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Le psychologue dans la mesure des aptitudes et

compétences professionnelles ; Enjeux méthodologiques et


déontologiques
Vincent Rogard
Dans Humanisme et Entreprise 2010/2 (n° 297), pages 33 à 44
Éditions A.A.E.L.S.H.U.P
ISSN 0018-7372
DOI 10.3917/hume.297.0033
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Le psychologue dans la mesure des aptitudes


et compétences professionnelles ; Enjeux
méthodologiques et déontologiques
Vincent ROGARD1

Résumé Les premières applications de la psychologie en milieu industriel au début du XX°


siècle ont principalement concerné la sélection et le recrutement des personnels. Cet article
retrace tout d’abord les développements de la psychotechnique en rappelant la primauté que
cette démarche accordait à l’analyse et l’observation directe du travail comme fondement de la
mesure des aptitudes professionnelles. Il s’attache ensuite à montrer comment, au moyen
d’épreuves de simulation, les procédures de recrutement actuelles marquent un retour vers la
mesure directe de la performance en situation des candidats. L’article présente ensuite les
cadres déontologiques qui entourent la pratique de l’évaluation psychologique et montre
comment les mesures effectuées par les psychologues sur les individus sont encadrées par des
principes forts. La conception même des procédures de recrutement et le comportement de
l’évaluateur affectent aussi la perception des mesures par les candidats à un poste. C’est l’objet
des recherches sur la justice organisationnelle qui sont présentés dans une dernière partie.
Travaux qui peuvent aider à construire des procédures perçues comme justes par les candidats.
Abstract Recrutement – Mesure des Aptitudes – Compétences - Déontologie

Mots clés In the early twentieth-century the first and main application of psychology inside
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companies was devoted to personnel selection and assessment. This paper shows first how the
psycho-technical research movement put the emphasis on work analysis before any selection
procedure. Then we pointed out the recent increase of the use of work simulations during
recruitment process so that the measurement of task performance related to job could be part of
applicants assessment. In a third part, the paper presents the French code of ethics to be used by
psychologists during psychological assessment. It takes into account the limitations of any
human measurement and provided general principles of assessment. The last part of this paper
deals with the works in the field of organizational justice which are related to recruitment
process. Such psychological applied researches are useful to beget fair procedures and increase
the acceptability of measurement by applicants.

key words Recruitment – Skills Measurement - Ethics

1
Professeur des universités, Université Paris Descartes, Institut de Psychologie
vincent.rogard@parisdescartes.fr

HUMANISME & ENTREPRISE - http://humanisme-et-entreprise.asso-web.com/


N° 297 - Avril 2010 - Auteur : Vincent ROGARD
Toute reproduction et diffusion des articles et conférences publiés dans “Humanisme et Entreprise” -quels qu’en soient les supports- sont interdites sans la double autorisation des auteurs et éditeur.

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Les débats autour de la discrimination à l’embauche et la diversité


