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Lidil

Revue de linguistique et de didactique des langues

41 | 2010
Énonciation et rhétorique dans l'écrit scientifique
Françoise Boch et Fanny Rinck (dir.)

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/lidil/3001
DOI : 10.4000/lidil.3001
ISSN : 1960-6052

Éditeur
UGA Éditions/Université Grenoble Alpes

Édition imprimée
Date de publication : 30 mai 2010
ISBN : 978-2-84310-167-0
ISSN : 1146-6480

Ce document vous est offert par Université du Québec à Trois-Rivières

Référence électronique
Françoise Boch et Fanny Rinck (dir.), Lidil, 41 | 2010, « Énonciation et rhétorique dans l'écrit
scientifique » [En ligne], mis en ligne le 30 novembre 2011, consulté le 03 février 2024. URL : https://
journals.openedition.org/lidil/3001 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lidil.3001

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sauf mention contraire.
1

Ce numéro porte sur la dimension linguistique de l'écrit scientifique. Celui-ci est


entendu comme un écrit adressé à — et reconnu par — une communauté de chercheurs,
et dédié à la production de savoir dans un champ disciplinaire identifié, qu'il s'agisse
des sciences dites dures, des sciences appliquées, ou des sciences humaines et sociales.
L'écrit scientifique est ici abordé à partir d'analyses de corpus (les genres de l'article et
du compte rendu et leurs variations en fonction des disciplines, de l'époque, du statut
de l'auteur et de styles individuels) et à partir d'entretiens menés auprès de scripteurs
sur leurs pratiques d'écriture.
En référence aux approches énonciatives en linguistique et aux travaux se rattachant à
la rhétorique de la science, le numéro étaye en particulier la question du
positionnement du scripteur dans son texte. À l'encontre de la vision de l'écrit
scientifique comme écrit neutre et objectif, mais aussi du simple contre-pied de cette
thèse, l'enjeu est de montrer en quoi le positionnement résulte d'une phraséologie en
partie routinisée (pronoms personnels, voix passive, nominalisation, verbes permettant
au chercheur d'indiquer ses objectifs, etc.), qui se caractérise à la fois par l'effacement
et l'inscription du scripteur dans son texte. L'attention se porte plus largement sur les
genres de l'article et du compte-rendu et sur la diversité des pratiques en fonction des
disciplines, de l'époque, du statut de l'auteur et de styles individuels, pour questionner
les habitus des chercheurs ainsi que l'acculturation des étudiants au monde
académique.

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SOMMAIRE

Pour une approche énonciative de l’écrit scientifique


Françoise Boch et Fanny Rinck

Dans cet article, nous souhaitons montrer que…Lexique verbal et positionnement de


l’auteur dans les articles en sciences humaines
Agnès Tutin

L’éthos auto-attribué d’auteurs-doctorants dans le discours scientifique


Kjersti Fløttum et Eva Thue Vold

How’s who? Protagonists’ identification in scholarly book reviews (1890–2008)


Françoise Salager-Meyer, María Ángeles Alcaraz-Ariza et Maryelis Pabón

De nobis ipsis silemus ?Les marques de personne dans l’article scientifique


Ursula Reutner

Impersonality and Grammatical Metaphors in Scientific Discourse


The Rhetorical Perspective
Zohar Livnat

Head nouns as modal stance markers –academic texts vs. legal texts
Issa Kanté

Évolution des pratiques et des discours sur l’écrit à l’université : étude de cas
Christiane Donahue

Analyse d'ouvrage

Chervel André, Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle, Paris,


Retz, coll. « Les usuels Retz », 2006, 832 p.
Danièle Cogis

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Pour une approche énonciative de


l’écrit scientifique
Françoise Boch et Fanny Rinck

1 Ce numéro réunit sept contributions analysant l’écrit scientifique dans une perspective
linguistique. Il s’intéresse aux approches énonciatives et rhétoriques des textes en lien
avec l’activité scientifique et ses enjeux sociaux.
2 On entendra ici le discours scientifique comme discours produit dans le cadre de
l’activité de recherche à des fins de construction et de diffusion du savoir. Si les
sciences dures ont été jusqu’à présent plus explorées que les sciences appliquées,
humaines ou sociales, les différences disciplinaires sont aujourd’hui considérées
comme essentielles, de même que la diversité des genres, qui renvoie à la diversité des
activités dans le monde de la recherche et notamment à la question de savoir comment
elles se situent par rapport à la logique de la découverte et la logique de l’exposition.
3 Au plan méthodologique, on notera les liens de plus en plus serrés entre le champ de
recherche du discours scientifique et la linguistique de corpus, les analyses
linguistiques exploitant de plus en plus les avancées techniques et théoriques que
connait actuellement la linguistique de corpus, champ en pleine expansion. Citons à ce
propos la constitution récente1 d’un vaste corpus d’écrits scientifiques (thèses, articles,
mémoires d’habilitation à diriger des recherches) dans plusieurs disciplines
(linguistique, sciences de l’éducation, biologie, médecine, etc.) en français et en anglais,
disponible en accès libre sur le site Scientext2, où l’on trouvera également des outils
permettant des requêtes variées sur les textes. Cela étant, les approches sur corpus ne
portent pas toutes sur des ensembles de textes mais peuvent relever d’études plus
qualitatives, résultant pour certaines d’une démarche ethnographique menée in situ,
au sein par exemple de réunions de travail entre chercheurs3.
4 L’intérêt pour le discours scientifique n’est pas nouveau mais connait aujourd’hui un
essor considérable ; si ces travaux relèvent de cadres variés (cf. pour un état des lieux,
Rinck, 2010), on peut toutefois distinguer à grands traits deux types d’études, celles
s’inscrivant en didactique, les autres en analyse de discours.

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5 Les premières visent à former à la communication en langue étrangère, dans les


champs du Français sur Objectifs spécifiques, et l’English for Academic Purposes ainsi qu’à
l’écrit académique, à travers les courants anglo-saxons Writing in the Disciplines, Writing
Accross the Curriculum, College Composition Studies, et dans la francophonie la Didactique de
l’écrit dans l’enseignement supérieur4, ou encore Littéracies Universitaires, selon une
appellation récente, qui tend à se généraliser aujourd’hui5.
6 Les secondes visent à cerner, à travers la description linguistique, les fondements des
communautés discursives ; c’est dans cette perspective que s’inscrit le présent numéro.
Deux champs linguistiques sont mobilisés, chacun dans une acception large, la
rhétorique et la linguistique de l’énonciation.
7 L’approche rhétorique du discours scientifique est fondée dans les années 1960 sur une
revendication récurrente, autour de laquelle ont convergé des approches historiques,
sociologiques et ethnographiques, avec pour finalité de promouvoir une conception
constructiviste de la science. De nombreux travaux (voir par exemple Latour et Fabbri,
1977 ; Prelli, 1989 ; Gross, 1990 et pour des travaux plus récents Hyland, 2002 ; Harwood,
2005 ; Grossmann et Rinck, 2004 ; Fløttum, 2007)ont étayé l’idée désormais bien établie
que, loin d’être neutres et objectifs, les textes scientifiques comportent une forme de
subjectivité et une visée persuasive.
8 Il reste toutefois à étayer le type de subjectivité auquel on a affaire, la construction
discursive du savoir scientifique et la dimension argumentative (Amossy, 2000) de
textes qu’il faut concevoir à la fois comme des manières de dire et de faire la recherche
(cf. notamment Beacco, 1992 ; Carter, 2007). La rhétorique, mais aussi la sémiotique,
l’analyse de discours et la pragmatique peuvent y contribuer, et éclairer les enjeux
cognitifs, sociaux et praxéologiques des textes en lien avec leurs caractéristiques, et en
particulier leurs caractéristiques énonciatives.
9 Parallèlement en effet, le champ de l’énonciation dans l’écrit scientifique et plus
largement dans les textes argumentatifs fait l’objet d’un grand intérêt en linguistique,
notamment autour de la polyphonie. On peut citer, entre autres, les activités du groupe
Ci-dit sur le discours rapporté et la circulation des discours, les approches développées
dans la théorie scandinave de la polyphonie par H. Nølke, K. Fløttum, C. Noren (2000),
l’analyse énonciative du point de vue chez A. Rabatel (1998, 2003, 2004), les travaux de
R. Amossy et de R. Koren sur l’ethos dans son lien avec l’argumentation et la
responsabilité (Amossy, 1999 ; Amossy et Koren, 2004).
10 Dans les contributions que réunit ce numéro, plusieurs axes d’analyse sont traités, qui
relèvent du type de discours étudié et du positionnement de l’auteur dans son écrit.

Types de discours étudiés


11 L’écrit scientifique est notamment étudié à travers le genre emblématique de l’article,
mais aussi à travers les comptes rendus d’ouvrages (F. Salager, M. Á. Alcaraz-Ariza et
M. Pabón). L’accent est mis sur la diversité des normes en usage, en diachronie en ce
qui concerne les comptes rendus d’ouvrage étudiés de la fin du XIXe siècle au début du
XXIe, et, en ce qui concerne le genre de l’article, en fonction de styles individuels
(U. Reutner), en fonction des disciplines (A. Tutin) et en fonction du statut de l’auteur
(K. Fløttum et E. T. Vold).

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12 En analyse de discours, le discours scientifique est considéré comme un discours


« fermé » (Charaudeau et Maingueneau, 2002, p. 261) car, dans un domaine donné, ceux
qui en sont à l’origine sont peu ou prou ceux auxquels il est adressé. Cependant, la
« communauté discursive » (Swales, 1990) ainsi constituée demande à être envisagée de
manière dynamique. Notre numéro se clôt sur cette question (T. Donahue) en traitant
de l’acculturation des étudiants aux discours universitaires, expression qui traduit mal
le courant de l’« academic discourse ». Peu utilisée en contexte francophone en raison
vraisemblablement des ambigüités attachées au terme « académique », cette
désignation l’emporte en contexte anglophone où « scientific discourse » ne concerne
que les disciplines de sciences dures. L’« academic discourse » prend en compte
conjointement le discours des chercheurs, sa transposition didactique à l’université et
les écrits des étudiants dans leur parcours universitaire et leur formation à la
recherche.

Le positionnement dans l’écrit scientifique


13 Les contributions ont en commun un intérêt pour la question du positionnement dans
l’écrit scientifique. La notion de positionnement est envisagée sous deux angles, dans sa
composante socio-institutionnelle d’une part et linguistique d’autre part. C’est d’abord
à travers la comparaison entre articles de doctorants et articles de leurs ainés
(K. Fløttum et E. T. Vold) qu’est étudiée cette composante socio-institutionnelle, puis à
travers une recherche sur l’acculturation à l’écrit académique (T. Donahue). Dans les
deux études, l’enjeu est en effet de comprendre les pratiques scripturales en termes
d’acculturation, en fonction du statut du scripteur dans le monde académique, d’où
l’intérêt pour les étudiants qui en découvrent peu à peu les normes et pour les
doctorants, à la frontière institutionnelle qui fait passer du statut d’étudiant à celui de
chercheur ou d’enseignant-chercheur.
14 Au plan linguistique, les contributions éclairent différents procédés aux fondements du
positionnement du scripteur dans l’écrit scientifique. À l’encontre de la vision de l’écrit
scientifique comme écrit neutre et objectif, mais aussi du simple contre-pied de cette
thèse, elles montrent en quoi le positionnement est le résultat de procédés
d’effacement énonciatif et de procédés de marquage de l’attitude ou de la subjectivité
du locuteur.
15 Le rôle des pronoms personnels dans le discours scientifique est traité dans plusieurs
articles. Il s’agit d’aller au-delà du constat de la présence de traces de l’auteur dans
l’usage de ces pronoms pour les étudier en termes de choix stratégiques à l’aide de
questionnaires (U. Reutner) et comme des composantes des images et rôles d’auteur qui
se construisent dans le texte (A. Tutin ; K. Fløttum et E. T. Vold ; F. Salager,
M. Á. Alcaraz-Ariza et M. Pabón), de manière diverse en fonction des époques
(F. Salager, M. Á. Alcaraz-Ariza et M. Pabón), des disciplines (A. Tutin) et du statut de
l’auteur (K. Fløttum et E. T. Vold). Ces articles montrent la diversité des valeurs des
pronoms et les difficultés de l’interprétation (notamment dans le cas du « nous »
académique renvoyant au seul auteur et de « nous » incluant le lecteur / la
communauté de chercheurs). Ils envisagent les pronoms dans leur contexte, en
association avec d’autres observations linguistiques, comme les indications données sur
l’auteur du compte rendu d’ouvrage et de l’ouvrage recensé (F. Salager, M. Á. Alcaraz-
Ariza et M. Pabón), par exemple leur rattachement institutionnel, ou le lexique

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assurant le guidage du lecteur, l’argumentation en faveur des positions de l’auteur,


l’explicitation des procédures de la recherche (K. Fløttum et E. T. Vold).
16 Si les pronoms personnels représentent une entrée traditionnellement prise en compte
en linguistique énonciative et dans les écrits scientifiques, c’est plus largement le
lexique et la phraséologie qui sont explorés dans les études réunies ici. L’interface entre
la syntaxe et la sémantique et les effets pragmatiques des patrons phraséologiques sont
au cœur de deux contributions (Z. Livnat ; I. Kanté). La première (Z. Livnat) étudie la
rhétorique de l’objectivité à travers les constructions caractéristiques de l’effacement
énonciatif du discours scientifique, comme le passif et les nominalisations. La seconde
(I. Kanté) se centre sur les noms-têtes de subordonnées complétives comme marqueurs
modaux qui peuvent prendre une valeur épistémique ou évaluative dans le discours
scientifique en anglais.

Présentation du dossier
17 Agnès Tutin explore la question de la présence et du positionnement de l’auteur dans
l’article à travers l’étude des verbes de positionnement associés à un pronom sujet (ex. :
je cherche à démontrer). Elle mène une comparaison fine de parties textuelles
(introductions et conclusions) extraites de 60 articles de trois disciplines (linguistique,
psychologie et sciences de l’éducation). Les résultats de sa première étude sur les
pronoms montrent que les linguistes sont ceux qui expriment le plus leurs voix
personnelles. Sa deuxième étude portant sur les verbes de positionnement permet de
dégager deux tendances : si les psychologues mettent en avant les hypothèses et les
résultats, les chercheurs en sciences de l’éducation insistent davantage sur les
intentions, opinions et questionnements du chercheur, tandis que les linguistes se
situent entre ces deux tendances marquées en faisant usage de ces deux grands types
de verbes de positionnement. À l’issue de cette double étude, A. Tutin constate une
grande hétérogénéité des usages, à la fois au sein de la discipline et entre les
disciplines, ce qui rend l’étiquette « sciences humaines » peu pertinente.
18 K. Fløttum et E. T. Vold s’intéressent au genre de l’article de recherche en français dans
le domaine de la linguistique et proposent une comparaison entre des articles publiés
par des doctorants et ceux de chercheurs plus expérimentés. Leur analyse se centre sur
la construction de l’ethos auto-attribué, autrement dit l’image du scripteur dans son
texte, telle qu’elle se manifeste à travers l’usage des pronoms personnels. Les pronoms
je, nous et on, permettent aussi de pointer, en fonction des verbes avec lesquels ils se
combinent, les rôles (de chercheur, de scripteur ou d’argumentateur) endossés par
l’auteur dans son texte. Une première approche quantitative de l’usage des pronoms et
des rôles d’auteur dans les articles de doctorants et ceux de leurs aînés est complétée
par l’étude qualitative de deux articles de doctorants, qui met en évidence leur souci de
guider le lecteur et de rendre explicites les procédures de leur recherche.
19 F. Salager, M. Á. Alcaraz Ariza et M. Pabón proposent une étude en diachronie du genre
de la recension d’ouvrages. Leur corpus se constitue de recensions publiées dans des
revues de médecine à trois périodes différentes : la fin du XIXe siècle, le milieu du XXe et
le début du XXIe. L’analyse porte sur les formes d’identification de l’auteur de l’ouvrage
recensé et les manifestations de l’auteur de la recension. Cette étude met en évidence
un double changement dans l’écriture des recensions : les informations servant à
identifier les auteurs des ouvrages recensés se font de plus en plus succinctes et

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l’accent est davantage mis sur l’ouvrage que sur son auteur ; inversement, les
informations servant à identifier l’auteur de la recension se développent et l’usage de
« we » cède la place à l’usage de « I ». Le genre est ainsi questionné en regard de
l’évolution de la communauté scientifique et de l’influence des langues qui y sont en
usage.
20 U. Reutnerrevisite la question de la présence des pronoms personnels dans l’article,
afin de mesurer l’évolution de ces usages par rapport à ce qu’elle appelle « l’ancien
tabou du moi », qui exige traditionnellement que soit effacé du discours scientifique les
marques personnelles de l’auteur, au nom d’un idéal d’objectivité de la recherche et de
la modestie du chercheur. Dans cette perspective, son analyse s’appuie à la fois sur un
examen de pratiques (articles dans le champ des études littéraires et linguistiques) et
sur les résultats d’une enquête menée auprès d’un grand échantillon de chercheurs en
linguistique, visant à identifier leurs choix conscients de pronoms utilisés, et en
particulier leurs éventuelles stratégies d’évitement du je. Ses observations convergent :
si la présence des pronoms personnels (je, on, nous) dans les textes est attestée, elle est
extrêmement variable selon les auteurs. Ces différences inter- (voire intra) textuelles
sont interprétées par U. Reutner comme le résultat de préférences individuelles. Les
réponses obtenues par les chercheurs tendent également à renforcer l’idée que ces
usages sont fortement dépendants du style individuel de l’auteur. Elle en conclut qu’en
l’absence « d’idéal discursif » commun, il est peu envisageable de déduire des usages
experts des recommandations rédactionnelles destinées aux apprentis-chercheurs.
21 Z. Livnat s’intéresse à la rhétorique de l’objectivité à partir d’un corpus d’articles en
hébreu dans le domaine des sciences sociales. Il inventorie les constructions dites
« impersonnelles » au sens où elles se caractérisent par un effacement du locuteur :
l’usage d’opérateurs modaux ou évaluatifs suivis d’un infinitif, possible dans certaines
langues comme l’hébreu, la voix passive et les métaphores grammaticales. Ces
dernières, définies en référence à M. K. Halliday, sont analysées à travers deux
exemples, la nominalisation et les métonymies, qui permettent de donner un sujet
inanimé à un verbe désignant une activité cognitive (par exemple « ce papier discute »).
L’auteur traite ainsi de la construction des faits scientifiques et de la manière dont
l’argumentation s’inscrit dans la langue, à partir d’une approche à la charnière de la
syntaxe et de la sémantique.
22 I. Kanté n’analyse pas le discours scientifique en lui-même, mais en le comparant au
discours juridique, avec l’hypothèse que l’usage des formes linguistiques varie en
fonction des logiques propres aux différents domaines d’activité. Il se centre sur les
noms-têtes de phrases en que P (ou « that clauses »), de type « fact », « evidence »,
« statement », qui se définissent comme des formes d’expression nominale de la
modalité : ils signalent le positionnement du scripteur et caractérisent le contenu
propositionnel. Prenant comme point de départ un inventaire des différents patrons
phraséologiques qui mobilisent les noms-têtes, l’étude compare leurs occurrences dans
les deux corpus scientifique et juridique. Elle met en évidence que les noms-têtes sont
particulièrement fréquents dans le discours scientifique et analyse leur valeur modale
dans les deux corpus en distinguant les épistémiques, les déontiques et les évaluatifs.
Non seulement les deux corpus ne recourent pas aux mêmes patrons, mais les mêmes
patrons servent des fonctions pragmatiques différentes.
23 T. Donahue s’interroge sur l’évolution du rapport aux écrits disciplinaires que
connaissent les étudiants tout au long de leur cursus, ici dans une université

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américaine. À cette fin, elle compare deux types de données : elle mène d’une part une
analyse des pratiques scripturales réalisées par trois étudiants durant leurs quatre
années d’étude ; d’autre part, elle effectue une analyse de contenus d’une série
d’entretiens (réalisés à deux moments-clés du cursus) auprès de ces mêmes étudiants. À
partir de cette étude contrastive, elle met en lumière un décalage important entre
l’évolution de la qualité des écrits estudiantins, marquée par une appropriation
progressive des contenus disciplinaires et des conventions à l’œuvre dans la discipline
concernant les écrits qui la caractérisent, et la difficulté qu’ont manifestement ces
mêmes étudiants à verbaliser cette évolution, dont ils n’ont qu’une conscience assez
limitée.
24 En somme, ce numéro permet d’étayer la question des genres de discours et celle du
positionnement dans ses fondements linguistiques, en mettant en évidence comment il
se construit, à la fois à travers les traces de l’auteur et les formes d’effacement. On y
discute de l’influence des genres et des langues sur les pratiques scripturales et la part
de conscience quant aux choix effectués. Ce numéro montre en outre en quoi le
positionnement affecte aussi bien la dimension persuasive de l’écrit scientifique que sa
dimension épistémique : le positionnement et les rôles de l’auteur dans son texte, en
opposition à une vision « ornementale » de la rhétorique scientifique, se caractérisent
par des logiques propres aux disciplines dans leurs modes de construction des
connaissances et par les habitus, linguistiquement marqués, qui permettent d’asseoir la
validité de ces dernières.

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NOTES
1. Projet Scientext (responsables : F. Grossmann et A. Tutin, LIDILEM), financé par l’ANR
« Corpus », 2007-2010.
2. « Un corpus et des outils pour étudier le positionnement et le raisonnement dans les écrits
scientifiques » [en ligne], disponible sur <http://scientext.msh-alpes.fr/scientext-site/spip.php?
article1> [consulté en avril 2010].
3. Cf. le numéro à paraitre « Les discours scientifiques – Des marques linguistiques aux
épistémologies » de la Revue d’Anthropologie des connaissances, coordonné par F. Grossmann.
4. Voir notamment Boch et Grossmann (2001) ; Delcambre et Jovenet (2002) ; Pollet et Boch
(2002) ; Boch, Laborde et Reuter (2004) ; Kara (2004) ; Reuter (2004).
5. Cf. à ce sujet le projet Écrits Universitaires : Inventaires, Pratiques, Modèles (responsables :
I. Delcambre, Théodile, et F. Boch, LIDILEM, financé par l’ANR « Apprentissages » 2007-2010), qui
se clôt par l’organisation du colloque international « Littéracies universitaires : Savoirs, Écrits,
Disciplines », septembre 2010, Lille.

AUTEURS
FRANÇOISE BOCH
LIDILEM, EA 609, Université Stendhal-Grenoble 3

FANNY RINCK
MoDyCo, UMR 7114, Université Paris 10

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Dans cet article, nous souhaitons


montrer que…
Lexique verbal et positionnement de
l’auteur dans les articles en sciences
humaines
Agnès Tutin

1 Les écrits scientifiques sont souvent considérés comme un genre « neutre », avec un
fort effacement énonciatif, où l’auteur se dissimule derrière la présentation de faits
objectifs et des modalités de raisonnement partagés par la communauté scientifique.
Les travaux accomplis sur ce sujet dans les dernières années (par exemple, Swales,
1990 ; Hyland, 2005 ; Fløttum et al., 2006 ; Rinck, 2006) montrent cependant qu’il n’en
est rien, en tout cas dans certaines disciplines, et que l’écrit scientifique est
véritablement un texte argumentatif où la dimension rhétorique est fortement
présente. Fløttum et al. (2006), en examinant un corpus varié d’écrits scientifiques en
sciences humaines (linguistique), sciences sociales (économie) et sciences
expérimentales (médecine) ont ainsi mis en évidence, à travers l’étude de plusieurs
marques linguistiques énonciatives, une importante présence de l’auteur en sciences
humaines et en sciences sociales. Ce constat rejoint l’étude faite dans (Tutin, à paraitre ;
Cavalla et Tutin, à paraitre) qui montre que le lexique évaluatif, fortement lié à des
stratégies de persuasion (lexique de la nouveauté, de l’importance), est bien présent en
sciences humaines et sociales.
2 Dans cet article, nous souhaitons approfondir l’étude de la présence auctoriale et du
positionnement de l’auteur, conformément aux objectifs du projet ANR Scientext que
nous pilotons au sein du LIDILEM depuis 2007 (« Scientext : Un corpus et des outils pour
étudier le positionnement et le raisonnement dans les écrits scientifiques 1 »). En
comparant trois disciplines des sciences humaines et sociales, la linguistique, la
psychologie et les sciences de l’éducation2, nous cherchons à étudier comment
s’effectue linguistiquement l’engagement de l’auteur et la dimension argumentative du

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12

discours scientifique : nous analysons pour cela les verbes de positionnement associés à
l’auteur à travers un pronom sujet (exemples : je cherche à démontrer, nous pensons que…).
3 L’étude est principalement centrée sur les introductions et les conclusions, parties
textuelles peu techniques où le positionnement de l’auteur est particulièrement
marqué3. Dans l’introduction, l’auteur doit en effet à la fois justifier l’intérêt et la
nécessité de l’étude entreprise, mais aussi se situer par rapport à ses devanciers en
s’inscrivant dans une tradition ou un cadre théorique (Swales, 1990 ; Boch et al., à
paraitre). Dans la conclusion, il souligne généralement les apports spécifiques et
résume les résultats de l’étude entreprise.
4 Nous faisons l’hypothèse que la présence auctoriale s’établit diversement selon les
disciplines des sciences humaines. On peut imaginer, comme mis en évidence par
Fløttum et al. (2006), qu’elle sera assez manifeste en sciences du langage où l’auteur
cherche souvent à développer une pensée ou un modèle propre. En psychologie
cognitive et sociale, en revanche, on peut supposer que les écrits, qui se rapprochent
par la structure (IMRD) et les méthodes (expérimentales) des sciences dures, pourraient
ainsi en adopter le style plus « neutre », avec moins de références explicites aux
auteurs et l’emploi moins marqué de verbes exprimant un point de vue. En outre, on
peut aussi s’attendre à ce que le verbe de positionnement utilisé soit fortement lié à la
valeur référentielle du pronom sujet, selon qu’il renvoie strictement à l’auteur ou qu’il
intègre aussi la communauté de discours.
5 Dans un premier temps, nous présentons la méthodologie de l’étude qui s’appuie sur un
corpus de 60 articles et expliquerons comment le lexique étudié a été sélectionné. Puis
nous présentons plus en détail le lexique du positionnement. Nous analysons ensuite
les résultats sur un plan quantitatif et qualitatif.

Méthodologie
Le corpus

6 Le corpus exploré dans cette étude est un sous-ensemble du corpus Scientext, composé
de 60 articles relevant de trois disciplines des sciences humaines (3 x 20 articles) : la
linguistique, les sciences de l’éducation et la psychologie cognitive et sociale, explorées
dans le cadre du projet Scientext. L’étude porte ici exclusivement sur les introductions
et les conclusions, pour deux raisons : d’une part, comme mentionné en introduction,
parce que nous avons remarqué que les stratégies rhétoriques de persuasion étaient
particulièrement manifestes dans ces parties textuelles ; d’autre part, parce que nous
souhaitons proposer une étude qualitative, ce qui parait difficilement réalisable pour
des raisons pratiques sur un corpus plus volumineux.
7 Le corpus analysé, constitué d’un ensemble de revues représentatives de chaque
discipline, est présenté dans le tableau 1.

Tableau 1. – Composition du corpus.

Discipline Sciences de Linguistique Psychologie Total


l’éducation cognitive et
sociale

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Revues – Revue française – Lidil – L’année


de pédagogie – Cahiers de psychologique
– Éduquer grammaire – Le travail humain
– Éducation et – Travaux de – Revue canadienne
Formation linguistique de psychologie4
– Langue française
– Revue de sémantique
et de pragmatique

Tailles des introductions


10 516 8 259 27 186 45 961
(en nombre de mots)

Tailles des conclusions (en


15 507 4 873 19 560 39 940
nombre de mots)

Total introduction et
conclusion (en nombre de 26 023 13 132 46 746 85 901
mots)

Nombre d’articles 20 20 20 60

8 Lorsque les articles ne présentaient pas de sections clairement identifiées avec les
termes « introduction » ou « conclusion », nous avons considéré comme telles toutes
les premières et dernières parties textuelles. On observe dans le tableau 1 de grandes
disparités au niveau du volume des sections. De manière générale, les articles de
psychologie sont un peu plus longs que ceux des deux autres disciplines, et les parties
introductives et conclusives y sont particulièrement développées. En psychologie, les
articles suivent souvent implicitement la structure IMRaD en vigueur dans les sciences
expérimentales (Introduction, Materials and Methods, Results and Discussion), et les
introductions ou conclusions peuvent y intégrer respectivement les parties « Matériel
et Méthode » ou « Discussion ». Ces différences de volume sont bien entendu prises en
compte dans les évaluations quantitatives.

