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© Dunod, 2014
ISBN 978-2-10-071835-1
Introduction
Plan de l’ouvrage
Cet ouvrage s’attache dans le chapitre 1 à décrire la dimension
systémique du management des ressources humaines. Le chapitre 2
examine en quoi la gestion prévisionnelle des ressources humaines
constitue un schéma directeur permettant d’articuler les
différentes
dimensions du management des ressources humaines. Le chapitre 3 décrit la
politique de recrutement ; le chapitre 4 analyse la gestion des carrières ; le
chapitre 5 présente les enjeux de la formation ; le chapitre 6 se penche sur
les pratiques d’évaluation ; le chapitre 7 analyse la politique de
rémunération au niveau des individus et le chapitre 8 examine la gestion de
la masse salariale dans une perspective organisationnelle. La conclusion
porte sur le rôle de la fonction
RH et le management des ressources
humaines dans le développement responsable des organisations et la
définition d’un nouveau
contrat social au sein des entreprises.
Chaque chapitre s’attache à analyser l’influence des mécanismes
concurrentiels du marché du travail sur les pratiques de GRH
considérées.
Les intérêts et les stratégies des principales parties prenantes impliquées
dans la conception et le pilotage
des pratiques de GRH sont également
analysés pour exposer la complexité systémique du management des
ressources humaines.
[1]
Ferrary M. et Pesqueux Y (2011), Management de la connaissance. Knowledge Management,
apprentissage organisationnel et société de la connaissance, Economica, 264 p.
[2]
Rousseau D. (1989), « Psychological and implied contracts in organizations », Employee
Responsibilities and Rights Journal, vol. 2, n°2, pp. 121-139.
[3]
Sainsaulieu R. (1992), L’Entreprise une affaire de société, Presses de la FNSP.
La dimension systémique
Chapitre
du management des
1
ressources humaines
SOMMAIRE
Section 1 La tridimensionnalité des ressources humaines
Section 2 Le système de pratiques RH
Section 3 Les différents rôles de la DRH
Section 4 Le rôle du DRH face à la responsabilité sociale de l’entreprise
Section 1
LA TRIDIMENSIONNALITÉ
DES RESSOURCES HUMAINES
1 Les ressources humaines constituent une
ressource stratégique
L’entreprise est une combinaison de ressources (technologies, réseau de
distribution, marques, brevets, etc.) dont certaines
peuvent lui conférer un
avantage concurrentiel face à ses concurrents. Pour certaines entreprises, les
ressources humaines
constituent une ressource stratégique au sens où la
mise en œuvre de la stratégie et la différenciation face aux concurrents
dépendent de la détention de certaines compétences détenues par des
individus[1]. La détention et la mobilisation de connaissances stratégiques
par des experts peuvent être déterminantes dans la performance
de
l’organisation. Les ressources humaines sont notamment stratégiques dans
les industries où l’innovation est au cœur de
la compétitivité de la firme.
L’innovation, la créativité, l’exploration et la mise en œuvre de nouvelles
opportunités de
développement dépendent de la qualité des chercheurs et
des ingénieurs mobilisés par l’entreprise.
L’exemple d’Airbus illustre l’importance stratégique des ressources
humaines. En 2010, le constructeur aéronautique envisageait
de lancer une
nouvelle version de son avion moyen courrier A320 : l’A320NEO. Pour
intéresser les compagnies aériennes, cette
version devait réduire la
consommation de carburant de 15 %. Cette décision stratégique était
particulièrement critique car
le segment des avions moyen courrier est le
plus important pour Airbus puisqu’il représente environ 65 % de ses ventes
d’avions.
Sur ce segment, l’avionneur est en concurrence avec le Boeing
737. Airbus a attendu près de six mois pour prendre sa décision
de
lancement du projet. La raison de ce délai fut que l’entreprise a dû s’assurer
qu’elle pouvait constituer en interne l’équipe
de 200 à 300 ingénieurs
nécessaire au lancement du projet sans affaiblir les autres projets en cours ;
en l’occurrence l’A380,
l’A400M et l’A350. La prise de décision
stratégique a dépendu de l’existence au sein de l’organisation des ressources
humaines
stratégiques nécessaires au lancement du projet.
De même, dans le secteur des services à forte valeur ajoutée comme les
cabinets d’avocats (Clifford Chance, Baker & McKensie),
les cabinets de
conseil (McKinsey, BCG, Bain), les cabinets d’audit (PWC, Deloitte,
KPMG, Ernst & Young) ou les agences de
publicité (Publicis, WPP,
Omnicom), la performance des entreprises dépend de leur capacité à
recruter et à former des experts
dont l’expertise est ensuite vendue aux
clients. Les compétences détenues par ces travailleurs de la connaissance
(knowledge workers) sont stratégiques et déterminantes pour la
performance de l’entreprise.
Enfin, dans certains secteurs d’activité, un salarié peut constituer un
avantage concurrentiel dans la mesure où sa réputation
contribue à la
réussite commerciale de l’entreprise. Ainsi, tel grand chirurgien d’une
clinique privée ou tel cuisinier célèbre
employé par un palace constitue une
ressource humaine stratégique dans la mesure où sa présence détermine le
choix des consommateurs.
La dimension stratégique des ressources humaines influence les pratiques
de GRH qui leur sont appliquées. Lorsque les ressources
humaines sont
stratégiques, le développement de l’entreprise dépend de sa capacité à
attirer et à garder des individus compétents
et à leur proposer un système
incitatif pour les motiver à mobiliser leurs compétences au service de la
stratégie de l’entreprise.
Section 3
LES DIFFÉRENTS RÔLES DE LA DRH
Section 4
[1]
Ferrary M. (2010), « Competitivité de la firme et management stratégique des ressources
humaines », Revue d’Economie Industrielle, n°132. pp. 1-28.
[2]
Ferrary M. (2009), « Les ressources humaines à risque dans le secteur bancaire. Une application
de la gestion des risques
opérationnels », Gestion 2000, Mars-Avril, n°2, pp. 85-104.
[3]
Ferrary M. (2005), « La GRH à l’aune de la théorie des parties prenantes. L’exemple des
restructurations industrielles »,
Gestion 2000, Vol. 22, n°3, pp. 59-73, mai-juin 2005.
[4]
Freeman R. (1984), Strategic Management: A stakeholder approach, Boston, Pitman Editions.
[5]
Nacer Gasmi et Gilles Grolleau (2005), « Nike face à la controverse éthique relative à ses sous-
traitants », Revue Française de Gestion, n°157, pp. 115-136.
Gestion prévisionnelle et
Chapitre
SOMMAIRE
Section 1 La gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH)
Section 2 Les formes de flexibilité des ressources humaines
Section 3 La juxtaposition des formes de flexibilité : le dualisme du marché
du travail de l’entreprise
DES RESSOURCES HUMAINES (GPRH)
Focus
Une innovation technologique :
le logiciel MyScheduling d’Accenture
Accenture est une société de conseil en management et technologies
qui, en 2012, emploie plus de 240 000 personnes dans plus
de
cinquante pays à travers le monde. L’activité de l’entreprise est
structurée en projets pour répondre à des missions confiées
par des
entreprises clientes. Lorsqu’ils ont obtenu une mission auprès d’un
client, l’enjeu pour les chefs de projets est
de trouver au sein
d’Accenture les compétences qui sont disponibles pour être affectées
sur leur projet. Concomitamment, les
consultants recherchent des
projets qui leur permettent d’utiliser leurs compétences et de
progresser dans leur expertise.
Pour permettre une adéquation optimale entre l’offre et la demande
internes de compétences, Accenture a développé le logiciel
MyScheduling qui permet à chaque consultant d’identifier les
compétences qu’il détient dans un répertoire de plusieurs centaines
d’items (langage informatique, technologies, industries, etc.) et de
donner son niveau d’expertise. Le logiciel permet également
d’identifier les disponibilités de chaque consultant et son taux de
facturation.
Quand un chef de projet obtient une mission, il renseigne dans le
logiciel MyScheduling les compétences dont il a besoin sur
une
période donnée en fonction du niveau d’expertise et de la priorité
pour le projet. Le logiciel identifie dans l’ensemble
des bureaux les
individus détenteurs des compétences, leur disponibilité et leur taux
de facturation. Cela permet au chef
de projet de constituer son équipe
en privilégiant les compétences prioritaires tout en tenant compte de
ses contraintes budgétaires.
À la fin du projet, chaque consultant renseigne les compétences
acquises ou améliorées au cours de la mission afin de permettre
une
affectation optimale pour les missions suivantes. Le logiciel
MyScheduling vise à optimiser les affectations sur projets
au sein du
marché interne du travail de l’entreprise.
La nature des compétences détenues par les salariés peut expliquer les
décisions stratégiques des entreprises. Par exemple,
le fait que le
groupe de luxe Richemont décide de fabriquer des montres sous sa
marque de joaillerie Van Cleef and Arpels
a été rendu possible par
l’existence de compétences en horlogerie au sein du groupe à travers
des marques comme Vacheron Constantin,
Jaeger-LeCoultre, IWC ou
Piaget.
Elle permet l’articulation de la dimension organisationnelle et
individuelle pour identifier les compétences rares qui contribuent
à la
réalisation de projets stratégiques (leur absence contrarie la réalisation
de ces projets) et qui sont critiques dans
les processus de production.
Le repérage des experts et des compétences rares est crucial à
l’occasion des départs en retraite
(ou préretraite) car il y a un risque de
perte de savoir faire ou d’expérience qui peut entraîner des
dysfonctionnements dans
l’entreprise. Cet inventaire consiste à
recenser et à localiser les titulaires de compétences rares ou
d’expertises et d’analyser
leur nature et leur « transférabilité ».
Elle permet également d’accroître l’avantage concurrentiel en gérant
de manière spécifique les compétences humaines stratégiques
qui sont
difficilement imitables par la concurrence, et difficilement
substituables par une technologie nouvelle, par un procédé
ou par une
autre compétence.
Dans cette logique d’articulation du management stratégique et de la
gestion des compétences, l’accord de Schneider Electric
de 2008 sur la
« Gestion Anticipée des Emplois, des Métiers et des Compétences »
identifie quatre catégories de fonction :
les fonctions stratégiques qui représentent des compétences
stratégiques à maîtriser pour l’entreprise à court et moyen terme ;
les fonctions fragilisées pour lesquelles les compétences doivent
fortement évoluer pour s’adapter aux besoins de l’entreprise ;
les fonctions menacées en matière de devenir, au sens qualitatif et/ou
quantitatif, au regard des évolutions technologiques mises en œuvre ou
en
considération de leur localisation géographique.
les fonctions en tension pour lesquelles l’analyse du marché de
l’emploi externe fait apparaître des difficultés certaines de
recrutement.
La catégorie des compétences détermine les pratiques de GRH,
notamment en matière de recrutement, de formation, de mobilité
interne ou
externe qui leur sont appliquées.
Section 2
LES FORMES DE FLEXIBILITÉ
DES RESSOURCES HUMAINES
Cas d’entreprise
Le groupe Swatch et la flexibilité interne des ressources humaines
En 2009, le groupe Swatch, entreprise horlogère, a connu une baisse
de 9,14 % de son activité. L’entreprise a favorisé la
flexibilité interne
pour ajuster les ressources humaines en licenciant peu de salariés
puisque le nombre d’emplois n’a baissé
que de 542 personnes (–
2.23 % des effectifs). L’élasticité à l’activité de l’emploi fut faible
(0,24). En revanche, la productivité
du travail a fortement chuté de –
7.06 %. L’élasticité à l’activité de la productivité moyenne des salariés
fut élevée (0,77).
En 2010, pour répondre à la forte croissance de son chiffre d’affaires
(+ 18,8 %), l’entreprise s’est appuyée sur l’accroissement
de la
productivité du travail (+ 16,28 %). L’élasticité à l’activité de la
productivité moyenne des salariés fut élevée (0,87).
En revanche, elle a
peu recouru à la création d’emplois puisque seuls 513 salariés ont été
recrutés (+ 2,16 % des effectifs),
soit une élasticité à l’activité de
l’emploi de 0,12.
2.2 Mesure de la flexibilité externe
L’élasticité à l’activité de l’emploi (eE) mesure l’usage de la flexibilité
externe comme modalité d’ajustement à court terme
aux variations de
l’activité.
Cas d’entreprise
Legrand et la flexibilité externe des ressources humaines
Legrand est un des leaders mondiaux des produits et systèmes pour
installations électroniques et réseaux d’information. En
2009,
l’entreprise a connu une baisse de son activité de – 14,87 %.
L’ajustement des ressources humaines s’est essentiellement
fait par la
réduction du nombre d’emplois et le départ de 5 202 personnes (–
14,94 %), soit une élasticité à l’activité de
l’emploi de 1. Inversement,
la productivité moyenne des salariés est restée stable (0,08 %), soit une
élasticité à l’activité
de la productivité moyenne des salariés de – 0,01.
Ce qui correspond à une situation d’inélasticité presque parfaite.
En 2010, pour répondre à une hausse de 8,75 % de son chiffre
d’affaires, Legrand a pour l’essentiel recouru à l’accroissement
du
nombre d’emplois en recrutant 1 777 personnes (6 % des effectifs),
soit une élasticité à l’activité de l’emploi de 0,69.
L’accroissement de
la productivité des salariés fut faible (+ 2,60 %), soit une élasticité à
l’activité de la productivité
moyenne des salariés de 0,30.
Focus
Innovation managériale :
Les recrutements
La croissance d’une entreprise induit des besoins importants de ressources
humaines pour accompagner le développement de l’activité.
Le recrutement
de salariés est le moyen le plus classique pour doter l’entreprise des
effectifs nécessaires. Le recrutement
correspond à une forme de flexibilité
externe au sens où il constitue un recours au marché du travail. La nature
indéterminée
du contrat induit qu’a priori l’emploi est créé de manière
pérenne. Lorsque la croissance de l’entreprise s’appuie sur des
recrutements, il s’agit dans ce cas d’une croissance organique.
Le besoin en ressources humaines peut également être lié à la décision
stratégique de se développer dans un nouveau secteur
d’activité. Par
exemple, l’entreprise de BTP Bouygues a décidé en 1994 de se diversifier
et de créer une compagnie de téléphonie
mobile, Bouygues Telecom. Cette
nouvelle activité a connu une forte croissance pour atteindre plus de
9 milliards d’euros
de chiffre d’affaires en 2011. Les effectifs sont passés de
quelques dizaines à la création de l’entreprise à plus de 9 000
salariés en
2011.