dans l’entreprise qui ont débouché notamment sur le projet d’instauration
d’un curriculum vitae anonyme ont eu le mérite de mettre en question les
méthodes de recrutement. Leur pertinence et leur qualité scientifique avaient,
il est vrai, déjà fait l’objet de critiques sévères émanant de psychologues ou
de juristes. Ainsi, dans un rapport qui a fait date Gérard Lyon-Caen, soulignait
qu’« il existe (…) un savoir scientifique qui n’est pas négligeable, et l’écart
existant entre les pratiques de sélection et ce qu’exigerait la stricte mise en
œuvre de l’état des connaissances, est considérable. Les pratiques suivies
sont grosso modo les mêmes depuis les années 20 et leur valeur scientifique
est faible » (1992, p.92). Ce rapport qui a inspiré une évolution du doit du
travail dans le sens d’une meilleure protection des candidats à l’emploi
confirmait, de fait, que la fréquence d’usage des diverses techniques
d’évaluation (tri de CV, entretien, tests, vérification des références
professionnelles,…) s’avérait inversement proportionnelle à leur validité. La
question de la validité des mesures des aptitudes et compétences
professionnelles était donc clairement identifiée et analysée d’un point de vue
qui n’était pas seulement juridique. De fait, s’interroger sur les pratiques
entourant ces mesures ne peut se limiter à un strict examen des outils. La
formation initiale des recruteurs, leur éthique et déontologie ne sont pas, en
effet, sans influer profondément sur la qualité de leurs évaluations. Nous nous
interrogerons plus particulièrement dans cet article sur la participation des
psychologues aux opérations de sélection et de recrutement. Cette question est
d’autant plus cruciale qu’on leur prête souvent plus de pouvoir de
discernement qu’ils n’en ont généralement de sorte que les candidats peuvent
parfois appréhender leur intervention (Rogard, 1989). Quatre points seront
donc successivement abordés. Le premier traite de l’adéquation entre les
mesures effectuées et la connaissance du poste qui a été acquise par l’analyse
du travail. Nous rappellerons la place centrale qu’occupait cette analyse chez
les promoteurs de la psychologie industrielle. Il n’était, en effet, pour eux de
bonne mesure que celle qui a été retenue à l’issue d’une analyse méthodique
du travail. Nous évoquerons ensuite la tendance actuelle qui consiste à
réintroduire des épreuves de simulation dans les procédures d’évaluation et
donc une mesure directe de la performance des candidats dans des tâches
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proches du poste à pourvoir. Cet article traitera ensuite des cadres
déontologiques qui guident l’intervention des psychologues dans le
recrutement. Cette profession qui tarde à construire son unité a en effet trouvé
dans l’adoption en 1995 d’un Code de déontologie matière à resserrer ses
rangs autour notamment des principes devant guider toute évaluation
psychologique et donc indirectement toute mesure d’autrui. Enfin, nous
conclurons cet article par une présentation succincte des recherches sur la
justice organisationnelle. Ces travaux permettent, en effet, de fixer quelques
principes directeurs dont le respect permettrait d’éviter que ne se dégradent
les pratiques d’évaluation en entreprise. Ces différents points (qualité des
informations recueillies sur le poste en préalable à l’évaluation, mesure
directe de la performance dans une tâche liée au poste à pourvoir, déontologie
du psychologue, respect de critères de justice dans la conception et la mise en
œuvre de la procédure de recrutement) sont en réalité étroitement articulés
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entre eux. Ils affectent non seulement la qualité de la mesure mais aussi la
façon dont elle est perçue et acceptée par les candidats qui en sont l’objet.

1. L’analyse du travail comme fondement de la mesure des aptitudes professionnelles :


le temps des psychotechniciens
La création des classes spéciales pour les enfants présentant des retards
ayant permis de démontrer l’utilité des outils de mesure standardisés que sont
les tests, la première guerre mondiale ayant nécessité la sélection, la formation
et l’affectation rapide de spécialistes ont contribué à faire entrer les
psychologues dans l’entreprise (Levy-Leboyer & Spérandio, 1987). Sous
l’appellation première de psychologie industrielle, le premier vingtième siècle a
donc été marqué par l’intervention des psychologues au sein des entreprises par
le biais des opérations de sélection (Reuchlin, 1948). Certes, les motifs de
recours au psychologue se sont depuis lors diversifiés et les récents événements
révélateurs de stress et souffrance au travail ont mis l’accent sur des
problématiques longtemps négligées. Mais, aujourd’hui encore, c’est bien dans
l’évaluation des adultes au travail (recrutement, bilan de compétences,…) que
leur contribution à la vie des entreprises reste la plus importante. La nécessité
d’une sélection scientifique des travailleurs s’était imposée à ceux qui
entendaient à la césure du XIX° et du XX° siècle fonder l’organisation du
travail sur des bases nouvelles. Si Taylor (1911) prônait la sélection scientifique,
la démarche d’étude des postes de travail qui en était la conséquence était bien
une forme d’utopie quand elle devait conduire uniquement à isoler un certain
nombre de fonctions psychologiques élémentaires essentielles, d’aptitudes
professionnelles (Vatin, 1966). Leur mesure ne pouvait permettre de savoir
immédiatement si tel ou tel individu est apte ou non à exercer l’activité
considérée. Ainsi, sur la simple base des résultats à un test de réaction, un des
collaborateurs de Taylor avait éliminé une bonne partie des vérificatrices de
billes les plus intelligentes, travailleuses et consciencieuses, de l’usine où ce
dernier se préoccupait de l’optimisation de la découpe des métaux.
Les premiers psychologues à s’intéresser au travail entrèrent donc certes
en désaccord avec Taylor, mais partagèrent avec lui le principe d’une démarche
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préalable d’analyse du travail avant toute sélection. C’est dans cet objectif que
la psychotechnique, tout autant projet de société que méthode, prendra
naissance dès le début du XX° siècle sous l’impulsion notamment des travaux
précurseurs de Munsterberg (1863-1916) et de l’effort de recherche de Jean-
Marie Lahy (1872-1943). Ainsi que le note Huteau (1996), ce projet
psychotechnique « est positiviste dans la mesure où il préconise une
organisation sociale fondée sur l’étude scientifique des aptitudes. Il est aussi
démocratique et humaniste dans la mesure où il vise à la satisfaction des
revendications et des aspirations populaires » (p.34) Pour illustrer cette
démarche, nous prendrons l’exemple d’une étude réalisée par Lahy et Pacaud
avant guerre qui aboutira à un livre publié en 1948. Le titre même de cet
ouvrage est en soi déjà très éclairant : Etude d’un métier. Mécaniciens et
chauffeurs de locomotives. Analyse psychologique du travail. Sélection
psychotechnique. Validité des tests. Composition des batteries sélectives. Les
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auteurs y retracent les étapes qui ont conduit de l’analyse du travail à la