Le lexique exploré

9 Nous nous intéressons ici exclusivement au lexique verbal impliquant explicitement


l’auteur de l’article scientifique par le biais d’un pronom personnel sujet de première
personne ou un pronom on mettant en jeu l’auteur. Sont donc repérées des séquences
comme les suivantes :
je pense, nous avons choisi de, on peut penser que, nous avons souligné…
Bien entendu, la voix de l’auteur ne se cantonne pas à l’emploi de la première personne
sujet ou du pronom on. Elle apparait implicitement sous d’autres formes dans l’écrit
scientifique, par le biais de l’évaluation axiologique adjectivale, comme en (1) :
(1) Ce système est adapté aussi bien à une étude linguistique des marqueurs…
(Article de linguistique)5.
La voix de l’auteur est aussi décelable, mais de façon détournée, dans la mention
d’opérations scientifiques qui impliquent de façon évidente l’auteur/chercheur.

Lidil, 41 | 2010
14

L’utilisation de structures passives (2) ou impersonnelles passives (3) pour des verbes à
sujet humain comme définir ou demander est fréquente dans ce cas 6.
(2) Les principes organisateurs de l’information ont été définis autour des liens
méréologiques… (Article de linguistique.)
(3) Au début de chaque entretien (entre une demi-heure et une heure), il a été
demandé aux enquêtés, sous forme de questions fermées, s’ils comprenaient
(réception) chacune des langues, dialectes ou variétés en présence. (Article de
linguistique.)
10 L’auteur se manifeste aussi implicitement dans des emplois métonymiques du type cet
article ou ce travail (exemple : Cet article propose une revue de littérature sur l’ajustement
postural [Corpus de psychologie]). Ces stratégies d’évitement de la mention explicite de
l’agent sont courantes dans l’écrit scientifique. Nous verrons cependant que tous les
verbes ne l’autorisent pas.
11 En focalisant notre étude sur les structures je-nous-on + Verbe, comme Fløttum et al.
(2006), nous avons choisi des contextes verbaux où le sujet s’inscrit délibérément
comme un agent « agissant » (nous avons démontré, je pense que…), ce qui est
généralement moins le cas dans des structures syntaxiques où le pronom occupe une
autre fonction (exemples : il nous semble…). Nous incluons aussi dans les patrons je-nous-
on + Verbe les structures infinitives où le pronom est sujet de l’infinitive (exemple : cela
nous a permis d’ exclure cette possibilité… ). Dans certaines constructions infinitives
(exemple : je veux montrer), deux verbes de positionnement ont pu être dégagés (ici,
vouloir et montrer).
12 En ce qui concerne le lexique verbal, nous nous sommes concentrée sur le lexique qui
indique un engagement fort de la part de l’auteur, qu’il s’agisse d’opinions et
d’évaluations, de décisions ou de verbes indiquant des apports scientifiques spécifiques.
Afin de caractériser les éléments du lexique qui nous intéressaient, une annotation
semi-automatique a été réalisée sur les occurrences du corpus pertinentes, excluant
bien entendu les contextes de discours rapporté7.

Le lexique verbal du positionnement


La voix de l’auteur à travers les pronoms sujets

13 Les pronoms sujets qui renvoient à l’auteur dans l’écrit scientifique sont au nombre de
trois : je, nous et on. je – finalement assez rare, comme on le verra – ne pose guère de
problèmes : il renvoie pratiquement toujours à l’auteur/locuteur de l’écrit scientifique
si on exclut bien entendu les contextes de discours rapportés, citations et autres 8. nous
et surtout on sont sans surprise extrêmement ambigus sur le plan référentiel et
énonciatif et l’interprétation en est délicate. Ce brouillage énonciatif peut aussi être
une stratégie délibérée de la part de l’auteur (Loffler-Laurian, 1983 ; Fløttum et al.,
2007).
14 Les pronoms on et nous peuvent, dans l’écrit scientifique, exclure complètement
l’auteur. Cet emploi, générique ou indéfini, est divers. Dans notre corpus, on et nous
peuvent ainsi renvoyer à la condition d’être humain9, comme dans l’exemple suivant de
psychologie. Cette valeur référentielle n’est pas rare dans cette discipline ainsi qu’en
sciences de l’éducation.

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15

(4) De la vivacité et de l’indubitabilité supposée de cette expérience, nous inférons


les propriétés de richesse et de cohérence, que nous attribuons non seulement au
monde externe, mais aussi au monde interne, … (Article de psychologie.)
L’emploi générique peut aussi renvoyer à un sous-ensemble de la communauté sociale,
par exemple la communauté des éducateurs et des décideurs, différente de la
communauté de discours (celle des chercheurs). Dans ces emplois, on est préféré à nous
(61 occurrences de on contre 41 occurrences de nous).
(5) Si l’on veut améliorer la démocratisation de l’enseignement supérieur en
Belgique, c’est donc vers ces établissements que les moyens doivent être
concentrés. (Article de sciences de l’éducation.)
Ces emplois génériques, comme cela a été aussi relevé par Fløttum et al. (2006), ne sont
généralement pas associés à des verbes spécifiques des écrits scientifiques et n’ont pas
été intégrés dans l’étude.
15 À côté de cet emploi générique, on relève trois emplois personnels qui incluent
clairement l’auteur/locuteur.
16 L’auteur singulier peut être représenté par nous et plus rarement par on. Ce nous
renvoyant à un auteur unique, souvent appelé « nous de modestie », reste la norme
dans les écrits scientifiques pour le français, même en sciences humaines comme on le
verra, contrairement à l’anglais où le I est prédominant, en particulier dans les sciences
humaines (Fløttum et al., 2006 ; Hyland, 2001).
(6) Schématiquement, on associera à ces trois figures, dans la terminologie de
Jakobson, respectivement les fonctions poétique pour l’énallage, conative et
expressive pour l’hyperbole. (Corpus de linguistique.)
Nous et on sont évidemment aussi employés pour renvoyer aux auteurs collectifs, très
fréquents dans notre corpus en psychologie.
17 Ces pronoms peuvent également inclure le destinataire/lecteur (emploi dit « inclusif »,
par exemple dans Riegel et al., 1994), en particulier dans les passages où le locuteur
cherche à prendre le lecteur à témoin dans la démonstration ou le déroulement de la
recherche en train de se lire. Dans certains contextes verbaux, l’interprétation
inclusive est d’ailleurs la seule possible et l’emploi du pronom de première personne est
tout à fait exclu (cf. 7 et 8) :
(7) La progression de nos patrons est, nous l’avons vu, rythmée par la possibilité
d’exprimer des contraintes de plus en plus complexes. (Corpus de linguistique.)
(8) *La progression de nos patrons est, je l’ai vu, …
Ces emplois strictement inclusifs – et finalement assez rares – sont particulièrement
fréquents avec les verbes à fonction évidentielle comme voir, pour lesquels le chercheur
cherche à associer fortement le lecteur dans l’observation des preuves(Grossmann et
Tutin, à paraitre).
18 Enfin, on relève un dernier emploi de on et de nous classiquement appelé « exclusif »
(nous ou on = je+ il(s)), qui inclut l’auteur et la communauté de discours au sens de
Swales (1990), ici celle des chercheurs, comme en (9). Comme pour l’exemple (7) ci-
dessus, le je est ici exclu.
(9) Ainsi, toute une série de contraintes syntaxiques semblent liées à ce qu’on
pourrait appeler une « allergie » à la préposition. (Corpus de linguistique.)
(10) *ce que je pourrais appeler une « allergie » à la préposition…
Le lecteur étant intégré dans la communauté de discours, il est de fait inclus dans ce
référent. Pour cet emploi, on est beaucoup plus productif que nous, en particulier avec
le modal pouvoir comme remarqué par Gjesdal (2008) (voir aussi « Verbes et pronoms »).

Lidil, 41 | 2010
16

19 En bref, pour l’étude de notre corpus, nous avons étiqueté les valeurs de on/nous à l’aide
des valeurs suivantes :
1. emploi générique : les différents types d’emplois n’ont pas été affinés ;
2. auteur singulier ;
3. auteur collectif ;
4. auteur + lecteur ;
5. auteur + communauté de discours.
Les valeurs utilisées ici sont proches de celles de Fløttum et al. (2006), hormis les cas de
on-lecteur, que nous n’avons pas repérés dans notre corpus (exemple : on se reportera à
la figure 2 pour observer cela).
20 L’attribution des valeurs référentielles de on et nous a été particulièrement délicate, du
fait d’une ambigüité référentielle, peut-être parfois délibérée, presque partout
présente. Un contexte large a dû être examiné10, prenant en compte le sémantisme des
mots du contexte, en particulier des verbes. Quelques tests de substitution ont
également été employés, comme on l’a vu plus haut dans les exemples 7 et 9. Pour des
cas particulièrement délicats, l’avis d’un collègue linguiste a été sollicité 11.

Le lexique verbal du positionnement

21 Comme indiqué plus haut, les verbes retenus comme s’inscrivant dans le
positionnement sont des verbes qui indiquent un engagement fort de l’auteur, qu’il
s’agisse de verbes d’opinion ou d’évaluation, ou de verbes indiquant un apport singulier
de l’auteur dans la démonstration ou la découverte scientifique. Ne sont donc pas
intégrés ici les verbes de fonctionnement purement métadiscursif (nous présenterons,
nous finissons par…) ou qui renvoient à la narration scientifique (nous avons dépouillé
23 enquêtes, nous avons analysé les résultats…). Lorsque les verbes sont fortement
polysémiques et très désémantisés, comme dans le cas des verbes supports (p. ex. faire
une hypothèse, faire un choix), c’est toute l’expression verbale qui a été prise en
considération. Nous avons dégagé empiriquement, à partir des observations sur corpus,
trois grandes classes de verbes de positionnement :
• les verbes qui renvoient à une opinion ou un point de vue (penser, croire, considérer que,
juger…), ou à une distance/adhésion par rapport aux pairs (se distinguer de, rejoindre…), ou à
un questionnement (se demander…) ;
• les verbes qui indiquent un choix (choisir, retenir, opter pour…) ou une intention (vouloir,
souhaiter, projeter…). Sous la classe du choix, nous avons intégré la classe spécifique de
formulation des hypothèses (faire, formuler, émettre une hypothèse, supposer), qui nous semble
relever de ce type sémantique dans les écrits scientifiques ;
• les verbes qui indiquent un apport spécifique de l’auteur, qu’il s’agisse d’une proposition
(proposer…), d’une preuve ou démonstration (montrer, prouver…) ou de résultats obtenus ou
visés (dégager, souligner…). Le matériel lexical utilisé est ici assez spécifique des écrits
scientifiques. Même s’il ne s’agit pas de prise de position au sens propre, l’auteur indique ici
sa contribution au débat scientifique, et s’engage de ce fait fortement.
22 La figure 1 résume la typologie employée.
23 Bien entendu, une désambigüisation fine des verbes a été opérée en contexte. Par
exemple, considérer que est souvent un verbe d’opinion, considérer X comme Y plutôt un
verbe d’évaluation alors que dans la construction considérer SN (exemple : nous avons

Lidil, 41 | 2010
17

considéré les points suivants), il ne sera tout bonnement pas intégré parmi les verbes de
positionnement.

Figure 1. – Classification des verbes de positionnement associée à un pronom sujet auteur du


texte.

Résultats et analyse
Les pronoms sujets
Fréquence des pronoms sujets mettant en jeu l’auteur

24 Nous avons calculé la proportion de pronoms sujets renvoyant à l’auteur dans les
différentes disciplines. Les résultats, apparaissant dans le tableau 2, sont assez
contrastés. D’une manière générale, les pronoms sujets renvoyant à l’auteur ne sont pas
légion dans les écrits scientifiques examinés, ce qui semblerait alimenter la thèse des
écrits scientifiques comme un genre à fort effacement énonciatif, où la voix de l’auteur
n’est pas mise en avant (au maximum, en linguistique, 13 ‰ des occurrences lexicales).
On observe cependant des différences remarquables entre disciplines des sciences
humaines, ce qui met bien en évidence la diversité au sein des sciences dites « molles »,
diversité dont il faut absolument tenir compte afin d’éviter les présentations
stéréotypées et réductrices. Les linguistes sont les chercheurs qui expriment le plus
leur voix, en particulier quand ils ne parlent qu’en leur nom (pronoms exclusivement
auteurs). Pour les autres emplois (inclusifs et exclusifs), ils dépassent également les
psychologues et les spécialistes des sciences de l’éducation, mais dans une proportion
moindre. Ces résultats confirment donc tout à fait ceux de Fløttum et al. (2006) qui
relevaient une bien plus forte proportion de ce type de pronoms en linguistique qu’en
économie et qu’en médecine. En outre, comme attendu, les psychologues emploient peu
le pronom de première personne, et les pratiques d’écriture paraissent de ce point de
vue proches des celles qui ont été observées par Fløttum et al. (2006) pour les médecins.
Pour l’emploi du pronom, il est ainsi possible qu’il y ait davantage de différences entre
la linguistique et la psychologie, qu’entre cette dernière discipline et la médecine 12. Les
résultats en sciences de l’éducation paraissent plus surprenants : ils se rapprochent
fortement de la psychologie, alors que les méthodes exposées ne sont pas celles des
pratiques expérimentales. Les articles de notre corpus sont cependant très divers :

Lidil, 41 | 2010
18

certains se rapprochent plutôt de la philosophie (par exemple, « Assujettissement et


subjectivation : réflexions sur l’usage de Foucault en éducation »), alors que d’autres
utilisent les techniques statistiques et l’enquête sociologique (par exemple, « Peut-on
conclure à propos des effets du redoublement ? »).

Tableau 2. – Proportion de pronoms renvoyant à l’auteur (sur le nombre total de mots, valeurs
exprimées en pour mille).

Sciences de l’éducation Linguistique Psychologie

Pronoms exclusivement auteurs


2,6 ‰ 9,1 ‰ 2,3 ‰
(singulier ou collectif)

Pronoms inclusifs
0,5 ‰ 0,9 ‰ 0,1 ‰
(auteur + lecteur)

Pronoms exclusifs
2,7 ‰ 3,1 ‰ 1,4 ‰
(auteur + communauté de discours)

Total 5,8 ‰ 13,1 ‰ 3,9 ‰

Répartition des pronoms selon les référents : auteur singulier ou collectif

25 Comment les auteurs, qu’ils soient singuliers ou collectifs, font-ils mention d’eux-
mêmes dans les articles scientifiques (tableau 3) ? Les disciplines des sciences humaines
représentées ici varient fortement en ce qui concerne les pratiques de rédaction
collective ou individuelle : alors que les articles collectifs en psychologie sont
nettement majoritaires (15 sur 20) – encore un trait qui rapproche la psychologie des
sciences expérimentales –, cela est plus modérément pratiqué en linguistique (6 articles
collectifs sur 2013) et pas du tout dans nos articles de sciences de l’éducation. Notre
corpus est ici assez modeste mais il donne surement quelques indications éclairantes
sur les pratiques rédactionnelles, qu’il faudrait confirmer toutefois sur un corpus plus
conséquent.

Tableau 3. – Types de pronoms utilisés par les auteurs pour référer à eux-mêmes (en % sur le
nombre total de pronoms auteurs utilisés).

Référent Discipline je nous on

Linguistique (14 articles) 32 % 61,5 % 6,5 %

Auteur individuel Sciences de l’éducation (20 articles) 0 82,5 % 17,5 %

Psychologie (5 articles) 0 91,5 % 8,5 %

Linguistique (6 articles) 100 % 0%

Auteur collectif Sciences de l’éducation (aucun)

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19

Psychologie (15 articles) 80,5 % 19,5 %

26 Dans la façon dont les auteurs font référence à eux-mêmes, on observe également
(tableau 3) une grande disparité au sein des sciences humaines représentées ici, ce qui
confirme qu’elles ne doivent pas être considérées comme un ensemble homogène. Dans
notre corpus, le je n’est utilisé qu’en linguistique, où il apparait cependant bien moins
fréquent (32 %) que le nous (61,5 %) de modestie. De façon plus surprenante, en sciences
de l’éducation, où aucun article n’est collectif, le je est totalement absent. Les chiffres
sont plus difficiles à interpréter en psychologie où la part des articles collectifs est
écrasante (seuls 5 articles individuels sur 20).
27 La présence non négligeable du je en linguistique pour les articles individuels est aussi
soulignée par Fløttum et al. (2006) qui relèvent une proportion nettement plus
importante qu’en économie. Nos observations rejoignent également celles de Poudat et
Loiseau (2005) qui, comparant la proportion des pronoms je en philosophie et
linguistique, relèvent également une présence massive de je en linguistique par rapport
à la philosophie. Rinck (2006) relève des chiffres comparables aux nôtres : le je est
employé dans 6 articles sur 20.
28 Il serait intéressant d’étendre ici l’étude à d’autres disciplines des sciences humaines
(histoire, sociologie, géographie, ethnologie, par exemple), mais on peut dès lors
relever que la linguistique semble dans notre corpus faire un peu figure d’exception,
avec un emploi particulièrement marqué du je. Il ne faut pas cependant peut-être pas
surinterpréter cet emploi dans cette discipline, et le considérer systématiquement
comme une prise en charge individuelle particulièrement forte de l’auteur. Il paraitrait
tout à fait abusif de considérer qu’un auteur qui y recourt systématiquement présente
un point de vue plus tranché qu’un auteur qui emploie le nous de modestie. D’une part,
la pratique du je peut être liée à des conventions d’écriture, variables d’une discipline à
l’autre. L’auteur, l’utilisant, se conforme aussi aux conventions de sa discipline. D’autre
part, d’autres moyens linguistiques sont bien entendu à la disposition du rédacteur
pour exprimer sa subjectivité, en particulier pour exprimer ses positions et défendre
son point de vue. Nous avions ainsi observé (Tutin, à paraitre ; Cavalla et Tutin, à
paraitre) que les économistes, qui emploient peu les marques de première personne
(Fløttum et al., 2006), recourent néanmoins davantage au lexique évaluatif que les
linguistes pour qualifier les méthodes, modèles et résultats, qu’il s’agisse des leurs et de
ceux de leurs pairs. Ils apparaissent aussi plus susceptibles que les linguistes d’indiquer
ouvertement leur positionnement par rapport aux pairs, à l’aide de marques de
« démarcation », par exemple à la différence de X, nous… comme démontré par Chavez
(2008) sur le même corpus ou d’indiquer explicitement leur filiation scientifique
(Garcia, 2008 ; Grossmann et al., 2009).
29 L’emploi récurrent du je dans les articles de linguistique, ainsi que la fréquence plus
marquée des pronoms renvoyant à l’auteur, indique néanmoins une visibilité plus
grande de l’auteur dans la discipline. Le recours au je apparait toutefois bien modeste
pour le français (32 % des occurrences pour renvoyer à un auteur singulier), si on le
compare aux écrits de linguistique anglaise où il est bien plus massif (32 articles avec je
sur 35 dans le corpus KIAP anglais de linguistique). La visibilité de l’auteur semble être
une spécificité de l’écriture de recherche anglo-saxonne en sciences humaines, où la
prise en charge très explicite du positionnement de l’auteur est valorisée :

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20

Authorship in academic writing in English both carries a culturally constructed


individualistic ideology and places the burden of responsibility for the truth of an assertion
heavily on the shoulders of the writer.(Hyland, 2002, p. 1110.)
Cette pratique est d’ailleurs parfois encouragée dans certains manuels de « academic
writing14 », mais certaines communautés culturelles semblent réticentes à se
l’approprier, comme les étudiants anglophones de Hong-Kong (Hyland, 2002).

Les verbes de positionnement


Types de verbes de positionnement

30 Sur les 506 pronoms sujets mettant en jeu l’auteur (les pronoms à valeur générique ou
indéfinie ont été écartés), seuls 195 accompagnent des verbes où le positionnement et
l’engagement de l’auteur apparaissent manifestes. Un grand nombre de verbes
renvoient en effet aux processus de l’activité scientifique (analyser, repérer, observer…)
ou au processus d’écriture (présenter, décrire…) et ne peuvent pas être considérés
comme des verbes qui engagent fortement l’auteur. La répartition des verbes de
positionnement apparait schématisée dans la figure 2 et le détail est donné dans le
tableau 4.

Figure 2. – Répartition des verbes de positionnement associés à des pronoms sujets mettant en
jeu l’auteur (valeurs en pourcentages).

31 Le détail de la répartition est donné dans le tableau 4.

Tableau 4. – Répartition des verbes de positionnement mettant en jeu l’auteur (en nombre
d’occurrences et en pourcentage).

Classe Type sémantique Nombre % (sur la totalité des verbes de


sémantique d’occurrences positionnement)

opinion 44 22,5 %

Opinion et point convergence/


4 2%
de vue divergence

questionnement 16 8,2 %

Lidil, 41 | 2010
21

choix 17 8,7 %

Intentions et
intention 31 15,9 %
choix

hypothèse 31 15,9 %

démonstration 19 9,7 %

Apports
proposition 4 2%
scientifiques

résultat/conclusion 29 14,8 %

32 Parmi les verbes de positionnement recensés, les résultats montrent que les verbes les
plus subjectifs (verbes d’opinion et de point de vue) ne sont pas les plus fréquents dans
notre corpus (64 occurrences), supplantés par les verbes indiquant un choix ou une
intention (nous voulons, nous avons choisi…) (79 occ.). Ce lexique indique les motivations
du chercheur et la façon dont il justifie des choix, sans l’engager toutefois aussi
fortement que les verbes d’opinion et de point de vue. Parmi ces derniers, ce sont les
verbes indiquant strictement une opinion (penser, considérer que…) qui sont les plus
nombreux. Le lexique verbal indiquant une convergence/divergence n’est pas très
fréquent sous la forme syntaxique je + nous + on V, par exemple dans Nous nous
distinguons de X sur ce point : il apparait probablement davantage dans d’autres
constructions lexico-syntaxiques (p. ex. contrairement à, à la différence de, à l’instar de, nos
résultats rejoignent/diffèrent de…)15. Les verbes d’apports scientifiques sont les moins
nombreux (52 occ.). Parmi ceux-ci, les verbes mentionnant les résultats obtenus (p. ex.
nous dégageons, nous concluons) sont les plus fréquents.
33 Nous observons des convergences dans nos répartitions avec l’étude de Fløttum et al.
(2006) sur les verbes accompagnant le je dans les écrits scientifiques 16. En repérant la
fonction sémantique des verbes, Fløttum et al. (2006) relevaient avec surprise que le
rôle assumé par l’auteur le plus fréquent était celui du chercheur (46 % des
occurrences). Puis venait le rôle de rédacteur (« writer ») avec 26 % des occurrences et
enfin, celui d’argumenteur (« arguer ») avec 14 % seulement des occurrences. Les
auteurs s’étonnaient que la part prise par les verbes d’argumentation soit aussi réduite,
étant donné l’importance de valoriser ses recherches dans un environnement
scientifique considéré comme de plus en plus compétitif. La typologie employée ici est
assez différente de celle de Fløttum et al. (2006) puisque nous avons exclu les verbes de
narration scientifique et les verbes métadiscursifs, deux catégories qui représentent
déjà 3/5 des occurrences avec un pronom auteur sujet. En outre, nous avons inclus dans
les verbes d’apports scientifiques quelques éléments que ces auteurs associaient à la
fonction de chercheur.
34 La majorité des verbes employés avec les pronoms personnels auteurs ne sont donc pas
des verbes qui manifestent des prises de position marquées. L’auteur apparait
essentiellement pour décrire les procédures scientifiques et accompagner le processus
d’écriture, moins fréquemment pour exprimer une opinion.

Lidil, 41 | 2010
22

Répartition des verbes par discipline

35 La répartition dans les différentes disciplines (fig. 3) permet d’affiner l’analyse et de


mieux comprendre de quelle façon l’auteur s’engage dans l’écrit scientifique. Tous les
types de verbes sont plus nombreux en linguistique – rappelons que les pronoms sujets
y sont proportionnellement beaucoup plus fréquents – en particulier ceux qui
renvoient aux opinions, intentions, à la démonstration, aux résultats et aux choix
effectués. Les verbes d’opinion et de point de vue s’y expriment assez diversement
(tableau 5), à l’aide de penser que (présent pour les trois disciplines) mais aussi à l’aide
de verbe admettre, juger, se prononcer sur, qualifier…
36 En psychologie, où les verbes sont globalement moins nombreux, ce sont les verbes
d’opinion, d’hypothèse et de résultats qui sont les plus productifs, ce qui semble
montrer que la dimension expérimentale (hypothèse et résultats) apparait plus
manifeste que la dimension narrative du cheminement intellectuel du chercheur. Pour
l’expression des hypothèses, les verbes supposer et s’attendre à ne sont d’ailleurs
pratiquement présents que dans cette discipline, hormis dans deux articles de
psycholinguistique sur l’acquisition de l’écrit. L’opinion s’exprime principalement à
l’aide du verbe penser que, comme dans les deux autres disciplines, par exemple dans le
passage suivant, en conclusion :
(11) D’autre part, la comparaison du développement de l’intégration des
connaissances sur le contexte dans l’anticipation appliquée à la fois au mouvement
volontaire et à la posture n’a, à notre connaissance, jamais été conduite. Nous
pensons ainsi qu’il doit être possible de faire un lien entre la prise en compte du
poids des objets dans la saisie et dans l’anticipation posturale lors du lestage du
bras/plateau par une tierce personne. (Article de psychologie, conclusion.)
37 Ce qui caractérise les sciences de l’éducation, en revanche, étant donné la faible
proportion de verbes de positionnement, c’est l’importance des verbes d’intention,
d’opinion, de question et de résultats, les trois premiers types mettant l’accent sur les
motivations et les raisons d’être de la recherche. Les verbes d’intention vouloir, chercher
à, proposer de… apparaissent fréquemment comme dans l’exemple suivant :
(12) Cette question se pose d’ailleurs à l’ensemble de l’Éducation nationale, à tous
les niveaux : quelle réflexivité sur les pratiques ? Avec quels outils et pour quoi
faire ? Nous voudrions ici développer un second point de conclusion. En quoi le
processus que nous avons décrit permet-il d’avancer sur le cadre théorique utile
pour penser la résistance à l’évaluation ? (Article de sciences de l’éducation.)
Ce passage est tout à fait caractéristique des articles de sciences de l’éducation, avec un
nombre important de questions rhétoriques (les verbes ayant trait au questionnement :
se demander, répondre à la question… sont également fréquents dans cette discipline) : on
relève proportionnellement deux fois plus de phrases interrogatives qu’en linguistique
et quatre fois plus qu’en psychologie, où les problématisations ne semblent pas
introduites par ce procédé. Dans l’exemple (12), le verbe vouloir n’exprime pas
véritablement une intention au sens strict, mais sert à introduire un verbe
métadiscursif. En psychologie, où l’écriture apparait plus sobre, ce type d’introducteur
pourrait simplement être lexicalisé par deuxièmement17.

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23

Figure 3. – Répartition des types de verbes par discipline (pour 10 000 mots).

Tableau 5. – Les verbes de positionnement les plus courants selon les disciplines (freq ≥ 2).

