Tout d’abord, le manager
dispose dans la réalité d’informations non formalisées qu’il est le seul à posséder. Ensuite, la
manière dont il traite l’information n’est pas réductible à des enchaînements séquentiels et
logiques. En fonction de sa culture, de son expérience, de sa vision des réalités, de l’idée qu’il
se fait du futur, il analysera l’information au filtre de programmes qui lui sont spécifiques. Enfin,
le management ne fait pas appel seulement à des éléments rationnels : la part d’intuition et le
pouvoir de création y sont importants et sont variables d’un individu à un autre.
Il faut bien comprendre que les choix explicités par les managers ne sont pas la narration des
processus mentaux qui les ont amenés à faire tel choix plutôt que tel autre. Lorsqu’un manager
explique pourquoi, à un moment donné, il a été amené à prendre telle décision, il opère le plus
souvent une reconstruction a posteriori de son raisonnement, sans aucun doute beaucoup plus
rationnelle que ce qui avait inspiré son choix et qu’il est d’ailleurs très difficile, y compris pour le
principal intéressé, de pouvoir toujours expliciter. Il s’agit alors d’une rationalisation ex-post de
mécanismes mentaux complexes. Dans la série suivante, nous reviendrons sur ces questions
relatives à la prise de décision.
D’autres travaux concernant l’analyse de l’emploi du temps des dirigeants tendraient plutôt à
confirmer les intuitions de Mintzberg. Nous donnons ci-après un tableau montrant comment les
dirigeants utilisent leur temps. On notera la part très faible du temps accordé à la réflexion soli-
taire (moins de 1 % en moyenne) et à l’étude de rapports, documents autres que le courrier
(2 %), au regard du temps consacré à la communication verbale (55 % en réunions et 15 % au
téléphone).24
Ces chiffres sont à prendre avec précaution : ils illustrent l’activité de managers français. D’un
pays à un autre, des différences sensibles sont observables. Au Japon par exemple, où les déci-
sions essentielles ne se prennent que dans le respect le plus strict des rites et règles de politesse
appropriés, la durée moyenne des tâches est largement supérieure à celle observée aux États-
Unis. Par ailleurs, les managers japonais sont plus proches de leurs salariés et vont beaucoup
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plus souvent sur le terrain que leurs homologues américains (les tours d’entreprise représentent
respectivement 10 % et 3 % de leurs tâches).
De plus, même si les nouvelles technologies de la communication n’ont pas bouleversé l’organi-
sation du travail des managers, elles l’ont suffisamment influencée pour qu’une enquête iden-
tique conduite aujourd’hui fasse apparaître des résultats différents. Il faut aussi relativiser la
portée de ces chiffres, mêmes s’ils étaient confirmés par des enquêtes récentes. S’il est vrai que
les managers privilégient le téléphone ou les relations interpersonnelles qui permettent un
échange immédiat, il ne faut pas déduire du faible pourcentage consacré à la réflexion et à la
lecture des rapports que les managers ne réfléchissent ni ne lisent. En réalité, et ce n’est pas
vérifié seulement pour les postes à haut niveau de responsabilité, un manager ne cesse jamais
vraiment de penser, de préparer ses décisions, y compris lorsqu’il n’est pas dans l’entreprise.
Par ailleurs, les chiffres ci-dessus masquent une autre caractéristique du travail des managers
que Mintzberg avait fort bien repérée : ils ont une activité continue et rapide ; ils passent d’une
activité à une autre à un rythme accéléré, sont fréquemment interrompus… À la suite de
Mintzberg, d’autres auteurs proposent de résumer en cinq caractéristiques de base le travail
directorial25.
24. Tableau repris de J.P. Schmitt, Manuel d’organisation de l’entreprise, Gestion PUF, 1994.
25. Hellriegel, Slocum, Woodman, Management des organisations, De Boek Université, Bruxelles, 1992.
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Management • Série 1
Travail au Écriture 2%
domicile 5%
5% Lecture du 5%
courrier
Lecture autres 2 %
Travail documents
individuel 25 %
Utilisation
moyens 0%
20 %
informatiques
Téléphone 15 %
Travail au
siège de 55 %
l’entreprise Réflexion 1%
solitaire
35 % Tête-à-tête 5%
Réunions Réunions 30 %
55 % internes
Réunions 10 %
20 % externes
Travail à Repas 10 %
l’extérieur 40 %
du siège
Temps de 15 %
20 % transport
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A. Lauvergeon, J.L. Delpeuch, Sur les traces des dirigeants, Calmann-Lévy, 1988.
42
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Autorité formalisée
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et statut
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les changements nécessaires. Le plus souvent d’ailleurs, les décisions importantes comme le
développement de projets nouveaux ne germent pas brutalement dans le cerveau, même fécond,
des managers ; c’est l’aboutissement de petites décisions et d’actions fragmentaires convergeant
dans le temps ; une fois la décision prise, le manager délègue pour les décisions opérationnelles
et supervise ainsi l’ensemble des projets. Mais le manager n’a pas toujours l’initiative du change-
ment ; il peut y être contraint, soit par des pressions internes, soit par des pressions externes
(exemples : grève, défaillance d’un fournisseur, insolvabilité d’un client…) ; il entre alors dans son
rôle de régulateur pour régler les problèmes ou encore de pacificateur pour apaiser les conflits
interpersonnels ou interservices. La gestion de perturbations de cette nature est un exercice d’au-
tant plus difficile qu’on ne peut jamais anticiper totalement les conséquences des actions ainsi
engagées. En tant qu’entrepreneur, le manager est aussi répartiteur de ressources : il décide ce
qui doit être attribué, et à qui, dans l’organisation. Il doit constamment opérer des arbitrages et des
choix quant à la manière dont les ressources sont affectées. Enfin, dernier rôle, mais non le moindre,
le manager est négociateur ; il négocie en interne et avec l’extérieur : le contrat d’engagement
d’un cadre, les augmentations salariales avec les organisations syndicales, une subvention des
pouvoirs publics, un contrat avec un fournisseur…
44
UE 117 • Management
d’une décision dans une entreprise publique mobilisent essentiellement des compétences
d’agent de liaison, de porte-parole et de négociateur. Il varie également selon les cultures locales.
Dans certains pays, le pouvoir personnel est plus valorisé que dans d’autres ; la prise de déci-
sion a un caractère plus participatif aux États-Unis qu’en France ou en Italie. Une discipline
sévère et une stricte obéissance à l’autorité comme garanties de la qualité du travail sont les
valeurs plus fortes en Europe qu’en Amérique du Nord.
Plus récemment, Mintzberg26 a proposé une liste des compétences managériales mises en
œuvre dans la pratique, directement inspirée de sa typologie exposée ci-dessus des rôles du
manager, comme on va le vérifier dans le tableau suivant. On pourra ainsi constater que la
dimension technique (« compétences opérationnelles ») ne constitue qu’une catégorie, et pas
nécessairement la plus importante pour lui puisqu’il la situe dans son tableau en quatrième posi-
tion, de l’ensemble des compétences managériales. Il est vrai que l’objectif de Mintzberg est de
montrer combien il est difficile, voire absurde, de vouloir « apprendre » le management : en
dehors de certains aspects techniques qui peuvent au moins partiellement s’enseigner, les
autres compétences sortent en partie, selon l’auteur, du champ des savoirs et savoir-faire trans-
missibles classiquement dans des sessions de formation.
D. Compétences 1. Organiser (division des tâches, établissement des priorités, fixation des ordres du
opérationnelles jour, gestion du temps, urgences, etc.).
2. Administrer (affecter des ressources, déléguer, autoriser, systématiser, fixer des
objectifs, évaluer des performances, etc.).
3. Concevoir (planification, fabrication, vision, etc.).
4. Mobiliser (traitement des urgences, gestion de projet, etc.).
26. H. Mintzberg, Des managers, des vrais ! Pas des MBA, Éditions d’Organisation, 2005.
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Management • Série 1
•••/••• Domenico De Sole ne partage pas, bien sûr, ce jugement. Et Robert Polet s’est bien gardé d’entrer
dans ce débat. Il a pris des précautions considérables pour ne pas déprécier l’héritage de son
prédécesseur. Il a même appelé De Sole le jour de sa nomination, et plus tard lui a rendu visite chez
lui, en Caroline du Sud. « C’était important de comprendre la culture de Gucci et ce qu’elle repré-
sentait », dit-il. Il avait toutes les raisons de se montrer prudent : De Sole, un avocat flamboyant qui
avait l’habitude de réunir son équipe à la fin de la journée et d’emmener tout le monde dîner, avait
engagé bon nombre de responsables qui sont restés dans le groupe.
« Liberté encadrée »
Le style de management avant tout pragmatique de Polet est largement fondé sur son expérience
personnelle. Il a appris très tôt la vertu de l’autonomie à Unilever, qui le nomma à la tête de ses
opérations en Malaisie à l’âge de 35 ans. Polet se souvient d’une situation difficile : un chiffre
d’affaires stagnant, des bénéfices dérisoires, et un conseil d’administration houleux, où adminis-
trateurs chinois, malais et allemands ne s’adressaient pas la parole. Un jour, devant un cas parti-
culièrement épineux, Polet appela à l’aide le siège central d’Unilever. Le conseil qui lui fut donné
était simple : prenez une feuille de papier, listez toutes les options possibles et prenez la meilleure.
« Le lendemain matin, je dis à ma femme : “Ils ont raison. C’est seulement par l’expérience person-
nelle que l’on peut progresser”. »
Robert Polet a aussi découvert rapidement les joies de l’expérimentation. Jan Zijderveld, qui tra-
vailla pour lui à Unilever et en est aujourd’hui président en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, se
souvient que Polet était déterminé dans les années 1990 à tester la production de margarine
liquide. Son patron était alors hésitant mais Polet alla de l’avant malgré tout. Il acheta en secret du
matériel et mit en route une chaîne de production dans le fond d’une usine déjà existante. La mar-
garine liquide est devenue depuis un produit-vedette. « Mieux vaut demander pardon que deman-
der la permission », dit Polet.
Ce comportement consistant à ne compter que sur soi-même et à repousser toujours plus loin les
limites commence à prendre corps dans le groupe Gucci. Polet a baptisé son système « la liberté
encadrée », et les managers avouent qu’il a fallu du temps avant de s’y habituer. Les sociétés de
produits de luxe fonctionnent généralement de manière très différente. C’est une rupture avec le
passé. « Avec Domenico, si vous aviez un problème, vous vous adressiez à lui, et il vous arrangeait
ça en une nanoseconde par un simple coup de téléphone, raconte un ancien cadre. Avec Robert,
vous prenez votre valise, partez en Italie et trouvez la solution tout seul. »
L’avantage d’accorder plus d’autonomie à vos collaborateurs directs est que vous n’êtes pas pha-
gocyté par les crises journalières et pouvez organiser votre temps. Et si Polet tient à quelque
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chose, c’est à sa vie privée. « La famille vient d’abord », dit-il. Son père de 83 ans, un homme
d’affaires qui fut prisonnier de guerre des Japonais pendant plusieurs années, est « son coach de
vie ». Il essaie de quitter son bureau de Grafton Street à Londres tôt dans la soirée et déclare fer-
mer son BlackBerry et son mobile du vendredi soir au lundi matin. En vacances, il refuse d’être
dérangé sauf en cas d’urgence. Quand Béatrice Ballini, de Russell Reynolds, chercha à le joindre
alors qu’il était au Botswana, quelqu’un du bureau l’informa poliment que c’était impossible.
Challenges, 13 mars 2008.
Nous l’avons dit plus haut, les managers sont investis d’un pouvoir formel, qui leur permet d’agir
sur le comportement des autres membres de l’organisation. De manière générale, le pouvoir
peut se définir comme :
« La capacité qu’a un individu ou un groupe d’individus d’agir sur d’autres individus ou
groupes et d’affecter concrètement le fonctionnement et les résultats d’une organisation
donnée en obtenant, par exemple, que telle décision soit prise, que tels moyens soient
mis en œuvre ou que telles tâches soient accomplies.27 »
27. Nicole Aubert, « Pouvoirs et jeux de pouvoir », Management, aspects humains et organisationnels, PUF,
1991.
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UE 117 • Management
Le manager a donc la capacité de donner des ordres, d’affecter les moyens de l’organisation, de
contrôler leur emploi, d’appliquer des sanctions, positives ou négatives, de maîtriser la diffusion
de l’information à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise.
Si les membres de l’organisation acceptent de se soumettre à ce système de pouvoir, c’est qu’ils
en reconnaissent la légitimité. Nous verrons que les sources de légitimité sont multiples, et
essaierons ainsi de comprendre pourquoi les individus obéissent aux ordres donnés par ceux
qui détiennent le pouvoir. Mais on sait par ailleurs que la manière dont les managers utilisent le
pouvoir et le mettent en œuvre dépend de leurs caractéristiques personnelles. Comment les
managers exercent-ils alors ce qu’on appelle leur leadership ? La réponse renvoie aux attitudes
et comportements des décideurs ; entre le manager autocrate et le leader social, toute une
palette de situations intermédiaires est envisageable. La question qui se pose en filigrane est de
savoir s’il existe un style de commandement a priori plus efficace que les autres et si les mana-
gers, pour être performants, doivent posséder des qualités particulières.
On pourrait ajouter une quatrième source de légitimité non répertoriée par Weber parce qu’il la
supposait implicite dans le schéma rationnel légal : la légitimité issue de l’expertise. Les
membres de l’organisation reconnaissent les compétences de leur leader, qu’elles soient tech-
niques, relationnelles ou autres, à condition qu’elles soient considérées comme essentielles
pour l’entreprise. Cette légitimité peut s’appuyer sur un diplôme ou sur l’expérience : l’important
est qu’elle soit reconnue.
Selon la taille, l’histoire, la culture, ou encore selon le statut de l’entreprise, les pouvoirs issus de
ces différentes légitimités sont plus ou moins présents. On imagine aisément que la légitimité
traditionnelle ne peut jouer à « l’état pur » que dans des petites structures familiales ; les cas
28. Michel Lallement, Histoire des idées sociologiques, tome 1 : Des origines à Weber, Circa, Nathan, 1993.
29. N. Aubert, op. cit.
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Management • Série 1
cités de grands groupes ayant promu des membres de la famille supposaient évidemment que
la légitimité soit aussi fondée sur l’expertise.
On terminera en précisant que le terme d’« autorité », bien que très proche du concept de pou-
voir, désigne plus précisément une modalité de pouvoir exercé en vertu des règles et lois régis-
sant l’organisation. L’autorité est :
« [Le pouvoir] légitimé par le fait qu’il est officiellement octroyé par l’organisation et
accepté par les employés qui le trouvent juste et adéquat.30 »
En vertu des mêmes règles et lois, l’autorité peut être retirée à la personne qui l’exerce : elle est
temporaire. On notera que cette acception de l’autorité est une sorte d’extension de la notion de
pouvoir, que l’on peut définir comme la capacité à modifier le comportement d’autrui. Dans la
réalité, d’ailleurs, le pouvoir peut être dissocié de la notion d’autorité. Une personne peut exercer
un « magistère » moral (donc une « autorité ») sur d’autres sans avoir le pouvoir de décider, tan-
dis qu’une personne disposant du pouvoir de décision peut n’avoir aucune influence morale sur
autrui.
Application efficace/inefficace
Sources interpersonnelles du pouvoir
du pouvoir • Relation entre les bases de pouvoir
• Gratification • Choix des stratégies d’influence
• Coercition
• Légitimité
• Compétence
• Exemple
Influence
Pouvoir
sur autrui
Sources structurelles
conjoncturelles du pouvoir
• Savoir
• Ressources
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• Prise de décision
• Réseaux de relations
Hellriegel, Slocum, Woodman, Management des organisations, De Boeck Université, Bruxelles, 1992.
Le pouvoir au sein des organisations a fait l’objet d’études nombreuses qui ont, entre autres,
pour intérêt de préciser la typologie des sources du pouvoir qu’un individu peut avoir sur un
autre individu ou un groupe. Le tableau ci-dessus en donne une illustration intéressante ; les
auteurs distinguent en effet les sources interpersonnelles du pouvoir et les sources structu-
relles et conjoncturelles.