proposition et mise en œuvre d’épreuves de sélection professionnelle pour les
mécaniciens et chauffeurs de locomotives. Dans un premier temps, confrontés à
un travail qu’ils ne connaissent pas, les analystes se sont familiarisés avec cette
activité par la lecture d’ouvrages techniques leur permettant de se documenter
sur le fonctionnement d’une locomotive et de la signalisation. Cette phase de
documentation a été ensuite complétée par des entretiens avec des mécaniciens.
Vient ensuite une seconde étape, l’observation directe du travail, qui est
prépondérante dans l’esprit des auteurs. Les efforts physiques, les
comportements psychomoteurs (analyse approfondie des gestes professionnels),
les comportements intellectuels et mentaux (par exemple, analyse très détaillée
des informations traitées par le mécanicien lors d’un freinage) sont donc
enregistrés, classés, étudiés. L’étude des fautes commises en service par une
centaine d’agents qui ont été qualifiés de bons professionnellement par leurs
chefs de service et d’autres qualifiés de mauvais permet ensuite de distinguer
infractions aux règles de sécurité, fautes professionnelles autres que celles
concernant les règles de sécurité, fautes contre la discipline. Chaque catégorie et
type de faute fait alors l’objet d’une analyse détaillée. A partir des données
recueillies dans l’analyse du travail, Lahy et Pacaud peuvent donc ensuite
formuler des considérations théoriques qui vont leur servir à l’établissement des
tests. L’accomplissement du métier met en jeu, selon les auteurs, de nombreux
facteurs qu’ils s’efforcent de hiérarchiser. Les fonctions physiologiques,
sensorielles, psychomotrices, mentales et intellectuelles y sont tour à tour
sollicitées. Une ultime étape de cette étude emblématique consiste donc en la
proposition d’une série de test dont la validité sera éprouvée. C’est ainsi que
l’analyse du travail débouche concrètement sur la proposition d’une série de
mesures des fonctions sensorielles (vision nocturne et éblouissement,
discrimination des bruits) et fonctions psychomotrices (régularité des temps de
réaction, coordination des mouvements des mains) Mais aussi, mesure de
l’intelligence et des fonctions mentales (compréhension et exécution de
consigne, intelligence logique, diverses formes de mémoire, diverses formes
d’attention, de l’émotivité, des indices de caractère (tendance au scrupule ou
prudence dans le travail manuel).
Cet exemple de recherche appliquée montre bien comment la mesure
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des aptitudes dans une optique de sélection ne peut être que le produit d’une
analyse circonstanciée intégrant des données recueillies sur le terrain au
contact direct du poste à pourvoir. Si nous nous sommes donc attardés sur sa
présentation, c’est qu’elle permet, en effet, de mesurer le chemin qui sépare
les premiers applicateurs de la psychologie en milieu industriel de l’usage
auquel on tend parfois à la réduire aujourd’hui. Dès 1927, Lahy avait
d’ailleurs mesuré le risque que comportait un usage des batteries de tests qui
serait déconnecté de l’analyse du travail : « Nous devons mettre en garde
contre des erreurs possibles ceux qui, séduits par la souplesse d’une telle
méthode, la modifieraient par l’introduction inconsidérée de tests nouveaux
ou par l’affectation de nouveaux coefficients aux tests employés. Pour que la
méthode ait toute sa valeur, on doit la considérer comme un système complet
et stable. Des modifications ne peuvent y être introduites qu’à la faveur d’un
remaniement d’ensemble ». (Lahy, 1927, p. 215). Le risque avait donc été
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perçu très tôt de voir la psychotechnique réduite à « un ensemble de recettes