Linguistique Psychologie Sciences de l’éducation

38 verbes différents pour 66 35 verbes différents pour 86 24 verbes différents pour 42


occurrences occurrences occurrences

montrer (8) penser (8) vouloir (5)

vouloir (7) supposer (8) montrer (3)

rejoindre (3) montrer (7) chercher à (2)

admettre (3) vouloir (5) proposer de (2)

proposer (3) mettre en évidence (5) souligner (2)

se demander (3) faire une hypothèse (4)

partir de l’hypothèse (2) s’attendre à (4)

penser (2) chercher à (4)

conclure (2) conclure (4)

Verbes d’opinion et point de vue


Verbes d’intention et choix
Verbe d’apports scientifiques

38 En bref, bien que le faible nombre d’occurrences observées dans le tableau 5 incite à la
prudence, le positionnement des psychologues semble davantage marqué par une
formulation plus explicite des hypothèses et des résultats, ce qui parait peu surprenant
dans une discipline où l’expérimentation tient un rôle central. On observe chez les
linguistes une répartition plus équilibrée des types de verbes utilisés alors qu’en
sciences de l’éducation, les verbes exprimant une opinion apparaissent peu fréquents
(aucun n’apparait à plus d’une occurrence), ce qui peut paraitre surprenant dans une
discipline des sciences humaines souvent traversée par des débats polémiques.

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Verbes et pronoms

39 Jusqu’à présent, nous avons analysé indépendamment les pronoms et les verbes. Nous
cherchons ici à observer les interactions et affinités entre ces deux catégories. Si l’on
suit la tendance générale observée jusqu’à présent (une présence modérée des marques
de l’auteur et une faible proportion de verbes engageant fortement le locuteur), on
peut faire l’hypothèse que les positionnements verbaux les plus forts seront dans
l’ensemble atténués par une prise en charge « diluée » du locuteur (par exemple,
emploi d’un nous incluant la communauté de discours).
40 Pour observer ces associations, les types de verbes les plus fréquents avec les types de
pronoms auteurs ont été recensés (fig. 4).

Figure 4. – Répartition des types de pronoms en fonction des verbes (en % sur la totalité des
pronoms auteurs apparaissant avec les verbes de positionnement).

41 Les résultats montrent que l’hypothèse formulée – les prises de position les plus
marquées seraient tempérées par la dilution de la prise en charge de l’auteur – est
largement vérifiée. Les verbes associés exclusivement aux auteurs (sans inclure la
communauté de discours) servent surtout à indiquer la formulation des choix et des
intentions, ainsi que les résultats et la démonstration opérée. Les auteurs, lorsqu’ils
parlent en leur nom propre, semblent être avant tout des chercheurs plutôt que des
« argumenteurs » pour reprendre les termes de Fløttum et al. (2006). En revanche,
lorsqu’une dimension argumentative et polémique est introduite, à l’aide d’un verbe
d’opinion (on peut penser que…) ou de questionnement (nous pouvons nous demander si…),
le pronom est plus fréquemment (en proportion) exclusif (auteur + communauté de
discours), prenant à témoin la communauté des chercheurs, comme pour établir un
dialogue avec elle. Ici, le pronom le plus fréquent est on, incluant clairement la
communauté des pairs. Dans ce cas, les verbes d’opinion sont fréquemment modalisés
ou introduits dans une subordonnée de condition18 (cf. exemple 14), ce qui atténue la
prise de position individuelle.
(13) D’un point de vue énonciatif, l’exclamation serait à mettre à part du fait que,
contrairement à l’assertion, l’interrogation et l’injonction, elle n’a pas
véritablement de destinataire (Tomassone, op. cit.) ; on peut admettre à l’inverse,
avec H. Renchon (1967) qu’elle constitue une « prise à témoins de la “galerie” et
éventuellement de surcroit une invitation de la part du locuteur à partager son
sentiment – voire à agir en conséquence (Comme tu te coiffes !). » (Introduction,
article de linguistique.)
(14) Pourtant, même si l’on admet l’idée d’une certaine universalité du traitement
orthographique, la variété des tendances n’est pas négligeable pour autant.
(Conclusion, article de linguistique.)
(15) Inversement, on peut également suggérer que les convergences constatées
entre les données expérimentales et théoriques reflètent la part de communauté,
de stabilité entre les jugements de similarité élaborés dans des contextes différents.

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42 Si ces marques linguistiques atténuent la responsabilité de l’auteur en impliquant les


pairs, elles instaurent aussi un dialogue avec la communauté des lecteurs (le on est
aussi inclusif ici) et une dimension argumentative. En incluant les pairs, l’auteur
indique que l’opinion qu’il défend est celle que la communauté défendrait en
examinant des faits similaires (si elle le faisait, d’où l’emploi du modal pouvoir). Son
point de vue n’est pas uniquement personnel, mais celui de la communauté tout
entière, et de ce fait, l’opinion défendue gagne en validité scientifique : elle n’est plus
subjective mais partagée. L’association de on et pouvoir a pratiquement toujours une
interprétation exclusive (voir aussi Gjesdal, 2008) : le modal introduit une dimension
dialogique qui rend nécessaire l’insertion du on exclusif (auteur + communauté de
discours). on peut admettre et on peut suggérer dans les exemples (13) et (15) sont tout à
fait éclairants de ce point de vue. La première personne du singulier est tout à fait
exclue ici:
(16) *je peux admettre à l’inverse…
(17) *Inversement, je peux suggérer…
mais possible sans ce verbe (elle est attestée ailleurs dans le corpus 19). Les expressions
sont accompagnées de connecteurs argumentatifs (également, inversement) qui indiquent
ici qu’elles participent à un raisonnement exposé au lecteur et renforcent ainsi la
dimension dialogique.
43 Dans l’exemple (14), la subordonnée anticipe l’objection que la communauté pourrait
formuler à l’encontre de l’auteur, et participe aussi au jeu conventionnel et un peu
artificiel du dialogue avec le lecteur.

Les sujets métonymiques : Ce travail, cette étude montre…

44 Une autre façon pour l’auteur de ne pas se mentionner explicitement est de recourir à
des expressions métonymiques comme ce travail ou cette étude. L’auteur s’efface ainsi
devant l’ouvrage qu’il construit. L’emploi de ces expressions n’empêche pas en principe
de mettre en avant un positionnement affirmé à l’aide du verbe. Des associations
comme cet article opte pour ou cette étude adopte… apparaissent ainsi assez naturelles. Les
verbes d’opinion marquée (rejeter, défendre…) les rendent plus difficiles, mais pas
impossibles20, mais ils sont cependant absolument exclus avec des verbes qui mettent
en jeu un processus cognitif complexe : *cet article pense…, *cet article admet…
45 Dans notre corpus, ces expressions sont relativement rares en position sujet 21 : on
n’observe que 14 occurrences de cette étude + V et 7 occurrences de cet article + V. Ce
faible nombre rend hasardeuses les généralisations mais il est intéressant de constater
que seul le verbe montrer (3 occurrences) peut être considéré comme manifestant un
engagement de l’auteur, comme dans l’exemple suivant :
(18) En outre, cette étude montre un lien négatif entre le but de maitrise-évitement
et la motivation intrinsèque. Aucune étude ne testait cet effet jusqu’alors. (Corpus
de psychologie.)
Le sujet du verbe montrer peut bien ici être considéré comme métonymique (cette étude
montre = nous montrons dans cette étude), contrairement à d’autres emplois du verbe
montrer qui n’ont pas un sujet humain (ces chiffres montrent n’est pas l’équivalent de nous
montrons dans ces chiffres).

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46 D’une manière générale, dans notre corpus, les mentions dépersonnalisées de l’auteur à
l’aide de cet article, cette étude semblent donc plutôt s’accompagner d’un lexique verbal
plus descriptif ou métatextuel (cet article présentera, cette étude comporte…).

Conclusion
47 De manière générale, la mention explicite de l’auteur/locuteur n’est pas fréquente dans
les articles de sciences humaines examinés, et de ce point de vue, le genre de l’article de
recherche dans ces disciplines se caractérise bien par un certain effacement énonciatif.
Cependant, on observe une très grande variation disciplinaire au sein des sciences
humaines examinées (allant de 1 à 3 au niveau du nombre d’occurrences rencontrées),
qui montre que cette famille de disciplines est extrêmement diversifiée et qu’il n’est
pas pertinent de l’appréhender comme un ensemble homogène. Il serait ainsi
particulièrement intéressant d’élargir notre étude en intégrant d’autres disciplines que
celles qui ont été abordées ici, comme l’histoire, la sociologie, l’économie ou la
géographie. La mention de soi s’exprime rarement à l’aide de je, sauf en linguistique,
contrairement à ce qui a été observé pour l’anglais (Flottum et al., 2006). L’argument
d’autorité mentionné par Hyland dans l’utilisation du je (I) parait probablement moins
pertinent pour les chercheurs francophones, qui ont peut-être une conception moins
individualiste de l’activité scientifique : le nous de modestie ou le on et nous exclusifs
incluent le chercheur dans une communauté et crédibilisent de cette façon sa parole,
non parce qu’elle est singulière, mais parce qu’elle est conforme à celle qu’auraient
énoncée les pairs dans des circonstances analogues, et lui donnent ainsi une certaine
objectivité (exemple : on peut penser que…). Les verbes de positionnement associés aux
pronoms sujets sont moins fréquents que les verbes de narration scientifique (nous
avons repéré…, nous avons procédé à…) ou les verbes à fonction métatextuelle (je présente
d’abord, nous finirons par). Parmi les premiers, on relève de nombreux verbes qui
expriment les choix et les intentions de l’auteur (nous voulons, nous avons choisi), et un
peu moins de verbes exprimant un point de vue affirmé (nous pensons, nous croyons),
alors que les verbes qui indiquent un apport scientifique propre à l’auteur concernent
principalement les résultats. Les répartitions des verbes selon les disciplines révèlent
des tendances intéressantes : les psychologues tendent à mettre l’accent sur les
hypothèses et les résultats, les spécialistes des sciences de l’éducation sur les intentions
du chercheur, ses opinions et son questionnement, alors que les linguistes utilisent de
nombreux verbes ayant trait à la fois à l’apport scientifique propre (résultats et
démonstration), aux intentions et aux opinions.
48 Enfin, de manière tendancielle, conformément à nos attentes, plus les verbes expriment
un positionnement marqué, par exemple, les verbes d’opinion, moins ils sont pris en
charge par le locuteur : on remarque ainsi que les pronoms renvoyant à l’auteur seul
(qu’il s’agisse d’un je ou d’un nous ou d’un on de modestie), renvoient surtout aux verbes
indiquant un apport scientifique ou une intention, alors que les verbes de
positionnement fort (verbes d’opinion) sont plus souvent introduits à l’aide d’un
pronom incluant la communauté de discours (nous et on exclusifs) et sont souvent
fortement modalisés (on peut penser que…), ce qui renforce l’impression que les articles
scientifiques français en sciences humaines, sans évacuer complètement l’auteur,
l’intègrent cependant fort discrètement.

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49 Cette étude pourrait être prolongée dans deux directions. D’une part, comme énoncé
plus haut, il serait surement pertinent d’étendre notre investigation à d’autres
disciplines des sciences humaines afin de vérifier dans quelle mesure et de quelle façon
les disparités observées ici se confirment. D’autre part, il serait intéressant d’observer
dans quelle mesure de fortes disparités énonciatives apparaissent au sein d’une même
discipline, comme Rinck (2006) l’observait pour les sciences du langage. Une proportion
réduite de ces écarts au sein d’une discipline pourrait ainsi indiquer une forme de
normalisation dans les pratiques d’écriture.

Remerciements
Un grand merci à Magda Florez qui a compilé le corpus et sans qui cette étude n’aurait pas été
possible. Merci aussi à Francis Grossmann qui a relu une première version de ce papier (et a fait
des remarques fort pertinentes) et m’a aidée à analyser quelques exemples de pronoms
particulièrement ambigus. Merci encore à Aurélie Nardy pour son aide sur les traitements
quantitatifs.
Cet article a été élaboré dans le cadre du projet ANR Scientext : <www.u-grenoble3.fr/lidilem/
scientext>.

BIBLIOGRAPHIE
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Lidil, 41 | 2010
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chez Cambridge Publishing).

NOTES
1. <http://www.u-grenoble3.fr/lidilem/scientext>.
2. D’autres disciplines sont abordées dans le cadre du projet Scientext, mais nous avons choisi de
nous limiter ici à un sous-ensemble de sciences humaines et sociales, Fløttum et al. (2006) ayant
déjà montré que la présence auctoriale était faible dans les sciences expérimentales comme la
médecine.
3. Dans notre étude sur le lexique évaluatif, nous avions observé une surreprésentation nette de
ce lexique dans les introductions et conclusions par rapport aux autres parties textuelles. Hyland
(2001) observe aussi que les stratégies rhétoriques sont particulièrement marquées dans la partie
discussion.
4. Les articles sélectionnés dans cette revue canadienne sont rédigés par des Français.
5. C’est nous qui soulignons dans les exemples.
6. On relève également des occurrences avec des structures impersonnelles du type : il est possible
de penser…
7. L’annotation semi-automatique a été réalisée à l’aide du logiciel NooJ, développé par
M. Silberztein (2004).

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8. je peut aussi renvoyer à un emploi générique pour l’être humain (Maingueneau, 1994 ; Rinck,
2006). Nous n’avons cependant pas rencontré cet emploi dans notre corpus. Ce type d’emploi
n’est cependant pas impossible dans l’écrit scientifique. Rinck (2006), dans son étude sur les
articles de recherche en lettres et sciences humaines, en relève quelques-uns comme le suivant
dans un article de sciences du langage :Un même sujet parlant peut donc faire partie de plusieurs
communautés linguistiques à des moments différents où il est locuteur. Je ne me présente pas comme
membre de la même communauté linguistique selon que je parle avec mon patron ou avec mon garagiste
habituel. (C’est nous qui mettons en gras.)
9. On pourrait d’une certaine façon considérer cet emploi comme incluant l’auteur/locuteur,
mais cela nous parait un peu artificiel et nous n’avons pas fait ce choix, contrairement à Fløttum
et al. (2006, p. 105-126).
10. Pour travailler sur l’attribution référentielle des pronoms sujets, il est exclu de travailler sur
des concordances. Une lecture attentive d’un contexte large est indispensable.
11. La meilleure méthode à employer ici serait celle d’une double annotation indépendante,
comme cela est souvent employé pour les annotations sémantiques complexes. Par manque de
temps et de collègues disponibles pour cette tâche ingrate, nous y avons renoncé. Une solution
pourrait être d’adopter des « portmanteau tags » qui regroupent des étiquettes en cas
d’ambigüité (cela a été en particulier suggéré par un relecteur).
12. Cette comparaison est néanmoins assez difficile à faire pour le français, car les articles de
médecine y sont assez rares, et n’ont pas le même statut (international) que les articles en
anglais.
13. La plupart des articles collectifs en linguistique ont une forte coloration TAL.
14. Par exemple, cet extrait, mentionné par Hyland (2002, p. 1095) :
« I herewith ask all young scientists to renounce to the false modesty of previous generations of scientists.
Do not be afraid to name the agent of the action in a sentence, even when it is “I” or “we” (Day, 1994,
p. 166). »
15. Cette étude reste à faire sur notre corpus.
16. Mais notre étude inclut aussi tous les types de pronoms auteurs et pas seulement le je,
d’ailleurs inexistant en sciences de l’éducation.
17. Dans notre corpus, on ne relève les adverbes métatextuels premièrement et deuxièmement
qu’en linguistique (4 occurrences) et psychologie (7 occurrences).
18. Ces cas représentent pratiquement la moitié des occurrences.
19. Voici un exemple intéressant qui oppose un on + verbe d’opinion à un je + verbe d’opinion :
À eux d’opposer leurs représentations et leurs rationalisations à celles de la psychologie, de la
psychanalyse, de la sociologie voire des sciences cognitives si l’on ne se rallie pas à l’hypothèse
que la langue est une structure qui s’auto-organise (ce que je pense). (Conclusion, article de
linguistique.)
20. Toutes les expressions mentionnées ici comme attestées apparaissent dans Google Scholar à
plusieurs reprises.
21. Elles sont en revanche très fréquentes dans un complément locatif : dans cet article, nous
montrons que…

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RÉSUMÉS
Dans cet article, nous abordons la question de la présence auctoriale et du positionnement de
l’auteur à travers l’étude des verbes de positionnement associés à un pronom sujet (exemple : je
cherche à démontrer, nous pensons que…). L’étude, basée sur corpus, compare les introductions et
conclusions de trois disciplines des sciences humaines et sociales, la linguistique, la psychologie
et les sciences de l’éducation.
Les résultats montrent que la mention explicite de l’auteur/locuteur n’est pas fréquente dans les
articles de sciences humaines examinés, et de ce point de vue, le genre de l’article de recherche
dans ces disciplines se caractérise bien par un certain effacement énonciatif. Cependant, on
observe une très grande variation disciplinaire au sein des sciences humaines examinées, qui
montre que cette famille de disciplines est extrêmement diversifiée et qu’il n’est pas pertinent de
l’appréhender comme un ensemble homogène.

In this article, we deal with the issue of person manifestation and stance through a study of verbs
associated with a subject pronoun related to the author (e.g.: I want to show, we think that …). This
corpus-based study compares introductions and conclusions of three disciplines of social and
human sciences, linguistics, psychology and educational sciences. The results show that the
explicit mention of the author/writer is not frequent in these disciplines, which are
characterized in this respect as an “objective” genre. However, a large variation can be observed
within human sciences. It shows that this family of disciplines should not be considered as a
homogeneous group.

AUTEUR
AGNÈS TUTIN
LIDILEM, Université Stendhal-Grenoble 3

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L’éthos auto-attribué d’auteurs-


doctorants dans le discours
scientifique
Kjersti Fløttum et Eva Thue Vold

Introduction et hypothèse
1 Notre propos principal dans le présent article sera d’examiner la construction de
l’éthos auto-attribué, telle qu’elle se réalise à travers différents types de manifestations
auctoriales, dans une sélection d’articles scientifiques écrits par des jeunes chercheurs
français (doctorants). Afin de voir dans quelle mesure ces manifestations ressemblent à
ou se distinguent de la construction de l’éthos dans des articles rédigés par des
chercheurs confirmés, nous entreprendrons une comparaison avec de tels articles
publiés dans des revues scientifiques à comité de lecture. Étant donné que les
doctorants peuvent être considérés comme des apprentis, on pourrait s’attendre à une
présence personnelle moins saillante dans leurs articles que dans les articles écrits par
des chercheurs bien établis dans leur communauté scientifique. Par ailleurs, l’attention
portée à la rédaction du genre de l’article de recherche ces derniers temps, notamment
au sein des écoles doctorales, nous conduit à émettre une hypothèse similaire à celle
présentée par Rinck (2010, p. 101) : « […] les doctorants, en tant que novices, ont besoin
de se conformer davantage aux conventions du champ académique et à une image
canonique du genre de l’article » (voir aussi Rinck, Boch et Grossmann, 2007, p. 286).
2 Nous nous baserons sur la conception de l’éthos comme image de soi que l’auteur
projette et qui est produite par le discours (Amossy, 2006, p. 70 ; Maingueneau, 2007).
Cependant, il est clair que l’image préalable (ou prédiscursive) que les lecteurs
pourront se faire de l’auteur joue un rôle important pour l’image « totale ». Les
doctorants sont sans doute conscients de leur position dans la communauté à laquelle
ils souhaiteraient appartenir. Tout en acceptant l’importance de cette dimension
prédiscursive de l’éthos, nous bornerons notre analyse au niveau discursif, c’est-à-dire
à l’éthos auto-attribué (de Chanay, 2008). Cet éthos auto-attribué sera analysé en deux

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32

temps : d’abord par le repérage des pronoms personnels référant à l’auteur (je, nous et
on) ; ensuite par les rôles d’auteur qui se réalisent par ces pronoms et leur cotexte. À
travers ces rôles, l’auteur donne une représentation discursive de lui-même, il
construit un éthos, susceptible d’influencer son autorité et sa crédibilité (Amossy,
2001).
3 Les résultats montreront que les doctorants se présentent comme des « chercheurs
sérieux », en ce sens qu’ils sont très explicites dans leur rédaction du processus de
recherche. Ils se révèlent « reader-friendly » et coopératifs, conscients de leur tâche
d’avoir à guider le lecteur du début à la fin de leur article.
4 La structure de notre article sera la suivante : après cette introduction, nous
présenterons nos matériaux et les méthodes d’analyse adoptées. Dans la section
suivante, nous rendrons compte des résultats quantitatifs des analyses des pronoms et
des rôles d’auteur. Ensuite, nous entreprendrons deux analyses de cas et terminerons
par quelques remarques finales.

Matériaux et méthodes
5 Notre problématique se résume comme suit : dans quelle mesure observe-t-on des
différences entre chercheurs confirmés et chercheurs apprentis en ce qui concerne la
construction de l’éthos dans leurs écrits, et en quoi consistent ces différences ?
6 Pour mener à bien cette analyse, nous nous baserons sur deux types de corpus ; les
deux sont composés d’articles de linguistique écrits par des locuteurs natifs du
français1. Le premier corpus est constitué d’une sélection d’articles tirés des Actes de
Coldoc 05, deuxième colloque jeunes chercheurs du laboratoire MoDyCo (Muni Toke et
Lablanche, 2007). L’ouvrage, accessible en ligne, contient 10 articles dont 9 sont écrits
par des doctorants. Ces derniers sont retenus pour nos analyses. Ils sont tous rédigés
par un seul auteur, et soumis à une évaluation anonyme.
7 Le second corpus est constitué de50 articles de linguistique française intégrés dans le
Corpus KIAP établi à l’Université de Bergen, Norvège (voir <http://kiap.uib.no/> et
Fløttum, Dahl & Kinn, 2006). Ce corpus se compose d’articles de recherche publiés dans
des journaux reconnus utilisant un système d’évaluation par rapporteurs anonymes. 48
de ces articles sont signés par un seul auteur.
8 Il est évident que la différence de taille de ces corpus ne nous permettra pas de tirer de
conclusions générales de nos analyses. Pour cette raison, nous avons choisi de diviser
nos analyses en deux parties. Nous entreprendrons d’abord un petit examen
quantitatif, où nos résultats seront comparés avec les résultats quantitatifs obtenus par
le projet KIAP. Ensuite, à travers deux études de cas, nos analyses auront un caractère
plus qualitatif : nous étudierons de plus près la construction de l’éthos auto-attribué,
autrement dit « l’image de soi que l’orateur construit dans son discours pour
contribuer à l’efficacité de son dire » (Amossy, 2006, p. 69).
9 Nous proposons d’étudier la présence de l’auteur à partir des occurrences des pronoms
sujets je, nous et on, qui peuvent tous référer à l’auteur d’une manière ou d’une autre. Le
je ne renvoie qu’à l’auteur dans notre corpus. Quant aux pronoms nous et on, il y a bien
entendu une différence sémantico-référentielle importante entre les deux, le premier
renvoyant plus directement au locuteur que le second. En outre, le pronom on se
caractérise par le trait « indéfini ». Pour une discussion plus approfondie de cette

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question, voir Fløttum et al. (2006) et Fløttum, Jonasson, Norén (2007). Voici les valeurs
que l’on peut distinguer dans ce contexte :
je
nous1 – correspondant à je
nous2 – correspondant à je + vous (lecteurs)
nous3 – correspondant à je + vous (communauté de recherche pertinente)
nous4 – correspondant à je + tout le monde
on1 – correspondant à je
on2 – correspondant à je + vous (lecteurs)
on3 – correspondant à je + vous (communauté de recherche pertinente)
on4 – correspondant à je + tout le monde.
10 Aujourd’hui il est communément admis que l’article de recherche est un genre
rhétorique avec des visées persuasives et interactionnelles aussi bien qu’informatives.
De nombreuses études ont mis en évidence la subjectivité ou la présence personnelle
dans les textes de ce genre, en mettant en relief les traces linguistiques que l’auteur
laisse dans son texte (voir par exemple Hyland, 2000 ; et pour un aperçu de différentes
études pertinentes, voir Fløttum, 2008). Ces traces témoignent du fait qu’il y a un
locuteur responsable derrière le texte ; les faits ne se racontent pas d’eux-mêmes. Il
peut cependant s’agir de divers types de traces. Nous distinguerons trois types de
manifestations de l’auteur, à savoir les rôles de scripteur, chercheur et argumentateur
(Fløttum, 2004 ; Fløttum et al., 2006). Ces rôles, qui permettent d’affiner la notion de
subjectivité en distinguant différents types de présence de l’auteur, certains plus
« subjectifs » que d’autres, se réalisent à travers un faisceau de marques linguistiques.
11 L’auteur chercheur fait référence au processus de recherche lui-même, en utilisant des
verbes comme analyser, comparer, etc., avec les pronoms de la première personne. Ce
rôle est le plus « neutre » en ce qu’il réfère directement à la recherche elle-même,
indépendamment de la « manière de dire ». Dans le rôle de scripteur, l’auteur fait
référence au processusde rédaction ou à la structuration textuelle de l’article. Ce rôle se
réalise typiquement par le pronom combiné avec un verbe de discours (discuter,
illustrer, présenter) et souvent en collocation avec des expressions métatextuelles (dans
ce qui suit, ici). Dans ce rôle, caractéristique du style « reader-friendly », l’auteur se
présente comme guide et aide le lecteur à s’orienter dans le texte. Dans le rôle
d’argumentateur, l’auteur prend position et présente ses opinions. Ce rôle se réalise
typiquement par des verbes de prise de position (affirmer, contester, soutenir) et des
expressions de modalisation épistémique (sans doute, certainement, probablement ; voir
Vold, 2008).

Résultats
Résultats quantitatifs

12 Nous présenterons les résultats quantitatifs selon deux axes : 1) la fréquence des
pronoms je, nous et on dans les 9 articles du Corpus Coldoc mise en rapport avec la
fréquence des mêmes pronoms dans le Corpus KIAP ; 2) la distribution des rôles
d’auteur dans ces mêmes articles.

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Tableau 1a. – Fréquence des pronoms je, nous et on.

Coldoc Mots N je N nous N on je/mots nous/mots on/mots

Art1 4 847 45 42 0,93 0,87

Art2 4 645 25 12 0,54 0,26

Art3 3 265 39 33 1,19 1,01

Art4 4 095 1 33 18 0,02 0,81 0,44

Art5 4 298 4 29 15 0,09 0,67 0,35

Art6 3 933 14 5 0,36 0,13

Art7 3 293 4 36 0,12 1,09

Art8 5 247 37 13 0,71 0,25

Art9 4 403 1 27 10 0,61 0,23

Total 38 026 6 253 184 0,02 0,66 0,48

KIAP
frling 221 957 182 527 1 564 0,08 0,24 0,68

N = nombre ; je/mots, nous/mots, on/mots = fréquence relative.

13 Ces résultats indiquent que les 9 articles de doctorants étudiés ici manifestent une
présence personnelle plus explicite par l’emploi du pronom nous que les articles de
linguistique française dans le corpus KIAP. À une exception près (l’article 7), tous les
articles dans le corpus ColDoc attestent d’une fréquence relative plus élevée de nous
que la fréquence moyenne de ce pronom dans le corpus KIAP.Pour le pronom on, la
tendance est moins claire, mais les articles de doctorants ont une fréquence moyenne
de on moins importante que ceux du corpus KIAP. Enfin, comme dans le corpus KIAP,
l’emploi de je est très modeste.

Tableau 1b. – Distribution des différentes valeurs des pronoms.

Art1 Art2 Art3 Art4 Art5 Art6 Art7 Art8 Art9

je 1 4 1

nous1 45 25 38 29 28 13 3 32 26

nous2 1 4 1 1 1

nous3 1 4

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nous4 1

on1 2 3 9 4 2 13

on2 6 2 8 10 2 2 19 1 4

on3 34 7 16 3 11 3 4 7 6

on4 1 5

Total 87 37 72 52 48 19 40 50 38

14 Comme le montre le tableau 1b, la distribution des différentes valeurs des pronoms
manifeste une grande variation entre les articles. On note cependant que l’auteur de
l’article 7 est le seul à employer systématiquement on1 (correspondant à je) aux dépens
de nous1 (souvent appelé « nous de modestie »). Chez cet auteur, on1 remplace le nous de
modestie régulièrement utilisé par les autres auteurs doctorants. Nous reviendrons aux
variations individuelles dans nos études de cas.

Tableau 2. – Distribution des rôles d’auteurs.