Nous ne reprendrons pas une à une les catégories mentionnées qui sont suffisamment expli-
cites. Ce que ce tableau met en évidence, c’est le caractère composite des sources du pouvoir ;
et ce qu’il suggère, c’est que le pouvoir n’est pas seulement lié à la position hiérarchique ; il ne
se réduit pas à la relation manager/subordonné. À niveau hiérarchique équivalent dans l’organi-
gramme, les managers savent qu’ils ne disposent pas du même pouvoir. Le mode de structura-
tion de l’entreprise, l’importance relative accordée aux différentes fonctions induisent des
inégalités par rapport à l’accès aux informations, aux prises de décision, aux ressources de
l’organisation, aux personnalités et groupes exerçant de l’influence… Le savoir, les ressources,
la prise de décision, les réseaux de relations deviennent ainsi des sources de pouvoir. À cet
48
UE 117 • Management
égard, les travaux de Crozier, principal fondateur de la sociologie des organisations, sont indis-
pensables à maîtriser, ne serait-ce que parce qu’ils montrent que le pouvoir dans l’organisation
résulte du système de contraintes et ressources de chaque individu dans l’organisation. Nous
renvoyons au détail de ces éléments théoriques présentés dans le second titre de cette série.
Cela dit, l’application efficace du pouvoir ne dépend pas seulement de l’accumulation du plus
grand nombre possible de ces sources précitées. Encore faut-il en faire bon usage. On doit alors
opérer une distinction entre la capacité d’influencer les comportements d’autrui (et qui se mesure
par l’importance de la légitimité) et l’utilisation efficace de cette capacité. Tout l’art du manager
réside dans la sagesse avec laquelle il va procéder ; par exemple, le pouvoir de la compétence
n’est pas extensible au-delà des domaines reconnus et validés ; le pouvoir de coercition ou de
gratification risque de conduire à la disqualification du manager peu avisé ; les réseaux de rela-
tions ne doivent être mobilisés qu’au service de l’entreprise, pas des intérêts personnels des
managers ; les « affaires » secouant épisodiquement les grandes entreprises françaises sont une
incitation à une réflexion approfondie sur le bon usage du pouvoir…
II. Le leadership
Bien que la première mention des termes de leader et de leadership dans la langue française soit
relativement récente31, les notions qu’ils recouvrent ont pour ainsi dire toujours existé. La nature
et l’exercice du leadership ont en effet inspiré bon nombre d’écrits de par le monde. L’Enseignement
de Ptahhotep (environ 2400 avant J.-C.) en Égypte ancienne, le classique Art de la Guerre de
Sun Zi (vie siècle avant J.-C.) en Chine ou bien encore Le Prince du florentin Machiavel (xve-
xvie siècle) sont autant de conseils adressés aux puissants, pharaons, empereurs ou princes, sur
la façon de diriger les hommes et de faire usage du pouvoir.
Les leaders d’aujourd’hui ne sont peut-être plus seulement des figures politiques ou militaires,
mais aussi d’influentes personnalités du monde des affaires, des « leaders d’opinion » ou bien
encore des sportifs tentant de mener leur équipe à la victoire…
Microsoft serait-elle la même entreprise sans Bill Gates ? José Bové ou Nicolas Hulot peuvent-
ils exercer une influence sur les législateurs ? L’Équipe de France gagnera-t-elle encore sans
Zidane ? Quoi qu’il en soit, ces quelques exemples nous permettent d’entrevoir l’omniprésence
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« Lorsque le leader habile a accompli sa tâche, le peuple dit que tout s’est produit
naturellement. »
Lao Zi (vie siècle av. J.-C.).
« Le travail du leader est plus difficile que de simplement choisir un camp. Il s’agit de ras-
sembler les camps. »
Jesse Jackson.
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Management • Série 1
Les termes de leader et de leadership évoquent pour beaucoup des images héroïques de
surhommes aux dons quasi-mystiques, capables de rallier les autres à leurs causes par l’« aura »
qui se dégage de leur personne. C’est manifestement la conception de Xénophon, de Lao Zi et
de l’approche traditionnelle du leadership en général, approche que nous évoquerons plus tard.
D’autres insistent plutôt sur le rôle de médiateur, de coordinateur, du leader.
House (2004) propose la définition suivante du leadership d’entreprise :
« La capacité d’un individu à influencer, à motiver et à permettre aux autres de contribuer
à l’efficacité et au succès des organisations auxquelles ils appartiennent. »
Cette première définition, si elle a le mérite de donner une idée générale du concept, ne permet
cependant guère de distinguer le leader de toute personne détentrice de pouvoir. Il est notam-
ment courant d’employer de façon interchangeable les mots leader » et « manager »…
Définition
Le leadership peut se définir de manière générale comme la capacité individuelle à susciter
l’adhésion d’autrui.
2. Leader ou Manager ?
Peter Drucker avait coutume de dire que « le Management c’est faire les choses comme il
faut, le Leadership c’est faire les choses qu’il faut. » En d’autres termes, le leader indique la
direction stratégique à suivre, le manager se charge de la rendre opérationnelle de la manière la
plus efficiente possible : c’est de ce point de vue un « gestionnaire ».
Bien que la question de savoir si une personne ne peut être à la fois un leader et un manager
fasse encore débat (Zaleznik, 1977), il apparaît clairement que les deux fonctions sont diffé-
rentes mais complémentaires. Un management sans leadership générerait une organisation
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certes très efficiente mais créatrice de produits ou de services inadaptés ; un leadership sans
management engendrerait une organisation au positionnement stratégique et aux idées promet-
teurs mais incapable de les réaliser.
Afin d’explorer plus avant la distinction leader/manager, Daft (1999) considère plusieurs dimen-
sions essentielles parmi lesquelles la « direction » générale du leader/manager (son rôle), la coor-
dination/alignement des collaborateurs, le type de relations avec les collaborateurs, et le résultat
espéré ainsi que le résume le tableau suivant :
50
UE 117 • Management
3. Rôles du leader
L’étude menée par Gardner (1989) sur un certain nombre de dirigeants identifie neuf rôles pour
un leader :
Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive mais on peut noter que ces rôles recoupent en grande
partie ceux identifiés par Mintzberg dans sa thèse de 1973 et que nous avons présentés plus
haut, ou encore les travaux précurseurs de Fayol eux aussi examinés précédemment, à savoir :
les rôles liés à l’information (Développer une vision, Expliquer), interpersonnels (Propager des
valeurs, Motiver ses « troupes », Réunir, Servir de symbole, Servir de représentant) et décision-
nels (Gérer, Renouveler).
C. Être un leader
En revanche, il est une question importante relative au leadership : naît-on avec un don inné et
inimitable pour le leadership ou cette capacité peut-elle se développer consciemment ? Comme
bon nombre de théories en sciences humaines et sociales, la théorie du leadership oppose dif-
férents courants de pensée que l’on pourrait sommairement regrouper en deux camps : l’inné et
l’acquis. Ce paragraphe propose d’examiner la nature du leader autour de trois axes synthéti-
sant quasi chronologiquement une large partie des théories élaborées :
• le leadership comme savoir être (modèles des traits de personnalité) ;
• le leadership comme savoir collaborer (modèles comportementaux) ;
• le leadership comme savoir s’adapter (modèles situationnels).
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Management • Série 1
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On peut émettre un certain nombre de critiques, notamment celle de la mesurabilité de ces
traits, l’absence de contexte (organisationnel, culturel, historique, etc.), ou encore la diversité
excessive de ces modèles qui ont rendu ardue si ce n’est impossible la constitution d’une véri-
table théorie générale (Bass et Stogdill, 1990). Les modèles de traits de personnalité ont néan-
moins connu une grande popularité d’une part par leurs conclusions proches du sens commun
mais aussi et surtout par leur développement en parallèle aux multiples typologies de la person-
nalité (MBTI, Enneagramme etc.). L’intérêt de ces théories, en particulier du point de vue des
ressources humaines, n’est pas seulement d’avoir permis de repérer/recruter des « leaders nés »
mais d’avoir initié une réflexion sur ce qui fait un leader. Elles sont en cela une des bases des
théories plus récentes.
32. Ces cinq facteurs sont parfois nommés « Modèle OCEAN », moyen mnémotechnique d’après les caté-
gories de Costa et McRae (Openness, Consciousness, Extraversion, Agreeableness, Neuroticism).
52
UE 117 • Management
9 Leadership Leadership
« social » « d’équipe »
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8
7
Intérêt pour l’humain
6
Leadership
5
intermédiaire
4
3
2 Leadership Leadership axé
1 « anémié » sur la tâche
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Au-delà de l’observation des types de leadership, l’objectif de Blake et Mouton est de répondre
à la question du style de leadership optimal, de déterminer la combinaison la plus performante
entre intérêt pour la production et intérêt pour l’individu/l’humain. Selon eux, il s’agit du « leader-
ship d’équipe » (coordonnées 9,9) : concerné à la fois par la production et par les personnes, le
leader implique les individus à chaque étape du processus de production (planification, organi-
sation, contrôle etc.), accorde sa confiance et délègue les responsabilités, style qui rappelle
fortement le type démocratique de Lewin et alii.
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Management • Série 1
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• pouvoir du leader (pouvoir de fonction).
Fiedler reprend alors la dialectique intérêt pour la production (intérêt pour la tâche)/intérêt pour
l’humain (intérêt pour la relation) de Lewin et alii en y confrontant la variable « contrôle situation-
nel ». Il crée pour cela un outil quelque peu inattendu : l’échelle LPC (Least Preferred Co-worker)
où les « cobayes » doivent décrire la personne avec laquelle ils aiment le moins collaborer.
Choix
Agréable 8 7 6 5 4 3 2 1 Désagréable
Détendu 8 7 6 5 4 3 2 1 Stressé
Accessible 8 7 6 5 4 3 2 1 Distant
Chaleureux 8 7 6 5 4 3 2 1 Froid
Intéressant 8 7 6 5 4 3 2 1 Ennuyeux
Joyeux 8 7 6 5 4 3 2 1 Dépressif
Sincère 8 7 6 5 4 3 2 1 Hypocrite
Réfléchi 8 7 6 5 4 3 2 1 Irréfléchi
Expansif 8 7 6 5 4 3 2 1 Renfermé
Loyal 8 7 6 5 4 3 2 1 Déloyal
Total LPC
54
UE 117 • Management
Cet outil est original dans la mesure où ce n’est pas la personne décrite par le répondant qui
importe mais le comportement plus ou moins critique de ce dernier. Un individu décrivant son
moins bon collaborateur de façon relativement positive (LPC élevé) sera considéré comme met-
tant l’accent sur la relation ; un individu décrivant au contraire son LPC de façon très négative
(LPC faible) sera plutôt centré sur la tâche.
À partir de la notion de contrôle situationnel et de l’échelle LPC, Fiedler parvient à déterminer
que différentes situations requièrent différents types de leaders comme l’illustre le schéma
suivant :
la principale différence étant la nature du critère déterminant pour « jauger » la situation. Les
deux auteurs estiment que ce critère doit être le « niveau de maturité » (readiness) des collabo-
rateurs/subordonnés, qu’ils repartissent selon quatre degrés :
• incapable sans volonté de réaliser les objectifs (Maturité faible M1)
• incapable avec volonté de réaliser les objectifs (Maturité moyenne-faible M2)
• capable sans volonté de réaliser les objectifs (Maturité moyenne-forte M3)
• capable avec volonté de réaliser les objectifs (Maturité forte M4)
Hersey et Blanchard conçoivent ainsi quatre types de leadership à adopter selon la maturité
des subordonnés :
• diriger (Telling) lorsque la maturité est faible (M1), c’est-à-dire se concentrer sur la tâche, faire
preuve d’autorité ;
• persuader (Selling) lorsque la maturité est moyenne-faible (M2), garder une forte orientation
vers la tâche en prêtant plus d’attention à la relation ;
• coordonner (Participating) lorsque la maturité augmente et devient relativement forte, insister
principalement sur la relation ;
• déléguer (Delegating) lorsque les subordonnées ont atteint une pleine maturité, s’effacer pour
laisser l’équipe s’autogérer (voir schéma suivant).
Notons que ces quatre types reprennent une fois encore la distinction Relation/Tâche (voir
schéma suivant).
L’apport de Hersey et Blanchard apparaît clairement sur le schéma suivant : non seulement dif-
férentes situations requièrent différents types de leadership, chose qu’affirmaient déjà d’autres
modèles situationnels, mais le leadership doit également évoluer au cours de l’exécution de la
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Management • Série 1
tâche, en fonction de la maturité des subordonnés. Ce modèle suggère par ailleurs que l’étape
ultime du leadership est la délégation, l’autonomie décisionnelle des subordonnées. Nous
sommes ici bien loin de l’image traditionnelle du leader charismatique, du « grand homme » des
premières théories du leadership…
Fort
Animer Persuader
Déléguer Diriger
Faible
M4 M1
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comme le proposaient les modèles antérieurs mais que les deux maîtres mots doivent être prag-
matisme et flexibilité. Au travers de ces théories, le leader apparaît de plus en plus comme un
facilitateur, un catalyseur de performance dont le talent consiste avant tout à prendre conscience
des éléments contextuels et humains qui définissent les conditions de son leadership, à s’y
adapter ou à les modifier.
Conclusion
Des multiples théories et recherches que nous avons évoquées au cours de ce chapitre, nous
retiendrons avant tout qu’un leader est nécessairement « multiple », il a plusieurs facettes, et ce
pour trois raisons.
La première est qu’il doit prendre en charge un grand nombre de rôles et leur donner une cohé-
rence pas toujours évidente.
La seconde est que la capacité et le style de leadership ne sont pas simplement innés mais qu’ils
se construisent et évoluent au fur et à mesure de l’exercice du pouvoir.
Enfin, on ne peut être leader tout seul. Un leader est un responsable, un animateur, un architecte
et un rassembleur ; il jouit de pouvoir et il a droit au respect à condition d’en être digne, et donc
de respecter ses subordonnés et la loi. Il doit se garder de toute autorité arbitraire : le danger
pour le leader est de se muer en despote.
33. Héros éponyme du livre de Scott Adams, The Dilbert Principle, Harper Business, 1996.
56
UE 117 • Management
Caractéristiques
du subordonnés Caractéristiques du leader
• Personnalité • Pouvoir / Légitimité
• Capacités • Personnalité (Savoir-être)
• Maturité • Rapport humain / Tâche (Savoir collaborer)
• ... • Faculté d’adaptation (Savoir s’adapter)
Caractéristiques de
la situation
• Structure organisationnelle
• Structures du groupe
• Nature de la tâche
• ...
LEADERSHIP
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Management • Série 1
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deuxième temps les approches sociologiques avant de développer, dans un troisième temps, les
théories plus spécifiquement managériales. Nous avons également opté pour une approche
chronologique des théories. Ce double point de vue (disciplinaire et chronologique) est bien sûr
contestable : il serait par exemple simple de montrer que les apports de sociologues comme
Crozier ont eu et ont encore un impact sur les managers autrement plus conséquent que certains
travaux théoriques relevant de la catégorie des théories du management ; mais ce choix n’est ni
plus ni moins critiquable que tout autre qui aurait pu être fait. À la limite, la logique de présentation
a peut-être moins d’importance que la capacité de chaque proposition théorique à apporter une
pierre supplémentaire à l’édifice conceptuel général. Pour cette raison, nous insisterons sur l’inté-
rêt, les apports, mais aussi les limites des principaux courants théoriques présentés.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, nous allons répondre à plusieurs questions simples suscep-
tibles de « dédramatiser » la lecture d’une série que certains étudiants peuvent légitimement
redouter. Notre objectif est à la fois de rassurer les inquiets tout en leur donnant des indications
de travail afin qu’ils tirent le meilleur parti de leur lecture.
58
UE 117 • Management
la réponse à la question suivante que la plupart d’entre elles sont nées de l’observation de la
réalité. La seconde raison est que la maîtrise des théories élargit l’horizon de réflexion de tout
individu, analyste extérieur ou manager, en lui donnant des repères, des concepts, des règles de
fonctionnement qui lui permettent d’accéder à une connaissance et une compréhension plus
rapide et bien sûr plus pertinente des situations concrètes qu’il rencontre. De ce point de vue,
les théories confèrent une meilleure « intelligence » des situations. Si vous savez que, en théorie,
un groupe d’individus confronté à tel type de contraintes réagira « probablement » de telle ou
telle manière, vous pouvez anticiper ses réactions et construire vos décisions de manière appro-
priée. C’est bien cette capacité à anticiper qu’on attend du manager aujourd’hui (et de vous
demain lorsque vous serez en situation professionnelle). On peut toujours objecter que d’excel-
lents managers fonctionnent de manière purement empirique, faisant plus confiance à leur expé-
rience qu’à la science, mais ce type de comportement a ses limites, vite atteintes dans des
contextes de management de plus en plus complexes à appréhender.
régularité qui permettent ensuite d’en inférer des règles et principes théoriques de fonctionne-
ment. Le champ initial de l’observation peut être très large (certains auteurs du courant de la
contingence ont fondé leurs propositions théoriques sur la base d’enquêtes auprès d’un nombre
important d’entreprises), il peut être au contraire très réduit (des auteurs comme Taylor et surtout
Fayol ont conceptualisé à partir de leur propre pratique et de leur expérience personnelle).