très simples et faciles à utiliser » (Pacaud, 1954, p. 589) alors, qu’au
contraire, adopter la démarche psychotechnique revient à s’engager dans une
exigeante démarche de recherche, investir donc dans des frais d’études,
surtout, se donner les moyens de documenter au plus près l’activité de travail
en recourant notamment mais pas exclusivement à l’observation. Il est vrai
que psychologues et non psychologues ont parfois pensé qu’ils pouvaient
faire l’économie de l’analyse approfondie du travail en préalable à la
sélection. Le concept d’aptitude qui est au cœur de la démarche
psychotechnicienne et qui est situé à mi-chemin entre les fonctions
psychologiques (fondamentales) et les exigences (concrètes) d’une profession
(Buretel de Chassey (1995) est aujourd’hui supplanté par celui de
compétences qui est plus ouvert et moins relié au poste de travail. Mais, il
n’en reste pas moins que les questions relatives à l’analyse du travail en
préalable à toute mesure restent posées alors même que l’on assiste à un
retour vers l’activité de travail dans le cadre des procédures de recrutement.

2. La mesure directe de la performance dans une tâche liée au poste à pourvoir


2.1. Mesurer les habiletés dans des tâches d’exécution
De nombreux signes témoignent aujourd’hui de l’intérêt renouvelé qui
est porté dans le recrutement aux épreuves permettant de confronter le
candidat à une tâche concrète susceptible de renseigner sur sa capacité à
occuper un emploi. L’un des moindres n’est sans doute pas le développement
depuis 1985 par l’ex-Agence Nationale pour l’Emploi de la méthode des
habiletés. Fondée sur le concept d’habileté, défini comme un ensemble de
capacités que l’on retrouve sur les champs du cognitif, du relationnel ou du
physique, cette méthode répond à plusieurs objectifs : volonté de mettre en
valeur le potentiel de réussite des individus sur un futur poste de travail, lutte
contre la sur-sélectivité du marché du travail, élargissement des critères de
recrutement tout en maintenant le niveau d’exigence de l’entreprise,
évaluation des différents candidats sur les mêmes critères, mesurables et
centrés sur le poste de travail. La méthode repose d’abord comme la
démarche psychotechnique sur l’observation des conditions réelles d’un poste
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de travail (compétences requises, postures, savoirs et connaissances,
organisation) afin de déterminer les habiletés nécessaires pour l’occuper.
L’analyse et la hiérarchisation des habiletés cognitives, physiques ou
relationnelles détectées conduisent ensuite à leur évaluation au moyen
d’exercices ludiques dont on trouve de nombreux exemples sur le site Internet
de Pôle Emploi. La mesure de la performance du candidat dans une tâche
concrète et non plus seulement lors d’un entretien ou la passation d’un test
présente de nombreux avantages. Parmi ces points positifs on relèvera
notamment le fait que les épreuves de simulation bénéficient d’un préjugé
favorable chez les candidats (Steiner & Gilliland, 1996) et qu’elles sont donc
bien acceptées (Stinglhamber, Vandenberghe & Brancard, 1999) mais surtout
qu’elles ont une validité prédictive reconnue. Le candidat établit en effet le
lien entre la tâche qui lui est demandée, le poste à pourvoir et qui plus est il a
le sentiment d’avoir pu défendre ses chances en montrant ses capacités.
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N° 296 - Février 2010 - Auteur : Gwénaëlle Poilpot-Rocaboy

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2.2. La simulation professionnelle dans le recrutement des cadres