Coldoc chercheur % scripteur % argument % mix/autres %

Art1 51 59 17 20 8 9 11 13

Art2 25 68 4 11 4 11 4 11

Art3 48 66 4 6 17 24 3 4

Art4 33 63 3 6 3 6 13 25

Art5 35 73 4 8 1 2 8 17

Art6 14 74 4 21 1 5

Art7 36 90 3 7,5 1 2,5

Art8 27 54 6 12 8 16 9 18

Art9 31 82 6 16 1 3

Total 300 68 51 12 41 9 51 10

KIAP 47 24 12 17

Mix/autres : rôles mixtes (scr. + ch. ; scr. + arg.), évaluateur2, autres3.

15 Pour les rôles d’auteur, nous voyons qu’il y a en moyenne une présence plus importante
du rôle de chercheur dans chacun des 9 articles que dans les articles KIAP. Le rôle de

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scripteur en revanche est moins saillant dans le corpus Coldoc. Pour le rôle
d’argumentateur, nous observons une grande variation entre articles individuels, mais
en somme, l’emploi de ce rôle est modeste.

Discussion

16 L’emploi extensif de nous1 témoigne d’une présence explicite des jeunes chercheurs-
auteurs dans leur texte. Le pronom nous implique une manifestation plus explicite de la
part de l’auteur que le pronom on – qui par son trait inhérent d’indéfini a une référence
moins directe. Le nous est à son tour moins direct que le je, qui est peu utilisé par les
jeunes auteurs de notre corpus. La tendance à choisir nous plutôt que je ou on s’explique
sans doute par la tradition française d’écriture scientifique où le nous de modestie a
dominé et semble dominer encore. Les chercheurs confirmés du corpus KIAP suivent
eux aussi dans une large mesure cette tradition.
17 Par un rôle fort de chercheur et un rôle modeste d’argumentateur, les jeunes auteurs
construisent un éthos d’eux-mêmes comme chercheurs sérieux et fiables qui mettent
en avant le processus et l’objet de recherche plutôt que leur propre personne. Cela
témoigne d’une modestie et d’une solidité qui va bien avec leur statut de « nouveaux
entrants » (Bourdieu, 2001). Il faudrait toutefois rappeler qu’il s’agit ici d’un corpus
limité et d’un nombre restreint de marques étudiées. La position relativement faible du
rôle de scripteur est plus étonnante, étant donné que les jeunes auteurs semblent,
somme toute, conscients de leur tâche de guider le lecteur. Le pourcentage faible de ce
rôle peut s’expliquer par le fait que ce rôle est souvent réalisé par d’autres procédés
linguistiques que celui de pronom sujet associé à un verbe de discours. Dans la majorité
des articles du corpus Coldoc, on trouve par exemple un paragraphe (situé vers la fin de
l’introduction) où l’auteur présente le plan de l’article. De plus, certains auteurs
emploient des titres et sous-titres explicitant clairement la structure de l’article (voir
l’article 9 dans les études de cas ci-dessous). De tels procédés réduisent le besoin de
patrons pronom sujet + verbe de discours (comme dans nous présenterons ici) pour
réaliser le rôle de scripteur. De plus, il y a plusieurs exemples de rôles mixtes (cf.
tableau 2). Dans ces cas, le rôle de scripteur est présent, mais en combinaison avec le
rôle de chercheur ou d’argumentateur.

Études de cas
Article 4 : Présence de l’auteur chercheur et inclusion des lecteurs

18 L’article individuel qui sera étudié ici (article 4) se caractérise par un emploi plus
important du pronom nous que la moyenne de tous les articles (0,81 % versus 0,66 % en
moyenne). Pour ce qui est du pronom on, il est très près de la moyenne du corpus
(0,44 % versus 0,48 %). Cependant, l’article 4 se distingue quelque peu des autres articles
par son emploi relativement important des pronoms à valeur 2 (on et nous), c’est-à-dire
avec la référence moi + vous, les lecteurs. En ce qui concerne les rôles d’auteur, il se
situe bien par rapport à la moyenne pour le rôle de chercheur, tandis que les rôles de
scripteur et d’argumentateur sont moins importants.
19 Considérons de plus près des exemples tirés de cet article pour voir dans quelle mesure
il contribue à la caractérisation de son auteur comme un chercheur présent et sérieux,

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reader-friendly et coopératif. On a affaire à un éthos auto-attribué fort d’une personne


(un auteur masculin dans ce cas précis) qui cherche à trouver sa place et à s’établir
dans une communauté scientifique particulière. D’abord, voici des exemples où il réfère
directement à lui seul :
(1) F. Rastier s’y intéresse particulièrement, et je partirai ici des apports de sa
théorie.
On observe ici une expression explicite de l’orientation théorique de cet auteur dans le
rôle de chercheur.
20 Dans la majorité des autres cas de référence à lui seul, l’auteur utilise nous (nous1). Il se
manifeste par ce pronom sous différents rôles, comme chercheur, scripteur et
argumentateur. Commençons par le rôle de chercheur :
(2) Le sens des objets, que nous étudions de manière topique, est donc construit par
[…].
L’auteur chercheur se manifeste ici par le pronom nous combiné avec le verbe de
recherche typique étudier. En effet c’est la combinaison nous1 + rôle de chercheur qui
est la plus fréquente dans l’article 4 (18 occurrences + 4 occurrences de nous dans le rôle
mixte de scripteur + chercheur). Parmi les autres verbes qui apparaissent dans ce
contexte, on peut citer ajouter, analyser, choisir, définir, disposer de, recueillir, utiliser.
21 Voici un exemple de nous1 dans le rôle de scripteur/guide, réalisé par le verbe présenter
et l’adverbe métatextuel ici :
(3) Nous voulons ici présenter les enjeux d’une linguistique de corpus dans laquelle
le Discours serait considéré comme un concept organisateur de l’analyse
sémantique des unités construites et stabilisées.
Cette phrase, indiquant clairement de quoi il s’agira dans l’article, correspond à la toute
première phrase de l’introduction. Cette introduction se distingue de la plupart des
introductions dans les autres articles par le fait qu’elle est relativement courte et ne
contient pas d’autres traces claires de l’auteur scripteur. Cependant, dans les deux
sections qui suivent, constituant le corps de l’article, l’auteur se manifeste comme
scripteur-guide tout au début, avec des expressions métatextuelles se joignant au
pronom nous :
(4) Dans cette première section, nous présenterons les éléments … Ainsi, nous
pourrons ensuite appliquer l’analyse à un corpus choisi.
Dans la seconde phrase de (4), par la combinaison d’un verbe de recherche (appliquer) et
l’adverbe métatextuel ensuite, nous avons un exemple du rôle mixte de scripteur-
chercheur.
22 Considérons maintenant un exemple de nous1 dans le rôle d’argumentateur :
(5) Cependant, nous nous démarquerons de cette théorie en ce qui concerne la
constitution et les enjeux du corpus.
Le rôle d’argumentateur se manifeste ici clairement par l’ensemble du contenu de la
phrase, notamment par le verbe se démarquer, mais aussi par le connecteur contrastif
cependant. La prise de position est très nette. Dans le reste de l’article, l’auteur est
relativement prudent en ce qui concerne des expressions aussi explicitement
argumentatives. En tout, le rôle d’argumentateur se présente seulement 3 fois, dont
une dans la toute première phrase de la conclusion :
(6) Nous avons donc montré, […], que le Discours doit être considéré comme une
dimension essentielle dans les dynamiques du sens à l’œuvre dans les corpus.
Les verbes montrer (suivi d’une proposition complétive) et proposer semblent être les
plus fréquents dans le rôle d’argumentateur (voir aussi Fløttum et al., 2006).

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23 Retournons à l’exemple (6), qui est un bon exemple de la structuration explicite


entreprise dans le texte et ainsi de la volonté de coopération de la part de l’auteur vis-
à-vis des lecteurs. Cette première phrase de la conclusion reprend dans une large
mesure l’objectif de l’article, exprimé dans l’introduction (voir (3)). Le lecteur est donc
très bien guidé tout au long de l’article. Cette volonté de coopération (qu’elle soit
consciente ou non) se manifeste également dans les 4 occurrences de nous2 et dans les
10 occurrences de on2 (moi + vous, les lecteurs). L’expression suivante est typiquement
utilisée pour inclure le lecteur dans le raisonnement et le procès de recherche
présentés dans l’article :
(7) […], comme nous le verrons plus loin.
Par opposition à un verbe comme par exemple présenter, dans le contexte précis d’un
article de recherche, le contenu du verbe voir est tel qu’il permet d’inclure le lecteur. Ce
verbe est souvent combiné avec nous2, contribuant à la manifestation du rôle de
chercheur ou du rôle mixte de chercheur-scripteur. Pour on2 (10 ccurrences), les verbes
varient dans l’article 4. La raison en est que l’auteur utilise on, avec une référence (plus
ou moins claire) à lui-même et aux lecteurs, dans des fragments où il est question de
différentes étapes de l’analyse entreprise (les rôles sont soit chercheur soit scripteur-
chercheur) :
(8) Dans (9), on a l’image d’un flot destructeur, .[…]. […]. On peut déjà noter que ces
deux emplois, […], ne sont pas considérés […]. […]. On peut également ajouter […].
[…]. […] on aurait […].
Ce trajet analytique, qui s’étale sur 3-4 pages, se termine par un retour à nous :
(9) Nous pouvons synthétiser les dynamiques du sens […]. (Tableau page suivante.)
Si le pronom on, par son sens inhérent d’indéfini, contribue à une présence personnelle
plus indirecte, le pronom nous rétablit la présence directe de l’auteur, et dans ce
contexte précis, les lecteurs semblent être invités à conclure l’analyse à laquelle ils ont
participé tout au long de cette section (bien que le verbe synthétiser rende discutable
cette implication du lecteur).
24 Une dernière remarque à faire pour l’article 4 est la présence relativement modeste de
on3 (moi + la communauté scientifique pertinente). En voici un exemple :
(10) […] la description des normes qui relèvent de ce qu’on appelle la doxa […].
C’est là aussi une différence notable par rapport aux articles du corpus KIAP de
linguistique française, où, de toutes les valeurs que le pronom on peut assumer, c’est
on3 qui est de loin le plus fréquent (Fløttum et al., 2006, p. 124). Voici enfin un des rares
exemples de on1, avec référence à l’auteur seul :
(11) Le sens commun sera pour nous aussi le concept organisateur du paradigme
topique, […] : on réservera le concept de doxa à la délimitation d’une région du sens
commun […].
25 Dans son ensemble, l’article 4 se situe relativement bien dans la caractérisation
générale des doctorants auteurs à travers les 9 articles analysés ici. Son auteur se
manifeste avant tout comme un chercheur, et comme un chercheur sérieux à travers
les renvois directs à l’objectif de l’article et le guidage des lecteurs tout au long du
texte. Il se révèle être un argumentateur modeste, tout en exprimant clairement ce
qu’il a « montré, à travers cette étude ». Ce qui semble spécifique pour cet article est
l’inclusion des lecteurs, non seulement dans la structuration du texte, mais aussi dans
le procès de recherche même. Par ailleurs, cet article est bien conforme à la
« convention » (plus ou moins fixe) du genre de l’article linguistique tel que réalisé
dans le corpus KIAP, en ce sens qu’il présente la recherche comme si elle se faisait au

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cours de l’article (« en ligne » ; voir Fløttum, Dahl, Kinn, Gjesdal et Vold, 2008). En
somme l’éthos solide auto-attribué et construit dans l’article 4 doit ainsi compenser un
éventuel éthos prédiscursif, correspondant à une image d’un apprenti ne maitrisant pas
les conventions de la rédaction d’un article de recherche – une image que pourrait se
faire un lecteur chercheur confirmé.

Article 9 : L’image d’un auteur-chercheur sérieux, sincère et fidèle à


la tradition

26 Notre seconde étude de cas, qui concerne l’article 9, atteste d’un emploi de nous très
près de la moyenne (0,61 % versus 0,66 %) et d’une fréquence de on relativement basse
(0,23 % versus 0,48 % en moyenne). L’article se caractérise par un emploi extensif de
nous1, alors que les autres valeurs des pronoms y sont relativement rares. Pour ce qui
est des rôles d’auteur, nous avons vu que le rôle de chercheur est manifestement plus
saillant chez les doctorants que chez les chercheurs confirmés. À travers des exemples
tirés de l’article 9, nous allons voir comment l’auteur, en respectant les normes du
genre et en étant très explicite au sujet de la méthode, des contraintes et des limites de
la recherche, se construit un éthos de chercheur sérieux et sincère.
27 Le sujet de l’article est la construction des corpus en linguistique. L’auteur rend compte
d’une enquête linguistique sur le birman qu’elle a effectuée dans le cadre d’un travail
de terrain. La collecte des matériaux et la recherche elle-même ainsi que la rédaction
de l’article sont effectuées par une seule personne, mais le pronom qu’utilise l’auteur
pour référer à elle-même est presque sans exception nous. L’article 9 illustre ainsi très
clairement l’emploi du nous de modestie. Voilà l’une des normes les plus tenaces du
genre, du moins dans la tradition française (Loffler-Laurian, 1980).
28 Les pronoms de la première personne du singulier (je, me et le possessif mon)
apparaissent en fait plusieurs fois dans l’article 9, mais à quelques exceptions près, les
occurrences de ces pronoms interviennent dans une petite anecdote que l’auteur inclut
dans son article en vue d’illustrer certaines difficultés auxquelles elle a été confrontée
pendant son travail de terrain. Cette anecdote constitue un vrai changement de genre
et l’auteur est donc temporairement libéré des contraintes du genre de l’article de
recherche. L’auteur qui est désigné par nous tout au long de l’article devient je dans
cette petite histoire, qui se termine ainsi :
(1) En effet, tant ma connaissance imparfaite du système pronominal birmanque ma
difficulté à me positionner dans la société birmane […], ont incité Moe Moe Oo à
simplifier son discours et à employer de façon systématique les pronoms neutres
que je connaissais bien.
Je apparait également dans les notes (où il s’utilise de façon interchangeable avec nous),
mais il n’intervient qu’à une seule occasion dans le corps du texte (cf. le tableau 1a).
29 C’est donc le nous qui domine dans cet article, et presque exclusivement nous1. Le rôle
rhétorique qui domine est celui de chercheur. En somme, 82 % des occurrences des
pronoms sujets (je, nous, on) vont de pair avec ce rôle. Nous1 assume le rôle de
chercheur dès l’introduction, où l’auteur fait référence aux démarches
méthodologiques adoptées :
(2) L’enquête linguistique dont il va être question ici est le résultat d’un travail de
terrain effectué en Birmanie entre 1998 et 2002. Durant cette période, nous avons
séjourné à quatre reprises dans ce pays […] pour y collecter des informations […].

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(3) Pour cette enquête, nous avons utilisé une méthode de type « empirico-
inductive » […].
Un grand nombre des occurrences de nous1 chercheur sont liées au processus de
recherche lui-même : l’auteur est très explicite en ce qui concerne ce processus, et en
rend compte étape par étape :
(4) […], nous nous sommes attachée à circonscrire notre corpus d’étude, […].
(5) Pour ce faire, nous avons constitué trois sous-ensembles de données, […].
(6) Parallèlement à ce travail, nous avons recherché un modèle théorique […].
(7) Nous avons donc sollicité nos informateurspour la production d’énoncés
supplémentaires.
Mais le nous chercheur rend compte aussi des limites de l’étude, ce qui contribue à
l’image d’un chercheur prudent qui exprime des réserves et de la réticence, mais aussi
d’un chercheur sérieux et digne de confiance qui est conscient des points faibles de sa
recherche.
(8) Nous avons donc travaillé avec des informateurs d’âge et de sexe différents, […],
de façon à ce que l’échantillon des locuteurs interrogés ait un certain degré de
représentativité. Mais nous n’irons pas jusqu’à prétendre avoir constitué un corpus
de référence au sens défini par Sinclair (1996).
(9) […] Si d’autres facteurs peuvent eux aussi avoir une incidence sur l’enquête,
nous nous contenterons d’illustrer ces trois-là car ils correspondent à des
situations auxquelles nous avons été confrontée durant cette étude.
Parfois, nous1 assume le rôle de scripteur. C’est le cas dans le dernier paragraphe de
l’introduction, où l’auteur présente le plan de l’article :
(10) La première partie de cet article sera consacrée à définir l’objet de notre étude
[…]. Dans un deuxième temps, nous essaierons de rendre compte des différents
éléments […].
Le scripteur revient dans la conclusion, afin de résumer :
(11) Si nous voulions résumer le déroulement de notre enquête, nous pourrions
dire que nous avons procédé de manière « intégrée » […].
De plus, on trouve un exemple d’un quatrième rôle, relativement rare, à savoir celui
d’évaluateur (voir Fløttum et al., p. 87-95). L’auteur-évaluateur fait des jugements de
valeur en utilisant des expressions de modalisation axiologique (intéressant, utile,
étonnant).
(12) Ces enquêtes nous ont permis d’obtenir des informations qui n’apparaissaient
pas dans les enregistrements ou dans les textes collectés, mais que nous estimions
nécessaires à la compréhension du phénomène étudié […].
À part ces cas très rares de nous scripteur et de nous évaluateur, nous1 assume toujours
le rôle de chercheur, que ce soit pour rendre compte des différents étapes du processus
de recherche ou pour signaler des limites et des points faibles.
30 Il est bien connu que le pronom nous se caractérise par une plasticité qui permet des
fluctuations de sens référentiel selon le contexte : son référent n’est pas stable mais
peut changer au cours du texte. Cela n’est cependant pas le cas dans l’article 9. À une
exception près, nous y est toujours utilisé au sens de nous1, c’est-à-dire pour référer à
l’auteur seul. Quand l’auteur veut inclure son public ou une communauté plus grande
de linguistes, elle utilise on2 et on3 :
31 On2 – l’auteur avec les lecteurs de l’article :
(13) … on est alors en présence d’une phrase complexe contenant une subordonnée
conditionnelle introduite par /yiN/.
32 On3 – l’auteur avec une communauté de linguistes :
(14) La collecte des matériaux linguistiques nécessaires à une étude linguistique
dépend bien sûr du but que l’on s’est fixé, […].

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(15) Or, si l’on souhaite éviter les réponses polies et arrangeantes d’un informateur
qui ne veut pas déplaire ou froisser son interlocuteur étranger, il est important
d’avoir développé une relation de confiance, voire d’égalité.
Dans l’exemple 15, l’auteur parle d’un problème rencontré pendant sa recherche, mais
elle le présente comme un problème plus général, un obstacle auquel risque de se
heurter tout chercheur en travail de terrain. Ce faisant, elle se situe dans une
communauté de chercheurs où elle a sa place sur le même plan que les autres : les défis
sont les mêmes pour tous.
33 À part quelques occurrences isolées de je, notamment dans les notes, le choix de
pronoms dans cet article semble extrêmement systématisé et bien réglé : nous pour
l’auteur quand le genre est l’article de recherche, je pour l’auteur quand le genre est
l’anecdote, on pour l’auteur + d’autres. L’auteur évite ainsi la référence vague ou
ambigüe que peut avoir le pronom nous.
34 Nous avons vu que, lorsque l’auteur se manifeste dans son article par le pronom nous,
c’est dans le rôle de chercheur. Cela ne veut pas dire que l’auteur n’exprime pas
d’argumentation ou d’évaluation, ni qu’il ne guide pas le lecteur dans son texte, mais
que ces tâches sont dans un moindre degré liées aux pronoms sujets. Par exemple, un
passif peut avoir le même effet qu’une instance du nous scripteur :
(16) La première partie de cet article sera consacrée à définir l’objet de notre étude
[…].
De plus, l’auteur se sert des sous-titres qui aident le lecteur à s’orienter dans l’article :
« 3.3 Déroulement de l’enquête : […] », « 3.3.1 Première étape : la pré-enquête »,
« 3.3.2 Deuxième étape : constitution du corpus d’étude », et ainsi de suite.
35 L’argumentation semble se réaliser plutôt par des constructions impersonnelles (il est
évident que…) ou par des assertions simples, sans modalisation extra-prédicative (pourra
constituer, ne serait d’aucune utilité) :
(17) Il est évident qu’une étude phonétique ou phonologique ne nécessitera pas le
même type de données qu’un travail sur la syntaxe ou la pragmatique. Dans le
premier cas, un enregistrement de mots isolés pourra constituer une première
étape tout à fait appropriée. Mais un tel corpus ne serait d’aucune utilité pour
étudier la structure informationnelle de la langue.
Les évaluations sont souvent modalisées par le verbe sembler, et vont donc de pair avec
des pronoms datifs ou l’absence des pronoms personnels plutôt qu’avec des pronoms
sujets :
(18) Devant l’importance de cette notion en birman, il nous a semblé pertinent
d’étudier l’expression de la modalité dans cette langue.
(19) Il semble que cela soit la meilleure façon de procéder quel que soit le type
d’enquête menée (cf. Blanchet, 2000, p. 41).
36 Néanmoins, c’est le rôle de chercheur qui domine très largement dans cet article. À
travers les patrons de nous1 + verbes de recherche, l’auteur construit une image d’elle-
même de chercheur sérieux qui est conscient des limites de son étude, mais qui sait
justifier ses choix et qui demande sa place dans une communauté spécifique.

Remarques finales
37 Nous avons vu que les spécificités des articles écrits par de jeunes chercheurs dans
notre corpus consistent en :
1. un emploi extensif du pronom nous pour référer à l’auteur ;

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2. un emploi extensif du rôle rhétorique de chercheur.

38 La présence explicite manifestée par le pronom nous témoigne du fait que les auteurs
n’hésitent pas à se manifester dans leur texte et ne s’effacent pas derrière leur objet de
recherche. Leur présence reste cependant relativement modeste, étant donné qu’elle se
restreint dans une large mesure au rôle d’auteur le plus « neutre », celui de chercheur.
39 L’emploi du nous de modestie aux dépens de je ou on témoigne d’une fidélité à la
tradition française, et nos auteurs se démarquent là de la tradition anglo-américaine
dans laquelle l’emploi de la première personne du singulier gagne rapidement du
terrain (Fløttum et al., 2006). Cependant, les jeunes auteurs sont très explicites dans
leur rédaction du processus de recherche. En cela, ils semblent influencés par la
tradition anglo-américaine, qui, à la différence de la culture française, est une culture
dite à bas contexte. Les cultures à bas contexte se caractérisent par une tendance à
expliciter et clarifier. Dans des cultures à haut contexte, on s’appuie davantage sur un
arrière-plan implicite et considéré comme partagé (Hall et Hall, 1990 ; Dahl, 2004 ; voir
aussi Hofstede, 2001, montrant que les anglophones se caractérisent par un
individualisme marqué). Par leur présence explicite, le guidage du lecteur et leur
volonté de coopération, les auteurs doctorants se situent plutôt dans une zone à bas
contexte. Ils se distinguent de la tradition anglo-américaine en ce qu’ils se manifestent
peu comme des auteurs scripteurs, mais nous avons vu que ce rôle se réalise par
d’autres procédés linguistiques et que les auteurs de notre corpus sont après tout assez
explicites en ce qui concerne la structuration du texte. En somme, les auteurs
doctorants font preuve d’un travail méticuleux pour construire un éthos de chercheurs
sérieux. Nous tenons cependant à souligner que notre étude se base sur un corpus assez
limité ; il serait donc intéressant de vérifier les résultats sur un corpus plus important.

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NOTES
1. Nous ne connaissons pas la nationalité de tous les auteurs ; il se peut que quelques-uns n’aient
pas le français comme langue maternelle, mais ceux-ci ont en tout cas un niveau du français
comparable au niveau natif.
2. L’auteur-évaluateur, rôle peu important dans les deux corpus, se manifeste par des jugements
de valeur avec recours à des expressions de modalisation axiologique.
3. Il s’agit de six cas d’emploi de on4 et de nous4, qui ne se laissent pas définir comme rôle
d’auteur étant donné que ces pronoms incluent dans leur référence « tout le monde ».

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RÉSUMÉS
Le propos principal du présent article est d’examiner la construction de l’éthos auto-attribué
dans des articles scientifiques écrits par des doctorants français et de comparer cette
construction à celle observée chez des chercheurs confirmés. La construction de l’éthos est
examinée à travers différents types de manifestations auctoriales, à savoir les rôles de scripteur,
de chercheur et d’ argumentateur. Les observations montrent que les doctorants se présentent
comme des « chercheurs sérieux », respectant les normes du genre, et comme étant très
explicites dans leur rédaction du processus de recherche, conscients de leur tâche de guider le
lecteur.

The construction of ethos in articles written by young researchers


The main objective of this article is to examine the construction of ethos in a selection of
linguistics research articles written by French PhDs and to compare it with the construction of
ethos in articles written by established researchers. This construction of ethos is examined
through different types of author manifestation or author roles: the role as writer, researcher and
arguer. The findings show that the young researchers manifest themselves as “serious
researchers”, respecting the norms of the genre, and as very explicit in their way of describing
the research process, clearly conscious of their task of guiding the reader.

AUTEURS
KJERSTI FLØTTUM
Université de Bergen, Norvège

EVA THUE VOLD


Université de Bergen, Norvège

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How’s who? Protagonists’


identification in scholarly book
reviews (1890–2008)
Françoise Salager-Meyer, María Ángeles Alcaraz-Ariza et Maryelis Pabón

Introduction
1 The practice of book reviewing in academia is as old as the scientific community itself.
Indeed, the earliest journals that appeared in the major European countries in the
latter part of the 17th century consisted for the most part of book notices because at
that time (and up to the 19th century) books played a fundamental role in the
dissemination of new knowledge. The Journal des Sçavans, for example –the first
periodical to provide information on scientific matters–1 was composed entirely of
summaries of scholarly or scientific works. At that time, the book review (BR) function
was very conservative and consisted in “giving readers (and scholars) a universal
account of the state of learning” (Roper, 1978). Referring to the importance of books by
the end of the 18th century, Andrew Duncan, then editor of The Medical and Philosophical
Commentaries, the first medical journal entirely devoted to the publication of abstracts
of medical books, wrote:
The last section (of Medical Commentaries) will consist of a list of new medical
books … for the satisfaction of those who may be deprived of other methods of
information … published both in this and othercountries, during the preceding
months. We cannot indeed pretend that this list will in any case be a complete one;
but it will be our endeavour to render it as much so as our situation will allow; and
we are hopeful we shall be able to obtain intelligence of every material book.
(Duncan, 1773)
2 In these early book reviews (BRs) book reviewers were not giving any personal opinion
with regard to the content of the books reviewed. As a matter of fact, Duncan urged
book reviewers to avoid, as much as possible, either applauding or condemning any
author, because, as he put it, the chief aim of that section was “to give such a view of
books as may enable every reader to judge for himself” (Duncan, 1773, p. 9). 2

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3 A few years later, discussions on private opinions and exchange of ideas regarding
controversial issues became parts of BRs, and the simple recording of published
scholarship was abandoned. Indeed, the second decade of publication of the Medical and
Philosophical Commentaries favoured a more critical appraisal of the books reviewed.
Book reviewers were then encouraged not to confine themselves to a mere analysis of
new books but to “candidly offer their opinions of the book contents” which should be
expressed “with that respect which is due to merit and that diffidence which the nature
of the subject demands” (Duncan, 1786, p. VI). It is only at the end of the 18th century
when BRs underwent what Hyland (2000, p. 42) refers to as “a rhetorical shift”when, as
a consequence, the common practice of transcribing long verbatim passages from the
reviewed books without comment started being replaced by the reviewer’s own stance
(Roper ,1978, cited in Hyland, 2000, p. 42).