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Management • Série 1
Document de travail réservé aux élèves de l’Intec – Toute reproduction sans autorisation est interdite
organisations, on l’a rappelé dans le premier titre de cette série, constituent des systèmes :
c’est donc bien par l’articulation des différents éléments qui les constituent, des différentes
dimensions qui les caractérisent (économique, sociale, politique) que les ensembles organisés
« font » système. La reconstruction des liens entre théories est donc une tentative cohérente
de reconstitution du système dans sa globalité.
• Le travail sur les théories doit se faire en mettant l’accent sur les concepts, qu’il faudra mémo-
riser et maîtriser (c’est-à-dire être capable d’en donner une définition extensive), et sur les
idées, sur les raisonnements spécifiques à chaque proposition théorique. Ainsi, pour chacune
d’entre elle, vous devez pouvoir donner les quelques concepts-clés et résumer en quelques
phrases l’idée directrice de la théorie ou la pensée principale de l’auteur. Posez-vous des
questions sur l’intérêt et les limites de chaque apport théorique (les réponses sont dans le
cours) : n’oubliez jamais que la preuve de la maîtrise d’une théorie n’est apportée par un étu-
diant qu’à partir du moment où il sait dire non seulement ce qu’est cette théorie, mais surtout
à quoi elle sert dans la compréhension des organisations !
60
UE 117 • Management
Ce tableau donne une première idée des courants théoriques présentés dans ce cours, avec des
repères temporels. Ces derniers restent assez grossiers et sont seulement des indications per-
mettant de dater les travaux de référence en prenant comme identifiants les publications des
ouvrages ou articles des auteurs essentiels de chaque courant. Par exemple, les principales
contributions des différents auteurs de l’école de la contingence ont été publiées dans les années
1960‑1980. La seconde borne (1980) ne signifie pas la disparition du courant (Mintzberg qui est
proche de l’école de la contingence a publié son ouvrage phare sur la structure des organisations
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en 1982) : elle indique que l’influence du courant en question sur les réflexions théoriques relatives
aux organisations a faibli en raison de la montée en puissance de nouveaux courants de pensée.
Il faut également avoir présent à l’esprit qu’il n’y a pas nécessairement un lien direct entre les
publications théoriques et leurs implications managériales. Il peut y avoir un décalage entre les
idées et leur traduction opérationnelle concrète, et il se peut également qu’un courant théorique
soit mentionné plus pour son apport à la pensée et sa cohérence intellectuelle que pour les
modifications induites dans les pratiques managériales. D’autres courants, en revanche, les plus
anciens, ont laissé des traces aisément repérables aujourd’hui dans le fonctionnement quotidien
des organisations (Taylor…).
On a présenté dans ce tableau, parallèlement aux principales écoles de la théorie des organisa-
tions, les travaux importants des économistes et des sociologues qui leur sont contemporains.
Les trente dernières années ont été marquées par un renouvellement profond du regard des
économistes sur l’entreprise et les organisations en général, notamment grâce à la remise en
cause des grandes hypothèses qui constituaient le fondement de l’économie néoclassique
201171TDPA0113 61
Management • Série 1
(encore appelée TES, Théorie Économique Standard). Cette dernière, depuis les travaux anciens
de Walras, Pareto, Marshall, etc. cherche à représenter le fonctionnement de l’économie à partir
de la formalisation du comportement individuel d’agents économiques supposés parfaitement
rationnels. L’entreprise n’est qu’un agent parmi d’autres (= le producteur) et, dans la TES, son
comportement n’est pas distinct de celui de l’entrepreneur. De fait, son fonctionnement interne
et le rôle des acteurs qui la composent n’interviennent pas dans le raisonnement. La théorie
renvoie donc une image simplifiée à l’excès et caricaturale de la firme où seuls sont pris en
compte les flux qui la traversent (on parle de l’entreprise comme « boîte noire » car la dimension
purement organisationnelle est évacuée, on ne s’interroge pas sur les fonctionnements internes).
Comme, par ailleurs, l’individu à la base des modèles néoclassiques est réduit à une entité abs-
traite (le fameux « homo œconomicus ») qui prend ses décisions uniquement en fonction du
meilleur bilan coûts/avantages, les critiques relatives au caractère irréaliste et réducteur de la
TES n’ont pas manqué. Mais ce type de critiques a été rejeté par les économistes qui rappellent
que leur conception de l’entreprise et de l’homme économique n’est pas censée représenter la
réalité mais constituer un modèle spécifique de comportement clarifiant certains mécanismes
économiques. Autrement dit, peu importe que la théorie ne soit pas fidèle à la réalité si, d’une
part, elle présente une totale cohérence et, d’autre part, si elle permet de construire un « idéal
type », c’est-à-dire une situation abstraite à partir de laquelle on peut caractériser les situations
réelles. On en verra dans la série suivante une illustration : pour analyser les processus de prise
de décision dans les organisations, on partira d’un modèle théorique simplifié de décideur par-
faitement rationnel et informé qui servira de référence pour appréhender la complexité des pro-
cessus réels de prise de décision où l’information et la rationalité sont imparfaites. On en aura un
autre exemple ci-dessous avec les situations de concurrence imparfaite analysées par les éco-
nomistes industriels.
On va voir ci-dessous, après avoir rappelé les apports essentiels de l’économie industrielle,
comment la remise en cause progressive des hypothèses de la TES a permis l’émergence de
nouvelles théories économiques dont les apports sont suffisamment importants pour qu’ils
soient devenus une référence dans le domaine du management.
À noter que d’autres courants des sciences économiques seront mentionnés dans la suite du
cours sans être développés ici car trop sensiblement éloignés de nos préoccupations, à savoir
la compréhension des organisations. C’est le cas par exemple de la théorie des droits de pro-
Document de travail réservé aux élèves de l’Intec – Toute reproduction sans autorisation est interdite
priété dont on verra néanmoins ici les prolongements importants (cf. plus bas la théorie de
l’agence) ou encore de la théorie des jeux dont nous aurons à reparler dans la série suivante à
propos des processus de prise de décision.
62
UE 117 • Management
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Management • Série 1
ce type de comportement. Pour une qualification donnée, le travailleur a une idée du salaire
qu’il peut demander et prospectera jusqu’à ce qu’il trouve une offre correspondante. Si la
recherche s’éternise, il révisera à la baisse le salaire demandé.
• L’hypothèse d’« atomicité » de l’offre et de la demande est contestable : Elle signifie
qu’aucune firme n’a une taille suffisante pour imposer son prix, par exemple. Dans la réalité, le
nombre d’acteurs est plus restreint, les décisions d’une firme sont influencées par celles des
autres firmes. La prise en compte des interactions entre agents économiques a permis les
développements de l’économie industrielle, la mise en évidence par cette dernière des com-
portements stratégiques, des situations de concurrence imparfaite. Ces apports seront rappe-
lés dans la série suivante consacrée à la stratégie. D’autres développements féconds de la
théorie économique récente cherchent à analyser les comportements des agents en situation
d’interdépendance : dans la théorie des jeux (les grands principes en seront rappelés dans la
série suivante), on suppose que les comportements des individus dépendent de ce qu’ils
pensent que feront les autres. L’apport pour la compréhension des processus décisionnels est
évident.
Sous des hypothèses en rupture avec la théorie standard (la théorie de l’agence envisage la
possibilité d’une divergence entre le principal et l’agent et part du principe que l’agent dispose
d’informations que ne possède pas le principal), cette théorie est couramment illustrée par la
relation d’agence entre propriétaires du capital (le principal) et les dirigeants de l’entreprise
(l’agent). Elle est en particulier au cœur des problématiques de la gouvernance d’entreprise, et
en particulier du modèle dit « actionnarial ». Cette dimension importante du fonctionnement des
organisations fait l’objet d’un chapitre complet au sein de l’UE « Management et contrôle de
gestion » du DSCG.
Document de travail réservé aux élèves de l’Intec – Toute reproduction sans autorisation est interdite
Définition
On parle de « relation d’agence » quand une entreprise ou un particulier (principal) confie en
partie ou en totalité la gestion de ses intérêts à un tiers (agent).
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UE 117 • Management
En bref
Pour le principal Pour l’agent
Coût de surveillance de l’agent Coût de conformation aux ordres
Coûts d’agence
Coût de mauvaise exécution par l’agent de l’agent
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Management • Série 1
Cela dit, centrer l’analyse sur les contrats et sur les relations interindividuelles (ce qu’on appelle
« l’individualisme méthodologique ») présente un inconvénient important : la théorie ne prend
pas en compte la dimension collective de l’entreprise, pas plus que le système hiérarchique et
les relations internes de pouvoir.
D’autre part, analyser la firme comme une fiction légale regroupant un ensemble spécifique de
contrats ne permet pas de la distinguer clairement du marché. La théorie de l’agence permet,
certes, de sortir de l’opposition traditionnelle en économie entre ces deux formes de régulation.
Mais, en négligeant la question des frontières de l’entreprise, la théorie de l’agence ne voit pas
d’opposition fondamentale entre la firme et le marché. C’est sur l’hypothèse inverse que s’est
développée l’économie des coûts de transaction.
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A. Ronald Coase : marché versus hiérarchie
Pourquoi les firmes existent-elles ? Pourquoi émergent des entités organisées où des agents se
coordonnent sans avoir recours aux mécanismes du marché et donc sans référence à un sys-
tème de prix ? Pourquoi l’activité n’est-elle pas régulée par un ensemble de contrats ponctuels
entre agents économiques, dans le cadre d’un immense marché où il n’y aurait que des entre-
preneurs individuels ? L’article fondateur de Coase (1937) répond à ces questions. L’auteur
affirme l’existence de deux formes alternatives de coordination économique : la coordination sur
le marché par un système de prix et la coordination administrative par la hiérarchie au sein de la
firme. La première entraîne des coûts de découverte des prix, des coûts de négociation et de
conclusion des contrats pour chaque transaction. La seconde permet de les éviter, mais génère
des coûts internes d’organisation.
Les frontières des firmes s’expliquent alors par la confrontation entre coûts liés à la coordination
interne (dite aussi « administrative » ou « hiérarchique ») et coûts de la coordination marchande
(dits « coûts de transaction »). La firme se substitue donc au marché lorsque la coordination
hiérarchique permet d’économiser des coûts de transaction. Par ailleurs, pour Coase, la firme se
distingue également du marché dans la mesure où les rapports contractuels internes sont des
relations de long terme (exemple du contrat de travail).
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UE 117 • Management
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Management • Série 1
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des conditions économiques et sociales dans la société considérée, ou lorsqu’il évoque l’inéluc-
tabilité des crises économiques en régime capitaliste générant faillite, chômage massif, etc.
Les premiers travaux sociologiques importants en France remontent à l’après-guerre et sont le
fait d’intellectuels d’inspiration marxiste (Georges Friedmann, en particulier). Ces auteurs se sont
intéressés à la situation de travail des ouvriers d’atelier, aux rapports et aux conflits de travail,
reflet dans l’entreprise des rapports sociaux de domination entre la classe des possédants et
celle des travailleurs au sein de la société. Il est vrai que cette période est aussi celle du fordisme
triomphant, marquée par la production de masse, la parcellisation des tâches dont le travail à la
chaîne n’est qu’un aboutissement logique. La dénonciation des conséquences du machinisme
et de la rationalisation du travail sur la santé des individus au travail, sur l’absence de perspec-
tive de formation et d’évolution professionnelle, sur la disparition des ouvriers qualifiés au profit
d’ouvriers spécialisés (donc sans qualification) et même sur l’avenir (incertain en raison de l’au-
tomatisation) de l’homme au travail constitue l’essentiel du propos de ces auteurs. Le courant
sociologique ainsi constitué, la « sociologie du travail », s’est progressivement affaibli à partir
des années 1970, avec la montée en puissance de nouvelles formes d’organisation éloignées
des principes tayloriens et fordiens de rationalisation du travail.
68
UE 117 • Management
société. Plus précisément, le courant de la sociologie du travail s’est intéressé aux situations des
ouvriers d’atelier, aux rapports de travail, aux conflits, au syndicalisme et à la division sociale
fondant les conflits de classes.
Mais entre l’évolution du travail, d’une part, et l’évolution de la société industrielle, d’autre part,
la sociologie du travail n’a pas analysé le niveau intermédiaire – l’entreprise – comme objet
sociologique spécifique. Les sociologues du travail ont eu longtemps une vision négative de
l’entreprise, perçue comme un lieu d’exploitation, dont les règles et l’organisation sont définies
principalement par des contraintes externes (économiques, techniques, financières…).
censés maîtriser à la fois la technique et le processus de production, ont une qualification qui va
se rapprocher de celle des techniciens.
À travers leurs recherches et l’observation des expériences américaines d’élargissement des
tâches, les sociologues du travail ont été amenés à nuancer l’hypothèse du déterminisme tech-
nique présente dans l’œuvre de Taylor : contrairement à une idée encore très répandue dans les
années 1960, l’organisation de l’entreprise et le degré de division du travail ne dépendent pas
exclusivement de l’état des techniques à un moment donné. Ils sont aussi déterminés par les
choix des dirigeants, ceux-ci ayant, en dernier ressort, la responsabilité des implications sociales
de l’organisation.
Les années 1970 ont été marquées par l’affaiblissement des valeurs (le travail, l’industrie, la
croissance, le progrès) et des idéologies d’inspiration marxiste qui ont dominé les recherches en
sociologie du travail. Parallèlement, les changements des systèmes productifs et le développe-
ment de nouvelles formes d’organisation ont accentué la rupture avec les principes tayloriens de
l’organisation scientifique, cible privilégiée des sociologues du travail. Ces derniers ont déplacé
leurs problématiques de recherches, désormais moins centrées sur la critique de la division du
travail que sur l’analyse des mutations en cours du travail.
Le champ de la recherche sociologique sur les organisations a ensuite été largement occupé
dans les années 1970 par un nouveau courant dont l’influence sur les managers a été détermi-
nante, on va le développer maintenant.
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Management • Série 1
Remarque
L’« analyse stratégique des organisations » est un concept de la sociologie des organisations
et ne doit en aucun cas être confondue avec l’analyse préalable à l’élaboration de stratégie
d’entreprise, qui sera étudiée en détail dans la série suivante.
Document de travail réservé aux élèves de l’Intec – Toute reproduction sans autorisation est interdite
c’est un « construit contingent » (c’est-à-dire propre à chaque situation) qui dépend des relations
que les individus établissent entre eux. D’où l’intérêt d’étudier les règles internes de la vie sociale
et les logiques des acteurs pour comprendre le fonctionnement de toute organisation. Deux
hypothèses essentielles fondent les travaux de Crozier et Friedberg :
• La première, empruntée aux sociologues américains (les théories de l’action : Parsons,
Merton), fait des individus et de leurs interactions un déterminant principal du fonctionnement
des organisations. On parle de « dysfonctionnement » quand les intentions et les attentes des
individus ne sont plus en phase avec les finalités communes de l’organisation. Merton consi-
dérait ainsi que les règles mises en place par les organisations bureaucratiques pour réaliser
leurs objectifs pouvaient devenir primordiales aux yeux des individus, ce qui rendait secon-
daires les objectifs des organisations ou même pouvait contribuer à les modifier. L’autonomie
des acteurs et leur relative liberté d’interprétation des finalités de l’organisation peuvent alors
les conduire à un déplacement de ces finalités et à une modification de leur propre rôle. On
peut ainsi expliquer les « pathologies » des organisations bureaucratiques où les employés
finissent par accorder plus d’importance au respect des règles qu’aux missions que l’organi-
sation leur assigne. De ce point de vue, les bureaucraties ne sont pas des organisations aussi
« idéal-typiques » que Weber a pu le penser (sur les travaux de Weber, voir le paragraphe qui
lui est consacré dans le chapitre suivant).
• La seconde hypothèse découle du concept de rationalité limitée (H. Simon) : dans une orga-
nisation, les stratégies des acteurs sont rationnelles, mais d’une rationalité limitée et contin-
gente, chacun analysant l’organisation et les opportunités qu’elle offre au regard de sa propre
expérience et de ses propres objectifs. Il n’y a donc pas d’actions irrationnelles ou gratuites,
toutes sont orientées vers un but dont la satisfaction est évaluée avec des critères spécifiques
à chaque individu, ce qui le rend difficile à cerner et comprendre par les autres acteurs. D’autant
70
UE 117 • Management
plus que ces stratégies d’acteurs et ces buts ne sont pas toujours parfaitement cohérents ni
clairement définis et peuvent même se construire au fil du temps, ou selon les opportunités
que les situations d’action peuvent proposer à l’acteur.