L’acquisition d’entreprises
Une autre option pour accroître l’activité de l’entreprise et augmenter les
effectifs qui y sont liés consiste à racheter
des entreprises. L’entreprise de
logiciels informatiques Oracle illustre cette stratégie. Ces dernières années,
elle a connu
une très forte croissance de son activité dans les logiciels. Son
chiffre d’affaires est passé de 11,8 milliards de dollars
en 2005 à
35,6 milliards en 2011 et les effectifs de 49 800 salariés à 108 000 sur la
même période. Cette croissance s’est
faite à travers le rachat de 74
entreprises de l’industrie du logiciel, notamment les sociétés PeopleSoft
(2005), Siebel (2006),
Hyperion (2007) et Sun Microsystems (2009). Cette
stratégie d’acquisitions de start-ups pour doter l’entreprise de compétences
stratégiques s’est généralisée dans les industries de hautes technologies et
plus particulièrement dans la Silicon Valley[5]. Des entreprises comme
Google, Yahoo!, Cisco Systems ou Facebook la pratique régulièrement. Un
néologisme a d’ailleurs été
créé pour caractériser cette pratique. Il s’agit de
l’acqui-hiring (l’acqui-recrutement).
Le rachat d’entreprise permet également d’entrer dans de nouveaux
secteurs d’activité et d’acquérir les ressources humaines
compétentes pour
mettre en œuvre cette stratégie. Dans les années 2000, le PDG d’IBM,
Louis Gerstner, décida de repositionner
l’entreprise dans les services
informatiques et le conseil en management. Ce changement stratégique
dans une activité intense
en ressources humaines supposait d’accroître les
effectifs dans ces domaines pour mettre en œuvre cette intention
stratégique.
En 2002, IBM a racheté l’activité conseil en management de
PriceWaterhouseCoopers pour se doter des RH nécessaires à sa nouvelle
stratégie.
De même, dans le secteur bancaire, certaines banques qui ont souhaité
développer leurs activités dans la banque d’affaires
ont choisi de racheter
des établissements financiers pour se doter des compétences humaines
plutôt que de s’appuyer sur une
croissance organique. Ainsi, en 1988, quand
le Crédit Suisse, banque de gestion privée, a décidé de se développer dans
les
activités de banque d’affaires, il a acquis la banque américaine First
Boston, spécialisée dans ce domaine. Quand la banque
UBS a fait le même
choix stratégique, elle a acquis en 1995 la banque d’affaires anglaise
S. G. Warburg.
Ainsi, l’acquisition d’entreprises, notamment de start-ups, peut
s’appréhender comme une forme structurelle de flexibilité
externe des RH
pour acquérir de nouvelles compétences.
La cession d’activités
Lors d’un changement stratégique qui conduit à l’abandon d’une activité,
il se pose la question du devenir des salariés liés
à cette activité. Une
alternative aux licenciements est possible à travers la scission juridique et la
revente de l’activité
à une tierce entreprise. Dans ce cas, l’entreprise filialise
les activités, et donc les salariés, dont elle veut se séparer
pour ensuite
revendre cette filiale à une autre entreprise. IBM illustre cette pratique.
Quand dans les années 2000, l’entreprise
a décidé de se focaliser sur les
activités de services informatiques et les logiciels, elle a parallèlement
renoncé à son
métier historique de constructeur d’ordinateurs. Elle a
revendu cette activité à l’entreprise chinoise Lenovo, transférant
par la
même occasion les salariés de cette activité. Ainsi, les 10 000 salariés de la
division PC d’IBM dont les compétences
ne correspondaient plus aux
orientations stratégiques de l’entreprise ont été transférés à Lenovo. De
même, en 2011, quand
l’entreprise de téléphonie Nokia a décidé de ne plus
développer son logiciel pour téléphone mobile Symbian, elle a transféré
les
3 000 personnes en charge de cette activité chez Accenture qui a pris en
charge la maintenance du logiciel.
Parfois ces transferts d’activité permettent aux entreprises de confier à
d’autres sociétés le soin d’organiser les réductions
d’effectifs et ainsi
d’éviter les conséquences négatives, notamment en termes d’image, d’une
réduction massive du nombre de
salariés. Ainsi, en 2004, l’entreprise de
téléphonie Nortel a décidé d’arrêter sa production de certains composants
de téléphonie
mobile. Elle a notamment cédé une usine située en France à
Châteaudun, qui employait 350 salariés et une centaine d’intérimaires,
à
Flextronics, un important sous-traitant électronique chinois. En 2007,
Flextronics a annoncé la fermeture de ce site de
production et la destruction
d’environ 500 emplois. C’est Flextronics et non Nortel qui est
officiellement le décisionnaire
de cette cessation d’activité. Ceci a permis à
Nortel de préserver son image auprès de ses clients.
Section 3
DU TRAVAIL DE L’ENTREPRISE
Focus
Un prestataire de service RH :
[1]
Wernerfelt B. (1984), “A resource-based view of the firm”, Strategic Management Journal, vol.
5, pp. 171-180.
[2]
Ferrary M. et Trépo G. (1998), « La gestion par les compétences : pour une opérationalisation
de la convergence entre la stratégie
d’entreprise et la gestion des ressources humaines », Revue
Interactions, p. 54-83, Vol. 2, n°1.
[3]
Becker G. (1962), « Investment in Human Capital : A Theoretical Analysis », Journal of
Political Economics, vol. 70, n° 5, 1962, pp. 9-49.
[4]
Ferrary M. (2002), « Mécanismes de régulation de la structure des qualifications et spécificité
du capital humain. Une analyse
du capital social des conseillers bancaires », Sociologie du
Travail, Vol. 44, n°1, pp 119-130.
[5]
Ferrary M. (2011), « Specialized organizations and ambidextrous clusters in the open
innovation paradigm », European Management Journal, vol. 29, pp. 181-192.
[6]
Ferrary M. (1994), « Dualisme du marché du travail. Coûts de transaction, investissements de
forme et comportements stratégiques
des acteurs sociaux », Revue Française d’Economie, Vol.
IX, 4, p. 85-135.
Chapitre
La politique
3 de recrutement
SOMMAIRE
Section 1 Les déterminants de la politique de recrutement de l’organisation
Section 2 Le processus de recrutement
Section 3 Les pratiques alternatives de réduction de l’incertitude
Section 4 Les indicateurs de gestion de la politique de recrutement
Section 1
LES DÉTERMINANTS DE LA POLITIQUE
DE RECRUTEMENT DE L’ORGANISATION
Section 2
LE PROCESSUS DE RECRUTEMENT
3.1 L’analyse des CV
L’analyse des CV constitue une première étape du processus d’évaluation.
Elle permet d’identifier les diplômes et l’expérience
professionnelle des
candidats.
Le diplôme permet d’apprécier la qualité des savoirs des candidats car il
donne une information sur sa spécialisation (métallurgie,
informatique,
biologie, gestion, etc.). Il donne également une indication sur le savoir-
évoluer des candidats, notamment sur
leur capacité d’apprentissage et
d’évolution de carrière (par exemple, un ingénieur qui a obtenu un MBA
fait preuve d’une
certaine capacité d’évolution). Il peut parfois permettre
d’évaluer le savoir-être des candidats. Par exemple, les cabinets
d’audit et
de conseil de la Suisse Romande apprécient les diplômés de l’Ecole
Hôtelière de Lausanne non pas pour des compétences
particulières en
gestion mais parce l’école leur transmet une culture du service (politesse,
tenue, etc.) importante dans
les relations avec les clients. De plus, leur
formation les familiarise avec des secteurs d’activité (tourisme, hôtellerie,
restauration, loisir….) dans lesquels il est normal de travailler la nuit ou le
week-end. Ceci les prédispose à supporter
des périodes d’activité chargées
comme peuvent en connaître les activités de conseil ou d’audit. Les
diplômes sont également
une forme de standardisation des compétences
détenues et constituent un signal sur le marché du travail. Les employeurs
hiérarchisent
parfois les institutions de formation (écoles d’ingénieur, écoles
de management, etc.) et privilégient certains diplômes à
d’autres.
Les entreprises dans lesquelles le candidat a précédemment travaillé et qui
sont mentionnées dans le CV donnent une indication
sur ses compétences et
ses qualités. Certaines entreprises sont connues pour leur capacité à former
leurs salariés dans certains
domaines d’expertise. Par exemple, les grands
cabinets d’audit sont connus pour former des auditeurs financiers et les
entreprises
du secteur de la grande consommation (Nestlé,
Procter&Gamble, Unilever, etc.) ont la réputation de former des experts en
marketing.
Le fait d’avoir une expérience professionnelle dans une
entreprise réputée est un élément positif dans l’évaluation d’une
candidature.
3.2 Les tests d’évaluation
Plusieurs méthodes ont été développées pour essayer d’identifier plus ou
moins scientifiquement les compétences des individus.
Elles peuvent être
regroupées en trois grandes catégories :
Les tests de connaissance. Ils visent à évaluer les aptitudes
professionnelles des individus (connaissances techniques, dextérité,
respect de normes
de qualité, programmation informatique…). Il s’agit
du savoir et du savoir-faire des candidats.
Les tests d’intelligence. Leur objectif est d’évaluer la capacité
d’adaptation intellectuelle, le sens logique, la créativité ou
l’imagination des
candidats. Dans ce cas, ce sont plutôt le savoir-être
et le savoir-évoluer qui sont principalement évalués.
Les tests de personnalité. Ils visent à évaluer la personnalité des
candidats en matière d’autorité, de dynamisme, de sociabilité,
d’autonomie et de
contrôle émotionnel. Dans ce cas, ce sont le savoir-
être et le savoir managérial qui sont évalués.
Le développement des nouvelles technologies et d’Internet modifient les
pratiques d’évaluation. Ainsi, de nombreuses entreprises,
notamment dans
le secteur financier, font passer sur Internet des tests de connaissance,
parfois dans un délai déterminé,
aux personnes qui candidatent de manière
électronique à leurs offres d’emplois. Ces tests permettent d’évaluer le
savoir lié
au métier et les connaissances linguistiques. Ils constituent une
première étape de sélection. Seuls ceux qui réussissent
les tests de
connaissance sont invités à poursuivre le processus de recrutement, soit
pour passer d’autres tests électroniques,
soit en étant convié à un entretien.
L’administration de ces tests via Internet permet d’en automatiser le
traitement et de réduire drastiquement les coûts de transaction liés au
premier niveau
d’évaluation des candidats.
Cas d’entreprise
L’usage des nouvelles technologies : les serious games de L’Oréal
Les nouvelles technologies permettent de repenser le processus de
sélection des candidats et de réduire le coût de ce processus.
Certaines
entreprises utilisent les jeux de simulation d’entreprise (serious games)
sur Internet comme filtre de sélection et comme moyen d’évaluation.
Une entreprise comme L’Oreal, qui bénéficie d’une marque employeur
de grande valeur et suscite plus d’un million de candidatures
par an,
utilise ces jeux dans son processus de sélection. L’entreprise a même
développé des jeux différents selon les segments
du marché du travail.
Le premier, Brandstorm, fut créé en 1992, pour les étudiants en
marketing. E-Strat Challenge a pour objectif de faire une première
sélection parmi des candidats issus d’écoles de management, Ingenius
Contest est lui destiné aux ingénieurs, Hair-Be 12 aux élèves des
écoles de coiffure et Innovation Lab aux chercheurs. Reveal by
L’Oreal permet de faire une première sélection pour les étudiants en
recherche de stage.
L’intégration du jeu aux réseaux sociaux (Facebook, Google+, etc.)
permet aux candidats d’inviter leurs amis à participer
au jeu et donc
d’accroître le nombre de candidats pour L’Oréal. Ces jeux en ligne
présentent de nombreux avantages. Ils permettent
d’améliorer la
marque employeur, d’attirer un nombre important de candidats et
d’assurer un premier niveau de sélection. Le
tout à de moindres coûts
que des systèmes plus classiques d’évaluation.
Cas d’entreprise
Une innovation managériale : le recrutement par les clients au
Printemps
Le Printemps est une enseigne de la grande distribution de produits
haut de gamme (mode, cosmétique, maison, etc.). En 2007,
dans son
magasin du boulevard Haussmann à Paris, l’enseigne a décidé
d’associer ses meilleures clientes au recrutement de
ses managers des
ventes. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de la marque de
développer l’approche et le service clients.
Les clientes qui ont participé au processus de recrutement ont elles-
mêmes été sélectionnées sur des critères d’âge, de style
et d’habitudes
de consommation pour qu’elles soient représentatives des clientes de
l’enseigne. La DRH du Printemps a organisé
une présélection de
trente-six candidats. Chacun d’entre eux a passé un « speed
interview » avec un responsable RH pour évaluer
sa motivation, avec
un vendeur opérationnel pour analyser ses capacités de vendeur et avec
une cliente pour juger du sens
relationnel du candidat en le mettant en
situation avec un consommateur.
La démarche présente plusieurs avantages. D’une part, il apporte une
autre perspective dans l’évaluation. D’autre part, elle
valorise les
clientes et accroît leur fidélité, surtout si les candidats qu’elles ont
sélectionnés sont retenus. Enfin, l’expérience
ayant connu une certaine
médiatisation, cela a contribué positivement à l’image de l’entreprise.
Section 3
LES PRATIQUES ALTERNATIVES
DE RÉDUCTION DE L’INCERTITUDE
Section 4
LES INDICATEURS DE GESTION
DE LA POLITIQUE DE RECRUTEMENT
Focus
Un prestataire de services RH :
[1]
Les Echos, mercredi 12 octobre 2011.
[2]
Michaels E., Handfield-Jones H. and Axelrod B (2001), The war for talent, Harvard Business
School Press, 200 p.
[3]
Le visa H1B permet à un travailleur étranger de venir travailler pour une entreprise se trouvant
sur le territoire américain.
[4]
Ferrary M. (2009), « Les stratégies d’encastrement social dans les environnements économiques
incertains », Revue d’Economie Industrielle, n°129-130, pp. 171-202.
[5]
Granovetter M. (2005), “The Impact of Social Structure on Economic Outcomes”. Journal of
Economic Perspectives, 19(1), pp. 33-50.
Chapitre
La politique de gestion
4 des carrières
SOMMAIRE
Section 1 Les justifications managériales de la gestion des carrières
Section 2 Les pratiques de la gestion des carrières
Section 3 Les acteurs de la gestion des carrières
Section 4 Les systèmes de gestion des carrières
Section 1
LES JUSTIFICATIONS MANAGÉRIALES
DE LA GESTION DES CARRIÈRES
1 La gestion des experts
1.1 Gestion des carrières et formation des experts
Le fonctionnement des entreprises conduit à la création de connaissances
qui sont spécifiques (règles de gestion, produits,
applications informatiques,
etc.) et dont la maîtrise par les salariés contribue à la qualité de la
coordination au sein de
l’organisation. Une partie de l’apprentissage de ces
connaissances suppose une certaine stabilité des salariés dans leur poste
car
l’acquisition des savoirs se fait à travers l’acte de travail (on the job
training). La gestion des carrières organise cette stabilité pour permettre le
processus d’apprentissage et d’accumulation d’expertises
par les salariés.