Si l’application de la méthode des habiletés concerne surtout des
postes d’exécution, on observe la même tendance à un développement de la
simulation professionnelle dans la sélection et la formation des cadres
(Rogard, Caroff, Bouteiller et Mercier, 2002). Conduite de réunions fictives,
résolution individuelle ou collective de problèmes de management, rédaction
de notes,…ces exercices variés sont souvent mis en œuvre dans le cadre des
centres d’évaluation (assesment centers) ou, plus simplement, dans le cours
d’une procédure de recrutement. L’idée centrale est là encore de confronter le
candidat ou l’individu en formation avec un échantillon de tâches
représentatives ou de le placer dans des situations caractéristiques du poste ou
de la fonction. Parmi ces différents types d’exercices de simulation, ceux dits
In-Basket exercise, sont reconnus à la fois comme les plus courants et les plus
valides pour la sélection des cadres (Hakstian, Woolley, Woolsey et Kryger,
1991). Introduits dans les années cinquante (Frederiksen, Saunders et Wand,
1957), ils sont utilisés en combinaison avec d’autres outils et placent le
candidat en situation de traiter en un laps de temps donné une série de
questions qu’il serait susceptible de trouver en attente (dans sa « corbeille »)
en rejoignant un nouveau poste. Hakstian, Woolsey et Schroeder (1986) nous
donnent ainsi un bon exemple de ce type d’exercice. Dans leur épreuve
destinée à des cadres du premier niveau, les candidats doivent prendre une
décision en une heure (mise en attente, réécriture,…) sur vingt-deux items
(une lettre, un rapport, des directives,…) qui couvrent six dimensions de la
mesure de la performance dans l’administration et le management
(organisation, productivité, planification,…).
Les psychologues qui travaillent sur le développement de ce type
d’exercice sont confrontés tout à la fois à des questions pratiques et de
recherche. Pour que ces exercices puissent se diffuser dans les organisations,
ils doivent d’abord répondre à des impératifs pratiques : la formation à la
cotation des réponses doit être rapide et le temps de cotation réduit sans
altérer la fiabilité et la validité des résultats (Hakstian et Harlos, 1993). Mais
surtout, les résultats de l’exercice de simulation, doivent présenter une bonne
validité concourante avec les autres outils d’évaluation (tests de personnalité,
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jugement de la hiérarchie, curriculum vitae,…) (Hakstian, Woolley, Woolsey
et Kryger, 1991). Les qualités psychométriques (validité, sensibilité, fidélité)
de ces exercices font donc l’objet de recherches (Shippmann, Prien et Katz,
1990) dont les retombées au niveau des pratiques ne sont pas néanmoins
assurées quand le lien entre praticiens et chercheurs n’est pas établi. Enfin, les
travaux sur les exercices In-Basket n’échappent pas non plus aux questions
classiques en matière de simulation concernant le degré de représentativité et
de réalisme des tâches proposées aux candidats.

3. Ethique et déontologie du psychologue dans l’évaluation


3.1. Un code de déontologie pour cimenter la profession
L’intervention des psychologues dans l’entreprise posera dès l’après-
guerre la question de leur morale professionnelle et de leur responsabilité vis-
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N° 297 - Avril 2010 - Auteur : Vincent ROGARD

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à-vis de la société. Reuchlin (1948) attentif aux réflexions menées outre-