Cet exemple permet de montrer que chaque acteur d’une organisation agit selon le système de
ressources et de contraintes qui lui est propre et sur lequel il va s’appuyer pour atteindre ses
objectifs. Ces ressources de pouvoir et ces contraintes sont en partie liées à l’acteur lui-même et
à ses caractéristiques individuelles, elles sont aussi définies par les réseaux sociaux que l’acteur
est susceptible de mobiliser et bien sûr par l’organisation elle-même : place dans l’organigramme,
rôle dévolu à l’acteur, règles et procédures, responsabilités confiées… Il est a priori probable que
le niveau des contraintes diminuera alors que les ressources s’accroîtront au fur et à mesure où
l’acteur s’élève dans la hiérarchie, mais le raisonnement est applicable y compris aux salariés
situés aux niveaux les plus bas de l’échelle hiérarchique. C’est par ce système de ressources de
pouvoir et de contraintes et sa pertinence au regard de ses buts que l’acteur va chercher à maî-
triser les zones d’incertitude pour augmenter son influence et atteindre ses objectifs ; autrement
dit, il va chercher à accroître ses marges de manœuvre en réduisant celle des autres. De même
que les ressources et les contraintes n’existent qu’au regard d’une situation précise, la notion de
pouvoir ne se définit pas dans l’absolu, mais relativement aux autres groupes ; c’est ce qui
explique par exemple pourquoi, dans l’exemple de la manufacture de tabac, les ouvriers d’entre-
tien inquiets de la maîtrise technique des ouvriers de production ont fait disparaître toute la docu-
mentation technique afin de préserver le contrôle de leurs ressources de pouvoir.
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Management • Série 1
Document de travail réservé aux élèves de l’Intec – Toute reproduction sans autorisation est interdite
essentielles pour les managers. Par ailleurs, on insistera aussi sur un autre courant de la socio-
logie qui a émergé récemment, même s’il renvoie à des travaux fondateurs vieux de plus d’une
trentaine d’années : la sociologie économique. On présentera ici les principales hypothèses de
ce courant à partir des travaux de M. Granovetter.
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UE 117 • Management
entre deux mondes parallèles comme le suggérait l’école des relations humaines, entre organisa-
tion formelle et informelle ou comme le pensent les sociologues des organisations (voir plus haut)
en opposant système formel et informel de pouvoir : la régulation sociale est le produit de la
rencontre entre ces deux dimensions, elle se construit par interactions et compromis plutôt ins-
tables entre autonomie et contrôle. Il y a donc selon Reynaud une régulation conjointe qui n’est
pas un juste milieu entre autonomie et contrôle, mais construction provisoire de « règles géné-
rales, acceptables de part et d’autre et constituant un ensemble raisonnablement cohérent ».
• l’affinité caractérise les réseaux relationnels des salariés en mobilité verticale (exemple : auto-
didactes cadres et techniciens) qui ont des rapports interpersonnels peu nombreux mais
denses, et qui se méfient des groupes qu’ils voient comme un obstacle à la promotion indivi-
duelle ; le travail est valorisé, car source d’évolution personnelle ; dans le contexte actuel où il
est difficile d’évoluer verticalement, le modèle affinitaire est affaibli, laissant place à des posi-
tions de retrait ;
• la négociation caractérise la situation des salariés experts disposant d’une large autonomie
dans leur travail (ouvriers qualifiés, techniciens professionnels, cadres à responsabilités), atta-
chés au fonctionnement démocratique de l’organisation, valorisant la solidarité du groupe
mais aussi la différence.
Dans la vie professionnelle, les groupes font ainsi des apprentissages culturels et l’identité qu’ils
construisent dépend de l’importance dans leur fonctionnement des différents traits exposés plus
haut. Se constituent alors des modèles culturels et des types d’action utiles à repérer dans le
fonctionnement des organisations : action de masse (caractérisant les identités de type fusion-
nel), action stratégique (identités de négociation), action de soi (identité d’affinités), action d’ail-
leurs (identités de retrait).
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Management • Série 1
sociologues celle sous-socialisée (l’individu est mû par le strict principe de la rationalité maximi-
satrice) des économistes néoclassiques, Granovetter souligne le rôle central des liens sociaux
dans l’action économique et construit une théorie de la genèse des institutions économiques.
Pour lui, le social n’est pas seulement un « décor » dans lequel s’inscrit l’action économique :
l’individu agit aussi, mais pas seulement non plus, en fonction des structures sociales auxquelles
il appartient et dont il a intégré les valeurs. On est donc loin de la pure rationalité de l’agent qui
maximise son intérêt sans contacts sociaux et par le jeu des mécanismes du marché. Granovetter
s’oppose ainsi à l’approche de l’économie des coûts de transaction qui explique l’existence des
institutions et l’émergence d’arrangements institutionnels par la seule prise en compte de déter-
minants économiques (coûts associés aux transactions versus coûts associés à la coordina-
tion…). Selon lui :
« [Les institutions] sont construites par des individus dont l’action est tout à la fois facilitée
et limitée par la structure et les ressources des réseaux sociaux dans lesquels ils
s’inscrivent. »
I. Huault, « Mark Granovetter et la nouvelle sociologie économique »,
in J. Allouche (coord.), Encyclopédie des Ressources Humaines, Paris, Vuibert, 2003.
Par exemple, la constitution de réseaux s’expliquerait mieux par la prise en compte des réseaux
sociaux plus efficaces que le marché (régulant par le prix) ou l’organisation (régulant par l’auto-
rité) pour créer la relation de confiance et de loyauté caractérisant le fonctionnement des arran-
gements institutionnels, la confiance pouvant être un vecteur de coopération plus efficace que
le principe de rationalité des acteurs. L’action ne peut donc pas être dissociée des réseaux
sociaux qui la déterminent.
Les travaux de Granovetter ont introduit dans le vocabulaire des concepts nouveaux comme
celui d’« encastrement » (ou enchâssement, embeddedness) : les choix économiques sont la
résultante de la configuration des réseaux sociaux dans lesquels les acteurs sont « encastrés ».
L’économie n’est donc nullement un champ d’action autonome, désenclavé du tissu des rela-
tions sociales, des coordinations « réticulaires » (c’est-à-dire en réseau). Pour illustrer notre pro-
pos, on peut prendre comme exemples la constitution de groupes d’affaires ou encore la
composition des conseils d’administration des grandes entreprises françaises qui a longtemps
été fondée sur le principe de la cooptation entre pairs, lesquels entretenaient des liens étroits
avec l’État ; on parle d’ailleurs d’un modèle « réticulaire » de gouvernance qui valide totalement
les hypothèses de Granovetter. Les décisions économiques entre institutions et au sein de l’ins-
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titution mettent en contact des gens qui, la plupart du temps, se connaissent depuis longtemps.
Elles sont encastrées dans des systèmes durables et concrets de relations sociales, elles
trouvent leur explication dans les réseaux d’interactions sociales des acteurs.
Ces relations interpersonnelles constituent ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « capital
social », cette expression désignant les liens sociaux que chaque individu acquiert tout au long
de sa vie professionnelle. Rompant avec la seule approche en termes de « capital humain » (les
compétences, savoirs et savoir-faire issus de la formation, de l’expérience…), Granovetter
explique le comportement des individus sur le marché du travail par le capital social accumulé
et les liens sociaux (plus faibles que les liens familiaux, et donc moins susceptibles d’engendrer
des comportements opportunistes) qui permettent de trouver un emploi, la mobilité profession-
nelle etc.
On perçoit bien les implications possibles des apports de Granovetter en termes de manage-
ment : les réflexions sur le « comportement organisationnel », domaine qui a pris naissance avec
l’école des relations humaines et qui concerne les dimensions individuelles du comportement
dans les organisations (motivation, communication, leadership, fonctionnement des groupes
etc.) : ces dimensions gagneraient à être contextualisées, c’est-à-dire resituées dans les
contraintes situationnelles et les réseaux dans lesquels sont insérés les acteurs.
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UE 117 • Management
normatif et prescriptif : ils élaborent les « bonnes » règles en les érigeant au statut de normes
et en recommandent vivement l’application puisque ces règles et principes garantissent l’effi-
cience pour des raisons précisées dans les contributions de ces trois auteurs.
De nombreux auteurs, souvent d’ailleurs consultants en organisation, ont adopté cette approche
normative et prescriptive et proposé des règles et méthodes supposées apporter efficacité et
efficience des organisations. Ces travaux ont apporté des idées intéressantes qui ont pu être
adoptées concrètement par les entreprises. Ils ont été souvent réduits à des effets de mode. On
en dira quelques mots dans un paragraphe consacré au courant baptisé « néo-classique » pour
marquer la filiation avec l’approche des auteurs fondateurs.
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Management • Série 1
• l’objectif des hommes est dans la prospérité matérielle (leur motivation réside d’une part dans
les possibilités de gain et, d’autre part, dans la crainte de perdre son emploi ; l’homme fonc-
tionne « à la carotte et au bâton ») ;
• l’homme est par nature individualiste et égoïste ;
• les ouvriers ont une tendance à la « flânerie systématique », par penchant naturel, mais aussi
par intérêt (« Mais la mésentente entre patrons et ouvriers oblige ces derniers à flâner pour
défendre leurs intérêts légitimes ») ;
• les capacités des hommes sont inégalement réparties (« Il y a des hommes forts et solides qui
sont adaptés aux travaux de force, exactement comme il y a de gros chevaux qui conviennent
aux transports lourds » ; de là, l’auteur en déduira que certains sont faits pour penser et conce-
voir, d’autres pour exécuter) ;
• le fondement de la prospérité réside dans l’efficacité du travail ;
• les conflits dans les entreprises n’existent que parce qu’elles sont mal dirigées et mal organi-
sées : c’est « une coopération étroite, intime, personnelle entre le management et les ouvriers
qui est l’essence même de l’OST ».
Pour limiter la flânerie et l’incertitude liée aux anciennes négociations entre patron et ouvriers,
Taylor préconise donc le recours à la science : l’observation et la mesure systématiques (chro-
nométrage, utilisation de tables de temps et de mouvements) permettent de déterminer de
manière scientifique, c’est-à-dire non contestable, le mode de calcul des temps nécessaires à
l’accomplissement du travail. L’analyse des tâches devient alors un élément essentiel du dispo-
sitif ; elle repose sur la décomposition en éléments les plus simples des opérations à effectuer ;
elle permet l’élimination des gestes inutiles ou inefficaces et, grâce à une implantation rationnelle
des postes de travail, la suppression des déplacements inutiles.
Par ailleurs, il est clair pour Taylor que les ouvriers sont inaptes à trouver par eux-mêmes la meil-
leure manière d’accomplir le travail (le « one best way »). Le meilleur connaisseur du travail de
l’ouvrier n’est pas l’ouvrier lui-même. Il faut donc lui retirer son initiative dans la conception de
son travail et mesurer et contrôler étroitement son efficacité (et par conséquent la rémunération
qui en découlera). C’est le second élément essentiel du taylorisme : la séparation rigoureuse des
fonctions. Il y a ceux qui conçoivent le travail (les ingénieurs) et ceux qui l’exécutent (les ouvriers).
De sa vision des hommes et de ses deux concepts-clés (l’analyse scientifique des tâches et la
spécialisation des rôles), on peut déduire les quatre grands principes de la « direction scienti-
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fique » recommandés par Taylor :
• Les membres de la direction mettent au point la « science de l’exécution » de chaque élément
du travail grâce à une équipe de spécialistes qui définira les modes opératoires les plus effi-
caces. La « science du travail » devient ainsi l’apanage d’un service ou bureau des méthodes
de travail.
• Les membres de la direction choisissent scientifiquement leurs ouvriers ; ils les entraînent, ils
les instruisent de façon à permettre leur plein développement et leur pleine efficacité à leur
poste alors qu’auparavant, chaque ouvrier choisissait et s’entraînait lui-même du mieux qu’il
pouvait (Taylor parle ici d’expérience).
• Les membres de la direction collaborent cordialement avec les ouvriers de façon à avoir la
certitude que le travail s’exécute conformément aux principes de la science ainsi créée (« faire
appliquer la science aux ouvriers »).
• Alors qu’auparavant, « tout le travail et la plus grande partie de la responsabilité impliquée par
ce travail incombaient aux ouvriers ». Pour Taylor elles doivent se diviser d’une façon presque
égale entre les membres de la direction et les ouvriers. « Il n’y a jamais eu de grèves dans les
entreprises dirigées scientifiquement (…). La direction retire la juste rémunération de son labeur
partagée également avec les ouvriers ».
Définition
L’organisation scientifique du travail (OST) prévoit une division du travail à la fois verticale
(entre conception et exécution) et horizontale (entre les différentes tâches des ouvriers).
Les méthodes permettant de mettre en œuvre ces différents principes se sont largement diffu-
sées, aussi bien dans les économies capitalistes que socialistes (Lénine les conseillait pendant
76
UE 117 • Management
le concept s’est un peu usé sans être totalement démodé… Fayol n’est pas une référence seu-
lement en matière de direction d’entreprise et d’organisation de la firme. Il a aussi réaffirmé
quelques solides principes de commandement (« un homme, un chef »), empruntés aux organi-
sations militaires et qui ont longtemps fondé ce qu’on appelle le « modèle français » d’organisa-
tion (c’est-à-dire fortement hiérarchisé et centralisé).
Dans Administration industrielle et générale (1916), Henri Fayol écrit que toutes les opérations
dans une entreprise peuvent se répartir en six groupes représentant autant de fonctions (c’est-
à-dire d’entités distinctes ayant une mission clairement définie) :
• fonction technique : production, fabrication, transformation ;
• fonction commerciale : achat, vente, échanges ;
• fonction financière : recherche et gérance des capitaux ;
• fonction de sécurité : protection des biens et des personnes ;
• fonction de comptabilité : inventaire, bilan, prix de revient, statistique ;
• fonction administrative : administrer, c’est prévoir, organiser, commander, coordonner et
contrôler.
Cette typologie n’est pas exempte de lacunes pour un observateur actuel : la comptabilité est
sans doute plus un service qu’une fonction à part entière, la gestion du personnel n’est pas
envisagée en tant que fonction autonome… Malgré cela, elle a constitué et constitue encore un
repère en matière de d’analyse et de structuration des entreprises. Et surtout, elle identifie une
mission spécifique d’administration correspondant à la fonction de direction de l’entreprise, et
donc aux différentes activités des managers.
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Management • Série 1
Document de travail réservé aux élèves de l’Intec – Toute reproduction sans autorisation est interdite
pouvoir et un système hiérarchique et disciplinaire clair et accepté, l’indépendance (au sens
d’absence de lien personnel de sujétion personnelle) des individus y travaillant. Ce contempo-
rain de Taylor et Fayol, on le voit, s’inscrit parfaitement dans l’approche « rationalisante » de
l’organisation qui caractérise les auteurs de l’école classique du management.
78
UE 117 • Management
étant distincte de celle de pouvoir qui suppose une aptitude à imposer l’obéissance. La supério-
rité, à ses yeux, de la légitimité légale-rationnelle est qu’elle substitue la règle à la bonne volonté
(fragile dans la durée quand elle repose sur la coutume ou les caractéristiques intrinsèques du
leader) des individus. Elle s’oppose en cela aux modalités d’autorité fondées sur l’arbitraire, les
systèmes de faveur et la discrimination. Quant à son idéal-type bureaucratique, si ses principes
ont été critiqués par de nombreux auteurs en management et son image détériorée par les
dérives bureaucratiques facilement observables, elles n’en ont pas moins été une référence pri-
vilégiée des grandes organisations jusque dans les années 1990.
L’École de relations humaines (ERH) est née dans les années 1920 en réaction aux modèles
rationnels, en particulier à l’Organisation scientifique du travail (OST) et à Taylor à qui elle reproche
ses conceptions simplistes de la nature humaine. Il est vrai que Taylor ne s’est pas embarrassé
de considérations physiologiques ou psychologiques : son point de vue sur la motivation des
hommes au travail se limite à des énoncés caricaturaux sur l’appât du gain. Les différents auteurs
du courant des relations humaines (Mayo, Maslow, Herzberg…) sont des sociologues et des
psychologues qui vont démontrer que la réalisation de la performance économique passe aussi
par la satisfaction de besoins sociaux et psychologiques que tout individu cherche à satisfaire
dans son activité de travail. Les travaux de ces auteurs s’appuient sur des expériences et des
enquêtes. Ils vont placer l’individu au centre de l’organisation et ainsi fonder les conceptions
modernes en matière de management des ressources humaines.