Dans cette perspective, les contrats de génération qui prévoient le
mentoring de nouveaux recrutés par des salariés proches de la retraite
correspondent à une politique de gestion des carrières visant
à favoriser la
transmission des expertises au sein de l’organisation.
La gestion de carrière qui inscrit la relation salariale dans une perspective
de moyen terme permet de réaliser des investissements
en formation puis de
les rentabiliser du fait de la stabilité des salariés. Les investissements en
formation sont des quasi-coûts
fixes pour l’entreprise dont la rentabilisation
dépend de la stabilité des salariés formés. Les perspectives de carrière
contribuent
à la stabilité des salariés, favorisent l’émergence d’experts et
permettent le retour sur investissement de la formation.
La gestion des carrières peut également venir contrebalancer les éventuels
effets négatifs d’une trop grande stabilité professionnelle.
Ainsi, dans les
banques, la mobilité professionnelle des conseillers bancaires influence la
qualité du risque de crédit qu’ils
engagent au nom de leur employeur. Il est
généralement admis que la stabilité des conseillers bancaires leur permet de
développer
une connaissance approfondie de l’environnement économique
local et donc une meilleure appréciation du risque, justifiant
de ce fait que
les conseillers restent à leur poste plus de deux ans pour apprendre leur
environnement et être performants
en matière d’évaluation des risques.
Cependant, il apparaît également qu’un conseiller bancaire qui reste trop
longtemps dans
la même agence finit par développer des relations
interpersonnelles trop fortes avec ses clients et que cela nuit à sa perception
des risques. Aussi, dans certaines banques, la gestion de carrières des
conseillers bancaires prévoit une mobilité professionnelle
de ces derniers
tous les cinq ou six ans pour éviter l’émergence d’un biais subjectif dans
l’évaluation des risques.
Section 2
1 Le mentoring d’intégration
La gestion des carrières peut être appréhendée comme étant
l’accompagnement au sein de l’organisation du cycle de vie du salarié
entre
son recrutement et son départ. L’intégration est la première étape de la
gestion de carrière et sa qualité conditionne
grandement la contribution du
salarié à l’entreprise. Certaines entreprises apportent un soin particulier à
cette étape. Au-delà
des séances d’information relatives au mode de
fonctionnement de l’organisation et de la visite de différents services de
l’entreprise, certaines DRH ont mis en œuvre un système de mentoring. Il
s’agit d’établir une relation privilégiée entre un nouvel arrivant et un salarié
plus ancien. Ce dernier, est au fait
des us et des coutumes informels de
l’organisation ainsi que de ses pratiques de management. Il a pour mission
de transmettre ces
savoirs à son mentee pour faciliter son intégration et sa
carrière. Au-delà du transfert des connaissances, l’objectif consiste
également à apporter
un soutien psychologique au nouvel arrivant qui peut
être déstabilisé par son arrivée dans un nouvel environnement. Pour éviter
tout conflit d’intérêt, il est nécessaire que le mentor n’ait pas de relation
hiérarchique directe avec son mentee.
2 L’entretien de carrière
La carrière est à l’intersection des besoins de l’organisation et des
aspirations du salarié. Les attentes des individus diffèrent
et évoluent au
cours de la vie professionnelle et de la vie familiale. De ce fait, il convient
pour la DRH d’instituer un
espace de dialogue sur ce sujet pour permettre à
l’entreprise de connaître les attentes du salarié tout en lui présentant
les
opportunités existantes au sein de l’organisation. En cas de convergence, il
s’agit ensuite de co-construire un plan d’accompagnement
de la mobilité
professionnelle. Les entretiens de carrières constituent cet espace de
dialogue.
Parfois cet entretien professionnel est encadré par la législation du travail
ou une convention collective qui en prévoit
le rythme et le contenu. Ainsi,
la législation française prévoit notamment un entretien professionnel de
deuxième partie de
carrière tous les cinq ans à partir de 45 ans. L’objectif
est de construire un projet professionnel cohérent entre les compétences
et
les aspirations du salarié et les évolutions de son environnement
professionnel. Le dernier entretien prévu par la loi
vise à identifier les
compétences et les savoir-faire du salarié à transférer avant son départ à la
retraite.
L’entretien de carrière peut être articulé avec l’entretien annuel
d’évaluation. Cependant, il peut être préférable de les
découpler, surtout si
l’entretien d’évaluation est également l’espace de discussion de la
rémunération. Les différences d’enjeux
peuvent nuire à la finalité de
l’entretien. Enfin, l’entretien de carrière peut être mené par un membre de
la DRH, notamment
un gestionnaire de carrière, plutôt que par le supérieur
hiérarchique du salarié. Ce découplage évite d’éventuels conflits
d’intérêts
entre le manager et son collaborateur tout en donnant à la DRH la
possibilité de présenter au salarié une vision
plus large des opportunités et
des conditions d’évolution de carrière au sein de l’organisation.
4 L’organigramme de remplacement
Les organigrammes de remplacement mis en œuvre dans le cadre de la
gestion prévisionnelle des ressources humaines constituent
un support à la
gestion des carrières. Le comité de carrières constitue l’instance qui définit
cet organigramme. Sur le principe,
il s’agit d’identifier le remplacement
d’un cadre supérieur en cas de départ brutal (démission, mobilité d’urgence,
décès).
Pour ce faire, il convient pour la DRH d’identifier les postes clés au
regard de la stratégie de l’entreprise et des fonctions
critiques, de repérer les
individus susceptibles d’occuper ces postes et de s’assurer que les individus
sont intéressés par
cette perspective de mobilité professionnelle. La
définition de l’organigramme de remplacement peut faire apparaître des
pénuries
de suppléants internes pour certains postes. Cela représente un
risque important de dysfonctionnements en cas de départ des
personnes
concernées. Pour pallier ce risque, la DRH peut former et préparer deux ou
trois personnes capables de rapidement
remplacer une personne occupant
un poste stratégique.
Les organigrammes de remplacement constituent une source de
motivation pour les individus appelés à remplacer leur supérieur
hiérarchique et permettent de parer aux situations d’urgence qui peuvent se
produire. L’exemple de Christian Dior, qui n’avait
pas de plan de
remplacement pour son designer de mode John Galliano, illustre l’intérêt
des organigrammes de remplacement.
En mars 2011, Christian Dior a
décidé de licencier son designer après que celui-ci ait proféré des injures
raciales et antisémites
sur la voie publique. L’absence de remplaçant
potentiel en interne a conduit l’entreprise à rester pendant un an sans
directeur
de la création et à recruter en externe pour pourvoir le poste, en
l’occurrence Raf Simons, l’ancien directeur artistique
de la maison de
couture Jil Sander.
Focus
Les systèmes informatiques RH (SIRH)
Section 3
1 Les salariés
Les individus sont les premiers gestionnaires de leur carrière. Leurs
aspirations professionnelles peuvent converger ou diverger
avec les intérêts
de leur employeur. De plus, ces aspirations évoluent au cours du temps,
notamment sous l’influence de la
vie personnelle des individus. Par
exemple, dans le milieu hospitalier, les infirmières qui choisissent souvent
cette profession
par vocation, voient leurs aspirations professionnelle et
personnelle se modifier lorsqu’elles connaissent une maternité.
À court
terme, cette maternité peut s’accompagner d’un congé parental de longue
durée et, à moyen terme, par une réticence
au travail de nuit ou le week-
end, voire par un souhait de cesser une activité professionnelle. De même,
les salariés peuvent
souhaiter une mobilité mais, parfois, ils peuvent y être
réticents. Cette résistance peut être rationnelle si elle contrevient
aux
intérêts de l’individu. Elle peut également être subjective du fait d’une
nature humaine souvent réfractaire au changement.
Une mobilité
professionnelle signifie sortir d’une zone de confort psychologique et une
prise de risque.
Cinq figures de salariés peuvent être définies en fonction de leurs souhaits
de carrière.
1.1 Les ambitieux
Ils ont des ambitions importantes en termes de carrière, ils sont prêts à
s’investir dans l’entreprise, à faire des efforts
de formation et à accepter des
mobilités fonctionnelles et géographiques. En contrepartie, ils attendent une
rétribution de
la part de leur employeur, notamment par des promotions
professionnelles fréquentes. Cette population est pour l’essentielle
constituée de jeunes, diplômés de l’enseignement supérieur ou pas. Leur
situation familiale, célibataire et/ou sans enfant
facilite cet investissement
dans la vie professionnelle. L’enjeu pour la DRH est de leur offrir des
projets et des promotions
de carrière pour entretenir leur motivation et les
garder dans l’entreprise.
1.2 Les établis
Il s’agit de salariés qui ont atteint une certaine position dans l’entreprise,
qui sont performants dans leur poste et qui,
pour des raisons personnelles
liées à la vie familiale ou à l’intégration dans le tissu local, ne souhaitent
pas de promotion,
notamment lorsque celle-ci suppose une mobilité
géographique. Certains de ces salariés sont parfois identifiés comme des
hauts
potentiels par la DRH. Cependant, vouloir leur imposer une mobilité
peut entraîner leur démission et donc une perte de compétences
pour
l’entreprise. Ainsi, telle grande chaîne hôtelière internationale avait
identifié le directeur d’un de ses établissements
de la Côte d’Azur comme
étant un cadre à haut potentiel et souhaitait le promouvoir en lui proposant
de gérer l’ouverture
d’un nouvel établissement à Moscou. Pour des raisons
personnelles liées au fait que sa femme occupait un poste intéressant
à Nice,
que ses enfants y étaient scolarisés et que lui-même appréciait la qualité de
vie de la région, ce directeur a refusé
cette mobilité.
1.3 Les craintifs
La mobilité professionnelle suppose que l’individu accepte de sortir de la
zone de confort que constituent la maîtrise d’un
poste et l’appartenance à
une communauté de travail particulière pour de s’inscrire dans une mobilité
apprenante lui permettant
d’acquérir de nouvelles compétences et de
s’intégrer dans un nouveau collectif de travail. Cette évolution
professionnelle
peut susciter une résistance au changement dont la nature
est subjective et peut entraîner des comportements irrationnels.
Ce type de
réaction se rencontre notamment lors de restructurations industrielles qui
conduisent la DRH à proposer à certain
salariés des mobilités
fonctionnelles. Dans ce cas, au-delà de l’acquisition de compétences
techniques, la DRH a un rôle à
tenir dans l’accompagnement psychologique
du changement de carrière.
Les difficultés de France Telecom pour faire évoluer des salariés des
fonctions techniques vers des fonctions commerciales
illustrent cette
catégorie. Ces changements de carrières se sont parfois traduits par des
mobilités forcées. La souffrance
individuelle qu’a pu engendrer ces
transitions de carrière a été évoquée pour expliquer la vague de suicides
qu’a connu l’entreprise
dans les années 2009-2010.
1.5 Les nomades
Certaines personnes conçoivent leur emploi dans une entreprise comme
une forme d’investissement en formation qui leur permet
d’acquérir des
compétences chez un employeur réputé pour ensuite aller les monnayer
auprès d’un autre employeur ou, éventuellement
de créer leur propre
entreprise. Certaines grandes entreprises sont clairement perçues comme
une étape pour acquérir des compétences
et enrichir son curriculum vitae.
Ainsi, dans le secteur bancaire, Goldman Sachs est identifié par les
gestionnaires d’actifs qui souhaitent créer leur propre
fond d’investissement
comme étant un employeur pour lequel il est intéressant de travailler afin
d’acquérir des compétences
et une réputation (« track record ») qui
permettent ensuite de créer un fond d’investissement.
Certaines entreprises acceptent et, dans une certaine mesure, favorisent
ces mobilités externes. Elles entretiennent ensuite
un lien avec leurs anciens
salariés qui peuvent être de potentiels clients. Les grands cabinets d’audit
(PwC, Ernst&Young,
Deloitte et KPMG) sont considérés par les jeunes
diplômés de l’enseignement supérieur comme une étape intéressante de
quatre
ou cinq ans avant de se diriger vers des directions financières de
grandes entreprises. Un cabinet d’audit comme Ernst&Young,
dont la
gestion des ressources humaines s’appuie sur un taux de départ important
de ses auditeurs, entretient des relations
avec ses anciens salariés, dont de
nombreux sont employés par des grandes entreprises qui ont ou peuvent
avoir recourt aux
services du cabinet. Pour cela, l’entreprise a créé la
communauté Ernst&Young Alumni qui tient à jour un annuaire des anciens,
organise des rencontres et valorise certains membres qui connaissent un
succès notable.
2 Les managers
Les managers sont concernés par la carrière de leurs collaborateurs. A
priori, leur intérêt est de conserver les meilleurs éléments de leurs équipes
et de se séparer des moins performants. Cela peut
conduire à des
comportements de managers en contradiction avec les intérêts de
l’organisation. Les managers peuvent sous-évaluer
les hauts potentiels dans
le formulaire d’appréciation transmis à la DRH afin de ne pas favoriser leur
mobilité et, inversement,
sur-évaluer les moins performants pour favoriser
leur mobilité. De plus, une demande de mobilité interne d’un salarié peut
être mal interprétée par son manager. Ce dernier peut percevoir cela comme
une forme de trahison. Le risque est qu’en bloquant
la mobilité d’un
collaborateur performant, le manager entraîne sa démission.
Cependant, les managers opérationnels sont les mieux à même
d’identifier les hauts potentiels et les meilleurs experts qui
sont dans leurs
équipes. Ainsi, chez Leroy Merlin, les chefs d’équipe ont pour mission de
repérer les jeunes talents parmi
les vendeurs et de les former. Pour cette
raison, leur coopération au programme de gestion de carrière est
particulièrement
importante. Il convient qu’ils soient capables d’apprécier
la capacité de leurs collaborateurs à tenir d’autres postes. De
même, dans
les sociétés de conseil en management, il est souvent demandé aux chefs de
projet de mettre les consultants seniors
dans des positions de management
de consultants juniors afin d’évaluer leurs compétences managériales avant
d’envisager une
éventuelle promotion.