Review of the literature on book reviews


4 BRs have been examined from different perspectives. The pioneering study is that of
Motta Roth (1998) who considered 60 BRs from chemistry, economics and linguistics
journals. Following Swales’ (1990) genre analysis framework, she examined the
rhetorical macrostructure of the genre and could identify 10 steps or sub-functions
grouped into 4 moves, the rationale of which is similar to that observed in research
article construction. Another quite comprehensive cross-disciplinary research on BR is
that of Hyland (2000) who counted speech acts encoding praise and criticism in 160 BRs
from 8 different disciplines, including applied linguistics. One of the main findings of
Hyland’s research is that BRs published in social sciences journals are much more
critical than BRs from the hard sciences (engineering, for example).
5 These studies were followed by more sociologically-oriented research, such as that of
Burgess (2000), on the one hand, who examined the role of the book reviewer in two
distinct types of BRs: those solicited by journal editors and those published freely on
the net, and that of Gea Valor (2000), on the other, who explored the issue of courtesy
markers and modalised statements in linguistics BRs. A diachronic and cross-linguistic
approach was adopted by Salager-Meyer (2001) Salager-Meyer and Alcaraz-Ariza
(2004), Salager-Meyer et al. (2005, 2006) who studied the evolution of the expression of
criticism in medical BRs.Moreno (2008) and Moreno and Suárez (2008) also examined
literary BRs from a cross-linguistic perspective but in a corpus of literary BRs,
whereasGiannoni (2002) explored the pragmalinguistic features associated with
expressions of overt praise and criticisms in software reviews and Alcaraz-Ariza (2009)
analysed compliments in a corpus of medical book reviews from a socio-pragmatic
point of view.
6 All these studies have shown that BRs are one of the most face-threatening genre of
scholarship because, on the one side, their primary audience is the book author him/
herself and, on the other, their primary communicative function is precisely to assess
the worth, integrity and professional value of books. Moreover, from a Hallidayian
standpoint, this quite extensive body of research has put forward the double function
of BRs: 1) an ideational function where the book reviewer expresses his/her opinion
regarding the content of the book reviewed, and 2) an interpersonal function that
refers to the cognitive behaviour of the book reviewer who must strike a balance
between collegiality, social harmony and the conveying of critical speech acts in as

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polite a way as possible. The emphasis in BRs being not on knowledge construction but
on the actual impact of such knowledge on scientific and professional communities,
these studies also reveal how disciplinary discourse communities encode and negotiate
interpersonally sensitive information in a manner that is both socially and
epistemically acceptable and congruent.
7 The present paper builds on the findings of our previously published research on
scholarly BRs by examining how the protagonists’ identification (i.e., the book author
and the book reviewer) has evolved over a 120-year period. More specifically, we will
examine how book authors were identified in the BR by-lines; how book reviewers
(hereafter also called “the judge”) used to sign their BRs; how they used to refer to
themselves in their reviews, and finally, which entity (a human being or an object) was
held responsible for the flaws mentioned in the BRs.

Corpus and methods


8 In order to analyse these variables, we examined a corpus of 60 BRs drawn from
English-medium leading medical journals (see Appendix 1) published in three different
time periods: 1) Block A that corresponds to the last decade of the 19 th century (1890–
1899); 2) Block B that consists in BRs published in the mid-20 th century (1950–1960); and
3) Block C or the beginning of the 21st century (2005–2008). The following variables
were recorded in each BR:
1. The book author’s/editor’s identification in the BR by-lines. Was he identified with the
initial of his name followed by his surname or with both his name and surname written out
in full?3 What kind of data was provided along with his name (e.g., his institutional
affiliation, his degrees, his field of expertise, etc.)?
2. The judge’s (i.e., the book reviewer’s) identification at the end of the BR. Was he identified at
all? If so, how was he identified? With his initials only? With the initial(s) of his name
followed by his surname written out in full or with both his name and surname in full? What
kind of data was provided along with his name/surname?
3. The judge’s identification in the BR itself. Did he clearly identify himself by using personal
pronouns such as “I”, “we”, “us”, and their derivative expressions such as “in my/our
opinion”, “it is my/our contention”, “this reviewer” or was he an “invisible” judge”?
4. The “accused”, i.e., the entity held responsible for the flaws mentioned. Was it a person, i.e.,
the book author(s)/editor(s), the book itself or a book chapter?

9 Results will be analyzed by means of Chi-square tests and interpreted in the light of a
socio-constructivist approach to discourse the basic tenet of which is that cultural
knowledge and representations of reality are interactionally constructed, socially
transmitted, historically sedimented and often institutionally congealed, and finally
communicatively reproduced in situ. It thus assumes that writers do not communicate
in a vacuum but are embedded in a constraining sociolinguistic setting from which they
make the lexical, grammatical and rhetorical choices in order to indicate the purpose
of their statements and their point of view. The approach adopted here is thus multi-
perspectival and interdisciplinary in the sense that it draws on a number of different
research traditions: discourse analysis, pragmatics, rhetorical text analysis, genre
analysis and sociology of science.

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Results
The book author

Graph. 1. – Authors’/editors’ identification (1890–2008).

10 Graph. 1 shows a clear distinction between the frequency of the variables recorded in
Blocks A and B, on the one hand, and those recorded in Block C, on the other. Indeed, in
the end-of-19th century BRs, the book author was mentioned mainly with the initial of
his first name followed by his surname (60% of the cases) and less frequently with his
name and surname written out in full (40%). Very detailed biographical information
followed the author’s surname, such as the degrees held (100% of the time),
membership and/or fellowship to scientific societies (75%), and past and present
positions (85% and 90%, respectively) to the point that, when the list was too long, it
ended up with “etc.”. Here is a typical example of the time drawn from a BR published
in 1893:
1. The after-Treatment of Cases of Abdominal Section, by C. Martin M.D. Oxon.,
F.R.C.S. Ed., formerly President of the Royal College of Physicians in Ireland.
Obstetric Physician and Gynaecologist, Mater Misericordiae Hospital; ex Examiner,
Conjoint Board Royal College of Surgeons and Apothecaries’ Hall; Consulting
Physician, Hospital for Children, Fellow of the New York Academy of Medicine,
Member of the Association of American Physicians, etc., etc., etc. … (1893)4
This example shows that at that time academic degrees were followed by the abridged
name of the university that had awarded them, for example: M.D. Oxon means that the
degree was awarded by Oxford University, then called academia oxioniensis: F.R.C.S. Ed.
means Fellow of the Royal College of Surgeons at Edinburgh.Quite frequently too, degrees
were abbreviated according to their Latin names, e.g., A.M which means artium magister
(Masters of Arts).

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11 As can also be seen on Graph. 1, over time, book authors were increasingly mentioned
with their names and surnames written out in full (in 75% of the cases in Block B and
90% in Block C), but mention of academic degrees abruptly disappeared in Block C (80%
in Block B and only 10% in Block C). In other words, the book authors’ biographical data
that were so abundant at the turn of the 20th century disappeared over time to the
point that they are almost non-existent in today’s BRs.

The “judge”

Graph. 2. – The judge’s identification (1890–2008).

12 What strikes the eye when comparing Graph. 1 and Graph. 2 is what could be called an
“inverse relationship” in the sense that Graph. 1 exhibits a sharp decrease in the
frequency of the variables it displays, whereas Graph. 2 shows a sharp increase in the
frequency of these same variables.
13 In effect, a clear evolution can be observed in the way book reviewers were identified in
BRs over the 120 year-period studied here. At the end of the 19 th century, the majority
of them (60%) was anonymous, 35% “signed” their BRs with the initials of their names
and surnames, whereas only 5% signed their reviews by indicating the initial of their
names followed by their surnames written out in full. Book reviewers became more
“visible” by the mid-20th century when they were mainly identified with their names
and surnames in full (80% of the cases). Today, not only is the great majority of book
reviewers (80%) identified with their names and surnames written out in full, but also
with a lot of additional –personal and professional– information, such as the institution
they work at (this information is present in all the BRs examined in Block C), the

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degrees they hold (80%), their medical speciality (70%) and, less frequently, their e-mail
addresses (56%)5.

The judge’s presence in the book review


The invisible or imperceptible judge

14 The judge was “invisible” (i.e., not mentioned by any personal pronoun like “I”, “we”,
“one” or expression such as “this reviewer”) in 30% of the BRs making up Block A, 40%
of those making up Block B, and 56% of those from Block C (cf. Graph. 3).

Graph. 3. – The “invisible” judge.

15 A statistically significant difference was detected between the frequency of this “judge
invisibility” phenomenon recorded in Block A and that recorded in Block C (p = .004).
16 Let us now examine how the book reviewer identified himself in the BRs where he was
“visible”.

The judge as “we”

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Graph. 4. – The judge’s presence in the book review (1890–2008).

17 Graph. 4 displays an interesting evolution in the use of the personals pronouns that
refer to the judge. Indeed, in end-of-19th century BRs, book reviewers used to refer to
themselves with the almost exclusive use of the first person plural pronoun “we” (97%
of the time). As examples 2 to 6 below illustrate, “we” (or “us”) referred to the book
reviewer only, i.e., it was an exclusive “we” (Kuo, 1999; Hyland, 2005):
2. We are at a total loss to understand why the author introduces a complete
dietary. (1894)
3. We do not see the utility of Mann’s division into median tears and transverse
tears. (1896)
4. We regret we cannot agree with Polk. (1896)
5. The opinion of American surgeons is not expressed by Dr. Alligham, and we
regret to have it appear as being so in an American book. (1898)
6. We hope that the author is misinformed when he states that “sponge tents” are
the best means of dilating a contracted cervix in cases of abortion. (1898)
18 In a few examples only (ex. 7 and 8 below), it was not easy to determine whether the
personal pronouns were inclusive (i.e., included the readers as well the judge) or
exclusive (referring to the judge only), although we are inclined to believe that they
belong to the former category:
7. Our knowledge on these subjects has greatly increased during recent years. (1899)
8. This book, we are told by the editors, is designed as a working text book. (1899)
19 Finally, as Graph. 3 clearly shows, the frequency of “We” significantly decreased over
time: from a high 97% in Block A, it fell to 40% in Block B and 10.8% in Block C (p = .
0001).

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The judge as “I”

20 The frequency of the first-person singular pronoun “I” and its variants –“for me”, “I am
not sure”, “in my opinion”, “my only concern”, “my initial reaction” (see examples 9
and 10 below) significantly increased over time: it jumped from non-existent in Block A
to 50% in Block B and 87% in Block C (p = .0016). As a matter of fact, as can be seen on
Graph. 3, the more frequent “we”, the least frequent “I”, and vice versa.
9. The discussions are balanced and critical, but in my opinion, they are not critical
enough. (2007)
10. I was also disappointed that the clinical aspects received relatively little space.
(2008)

The judge as “one”

21 Although never commonly used, the indefinite pronoun “one” was more frequent in
the mid-20th century (10%) than in the other two periods (3% in Block A and 2.2% in
Block C). Here are three examples drawn from the different Blocks:
11. We hardly need to state that the printing and the paper are of a degree of
excellence one would expect of a work from this peerless institution. (1894)
12. From the pen of Dr. Wabaro, one is of course entitled to expect the highest
quality, and one is not disappointed. (1955)
13. One hopes that the third edition will build on our progress in thinking about
cancer as a disease of genes. (2005)
22 A delightful example (ex. 14 below) was found in a 19 th century BR where the book
reviewer feels it is a sacrilege to criticize the book:
14. It seems a sacrilege to criticize such a work; one hesitates long before plunging
his dissecting knife into a body once loved, once admired. But the wheel of time
moves on relentlessly. (1896)
23 As previously stated in relation with “we” above, it is not always straightforward to
determine whether the indefinite pronoun is exclusive or inclusive, although in
example 11 above, “one” is clearly exclusive.

The accused

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Graph. 5. – On the bench of the accused (1890–2008).

24 Graph. 5 shows some interesting features regarding the evolution of the entity
representing “the accused”.
25 In Block A that responsibility almost exclusively fell on animated/personal entities, i.e.,
authors/editors. Indeed, at that time personal accusation represented almost 70% of all
the accusation cases: the accused was either unnamed and simply referred to as “The
author/editor” (examples 2 and 6 above) or clearly identified with his surname
(examples 3, 4 and 5 above). Conversely, the impersonal accusation type (books and
books chapters) was much less frequent (15.2% and 16.9%, respectively). The difference
between both accusation types was found to be statistically significant (p = .0001).
26 This state of affairs changes drastically in the mid-20 th century (cf. Graph. 5) when book
authors/editors progressively leave the bench of the accused to be replaced by books
(55.7% of the cases). The difference between both types of accusation was here too
found to be statistically significant (p = .0006).
15. For me, the book is rather disappointing. (1956)
16. The book is very absorbing, but it is not easy reading and necessarily of limited
appeal. (1957)
27 Interestingly, in Block C, the impersonal/personal accusation ratio is exactly the
reverse as that observed in Block A. In effect, in the 21 st century BR sample, the
frequency of occurrence of the impersonal accusation type (67.7%) is significantly
greater than that of the personal type (32.3%, p = .006).

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Discussion: what has changed and why?


The increasing importance awarded to the book reviewer

28 Our quantitative data revealed that, over the 120 years analyzed, book authors are
more and more laconically identified in the BR by-lines, whereas the exact opposite can
be said about book reviewers who are identified with an increasing amount of personal
and professional information at the end of the BR.
29 In order to determine whether the way book authors/editors and book reviewers are
today identified in medical BRs abide by existing editorial guidelines or house-style, we
examined the “Instructions to contributors” or “Guidelines for authors” section of the
21st century medical journals we consulted. No specific information could be found,
except sometimes a brief mention of word limit (e.g., between 1 000 and 2 000 words).
Unsatisfied with the results of our enquiry, and in order to get first-hand information,
we conducted a small-scale ethnographic study by contacting a few journal editors by
e-mail.
30 The majority of the replies we received confirmed that there are indeed no specific
guidelines on how to present book authors/editors and book reviewers in the BR
section of scientific journals.An editoreven wrote that only a few days ago he had been
looking at the way reviewers identified themselves and their affiliations in the BR
section of his journal. “I don’t believe we have a policy,” he wrote. “Perhaps we should
adopt a consistent house style. I had started to wonder about that…”Some editors,
though, stated that book reviewers are sent an invitation letter asking them to provide
such bio-data as institutional affiliation, city, state and (optional) e-mail address.
31 We would therefore like to argue that the decreasing amount of book author’s bio-data
and the parallel increasing amount of reviewer’s personal and professional data
provided in medical BRs are related to the following intrinsic and extrinsic factors that
are all, one way or another, related to the growing professionalization and
institutionalization of scientific medicine:
• 1. The increasingly laconic way of identifying book authors/editors in the by-lines of the BR
is very likely related to the fact that extensive bio-data is today provided in the book itself.
Moreover, because today’s book reviewers have to respect the word limit imposed by journal
editors/publishers (space is money!), all unnecessary, redundant or superfluous information
is to be avoided.
• 2. The size of the scientific community, we believe, has a direct bearing on the evolution of
the way book reviewers were identified in the past and the way they are identified today.
Indeed, 19th century scientific community was quite small to the point that scientists knew
who was who (e.g., Bazerman, 1988; Atkinson, 1999; Valle, 1999; Gross et al., 2002). We can
thus safely assume that the indication of the book reviewer’s initials was then sufficient to
know who had written the BR. Our speculation does not seem to be so far-fetched because
quite a few 19th century BRs were “signed” by the same initials, i.e., written by the same
reviewer. We even wonder whether it was not the journal editor who wrote the BRs.
Unfortunately, and in spite of all our efforts to find an answer to that question, we were
unsuccessful.
32 Nowadays, by contrast, scientists are mostly “invisible colleagues”, especially in a
discipline as vast, inter-institutional and international as the medical one. It is
therefore important to know who is who. In this respect, a journal editor we consulted

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wrote: “Personally, I like to know who the reviewer is as that will affect my reaction to
what is said. I want to read reviews by experts not tyros, and I guess that journals
provide information on their reviewers so that the reader has some sense of the
writer’s credentials and credibility.”
33 It is certainly true that the writing of a BR does not require the original research,
creativity and intellectual innovation that are involved in the writing up of a scientific
journal paper, but we cannot deny the fact that a well-written, judicious review
requires mature judgement and an up-to-date knowledge on the subject dealt with in
the book, i.e., a high level of expertise in a specialized field. It is therefore important, as
the above mentioned journal editor asserted, to know whether the reviewer’s
credentials are up to the task required.
• 3. We also strongly believe that the pressure of the academic world and its related
curriculum vitae “bodybuilding exercises” have influenced the way book reviewers are
identified. Although, as Felber (2002) rightly mentions, no scientist ever made a professional
reputation on the basis of the BRs he wrote, and although BRs have a marginal status in the
world of today’s scholarship, the writing of that “intermediate genre” (Felber, 2002, p. 166)
can help junior researchers (who all compete for attention) build up their curriculum vitae
in the pursuit of some “coin of recognition” in the academic marketplace. In other words, BR
writing can increase junior researchers’ stock of symbolic capital (Bourdieu, 1991). This,
certainly, was not a concern for 19th and mid-20th century researchers. The anonymity of
book reviewers back in the 19th century tends to corroborate this assertion.

Increasing depersonalization
The judge’s growing “invisibility”

34 Our quantitative data showed a progressive increase in the “invisible judge”


phenomenon. A close look at those BRs where the judge is “invisible” allows us to
classify them into two categories:
• those from Block A and B that remind us of 18th century BRs (see Introduction) in the sense
that they are purely descriptive and do not contain any critical –positive or negative–
appraisal at all. In these usually very short BRs (they rarely exceed 300 words), the
protagonist is the book or a book chapter, certainly not the book reviewer;
• those from Block C that are called “Book Notes” or “structured BRs” (see Appendix 2). These
highly structured BRs –that remind us of the so-called “structured abstracts”– are a
requirement today in some medical journals such as Annals of Internal Medicine. In these Book
Notes, there is no place at all for the emotional and/or personal element. Here too, the
protagonist is the book or a book chapter, not the book reviewer.

The accused: from animate/personal to inanimate/impersonal

35 We have seen that in 19th century BRs, the bench of the accused was mainly occupied by
personal/animate entities (named and unnamed authors/editors), and that over time
impersonal/inanimate objects (i.e., the book or a book chapter) replaced the persons.
This personal/impersonal or animate/inanimate evolution adds further support to the
now well-documented increasing depersonalization of scientific discourse (e.g.,
Webber, 1998; Hyland, 2005; Cronin, 2005).

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56

36 Moreover, we could speculate that today’s judges, by preferring to address their


criticisms to objects –and, to a lesser degree, to subjects– wish to demonstrate their
cooperative, respectful and harmonious relationships with their peers. It is as though
today’s book reviewers were trying to minimize the interpersonal damage of their
critical comments, negotiate the social relations inherent to the BR genre and establish
a solidarity framework with the book’s author. Such concerns were totally foreign to
the 19th and mid-20th century judges.

The judge: from expert to ordinary

37 Our quantitative data also showed that 19th century judges used to identified
themselves with the exclusive “we” personal pronoun, whereas today’s judges are
either (apparently) totally absent from their BRs (see “The judge’s growing
‘invisibility’” above or refer to themselves with the “I” personal pronoun).
38 One could argue that the “we”/“us” involves several reviewers. Not so, because all the
BRs, except 3 in Block B, were written by one reviewer only. This is why we rather
believe that the exclusive “we” pronoun was extensively used by 19 th century judges
because it expressed the voice of assertive experts talking on behalf of the scientific
community. Its high frequency at that time could also be a calque from French rhetoric
that loath the arrogant-sounding “je” (“I”). We should indeed not forget that French
was an important language of scientific knowledge dissemination by the end of the
19th century.
39 From a purely quantitative standpoint, our data thus clearly showed that the frequency
of “we” significantly decreased over the 120 years analyzed, but an interesting
qualitative finding should also be mentioned here. Indeed, the semantic reference of
“we” has also changed over time. The semantic reference of 19 th century “we” in
examples 2 to 6 above contrasts sharply with that of example 17 below drawn from a
20th century BR in the sense that the former are expert-sounding exclusive “we” ‘s (that
involved the judge only) and the latter is an inclusive “we” that invites, engages and
binds the reader into the judge’s persuasive arguments (Hyland, 2005, 2008):
17. Should we rely on transvaginal ultrasonography or shall we proceed to magnetic
resonance imaging? (2005)
40 Finally, with his almost exclusive use of the first singular personal pronoun “I”, today’s
judge not only wishes to reflect coyness but also to project himself as an ordinary
reader. Nonetheless, the extensive bio-data with which today’s BRs are signed remind
the reader of the BR that the book reviewer is not an ordinary reader at all, but an
expert.

Conclusion
41 This research on the quantitative and qualitative evolution of the variables that
identify the book author and the book reviewer in English-language BRs published
between 1890 and 2008 showed that the former are accompanied by a decreasing
amount of bio-data, whereas the latter signed their BRs with an ever-increasing
amount of personal and professional information. It has also shown that judges are less
“visible” in their BRs today than they were in the past. Regarding their identification or
visibility in the BR itself, 19th century judges used to identify themselves with the

Lidil, 41 | 2010
57

exclusive “we” (hence projecting the image of an expert assertive voice),


mid-20th century judges with the inclusive “we” (probably in order to show solidarity
with the reader), whereas today’s judges rather identify themselves with the “I”
singular personal pronoun, thus playing the role of an ordinary reader. Finally, an
increasing depersonalization or objectivization has been observed in the entities
accused of the flaws mentioned in the BRs.
42 The changes observed reflect changes not only in the scientific enterprise but also in
the scientific society in general and should not be considered as a sign of progress or
improvement but as a process of selection and adaptation to the increasing number of
scientists –hence, the increasing volume of scientific papers and books–, to the needs
and the increasing complexity of the context in which scientific activity develops and
to the changes that, as a consequence, the scientific enterprise has been subjected. The
evolution evidenced by our results finally mirrors the fact that the scientific
community in general has become increasingly competitive, specialized and
professional, thus underscoring the increasing standardization and institutionalization
of science in general.

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pp. 129–45.

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ANNEXES
APPENDIX 1: List of journals consulted
19th century
The American Journal of Obstetrics and diseases of women and children
The British Gynaelogical Journal
mid 20th century
Archives of Internal Medicine
Journal of Chronic Diseases
21st century
Annals of Internal Medicine
The New England Journal of Medicine
The British Medical Journal
The Lancet
JAMA(Journal of American Medical Association)

APPENDIX 2: Example of a “Book note”


Review of Medical Quality Management Sourcebook, 2004 Edition.

Field of Quality improvement and patient safety.


medicine

Format Soft-cover book.

Audience Quality improvement leaders, physicians, hospital executives, managers.

Purpose To provide an overview of …

Content Eight chapters cover … Each chapter includes. Some also include …

Highlights The book offers a useful update on … The material on … may be especially …

Limitations This collection lacks a unifying introduction … Many of the articles are self-
promoting … Many recent initiatives on quality management are never
mentioned … Much of the information is available from any medical library or on
the Internet.

Related Several websites provide information about … including http://www……


readings

Reviewer Patrick S. Romano, MD. MPH, University of California. Davies School of Medicine.
Sacramento. California.

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NOTES
1. According to some scholars indeed (Atkinson, 1999; Valle, 1999; Gross et al., 2002), it is in
January 1665 when Denis de Sallo published the first issue of Le Journal des Sçavans (The Scholars’
Journal), that is 2 months prior the publication of the first issue of the Transactions of the Royal
Society of London by Henry Oldenburgh.
2. This rhetorical feature seems to be a distinctive feature of early scientific BR in general (i.e.,
not only medical BRs) because Hyland (2000, p. 42) made the exact same remark regarding
earlyscientific BRs that only “served to summarize and chronicle uncritically the explosion of
learning in thesciences”.
3. To simplify matters and because it is quite frequently impossible to make an educated guess as
to the book reviewer’s genre (male or female) especially in Block A when book reviewers were
anonymous or simply identified with their initials (see “Results” below), we will use the
masculine personal pronoun throughout. It is worthwhile mentioning, however, that when the
judges’ first names were spelt out, 3 feminine names only could be identified in Block B and 5 in
Block C.
4. The year indicated at the end of each example indicates the year in which the BR was
published.
5. Book reviewers’ e-mail addresses were indicated in all the BRs published in 2008, but not in all
of those published in 2005.

RÉSUMÉS
Cet article analyse l’évolution de la façon dont les auteurs d’ouvrages et les auteurs de recensions
d’ouvrage sont identifiés dans un corpus de 60 recensions publiées entre 1890 et 2008 dans des
revues médicales. Les diverses évolutions observées reflètent les changements de l’activité
scientifique et de la communauté scientifique en général, rendue de plus un plus compétitive,
spécialisée, professionnelle et institutionnalisée.

This paper analyses the evolution of the way book authors and reviewers were identified in a
corpus of 60 book reviews (BRs) drawn from English-medium medical journals published at the
end of the 19th century, in the mid-20th century and at the beginning of the 21 st century. The
evolution observed mirrors changes in the scientific activity and in the scientific community in
general who became increasingly competitive, specialized, professional and institutionalized.

AUTEURS
FRANÇOISE SALAGER-MEYER
Facultad de Medicina. Universidad de Los Andes, Mérida, Venezuela

MARÍA ÁNGELES ALCARAZ-ARIZA


Facultad de Filología Inglesa, Universidad de Alicante, Spain

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MARYELIS PABÓN
Facultad de Ciencias y de Humanidades y Educación, Universidad de Los Andes, Mérida,
Venezuela

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De nobis ipsis silemus ?


Les marques de personne dans
l’article scientifique
Ursula Reutner

Aspects de la transgression d’un tabou


Le tabou du moi : objectivité, neutralité et modestie

1 De nobis ipsis silemus – Sur nous-même, nous gardons le silence. Ce principe formulé par
Francis Bacon dans l’Instauratio magna et cité par Kant pour ouvrir la Critique de la raison
pure exprime la conviction traditionnelle que l’apparition de l’auteur dans son texte est
non-scientifique, l’identité de l’auteur n’étant pas pertinente pour les résultats de la
recherche académique. Sur la base de la supposition positiviste que cette recherche est
purement empirique et objective, un maximum de crédibilité est atteint en évitant
l’impression que l’auteur se place entre les choses (res) et les mots (verba). Il en résulte
l’impersonnalité comme trait dit caractéristique du discours scientifique 1, qui est à
l’origine de l’un des trois fameux tabous académiques, le tabou du moi figurant à côté
du tabou du récit et des métaphores2.
2 En plus d’être accusé de réduire l’effet convaincant du discours, le moiest également
considéré comme un signe d’arrogance de l’auteur par de nombreux Français,
endoctrinés par « Le moi est haïssable » des Penséespascaliennes. L’abandon du moi, par
contre, ne sert pas seulement à donner l’impression de l’objectivité et de la neutralité,
postulées en tant que critères de la qualité textuelle du discours scientifique, mais il est
également interprété comme témoignage de modestie. Ainsi, il n’est pas surprenant
que, dans les années 1980, Loffler-Laurian constate l’absence totale du pronom je dans
un corpus de textes en sciences exactes (1980, p. 136) et Ihle-Schmidt dégage dans son
corpus de textes en sciences économiques seulement 0,1 % de verbes utilisés à la
première personne du singulier (1983, p. 338).

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La transgression du tabou et ses raisons

3 Or, dans un corpus d’articles de linguistique rédigés entre 1966 et 1986, cet emploi
s’avère déjà élevé dans deux des vingt textes dépouillés (Wüest, 1988, p. 130), et les
recherches réalisées entre-temps témoignent d’un détachement plus évident de l’idéal
stylistique traditionnel dans plusieurs nations (cf. par exemple Gläser, 1998, p. 485). À
présent, ce pronom apparait même en liaison avec des verbes d’opinion, une liaison qui
accentue encore plus le caractère personnel de l’énoncé et rompt complètement avec
l’ancienne formule stipulant « je crois fait partie de la religion et n’a pas de place dans la
science ». L’impersonnalité n’est donc pas incontestée comme recommandation
rédactionnelle absolue, et le rôle de l’auteur dans le texte se développe lui-même en
tant que centre d’intérêt de certaines branches de la recherche (cf. par exemple Ivanič,
1994, 1998).
4 Différentes raisons sont avancées pour expliquer la transgression du tabou. Une ligne
d’interprétation part de la conviction que l’objectivité de la recherche est un mythe et
la présence de l’auteur un fait incontestable : un garant de crédibilité n’est donc plus la
négation de l’auteur, maintenant interprétée comme artificielle, mais l’admission de sa
présence perçue comme signe de sincérité. Ceci implique la redéfinition de la notion de
modestie : au lieu de faire étalage d’une modestie traditionnelle consistant dans la
négation de soi-même au sens d’une captatio, l’auteur se nomme sciemment dans son
texte et montre une nouvelle forme de modestie en ne généralisant plus ses propos
sous une forme dépersonnalisante, mais en aidant le lecteur à les comprendre comme
tels et en étant prêt à en assumer la responsabilité3. Alors que, dans cette optique,
l’impersonnalité est critiquée comme stratégie de manipulation du lecteur, la
personnalisation du discours scientifique est glorifiée comme une des méthodes pour
ouvrir la discussion entre l’auteur et le lecteur (pour d’autres méthodes, voir Hyland,
2001), comme une façon de ne pas dégrader le lecteur au point d’en faire un récepteur
inconditionné, mais de le reconnaitre comme partenaire scientifique, doté de
suffisamment d’intelligence pour pouvoir évaluer les propos de l’auteur.
5 Selon une ligne d’interprétation moins centrée sur la politesse, le moigagne l’espace
académique dans le sillage de son importance croissante dans les différents milieux
sociaux : au sein d’une société individualisée et hautement compétitive, la modestie ne
représenterait plus une valeur primordiale pour l’auteur, mais celui-ci ressentirait
plutôt le besoin croissant de souligner sa propre originalité, sa propre contribution au
sujet, les pièces de mosaïque nouvelles qu’il apporte à la science (cf. par exemple Kaufer
et al., 1989), et ceci d’autant plus face à l’augmentation exponentielle de publications et
l’importance croissante des indices de citation (Berkenkotter et Huckin, 1995, p. 27-44).