De nombreux thèmes du management font référence aux travaux des auteurs de l’ERH et à ses
prolongements : la motivation, les styles de leadership, la dynamique de groupe, le comporte-
ment des individus dans les organisations, l’apprentissage organisationnel, la conduite du chan-
gement… Toutefois, il faut relativiser leur apport. En mettant l’accent sur les aspects sociaux de
l’organisation et en s’opposant à l’approche de l’OST centrée sur les aspects économiques et
techniques, l’ERH a contribué à entériner la dichotomie entre l’économique, d’un côté, et le
social, de l’autre, sans approfondir l’interaction existant entre les deux. De ce point de vue, on
peut dire qu’elle s’apparente plus à un complément, à une humanisation, qu’à une remise en
cause radicale de la rationalisation taylorienne.
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Management • Série 1
D’autre part, les contributions à l’ERH ont longtemps été considérées comme des théories de la
motivation, encore appelées théories des besoins puisqu’elles associent satisfaction des besoins
sociaux et psychologiques des individus au travail et performance. Le problème est que cette
relation n’a jamais été validée empiriquement, des individus peu motivés pouvant tout à fait être
efficients. On reviendra sur les débats relatifs à la relation entre satisfaction des besoins et per-
formances dans le chapitre consacré à la motivation des individus.
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et l’« effet Hawthorne »
L’école des relations humaines s’est véritablement développée avec les expériences célèbres
menées à partir de 1924 dans les usines de la Western Electric Company situées à Hawthorne.
Leur objectif était d’examiner les relations existant entre les conditions de travail et les perfor-
mances des ouvriers. Une première expérience fut conduite pour mesurer les conséquences des
modifications de l’éclairage, en partant de l’hypothèse que mieux on est éclairé, mieux on tra-
vaille. On améliora donc l’éclairage d’un groupe expérimental d’ouvrières travaillant à l’assem-
blage de relais pour téléphones et on mesura l’évolution des rendements en les comparant à un
groupe d’ouvrières pour lequel les conditions d’éclairage étaient inchangées. Les deux groupes
étaient au courant de l’expérience. On constata que la productivité du groupe expérimental aug-
mentait lorsqu’on améliorait l’éclairage, ce qui était attendu ; mais les rendements s’élevèrent
également dans le groupe de contrôle pour lequel l’éclairage n’avait pas été modifié. Mieux
encore, la productivité des deux groupes continuait à progresser, y compris lorsqu’un chercheur
eut l’idée de réduire l’éclairage dans le groupe expérimental.
Ces résultats surprenants incitèrent à une nouvelle série d’expériences à partir de 1927 par une
équipe de chercheurs psychosociologues conduite par Elton Mayo. Cette fois-ci, on décida de
tenir compte non seulement des facteurs physiques d’environnement, mais aussi des variables
individuelles comme l’état de santé et le moral du personnel. Six ouvrières furent alors volon-
taires pour travailler dans un atelier spécial où les chercheurs se relayaient pour noter tous les
événements et veiller à ce que l’atmosphère et le climat social restent satisfaisants. On changea
successivement plusieurs facteurs importants aux yeux des ouvrières, comme le système de
salaire (individuel, par équipe, horaire, au rendement…), les pauses (une par jour, plusieurs, de
durée variable, avec ou sans collation…), les horaires… En fait, pendant les années que dura
80
UE 117 • Management
l’expérimentation, on constata qu’à chaque changement, dans quelque sens qu’il se fasse, la
productivité s’améliorait ou, au pire, stagnait.
Il semblait dès lors évident que l’augmentation des performances n’avait pas de rapport direct
avec les diverses variables modifiées au cours de l’expérience, et en particulier que la principale
motivation n’était pas l’argent. L’explication devait être recherchée ailleurs, dans l’affectivité,
c’est-à-dire les bonnes relations entre membres du groupe. En effet, les enquêteurs avaient
observé tout au long de la période un changement dans l’attitude des jeunes femmes au fur et à
mesure que les performances augmentaient : elles s’étaient mises à s’aider mutuellement,
conversaient davantage, se voyaient en dehors du travail. Elles n’étaient plus un ensemble d’in-
dividus isolés travaillant ensemble mais constituaient désormais un groupe de travail dont elles
étaient les participantes actives. Les expériences de la Western Electric révélèrent ainsi l’impor-
tance de la vie de groupe et son influence sur le comportement de chacun de ses membres.
Ainsi, le fait d’avoir remplacé le chef par un observateur a permis au groupe d’ouvrières de dis-
poser d’une grande liberté et ainsi d’acquérir le sens des responsabilités. La discipline venait du
groupe, et non pas d’en haut. De même, les modes opératoires d’assemblage des pièces des
relais téléphoniques n’étaient pas imposés, chaque ouvrière pouvant les modifier pour éviter la
monotonie ; du coup, on pouvait en déduire qu’un bon agent de maîtrise devait avant tout être
un animateur de groupe plutôt qu’un chef traditionnel.
Un autre facteur a joué un rôle important dans les deux expériences. Les groupes d’ouvrières
étaient objet d’observation et répondaient de la manière qui semblait, selon elles, correspondre
aux attentes des expérimentateurs. En leur demandant leur collaboration, les chercheurs leur
avaient donné le sentiment de leur importance. Elles pouvaient alors se valoriser à travers cette
coopération. Des comportements analogues sont observables dans toutes les enquêtes où des
chercheurs s’occupent des gens pour tenter d’améliorer leur situation. Les réactions positives
ainsi enregistrées ont été par la suite baptisées « effet Hawthorne » : les individus modifient leur
comportement lorsqu’ils se savent observés. De manière plus générale, on retrouve ici un pro-
blème d’analyse des organisations : le sujet réagit quand il se sent analysé et modifie alors son
comportement.
Les expériences de Mayo n’ont pas toujours été scientifiquement exemplaires sur le plan de la
méthode. Elles ont néanmoins contribué à diffuser des idées aujourd’hui peu contestables : si
l’organisation humaine est déséquilibrée, toutes les techniques de rendement imaginables seront
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impuissantes à améliorer la production. L’organisation doit donc être analysée comme un sys-
tème social : l’individu réagit en fonction de ses habitudes de travail, de sa culture profession-
nelle, de ses relations interpersonnelles, autant d’aspects évacués par l’OST. Autrement dit, la
cohésion et l’entente au sein d’un groupe d’individus sont des facteurs de motivation plus
importants que les méthodes et les procédures selon lesquelles ils doivent exécuter le travail. Il
apparaît alors que deux types d’organisation coexistent dans l’entreprise :
• une organisation formelle fondée sur une logique des coûts et de l’efficacité qui définit les
normes de fonctionnement et les méthodes de travail pour assurer la coopération nécessaire
à l’accomplissement des buts économiques ;
• une organisation informelle, en réalité plus importante que la précédente selon Mayo, créée
par les individus et les groupes en vue de leur propre satisfaction ; en effet, l’homme a besoin
de sentir qu’il appartient à un groupe ; le groupe élabore des normes qui lui sont propres sur le
comportement au travail, les standards de production et de rémunération : le groupe exerce
sur ses membres une forte pression pour que ceux-ci se conforment à ses règles.
Les travaux de Mayo ont été poursuivis par des analyses sur les besoins et les motivations de
l’homme au travail (Maslow) et par des recherches fécondes concernant l’effet de groupe sur le
comportement de l’individu, concernant aussi la dynamique des groupes, le rôle du leader et du
mode de coordination qu’il met en place, la créativité dans les groupes (Moreno, Lewin, voir plus
bas).
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Besoin
d’accomplissement
Besoin
de reconnaissance
Besoin d’appartenance
Besoin de sécurité
Besoins physiologiques
Assurément, l’approche mécaniste de la pyramide est critiquable. D’une part, un individu n’a pas
nécessairement des besoins hiérarchisés de cette manière et peut ressentir différents besoins
avant même que certains soient correctement satisfaits. D’autre part, Maslow sous-estime le fait
qu’un besoin se modifie au fur et à mesure où il est satisfait et l’impact sur la motivation d’un
niveau supérieur de satisfaction peut devenir faible, voire nul.
82
UE 117 • Management
Cela dit, l’intérêt des analyses de Maslow dans le contexte taylorien-fordien dominant a été de
montrer que, à partir d’un niveau de satisfaction adéquat concernant les besoins primaires,
l’homme ne fonctionnait plus à la carotte et au bâton. Pour le motiver, il faut que l’organisation
réponde à ses besoins de niveau supérieur. On pressent bien les limites de toutes les tentatives
possibles d’incitation et de motivation que les entreprises proposent à des salariés cantonnés
dans des emplois à contenu pauvre et faible niveau de responsabilité. À partir d’un certain
moment, la motivation ne peut être recherchée qu’à travers une remise en cause de l’organisa-
tion et du contenu même du travail : c’est ce que Herzberg va mettre encore plus clairement en
évidence.
Un seul facteur, la rémunération, intervient de manière sensiblement équivalente dans les deux
groupes.
Herzberg remarque que les deux catégories ne sont pas de même nature. Si les facteurs d’am-
biance sont à un niveau insuffisant, cela crée du mécontentement ; une action sur ces facteurs
(une amélioration des conditions de travail par exemple) fait cesser le mécontentement sans
pour autant permettre la satisfaction. Ils concernent des besoins que les individus considèrent
de nos jours comme devant être normalement, voire automatiquement satisfaits : c’est une sorte
de dû. En revanche, la satisfaction et la motivation au travail ne peuvent s’obtenir qu’à travers
des actions portant sur la seconde catégorie de facteurs. Ces derniers correspondent plus à des
besoins dépendant des efforts individuels : nous acceptons facilement que notre réalisation per-
sonnelle ne dépende que de nous, mais l’organisation doit nous donner les moyens de parvenir
à cette réalisation. Cela dit, la satisfaction au travail ne fait pas oublier le mécontentement, d’où
la nécessité de travailler simultanément sur les deux catégories de facteurs.
L’intérêt des thèses de Herzberg réside d’abord dans leurs applications pratiques immédiates.
Après un demi-siècle de taylorisme, les managers prenaient la mesure du fait que l’homme pou-
vait s’intéresser au travail qu’il exécutait et des implications possibles en matière de motivation.
Cette prise de conscience fait suite à de nombreux conflits dans les années 1960 et au rejet de
leurs conditions de travail par les ouvriers spécialisés. Herzberg a traduit cette réaction dans un
langage humaniste audible pour les directions d’entreprise. Il devient dès lors possible de moti-
ver les travailleurs en diminuant les excès de la division du travail et du pouvoir omnipotent des
bureaux des méthodes. Partant du constat qu’à une meilleure organisation les travailleurs
répondent par une productivité élevée, c’est donc le contenu et l’organisation du travail qu’il faut
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Management • Série 1
modifier. L’auteur confirme que le salaire n’est pas le seul stimulant. Il faut donc redonner aux
exécutants ce qui leur avait été confisqué par les bureaux fonctionnels spécialisés : des marges
de manœuvres pour l’organisation, pour la planification de leur activité, pour la définition de leurs
modes opératoires, la responsabilité de tâches d’entretien, de dépannage, d’autocontrôle des
performances…
Concrètement, Herzberg suggère que l’on enrichisse le travail ; il insiste sur la nécessité de dif-
férencier ce principe de l’élargissement des tâches qui consiste à accomplir plusieurs opérations
de même niveau de qualification au lieu d’une seule, et qui n’augmente que faiblement l’intérêt
du travail. L’enrichissement du travail correspond à une recomposition verticale : le travailleur
exécute des tâches plus complexes, s’occupe également de l’entretien et de la réparation des
machines, est responsable de la qualité du produit… L’influence d’Herzberg sur les pratiques de
management est donc importante : tous ces éléments restent au cœur des réflexions actuelles
en matière de conception de l’organisation du travail.
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Théorie X Théorie Y
• L’individu moyen éprouve une aversion innée • L’effort au travail est aussi naturel que l’effort au
pour le travail, qu’il fera tout pour éviter. jeu ou le plaisir du repos, le travail peut être
• À cause de cette aversion caractéristique à source de satisfaction.
l’égard du travail, les individus doivent être • L’homme peut se diriger lui-même s’il accepte
contraints, contrôlés, dirigés, menacés de les objectifs de son travail.
sanctions, si l’on veut qu’ils fournissent les efforts • L’homme ordinaire peut apprendre à accepter et
nécessaires à la réalisation des objectifs à rechercher les responsabilités.
organisationnels. • Beaucoup d’hommes peuvent avoir un apport
• L’individu moyen préfère être dirigé, désire éviter créatif dans l’organisation. Les ressources
les responsabilités, a relativement peu d’imagination, de créativité pour résoudre les
d’ambition, recherche la sécurité avant tout. problèmes d’organisation sont largement
distribuées dans la population.
Au mode de direction par contrôle et sanction issu de la théorie X (et donc en fait de l’organisa-
tion telle que la concevaient les auteurs classiques depuis Taylor et Fayol), l’auteur oppose un
mode de direction issu de la théorie Y, par intégration des besoins des individus en les orientant
vers la réussite de l’entreprise. C’est le principe de la Direction participative par objectifs
(DPO), qui consiste à fixer des objectifs de manière concertée, à déléguer les responsabilités,
promouvoir l’autocontrôle, évaluer systématiquement les résultats. La théorie Y est aussi une
manière de mettre les managers devant leurs responsabilités puisque, en cas de sous-perfor-
mance, ils ne peuvent invoquer ni la paresse innée ni les faibles capacités des ressources
humaines.
84
UE 117 • Management
Il faut préciser que la théorie X et la théorie Y sont des versions extrêmes de modes de direction
qui sont rarement observables à l’état pur dans la réalité. Elles caractérisent des tendances et
suggèrent qu’il est nécessaire de se démarquer d’une théorie X trop absolue (commandement
autoritaire) tout en ne cherchant pas à entretenir l’illusion que tous les hommes relèvent de la
théorie Y (management participatif). La faiblesse de la théorie Y repose sur l’idée implicite et en
réalité contestable que, si on lui en donne l’occasion, l’individu cherchera spontanément à se
développer, aspirera à participer et être associé aux décisions dans l’organisation. On pourra
reprocher également à McGregor d’énoncer une causalité trop linéaire entre le comportement des
salariés et les pratiques de direction ; en réalité, les pratiques directoriales et le comportement
des subalternes peuvent se modifier et s’influencer mutuellement. De plus, comme le soulignait
P. Drucker, les individus peuvent réagir différemment selon les contextes auxquels ils sont confron-
tés : peu motivés dans une situation donnée, ils peuvent l’être dans une autre, ce qui limite la
portée des arguments relatifs à la « nature » humaine ou à la structure de la personnalité.
D’autres développements méritent d’être signalés, certains dans la continuité des auteurs pré-
cédemment évoqués, d’autres ouvrant de nouvelles perspectives, comme l’apprentissage
organisationnel.
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Management • Série 1
Dans le même ordre de préoccupations, le psychologue Rensis Likert a identifié deux dimen-
sions principales du comportement des leaders : comportements centrés sur l’emploi (en fait sur
la production) et comportements centrés sur l’employé (= sur le personnel). À partir d’enquêtes
auprès d’employés de grandes sociétés américaines, il propose alors une typologie des styles
de management : autoritaire exploiteur, autoritaire paternaliste, consultatif, participatif. Les deux
premiers sont orientés « emploi », les deux suivants plus « employés ». Dans la lignée des
conclusions de McGregor, Likert estime que la meilleure productivité sera obtenue dans des
structures participatives, dans lesquelles sont fixés des objectifs ambitieux, où les prises de
décision se font en groupe, où le mode de management s’appuie sur des rapports coopératifs
et où les conflits sont le mieux traités. Ses travaux ont été poursuivis par d’autres auteurs qui ont
cherché à mesurer les interactions entre chef et subordonnés ; c’est le cas par exemple des
Américains Blake et Mouton (1969) qui ont construit une grille d’évaluation chiffrée de ces deux
dimensions : l’intérêt porté par le leader aux impératifs de production et celui qu’il porte aux
problèmes humains, sachant que l’optimum est atteint lorsque l’implication est maximale dans
les deux cas. Le résultat est modérément surprenant : l’intérêt d’une telle grille, finalement assez
rudimentaire, est très discutable.