Il convient de définir un système incitatif pour motiver les managers à
contribuer à la détection et au développement des
hauts potentiels et des
experts. Une possibilité consiste à conditionner la mobilité d’un manager au
fait qu’il ait identifié
et formé son successeur au sein de son équipe. Ainsi,
chez Hewlett-Packard, un manager ne peut pas être promu s’il n’a pas
identifié et formé son remplaçant. Une autre pratique consiste à évaluer un
manager sur sa capacité à promouvoir des personnes
de ses équipes vers des
postes à responsabilité. Il s’agit d’inciter les managers à sponsoriser leurs
collaborateurs. Cette
pratique est notamment utilisée pour favoriser la
promotion des femmes. Dans ce cas, les managers sont évalués sur leur
capacité
à favoriser la promotion de leurs collaboratrices.
Focus
Un prestataire de service RH :
Section 4
[1]
Rousseau D. (1989), « Psychological and implied contracts in organizations », Employee
Responsibilities and Rights Journal, vol. 2, n°2, pp. 121-139.
[2]
Lazear E. et Rosen S. (1981), « Rank-Order Tournaments as Optimum Labor Contracts »,
Journal of Political Economy, 89(5), pp. 841-864.
[3]
Doeringer P., Piore M.J., (1971), Internal Labor markets and manpower analysis, DC Heath.
[4]
Les flèches représentent les flux de salariés.
Chapitre
La politique de formation
5
SOMMAIRE
Section 1 La rationalité de l’investissement en formation
Section 2 Nature des compétences et pratiques de formation
Section 3 Décision stratégique d’internalisation de la formation
Section 4 La gestion et la procédure de l’investissement en formation
Section 5 Conflits d’intérêts et jeux d’acteurs autour de la formation
DE L’INVESTISSEMENT EN FORMATION
Section 2
NATURE DES COMPÉTENCES
ET PRATIQUES DE FORMATION
Section 3
DÉCISION STRATÉGIQUE
D’INTERNALISATION DE LA FORMATION
Focus
Une pratique originale :
Section 4
LA GESTION ET LA PROCÉDURE
DE L’INVESTISSEMENT EN FORMATION
La définition et la mise en œuvre de la politique de formation constituent
un processus de gestion (figure 5.3) qui est piloté par le service de
formation et qui implique de nombreux acteurs internes (notamment les
managers, les experts
techniques et la direction financière) et externes
(notamment les organismes de formation et les pouvoirs publics).
2 L’ingénierie pédagogique
L’ingénierie en formation a pour objectif de définir le dispositif
pédagogique qui permet aux apprenants d’acquérir les compétences
visées.
La conception de la formation tient compte des différentes contraintes liées
à la nature des compétences à acquérir
(connaissances techniques, savoir-
faire ou compétences comportementales), aux capacités d’apprentissage des
individus (afin
par exemple d’éviter les cours magistraux pour les salariés
autodidactes ou mobiliser la capacité d’abstraction des diplômés
de
l’enseignement supérieur), aux exigences de la production (période de fort
ou de faible niveau d’activité), aux capacités
du service de formation et aux
limites budgétaires de l’entreprise.
La conception de modules de formation s’appuie sur la définition
d’objectifs pédagogiques mesurables à partir desquels les
modalités de
l’apprentissage sont définies, notamment le contenu, la durée et la forme
(séminaires, simulation de situation
de travail, stages in situ ou e-learning).
C’est à cette étape que peut être prise la décision d’internaliser la formation
ou de l’externaliser par
un appel d’offre auprès d’organismes externes.
Enfin, c’est à cette étape qu’est appréhendé le financement de la formation,
notamment le recours à des organismes extérieurs ou à des financements
publics. Il convient également de définir en interne
sur quel budget sera
imputé le coût de la formation entre celui de la direction de la formation et
celui de la direction opérationnelle
ou de la filiale à laquelle est rattaché le
salarié formé.
3 La planification
Dès lors que les besoins ont été identifiés et que les modalités
d’apprentissage ont été définies, l’enjeu pour un service
de formation
consiste à planifier les actions de formation. Il s’agit de coordonner les
disponibilités des apprenants avec
les contraintes de l’action de formation.
L’objectif est de savoir qui sera formé, où et quand.
Souvent ce processus se fait de manière ascendante. La direction des
ressources humaines propose des dates à travers la publication
d’un
catalogue de formation auxquelles s’inscrivent les participants en fonction
de leurs disponibilités. La formation est
confirmée lorsqu’un nombre
minimum de participants est atteint.
Le risque pour la direction des ressources humaines est que les
participants ne se présentent pas à la formation à cause de
contraintes
professionnelles de dernier instant. Par exemple, un conseiller bancaire n’a
pas pu se rendre à une formation
car dans son agence plusieurs personnes
étaient absentes du fait de maladie ou de prises de congés. La législation
prévoit
qu’un nombre minimum d’employés soient présents pour pouvoir
ouvrir une agence et les diverses absences amenaient les effectifs
sous le
seuil minimum si le salarié considéré suivait la formation prévue. L’objectif
de la planification est de tenir compte
de ce type de contraintes.
Une comptabilité qui impute les coûts de formation sur les entités qui
emploient les formés plutôt que sur le service formation
est un facteur qui
réduit l’absentéisme. En effet, un manager n’annulera la présence d’un de
ses collaborateurs à une action
de formation que pour des raisons justifiées
car le coût sera imputé sur son budget même en cas d’absence de son
collaborateur
à la formation. Inversement, si le coût de la formation est
imputé sur une autre entité, alors le manager opérationnel ne
supporte pas le
coût financier d’une annulation de la participation d’un de ses
collaborateurs. Ainsi l’imputation des coûts
de formation influence le
comportement des managers.
Cette coordination peut également être plus flexible par une forme de
décentralisation des inscriptions en formation. Par
exemple, à la Société
Générale, les salariés se voient assignés des objectifs de formation en
bureautique. La banque a créé
un libre-service de formation en bureautique
avec des modules d’une demi-journée. Les salariés s’inscrivent en
formation selon
leurs disponibilités et cela peut se faire dans des délais très
court (du jour au lendemain).
Enfin, lorsque cela est prévu par la législation, la planification de la
formation doit prévoir la soumission du plan de formation
aux représentants
des salariés.
5 L’évaluation
L’évaluation du processus de formation est un enjeu critique pour justifier
l’investissement en formation. L’évaluation suppose
la mesure. Il convient
de ce fait de définir des objectifs pédagogiques mesurables lors de la phase
d’ingénierie pédagogique.
L’objectif de la formation est d’accroître la valeur d’usage des individus,
c’est-à-dire de les rendre plus productifs par
l’acquisition de connaissances
ou l’apprentissage de nouveaux comportements. L’évaluation doit mesurer
les connaissances acquises,
l’évolution des comportements ou
l’amélioration des résultats induit par la formation.
L’étape de l’évaluation est particulièrement critique car il y a une
dimension symbolique importante à la fois pour l’apprenant,
mais
également pour le formateur et le manager. Les individus ont parfois des
difficultés à recevoir de manière constructive
des évaluations négatives et
sont généralement réfractaires à une quelconque remise en cause. De même,
les formateurs et les
managers vont avoir une certaine réticence à émettre
des jugements négatifs qui pourraient entraîner des situations conflictuelles.
Or, la réussite d’un dispositif pédagogique dépend aussi de la qualité des
« feedbacks », éventuellement négatifs, et de leur acceptation positive par
les apprenants pour enclencher les boucles d’apprentissage[5].
Il existe quatre niveaux d’évaluation d’une action de formation :
L’évaluation de la formation par les formés. Cette évaluation « à
chaud » par les apprenants doit être interprétée avec prudence car la
satisfaction des participants
ne constitue pas nécessairement un critère
de réussite pédagogique. Une formation exigeante, la remise en cause
de schémas
de représentation ou des méthodes pédagogiques
innovantes peuvent entraîner des résistances de la part des formés.
L’évaluation des connaissances acquises par les apprenants.
L’objectif est de s’assurer que les connaissances ont été acquises et que
les objectifs pédagogiques ont bien été atteints.
Cette évaluation est
l’œuvre du formateur et se fait sous forme de tests, d’exercices
d’application ou de mises en situation.
Cette évaluation constitue
également une forme de « feedback » pour le formateur sur la qualité
de sa pédagogie.
L’évaluation des changements de comportement dans l’activité
courante des individus. La formation n’est pas une finalité en tant
que telle mais un moyen pour faire évoluer le comportement
professionnel quotidien
des apprenants et améliorer leur efficacité.
L’objectif est d’identifier en quoi les connaissances acquises lors de la
formation
modifient la pratique professionnelle du formé. Cela ne
dépend pas que de ce dernier, mais également de l’organisation du
travail dans laquelle il évolue et de son manager. L’amélioration de la
performance suppose que l’environnement de travail
intègre l’usage
des compétences acquises. Il peut s’agir de pratiques managériales, de
savoirs comportementaux, de techniques
d’analyse ou de l’usage de
logiciels. Cette évaluation est l’œuvre du manager et/ou du service
formation.
L’évaluation de l’impact de la formation sur les résultats de
l’individu. L’objectif est de mesurer la variation de la performance de
l’apprenant qui a suivi la formation. Si la formation porte sur
les
techniques de réparation d’une machine, il s’agit de mesurer si la
vitesse et la fiabilité des réparations se sont améliorées.
Si la formation
porte sur des techniques de vente, il convient d’évaluer
l’accroissement du chiffre d’affaires du formé. L’évaluation
de
l’impact sur les résultats permet de mesurer l’impact de la formation
et, dans certains cas, de construire le modèle économique
de l’action
de formation en mesurant ses coûts et ses bénéfices. Cette évaluation
est du ressort du manager ou du service
de formation et doit être
effectuée plusieurs semaines, voire plusieurs mois après la formation.
Cas d’entreprise
Le e-learning : l’usage des serious games au Crédit Agricole[6]
L’IFCAM (Institut de Formation du Crédit Agricole) s’est appuyé sur
la nature ludique du jeu pour faciliter l’apprentissage
de techniques
bancaires via un dispositif de e-formation. Le serious game permet de
reconstituer un environnement de travail réel et rend de ce fait le
processus d’apprentissage plus concret. À travers
des situations
ludiques, l’individu devient un acteur de son apprentissage. De plus, le
jeu permet de mobiliser les émotions
pour accélérer et ancrer les
apprentissages.
Ainsi, le centre de formation a conçu un serious game pour former les
conseillers bancaires à la lutte contre la fraude documentaire. Dans le
jeu, le conseiller est mis en situation
de gestion d’une base de
prospects ou de clients constituée de 20 personnes. Grâce aux
algorithmes du jeu, l’apprenant rencontre
à chaque fois six clients, et
les types de fraudes sont très différents d’une session à l’autre. Dans
une session, un client
peut être un fraudeur, et la fois d’après ne plus
l’être. L’objectif pédagogique est d’apprendre aux conseillers à être
attentifs
aux fraudes subtiles que les clients peuvent faire en modifiant
des documents officiels pour obtenir un prêt ou un service
de la
banque. Le but est également d’insister sur la nécessaire vigilance
permanente car un fraudeur peut avoir été pendant
plusieurs années un
client honnête.
Le jeu, dont une séquence dure entre 20 et 30 minutes, permet de
vérifier que les connaissances sont bien acquises. Lorsqu’un
apprenant
n’a pas trouvé une fraude au cours du jeu, il est renvoyé vers le
document falsifié et un message lui explique en
quoi il est falsifié et
comment le repérer. Cette fonctionalité permet d’assurer un feedback
constructif à l’apprenant.
Les serious games présentent plusieurs avantages. Ils permettent une
plus grande implication des apprenants du fait de la dimension ludique
et de l’interactivité. Ils rendent possible un enseignement à distance
individualisé. Enfin, ils valorisent la formation par
son caractère
innovant. Cependant, ils nécessitent une ingénierie pédagogique
adaptée, s’appliquent plutôt à des savoirs-faire
procéduraux qui offrent
une variabilité réelle, ils nécessitent l’implication d’experts du contenu
et d’experts techniques.
Section 5
CONFLITS D’INTÉRÊTS
Une autre stratégie des entreprises consiste à transférer sur les pouvoirs
publics ou les individus l’investissement en formation.
Cette stratégie est
d’autant plus réalisable que le taux de chômage est élevé. L’exemple de
Swatch Group est à cet égard illustratif.
Dans les années 2010, le groupe
horloger suisse a connu une croissance importante de son chiffre d’affaires
qui a rendu nécessaire
le recrutement de nombreux ouvriers qualifiés dans
les métiers de l’horlogerie. En Suisse, il y avait une pénurie de compétences
en la matière et le faible taux de chômage n’incitait pas les individus où les
pouvoirs publics à prendre en charge les investissements
en capital humain.
A priori, le groupe horloger aurait dû assurer le financement de la formation
de ses ouvriers. Cependant, l’entreprise est proche
de la frontière française
et de la région Franche-Comté qui connaît un fort taux de chômage (11 %
contre 3 % en Suisse). L’entreprise
Swatch Group a implanté une usine à
Boncourt dans le Jura suisse (à deux kilomètres de la frontière française)
pour respecter
l’obligation de fabriquer ses montres sur le territoire
helvétique afin de bénéficier du label « Swiss made ». Swatch Group
a
ensuite recruté pour cette usine des chômeurs français qui ont été formés à
Montbéliard (Doubs) dans des lycées publics
(notamment le Lycée Edgar
Faure – Morteau) aux métiers de l’horlogerie. La formation a donc été
financée par la Région Franche-Comté
et les pouvoirs publics français à
travers Pôle Emploi. La libre circulation des personnes entre l’Union
Européenne et la
Suisse permet au Swatch group de recruter sans contrainte
des salariés français pour travailler dans le canton du Jura suisse
et de
transférer les coûts de formation sur les pouvoirs publics et les travailleurs
français. Il y a ainsi une convergence
d’intérêt entre une entreprise, qui
cherche à recruter des ouvriers qualifiés, et des pouvoirs publics qui sont
prêts à réaliser
un investissement en formation pour accroître
l’employabilité de chômeurs et leur permettre de retrouver un emploi.
Focus
Une pratique originale d’investissement
en formation
Les clubs de football sont des entreprises qui investissent en
formation et rentabilisent ces investissements en vendant des
joueurs.