Le tabou dans l’hétérogénéité du discours scientifique

6 Mais tout comme son affaiblissement, le tabou du moilui-même n’a pas la même valeur
dans les différentes composantes du complexe hétérogène subsumé sous la notion de
discours scientifique. Plusieurs études ont contribué à relativiser les approches
universalisantes du langage académique, qui avaient postulé des conventions
stylistiques comme l’économie d’expression, la précision sémantique, l’objectivité ou la
neutralité émotive et affective en tant que traits stylistiques généraux. Les études
interculturelles de Kaplan (1966, 1981, 1987) ou Galtung (1981) ont suscité l’intérêt pour

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les traditions discursives nationales (particularités inter-nationales). Si le processus de


mondialisation a permis une relative homogénéité dans les pratiques, certaines
différences demeurent et se manifestent par exemple sous la forme d’une fréquence
plus élevée de l’hortatif dans le discours scientifique français par rapport à l’allemand
(Sachtleber, 1993, p. 155 et suiv.) ou d’une personnalité plus accentuée en anglais qu’en
français (cf. par exemple Vassileva 1998/2000 ; Fløttum, 2003). Ceci confirme
l’impression générale d’une orientation particulièrement prononcée vers le lecteur de
la part de l’auteur anglais (« reader-oriented / reader-friendlydiscours »), contrastant avec
une responsabilité majeure attribuée au lecteur par le discours français (« reader-
responsible discours »). Dans une perspective transculturelle, les particularités inter-
nationales sont pourtant moins évidentes que les différences entre les deux cultures en
général (Snow, 1959) et entre les différentes disciplines, sous-disciplines et écoles en
particulier (cf. par exemple Fløttum, 2004, p. 403 ; Fløttum et al., 2007, p. 15). Parmi ces
particularités inter-disciplinaires, les études attestent par exemple un style personnel
moins accentué dans les disciplines dites « dures » que dans celles dites « douces » ou –
au sens plus péjoratif – « molles » (cf. par exemple Gläser, 1990, p. 73 ; Kuo, 1999,
p. 124 ; Hyland, 1999, p. 121 ; Harwood, 2005, p. 351).
7 D’autres recherches portent sur les différences à l’intérieur des disciplines selon le
degré de spécialisation ou de divulgation du texte (particularités inter-graduelles),
étroitement liées aux traditions discursives et au genre de texte concret (particularités
inter-textuelles). Jointes aux études sur l’évolution diachronique du discours scientifique
(particularités inter-temporelles, cf. par exemple Gross et al., 2002), ces recherches
permettent facilement de réfuter la thèse universalisante sur des traits stylistiques du
discours scientifique et ceci d’autant plus que l’écriture scientifique représente
également un acte d’identité au sens de Le Page et al. ([1985] 2006) (particularités inter-
individuelles), un acte créatif et individuel, non complètement déterminé par les
facteurs nommés (voir par exemple Schröder, 1995, p. 160).
8 La question qui se pose maintenant est celle de savoir s’il est possible de dégager des
tendances rédactionnelles indépendantes de traits stylistiques individuels, ce qui serait
la condition pour pouvoir donner des recommandations fiables aux nouveaux entrants
dans la communauté quant à l’emploi pronominal.

Choix fonctionnels et individuels


Hiérarchie fréquentielle de l’emploi pronominal

9 Vu l’hétérogénéité du discours scientifique, l’analyse de l’état de l’ancien tabou doit


forcément se limiter à une culture, une discipline et un genre de texte bien définis à un
moment donné. Voici donc à titre d’exemple la fréquence de je, nous et on (pronom
personnel et indéfini) dans les 21 articles de la discipline des Lettres parus en 2005 dans
le numéro 41 de la revue Études françaises.

Tableau 1. – Fréquence de je, nous et ondans 21 articles de la discipline des Lettres.

je nous on

texte 1 2 3 21

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texte 2 / 4 13

texte 3 3 13 4

texte 4 / / 5

texte 5 1 8 13

texte 6 / 11 37

texte 7 / 7 16

texte 8 / 9 6

texte 9 / 2 8

texte 10 4 6 9

texte 11 / 8 10

texte 12 / 5 13

texte 13 9 8 31

texte 14 8 17 13

texte 15 70 16 25

texte 16 12 2 7

texte 17 / / /

texte 18 / / 13

texte 19 / 3 40

texte 20 5 2 21

texte 21 2 6 27

total 122 130 304

10 Les chiffres totaux du tableau indiquent la fréquence la plus basse de je, attesté 122 fois
au total (et seulement 52 fois sans les attestations exceptionnelles du texte 15), une
fréquence plus élevée de nous avec 130 attestations et une claire prédominance des
304 attestations pour on. S’étendant de je à onen passant par nous, cette hiérarchie de
fréquence est également une hiérarchie de dépersonnalisation. Elle coïncide en
principe avec les statistiques de Poudat, qui a montré la fréquence basse du pronom je
et la préférence pour des structures impersonnelles (2003, p. 87 ; 2006, p. 116 et suiv.) et
confirme également la tendance du français résumée par Loffler-Laurian, selon
laquelle : « […] le français évite absolument la première personne du singulier, emploie

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66

le moins possible la première personne du pluriel, et se trouve amené ainsi à utiliser


toutes sortes de formulations dites impersonnelles, réfléchies ou passives » (1980,
p. 135).
11 En contraste avec cette constatation générale, le tableau révèle néanmoins un emploi
non négligeable de je, qui varie énormément dans les différents textes : alors que les
auteurs de onze articles respectent l’ancien tabou en ne l’utilisant guère, le texte 15 se
distingue par ses attestations exceptionnellement nombreuses, qui sont dues à son
caractère narratif ; citons en un extrait illustratif : « Je me souviens encore […] de la
première explication de texte poétique que j’ai entendue, en tant que professeur, à
l’université. J’avais quarante ans, et je venais d’y arriver […]. J’avais connu la petite
révolution de l’Hexagone, et j’y avais même participé modestement » (texte 15). Entre
ces deux extrêmes figurent les textes 1, 3, 5, 10, 20 et 21 avec un emploi restreint du
pronom d’une à cinq attestations et les textes 13, 14 et 16, dans lesquels le pronom
figure respectivement neuf, huit et douze fois.

Catégories fonctionnelles

12 Ces scores des articles étudiés suggèrent une variation considérable, qui pourrait
s’expliquer par des structures et contenus textuels divergents, c’est-à-dire par des
pourcentages divergents de situations qui limitent la liberté de l’auteur et guident ses
choix de manière automatique. Il s’avère donc adéquat de classer les pronoms en
catégories fonctionnelles4, en se limitant à je, nous et on employés au sens de ‘je’.
13 Ce regroupement montre l’emploi du pronom je dans des références intratextuelles,
qu’il s’agisse de renvois en arrière :
« […] je le rappelle […] » (texte 5),
« Dans les deux textes que je viens de mentionner […] » (texte 13) ;
ou d’indications préliminaires servant à structurer l’article ou à annoncer des
explications ultérieures :
« […] j’y reviendrai » (texte 3),
« C’est à partir de ces réflexions que je proposerai quelques suggestions […] »
(texte 14),
« Le dernier point que j’aborderai est […] » (texte 14).
14 Le pronom figure également dans des renvois intertextuels :
« Je renvoie le lecteur intéressé à mon livre […] » (texte 13) ;
ou dans l’éclaircissement de l’objectif de la recherche présentée :
« […] je me propose en effet de montrer […] » (texte 10),
« J’aimerais mettre au jour […] » (texte 13) ;
dans la focalisation de l’intérêt de la recherche :
« Mais, j’ai préféré me tourner vers le texte africain contemporain » (texte 13),
« Je mets l’accent sur cet aspect plutôt que […] (textes 14, 15),
« […] je m’attacherai plus particulièrement, dans ces quelques pages […] »
(texte 20) ;
dans l’exposition de la démarche méthodologique :
« J’aimerais ainsi […] partir du couple […] (texte 1),
« […] je prendrai donc pour base l’enquête menée […] (texte 14) ;
ou dans la précision de la terminologie introduite par l’auteur :
« […] que j’appellerai à partir de maintenant […] » (texte 3),
« […] tel que je le définis » (texte 3),
« […] je veux entendre par là […] » (texte 10),

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67

« Par l’expression de […] je désigne […] » (textes 12, 14),


« […] ce que j’appellerai […] » (texte 20).
15 Il sert également à marquer l’interprétation de la part de l’auteur :
« Cette nature, hasarderais-je, est au cœur de… » (texte 1),
« C’est dans ce sens qu’il faut comprendre, je crois, la négritude […], mais je pense
qu’il faudrait […] » (texte 13),
« Paraphrasant McLuhan, je dirais que […] » (texte 13),
« J’appelle ceci de la manipulation poétique » (texte 21),
« J’espère avoir incité à […] » (texte 21) ;
ou à rendre son expérience :
« […] j’appréhendais la poésie saintaudienne […] » (texte 10),
« Je suis en train d’écrire un livre qui […] » (texte 13),
« C’est pourquoi je reste réservé devant des démarches […] » (texte 14),
« Au cours de mes dernières années d’enseignement de la littérature […], je me suis
heurtée régulièrement à […] je suis forcée de constater, sur la base de mon
expérience des auditoires […] » (texte 20).
16 Quant à la version au pluriel du pronom, parmi les onze auteurs qui renoncent à
employer je, trois seulement évitent également nous (textes 4, 17, 18), tandis que sept
l’utilisent cinq fois ou moins (1, 2, 9, 12, 16, 19, 20) et dix plus de cinq fois (3, 5, 6, 7, 8,
10, 11, 13, 14, 15, 21) – parfois en incluant le lecteur, mais également comme un nous
exclusif se référant seulement à l’auteur, comme par exemple :
« […] … nous citerons un extrait de […] » (texte 5),
« […] de ce que nous avons appelé plus haut […] » (texte 6),
« […] mais nous avons évoqué plus haut l’idée […] » (texte 6),
« […] que nous décrivions plus haut » (texte 8),
« Nous nous proposons de développer […] » (texte 11),
« Dans le cadre de cet article, nous analyserons […] » (texte 11),
« […] dans les textes que nous étudierons ici […] » (texte 11),
« Les corps que nous regroupons sous l’étiquette du ‘figuratif’ […] » (texte 12),
« […] nous faisons une proposition de lecture historique » (texte 16),
« […] nous avançons deux dates pour clore ce parcours […] » (texte 16),
« Nous ouvrons maintenant une série de remarques sur le poème » (texte 21).
17 Le pronom on est absent d’un texte seulement ; six textes l’emploient moins de dix fois
et treize textes l’utilisent dix fois ou plus, mais il est peu souvent clairement
discernable comme simple masque du je (pour un traitement approfondi du « on » dans
l’article, voir Tutin, ici même). Concluons pourtant que les trois pronoms sont tous
utilisés au sens de ‘je’ et occupent en principe les mêmes catégories fonctionnelles, ce
qui fait repenser certaines recommandations rédactionnelles absolues et regarder de
plus près la question du poids des préférences individuelles.

Préférences individuelles

18 Il importe ici de faire une comparaison plus détaillée des pronoms signifiant
exclusivement « je » dans deux textes représentant différents types de manifestations
de l’auteur. C’est le cas pour deux articles de linguistique se succédant dans Lidil n° 32
de 2005 (textes a et b).
19 Dans le texte (a) se trouvent des références intratextuelles avec je :
«[…] j’étudierai l’existence d’une classe […]. Je complèterai à cet effet l’étude […], et
conclurai à l’existence d’une sous-classe […] » (texte a) ;
mais également avec le nous exclusif et l’hortatif :

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« Le nom dont nous avons dit qu’ils […] » (texte a),


« Nous commencerons par […] » (texte a),
« […] comme nous l’avons déjà dit […] » (texte a),
« Concluons : […] » (texte a).
20 Le on n’est pas utilisé pour les références intratextuelles dans le texte (a), alors que le
texte (b) recourt exclusivement à on dans un tel cotexte :
« Dans ce qui suit, on avancera […], puis on examinera […] » (texte b),
« […], comme on va le montrer » (texte b).
21 La même distribution se dessine dans le cas des explications terminologiques, données
par je dans le texte (a) et on dans le texte (b) :
« J’appellerai adjectif subjectif tout adjectif qui […] » (texte a),
« […] au sens que l’on a appelé « émotionnel […] » (texte b ; cf. avant : « Le terme
‘émotionnel’ qualifiera ici […] »).
22 Dans le texte (a), la première personne du singulier figure aussi pour limiter l’intérêt de
la recherche :
« Pour le montrer, je centrerai l’étude sur […] » (texte a) ;
et également pour élucider la démarche méthodologique :
« Pour parvenir à une définition stable, je partirai de […] » (texte a) ;
où l’auteur du texte (b) recourt à nous et on :
« […] que nous avons rangé sous le chef de l’émotion » (texte b),
« la valeur ‘émotionnel’ que l’on attribue à pauvre » (texte b ; cf. avant : « Le terme
‘émotionnel’ qualifiera ici […] »).
23 S’ajoutent dans le texte (a) d’autres marqueurs de la présence de l’auteur, comme
l’emploi du déterminant possessif mon ou du pronom personnel en fonction de
complément d’objet me :
« Un argument qui me semble aller dans mon sens […] » (texte a) ;
alors que dans le texte (b), exception faite d’un je au sens de « on », la première
personne du singulier figure seulement dans un commentaire sur la présentation
typographique de l’énoncé et dans les remerciements (où apparait également le
déterminant possessif mon) :
« Je peux qualifier Denise à qui je m’adresse de pauvre pour quelque chose qui
m’advient puisque toi et moi c’est la même chose » (texte b),
« […] (je souligne) […] » (texte b),
« Je remercie […] d’avoir attiré mon attention sur […] » (texte b),
« Je remercie plus particulièrement… » (texte b).
24 Le regroupement des pronoms en catégories fonctionnelles montre que ni le cotexte, ni
le contexte ne déterminent automatiquement la forme utilisée, mais qu’il y a des
préférences individuelles comme également des choix changeants à l’intérieur d’un
seul texte.

Contenu subjectif sous forme impersonnelle : manœuvre suspecte ?

25 Pour terminer cette partie, il s’agit donc de regarder de plus près l’interprétation de la
personnalité comme signe de sincérité (Ivanič et Simpson, 1992). Pour évaluer ce
propos, il faut partir d’énoncés dérivant de différentes catégories fonctionnelles et
distinguer leur degré d’objectivité vs subjectivité sur le plan du contenu et leur degré
de personnalité vs impersonnalité sur le plan de la forme.

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Tableau 2. – Objectivité/subjectivité du contenu et (im)personnalité de la forme.

forme personelle contenu

objectif subjectif

résultats de l’analyse du corpus interprétation de la part de l’auteur

+ je crains que… +

+ je propose de résoudre le problème en… +


+ je prévois autant de problèmes… +
+ j’explique le résultat par… +
* j’ai compté dix pronoms personnels dans le
personnelle + je pose la question de savoir si… +
corpus… *
+ je suggère d’interpréter les données statistiques
comme… +
+ j’associe ce comportement à… +
+ je classe ce témoignage en… +

forme
* il est à craindre que… *

* le problème se résout facilement en… *


* il faut prévoir autant de problèmes… *
* le résultat s’explique par… *
+ il y a dix pronoms personnels dans le
impersonnelle * cette solution fait poser la question de savoir
corpus… +
si…*
* les données statistiques suggèrent… *
* ce comportement est associé à… *
* ce témoignage est à classer en… *

26 Le tableau 2 montre les quatre types de combinaison des deux plans et les illustre par
des exemples de deux catégories fonctionnelles : « résultats de l’analyse du corpus »
pour les exemples de contenu objectif et « interprétation de la part de l’auteur » pour
ceux de contenu subjectif. Les types de combinaison dont la forme reflète le contenu
(marqués +) seraient les énoncés au contenu objectif sous forme impersonnelle et les
énoncés au contenu subjectif sous forme personnelle. Les types de combinaison
contraires (marqués *) regroupent les énoncés au contenu subjectif sous forme
impersonnelle5 et ceux au contenu objectif sous forme personnelle.

Résultats sur la norme intériorisée


27 Pour mieux comprendre les raisons de la variation, l’analyse de la norme statistique
doit être complétée par les explications données par les chercheurs eux-mêmes qui
nous informent sur le degré de leur autoréflexion métalinguistique et la norme qu’ils
ont intériorisée. Un projet du nom de ELFIE (Écrire la linguistique en français, en italien et
en espagnol), destiné au discours dans des revues spécialisées en linguistique, comprend
une enquête quantitative à l’aide d’un questionnaire. Ce questionnaire comprend
plusieurs questions fermées, formulées comme thèses que les informateurs doivent
affirmer avec « oui » ou « plutôt oui » (indiqué « p oui » dans les graphiques) ou nier

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avec « non » ou « plutôt non » (indiqué « p non » dans les graphiques). Figurent en
outre l’option « autre » et un peu d’espace pour des commentaires (cf. la version du
questionnaire dans Reutner, 2008, p. 276-283). Ce questionnaire a été envoyé en 2007
par courriel à 420 linguistes français ; 124 (68 chercheurs et 56 chercheuses) d’entre eux
l’ont rempli et nous l’ont retourné. Regardons les résultats obtenus aux questions
portant sur la présence de l’auteur dans son texte.

La première personne du singulier

28 Nous avons signalé plus haut (cf. introduction) l’évolution de l’ancien tabou du moi,
autrefois respecté comme convention pour indiquer l’objectivité de la recherche et la
modestie de l’auteur, mais assoupli au cours du temps suite à une autre conception de
la modestie, partiellement liée au besoin croissant d’accentuer la contribution
scientifique de l’auteur. La première question dans notre contexte vise donc à montrer
la valeur de l’ancien tabou dans la norme intériorisée par les personnes interrogées.

Graphique 1. – Refus de l’emploi de je.

29 Le graphique, qui indique les résultats en chiffres effectifs, montre que 36 % (45 au
total) répondent « plutôt oui » et 22 % (27 au total) « oui, il est préférable de renoncer à
l’emploi de je ». Le fait que la majorité des enquêtés indique préférer l’éviter confirme
la persistance de l’ancien tabou du moi. Mais les 7 % « plutôt non » et les 25 % « non »
témoignent aussi d’une tendance à le briser, au moins dans certains cotextes.

Le pluriel de modestie

30 Le pronom personnel de la première personne du singulier est souvent évité par


l’emploi du pluriel de modestie, qui est, en revanche, parfois perçu comme suranné. Il

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s’agit donc de savoir combien des personnes interrogées préfèrent le nousd’auteur au je


pour leurs textes scientifiques.

Graphique 2. – Préférence pour nous plutôt que je.

31 Comparés à la question précédente, où la majorité confirme le tabou traditionnel du


moi, les avis sont plus partagés pour ce qui est du pluriel de modestie : 31 % se
prononcent en faveur de « plutôt oui » et 18 % « oui, il est préférable de l’utiliser », en
manifestant donc clairement leur tendance à privilégier le pluriel de modestie à la
première personne du singulier. Il y a pourtant également 26 % des réponses en faveur
de « non » et 15 % pour « plutôt non », dont l’interprétation peut être double : les
témoins pourraient avoir choisi ces réponses pour souligner leur acceptation du je,
mais plus probablement ils répondent négativement en raison de leurs préférences
pour d’autres stratégies d’évitement du je que le nousde modestie.

L’hortatif

32 La première personne du pluriel ne s’emploie pas seulement comme nous exclusif pour
remplacer le pronom du singulier je, mais elle peut désigner également le locuteur
associé à l’interlocuteur, c’est-à-dire au lecteur. Dans le discours scientifique, ce nous
inclusif figure souvent sous forme d’hortatif, c’est-à dire de l’impératif à la première
personne du pluriel unissant le lecteur à l’auteur. Contrairement à l’ancienne maxime
d’impersonnalité scientifique, il met consciemment en évidence la situation de
communication entre auteur et lecteur et confère au texte un trait moins scientifique
au sens traditionnel, ce qui suggère la question de savoir si les participants français le
préfèrent néanmoins à la première personne.

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Graphique 3. – Préférence pour l’hortatif.

33 33 % des enquêtés répondent par « oui » et 22 % par « plutôt oui », ce qui fait un total
de 55 % pour préférer l’emploi de l’hortatif à celui de la première personne du
singulier, contre 20 % qui répondent par « plutôt non » et 9 % par « non ». 16 %
s’abstiennent de répondre, ce qui montre – avec les 20 % « plutôt non » et les 22 %
« plutôt oui » ne se positionnant pas clairement – un grand nombre de témoins qui ne
choisissent pas de réponse définitive.

Le pronom on ‘je’

34 Une manière plus adéquate pour dépersonnaliser le discours que l’hortatif est l’emploi
du pronom on, fameux par sa polyfonctionnalité et, par conséquent, sujet à
interprétation et objet de nombreuses études (entre autres Mellet, 2000 ; Rey-Debove,
2001 ; Blanche-Benveniste, 2003 ; Anscombre, 2005) : dans certains cas, il peut assumer
un sens vague, mais dans d’autres concurrencer nous « surtout dans la langue parlée
familière » ou se référer à une ou plusieurs personnes bien déterminées « avec une
nuance stylistique (discrétion, modestie, ironie, mépris, etc.), même dans la langue la
plus soignée » (Grevisse/Goosse, 2008, p. 964, § 753b). Derrière ce dernier emploi
peuvent se manifester les pronoms tu, nous et vous, mais aussi je. Dans ce qui suit, sera
traité le on ‘je’, qui serait dans la terminologie de Fløttum et al. (2007, p. 26 et suiv.) le on
« as Self » (avec l’exemple : on voudrait tout d’abord noter que…) et se distingue selon les
auteurs scandinaves du on « as Self & Other » (par exemple : en second lieu, on notera que…)
et du on « as Other » (par exemple : Ou encore croit-on qu’on puisse régler le problème… C’est
pour le moins peu vraisemblable). Les enquêtés privilégient-ils on au lieu de je ?

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Graphique 4. – Préférence pour on au lieu de je.

35 Les opinions des participants sont encore une fois très divergentes : avec 25 % qui
optent pour « plutôt non » et 24 % pour « non », il y a une majorité relative de 49 % des
personnes interrogées qui signalent qu’elles ne favorisent pas le pronom onaux dépens
du je, mais 15 % des témoins répondent « oui, je préfère utiliser le pronom on» et 22 %
« plutôt oui », ce qui donne 37 % de voix positives.

La voix passive

36 Le recours à différents pronoms qui se réfèrent – exclusivement ou non – à l’auteur,


inclut toujours d’une façon ou d’une autre ce dernier dans le texte. Parmi les stratégies
aidant à dépersonnaliser le texte plus efficacement, citons à titre d’exemple la
construction pronominale à valeur passive, également dite voix moyenne (cette thèse se
comprend mieux si… ‘on comprend/je comprends cette thèse mieux si’, ce livre se lit
comme… ‘on lit/je lis ce livre comme’) ou la construction impersonnelle avec il (il est à
craindre que… ‘on craint/je crains que’, il est douteux que ‘on/je doute que’, etc.) et
regardons de plus près le passif non agentif. Le choix de celui-ci est certainement
influencé par des facteurs comme la progression thématique, la focalisation ou la
prosodie, mais il est également une excellente manière d’éviter la mention de l’agent et
se prête par conséquent parfaitement à la description impersonnelle du processus de la
recherche (Liddicoat 2008, p. 77-82). Très fréquent dans les langues de spécialité en
général (cf. par exemple Gaatone, 1998, p. 34), il est d’un emploi plutôt restreint en
français par comparaison par exemple à l’allemand (Wüest, 1988, p. 132 ; Pérennec,
1993, p. 37), où il est considéré comme une composante typique du discours
scientifique. Son emploi apparait-il également particulièrement approprié aux
chercheurs français ?

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Graphique 5. – Scientificité de la voix passive.

37 Les réponses montrent de façon relativement claire que la voix passive n’est pas
considérée comme genus verbi scientifique par excellence en français ; 12 % répondent
par « non » et 28 % par « plutôt non ». 11 % seulement des enquêtés choisissent « oui »
et 29 % optent pour « plutôt oui ». Il faut pourtant signaler que la plupart des
personnes interrogées (57 %) ne se décident pas définitivement et répondent « plutôt
oui » ou « plutôt non » et 19 % ne se positionnent pas du tout. Cette hésitation
remarquable est peut-être due à l’absence d’un exemple illustrant la question posée,
mais illustre d’autant mieux le fait que les enquêtés évaluent la convenance de la voix
passive de manière différenciée.

Les constructions réduites

38 Un autre trait caractéristique du discours scientifique est la tendance à la


nominalisation, qui ne sert pas seulement à renforcer la condensation sémantique de
l’énoncé, mais également à atteindre sa dépersonnalisation. Renvoyons à titre
d’exemple à l’emploi du substantif au lieu du verbe conjugué (la réfutation de la thèse vs
on/je réfute la thèse…, l’analyse de… vs on/j’analyse…, l’examen de… vs on/j’examine…, la
comparaison de… vs on/je compare…) ou à la construction participiale au lieu de la phrase
relative complète (l’enquête réalisée en 2007 vs l’enquête qui a été réalisée / quej’ai réalisée en
2007), traités dans la deuxième partie du questionnaire (Reutner, 2008, p. 259 et suiv.).
Une autre manière d’enlever du poids au verbe est la construction passive abrégée,
particulièrement appropriée dans les énumérations et très fréquente dans le discours
scientifiques français (cf. par exemple Kocourek, 1991, p. 75 et suiv.). Les participants la
préfèrent-ils à la forme complète ?

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Graphique 6. – Constructions réduites au lieu du passif standard.

39 Les réponses se révèlent plus homogènes avec une majorité de 61 % qui exprime sa
préférence pour les constructions réduites à la place de la version complète (21 %
« oui », 40 % « plutôt oui ») et seulement 30 % qui ne se montrent pas d’accord (20 %
« plutôt non », 10 % « non).

Les constructions passives avec on

40 Après avoir constaté que les personnes considérées préfèrent les constructions réduites
aux constructions avec plus de poids sur le verbe, passons maintenant à un autre
moyen d’éviter le passif standard, à savoir la construction passive avec on :

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Graphique 7. – Constructions avec on au lieu du passif standard.

41 23 % des chercheurs répondent par « plutôt oui » et 10 % par « oui », mais 34 % optent
pour « plutôt non » et 15 % pour « non, les constructions avec on ne sont pas à
préférer », ce qui montre une hésitation à l’égard de l’emploi du on, déjà réfuté en tant
que pronom remplaçant je et maintenant aussi en tant que pronom servant à éviter la
voix passive.