Les modèles comportementaux ci-avant laissent en effet supposer que les formes participatives
de leadership garantissent mieux les performances que les styles autoritaires, ce que la réalité
dément dans de nombreux cas. Ce que Kurt Lewin appelle la « dynamique » de groupe, notion
très utilisée aujourd’hui, est une réalité délicate à manipuler car elle fait référence à un système
de normes de comportement propres à chaque groupe, normes que l’on peut identifier et dont
on peut comprendre la genèse, mais qui ne permettent pas toujours d’anticiper les réactions du
groupe face à différents types d’événements.
C’est justement pour tenir compte des circonstances (= des contingences) dans lesquelles le
leadership est exercé que d’autres modèles ont été proposés. Le modèle de la contingence de
Fiedler, par exemple, aboutit à la conclusion suivante, qui, à défaut d’être bouleversante ni même
totalement convaincante, a le mérite du bon sens : l’organisation la plus efficace est celle dont
le leader saura s’adapter aux évolutions de la situation ou qui saura opportunément changer de
leader.
D’autres auteurs (Bennis, Kets de Vries) poursuivront ces recherches sur le leadership. L’ensemble
de ces travaux reposant sur les caractéristiques des leaders et sur les comportements des indi-
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vidus et groupes dans l’organisation seront utilisés aussi dans le domaine du changement, tout
comme l’approche d’Argyris sur l’apprentissage organisationnel.
86
UE 117 • Management
prendre des initiatives tout en prônant le respect des procédures, voir à long terme tout en met-
tant l’accent sur les performances du court terme dont dépend la rémunération, coopérer et
travailler en équipe tout en valorisant la performance individuelle et la compétition… Dans cette
perspective, les résistances au changement seraient en partie la conséquence des routines
défensives présentes dans toutes les organisations. Pour éviter d’être menacés dans leur situa-
tion et/ou contestés, les individus tentent alors de résoudre ces contradictions par quatre valeurs
directrices :
1. atteindre l’objectif en voulant garder le contrôle de la situation
2. maximiser les gains et minimiser les pertes
3. ne pas exprimer de sentiments négatifs
4. chercher à paraître rationnel.
Selon Argyris :
« [Ces valeurs] inclinent les individus à effectuer des attributions, des jugements, et
défendre leur point de vue sans illustrer leur propos, sans expliciter leur raisonnement,
sans vérifier le bien-fondé des attributions émises ou des évaluations qu’elles ont faites. »
Ceci conduit à des comportements défensifs, à des stratégies personnelles d’esquive et de dis-
simulation qui se transmettent à toute l’organisation sous forme de routines défensives. Ces
dernières se manifestent fréquemment de la manière suivante : face à un problème, l’individu
cherche à esquiver, n’éprouve pas d’embarras ; il ne perçoit pas le problème comme une menace,
ou dissimile le fait qu’il représente pour lui une menace : il n’est donc pas incité à en rechercher
les causes. Réduire ces routines organisationnelles défensives et donc réinterroger les valeurs
directrices permet de développer des apprentissages organisationnels, définis comme faculté
de l’organisation à acquérir, transférer, exploiter de nouveaux savoirs et savoir-faire.
Pour Argyris et Schön, les possibilités d’apprentissage sont en réalité nombreuses : elles existent
chaque fois que les individus perçoivent un décalage entre les résultats des actions qu’ils entre-
prennent et les objectifs préalablement fixés. L’apprentissage peut se réaliser en « simple
boucle » (voir schéma ci-dessous), c’est-à-dire que les individus vont modifier et adapter leur
comportement sans remettre en cause les principes fondant leur action (Argyris dit qu’ils ne
modifient pas le « programme-maître », à savoir les principes et valeurs qui orientent leurs stra-
tégies d’action). Les erreurs sont corrigées par simple modification du comportement des indi-
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Valeurs directrices
Stratégies d’action Conséquences
(programme maître)
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Management • Série 1
Dans l’approche d’Argyris et Schön, on a bien une confirmation que les styles participatifs de
management favorisent les apprentissages organisationnels dans la mesure où ils constituent
une incitation à remettre en cause les valeurs directrices qui sont source des routines défen-
sives. En ouvrant des espaces à la discussion, le participatif donne la possibilité aux individus de
reconfigurer les modes de pensée et d’agir face aux problèmes qu’ils ont à affronter : on apprend
des autres plus que de sa propre expérience. Cette approche séduisante a inspiré de nombreux
travaux dans le champ de la gestion des ressources humaines et en particulier des réflexions sur
les qualifications et les compétences. Elle a cependant été critiquée pour son caractère faible-
ment opératoire.
Ce courant est apparu dans les années 1950. Il s’est développé à partir des travaux du Tavistock
Institute de Londres qui ont élaboré des formes nouvelles d’organisation du travail fondées sur
l’autonomie, la capacité des groupes à s’auto-organiser. La volonté d’appliquer ces principes à
une échelle plus large dans la société a conduit à créer un projet de démocratie participative en
Norvège ayant pour ambition de définir la nature des rapports entre la société globale et l’entre-
prise industrielle, d’orienter les relations industrielles en cherchant à promouvoir une réforme
socio-technique de l’entreprise, l’idée étant que la démocratie politique entraînait la démocratie
dans l’entreprise.
Le courant socio-technique s’appuie sur une triple hypothèse :
• 1. L’organisation est un système ouvert (qui doit donc s’adapter à son environnement), tra-
versé par des flux physiques et informationnels, disposant de frontières précises et de moyens
d’autorégulation.
• 2. Le système « organisation » est le résultat de la combinaison d’un élément social et d’un
élément technique : c’est un système sociotechnique. Le meilleur résultat de ce système
sera obtenu par une « optimisation conjointe » de la technique et du social. L’OST, en définis-
sant les systèmes de production à partir des contraintes techniques et économiques maximi-
sait le système technique. L’école des relations humaines maximisait le système social. Pour
l’école sociotechnique, il n’est pas possible de réorganiser techniquement un atelier sans qu’il
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en résulte des modifications importantes dans les rapports sociaux et les conditions psycho-
logiques de travail. Inversement, il n’est pas possible de modifier le climat psychosocial sans
modifier les conditions technologiques qui l’avaient déterminé.
• 3. L’autonomie ouvrière permet de libérer la capacité des travailleurs à s’organiser spontané-
ment en groupes s’autorégulant pour tenir compte à la fois des contraintes de production et
des besoins des individus.
Ces hypothèses ont été élaborées grâce à différentes recherches-actions menées par le Tavistock
Institute, la plus célèbre d’entre elles étant le système de taille dans une mine de charbon
anglaise où une baisse importante de la production avait été enregistrée après l’introduction
d’une nouvelle méthode d’extraction. Alors qu’auparavant, tous les membres de l’équipe se
partageaient à leur convenance les trois activités (décollage du minerai, convoyage, renforce-
ment du puits), la mise en œuvre d’une technologie hautement mécanisée a incité les ingénieurs
à concevoir une organisation de type taylorien. Le processus fut découpé en 7 travaux spéciali-
sés, chacun pris en charge par un groupe différent, le travail de chacun ne pouvant commencer
que lorsque le groupe précédent avait terminé le sien. Ayant été affecté à une tâche précise,
chaque travailleur recevait une prime individuelle sans tenir compte des autres travaux effectués
dans son groupe ou dans un autre. Les groupes étaient isolés les uns des autres et surveillés par
des contremaîtres. De nombreux dysfonctionnements apparurent : arrêts de production, absen-
téisme, turn-over, tensions interpersonnelles.
Les spécialistes du Tavistock Institute proposèrent alors de recomposer le travail, chaque groupe
réalisant la totalité des opérations à effectuer et non pas une sur 7, des objectifs globaux de
production ont été fixés, une prime globale était versée au groupe tout entier pour l’achèvement
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UE 117 • Management
de tous les travaux du cycle… Les mineurs devaient donc assurer plusieurs spécialités, durent
s’auto-organiser pour assurer la continuité du cycle : on voit se dessiner le profil des groupes
semi-autonomes de production où un groupe de travailleurs sans responsable hiérarchique se
voit confier la fabrication de tout ou partie d’un produit, en disposant de la responsabilité de
l’organisation du travail et de la répartition des tâches entre les membres du groupe.
Ces travaux du Tavistock Institute (dont les chercheurs les plus connus sont F. Emery et E. Trist)
sont donc à la base de nouvelles formes d’organisation du travail (NFOT) en opposition – cette
fois-ci radicale – avec les conceptions tayloriennes. Ils montrent que pour une technologie don-
née, il y a plusieurs organisations possibles du travail et certaines représentent des combinai-
sons sociotechniques meilleures que d’autres. Pour en rester à l’entreprise, les applications
concrètes sont importantes. Elles concernent le poste de travail (conception des systèmes
homme-machine permettant de satisfaire les exigences technologiques, organisationnelles et
personnelles ou sociales du travailleur) et bien sûr l’atelier par la promotion des équipes semi-
autonomes de production.
Ces dernières se sont principalement développées dans les pays scandinaves et notamment en
Suède où elles ont durablement fonctionné chez Volvo (en raison du plein-emploi en Suède, les
salariés préféraient changer d’entreprise plutôt que de travailler à la chaîne), ce qui a conduit à
qualifier ces NFOT de « modèle suédois d’organisation » par opposition au modèle américain.
Des applications expérimentales ont été lancées dans les entreprises françaises dans les années
1970, sans grand succès, principalement parce que les conditions économiques de fabrication
ne le justifiaient pas encore. Introduites pour désamorcer les contestations sociales, les « expé-
riences » de NFOT n’ont jamais montré une efficience supérieure à celle du modèle fordien.
Cependant, bien que Volvo ait abandonné depuis longtemps ses équipes autonomes, les prin-
cipes d’organisation issus des recherches empiriques de l’école sociotechnique constituent
encore aujourd’hui une référence importante. Les évolutions du contexte social et culturel mais
aussi les exigences nouvelles de la performance économique vont donner à ces principes une
légitimité économique qu’ils n’avaient pas 20 ans auparavant. L’heure du modèle « suédois »
sera toutefois passée car, même s’il n’hésite pas à s’en inspirer largement, c’est bien le modèle
japonais qui va occuper toute la scène du management à partir des années 1980.
Cette école se situe au carrefour de plusieurs disciplines, l’économie, la sociologie et les sciences
de gestion. Son impact est considérable car des auteurs comme H. Simon ont permis non seu-
lement de faire progresser la connaissance du fonctionnement des organisations, mais ils ont
aussi ouvert des pistes théoriques nouvelles comme on a pu le voir plus haut en économie (théo-
rie des coûts de transaction) et en sociologie (sociologie des organisations).
S’intéressant aux processus de prise de décision dans les organisations, Simon, Cyert et March,
ont élaboré une théorie du « comportement de la firme » (appelée aussi approche « béhavio-
riste »). Ces auteurs ont réalisé, séparément ou en commun, des travaux où ils se démarquent
du modèle classique « à acteur unique » inspiré de la théorie économique standard en critiquant
et reformulant deux hypothèses fondamentales de celle-ci : la rationalité parfaite des agents et
l’absence de conflits au sein de l’entreprise sur ses objectifs.
L’organisation est perçue comme un ensemble de groupes différents dont les intérêts et objec-
tifs sont disparates, bien qu’ils aient tous intérêt à coopérer. Ces travaux s’inscrivent dans une
approche systémique et leur influence sera large, y compris au-delà des sciences de l’organisa-
tion. Ils inspireront des recherches en sociologie : Crozier (voir plus haut), en particulier, a encou-
ragé les coopérations de son équipe avec les auteurs de l’école comportementale ; en économie,
Williamson fait explicitement référence à l’hypothèse de rationalité limitée, on l’a rappelé
précédemment.
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Management • Série 1
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confusion que la TES, en ne distinguant pas entreprise et entrepreneur, nie les conflits d’intérêts
existant entre les coalitions constitutives de l’organisation. Les buts de cette dernière peuvent
s’exprimer, mais alors ils reflètent ceux que la coalition dominante a réussi à négocier avec les
autres groupes et coalitions à l’intérieur et à l’extérieur de l’organisation. Le groupe dirigeant va
alors chercher à adapter le comportement (d’où le nom de la théorie) des coalitions et orienter
les décisions des membres de l’organisation dans le sens des buts ainsi construits.
Dans leur théorie comportementale de la firme, Cyert et March considèrent donc cette dernière
comme une organisation complexe composée de groupes ayant des intérêts propres. Toute
prise de décision résulte alors de compromis, de médiations et de négociations entre les diffé-
rents groupes participants. Les procédures de prise de décision sont donc soumises à l’influence
des groupes et relèvent de processus d’apprentissage collectif. La parenté épistémologique de
la théorie comportementale avec l’analyse stratégique des organisations étudiée ci-après est
évidente.
90
UE 117 • Management
des organisations est à l’opposé de ce point de vue : une « bonne » organisation (c’est-à-dire la
plus efficace) se manifeste par la cohérence entre les différentes composantes du système et les
contingences auxquelles elles sont confrontées. L’analyse contingente des organisations part
donc de la conception – décrite dans le premier titre – de l’entreprise système ouvert sur son
environnement. Contrairement aux auteurs classiques, l’approche contingente considère qu’il
n’existe pas d’organisation idéale dans l’absolu ; en revanche, on peut trouver une forme effi-
cace d’organisation : c’est celle qui intégrera le mieux certaines contraintes extérieures (mais
aussi internes) à l’entreprise. Plusieurs auteurs ont ainsi mis en évidence des corrélations entre
l’efficacité des structures d’organisation et certaines variables de « contingence ». Et en fonction
des divers états de ces variables, on peut définir non pas un seul, mais divers modèles opti-
mums d’organisation (Rojot, 2006). Mais même si elle envisage plusieurs éventualités supposant
une analyse préalable approfondie, l’approche contingente n’en reste pas moins prescriptive : à
des situations comparables du point de vue des variables contingentes correspondraient alors
des configurations types efficaces. Ce point de vue est contestable ou, en tout cas, il propose
une approche trop simple des interactions complexes au sein de l’organisation et entre celle-ci
et son environnement.
Les limites des approches contingentes sont évidentes aujourd’hui : elles ont tendance à consi-
dérer que l’entreprise est en situation où elle doit s’adapter à des contraintes et sous-estiment
leur capacité à agir sur ces contraintes. Cette idée largement répandue dans les années de crise
(années 1970 et 1980) est contestée aujourd’hui : la meilleure manière pour une firme de ne pas
être en situation de dépendance vis-à-vis de l’environnement est d’accroître son pouvoir de
marché. Une firme en situation proche du monopole construit au moins partiellement son envi-
ronnement qui devient alors une variable endogène sur laquelle elle possède un haut degré de
contrôle.
tion est élevé. L’âge de l’organisation (en référence à une théorie évolutive évoquant un « cycle
de vie » de l’organisation) joue dans le même sens d’une tendance à la complexité, au poids
renforcé de la fonction administrative (c’est ce que l’on appelle la « spirale bureaucratique »).
L’organisation de l’entreprise est naturellement influencée par ses choix techniques. Dans les
années 1960, Joan Woodward explique les différences de structures observées par les diffé-
rences de technologie ; distinguant plusieurs catégories d’organisation en fonction du proces-
sus de production (production par projets, « à l’unité », de masse, en continu), elle montre que
les firmes les plus performantes sont celles dont les caractéristiques organisationnelles corres-
pondent à leur type de technologie. Ainsi, la hiérarchie est courte dans les firmes à production
unitaire et plus lourde dans les entreprises de production de masse où la main-d’œuvre est peu
qualifiée. La coexistence de plusieurs systèmes techniques dans une entreprise multi-activités
oblige à adopter différentes solutions structurelles.
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Management • Série 1
division du travail entre unités, de même que les mécanismes de coordination assurant la cohé-
rence globale de l’organisation par rapport aux objectifs qu’elle s’est fixés. La structure est donc
un support essentiel du déploiement stratégique. Ce lien a été théorisé par Chandler. Ce spé-
cialiste de l’histoire des entreprises a analysé la relation entre stratégie et structure d’entreprise
en examinant les modalités de croissance de quelques grandes firmes (General Motors, Exxon,
DuPont…) sur plus d’un siècle. Il a notamment montré que chaque changement important de
stratégie conduisait à des modifications de la structure. Chandler a ainsi mis en évidence une
séquence de phases d’évolution :
• le stade initial de la petite entreprise peu structurée, effectuant une seule fonction (production,
distribution, stockage…), cherchant à fonder sa croissance sur une expansion en volume de
son activité ;
• d’abord implantée sur un seul site, l’entreprise va ensuite mettre en œuvre une stratégie d’ex-
pansion géographique tout en restant dans son domaine d’activité initial ; la multiplication des
sites pose alors un problème de coordination qu’elle va résoudre en renforçant sa fonction
administrative ;
• la phase suivante de la croissance correspond à des stratégies d’intégration verticale ; par
exemple, une entreprise de production va effectuer différentes activités auparavant réalisées
par d’autres entreprises spécialisées : sa distribution, ses approvisionnements, le stockage ;
elle mettra en place une organisation par grandes fonctions ;
• la dernière phase est la croissance par diversification des domaines d’activités et la mise en
place d’une organisation par grandes divisions (la firme multidivisionnelle).