Ces investissements sont d’autant plus rentables que le règlement de
la FIFA (Fédération Internationale de Football
Association) prévoit,
dans son article 20, qu’en cas de transfert « des indemnités de
formation sont redevables à l’ancien
club où le joueur a signé son
premier contrat professionnel[8] » et, selon l’article 21, que « si un
professionnel est transféré avant l’expiration de son contrat, le ou les
clubs qui
ont participé à la formation et à l’éducation du joueur
reçoivent une partie de l’indemnité versé à l’ancien club
(contribution
de solidarité) ». Un joueur est considéré en formation
entre son 12e et son 23e anniversaire. Chacune des quatre premières
années (de 12 à 15 ans) donne droit à 0,25 % de l’indemnité totale de
transfert
et les huit suivantes (de 16 à 23 ans) donnent droit à 0,5 %
de l’indemnité totale de transfert. Outre l’intérêt pour améliorer
les
performances sportives du club, l’investissement dans la formation
des joueurs peut être rentabilisé par la vente de ces
joueurs à d’autres
clubs. La durée du contrat restant à courir détermine le prix de vente
du joueur. Les clubs ont intérêt
à prendre les joueurs sous contrat le
plus jeune possible et à leur offrir des contrats le plus long possible
pour optimiser
la valeur des transferts.
L’exemple de l’Olympique Lyonnais est à cet égard intéressant.
L’attaquant Karim Benzema, a commencé sa formation à l’âge
de 9
ans au centre de formation du club. À 17 ans (saison 2004-2005), il
commence sa carrière de joueur professionnel à l’Olympique
Lyonnais en signant un contrat professionnel de 3 ans (jusqu’en
2007). La saison suivante, à 18 ans (saison 2005-2006), alors
que ses
performances s’améliorent, l’Olympique Lyonnais prolonge son
contrat jusqu’en 2010. À 20 ans (saison 2007-2008), l’Olympique
Lyonnais prolonge son contrat jusqu’en 2012. En mars 2008, le club
prolonge encore son contrat jusqu’en 2013 avec une option
pour une
année supplémentaire. En juillet 2009, l’Olympique Lyonnais vend
Karim Benzema au Real de Madrid pour un montant
de 35 millions
d’euros. Cette somme correspond au rachat des quatre années de
contrat restant plus l’option de prolongation.
Enfin, au cas où le Real
de Madrid revendrait Karim Benzema à un autre club, l’Olympique
Lyonnais percevrait un pourcentage
du montant du transfert
déterminé par le nombre d’années de formation que le joueur a
effectué dans le club.
[1]
Centre d’Etudes et de Recherches sur les Qualifications.
[2]
G. Becker (1962), « Investment in Human Capital: a theoretical analysis », The Journal of
Political Economy, vol. 70, n°5, pp. 9-49.
[3]
Ferrary M. et Blanchot-Courtois V. (2009), « Valoriser la R&D par des communautés de
pratique d’intrapreneurs », Revue Française de Gestion, Vol. 195, pp. 93-110.
[4]
Ferrary M. (1994), « Dualisme du marché du travail. Coûts de transaction, investissements de
forme et comportements stratégiques
des acteurs sociaux », Revue Française d’Économie, Vol.
IX, 4, pp. 85-135.
[5]
Argyris C. et Schön D. (2002), Organizational Learning: a Theory of Action Perspective,
Addison-Wesley, 328 p.
[6]
Crédit Agricole (2013), « Entre e-learning et serious games », Libre Blanc, 30 p.
[7]
Ferrary M. (2002), « Les conséquences de la dérégulation d’un monopole sur sa politique
d’investissement en capital humain.
Le secteur des télécommunications », Revue d’Économie
Industrielle, n°100, pp. 63-92.
[8]
« Les indemnités de formation sont déterminées en prenant les coûts de formation du nouveau
club et en les multipliant par
le nombre d’années de formation à compter en principe de la saison
du 12ème anniversaire du joueur jusqu’à la saison de son 21ème anniversaire ». Règlement FIFA,
p. 41
Chapitre
La politique d’évaluation
6
SOMMAIRE
Section 1 Les objectifs de l’évaluation des ressources humaines
Section 2 Les enjeux humains de la politique d’évaluation
Section 3 Le processus d’évaluation des performances individuelles
Section 1
LES OBJECTIFS DE L’ÉVALUATION
DES RESSOURCES HUMAINES
1 L’évaluation de ressources humaines
différenciées
La politique d’évaluation vise à mesurer la performance des salariés et à
identifier les facteurs qui déterminent cette performance.
Les résultats
positifs ou négatifs d’un individu dépendent de plusieurs facteurs. Ils
peuvent être liés à des facteurs qui
sont extrinsèques à l’individu tels que la
conjoncture sur le marché de l’entreprise, l’état de l’outil de production,
l’organisation
de l’activité ou encore des phénomènes inattendus tels que
des accidents ou des crises politiques. La performance peut également
être
liée à des facteurs intrinsèques au salarié, notamment en termes de
compétences et de motivation. Dans ce cas, la performance
d’un individu
est la combinaison de l’adéquation de ses compétences avec les besoins de
l’entreprise et de sa motivation à
accomplir la mission qui lui est confiée
par son employeur.
La politique d’évaluation des ressources humaines vise à apprécier quatre
dimensions liées aux salariés. La première consiste
à évaluer la
performance des individus dans leur poste de travail. La seconde analyse les
compétences des individus comme
autant de soubassements à la
performance individuelle. Dans une perspective dynamique, la troisième
dimension cherche à évaluer
la capacité d’évolution de l’individu vers
d’autres fonctions. Enfin, la quatrième dimension relève de la motivation de
l’individu
dans son poste de travail et de sa motivation à évoluer dans
l’organisation.
Les besoins en ressources humaines des organisations évoluent. Ces
évolutions rendent certaines compétences obsolètes et elles
nécessitent
aussi l’acquisition de nouvelles compétences. De même, la motivation des
individus à s’impliquer dans l’organisation
augmente ou diminue en
fonction d’éléments personnels ou de la politique de l’entreprise. Du fait de
ces évolutions organisationnelles
et individuelles, les ressources humaines
deviennent progressivement un groupe hétérogène au sein de l’entreprise.
L’enjeu
de la politique d’évaluation est d’identifier les différentes catégories
de salariés afin de mettre en œuvre des pratiques
de GRH différenciées et
adaptées pour les faire évoluer de manière constructive en fonction de leurs
compétences et des besoins
de l’entreprise.
À partir d’une dimension liée aux compétences des salariés et d’une autre
liée à leur motivation, quatre populations peuvent
être identifiées au sein de
l’organisation et induire des pratiques de GRH différenciées (figure 6.1).
Les talentueux. Il s’agit de salariés performants dont les compétences
correspondent aux besoins de l’organisation et qui sont motivés par
le
système incitatif proposé par l’entreprise que ce soit en termes de
rémunération ou de gestion des carrières. L’enjeu en
matière de
management des ressources humaines est de valoriser ces salariés et de
s’appuyer sur eux pour mettre en œuvre la
stratégie de l’entreprise.
Les sérieux. Il s’agit de salariés dont le degré d’implication dans
l’organisation est élevé mais dont les performances peuvent être
pénalisées
par un manque de compétences. Par exemple, un brillant
ingénieur qui est promu chef d’équipe peut ne pas être performant dans
ses nouvelles responsabilités d’encadrement. Cette situation ne résulte
pas de la motivation de l’individu mais de ses compétences
managériales. L’enjeu en matière de GRH est de permettre à cette
personne d’acquérir les compétences nécessaires et de la
faire évoluer
vers la catégorie des « talentueux ». Les pistes d’amélioration relèvent
de l’apprentissage et non pas du système
incitatif. Le risque est de
démotiver le salarié si celui-ci est sanctionné pour de piètres résultats
liés à son manque de
compétences alors que cela est lié à un défaut
d’action de formation adaptée de la part de son employeur. Une erreur
d’interprétation
des performances individuelles peut conduire à des
pratiques inadaptées et faire basculer le salarié dans la catégorie des
« dangereux » en le démotivant.
Les désabusés. Il s’agit de personnes qui détiennent des compétences
nécessaires au fonctionnement de l’organisation mais qui ne sont pas
motivées par le système incitatif de l’entreprise. Elles sont en situation
de retrait et mobilisent parfois à minima leurs
compétences. L’enjeu
managérial consiste à définir un contrat incitatif adapté en termes de
rémunération, de gestion des carrières,
voire de reconnaissance
symbolique pour remotiver ces salariés et éviter qu’ils basculent dans
la catégorie des « dangereux ».
Les pistes d’amélioration relèvent plus
du système incitatif pour accroître la motivation et moins de la
formation pour développer
les compétences.
Les dangereux. Il s’agit de personnes qui se caractérisent par leur
incompétence et leur démotivation. Cet état peut résulter d’erreurs
de
management de la part de l’employeur ou d’une évolution personnelle
des individus. Leur présence dans l’organisation est
contre-productive
et ils peuvent avoir une influence négative sur la performance des
autres salariés.
Il convient dans ce cas de se séparer de ces salariés en organisant leur
mobilité externe pour les aider à trouver un autre
environnement de travail
dans lequel ils soient motivés et qui corresponde à leurs compétences.
Focus
Une nouvelle technologie appliquée
au processus d’évaluation
Les nouvelles technologies offrent des opportunités en matière
d’évaluation et de fixation d’indicateurs de performance. Par
exemple, en ce qui concerne les agents commerciaux itinérants, ces
derniers ont longtemps bénéficié d’une grande autonomie
et d’une
grande liberté d’action. Ils sont souvent évalués sur l’atteinte
d’objectifs commerciaux et non pas sur les moyens
de les atteindre.
Cette autonomie et cette indépendance contribuent à rendre la
fonction commerciale attractive pour certaines
personnes.
De nombreux directeurs commerciaux sont conscients que certains de
leurs agents commerciaux itinérants atteignent leurs objectifs
sans
réellement travailler à temps plein, notamment lorsqu’ils détiennent
un portefeuille de clients de grande qualité. Le
souhait d’un manager
peut être de s’assurer que ses commerciaux optimisent leur temps de
travail en prenant un maximum de
rendez-vous pour accroître leur
chiffre d’affaires. Cependant, les possibilités de contrôle ont été
pendant longtemps réduites
ou coûteuses.
Les nouvelles technologies, notamment par l’intermédiaire des
agendas électroniques partagés consultables à distance par les
managers permettent de contrôler le nombre de rendez-vous pris par
un agent commercial et de fixer des objectifs de prise
de rendez-vous.
Le partage d’agenda permet également à des téléopérateurs de
prendre des rendez-vous pour les agents commerciaux.
Les nouvelles technologies permettent de suivre de nouveaux
indicateurs de performance, en l’occurrence celui de la prise
de
rendez-vous. Cependant, la mise en œuvre d’un tel système peut
susciter une résistance de la part des agents commerciaux
car il est
perçu comme une forme de contrôle (« un flicage ») pour une
catégorie de salariés accoutumés à une grande liberté
professionnelle.
D’ÉVALUATION
Section 3
LE PROCESSUS D’ÉVALUATION
DES PERFORMANCES INDIVIDUELLES
L’objectivité du système d’évaluation fonde son équité et sa légitimité
dans l’entreprise. On retrouve au sein de l’organisation
l’importance décrite
par Weber[4] dans les sociétés occidentales d’une légitimité basée sur la
nature rationnelle-légale du support de la décision. Le caractère
objectif et
scientifique du processus d’évaluation détermine sa légitimité. Au-delà de
sa légitimité, qui explique le sentiment
d’équité perçue par les salariés, cette
objectivité fonde aussi sa légalité en cas de contestation de l’évaluation et
de ses
conséquences devant un tribunal.
La DRH est responsable de l’équité, de la légalité et de la qualité du
système d’évaluation. Pour cela, il convient, d’une
part, de définir un
processus d’évaluation transparent et cohérent et, d’autre part, d’impliquer
les acteurs concernés par
le processus d’évaluation, notamment les salariés
et les managers.
La politique d’évaluation des salariés s’appuie sur un processus de
gestion qui constitue un cycle récurrent (figure 6.2). L’enjeu pour la DRH
est de définir un processus transparent et cohérent qui assure la convergence
entre les intérêts des
salariés et ceux de l’organisation. Le processus
d’évaluation se caractérise par différentes étapes, chacune d’entre elle
donne lieu à une nécessaire coordination avec d’autres pratiques de GRH.
Au-delà de la mesure de la performance, la politique
d’évaluation constitue
également une action de communication ascendante et descendante entre
l’employeur et ses salariés.
Les managers en charge de l’évaluation sont des
acteurs clés de ce processus et de cette communication.
Figure 6.2 – Le processus d’évaluation et les pratiques de GRH
Cas d’entreprise
Un prestataire de service de l’évaluation des ressources humaines :
Mercer
La définition de critères objectifs d’évaluation des résultats individuels
des salariés pour y indexer de manière équitable
la politique de
rémunération est un exercice complexe qui nécessite parfois un
outillage managérial conséquent. Cet exercice
est d’autant plus
difficile lorsqu’il s’agit, au sein de la même entreprise, de comparer
des fonctions différentes dans des
pays différents. Des cabinets de
conseil en GRH comme Aon Hewitt, Hay Group, Mercer ou Towers
Watson ont développé des méthodologies
d’évaluation des ressources
humaines.
Par exemple, Mercer, le cabinet de conseil en gestion des ressources
humaines (40 bureaux dans le monde et environ 19 000
salariés), a
défini une méthode d’évaluation des postes (et non des individus qui
les occupent), la International Position Evaluation, qui mesure leurs
contributions au fonctionnement de l’organisation. Cette évaluation se
fait à partir de 5 critères :
L’impact qui mesure quelles responsabilités l’occupant du
poste exerce sur les résultats ou les actifs de
l’organisation.
La communication qui évalue l’importance de l’occupant
du poste en matière de communication interne ou externe.
L’innovation qui identifie le rôle plus ou moins important
de la créativité dans le poste considéré.
Le knowledge qui évalue le poste en fonction de la nature
et de la complexité des connaissances à maîtriser par celui
qui l’occupe.
Le risk qui mesure les risques mental, physique et
environnemental auxquels est exposé l’occupant du poste.
Chacune des dimensions se mesure en points. Ce système métrique
permet d’évaluer l’importance d’un poste relativement aux
autres en
fonction de son impact sur l’organisation, mesurée en nombre de
points, et d’adapter la politique de rémunération
en fonction de cette
évaluation. Cette méthodologie permet de définir une politique de
rémunération équitable qui s’appuie
non pas sur les performances des
salariés mais sur l’importance du poste qu’ils occupent.
[1]
Kaplan R.S. et Norton P. (2003) Le tableau de bord prospectif, Les Editions d’Organisation, 311
p.
[2]
Drucker P. (1952), The Practice of Management, Harper & Row, 416 p.
[3]
Fritz Heider (1958), « The Psychology of Interpersonal Relations », LEA Editor, 323 p.
[4]
Weber M. (1921), Économie et Société, Plon (1971), 452 p.