Atlantique notait ainsi que l’« on reconnaît que le psychotechnicien ne peut
plus éluder les questions de morale professionnelle, et tandis que certains
tentent d’organiser l’étude systématique d’un code, d’autres se demandent
déjà si le psychotechnicien a le droit d’utiliser toutes les méthodes, d’aborder
tous les problèmes. Plusieurs auteurs soulignent la nécessité d’une morale
professionnelle pour le psychotechnicien ». (p. 410). En France, la Loi 85-772
du 25 juillet 1985 sur le Titre de Psychologue et son décret d’application du
22 mars 1990 ont constitué une étape décisive pour la profession de
psychologue. La protection légale du titre a en effet consolidé l’inscription
sociale des psychologues et ouvert plus largement le champ de leur
responsabilité professionnelle. Elle a, en même temps, conduit la profession a
mieux définir les cadres éthiques et déontologiques entourant l’action de ses
membres afin d’une part de renforcer la légitimité de leur intervention et
d’autre part de répondre aux attentes des usagers. Depuis 1961, le principal
texte de référence commun pour les professionnels de la psychologie, était le
Code adopté par la Société Française de Psychologie. Pour accompagner la
protection du titre et renforcer la profession, il était donc devenu important de
concevoir un Code de Déontologie dans lequel tous les psychologues puissent
se reconnaître, quel que soit leur mode d’exercice. Le Code de déontologie
adopté par la profession en 1996 établit donc un système de références
éthiques, morales et déontologiques qui participe de sa structuration et
acquiert une portée pédagogique pour les psychologues en formation.
Selon son préambule, la finalité de ce Code signé par les principales
organisations de psychologues en 1996 est « avant tout de protéger le public et
les psychologues contre les mésusages de la psychologie et contre l’usage de
méthodes et techniques se réclamant abusivement de la psychologie ». Il ne
prétend pas résoudre toutes les questions qui viennent à se poser lors d’une
pratique car sa finalité est plus de délimiter un domaine de compétence, un
domaine de rationalité dans lequel sont posées certaines règles. Il reste donc une
toile de fond sur laquelle chaque psychologue dessinera sa propre responsabilité
et y répondra personnellement en fonction de son éthique. Or, comme nous
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l’avons souligné (Rogard, 2009), le psychologue est pour beaucoup, dans sa
pratique professionnelle, un homme d’évaluation et de diagnostic même s’il
n’est évidemment pas que cela. L’attente de ses collègues de travail, de ses
patients ou clients est qu’il livre une aide à la décision à propos d’un individu,
une analyse étayée d’un phénomène de groupe. Les contextes dans lesquels il
évalue des sujets sont divers, le temps dans lequel il inscrit sa démarche peut
être court (l’évaluation d’un candidat à un emploi) ou long (mise en œuvre
d’une analyse clinique). La demande d’évaluation ou de diagnostic peut émaner
de l’individu lui-même de son entourage ou de professionnels avec lesquels le
psychologue travaille. Enfin, les conséquences prévisibles de son intervention
sont de portée très variables pour l’individu. De très nombreuses questions
éthiques et déontologiques entourent donc cette pratique de l’évaluation qui est
centrale dans l’exercice professionnel du psychologue.
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N° 297 - Avril 2010 - Auteur : Vincent ROGARD

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3.2. Des principes pour guider la mesure et l’évaluation des individus


Rappelons d’abord que toute évaluation psychologique n’est pas à la
portée du profane et doit comporter une connaissance des concepts
psychométriques et une compétence dans un secteur de pratique
professionnelle ou d’application. Elle ne peut, tout autant, se réduire à des
résultats bruts à des tests puisqu’aussi bien le savoir faire du psychologue se
situe dans l’interprétation de ces données et leur mise en correspondance avec
d’autres informations recueillies sur la personne évaluée. En effet,
l’évaluation psychologique comporte toujours une partie « compréhensive »,
non psychométrique, qui procède de la libre initiative du psychologue. Enfin,
elle doit respecter des principes contenus pour la plupart dans le code de
Déontologie des psychologues et qu’il convient ici de rappeler. Le premier de
ces principes qui peut paraître paradoxal s’agissant de candidat engagé dans
une procédure de recrutement est celui du consentement libre et éclairé de la
personne sujette à évaluation. Paradoxal, car le candidat retenu après un
premier tri refusera rarement de poursuivre la procédure. Pour que ce principe
soit respecté, il convient donc, que certains présupposés soient respectés :
- le but et le cadre de l’évaluation – ici, uniquement apprécier la
capacité du candidat à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes
professionnelles – doivent être clairement annoncés et les méthodes utilisées
doivent être pertinentes par rapport à ce but
- le langage utilisé par le psychologue doit être raisonnablement
compréhensible
- respectant l’article L1221-8 du code du travail sur la transparence
des méthodes (« Le candidat à un emploi est expressément informé,
préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’aide au
recrutement utilisées à son égard »), le psychologue devra présenter celles
qu’il utilise sous une forme qui n’altère pas leur mise en œuvre
- les conditions de transmission et d’usage des résultats de l’évaluation
doivent être communiquées au candidat
- Sous ces conditions, il sera donc alors possible d’évoquer un
consentement libre et éclairé. Le psychologue pourra alors faire prévaloir un
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deuxième principe, celui de son autonomie technique qui a pour corollaire sa
responsabilité professionnelle : « Dans le cadre de ses compétences
professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des
méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond
donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions
et avis professionnels » (Titre I-3 du Code de déontologie). Concrètement, il
s’attachera ainsi à refuser l’utilisation de techniques de recrutement non valides
dont la prolifération dans le recrutement interroge, en réalité, le rapport entre
science et pratique. Ayant choisi sa méthode et ses techniques, le psychologue
observera un principe de relativité dans ses conclusions comme le préconise
l’article 19 du Code : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses
évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou
définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque
ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence ».
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L’application de ce principe ne sera pas toujours facile dans le cadre du