Ceci a incité Chandler à établir une relation directe entre stratégie et structure, la première déter-
minant la seconde. Cette relation déterministe est validée dans les faits, lorsque les change-
ments stratégiques sont radicaux (désengagement d’une activité, ou au contraire diversification,
fusion, absorption, intégration verticale…). S’il s’agit seulement d’infléchir la trajectoire straté-
gique, la firme ne modifie pas, ou seulement à la marge, son organisation générale. Cette
remarque n’invalide pas le propos de Chandler, mais en limite la portée à des situations précises
de changement en rupture avec une trajectoire antérieure.
En réalité, la relation entre stratégie et structure est plus réciproque et dialectique que ne le laisse
supposer Chandler, la structure elle-même induisant ou modelant certaines orientations straté-
giques. On verra dans la série suivante sur la décision le rôle des routines organisationnelles
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dans les processus décisionnels : la structure peut contraindre les développements souhaités.
Mais cette vision plus dialectique de la relation stratégie-structure affine plus qu’elle ne contredit
l’analyse de Chandler, ce dernier estimant que les changements structurels n’intervenaient qu’à
partir du moment où l’accumulation de mauvaises performances imposait la recherche de formes
organisationnelles plus efficaces.
92
UE 117 • Management
mais ils déterminent en outre son aptitude plus ou moins grande au changement et à la réalisa-
tion des apprentissages nécessaires aux adaptations structurelles.
Enfin, comme le suggère à juste titre Mintzberg, d’autres paramètres spécifiques ne peuvent
pas être négligés dans la conception de l’organisation : la culture de l’entreprise, le style de
direction et les valeurs portées par les managers.
En bref
Auteurs Facteurs de contingence
Woodward Technologie
Chandler Stratégie
Mintzberg Âge et taille Système Relations de Environnement
technique pouvoir
Lawrence et Environnement
Lorsch
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le management n’a pas de marge de manœuvre suffisante pour piloter efficacement les change-
ments et que les organisations, in fine, ont peu de moyen d’agir sur leur propre destin. Son ori-
ginalité tient au fait qu’il s’est intéressé à des « populations » d’organisations, en essayant de
comprendre quelles variables pouvaient déterminer la capacité d’une organisation à survivre ou
non au sein d’une population. On verra une application de cette théorie dans les chapitres
consacrés à la stratégie : les échecs de grandes entreprises dans le contexte turbulent des der-
nières années valident l’hypothèse d’une sélection « naturelle » de celles qui ne peuvent opérer
à temps les changements ; de même, le « mimétisme » stratégique (tendance des firmes à adop-
ter les mêmes comportements dans un environnement donné) s’explique par le comportement
des firmes qui préfèrent imiter les autres pour ne pas être éliminées.
94
UE 117 • Management
environnement. Autrement dit, ils agissent dans un cadre « institutionnel » et leurs actions ne
peuvent être déconnectées des pressions institutionnelles : elles sont « le fruit d’une construc-
tion sociale et sont inscrites politiquement, culturellement et cognitivement » (Manageor, 2006).
Cela signifie par exemple qu’un manager peut agir en étant animé plus par la volonté d’affirmer
sa légitimité institutionnelle que par le souci d’efficacité opérationnelle. Autrement dit, ses choix
ne sont pas nécessairement la réponse optimale au regard de la situation concurrentielle, mais
la meilleure combinaison acceptable d’un point de vue institutionnel.
Cette approche théorique donne une autre explication au mimétisme stratégique évoqué précé-
demment. Les firmes d’un même secteur ayant donc les mêmes données environnementales,
affrontant les mêmes concurrents, soumis aux pressions des mêmes fournisseurs-clés du sec-
teur et aux exigences équivalentes de leurs clients appartiennent ainsi à un même « champ
institutionnel ». Elles finissent donc par adopter des choix similaires puisqu’elles agissent sous
la pression des mêmes forces institutionnelles caractéristiques de leur champ. Le mimétisme est
encore renforcé lorsque les managers font face à un contexte incertain : plutôt que l’audace
stratégique, ils préfèrent imiter les comportements les plus courants des autres organisations, ce
qui a le mérite d’asseoir leur légitimité dans le champ institutionnel.
Évidemment, le néo-institutionnalisme semble considérer que les managers ne décident pas
vraiment, et que l’organisation est un produit des processus institutionnels. Cette conception
revient à remettre en cause la rationalité des managers dont les comportements sont déterminés
en dehors d’eux par les pressions du champ institutionnel. Elle peut être rapprochée des préoc-
cupations d’auteurs comme Granovetter (voir plus haut) qui pensent que les choix économiques
sont influencés par les réseaux sociaux dans lesquels les décideurs sont « encastrés ». Ces
différents courants, objets de débats actuellement très vivants, soulignent à quel point les pro-
cessus de gestion, et en particulier les décisions, gagnent à être analysés dans le contexte ins-
titutionnel des forces sociales, culturelles, politiques, cognitives dont l’influence a largement été
sous-estimée jusqu’à présent par les sciences de gestion.
Cependant, peu d’études empiriques portent sur ce processus. Différents facteurs sont à
l’œuvre : pressions générales et sociétales mais surtout actions des acteurs du champ (facteurs
internes à l’institution en déclin et développement de solutions alternatives par des membres du
champ).
C. L’entrepreneur institutionnel
Une partie de la littérature néoinstitutionnelle s’est développée autour de la figure de l’entrepre-
neur institutionnel qui peut apparaître comme un moteur des dynamiques institutionnelles. Selon
DiMaggio (1988) :
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Management • Série 1
« De nouvelles institutions apparaissent lorsque des acteurs organisés détenant des res-
sources suffisantes (les entrepreneurs institutionnels) y voient une opportunité de concré-
tiser des intérêts auxquels ils accordent de l’importance. »
Plus précisément on peut définir les entrepreneurs institutionnels comme des individus ou des
organisations qui créent des normes techniques et cognitives, des modèles et des prescriptions
de comportement cohérents avec leur identité et leurs intérêts puis les établissent comme des
standards légitimes.
Il est possible de distinguer deux parties dans l’activité d’entrepreneuriat institutionnel : la théo-
risation et la construction de coalitions. La condition d’apparition de telles situations est l’exis-
tence de chocs externes qui viennent déstabiliser les règles d’un champ institutionnel donné.
Institutionnalisation/désinstitutionnalisation
Conditions
Acteurs Processus Résultat
préalables
Institutionalisation Entrepreneur Chocs Théorisation Normes
institutionnel externes Construction de coalitions Prescriptions
Désinstitutionalisation Acteurs Pressions Facteurs internes à l’institution Disparition
du champ générales en déclin de l’institution
et sociétales Développement de solutions
alternatives par des membres
du champ
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« En tant qu’acteurs dans des situations sociales, les agents produisent les structures
mais en même temps ils sont guidés par elles. »
Desreumaux, 2005.
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Pour cette raison, on peut dire que l’organisation « crée » son environnement : ce dernier n’est
pas une donnée, il est considéré comme une production sociale des acteurs. Le processus de
construction par interactions s’explique alors ainsi : un acteur interprète un événement en lui
donnant du sens en fonction de ses expériences passées, plus exactement de sa structure
cognitive fondée à un moment donné sur ses croyances antérieures (résultant du travail d’« enact-
ment » qu’il a réalisé face à des événements précédents), puis cette interprétation est modifiée
ou non par interaction avec un autre acteur, ce qui va amener le premier à abandonner, réviser
ou maintenir son choix initial. En fin de compte, ce cycle d’interactions aboutit à la construction
collective d’un sens à partir d’un événement considéré comme équivoque.
La survie de l’organisation, on le comprend aisément, dépend de la pertinence du sens ainsi
construit au regard des variations environnementales. Weick estime que plus les possibilités se
multiplient (donc plus les variations du contexte sont nombreuses), plus les interactions par-
viennent à sortir des routines, plus la créativité est encouragée et plus se développera l’intelli-
gence collective garante de la pérennité organisationnelle car favorisant la compréhension de
phénomènes inattendus. On remarquera l’importance accordée par Weick à la dimension cogni-
tive (c’est-à-dire les modes de raisonnements et les manières d’analyser et d’interpréter l’infor-
mation qui sont propres à chaque organisation) ; en cela, il se rapproche des travaux d’Argyris
et Schön sur l’apprentissage organisationnel (voir plus haut).
Le courant « postmodernisme » s’inscrit dans la même logique réfutant l’approche des organi-
sations en tant qu’entités dotées de propriétés stables, maîtrisées et contrôlées par une
démarche rationnelle. La pensée postmoderne est d’inspiration philosophique (elle s’appuie sur
les travaux de Michel Foucault en particulier). Elle suppose un regard systématiquement critique
sur soi-même et sur ses propres pratiques ; dès lors, on considère que rien n’est acquis a priori,
tout doit être remis en cause dans un travail de déconstruction-reconstruction.
L’approche postmoderne encourage ainsi, dans les situations où le gestionnaire doit décider, à
envisager de nombreuses perspectives, mêmes paradoxales voire saugrenues. Elle fait de la
diversité une valeur fondamentale : l’essentiel est de ne pas se laisser enfermer dans les logiques
de domination que dissimulent (mal, d’ailleurs) les points de vue uniques. Prenons un exemple
de point de vue postmoderniste pour illustrer notre propos. On a déjà évoqué à plusieurs reprises
les comportements « mimétiques » en matière de stratégie, les managers décidant comme s’il
existait une sorte de pensée unique à laquelle ils chercheraient à se conformer. Le manager
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Management • Série 1
Exercices autocorrigés
Énoncé
TRAVAIL À FAIRE
1. Diriez-vous que les termes « management » et « gestion » recouvrent la même réalité ?
Pour quelles raisons ?
2. Qu’est ce qu’un coût d’agence en théorie ? Donnez un exemple concret.
Corrigé
1. Diriez-vous que les termes « management » et « gestion » recouvrent la même réa-
lité ? Pour quelles raisons ?
De prime abord, le terme « management » semble être un anglicisme synonyme de la notion de
« gestion ». Pourtant, le management est plus large que la gestion qui se limite essentiellement
au plan opérationnel.
Votre cours introduit trois nuances en particulier :
• le management concernerait davantage une organisation dans un environnement turbulent
alors que la gestion serait caractérisée par l’idée de routine, de stabilité, de mise en œuvre
appropriée d’outils et de principes fondés sur une approche rationnelle de l’organisation ;
• le management fait davantage référence que la gestion aux compétences du manager,
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ensemble de savoir-faire peu formalisables ;
• le management est plus que la gestion connoté d’une forte dimension de gestion des res-
sources humaines.
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UE 117 • Management
Énoncé
Oui : « C’est davantage le parcours professionnel qui fait la différence » (Hervé Joly)
La voie royale que constituaient les grands corps de l’État est manifestement en déclin. À la tête
des grandes entreprises, les inspecteurs des finances sont aujourd’hui moins nombreux que dans
les années 1990. Et il n’y a plus qu’un PDG du CAC 40 issu du prestigieux corps des Mines, dont
les débouchés naturels s’amenuisent au fil des restructurations industrielles. Même Total a rompu
avec ce grand corps avec la nomination de Christophe de Margerie. Pour autant, les grands
patrons restent le produit d’une élite scolaire, qui ne reflète pas la diversité des enseignements.
Parmi 35 patrons du CAC 40, 10 sont énarques, 8 polytechniciens et 4 HEC, sans compter les cas
particuliers, des énarques‑X ou énarques-HEC. Mais c’est davantage leur parcours professionnel,
leur profil de manager, que leur passage dans des cabinets ministériels qui fait désormais la diffé-
rence. Leur carrière est plus diversifiée, cumulant souvent au sein d’un même groupe des expé-
riences en France ou à l’étranger. Leur regard sur l’entreprise, et ses parties prenantes, s’en trouve
nécessairement modifié. L’examen de la composition des comités exécutifs confirme cette ouver-
ture : un quart des dirigeants sont d’origine étrangère et il existe une représentation un peu plus
forte des écoles d’ingénieurs de second rang et des formations universitaires. Les énarques sont
toujours présents mais plus nécessairement au poste de numéro un. Seules la banque et l’assu-
rance semblent résister à ce mouvement. Les mutualistes notamment, sans doute soucieux de
conforter leur nouveau statut de généraliste, recrutent massivement parmi les énarques.
Non : « L’ancienne noblesse d’État s’est muée en une aristocratie des affaires »
(François-Xavier Dudouet)
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Jusqu’aux années 1980, le capitalisme privé français était avant tout un capitalisme familial. Mais,
à quelques exceptions près, les groupes familiaux n’ont pas participé aux privatisations, ce qui a
permis aux élites issues des grands corps de l’État de s’approprier le pouvoir dans la sphère éco-
nomique : on a ainsi assisté à un transfert massif de la haute fonction publique vers le privé. En soit,
ce n’est guère surprenant. Ce qui l’est plus, c’est que cette élite politico-administrative s’est non
seulement maintenue à la tête des entreprises privatisées, mais elle a également accru son poids
au sein du CAC 40. Selon une étude de notre Observatoire politico-économique des structures du
capitalisme, 40 % des patrons recrutés dans la période 2002‑2006 viennent de l’appareil d’État,
juste devant les dirigeants issus de l’entreprise elle-même (38 %). Et, si l’on prend en compte le
turnover, on s’aperçoit que les grands corps se sont intégralement maintenus, alors que 36 % des
patrons issus de l’entreprise ont dû partir. Leur parcours apparaît donc beaucoup plus sécurisé.
Bien sûr, les liens avec l’État se sont considérablement distendus : l’élite s’est émancipée, tout en
se constituant en un véritable réseau de pouvoir autonome ! Un réseau peu accessible aux autres
patrons, alors qu’il constitue le cœur des relations sociales au sein des instances dirigeantes du
CAC 40. Autrement dit, plus que leur nombre, c’est bien leur position centrale au sein des groupes
français les plus influents qui permet à cette élite administrative de préserver ses pouvoirs. L’an-
cienne noblesse d’État s’est simplement muée en une nouvelle aristocratie des affaires.
Anciens et modernes
Un renfort bienvenu : l’entrée d’Alstom et de son PDG, Patrick Kron, au CAC 40 a permis d’étoffer
les rangs du corps des Mines dans le saint des saints. Mais le constat est sans appel : l’inspection
des finances ou les Mines ne sont plus les passages obligés pour accéder à la tête de nos plus
belles entreprises. L’endogamie entre la haute fonction publique et les grands patrons, qui consti-
tue toujours le modus operandi de l’élite à la française, vit-elle pour autant ses derniers jours ?
L’énarchie ou les polytechniciens ont encore leurs bastions. Mais ce qui change, ce sont les •••/•••
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Management • Série 1
•••/••• mentalités. Cette proximité avec les ministères, ce sentiment souvent d’impunité, mais aussi un
certain sens de l’État qui pouvaient caractériser les patrons dans les années 1970, a sans doute
vécu. Laurence Parisot veut changer le Medef car les patrons changent. La vision politique, le goût
de l’influence, les subtilités de l’intérêt social ont cédé le pas aux intérêts de l’actionnaire. Ce qui
prime désormais, c’est bien l’entreprise elle-même, et elle seule. Comme ses pairs à l’étranger, le
manager français est désormais jugé sur ses seuls résultats et non plus sur sa capacité à maintenir
la paix sociale. Avec l’ouverture de la France au reste du monde, les patrons changent, ce qui ne
sera pas sans conséquence sur le jeu de la démocratie sociale. C’est peut-être l’un des enjeux de
cette bataille qui oppose les « anciens » du patronat aux patrons « modernes ».
Éric Benhamou, La Tribune, 13 mars 2008.
TRAVAIL À FAIRE
1. Quelles sont en théorie les 4 sources de pouvoir dans une entreprise ?
2. Qu’en est-il dans la pratique si l’on en croit l’article de La Tribune : quelles sont les sources
du pouvoir dans les grandes entreprises en France ?
3. Expliquez la phrase suivante de l’article de La Tribune : « Leur regard sur l’entreprise et ses
parties prenantes s’en trouve modifié ».