Chapitre
La politique
7 de rémunération
SOMMAIRE
Section 1 Politique salariale et politique de rémunération
Section 2 La rémunération comme facteur d’attractivité sur le marché du
travail
Section 3 La rémunération comme facteur de motivation des individus au
sein de l’organisation
Section 4 Les parties prenantes de la politique de rémunération
Section 5 Les systèmes de rémunération
Section 6 Politique de rémunération et innovation managériale
Section 1
POLITIQUE SALARIALE
ET POLITIQUE DE RÉMUNÉRATION
1 Politique salariale
L’exactitude et la ponctualité du versement des rémunérations sont un
enjeu administratif important de la GRH dont dépend
le bon
fonctionnement de l’organisation. Une entreprise peut avoir une excellente
stratégie, détenir d’excellentes technologies
et concevoir des produits de
grande qualité, tout cela ne se traduit en chiffre d’affaires et en profits que si
les individus
censés faire fonctionner l’organisation le font. La participation
effective des salariés suppose qu’ils soient rétribués pour
leur travail. La
mission première d’un DRH est de s’assurer que le paiement des salariés est
réalisé le jour prévu et du montant
prévu. Si cette condition première n’est
pas remplie, alors l’efficacité de toutes les autres pratiques de GRH (gestion
de
carrières, évaluation, formation, etc.) est remise en cause et la pérennité
même de l’entreprise peut en pâtir.
Cependant, il y a une généralisation des systèmes de gestion
administrative de la paie pour prendre en charge cette dimension
de la
GRH. Cela se fait soit par le recours au sein de l’entreprise de progiciels de
gestion dédiés à la paie (notamment GSI,
Peoplesoft ou SAP), soit par une
externalisation à des sous-traitants spécialisés, éventuellement auprès d’un
centre agréé
de gestion pour les très petites entreprises. L’existence de
progiciels de gestion de la paie et d’une offre structurée de
sous-traitants
permet aux DRH de s’affranchir des questions administratives relatives aux
salaires pour se focaliser sur les
dimensions stratégiques et politiques que
recouvre la gestion des rémunérations et de la masse salariale.
La rétribution des salariés est au centre de la relation contractuelle entre
les employeurs et les employés. Les individus
vendent leur force de travail
contre une rémunération. Cependant, la relation salariale ne se limite pas à
une relation économique
interindividuelle entre l’employeur et l’employé.
La détermination des salaires résulte de la conjonction de plusieurs
mécanismes
au niveau individuel, organisationnel et sociétal.
La théorie économique permet un premier niveau de problématisation des
enjeux liés à la rémunération. Au niveau individuel,
l’analyse utilitariste
s’appuie sur la « désutilité » du travail pour expliquer le comportement des
travailleurs. Ces derniers
renoncent à leur temps de loisirs pour travailler
afin de percevoir un salaire nécessaire pour acquérir les biens
indispensables
à leur existence (nourriture, logement, santé, etc.). Les
travailleurs font donc un arbitrage entre leur temps de loisirs
et leur temps
de travail. Cet arbitrage dépend du niveau de salaire offert par l’employeur.
Plus le niveau de rémunération
est élevé et plus le nombre de personnes
désireuses de renoncer à leur temps de loisirs pour vendre leur force de
travail
est élevé.
Les contributions de la psychologie et de la sociologie montrent que le
comportement des travailleurs ne se réduit pas à une
analyse utilitariste.
D’autres dimensions interviennent pour expliquer le comportement des
individus. Des mécanismes psychologiques
tels que l’intérêt intrinsèque
pour l’activité ou des mécanismes sociologiques tel que le besoin
d’appartenance à un groupe
social sont autant de facteurs justifiant le
souhait des individus d’appartenir au monde du travail. Enfin, le sentiment
d’équité
qu’éprouvent ou non les salariés à l’égard de leur rétribution et le
tabou social qui peut exister autour de la rémunération
influencent
également la politique salariale de l’entreprise.
Au niveau organisationnel, le coût de production que représente la
rémunération des travailleurs détermine trois types de
décisions
stratégiques. D’une part, il détermine la rentabilité du travail et justifie
l’intérêt pour l’employeur de recruter
ou non un travailleur. D’autre part, ce
sont les différences géographiques en matière de rémunération qui dans
certains cas
justifient les choix de délocalisation des grandes firmes
internationales. Enfin, c’est le coût de la force de travail qui
détermine
l’intérêt de la substitution du travail par du capital technique et justifie des
choix de robotisation et d’automatisation
du processus de production.
Au-delà de cette dimension économique, d’autres dimensions
interviennent pour déterminer la politique salariale de l’entreprise.
Le cadre
légal fixé par les pouvoirs publics, les conventions collectives et les accords
d’entreprise déterminent la politique
salariale mise en œuvre par la DRH.
Ce cadre légal résulte de négociations politiques entre les parties prenantes
et constitue
l’environnement contraignant dans lequel la logique
économique se déploie.
La rationalité des acteurs est également encastrée dans des conflits
sociaux et des négociations entre les employeurs et les
employés.
L’entreprise est un lieu de création de valeur que l’employeur et les salariés
vont essayer de s’approprier de manière
légitime. L’analyse marxiste, qui
constitue un schéma dominant de représentation des relations
professionnelles, fait d’ailleurs
de l’appropriation de cette valeur ajoutée
l’enjeu de la lutte des classes. Cet enjeu explique pourquoi les négociations
entre
les employeurs et les salariés portent souvent sur les rémunérations.
Enfin, la politique salariale de l’entreprise ne se réduit pas à la relation
entre les employeurs et les employés. Plusieurs
autres parties prenantes
interviennent et interagissent dans la relation salariale entre un employeur et
ses employés. Les
pouvoirs publics, les syndicats, les médias et l’opinion
publique sont autant d’acteurs qui peuvent influencer la politique
salariale
d’une entreprise. L’exemple de Daniel Vasella, PDG du groupe
pharmaceutique suisse Novartis, illustre l’influence
des parties prenantes
sur la politique salariale de l’entreprise. En 2013, au moment de son départ
à la retraite, M. Vasella
avait négocié avec le conseil d’administration de
Novartis, représentant des actionnaires propriétaires de l’entreprise, une
prime de départ de 72 millions de francs suisses. Cette indemnité visait à
compenser pendant six ans une clause de non-concurrence.
Ce contrat,
qualifié de « parachute doré » entre un employeur, Novartis, et un de ses
employés, M. Vasella, était juridiquement
légal. Cependant, l’annonce de ce
contrat a été faite au moment où les citoyens helvétiques devaient voter sur
l’initiative
Minder, lancée contre l’avis du gouvernement et du parlement
suisses, dont la finalité était de limiter les rémunérations
abusives des
dirigeants d’entreprise. Dans ce contexte, l’annonce du contrat du PDG de
Novartis a été perçue comme une provocation
par l’opinion publique suisse
et les médias ont fortement relayé cette annonce en la critiquant. Certains
gestionnaires de
fonds d’investissement se sont prononcés contre cette
indemnité de départ. Parallèlement, le syndicat patronal, Economiesuisse,
dont M. Vasella était membre du comité directeur, mena une campagne
virulente contre l’initiative Minder alors que les électeurs
suisses y étaient
favorables (l’initiative a finalement reçu 67,9 % de votes favorables). Cette
campagne ne fit que renforcer
au sein de l’opinion publique le sentiment
d’inégalité entre les travailleurs et les dirigeants des grandes entreprises. La
pression de l’opinion publique et la campagne médiatique ont finalement
conduit M. Vasella à renoncer à son « parachute doré »
et à s’exiler aux
États-Unis. Cet exemple illustre à l’extrême l’influence de l’intervention de
parties prenantes extérieures
à l’entreprise sur sa politique salariale.
La politique salariale d’une organisation est ainsi déterminée par une
multitude de mécanismes qui interagissent et qui sont
plus ou moins
antagonistes. La complexité de la politique salariale est liée à la gestion
simultanée des différentes contraintes
et des différentes parties prenantes.
La politique de rémunération est principalement soumise à trois
contraintes managériales : la rationalité budgétaire liée
au contrôle de la
masse salariale, l’attractivité externe pour favoriser la capacité de
l’organisation à recruter sur le marché
du travail et l’équité interne pour
assurer au sein de l’organisation la motivation et la coopération des
ressources humaines
mobilisées.
Figure 7.1 – Les trois contraintes managériales de la politique de
rémunération
2 Politique de rémunération
L’analyse de la politique de rémunération d’une entreprise vise à explorer
les différentes dimensions de la relation salariale
entre l’employeur et le
travailleur au niveau microéconomique. D’un point de vue légal, le salaire
se définit comme la rémunération
de l’activité du travailleur, lié par un
contrat de travail à un employeur, en contrepartie de la mise à disposition de
sa
force de travail. Le contrat de travail est un contrat synallagmatique au
sens où, contre une rémunération, le salarié accepte
de se soumettre à
l’autorité de l’employeur. Il est également incomplet dans la mesure où, au
moment de sa conclusion, le
contrat ne fixe pas précisément toutes les
activités que doit accomplir le salarié. Sauf exception, le contrat de travail
est établi sur une période indéterminée.
Au-delà de la dimension légale, la rémunération peut être appréhendée
sous trois dimensions différentes. La rémunération a
une dimension
économique qui correspond au prix de marché que doit payer l’employeur
pour recruter des travailleurs. À cet
égard, l’employeur est confronté à la
concurrence des autres entreprises sur des segments spécifiques du marché
du travail.
En ce qui concerne le travailleur, la rupture du contrat de travail
signifie une perte de revenus. La probabilité de rupture
du contrat de travail
influence l’espérance de gains du salarié et donc son comportement et sa
motivation. La politique de
rémunération a aussi une dimension
sociologique au sens où elle correspond à un mécanisme de valorisation
sociale qui contribue
à établir une hiérarchie professionnelle entre les
travailleurs à l’intérieur et à l’extérieur de l’organisation. Cette dimension
sociologique est également déterminante dans le sentiment d’équité ou
d’iniquité que peuvent ressentir les travailleurs dans
la mesure où c’est la
comparaison avec le traitement réservé aux pairs qui détermine le sentiment
de justice ressenti par
un individu. Enfin, la politique de rémunération a une
dimension psychologique dans la mesure où elle traduit pour un individu
le
degré de reconnaissance de son travail par son employeur. À cet égard, la
rémunération est une composante importante du
contrat psychologique
entre le salarié et son employeur.
La conjonction de ces trois dimensions (économique, sociologique et
psychologique) fait de la politique de rémunération un
levier majeur de la
motivation des salariés. Ces dimensions interagissent, parfois de manière
contradictoire, rendant nécessaire
une réelle créativité managériale de la
part des DRH pour gérer les tensions entre ces dimensions. La capacité du
DRH à concevoir
un contrat incitatif est un enjeu stratégique pour
l’organisation ; notamment dans les situations d’asymétrie d’information
entre l’employeur et l’employé où le premier ne peut pas contrôler à un coût
raisonnable l’activité du second.
En ce qui concerne les pratiques et les outils de la politique salariale
d’une organisation, on peut distinguer trois niveaux
d’analyse. Le premier
concerne le niveau du salaire de base, le second relève de la rémunération
pour inclure les éléments
monétaires et économiques autres que le salaire
(bonus, primes, avantages en nature, assurance santé, système de retraite,
etc.) et, le troisième, est celui de la rétribution pour prendre en compte les
éléments psychologiques et sociologiques qu’apporte
l’entreprise au
travailleur en contrepartie de la mise à disposition de sa force de travail.
L’analyse de la politique de rémunération est confrontée à deux
problématiques différentes selon que l’on considère la phase
préalable au
recrutement ou celle de la phase postérieure, qui correspond au
management de la personne recrutée. La première
est liée aux mécanismes
concurrentiels du marché du travail et à l’attractivité de la rémunération
offerte par l’organisation
relativement aux rémunérations proposées par les
employeurs concurrents au moment du recrutement. La seconde relève du
caractère
incitatif ou non du contrat salarial pour motiver les salariés à
remplir la mission qui leur est confiée dans l’entreprise.
Ce caractère
incitatif dépend de la nature de la rétribution offert par l’entreprise pour
rétribuer l’effort consenti par
les salariés et du sentiment d’équité perçu par
les travailleurs.
Enfin, le système de rémunération de l’entreprise est soumis à l’influence
de plusieurs parties prenantes telles que les pouvoirs
publics, les
organisations syndicales et les médias qui interviennent directement ou
indirectement sur la politique salariale
mise en œuvre par l’organisation.
Dans un temps est analysé le rôle de la politique de rémunération dans
l’attractivité de l’organisation sur le marché du travail
(section 2). Ensuite,
la politique de rémunération est appréhendée dans sa capacité à constituer
un contrat incitatif équitable pour
motiver les salariés au sein de
l’organisation (section 3). Dans un troisième temps, les différentes parties
prenantes impliquées dans la définition de la politique de rémunération
sont
présentées (section 4). Dans la section suivante, quatre systèmes de
rémunération différents sont présentés ; chacun ayant des avantages et des
inconvénients pour répondre aux différentes tensions auxquelles est
soumise la politique de rémunération (section 5). Finalement, dans une
dernière partie est exploré le rôle de la créativité salariale dans le
management des ressources humaines
(section 6).
Section 2 LA RÉMUNÉRATION COMME
FACTEUR D’ATTRACTIVITÉ
SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Cas d’entreprise
Un prestataire de service : les enquêtes de rémunération d’Aon-
Hewitt
La rémunération versée à un salarié est un prix de marché, celui d’une
ressource humaine acquise sur le marché du travail.
Cependant,
l’information sur ce marché est imparfaite et cela influence le
comportement des agents. Concrètement, un employeur
qui souhaite
recruter un salarié doit lui faire une proposition de rémunération qui
soit attractive par rapport aux autres
recruteurs potentiels. De même,
une entreprise qui souhaite conserver un talent doit savoir si ses
rémunérations sont suffisamment
compétitives pour retenir ses
salariés.
Cette imperfection de l’information a créé une opportunité de marché
pour des cabinets de conseil en ressources humaines qui
collectent les
données auprès des entreprises et les synthétisent pour définir un prix
de marché selon les fonctions, les
pays, les secteurs industriels et la
taille des entreprises.