Conclusion
42 L’ancien tabou du moiexigeait l’absence pronominale du chercheur dans son texte au
nom de valeurs traditionnelles liées à l’objectivité de la recherche et de la modestie de
l’auteur, absence perçue comme aussi convaincante qu’agréable par le lecteur
conservateur. Les évènements de 1968 ont néanmoins amené peu à peu à une levée du
tabou traditionnel, qui s’est annoncée à des degrés différents selon les conventions
nationales, la discipline concernée et la spécialisation du texte. Plusieurs raisons sont
avancées pour expliquer cette transgression : avec l’individualisation de la société
moderne, l’auteur peut ressentir le besoin croissant de construire un moiclairement
discernable dans son texte pour souligner sa contribution au sujet et agrandir son
prestige. Mais en choisissant un discours personnel, l’auteur peut également vouloir
exprimer son discernement du rôle non négligeable du chercheur dans les sciences et
faire preuve d’une modestie nouvelle, qui invite le lecteur à la discussion, le fait
respecter comme partenaire et peut finalement se révéler plus agréable que certains
résultats subjectifs cachés derrière des expressions apparemment objectives.
43 L’analyse de l’emploi pronominal dans 21 articles français parus la même année dans
une revue spécialisée en Lettres confirme la hiérarchie fréquentielle entre je, nous et on,
en relevant une présence nette du pronom je, mais avec des scores très hétérogènes
selon les textes. Le corpus excluant les particularités inter-nationales, inter-

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disciplinaires, inter-graduelles, inter-textuelles et inter-temporelles, la quête d’une


interprétation de cette variation a fait envisager les différents cotextes et particularités
inter-individuelles comme explication et a mené à un regroupement en catégories
fonctionnelles qui s’étendent jusqu’aux références intratextuelles, renvois
intertextuels, et à l’exposition de la démarche méthodologique, à la précision de la
terminologie et l’interprétation ou expérience de la part de l’auteur, en passant par
l’éclaircissement de l’objectif de la recherche et la focalisation de son intérêt. Ce
classement a pu illustrer que les choix faits par les auteurs nerelèventpas
forcémentdecontraintesextérieures, mais qu’ils sont largement dus à des préférences
inter-individuelles. La comparaison de l’emploi pronominal dans deux textes de la
discipline de la linguistique a révélé que la manifestation de l’individualité de l’auteur
va encore plus loin : on observe de la variation au sein même d’une catégorie
fonctionnelle dans un seul texte. La question de la présence pronominale de l’auteur
étant de caractère notamment stylistique, la possibilité d’établir des recommandations
rédactionnelles absolues déduites par l’usage s’avère particulièrement restreinte.
44 Une approche métalinguistique vise donc à analyser si une telle recommandation peut
être établie selon la norme intériorisée par les chercheurs. L’enquête exposée établit
que l’ancien tabou du moiest largementmaintenudanslaconscience du langage
scientifique des chercheurs français interrogés, mais également que cette persistance
est en train d’être brisée. Quant aux stratégies pour éviter la première personne du
singulier, le pluriel de modestie et l’hortatif sont légèrement préférés à je, alors que
l’emploi de on ‘je’ est plutôt rejeté. De plus, les témoinsont tendance à refuserl’idée du
passif en tant que moyen d’expression scientifique par excellence et semblent préférer
au passif standard les constructions passives réduites, mais non les
constructionspassivesavec on. Toutefois ces résultats de l’enquête n’informent ni sur les
pronoms choisis en réalité, ni sur le rôle du cotexte dans l’emploi pronominal, deux
aspects qui n’ont été présentés que brièvement ici et qui doivent être étudiés de plus
près dans le cadre de l’analyse statistique du corpus du projet ELFIE, afin de pouvoir
dégager des résultats plus fiables. Ils n’informent pas non plus sur les raisons ou
intentions des auteurs à propos des choix réalisés, qui devraient être le sujet
d’entretiens qualitatifs détaillés. Ils montrent pourtant clairement que le discours
scientifique ne se caractérise pas forcément par des énoncés impersonnels. En révélant
en outre qu’il n’existe pas d’unanimité sur un idéal discursif, ils soulignent également
latendanceà l’individualisation d’une norme en mouvement, difficilement compatible
avec le désir d’établir des critères stables permettant de donner des recommandations
rédactionnelles aux nouveaux entrants.

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NOTES
1. Voir par exemple Latour et Fabbri, qui expliquent : « on dit souvent que […] le style
scientifique se caractérise par des énoncés impersonnels » (1977, p. 81) ; Kocourek, qui proclame
« l’idéal de l’intellectualisation » de la langue technique et scientifique et y inclut la tendance à
« neutraliser […] la subjectivité » ([1982] 1991, p. 41) ; Rastier, qui constate : « La séparation
conventionnelle entre sujet et objet impose aux textes scientifiques une mimésis de
l’objectivité » (2005, p. 159) ; et d’une certaine manière les concepts de la langue comme ancilla
scientiæ (Gauger, 1986, p. 121), comme l’eau ou – en recourant à la windowpane-theory de Gusfield
(1976, p. 16 et suiv.) – comme le verre, c’est-à-dire le concept d’un langage clair et transparent
qui dirige le regard du lecteur directement vers les faits scientifiques.
2. Voir la formulation de l’interdiction du moi (« Ich-Verbot ») par Weinrich (1989, p. 132 et suiv.)
ou du tabou du moi par Kretzenbacher (1995, p. 27), ainsi que l’attitude de Graefen qui nie
catégoriquement la possibilité de justifier un éventuel besoin de l’auteur de se nommer dans son
discours, en expliquant que le fait de publier présuppose que le résultat est important, universel
et indépendant de la personne du chercheur (1997, p. 201).

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3. Cette thèse est avancée par exemple par Ivanič/Simpson et incite les auteurs à distinguer entre
le moi-ego (« ego-I », caractérisé par un langage dépersonnalisé), et le moi-engagé (« committed-I »,
choisissant plus fréquemment le pronom de la première personne ; 1992, p. 146-148).
4. Quant à d’autres classements, renvoyons à l’analyse énonciative du point de vue avancée par
Rabatel (1998, 2003) et à la notion de polyphonie remaniée par Nølke et al. (2004), qui amène
Rastier à spécifier deux paires d’acteurs du discours scientifique, la paire du guide et du régisseur
et la paire du garant et du critique. Dans cette optique, ce sont les différents rôles adoptés par les
acteurs de l’énonciation qui influencent le choix pronominal : le guide s’oriente vers le lecteur
pour l’accompagner dans le processus de lecture en choisissant de préférence le nous inclusif, le
régisseur traite la production du texte en privilégiant le nous exclusif, le garant introduit une
définition en recourant au pronom on et le critique donne des arguments contre d’éventuelles
critiques d’autrui en employant le pronom je (Rastier, 2005, p. 173 et suiv.). Selon le verbe qui se
combine avec ce dernier pronom, Fløttum distingue entre le je-auteur, qui emploie des verbes
rhétoriques comme discuter ou conclure, le je-chercheur, qui privilégie des verbes portant sur le
processus de recherche comme analyser ou considérer, et le je-acteur, qui a recours aux verbes
d’opinion comme affirmer ou contester (Fløttum, 2004, p. 405-408).
5. Il est évident que l’interprétation des exemples dépend du contexte. Ici, ils se comprennent
comme reformulations des exemples cités ci-dessus et se réfèrent donc clairement à un contenu
subjectif.

RÉSUMÉS
La présence pronominale du chercheur dans le discours spécialisé écrit est un sujet controversé.
L’analyse des données statistiques confirme la hiérarchie fréquentielle entre je, nous et on, mais
révèle des variations considérables dans une seule catégorie fonctionnelle d’un seul auteur et
suggère donc une enquête sur la norme intériorisée. En confirmant la persistance tendancielle du
tabou du moi, celle-ci révèle que majoritairement l’échantillon interrogé préfère le nous exclusif et
l’hortatif par rapport au pronom je, mais rejette le pronom on ‘je’ tout comme l’on indéfini dans
les constructions passives, qu’il ne considère pas non plus comme genus verbi scientifique par
excellence.

Pronominal presence of the researcher in written scientific discourse is a controversial subject.


The analysis of statistical data confirms the hierarchy of frequency between je, nous and on, but
reveals considerable variations in one and the same functional category of one and the same
author and thus suggests a survey on the interiorised norm. Confirming the persistence of the
traditional taboo of I, this study shows that the majority of the interrogated persons prefers the
nousexclusif and the hortatif to the pronoun je, but rejects the pronoun on ‘je’ as well as the
indefinite on in passive constructions, which is also not considered the genus verbi scientific par
excellence.

AUTEUR
URSULA REUTNER
Université de Passau, Allemagne

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Impersonality and Grammatical


Metaphors in Scientific Discourse
The Rhetorical Perspective

Zohar Livnat

Scientific discourse as argumentation


1 The discourse of scientific papers is an argumentative discourse whose purpose is to
persuade the scientific community to accept the new knowledge and arguments
presented in them and make them part of the ‘scientific knowledge’ or ‘facts’ upon
which there is a consensus within the relevant discipline. An academic career in any
field is dependent on the publication of papers, and these papers must be published in
peer-reviewed journals, after having been studied and assessed by members of the
same disciplinary community. The researcher’s reputation is built up over time
through the publication of his work and by the degree and extent to which the other
members of the community cite and use it. Consequently, some evidence of the
author’s effort to persuade the readers should be found in every scientific text of this
kind. Persuasion is relevant at two stages: At the first stage the author needs to
convince the editors of the journal to accept the paper for publication, and at the
second the members of the disciplinary community have to accept the new arguments
and make them part of the accepted knowledge base shared by that community.
Because the scientific article is a written product, the testimony to the author’s
persuasive efforts is by definition linguistic and textual in nature. A rhetorical
linguistic analysis of the text should take an in-depth look at the linguistic details in
the context of the author’s aims. Sociologists, anthropologists and historians of science,
such as Latour & Woolgar (1979), Bazerman (1988), Shapin (1984), among others, have
provided excellent descriptions of the scientific text from a social perspective and its
role within the disciplinary discourse community. However, a thorough examination of
the linguistic items and of their unique role in scientific discourse should naturally be
the work of linguists and discourse analysts.

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2 According to the modern approach to science, in order for research to be viewed as


‘scientific’, it must be replicable with similar results. Among the requirements of the
Popperian criterion of falsifiability is the feasibility of repeating the procedure as
reported by the researcher. The criterion of falsifiability says that “statements or
systems of statements, in order to be ranked as scientific, must be capable of conflicting
with possible, or conceivable, observations.” (Popper, 1963, p. 39.) As Bazerman noted,
“The original report of an experiment or observation will not necessarily establish for
all lookers the existence and character of a phenomenon, though the authors might
wish so.” (Bazerman, 1988, p. 309.) Consequently, the authors need to create the
impression that what they are describing is a stable phenomenon that can be faithfully
replicated.
3 If research is to be perceived as that which can be precisely replicated, it must appear
to be completely independent of the identity, personality or specific circumstances of
the researcher carrying it out. To attain this end, a deliberate effort is made in
scientific discourse to diminish the researcher’s presence in the text, resulting in an
‘objective’ style of writing that ostensibly enables the facts to ‘speak for themselves’.
Daston (1992) suggests that the kind of objectivity that is relevant to scientific activity
is an aperspectival objectivity, which is related to the ethos of the interchangeable and
therefore featureless observer. The ideal observer has no particular characteristics
which interfere with the transmission of the results or the comparison between results
obtained in a different place, at a different time and by different researchers. This then,
creates an impression of objective reporting, the ‘rhetoric’ of objectivity.
4 It is important to mention that disciplines in the academe are considered “subcultures”
(Clark, 1962) or “tribes” (Becher, 1981, p. 121), each one having its own particular
qualities, norms, practices and a relatively stable rhetorical situation (Hyland, 1998,
p. 20). Thus, the means by which arguments are presented, procedures enumerated,
literature cited, theory and data discussed can only be seen as effectively persuasive
against a backdrop of disciplinary practices and rhetorical expectations (Hyland, 1998).
Research in academic writing in the past decade has established that scientific
discourse is not a monolithic, uniform form of discourse but varies according to
disciplinary conventions and cultural expectations (Hyland, 2006). Research
investigating English scientific writing has demonstrated a long list of variations across
disciplines, including argumentative moves (Holmes, 1997), authorial stance (Kuo, 1999;
Bondi, 2005; Groom, 2005), speech acts (Myers, 1992), pronouns (Kuo, 1999; Fløttum
et al., 2006), self-citation (Hyland, 2001, 2003; Fløttum et al., 2006), hedging and
mitigation (Hyland, 1998; Vold, 2006), critical and evaluative expressions (Stotesbury,
2006), adversatives (Fløttum et al., 2006), questions (Hyland, 2002), negation (Fløttum
et al., 2006) and meta-text (Samson, 2004; Bondi, 2005).
5 Scientific objectivity is primarily associated with the natural sciences, while both its
possibility and desirability in the social sciences have been the subject of controversy
since the turn of the 20th century (Daston, 1992, p. 599). In the social sciences, the status
of objectivity as a value in of itself is different from its position in the natural sciences.
In one example, Geertz (1988) describes the strength of anthropological research as
stemming from the very presence of the researcher in the research field and the
reader’s feeling that the researcher was himself “there”. At the same time, it would
appear that the desire on the part of the humanities and social sciences to prove

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themselves as having scientific validity causes them to adopt the linguistic, stylistic and
rhetorical norms that historically developed in the natural sciences.
6 One of the most important linguistic characteristics of objective reporting is its
impersonal nature. Hyland (2002) noted that “impersonality is seen as a defining
feature of expository writing as it embodies the positivist assumption that academic
research is purely empirical and objective” (Hyland, 2002, p. 1095). Discussing different
genres, Berman (forthcoming) notes that “the favoring of impersonal constructions in
expository prose is a general feature of this type of discourse.” She proposes “a
discourse-based continuum of impersonalization, extending out to interactive
conversation at one end, via personal experience and fictive narratives, to informative
texts, expository discussions and research papers, at the other.” (See also Kupersmitt,
2006; Reilly et al., 2002.)
7 In the following sections, I will demonstrate some of the linguistic constructions
involved in creating an impersonal tone in scientific discourse in Hebrew, and will
relate to them from the rhetorical perspective. The examples are taken from a corpus
of 30 scientific articles in the social sciences published in Hebrew in Megamot in 1999–
2000. The average length of the articles is about 18 pages of text, and in total, the
corpus includes 534 pages of text. Megamot is a scientific periodical in the behavioral
sciences, which since 1972 has published papers on varied subjects, such as education,
sociology, anthropology, psychology, political science, administration, organizational
behavior, communications and more. The periodical is refereed (anonymous
refereeing), and it declares that in order to be considered worthy of being published in
it, all papers must meet the highest standards of scientific writing in the behavioral
sciences. Because Israeli scholars are required to publish their papers mainly in
English, Israel does not have a wide selection of Hebrew-language periodicals in these
fields, and among them, Megamot is considered the best platform for scientific
publication. The papers that are published are very different from one another in many
of their features. They range from reports on empirical studies, which bear a strong
resemblance to papers from the fields of the life sciences, to papers that offer
theoretical models and philosophical papers that deal mainly with content analysis.
Most of the papers in the corpus focus on the analysis of quantitative data, although
the corpus also contains studies that use only qualitative research methodologies. This
corpus offers the researcher a wide selection of linguistic means to achieve various
rhetorical aims. In this paper, I will focus on the means of impersonal expression.

Rhetoric of objectivity and impersonality

8 In this paper, I have adopted a wide semantic-pragmatic definition of ‘impersonality’ as


the reverse of ‘agency’ (Yamamoto, 2006), rather than a narrow grammatical one.
According to this definition, an impersonal construction is any construction that
enables the speaker to refrain from explicit indication of the agent.
9 Languages differ in the ways they downgrade agency and express an impersonal stance.
There are also differences in the presence and frequency of the available constructions
across contexts and genres. Since Hebrew is tolerant of subjectless constructions,
Hebrew speakers rely on a rich range of options –subjectless 3 rd person plural,
subjectless modal operators, generic 2nd person subject, intransitive verbs and passive
voice constructions (Berman, forthcoming; Berman, 2004; Ravid & Zilberbuch, 2003).

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“Reliance on subjectless constructions for expressing an impersonal stance” is “an


important feature of Hebrew typology from early on in development” (Berman,
forthcoming).
10 Subjectless 3rd person plural constructions, although an available tool for Hebrew
speakers, are not frequent in scientific discourse in Hebrew (Livnat, forthcoming).
Fourteen examples were found in the corpus, three of them appear in temporal clauses
and ten in conditional subordinate clauses, as demonstrated in examples (1)-(2):
(1) ka’asher bochanim et aksharim […] (711).
‘when examine + PLUR the connections […] = when one examines the
connections…’
(2) im mekablim et megamot atmi’a […] (12).
‘if accept + PLUR the absorption trends […] = if one accepts the absorption trends…’
11 Much more common are subjectless modal or evaluative operators, and passive forms
(Livnat, 2006). The former is typical of Hebrew in general while the latter is assumed to
be influenced by its frequency in English. In this section, I will demonstrate their use
and rhetorical effect in scientific discourse.

modal/evaluative operator + infinitive

12 Modal and evaluative operators are predicative constituents of a sentence nucleus,


whose other constituent is or centers upon an infinitive (Rosén, 1977, p. 113). Consider
the following examples:
(3) meha’amur la’eil nitan lehasik she-eichut hainteraktsia […] (74).
‘From the above possible to conclude that the quality of […] = from the above it
can be concluded that…’
(4) efshar im kach leha’arich ki shloshet hamarkivim […] (24).
‘possible thus to conjecture that the three elements […] = it thus may be
conjectured…’
(5) min hahagdarot halalu kal lir’ot she-ta’ut medida […] (60).
‘From these definitions, easy to see that a mistake […] = from these definitions, it is
easy to see that…’
13 In these examples, modal operators such as nitan (‘possible’) or efshar (‘possible’), and
evaluative adjectives such as kal (‘easy’) together with the infinitives lehasik (‘to
conclude’), leha’arich (‘to conjecture’), lir’ot (‘to see’), create a purely subjectless
construction where no agency is involved. The translations into English add the
expletive subject ‘it’, although this is not only not required, it is generally inadmissible
in Hebrew (as in other languages tolerant of subjectless constructions, such as Spanish
or Polish) (Berman, forthcoming).
14 A corpus-based analysis of scientific articles in Hebrew (Livnat, forthcoming) found this
construction to be a powerful tool for establishing an impersonal tone in this genre. It
has 333 occurrences in the corpus, 53% of which include the modal operator nitan (see
example 3 above). Its rhetorical importance is related to its impersonal quality. For
instance, by using the phrase nitan lehasik(‘possible to conclude’)the author implies that
the cognitive act of concluding is not an action that he performs from his personal
point of view, but an action that can be performed by every reader, or better –by every
rational member of the scientific discourse community. The impersonal quality of this
construction not only downgrades the author’s presence in the text but also imbues
some of the author’s cognitive actions with the potential to include the reader as well,
thereby inviting the reader’s participation in the cognitive actions of identification,

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analysis, generalization, drawing conclusions, etc. The result could be to enable the
reader to experience these actions as if she is carrying them out herself. This resembles
the use of the inclusive first-person plural, ‘we’, which achieves a similar result. ‘We
see’ or ‘We conclude’ might be experienced as actions that the writer and reader carry
out together.

Passive voice

15 Passive forms are far less common in Hebrew than in English. Jisa et al. (2002) found
that English makes much greater use of the passive voice for agency downgrading
compared to Hebrew, although Hebrew also has structurally productive passive voice
constructions. The difference in usage can be explained in terms of availability of
alternative rhetorical options to express the same discourse function (Berman,
forthcoming). Nevertheless, in my corpus, 1 092 passive verbs were found denoting the
researcher’s actions. The large distribution of passive forms in scientific discourse in
Hebrew seem to be influenced by English in its role as the lingua franca of academia.
Israeli researchers writing in Hebrew in the social sciences read (and also write) most
of the relevant literature in English. Passive forms appear in all parts of scientific
papers in Hebrew, seemingly reducing the part played by the researcher who actually
carried out each of the different actions: formulating the assumptions, gathering the
data, providing interpretation of the findings, drawing conclusions and ultimately –
writing the text. Examples (6)-(9) demonstrate these various activities.
16 Passive relating to hypotheses:
(6) kfi she-sho’ar, divuchey morim chasfo kama hevdelim […] (94).
‘As was assumed, teachers’ reports revealed a number of differences…’
17 Passive relating to the actual performance of the study:
(7) al menat le’emod et meheimanut hakriteryon ne’esfu netunim al tsiyunei kursim
beshana alef […] (61).
‘In order to estimate the reliability of the criterion, data were collected on the
course marks in the first year…’
18 Passive relating to the analysis of findings:
(8) lo nimtse’u hevdelim bein yeladim bakvutsot hakliniyon […] (88).
‘No differences were found between children in the clinical groups…’
19 Passive relating to meta-text, i.e. to the act of writing:
(9) kfi she-yusbar lehalan […] (39).
‘As will be explained below…’
20 I will discuss in the following section additional elements that are involved in creating
an impersonal tone. These will be discussed in the framework of “grammatical
metaphor” suggested by Halliday (2004).

Grammatical metaphors in scientific language


21 In his work on scientific discourse, Halliday (2004) developed the concept of
“grammatical metaphor.” While in classical (lexical) metaphor one word takes over
from another, in grammatical metaphor one grammatical class takes over from
another (Halliday, 2004, p. 38), as a way of “reconstructing the relations between the

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grammar and the semantics” (ibid., p. 107). Thus, metaphor in the grammatical sense is
the replacement of one grammatical class by another.
22 Halliday’s assumption is that ordinary everyday language, such as that found in the
language of young children before they move from commonsense knowledge to
educational knowledge, is constructed by what he calls ‘congruence’. In the congruent
mode of language, nouns represent things, verbs represent happenings, adjectives
represent qualities and connectors represent logical relations. However, the
relationship between grammar and semantics can be more complicated. In the
incongruent mode of language, qualities might be realized by nouns, happenings by
nouns or adjectives, and logical relations by verbs.
23 The prototypical example of grammatical metaphor is nominalization. For example, an
element having the nature of an action might be given a nominal form, and in this way,
the language reorganizes ‘happenings’ as if they were ‘things’. The incongruent mode
of language was identified by Halliday as a clear linguistic feature of English scientific
discourse, having its origins in the history of scientific English. “This probably started,
or at least first reached a significant scale, with nominalization: decoupling ‘qualities’
and ‘processes’ from their congruent realizations as adjectives and verbs, and
recoupling both these meanings with nouns.” (Ibid., p. XVI.) According to Halliday,
nominalization “is motivated in the discourses of science, because of its massive
potential for creating new knowledge” (ibid., p. XXI). “Grammatical metaphor increases
the power that a language has for theorizing, because it creates virtual phenomena –
virtual entities, virtual processes– which exist solely on the semiotic plane; this makes
them extremely powerful abstract tools for thinking with.” (Ibid., p. XVII.)
24 According to Halliday, the wide distribution of grammatical metaphors in scientific
discourse has various causes or ‘pay-offs’. First, they serve to ‘construe technicality’.
Since the nominal group is the most powerful resource for creating taxonomies
(categories and subcategories), nominalization helps to create technical meaning
through ‘Classifier + Thing’ structures (ibid., pp. 38–39). Second, by reconstructing
qualities, processes and logical relations as ‘things’, the grammar creates a semiotic
universe of ‘things’ (ibid., p. 47). Once qualities, processes and logical relations have
taken on the feature of ‘entity’, the researcher can observe, measure and experiment
with them. “It is holding the world still, giving it stability and permanence” (ibid.,
p. 129).
25 Moreover, nominalization serves the movement from Theme to Rheme, which is
characteristic of scientific discourse as a chain of reasoning. As ‘things’, “they have the
power of entering as participants into the full range of participant roles that the
grammar has created for ‘things’” (ibid., p. 44). Nominalization “allows any observation,
or series of observations, to be restated in summary form –compressed, as it were, and
packaged by the grammar– so that it serves as the starting point for a further step in
the reasoning.” (Ibid., pp. 19–20.) The Theme is the stable part, and so it is typically
construed as a noun, which is a result of packaging preceding information. Here is one
of Halliday’s examples, from a microbiology text:
(10) When a solution of any substance (solute) is separated from a solute-free
solvent by a membrane that is freely permeable to solvent molecules […], the
solvent tends to be drawn through the membrane into the solution, thus
diluting it. Movement of the solvent across the membrane can be prevented by
applying a certain hydrostatic pressure to the solution.

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The verbal phrase ‘the solvent tends to be drawn through the membrane’ in the first
sentence is reconstrued as a noun phrase in the second sentence: ‘Movement of the
solvent across the membrane’. The noun phrase is a grammatical metaphor which
“‘packages’ the preceding assertion to function as a point of origin for the next” (ibid.,
p. 20). The thematic packaging of the information makes the logical progression of the
argument possible.
26 Example (11) is another case of the use of a grammatical metaphor in scientific
argument, taken from my corpus and translated into English.
(11) This study shows that the immigrants continued to put in an effort to improve
their mastery of Hebrew […]. However, despite the increase in their Hebrew skills,
the study found that the immigrants made use of Hebrew mainly in “formal”
circumstances, such as at work.
The noun ‘increase’ (= ’alya) in the second sentence is an example of a nominalization,
since ‘increase’ is not an entity but rather a process that has been observed by the
researcher. This process is one of the research findings described in the first sentence,
where it is the focus of the sentence and performs a rhematic function as the new
information delivered by the sentence. In the second sentence, this increase is given a
definite noun form, placed in a thematic role as the given information. To this given
information, new information is added –additional findings that give a new
interpretation to the preceding findings. Thus, from the point of view of discourse
structure, nominalization serves the development of the argument.
27 Although nominalization is predominant in the sense that most metaphoric shifts shift
into a nominal group, it is not the only one. Halliday has found no less than 13 different
metaphoric movements (see table on pp. 41–42), evincing a unified direction from the
abstract to the concrete. “The general drift is, in fact, a drift towards the concrete,
whereby each element is reconstrued in the guise of one that lies further towards the
pole of stability and persistence through time” (ibid., p. 43). Another important
metaphoric transformation is reconstruing a relator (a logical-semantic relationship)
as a verb, i.e. as a ‘process’ or a ‘happening’.
28 In the next section, I will refer to additional types of phenomena that might be
considered grammatical metaphors, although Halliday did not specifically mention
them. My discussion will tie them to the ‘rhetoric’ of scientific discourse and to the
rhetorical effect of impersonality.