Corrigé
1. Quelles sont en théorie les quatre sources de pouvoir dans une entreprise ?
Max Weber met en évidence trois sources théoriques de pouvoir dans une organisation :
• la légitimité traditionnelle s’appuie sur le respect et le caractère sacré de la tradition (chez
Danone par exemple, lorsque le fils Frank succède au père Antoine Riboud à la tête de
l’entreprise) ;
• la légitimité charismatique se justifie par le caractère quasi sacré d’une personnalité dotée
d’une aura exceptionnelle (l’exemple de Danone et de la famille Riboud peut être également
utilisé ici… ce qui montre que différents types de légitimité se superposent) ;
• la légitimité rationnelle légale s’appuie sur le pouvoir d’un droit abstrait et impersonnel ; c’est
un pouvoir issu de la fonction et non de la personne (les administrations par essence se dirigent
de cette manière).
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Par ailleurs, il convient de rajouter une quatrième source de légitimité non répertoriée par Weber :
la légitimité issue de l’expertise, à savoir les compétences techniques ou relationnelles du leader
(ingénieur d’une grande école par exemple).
2. Qu’en est-il dans la pratique si l’on en croit l’article de La Tribune : quelles sont les
sources du pouvoir dans les grandes entreprises en France ?
L’article de La Tribune oppose deux visions sur les sources du pouvoir dans les grandes entre-
prises en France.
Pour Olivier Joly, la légitimité rationnelle légale a longtemps dominé (PDG issus des grands
corps d’États comme les Mines, polytechnique ou l’ENA à l’époque où les grandes entreprises
françaises étaient des entreprises publiques). Cette source principale de légitimité semble per-
durer dans le secteur de la banque et de l’assurance. En revanche, le chercheur met en avant
une nouvelle source de légitimité dans les autres secteurs : l’expertise (voir le charisme) : « c’est
davantage leur parcours professionnel, leur profil de manager, que leur passage dans des cabi-
nets ministériels qui fait désormais la différence ».
Pour François-Xavier Dudouet, la source de pouvoir dans les grandes entreprises en France était
d’origine traditionnelle (« capitalisme familial »). Par la suite, pour ce chercheur, c’est la légitimité
rationnelle légale qui l’a emporté sur les compétences (selon une étude de l’observatoire poli-
tico-économique des structures du capitalisme « 40 % des patrons recrutés dans la période
2002‑2006 viennent de l’appareil d’État juste devant les dirigeants issus de l’entreprise elle-
même (38 %) »).
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UE 117 • Management
Énoncé
« Les gestionnaires ont-ils besoin d’une théorie de l’organisation ? »
Vous répondrez au sujet suivant sous la forme d’une introduction, d’un développement structuré
(plan apparent) et conclusion.
Corrigé
Nous souhaitons mettre au point les aspects méthodologiques concernant la dissertation de
management qui est souvent un exercice déconcertant pour les étudiants.
D’un point de vue formel, l’introduction comporte en général quatre parties :
1. Accroche : il s’agit d’une phrase qui amène le sujet en insistant sur son intérêt, par exemple
en le raccrochant à l’actualité ou à l’histoire.
2. Définition des termes du sujet : les termes importants doivent être expliqués, même si cela
paraît trivial de prime abord, car cela évite souvent le hors sujet.
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3. Problématique : l’étudiant doit reformuler avec ses propres termes la question principale sou-
levée par le sujet.
4. Annonce de plan : deux phrases énoncent clairement la structure choisie pour traiter le sujet
(et pas une autre…).
Par la suite, le plan doit être indiqué explicitement avec les parties et les sous-parties. Il peut
s’agir d’un plan en deux ou trois parties. Nous conseillons un plan en deux parties souvent plus
simple à mettre en œuvre. Des balancements relativement simples permettent souvent au candi-
dat de trouver un plan adéquat : à court terme/à long terme ; sur un plan structurel/sur un plan
conjoncturel ; intra-organisationnel/inter-organisationnel ; statique/dynamique ; interne/externe…
Les parties doivent être problématisées ; pour ce faire, une phrase avec sujet, verbe et complément
est plus explicite qu’un simple mot. Les sous-parties doivent être alimentées avec des éléments
théoriques mais également issus de la vie des entreprises, d’où l’intérêt de lire régulièrement la
presse des entreprises. La conclusion doit exister et comporte en général deux parties distinctes.
La première partie résume en quelques lignes les propos qui viennent d’être tenus en insistant
bien sur la problématique retenue mais sans parler de points qui n’auraient pas été traités. La
seconde partie est une ouverture vers un autre sujet connexe.
Nous allons illustrer cette méthodologie dans le traitement du sujet qui vous était proposé.
Introduction
• Accroche :
Une grande partie de la théorie des organisations est née de l’observation de la réalité dans les
entreprises. On peut penser par exemple à l’effet Hawthorne mis en évidence par Elton Mayo
dans l’usine de la Western Electric en 1924.
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Management • Série 1
Développement
I. La théorie des organisations peut améliorer l’efficacité des gestionnaires
A. En améliorant la compréhension du fonctionnement de l’organisation
1. En statique : complexité du phénomène organisationnel
2. En dynamique : maîtrise du développement organisationnel
B. En soulignant l’importance de la cohérence de l’organisation
1. Cohérence interne
2. Cohérence externe avec l’environnement
II. Le besoin d’une théorie de l’organisation est accentué par les évolutions
de l’environnement
A. L’importance croissante du facteur organisationnel
1. Mutation du système d’organisation de la production
2. NTIC
B. La théorie des organisations face aux nouveaux enjeux
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1. Apprentissage organisationnel
2. Vers une méta théorie des organisations ?
Conclusion
• Bilan
Ainsi, nous avons constaté que la théorie des organisations permet au gestionnaire d’améliorer
sa compréhension du fonctionnement de l’organisation en soulignant l’importance de la cohé-
rence de l’organisation. Dans le futur, le besoin d’une théorie des organisations pour le ges-
tionnaire sera même accentué. En effet, NTIC et mutations du système d’organisation de la
production mettent en avant l’importance croissante du facteur organisationnel. Par ailleurs,
de nouveaux enjeux seront posés aux gestionnaires nécessitant une approche théorique
renouvelée comme par exemple l’apprentissage organisationnel.
• Ouverture
La question posée par le sujet portait sur la théorie des organisations mais on peut se la poser
au sujet des modèles d’analyse stratégique qui seront vus en série 2.
102
UE 117 • Management
Index
Argyris 11, 86, 87, 88, 97 Management 3
Crozier 19, 49, 58, 61, 70, 71, 72, 78, 89 Manager 27
Cyert 61, 89, 90 March 61, 89, 90
Direction 38 Maslow 61, 79, 81, 82, 83, 84
Drucker 17, 32, 34, 43, 50, 79, 80, 85 Mayo 61, 68, 79, 80, 81, 82, 101
Économie industrielle 61 McGregor 24, 61, 80, 84, 85, 86
Emry 61 Mintzberg 19, 40, 41, 43, 44, 51, 61, 93
Entrepreneur 44 Organisation 3
Entreprise 21 Parties prenantes 21, 105
Fayol 25, 26, 27, 28, 31, 32, 34, 37, 38, 39, Performance 34
40, 47, 51, 59, 61, 75, 77, 78, 79, 84, 85, 90, Pouvoir 46
102 Rationalité 63
Follet 80 Sainsaulieu 61, 73
Ford 28 Simon 61, 63, 67, 70, 89, 90
Freeman 22, 105 Sociologie des organisations 61
Friedberg 61, 70, 71, 72 Taylor 25, 27, 31, 35, 47, 59, 60, 61, 69, 75,
Gouvernance 37 76, 77, 78, 79, 84, 90
Granovetter 61, 72, 73, 74, 95 Théorie de l’agence 61
Herzberg 61, 79, 83 Théorie des coûts de transaction 61
Information 63 Théories des organisations 58
Jensen et Meckling 61, 64, 105 Trist 61, 89
Leadership 46 Weber 19, 28, 29, 47, 61, 70, 75, 78
Lewin 53, 54, 61, 81, 85, 86 Williamson 61, 63, 66, 67, 68, 89
Likert 61, 80, 86
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Management • Série 1
Lexique
Agence : Selon Jensen et Meckling (1976), la relation d’agence représente un contrat par lequel
une ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne (l’agent) pour exécuter en
son nom une tâche qui implique la délégation d’un certain pouvoir de décision à l’agent.
Économie : Du grec oikos (maison). Activité humaine de production, distribution, échange et
consommation de biens et services étudiée par les sciences économiques.
Entreprise : Organisation qui met en œuvre des facteurs de production (travail, capital) pour
produire des biens et ou des services destinés au marché, dans l’objectif de dégager un profit.
Gestion : Science des choix et de l’action pour une organisation qui allie les formalisations théo-
riques et les pratiques opérationnelles pour le pilotage d’une entreprise.
Information : Donnée nouvelle modifiant la connaissance que l’on a d’un élément ou d’une
situation.
Management : Ensemble des techniques d’organisation et de gestion de l’entreprise pour
conduire les individus.
Organisation : Processus par lequel des individus agissent collectivement et cadre dans lequel
ils agissent. Ensemble structuré dont les composants sont en interaction.
Parties prenantes : Les parties prenantes (stakeholders) d’une organisation désignent d’après
Freeman (1984) tout groupe ou individu qui peuvent affecter ou être affectés par la réalisation
des objectifs de cette organisation (clients, fournisseurs, communauté, salariés, investisseurs,
etc.).
Pouvoir : Capacité d’un individu à structurer des processus d’échange plus ou moins en sa
faveur en exploitant les contraintes et opportunités de la situation.
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UE 117
Devoir 1
Management
Année 2013-2014
À envoyer à la correction
Auteur : Cécile BELMONDO
TRAVAIL À FAIRE
1. Quelle différence faites-vous entre manager et leader ? (4 points)
2. Qu’est-ce que l’organisation scientifique du travail (OST) ? Décrivez ses principes et expliquez ses
conséquences. Ces principes sont-ils toujours appliqués aujourd’hui ? Vous réfléchirez par exemple
sur le cas des certifications ISO et/ou des progiciels de gestion intégrés (ERP). (4 points)
TRAVAIL À FAIRE
1. Quelle est la théorie économique que l’on peut mobiliser pour expliquer le choix des bonus comme
mode d’incitation ? Expliquez en quoi elle consiste. (2 points)
2. Expliquez comment cette théorie peut s’appliquer pour décrire le système de management des
traders. En particulier, vous utiliserez cette théorie pour expliquer la coexistence des bonus et du back
et du middle-office comme organismes de contrôle du front-office. (3 points)
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3. En vous fondant sur le texte, expliquez les variations de prise de risque des traders au cours de
l’année en adoptant le point de vue des traders. Utilisez cette explication pour proposer des limites
théoriques à la théorie de l’agence. (2 points)
4. Quelle est la théorie qui s’intéresse aux relations de pouvoir et aux jeux autour des règles au sein
des organisations ? Expliquez en quoi elle consiste. (2 points)
5. En quoi cette théorie permet-elle d’expliquer :
– les relations entre le front-office, d’une part, et le middle-office et le contrôle des risques, d’autre
part ;
– et, par conséquent, comment explique-t-elle les limites du contrôle effectué par ces derniers ?
(3 points)
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Management • Devoir 1
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en transgressant les règles de contrôles et en maquillant les résultats pour « se refaire ». Le maquil-
lage des comptes de la Barings (Leeson, 1996), les pertes de trading de Calyon lors de l’été 2007
relèvent ainsi de cette logique. […]
34. Société Générale (2008) : Mission GREEN, Rapport de synthèse, Conclusions intermédiaires au
20 février 2008, p. 10.
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UE 117 • Management
•••/••• Dans certains cas, cette hiérarchisation peut pousser à des formes de retrait des membres du back-office
qui se contentent de faire le minimum requis pour ne pas entrer dans des relations désagréables avec le
front-office. Relativement déconsidérés, les salariés des supports peuvent entériner les hypothèses de valo-
risation du front, non seulement pour éviter les désagréments d’une dispute où ils occupent une position
défavorable, mais aussi parce qu’un certain nombre d’entre eux ont l’espoir de rejoindre le front-office, en
particulier les salariés du middle-office, qui leur sont proches physiquement et ceux du contrôle des risques,
qui leur sont proches scolairement et socialement.
Ces derniers, des jeunes très diplômés, ont souvent fait des études de mathématiques financières pour
pouvoir apprécier les risques des produits avec les procédures adéquates. De formation équivalente ou
supérieure aux traders, ils ont souvent des rémunérations deux fois inférieures à des opérateurs financiers
juniors et dix fois inférieurs à des opérateurs financiers seniors. Un tel différentiel de rémunération incite très
fortement les salariés du contrôle des risques à devenir trader. Certains voient d’ailleurs leur passage au
contrôle des risques comme un moyen d’acquérir une compétence technique qu’ils mettront en œuvre une
fois qu’ils auront rejoint le front-office. En même temps, le passage du contrôle des risques au front-office
dépend d’un processus de recrutement interne par cooptation, où les membres du front-office détiennent
en fait l’essentiel du pouvoir de recrutement. Cette polarisation de la structure autour du front-office incite
donc les salariés du contrôle des risques à ne pas être trop critiques à l’égard des personnes dont ils aime-
raient bien qu’elles deviennent leurs futurs employeurs.
La dépendance à l’égard du front est plus grande encore pour les métiers un peu moins techniques comme
les cadres chargés de middle-office, dans la mesure où le passage au front dépend plus directement encore
des opérateurs financiers auxquels ils sont exclusivement dédiés pour enregistrer et contrôler leur transac-
tion. L’espoir de passer de l’autre côté de la barrière magique qui sépare le front-office des services de
support ne donne pas l’envie aux contrôleurs de se fâcher avec ceux qu’ils contrôlent.
Troisième facteur qui biaise la structure bancaire […] : la logique de distribution des enveloppes de bonus
pour les fonctions supports et la direction des marchés. Les tensions provoquées par les différentiels de
rémunération ont conduit les banques à distribuer des bonus aux salariés des fonctions supports. Ceux-ci
(de 40 à 100 % du salaire fixe) restent modestes quand on les compare à ceux versés au sein du front-
office, mais ils permettent d’obtenir des rémunérations sensiblement supérieures à celles qui ont cours dans
la banque de réseau. Le problème pour les banques est alors de trouver des indicateurs pour calibrer les
enveloppes de bonus. […] Le chef du back-office d’une grande banque française explique ainsi : « Il y a
deux façons de voir les bonus sur les fonctions supports. La première, c’est de dire : “on leur donne un
bonus indépendamment du résultat de la salle”. Ce qui est une politique qui peut se concevoir, après tout.
Les fonctions de support, c’est de l’informatique, c’est du back-office, c’est de la compta’ : qu’un trader
fasse un bon deal ou un mauvais deal, il y a autant de travail. Donc à la limite, on doit juger quelqu’un sur la
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qualité de son back-office, et ça n’a rien à voir avec les résultats de la salle. De facto, si on faisait ça, ce qui
intellectuellement n’est pas idiot, ça veut dire qu’on désolidarise complètement les fonctions de support, du
front. Moi, je ne suis pas partisan de cette méthode-là. Deuxième idée, c’est de dire : “Les fonctions de
support vont avoir un pourcentage du résultat global.” Et c’est de facto ce que j’ai obtenu et je l’ai fait valider
par la direction avec une guideline où le bonus des fonctions de support, est un pourcentage du bonus des
marchés ».
L’enveloppe de la direction des marchés (qui alimente outre les bonus de la direction, les budgets de bonus
des fonctions supports – back, middle, comptabilité, informatique, ressources humaines et même dans
certains cas contrôle des risques –) est souvent alimentée par une fraction, un pourcentage, des budgets de
bonus des fronts : de l’ordre de 5 à 15 %. Plus le front gagne de l’argent, plus la direction et les fonctions
supports en gagnent aussi.
[…] cette politique entraîne un biais structurel en faveur du front-office. Aussi les dispositifs de rémunération
n’échappent pas à une certaine circularité qui conduit in fine à rendre l’ensemble de la structure dépendant
des fronts. La direction des marchés dispose formellement d’un pouvoir de contrôle sur les comptes et de
décision en matière d’allocation des bonus. Mais cette autorité est contrebalancée par le fait que l’enve-
loppe des bonus dont disposera la direction, à la fois pour se rétribuer elle-même mais aussi pour payer les
fonctions supports, dépendra proportionnellement du montant qu’obtiendront les front-offices.
Extraits d’O. Godechot, 2008, in Artus P., Betbèze J.-P., de Boissieu C. et Capelle-Blancard G., La crise des subprimes,
Rapport pour le Conseil d’analyse économique, Paris : La Documentation Française, pp. 203‑218.
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