recrutement car c’est justement une aide à la décision que l’on attend du
psychologue. Or le doute est rarement vendeur et la retenue souvent interprétée
comme une manifestation d’indécision. Encore plus difficile à appliquer du fait
des contraintes organisationnelles, le principe de restitution des évaluations
(« Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte rendu compréhensible des
évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires (Art 12) ») est
lui couramment bafoué. Le retour négatif sur la candidature prend, en effet, trop
souvent la forme d’une lettre type qui ne détaille pas les éléments diagnostiqués
par un psychologue lorsque celui-ci a participé à la procédure.

3.3. Contraintes organisationnelles et responsabilité du psychologue évaluateur


Ces principes déontologiques énoncés dans un texte qui n’a pas de
valeur légale ne prémunissent pas le psychologue d’errements car l’activité de
recrutement, qu’elle soit menée au sein de cabinets conseils ou d’une
entreprise, n’échappe pas à la pression économique et sociale. La pratique
professionnelle idéale se heurte ici souvent aux impératifs de productivité
(nombre de candidats à évaluer par jour,…), économique (coût
d’investissement dans des nouveaux outils plus valides,..) voire ou parfois
difficile maintien d’une identité de psychologue dans une équipe de recruteurs
dont la formation initiale est variée. In fine, au détour de sa pratique le
psychologue est bien interrogé dans son éthique concrète, celle de ses choix
quotidiens. Selon Ricoeur (1995), en son sens fort, la véritable responsabilité
n’est autre que celle qu’on exerce à l’endroit de quelqu’un ou quelque chose de
fragile, qui nous serait confié. C’est donc bien d’une responsabilité morale plus
que juridique qu’il est question et dans laquelle l’idée de prise en charge est
centrale. Dans cette perspective, même si la prise en charge d’un candidat à un
emploi ne peut se comparer à celle d’un patient, le psychologue reste
responsable d’un individu dont il peut modifier le sort. D’où la nécessité d’une
pratique professionnelle qui soit guidée par une réflexion éthique devant parfois
aller au-delà des principes du Code de déontologie. L’intervention d’un
psychologue dans le recrutement offre donc, en principe, des garanties et
notamment sur l’interprétation et l’usage des mesures qu’il a effectuées.
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4. Vers plus d’équité et d’impartialité dans les procédures d’évaluation ?
4.1. De multiples dimensions de la justice dans l’organisation
Le thème de la justice qui s’est imposé en philosophie (Rawls, 1971)
comme dans la pensée politique (Sen, 2010) a aussi connu des
développements dans le champ de la psychologie du travail et des
organisations. C’est ainsi que les procédures de gestion des ressources
humaines dont celles relatives au recrutement ont été analysées à l’aune de
leur impartialité et équité. Un important effort de recherche entamé depuis
une vingtaine d’années vise ainsi à définir les conditions de la justice
organisationnelle (Byrne & Cropanzano, 2001). Quelles en sont les
caractéristiques mais aussi les conséquences ? Pour simplifier la présentation
de cet important courant de recherche, nous noterons que les auteurs en sont
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venus à distinguer quatre composantes de la justice organisationnelle. La


première qui donna lieu aux premiers travaux (Adams, 1965) est la justice
distributive qui porte sur l’allocation des ressources (monétaires ou autres
(accès à la formation,..)) au sein d’une organisation. Elle postule que les
individus se forment une idée de ce qui constitue un retour juste et équitable
de leur travail et qu’ils comparent ce qu’ils perçoivent avec ce que reçoivent
d’autres individus. Ainsi quand ils perçoivent l’échange (leur travail contre
une ressource) comme inéquitable, ils seront motivés à faire quelque chose
pour le modifier. La deuxième composante est celle la justice procédurale qui
se centre sur l’équité de la procédure qui aboutit aux résultats. Les recherches
menées dans cette voie ont mis l’accent sur l’importance de la manière dont
une procédure est perçue. Entamés par les travaux de Thibaut et Walker
(1975) sur les contestations au tribunal des procédures légales, ces travaux ont
mis en évidence l’importance du contenu et de l’agencement des procédures
mais aussi de la manière dont elles sont conduites. C’est ainsi qu‘une autre
composante a été dégagée : La justice interactionnelle. Celle-ci comporterait
deux dimensions : interpersonnelle qui reflète le degré selon lequel les
exécutants d’une procédure traitent les individus avec politesse, dignité et
respect ; informationnelle qui se fonde sur la qualité et la pertinence des
explications et les informations visant à expliquer les procédures.