Aon Hewitt est l’un de ces cabinets de conseil qui établit des
benchmarks de rémunération. Ainsi, pour chaque fonction, à
partir de
la compilation de données de plusieurs entreprises, Aon Hewitt fournit
le quartile inférieur et supérieur, le niveau
moyen et le niveau médian
pour le salaire de base, le bonus, les autres périphériques de la
rémunération et la rémunération
totale. Ces informations permettent à
l’employeur de savoir si la rémunération qu’il offre est supérieure ou
inférieure au
prix de marché. Dans le premier cas, son attractivité et sa
capacité de rétention sont élevées. Dans le second cas, les risques
de
démission et les difficultés de recrutement peuvent être plus
importants.
Aon Hewitt publie chaque année le Global Salary Planning Report qui
couvre une centaine de pays et plus de 500 fonctions différentes.
L’étude permet aux DRH d’avoir une idée précise du
positionnement
de la politique salariale de l’entreprise par rapport à ses concurrents sur
le marché du travail et de prendre
des décisions managériales en
fonction de l’évolution des rémunérations et des différences selon les
pays.
Section 3
LA RÉMUNÉRATION COMME
AU SEIN DE L’ORGANISATION
Section 4
DE RÉMUNÉRATION
1 Les managers
L’émergence de la grande entreprise a érigé les managers comme étant
une catégorie professionnelle spécifique entre les actionnaires
et les
employés[4]. Les dirigeants d’entreprise, salariés non-actionnaires mandatés
par les actionnaires, sont porteurs d’intérêts propres qui
les conduisent à
chercher à s’approprier une partie de la valeur ajoutée créée au détriment
des actionnaires et des salariés.
L’asymétrie d’information dont bénéficient
les managers constitue une problématique explorée par la théorie de
l’agence et
les pratiques d’attribution d’actions ou de stock-options aux
dirigeants ont pour objectif de faire converger les intérêts
de ces derniers
avec ceux des actionnaires.
Si théoriquement le modèle est cohérent, il n’en demeure pas moins que
des individus rationnels peuvent essayer de détourner
le contrat incitatif.
Les dirigeants, dès lors qu’ils détiennent des actions de l’entreprise, peuvent
par exemple convaincre
les actionnaires d’employer la trésorerie de
l’entreprise pour racheter des titres sur les marchés financiers et ainsi créer
une rareté qui entraîne une augmentation artificielle du prix de l’action sans
réellement créer de la valeur pour l’entreprise.
Les dirigeants peuvent
également améliorer artificiellement les résultats comptables de l’entreprise
par des montages financiers
qui enjolivent la situation à court terme et
favorisent le cours de l’action ; quitte à dégrader la situation de l’entreprise
à moyen terme. L’exemple d’Enron illustre ce cas. Les dirigeants avaient
déconsolidé dans des entités basées dans des paradis
fiscaux une partie de la
dette de l’entreprise pour obtenir de meilleurs résultats comptables pour la
maison-mère et ainsi
accroître la valeur des actions pour tirer des profits
importants de l’exercice de leurs stock-options. Un autre exemple est
celui
des dirigeants qui détournent le contrat incitatif de sa finalité en antidatant
leurs stock-options de manière légale
par un vote du conseil
d’administration ou de manière illégale en rédigeant des faux en écriture
pour les faire coïncider
avec des périodes où la valeur des actions était
faible[5]. Ainsi, en 2006, la firme Apple a été soupçonnée d’avoir antidaté
des stock-options destinées à des cadres dirigeants de
l’entreprise afin de
leur permettre d’accroître leurs gains financiers.
3 Les médias
Les médias, et par leur intermédiaire l’opinion publique, sont également
des parties prenantes de la politique de rémunération
des entreprises. La
médiatisation de pratiques salariales excessives, que ce soit concernant
l’importance des montants accordés
à certains dirigeants ou à certaines
catégories de salariés, ou que ce soit la faiblesse de la rétribution de
certaines professions,
peut rapidement mobiliser l’opinion publique pour
devenir un débat de société qui conduira les pouvoirs publics à modifier
la
réglementation, ce qui, in fine, changera les politiques de rémunération des
entreprises.
En ce qui concerne les rémunérations des dirigeants des grandes
entreprises, parfois jugées excessives par l’opinion publique,
une alliance
implicite s’est construite entre les pouvoirs publics, les actionnaires et les
médias pour limiter certains excès.
Les premiers ont dans de nombreux
pays rendu obligatoire la publication de la rémunération des dirigeants ainsi
que leur approbation
par un vote de l’assemblée générale des actionnaires
(« Say on pay »). Ainsi, en 2012, l’assemblée générale des actionnaires de
la banque américaine Citigroup a rejeté le bonus destiné au
PDG de
l’entreprise, M. Vikram Pandit. Les médias ont fortement communiqué sur
ce désaveu et cela a conduit à la démission
du dirigeant.
Ces dispositions en matière de publication conduisent à une médiatisation
des rémunérations des dirigeants. Régulièrement,
des classements
établissent une hiérarchie des dirigeants en fonction de leur rémunération et
s’interrogent sur la justification
des montants qu’ils perçoivent au regard de
la performance de l’entreprise. Une telle médiatisation n’est pas neutre dans
la définition de la politique de rémunération mise en place par la DRH.
Cette médiatisation peut également être utilisée par l’employeur. Ainsi,
une grande compagnie aérienne européenne, qui menait
des négociations
salariales tendues avec ses pilotes, a laissé filtrer dans les médias les
niveaux de rémunération des pilotes
et leur temps de travail par rapport aux
autres compagnies. Elle a également fait savoir que le PDG de l’entreprise
ne percevait
que le 250e salaire de l’entreprise. La médiatisation de ces
informations et la désapprobation publique qui s’en est suivie ont
nécessairement
pesées sur les négociations salariales au sein de l’entreprise.
4 Les interactions entre les parties prenantes et
leur influence sur les politiques de rémunération
L’exemple des banques européennes au début des années 2010 illustre les
interactions des parties prenantes et leur influence
sur la politique de
rémunération des établissements financiers. En 2008 et 2009, les pays
occidentaux ont connu une grave
crise financière qui a entraîné la faillite de
plusieurs banques et cela a eu des impacts macroéconomiques importants
sur
ces pays. Une analyse couramment véhiculée par les médias fut que le
système de rémunération en vigueur dans les banques,
notamment la
politique de bonus des traders, était à l’origine de prises de risque
inconsidérées qui ont conduit à la crise
financière. Cette analyse a connu
une réelle popularité au sein des opinions publiques occidentales. Ces
dernières ont sommé
leurs dirigeants politiques de s’impliquer et d’agir à
l’encontre de telles pratiques de rémunération pour éviter de nouvelles
crises financières. Ainsi, en 2009, lors de la réunion des vingt pays les plus
industrialisés (le G20), le système de bonus
des traders, et plus
généralement des preneurs de risques au sein des banques, a été l’un des
sujets abordés par les dirigeants
politiques et a conduit à de nouvelles
réglementations dans plusieurs pays du monde. Les principes posés furent
de différer
sur plusieurs années les bonus gagnés par les traders (certains
États ont prévu que 40 à 60 % du paiement du bonus soient
différés de trois
ans), de limiter le montant du bonus en fonction du salaire fixe et de payer
une partie de ce bonus sous
forme d’actions de l’entreprise (50 % du bonus
dans certains pays européens). L’objectif était d’amener les traders à avoir
une approche du risque sur un horizon temporel plus long, de compenser les
bonus par des malus en cas de pertes les années
suivantes et de lier leur
rémunération de preneurs de risques à la santé financière de leur employeur.
Au début des années 2010, les interventions des pouvoirs publics et des
régulateurs ont rendu particulièrement difficiles
et incertaines la définition
des politiques de rémunération au sein des établissements financiers
occidentaux. La médiatisation
des bonus, l’instabilité réglementaire et les
différences entre les pays et les établissements financiers ont soumis les
politiques
de rémunération des banques à l’influence de nombreuses parties
prenantes. Dans ce cas, la politique de rémunération consiste
à définir la
structure juridique et la localisation géographique les mieux adaptés pour
employer, attirer et motiver les salariés
« preneurs de risques » tout en
tenant compte de l’influence des parties prenantes.
Cas d’entreprise
Une application Internet : Glassdoor
Glassdoor est un site Internet créé en 2008. Il s’appuie sur un
mécanisme de crowdsourcing pour faire émerger le salaire de marché
des fonctions selon les pays, les industries et les entreprises. Le site
permet à
des salariés de partager de manière anonyme des
informations concernant leur propre rémunération. Le site Internet
synthétise
ces informations et contribue à la définition d’un prix de
marché.
Ces informations sont publiques et interviennent dans le processus de
décision des agents sur le marché du travail. Par exemple,
une société
de services informatiques de la Silicon Valley qui souhaite recruter un
développeur informatique peut connaître,
par l’intermédiaire de
Glassdoor, le salaire moyen et la fourchette des salaires pour ce type
de fonction payés dans la région par des entreprises comme SAP,
Google, eBay et Oracle. Cette information lui permet de budgétiser un
recrutement ou d’éventuellement décider de localiser
l’emploi dans
une autre région.
L’existence de ce site modifie également la nature des négociations
entre les employeurs et les salariés, notamment dans les
grandes
entreprises. Les enquêtes de rémunération réalisées par les cabinets de
conseil RH comme Aon-Hewitt ou Mercer donnent
un avantage
informationnel aux employeurs qui y ont accès ; notamment parce que
généralement les salariés n’ont pas cette
information. Le partage
collectif par les travailleurs de ce type d’information par
l’intermédiaire d’un site comme Glassdoor
modifie la nature des
négociations salariales entre employeurs et salariés en rétablissant une
symétrie d’information.
Le fait que plusieurs milliers de salariés renseignent ce type
d’information confère une fiabilité certaine aux niveaux de
rémunération affichés. Cependant, certaines industries, certains pays et
certaines fonctions sont peu renseignés. Dans ce
cas, cela ne permet
pas de faire émerger une information fiable concernant le salaire de
marché. En France, le site www.meilleures-entreprises.com
permet
également ce type de démarche collaborative de partage d’information
sur les rémunérations.
Section 5
LES SYSTÈMES DE RÉMUNÉRATION
Cas d’entreprise
Une pratique originale de rémunération : le Crédit Suisse
La crise financière de la fin des années 2000 s’est concrètement
traduite pour les établissements bancaires par la comptabilisation
dans
leurs bilans d’engagements financiers et de prises de position sur les
marchés de mauvaise qualité. L’enjeu pour les
dirigeants des banques
était d’assainir leur bilan en dénouant leurs positions sur les marchés
financiers et en cédant des
actifs.
Cependant, la gestion de cette situation était caractérisée par une forte
incertitude et une asymétrie d’information entre
la direction des
banques et les salariés qui avaient pris les positions. L’incertitude est
liée à la qualité des engagements.
Si certains d’entre eux étaient de
mauvaise qualité et pouvaient entraîner des pertes importantes pour la
banque, d’autres
en revanche étaient de bonne qualité et pouvaient
générer des gains. En vendant indistinctement l’ensemble de leur
portefeuille
en dénouant toutes leurs positions, les directions des
banques pouvaient réaliser des pertes plus importantes que celles
qu’elles
auraient faites en gérant dans le détail le débouclage des
positions. D’autre part, les traders qui avaient pris les engagements
étaient les mieux à même de connaître la qualité des positions et de les
vendre dans les meilleures conditions.
L’enjeu managérial pour les banques était de proposer aux salariés un
contrat incitatif pour les amener à dénouer les positions
prises dans le
meilleur intérêt de leur employeur, c’est-à-dire à révéler leur
information. Pour répondre à ces contraintes,
le Crédit Suisse a mis en
œuvre une pratique originale de rémunération. Dans un premier temps,
la banque a logé dans une structure
juridique indépendante 5 milliards
de dollars de dettes de mauvaise qualité (junk bonds). Elle a ensuite
attribué sous forme de bonus la propriété de ce fond à certains de ses
banquiers seniors qui étaient à l’origine
des engagements, c’est-à-dire
ceux qui avaient la meilleure connaissance de la qualité des risques. Le
transfert de propriété
du portefeuille signifiait que les gains générés
par le dénouement des positions étaient attribués aux personnes qui les
dénouaient
et qui, accessoirement, étaient celles qui les avaient pris.
Ce montage, connu sous le nom du Partner Asset Facility, présentait
plusieurs avantages pour le Crédit Suisse. Il lui a permis de sortir des
créances douteuses de son bilan, d’offrir
un système de bonus original
pour garder des talents à une période où les banques réduisaient leur
masse salariale et d’inciter
les traders à révéler leur information tout en
gérant au mieux la liquidation du portefeuille.
Section 6
POLITIQUE DE RÉMUNÉRATION
ET INNOVATION MANAGÉRIALE
[1]
Les deux options correspondent à celles décrites par Hirschman (1970) dans son ouvrage Exit,
Voice, and Loyalty: Responses to Decline in Firms, Organizations, and States (Harvard
University Press) soit le salarié mécontent quitte l’organisation (« Exit »), soit il proteste
(« Voice »).
[2]
Maslow A. (1954), Motivation and personality, Harper, 411 pages.
[3]
Jensen M. et Meckling W. (1976), “Theory of firm, managerial behavior agency costs and
ownership structure”, Journal of Financial
Economics, Vol. 3, n°4, pp. 305-360.
[4]
Chandler A. (1977), The visible hand : the managerial revolution in American business,
Belknap Press.
[5]
Lie E. et Heron R. (2005), « Does backdating explain the stock price pattern around executive
stock option grants ?”, Journal
of Financial Economics, 83(2), pp. 271-295.
[6]
Lazear E. (2000), « Performance Pay and Productivity », The American Economic Review, Vol.
90, n°5, pp. 1346-1361.
[7]
Crozier M. et Friedberg E. (1977), L’acteur et le système, Le Seuil, 675 p.
[8]
Ferrary M. (2005), « Le management des équipes de R&D, entre organisation et contrat
d’incitation : l’essaimage stratégique »,
Gestion, vol. 30, n°1, pp. 31-41.
[9]
Ferrary M. (2013), « Ecosystème intrapreneurial et innovation : le cas Google », Revue
Française de Gestion, vol. 4, n°233, pp. 107-122.
Chapitre
Pilotage de la masse
8 salariale
SOMMAIRE
Section 1 Gestion de la masse salariale et performance financière de
l’entreprise
Section 2 Les facteurs d’évolution de la masse salariale
Section 3 L’enjeu financier de la flexibilisation de la masse salariale
Section 4 Décisions stratégiques et gestion de la masse salariale
Section 5 Gestion de la masse salariale et optimisation fiscale
GESTION DE LA MASSE
DE L’ENTREPRISE
Focus
Une pratique originale de gestion
de la masse salariale
Un enjeu du pilotage de la masse salariale est de trouver un
compromis entre la contrainte budgétaire et l’attribution
d’augmentations
individuelles après les évaluations. Les revenus de
l’entreprise et les choix de la direction financière déterminent les
marges
de manœuvre en matière de politique salariale. Les
augmentations individuelles doivent s’inscrire dans une enveloppe
budgétaire
globale et satisfaire à la contrainte d’équité entre les
salariés. Le fait que le processus budgétaire de l’entreprise et
son
processus d’évaluation des salariés ne soient pas concomitants
complexifie la coordination des deux dimensions.