4.2. Des principes de justice pour encadrer le recrutement


Dans ce cadre théorique, les procédures de recrutement ont fait l’objet
de nombreuses recherches conduites sur des candidats à l’emploi. Ainsi les
psychologues ont-ils été amenés à s’intéresser à la manière dont les candidats
perçoivent les procédures et le traitement qui leur est imposé. Il a ainsi été
démontré (Gilliland et Paddock, 2005) que la relation entre le processus de
sélection et le contenu du poste apparaît le facteur le plus susceptible de prédire
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la perception qu’aura un candidat de la procédure. S’agissant de la justice
interactionnelle, c’est évidemment la conduite du recruteur durant l’entretien
qui a été la plus étudiée et qui est particulièrement saillante. Enfin, relevons que
l’absence d’information sur les tests et ce qu’ils mesurent peut conduire à un
sentiment d’injustice. L’importance des dimensions interpersonnelle et
informationnelle dépend néanmoins de l’étape de sélection et du sens de la
décision. La dimension interpersonnelle est ainsi plus importante durant
l’entretien et la dimension informationnelle après une réponse négative. Une
des résultats des recherches est la formalisation de règles susceptibles d’aider à
la conception de procédures qui seront perçues comme justes par ceux auxquels
elles s’appliquent. C’est ainsi que Gilliland (1993) a proposé dix règles qui
permettent de mesurer l’impartialité et l’équité d’un système de sélection. Nous
les présentons avec nos remarques dans le Tableau 1.
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Tableau 1 : Les dix -  .   


 (%       $  +
règles d’évaluation "  ?  =       
     ##  
de l’impartialité et > !(%%+ +.  $ 3# 
l’équité d’un système            
M %!! "  .       . 
de sélection "    
(Gilliland, 1993) I !( +.       ! 
          ;$ 
  
E8:%2;(+  7    $    
      
K %()%            
            
     
H !"((   # 2@A    ;$      
   ;     
       
B #          
= (            
 #        
R #(          
 

Complétant utilement les principes déontologiques du psychologue,


l’application de ces règles développerait un sentiment de justice chez les
candidats. Si un candidat accepte de faire l’objet d’une évaluation et se prête à
des mesures comme les tests psychologiques, il reste donc particulièrement
attentif au comportement de l’évaluateur et à la pertinence de la mesure dans le
contexte du poste à pourvoir. Il reste maintenant à démontrer que les
perceptions des procédures et épreuves de recrutement par les candidats ont des
conséquences pratiques pour l’entreprise et pas seulement sur les intentions des
candidats (d’accepter un autre travail, de recommander l’entreprise, etc..).

Conclusion
L’évolution technologique (e-recrutement) qui affecte aujourd’hui les
pratiques de recrutement mais aussi la mise en œuvre de la logique des
compétences avec ce qu’elle sous-tend de diagnostic, bilan et
accompagnement personnel et professionnel des individus incitent à une
réflexion approfondie sur les outils et cadres de mesure employés par les
spécialistes de ressources humaines. Parmi eux, les psychologues occupent
aujourd’hui une place particulière en raison de leur formation initiale. Leurs
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pratiques, pour n’en rester qu’à leur participation aux opérations de
recrutement, sont parfois malmenées par les contraintes organisationnelles de
temps (par exemple, le nombre d’entretiens de recrutement à réaliser
journellement) et d’argent (les tests répondant aux exigences psychométriques
ne peuvent pas toujours être acquis). Mais leur contribution peut être un
facteur de qualité s’ils contribuent à la diffusion et la mise en œuvre de
quelques principes que cet article a voulu souligner : tout recrutement ne peut
être fondé que sur une connaissance suffisamment instruite des tâches à
réaliser et de l’activité à développer dans le poste à pourvoir, tout évaluateur
doit entourer sa pratique de mesure dans une déontologie rigoureuse, toute
procédure d’évaluation doit tendre à respecter les principes de la justice
organisationnelle. Sous ces conditions, la mesure des individus qui n’est en
aucun cas leur catégorisation définitive s’inscrit dans une perspective
humaniste où le doute acquiert une valeur heuristique.
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