Une solution est d’attribuer aux managers opérationnels une
enveloppe de points à répartir entre leurs collaborateurs en fonction
de leurs performances. Le manager attribue des points en fonction
des évaluations individuelles. Ensuite, lorsque l’enveloppe
budgétaire destinée aux rémunérations est connue, un calcul de la
valeur du point est réalisé par la DRH et chaque salarié
peut convertir
ses points en équivalent monétaire pour connaître son augmentation
de rémunération. Cette méthode permet de
concilier deux
contraintes : le besoin d’équité entre les salariés au sein du groupe de
travail et les limites budgétaires
de l’entreprise.
Prenons l’exemple d’un manager A, qui a quatre collaborateurs à
évaluer, sachant que l’évaluation donne lieu ensuite au paiement
d’une prime de performance. Le manager a 100 points à attribuer. Il
attribue 35 points au salarié 1 qui a été particulièrement
efficace, 25
aux salariés 2 et 3, et 15 au salarié 4 qui a été le moins performant.
Lorsque l’enveloppe budgétaire est fixée
en tenant compte des
contraintes financières de l’entreprise, chaque salarié perçoit un
pourcentage du montant total correspondant
au nombre de points
obtenus et à la valeur du point. Ainsi, si l’enveloppe finalement
attribuée au manager A est de 10 000 euros,
la valeur du point est de
100 euros. Le salarié 1 perçoit une prime de 3 500 euros, les salariés
2 et 3 reçoivent 2 500 euros
chacun et le salarié 4 obtient 1 500 euros.
Cette méthode permet de gérer les contraintes liées à un éventuel
découplage entre la procédure d’évaluation des salariés
et la
procédure budgétaire qui définit l’enveloppe salariale destinée aux
augmentations de rémunération dans l’entreprise.
Section 2
LES FACTEURS D’ÉVOLUTION
DE LA MASSE SALARIALE
Focus
Des logiciels de simulation
de la masse salariale
La simulation de l’évolution de la masse salariale pour prendre en
compte les choix de politique de rémunération et l’impact
de
l’évolution de la structure des ressources humaines est un enjeu
important de la DRH, notamment dans le cadre de ses discussions
avec la direction financière au moment des négociations budgétaires.
Les entreprises de progiciels de gestion ont développé des logiciels
de simulation qui tiennent compte des recrutements et
des départs
prévisionnels, des changements de fonction, des grilles salariales et
des prélèvements sociaux pour mesurer l’évolution
de la masse
salariale. Ils permettent de simuler des politiques d’individualisation
des rémunérations et l’impact de mesures
d’augmentations salariales.
L’interdépendance de ces différents éléments contribuant à
l’évolution des frais de personnel
est complexe à calculer mais se
prête bien à une automatisation. En ce sens, les logiciels de
simulation sont des outils d’aide
à la décision.
Au niveau des business units, ces logiciels permettent aux managers
opérationnels de simuler leur budget et la rentabilité de leur unité. Ils
rendent
possible l’évaluation de l’impact d’un recrutement et
l’influence du type de contrat utilisé (CDI, CDD, intérim, stagiaire
ou
sous-traitant) sur l’évolution des coûts salariaux de l’unité. Les
logiciels de gestion de la masse salariale facilitent
également la
consolidation des propositions d’augmentation faites par les
managers opérationnels et leur compatibilité avec
les contraintes
budgétaires de l’entreprise.
A posteriori, les logiciels de pilotage de la masse salariale permettent
une analyse des écarts entre les budgets prévisionnels et les
budgets
réalisés afin d’identifier les facteurs de variation des coûts salariaux.
Ces logiciels deviennent un outil de dialogue
entre les acteurs du
pilotage de la masse salariale : la direction financière, la DRH et les
managers opérationnels.
Section 3
DE LA MASSE SALARIALE
ET GESTION DE LA MASSE SALARIALE
Section 5
GESTION DE LA MASSE SALARIALE
ET OPTIMISATION FISCALE
Focus
Un prestataire de service :
la responsabilité sociale
2
de l’entreprise
SOMMAIRE
Section 1
L’entreprise est une institution au cœur de nos sociétés et elle structure les
rapports sociaux. Pour reprendre les termes
de Sainsaulieu, sociologue des
organisations, « l’entreprise est une affaire de société »[1]. En ce sens les
pratiques de GRH des employeurs touchent les individus dans leur rôle de
salariés, mais également de citoyens,
de consommateurs, de parents et dans
tout autre rôle social qu’ils peuvent tenir. Une personne qui bénéficie d’un
emploi apporte
sa contribution au rôle économique et social de son
employeur, il perçoit un salaire qui lui confère un pouvoir d’achat et
il
acquiert un statut social dans la société. Inversement, la perte d’un emploi
entraîne la diminution de la capacité de consommation
de l’individu,
souvent une dévalorisation du statut social et parfois oriente le vote
électoral du citoyen. En raison de ces
différentes dimensions, les pratiques
de GRH d’un employeur n’impactent pas uniquement l’individu en tant que
travailleur
mais elles le concernent également dans tous ses autres rôles
sociaux.
L’entreprise est également une affaire de société au niveau méso-
économique. Les choix de gestion d’un employeur ont un impact
sur le tissu
socio-économique local. Une entreprise qui décide de créer un centre
d’activité dans une ville crée des emplois
directement en employant des
salariés et, indirectement, en recourant à des sous-traitants. Elle amène
également des consommateurs
pour les commerces locaux. Elle agglomère
une population qui justifie des services publics tels que les écoles et les
hôpitaux.
De plus, l’employeur et ses salariés payent des impôts locaux qui
contribuent au financement des services publics de proximité.
Inversement,
lorsqu’une entreprise décide de fermer un centre d’activité, cela a des
conséquences socio-économiques pour le
bassin industriel local et sur le
fonctionnement des services publics. Les entreprises sont donc des acteurs
centraux des
dynamiques de développement local.
Enfin, l’entreprise est une affaire de société car elle est une composante
majeure des systèmes idéologiques politico-économiques
qui orientent les
décisions des élus politiques qui dirigent les sociétés. Chaque idéologie
politico-économique attribue un
rôle particulier à l’entreprise dans sa
contribution au bien-être collectif des citoyens et à la promotion de l’intérêt
général.
Implicitement, derrière des conceptions différentes du rôle des
entreprises doivent se comprendre des pratiques différentes
de gestion des
ressources humaines. Au-delà de l’orchestration des relations entre
l’employeur et ses salariés, les pratiques
de GRH traduisent aussi les
relations entre l’entreprise et la société civile à laquelle elle appartient.
Section 2 IDÉOLOGIES
POLITICO-ÉCONOMIQUES
ET GESTION DES ENTREPRISES
Le xxe siècle s’est caractérisé par une opposition entre deux idéologies
politico-économiques qui attribuent des fonctions différentes
à l’entreprise
pour contribuer au bien-être collectif. Ces deux paradigmes politiques ont
des perceptions opposées de la régulation
des pratiques de GRH mises en
œuvre par les employeurs.
D’un côté prévaut l’idéologie libérale pour laquelle l’entreprise privée,
l’initiative individuelle et la coordination des
agents par les mécanismes
concurrentiels du marché doivent permettre d’atteindre le niveau optimal de
bien-être collectif.
Dans cette perspective, l’intervention des pouvoirs
publics doit être réduite à son minimum pour ne pas entraver la régulation
économique. En matière de gestion des ressources humaines, ce sont les
mécanismes concurrentiels du marché du travail qui
doivent déterminer les
pratiques. Ainsi, le salaire doit être fixé par la confrontation de l’offre et de
la demande de travail
et non pas par le législateur ; cela exclut de fait un
salaire minimum. Le contenu du contrat de travail doit être défini
par la
négociation entre l’employeur et le travailleur sans intervention publique
tout en pouvant être rompu au bon gré des
parties. Concrètement cela
suppose que la durée et les conditions de travail, l’investissement en
formation, les congés, la
contribution à des systèmes d’assurance-maladie,
chômage ou retraite, le préavis et les indemnités de licenciement ne peuvent
résulter que de l’initiative privée et des négociations entre l’entreprise et les
travailleurs. Dans ce système idéologique,
au sein d’une économie de
marché concurrentiel, la seule responsabilité sociale du dirigeant de
l’entreprise est de chercher
à optimiser les profits versés aux actionnaires.
La « main invisible » du marché et les intérêts égoïstes des agents sont
censés assurer une allocation optimale des ressources et permettre de
promouvoir l’intérêt général. C’est par cette quête
du profit que l’entreprise
contribue le mieux au bien-être collectif au sein de la société. Dans un
article célèbre, Milton
Friedman, prix Nobel d’économie,[2] a synthétisé
cette approche en affirmant que, dans un système de libre concurrence, la
seule responsabilité sociale de l’entreprise
est d’augmenter ses profits.
Face à cette idéologie libérale, une idéologie plus interventionniste a une
conception différente du rôle de l’entreprise
dans la société et de la fonction
de l’État dans la régulation des rapports socio-économiques en général et
des rapports entre
employeurs et travailleurs en particulier. Ce système
idéologique est plus ou moins influencé par l’analyse que Marx a
développée
dans son ouvrage Le Capital. L’entreprise y est perçue comme
le lieu de structuration des rapports sociaux au sein de la société et comme
l’espace de
l’exploitation des travailleurs par les employeurs-capitalistes.
Dans cette perspective, les rapports entre les employeurs
et les salariés ne
peuvent pas être laissés à la libre initiative des parties car les employeurs-
capitalistes abuseraient
nécessairement du pouvoir que leur confère la
détention de l’outil de production afin d’exploiter les travailleurs et ainsi
nuire au bien-être collectif. L’influence de cette idéologie fut
particulièrement forte dans les pays communistes puisqu’elle
a conduit à la
nationalisation des moyens de production et à la régulation étatique de la
coordination économique. Les nationalisations
doivent être comprises
comme une appropriation de l’outil de production par les travailleurs-
citoyens qui deviennent ainsi,
collectivement, ceux qui décident de leurs
conditions de travail. À la sortie de la seconde guerre mondiale, cette
influence
a aussi été très prégnante dans certains pays occidentaux. Ainsi,
en France, les pouvoirs publics se sont approprié une partie
des moyens de
production en nationalisant les transports (SNCF, Air France et les sociétés
d’autoroute), la construction automobile
(Renault), les télécommunications
(France Télécom), les médias (l’ORTF), la production d’énergie (EDF-GDF
et Charbonnages
de France), les banques (la Banque de France, la BNP, la
Société Générale, le Crédit Lyonnais) et les compagnies d’assurance.
En
1981, l’accession au pouvoir du parti socialiste a prolongé ce mouvement
avec la nationalisation d’entreprises industrielles
comme Saint Gobain,
Rhone-Poulenc, Pechiney, Thomson ou Usinor. Ces nationalisations se sont
traduites en termes de gestion
des ressources humaines par l’élaboration de
règles particulièrement favorables aux travailleurs, notamment pour ceux
qui
ont accédé au statut de fonctionnaires ou de quasi-fonctionnaires. Dans
ce système, les travailleurs bénéficient d’une forte
protection de l’emploi,
voire d’un emploi à vie ; les rémunérations sont garanties et augmentent
régulièrement avec l’ancienneté
et les promotions. En ce qui concerne le
secteur privé, les pouvoirs publics se sont fortement ingérés dans les
relations
entre les employeurs et les salariés afin de protéger ces derniers.
Les pratiques de gestion des ressources humaines furent
fortement régulées
par les pouvoirs publics. À travers le droit du travail, le législateur fixe
notamment un salaire minimum,
des congés payés, des horaires de travail,
des assurances santé, chômage et retraite obligatoires, une participation des
salariés
aux résultats de l’entreprise, une obligation d’investissement en
formation et parfois impose une autorisation administrative
de licenciement.
Il donne également un pouvoir de négociation aux représentants des
salariés, notamment les syndicats de travailleurs,
pour définir les relations
de travail au sein de l’entreprise. Si le contrat de travail reste du ressort de
la libre négociation
de l’employeur et du travailleur, son contenu reste
fortement encadré par le législateur au nom de la protection du travailleur-
citoyen
face au pouvoir de l’employeur-capitaliste.
Section 3
DES ENTREPRISES
UNE ENTREPRISE
D’UN MANAGEMENT RESPONSABLE
[1]
Sainsaulieu R. (1992), L’Entreprise une affaire de société, Presses de la FNSP.
[2]
Milton Friedman, “The Social Responsibility of Business Is to Increase Its Profits,” New York
Times Magazine, September 13,
1970.
[3]
Porter M. et Kramer M. (2011) “Creating Shared Value,” Harvard Business Review, Vol. 89
Issue 1/2, pp. 62-77.
[4]
Avetisyan E. et Ferrary M. (2013), “Dynamics of Stakeholders’ Implications in the
Institutionalization of the CSR Field in
France and in the United States”, Journal of Business
Ethics, vol. 115, n°1, pp. 115-133.
[5]
Enriquez E. (1992), L’organisation en analyse, PUF.
[6]
Mayo E. (1933), The Human Problems of an Industrialised Civilisation, Macmillan.
[7]
McGregor D. (1960), The Human Side of Enterprise, McGraw-Hill.
[8]
Lado A. et Wilson M. (1994), « Human resource systems and sustained competitive advantage:
a competency-based perspective
», Academy of Management Review, vol. 19, n° 4, pp. 699-727.
Guthrie J., Spell C. et Nyamori. (2002), « Correlates and consequences of high involvement
work practices: the role of competitive
strategy », International Journal of Human Resource
Management, 13(1), 183-197.
Michie J. et Sheehan M. (2005), « Business Strategy, human resources, labour market
flexibility and competitive advantage
», International Journal of Human Resource Management,
16:3, 445-464.
———— MANAGEMENT
SUP ————
Management – Ressources humaines
M. Barabel, O. Meier
I. Barth
C. Dejoux, M. Thévenet
C. Dejoux, M. Thévenet
G. Deslandes
M. Ferrary
M. Gillet, P. Gillet
Y.-F. Livian
O. Meier
E. Nicolas
J.-M. Plane
R. Soparnot
R.-A. Thiétart
B. Martory, D. Crozet