Grammatical metaphors and impersonality


29 Let us consider metonymies such as ‘this paper argues…’ instead of ‘in this paper I
argue…’, where ‘the paper’ is positioned as agent. This construction is demonstrated in
examples (12)-(15) below.
(12) ha-ma’amar dan bemashmaut mimtsa’im ele […] (131).
‘The paper discusses the meaning of these findings…’
(13) al smach nituach ha-mikre […] matsi’a avoda zo histaklut acheret […] (587).
‘Based on an analysis of the case […] this study proposes a different perspective…’
(14) ha-diyun mitmaked be’ikar bahitnahaguyot shehutsgu […] (531).
‘The discussion focuses mainly on the behaviors presented…’
(15) ha-nituach hanochechi […] bochen she’ela zo toch pikuach […] (58).
‘The current analysis […] explores this question while maintaining…’

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30 In this wording, inanimate subjects (paper/study/discussion/analysis) take verbs of


cognitive activities as their predicates. Different studies that have investigated the
prevalence of such metonymies in scientific English offer varying results. Myers (1992)
found that such constructions are infrequent, and he treated them as a marginal
phenomenon. Swales (1990), on the other hand, maintains that they are in fact quite
prevalent in English, while noting that in some languages, such as Japanese,
formulations of this kind are unacceptable. Hebrew is apparently one of the languages
in which this structure is more frequently found. In my corpus, all the papers contain
sentences of this kind, in particular in the introductory and concluding sections.
31 The crucial point from a rhetorical perspective is that this kind of grammatical
metaphor, one that positions the paper/study/discussion/analysis as a metonymic
agent, has an impersonal quality. Since the actions of discussing, proposing, focusing
and exploring are all cognitive activities carried out by the researcher himself, the
grammatical metaphor enables him to refrain from indicating the actual agent, thereby
downgrading the author’s presence in the text.
32 Not only does the use of such metonymies fulfill the purpose of creating an impression
of objectivity, it also creates distance between the researcher and the research,
positioning the study as an entity separate from the researcher carrying it out.
Presenting the research as an independent entity, in addition to the distinction
“between the individual and the work done by him, provides an important resource in
the construction of facts” and is used persuasively (Latour & Woolgar, 1979, p. 188).
33 Particular note should be paid to the ways in which the act of drawing conclusions is
presented. In scientific discourse, it is common practice to use formulations of drawing
conclusions in such a way as to present the drawing of conclusions not as a process
carried out by the researchers, but rather as an integral feature of nature. Conclusions
“are made to appear as if they followed unproblematically from empirical evidence”
(Hyland, 1998, p. 18). Such formulations also have the effect of obscuring the presence
of the researcher because they point to a truth that arises from the reality itself rather
than from the manner in which the researcher perceives it.
34 Several kinds of grammatical metaphors may be involved in such a wording.
Examples (16)-(19) demonstrate the use of scientific language in verbs such as
‘indicate’, ‘reveal’, ‘show’ and ‘give rise’.
(16) bdikat hanetunim […] matsbi’a ’al dimyon […] (142).
‘An examination of the data […] indicates the similarity…’
(17) ha-nituach she-butsa be`ikvot mimtsa ze chasaf hevdelim […] (91).
‘The analysis carried out in the wake of this finding revealed differences…’
(18) bchinat hamegamot hamistamnot […] her’ata ki hadfus hashachiach […] (258).
‘An investigation of the trends that emerge […] showed that the common
pattern…’
(19) hitbonenut bechelko ha`elyon shel luach 3 ma’ala ki […] (142).
‘Observation of the upper part of Table 3 gives rise [to the conclusion] that…’ 1
None of these verbs indicates an action or occurrence in this context; rather, they
express the logical relationship of premise and conclusion. This is a metaphoric
transformation, whereby the relator (the logical-semantic relation) is reconstrued as a
verb, i.e. as a ‘happening’. And while the logical-semantic relation is construed as a
verb, the action being taken by the researcher is construed as a noun (examination/
analysis/investigation/observation) and takes the syntactic role of the subject.

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35 From a rhetorical perspective, the crucial point is that despite the fact that the nouns
represent actions that the researcher carries out as part of her scientific work, this
formulation manages to create the impression that it is not an action performed by and
dependent on an observer, but rather that it is the necessary conclusion that naturally
arises from the data. Here is yet another example, the verb movil (‘lead’):
(20) mimtsa’ei hamechkar hanochechi movilim lamaskana […] (677).
‘The findings of the current study lead to the conclusion that…’
The syntactic structure of this example provides an outstanding exemplification of the
structure of a logical argument, as illustrated in (20a).
(20a) P (= premise: the findings of the current study)
-- (= then: lead to)
Q (= conclusion: the conclusion that)
36 The findings fulfill the function of the premise, from which the conclusion must follow.
The premise, which is presented by means of the noun phrase ‘the findings of the
current study’, occupies the position of the syntactical subject. The conclusion occupies
the position of the object, and the verb ‘lead’ signifies the logical connection between
the premise and the conclusion. Within this tight logical construction, there is no room
for an observer who draws conclusions based on findings. Thus, the drawing of
conclusions seems to occur ‘on its own’, without any intervention on the part of the
researcher. A grammatical metaphor of this kind thus enables the researcher’s absence,
and makes it possible to present conclusions and inferences not as a result of a
cognitive activity carried out by the author, but rather as something that arises
naturally and unproblematically from the data.
37 The use of abstract nouns such as ‘examination’ (ex. 16) or ‘observation’ (ex. 19), rather
than verbs (‘examine’, ‘observe’) has additional rhetorical importance. As an
impersonal element, it extends the agent of the action to include the reader too. In this
way, the researcher, who is in fact performing the ‘examination’ or ‘observation’
activity, invites the reader to carry it out together with her, and in this way, to reach
the same conclusions. This feeling of sharing and involvement in the thinking process
can enable the reader to draw intellectual pleasure from the reading of the paper and
from the way in which the new argument is constructed. This pleasure can increase the
reader’s positive feelings towards the paper and the arguments presented in it, and
thereby increase the chances of the arguments being accepted and becoming part of
the shared disciplinary body of knowledge.

Conclusions
38 Corpus-based research of scientific articles in the social sciences in Hebrew
demonstrates different kinds of impersonal constructions characteristic of this genre,
among them subjectless modal operators, the passive voice and various uses of
grammatical metaphors. An analysis of this data from a rhetorical perspective makes it
possible to point to the rhetorical roles performed by impersonal constructions.
39 First, they serve the ‘rhetoric of objectivity’ and help to enhance the ethos of the
credible and uninvolved researcher. The absence of the author from the cognitive
actions that underlie the text, in particular the drawing of conclusions, is especially
important. This rhetorical device presents the conclusions as having been drawn

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91

‘naturally’, as if they arise all on their own from the data, i.e. a conclusion that every
rational reader should reach given the same data.
40 Metonymies that position inanimate subjects as agents of cognitive activities serve to
create an impression of separation of the research from the researcher, and to present
the research as an independent entity. By using this kind of grammatical metaphor, the
author can distance herself from the research and let the findings ‘speak for
themselves’.
41 Another rhetorical outcome is the possibility of having the reader share in the
cognitive activities that underlie the scientific paper and experience them by himself.
In this way, the author creates common ground between herself and the reader, which
is a major rhetorical device for the creation of agreement. Viewed from the rhetorical
perspective, grammatical metaphors appear not only as an inherent characteristic of
scientific language, but mainly as a rhetorical device that serves the entire range of
goals of the author as a member of the scientific community.

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NOTES
1. The Hebrew word maskana [= conclusion] is historically derived from the Aramaic root slk
[= rise, arise]. In Modern Hebrew the common collocation is ‘the conclusion arises from the data’
(Livnat, forthcoming).

RÉSUMÉS
Cette recherche, basée sur un corpus d’articles scientifiques en sciences sociales rédigés en
hébreu, se donne pour objectif d’identifier différentes formes de constructions impersonnelles du
genre, dont en particulier l’utilisation des métaphores grammaticales. L’analyse, menée dans une
perspective rhétorique, permet de dégager les fonctions rhétoriques de ces constructions
impersonnelles, mises au service de la « rhétorique de l’objectivité » en renforçant la crédibilité
du chercheur, non impliqué dans son discours. Cette absence formelle de l’auteur dans son
raisonnement, en particulier dans la partie finale, donne au lecteur un sentiment d’évidence vis-
à-vis des conclusions tirées de l’analyse des données. Les constructions impersonnelles
impliquent ainsi le lecteur dans les actions cognitives, créant un terrain commun entre l’auteur
et le lecteur. Vues sous l’angle rhétorique, les métaphores grammaticales servent les objectifs
rhétoriques de l’auteur en tant que membre de la communauté scientifique.

Corpus-based research of scientific articles in the social sciences in Hebrew demonstrates


different kinds of impersonal constructions characteristic of this genre, among them various uses
of grammatical metaphors. An analysis of this data from the rhetorical perspective makes it
possible to point to the rhetorical roles performed by impersonal constructions. They serve the
‘rhetoric of objectivity’ and the ethos of the credible and uninvolved researcher, and present the
research as an entity independent of and separate from the researcher. The author’s absence
from the cognitive actions that underlie the text, in particular the drawing of conclusions,
presents the conclusions as those that any rational reader would draw given the same data.
Impersonal constructions involve the reader in the cognitive activities that underlie the
scientific paper and create common ground between the writer and reader. Viewed from the
rhetorical perspective, grammatical metaphors appear to be rhetorical devices that serve the
entire range of goals of the author, as a member of the scientific community.

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INDEX
Keywords : grammatical metaphor, Hebrew, impersonality, objectivity, scientific discourse

AUTEUR
ZOHAR LIVNAT
Bar-Ilan University, Israel

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Head nouns as modal stance


markers –academic texts vs. legal
texts
Issa Kanté

Aims of the study


1 This paper1 is a corpus-based study investigating the presence writers or speakers in
their discourse through certain types of head nouns, such as fact, statement, assumption,
etc. These nouns, contrary to many others, have the particularity to govern
complement that-clauses, such as in:
In this way, if the highest ranked speakers can be correlated across verbal
paradigms, the assumption that rank order scales can be correlated across environments
is validated. (JEL2)
2 Previous linguistic works, using different approaches, have categorized these nouns
(called “head nouns”, complement “that-taking nouns”, or “shell nouns”) in lexical
classes and subclasses (Nomura, 1993; Schmid, 2000; Aktas & Cortes, 2008). Some
authors like Quirk et al. (1985, p. 1231, pp. 1260–1) and Huddleston et al. (2002, p. 965)
claim that the ability of these nouns to govern a that-clause is justified by either their
abstractness, or by their semantic relation to verbs or adjectives from which they are.
These accounts might not be fully satisfactory since neither all the head nouns are
abstract (sign, picture, etc.), nor all of them are derived from verbs or adjectives (fact,
idea, etc.)Ballier (2004a).
3 Other typological approaches, Perkins (1983, pp. 86–8) and Chevalier & Léard (1996) for
instance, have shown that modality is one of the main semantic features of such nouns.
Put another way, nouns that govern complement that-clauses are nominalized
expressions of modality; viz. they are used by the speaker to convey a modal
characterization. Based on this analysis, we contrast a legal and an academic text to
show how these kinds of nominal expressions are used by the writer or speaker to mark
her own stance. Another aim of this study is to figure out if the functions of a head

Lidil, 41 | 2010
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noun or a particular that-clause change according to text genres. In other words: Do the
communicative functions of a head noun and the pattern in which it appears vary from
a genre of text to another?

Corpora
The linguistic corpus

4 It is composed of 16 research paperspublished from 2000 to 2007, written by both non-


native and native speakers of English. All of the papers (including three book reviews
and one interview) were retrieved from the website3 of the Journal of English Linguistics.
The corpus contains around 100,000 words.

The legal corpus

5 Our legal corpus is an extract from an online corpus, Old Bailey Proceedings from 1674 to
1834, which contains 25 million words4, and Proceedings of the Central Criminal Court
(70 million words of text), extending the period covered to 1913 5. The corpus is made
up of transcribed and marked up texts of felony trial reports published in the Old
Bailey Proceedings from 1674 to 1913. That is to say that our legal corpus is the
transcription of courtroom interactions and reports. Thus, compared to the linguistic
corpus, which is an academic genre, the legal one is rather a professional genre.
6 In order to have two corpora of equal size, we retrieved from the last part of the Old
Bailey Proceedings corpus (January and February 1913) an equivalent of 100,000 words.
Notice that we are aware of the diachronic and stylistic differences between our two
corpora. For instance, the dimension of reported speech is much more important in the
legal text than in the linguistic one.

A contrastive standpoint

7 Our interest to compare an academic text with a legal text is motivated by two main
reasons. The first is to show if the source of modality and its extra-linguistic goals are
determinant in text specificity. Head nouns that complement that-clauses are not used
only for the lexical semantic meaning they convey, but also for a calculated and
particular modal meaning. So, the clear-cut distinction between the legal genre
(interactions in courtroom) and the academic genre (a somewhat one-way discourse, in
the case of research papers) is a sound ground for substantiating discursive and
contextual differences in terms of modal characterizations and their implications in
the real world. The differences (linguistic to extra-linguistic dimensions) between a
legal and an academic text may be displayed in the choice and frequency of head
nouns.
8 The second reason is to understand if text genre differences are neutralized when the
speaker uses nominal that-clauses in her discourse. The questions are: Does the speaker
in the academic genre and in the courtroom one use that-clauses for the same
communicative functions and effects? Do the differences in terms of social role
between texts necessarily mean differences in communicative functions and effects?

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97

The analysis of corpora from two highly distinctive genres seems to be a good strategy
to answer such questions.

Hypotheses
9 Our working hypotheses are the following:
• head nouns are modal expressions used by the speaker/writer to mark her stance towards a
proposition (Ballier, 2004b), an event or a state;
• the use of a head noun in a given grammatical pattern in two genres of text may not have
the same purpose or implication. For example, the epistemic noun evidence in a given
complement that-clause may not have either the same purpose or the same implication in a
legal and in an academic text;
• the social role of a discursive genre may also be displayed in the lexical expressions of its
texts. For instance, the authoritative role of the legal institution may be noticed in the use of
certain deontic nominal expressions and their immediate syntagmatic environment.
Similarly, the persuasive and argumentative aim of linguistic papers may be exhibited in the
frequency of certain epistemic expressions.

Data analysis
I. Lexico-grammatical patterns and their functions

10 The lexico-grammatical patterns in which we are interested here are the following:
[N that], [Presentative N that], [N be that]. In addition to these three patterns there are
other cases where the head noun collocates with either a verb to govern a that-clause
(Figure 3 makes the point that in the sixteenth century, the process away from multiple
negation was particularly favored by men … JEL), or with a preposition (in the sense/on the
basis that …).

I.1. Simple N complement clause [N that-clause]


(1) EDITH ANN WAGHORN … He [MAX ALEXANDER] wrote on February 25, “I have
received quite a fortune; in fact over £3,000 in subscriptions, for which I pay 100 per
cent. per annum […]
MAX ALEXANDER (prisoner, on oath) […] The statement that I was paying 100 per
cent. on £300 is a lie in the legal sense.” (OBP6)
(2) Ariel’s general assumption that demonstratives are intermediate or mid-
accessibility markers is still broadly supported because the cases in this corpus are
relatively short-range anaphors. (JEL)
11 This construction can be considered the prototype of complement that-clauses since
the head noun alone governs the subordinate clause. The semantic function of this
construction is to express the speaker’s stance towards a proposition, an event, or a
state which has already been expressed mentally or verbally. In other words, this
complement clause is a sort of indirect modal expression on an already expressed
proposition, a previously noticed event or state. In (1) for example, the speaker (Max
Alexander) asserts that what another person (Edith Ann Waghorn) said is not true.
Through the head noun, the speaker ‘wraps’ the propositional content in a
characterizing noun (statement), and then expresses a personal judgment (… is a lie …)
about it. Thus the subordinate clause, characterized by the head noun, is in fact a kind

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of reported speech. In example (1), we can clearly see that the that-clause refers back
to, or even reports a speech that has been expressed earlier in the text. The speaker
does not limit himself to just a report, but characterize the proposition and gives his
personal opinion about its content. Hence Biber et al.’s (1999, p. 648) claim that “the
that-clause reports a proposition, while the head noun reports the author’s stance
towards that proposition.” The same mechanism happens in (2); the writer creates a
modalcharacterization and marks her personal stance about an already expressed
position. The characterization Ariel’s general assumption shows that the writer refers to a
preconstruction, not necessarily in her own text, but in someone else’s analyses
(Ariel’s).
12 Thus, in terms of text specificity, the semantic function of [N that] seems to be the same
in the courtroom text (1) and in the linguistic paper (2). The aim of the speaker in using
a head noun is to mark a personal stance towards a proposition; which is to say that the
use of this grammatical pattern, as such, has no particularizing function in terms of
text specificity.
13 However, the choice of nominal expressions may depend on the personal commitment
of the speaker towards the proposition or on the way the proposition was expressed.
Therefore, the speaker in (2) could characterize Ariel’s position as Ariel’s hypothesis,
conclusion, or claim according to how she personally perceives it or upon the way Ariel
expressed it. And in (1), the speaker in the courtroom, instead of using statement could
use accusation, allegation or declaration depending on the way she perceives the
proposition. It is also important to point out the difference in discursive strategies
between the two examples. In (1), the testimonial source is not mentioned, whereas
in (2) it is explicit, Ariel’s.
14 These observations show that the choice of a head noun in a simple noun that-
clausedepends on the speaker’s personal perception of the proposition she wants to
characterize. We can then conclude that the use of this grammatical pattern in the
discourse is motivated by the need to express one’s own commitment towards a
preconstruction. For instance, when the speaker says (the fact that …), she wants to show
the degree of her epistemic commitment about an observed event or state. And when
she says (the order/requirement that), she obviously wants to show the deontic aspect of a
preconstructed proposition or event. Indeed, that-clause as singularly a
preconstruction is one of the differences between [N that] and [There be N that].

2. Presentative that noun complement: [There be N that-clause]


(3) Judge Lumley Smith said there was no evidence that up to July 31 Hart had taken
any part in the matter. He therefore ruled that there was no case to go to the jury as
against Hart. Verdict (Hart), not guilty. (OBP)
(4) Labov (1978, p. 13), for example, claims that “there is ample evidence that
human linguistic competence includes quantitative constraints as well as discrete
ones.” (JEL)
These two examples illustrate another type of lexico-grammatical pattern in which a
noun governs a complement that-clause. Contrary to (1 and 2), the head noun in these
utterances follows a ‘presentative-existential’ structure, which constitutes the main
clause. This formal difference between [N that] and [There be N that] is underpinned by a
functional one. In both patterns, the main clause expresses the degree of the speaker’s
commitment. As in utterances (1 and 2), the speaker in (3 and 4) characterizes and
expresses her personal commitment (there was no evidence/ there is ample evidence)

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towards the proposition. Nonetheless, there is a subtle difference between (1/2) and
(3/4), since in the former, the assertion (main clause) is about the speaker’s judgment
on the propositional content; whereas in the latter, it is about the existence of the
propositional content. This difference can be summed up as in the table 1:

Table 1. – Semantic differences between [N that] and [There be N that].

Clauses [N that] [Presentative N that]

Main clause Nominal characterization + personal Nominal characterization + assertion


(Direct judgment about the propositional the existence of the propositional
assertion) content. Ex.: The statement (that …) is a lie content. Ex.: There was no evidence
in the legal sense (that …)

That-clause Propositional content Propositional content

15 We can notice that the distinction in grammatical patterns correlates with a semantic
difference. In both [N that] and [Presentative N that] there is a nominal characterization
of the propositional content. But contrary to the former, the speaker in using [There be
N that] does not express a personal judgment about the proposition. In presentative
that-clauses, the speaker asserts the proposition “as actually existing independently of
the speaker” Perkins (1983, p. 67), i.e. the proposition is presented as “true for any
speaker”, and the speaker does not give any personal comment. Notice however that
the testimonial source of the modal expression can be explicitly stated (there was
evidence for the jury that … OBP).
16 It is also worth noting that the speaker uses other devices to express the degree of her
commitment about the propositional content. In (3 and 4), we can remark that in the
main clauses the speaker uses devices such as negation (no evidence …) or an adjective
(ample evidence …) to reinforce the degree of her commitment; a commitment whose
modality type is determined by the head noun. In the utterances, the noun evidence
conveys an epistemic characterization. And the type of modal expression could for
example be deontic as in:
(5) On August 14 there was an Admiralty order that this man’s name should be
removed from the Navy List. (OBP)
In this utterance, the speaker reports on the existence of a proposition (that this man’s
name …), which is deontic in nature (Admiralty order) and whose source is explicit. Thus,
one can conclude that the source of modality can be mentioned in most that noun
complement constructions; which is also the case in predicative that noun complement
clauses, discussed below.

3. Predicative that noun complement: [N – be that-clause]


(6) Dr. FORWOOD, medical officer, Holloway Prison. I have had the prisoner under
observation since December 7. My conclusion is that at the time of committing this act
she was not responsible for her actions.
Verdict, Guilty, but insane at the time of commission of the offence. (OBP)
(7) The implication of these findings is that the process was diffused from above in the
sense that it was promoted by professional usage. (JEL)

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100

These utterances involve a nominal characterization of the propositional content. In


both sentences, instead of a simple declarative utterance (6’ and 7’), the speaker uses a
sort of indirect assertion –“mode indirect” (Colletta, 1994, p. 89) in enveloping the
propositional content in a nominal expression.
(6’) At the time of committing this act she was not responsible for her actions.
(7’) The process was diffused from above …
The nominal expressions (conclusion and implication ), which constitute a kind of
epistemic shell denote the speaker’s commitment towards the propositional content,
(Schmid, 2000). In (6), the degree of the speaker’s commitment is conveyed by the term
conclusion, the modal epistemic source of which is the speaker herself, My
(Dr. Forwood). And in (7), the epistemic source is the findings; the speaker’s
commitment is measured by the epistemic noun implication. Thus, the propositional
contents of (6 and 7) are both characterized by conclusion and implication respectively.
To sum up, one can state that subject predicative that-construction is a process in
which the speaker uses a noun as a modalshell to express a personal stance towards
what she is asserting. In these constructions, there is an identification or description
process between the head noun and the propositional content.
17 Note that although the head nouns in both utterances are epistemic, they do not have
the same purpose or interpretation. In the courtroom situation, the choice of the
epistemic expression has a precise purpose and effect on the verdict (guilty or not
guilty); whereas in the academic writing context, the purpose and effect are to
convince and have the adherence of the reader. So, these differences in purposes and
effects may be crucial for the choice of the modal nominal. That is to say that the use of
such or such modal nominal, as a stance marker, in such or such context may depend
not only on the degree of the personal commitment towards the proposition, but first
and foremost on the extra-linguistic purposes of the utterance or of the overall
writing-speaking context. For example a judge would probably use (There is no evidence
that) instead of (My impression is that) when he/she delivers the verdict. Similarly a
linguist would be reluctant to use impression in an utterance like (A first observation […]
is that the metalinguistic labels respondents volunteered were frequently the same. JEL) This is
in line with Biber et al. (1999, p. 649) who point out that in an academic writing
observation as a head noun (over 10 times per million words) is twice more frequent
than impression (over 5 times per million words).
18 Furthermore, the use of the term conclusion by a medical expert in a courtroom is not at
all the same as the use of the same term by a researcher in an academic paper.
Pragmatically, it is even somehow obligatory (or at least customary) for the medical
expert in a courtroom to use the term conclusion in an utterance like (6); whereas the
linguist in (7) could use conclusion, inference, result, etc. As a matter of fact, conclusion is
used three times in the legal corpus, and in all the uses by a medical expert. This means
that the choice of a head noun in a given text is not necessarily oriented by its lexical
semantic meaning, but rather by the targeted pragmatic function and effect.

II. Discussion

19 Data analysis has revealed that the overall use of that noun complement clauses is
much more frequent in an academic research paper than in a courtroom discourse. So,
this confirms Biber et al.’s (1999, p. 648) observation that “that-clauses functioning as

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101

noun complements are one of the primary devices used to mark stance in academic
prose.” The table below illustrates this contrast.

Table 2. – Types of that-noun complement clauses in the corpora.

Noun complement Courtroom corpus 44 Linguistic corpus115 occurrences, 72%


clauses occurrences, 28%

[(V) N that] 3 (7%) 52 (45%)

[Presentative- 13 (30%) (8 There be that / 5 It 12 (10.50%) (7 There be that / 5 It be N that)


existential N that] be N that)

[N be that] 14 (32%) 25 (22%)

[Support-V N that] 9 (20%) 12 (10.50%)

[PP N that]. 5 (11%) (with intent that) 10 (8.50%) (in the sense that)

[N be N that] – 4 (3.50%) (a particularly valuable feature of


chapter 3 is the fact that)

20 One can observe in the table that the linguistic corpus contains nearly three timesmore
complement that-clauses (72%) than the courtroom corpus (28%). This may be related
to the fact that one is much more likely to comment on preconstructions (for instance
previous works or ideas on the topic one discusses) in a research paper than in a
courtroom. The researcher, in her analysis of facts, ideas, or findings would inevitably
have to discuss, characterize and comment on other researchers’ works and ideas. That
is probably why she often must recourse to head nouns in order to carry out those
necessary characterizations and assessments. Biber et al.’s (1999, pp. 648–9) illustration
of the most common head nouns in academic prose supports this claim.
21 In the sections below, we firstly discuss some observations to prove the claim that head
nouns are used as modal stance marker. Then we analyze if head nouns as modal
devices and the grammatical patterns in which they appear are used to achieve specific
text purposes. And finally we tackle the issue of text institutional functions and
particular lexical usage.

II.1. Head nouns as modal stance markers

22 The confrontation of our two corpora confirms that head nouns are actually used by
the speaker to express a personal modal assessment and characterization of the
propositional content. As modal expressions, the head nouns we found in the corpora
belong to the following modal classes:

Table 3. – Modal classification of head nouns and their frequency.

Modal Courtroom corpus Linguistic corpus


classes

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Epistemic Allegation, Assumption, Conclusion7, Argument, Assertion, Assumption, Basis, Belief,


nouns Doubt, Evidence, Fact, Idea, Impression, Case, Claim, Conclusion, Counterclaim,
Knowledge, Note, Opinion,postcard Contention, Doubt, Evidence, Feeling, Fact,
Practice, Probability, Reason, Result, Sign, Generalization, Hypothesis, Idea, Ideology,
Statement, Suspicions, Support, View[21] Implication, Indication, Inference,
Interpretation, Intuition, Nature, News,
Notions, Observation, Perception, Point,
Possibility, Questions, Reason, Sense,
Statement, Support, View[36]

Deontic Arrangement, [0]


nouns Condition, Intent,
Order, Regulations, Rule, Word Of honour
[7]

Attitudinal- [0] Advantage, Aspect, Concern, Flaw, Guarantee


evaluative Hope, Impact, Innovation, Motivation, Part,
nouns Problem, Value, Wisdom [13]

Types: 77 28 49

Tokens: 159 44 115

23 Epistemic nouns are used by the speaker to express “an assessment of the certainty of
the proposition [… and] an indication of the source of the knowledge expressed in the
that-clause.” (Biber et al., 1999, p. 648.) Notice that 14 of the epistemic head nouns in
our linguistic corpus are among the nouns that Biber et al. have identified as the “23
most common head nouns” in the academic genre (Biber et al., 1999, p. 648).
24 As for the deontic class, in addition to the semantic meaning of the head noun, the
form of the verb in the that-clause highlights the deontic implication. All the deontic
head nouns in the legal corpus are noticeably followed by either a putative should or by
other modal auxiliaries like must, have to, would or shall . When we look at the
occurrences, we can observe that the use of should or the other modal auxiliaries is
triggered by the head noun. Examples (8 and 9) illustrate the deontic implication of the
head nouns, but also that of the verb forms in the subordinate clauses.
(8) The rule with regard to drivers’ licenses is that applicants must produce
satisfactory evidence of good conduct and sobriety during the past three years. (OBP)
(9) I forwarded the report to the Commander-in-Chief and orders were given that
an investigation should be held.(OBP)
In these utterances, one can notice that there is a strong deontic relationship between
the head nouns (rule and orders) and the deontic auxiliaries (must and should).
25 Another type of head noun, which occurs exclusively in our linguistic corpus, is the
‘attitudinal-evaluative’ nouns. Similar to the other kinds of head nouns, attitudinal-
evaluative nominals are also used by the speaker to characterize the propositional
content. However, instead of characterizing the proposition in terms of commitment,
these kinds of modal nouns are rather used by the speaker to express positive, negative
or neutral assessments about a proposition, an event or a state. In the examples below,
one can notice that the writer uses the head nouns (advantage, flaw, and part) to convey

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103

attitudinal-evaluative characterization, which are respectively positive, negative and


neutral.
(10) The great advantage of this corpus is that it contains entire texts rather than
extracts. (JEL)
(11) The obvious flaw in this otherwise attractive explanationis that there is nothing
to suggest that Westerners outnumber speakers of other dialects in the migrant population.
(JEL)
(12) … the historical part of the argument is that since Old English did not have
articles, syntactic analyses that depend on them are inadequate. (JEL)
26 Notice that except hope and wisdom all the attitudinal-evaluative head nouns in the
corpus are used in the predicative that-clause pattern. This may be explained by the
identifying and interpretative functions of this grammatical pattern. The hypothesis is
that attitudinal-evaluative expressions lend themselves more easily to the identifying
and interpretative role of subject predicative rather than to the adjacent
characterization of simple or presentative that-noun clauses.

II.2. Nominal modal expressions and textual strategies

27 Throughout the data analysis, we have noticed that the different grammatical patterns
of noun that-clauses may not have the same communicative functions and effects
according to text genres.
28 For instance the presentative that-clause has different pragmatic purposes and effects
in linguistic and courtroom corpora. In the courtroom, when the judge says “there was
no evidence that …”, on the one hand she aims at showing the degree of her commitment
towards the propositional content. But on the other hand, the main purpose of this
modal shell is to claim or announce the discharge of the defendant. Pragmatically, the
utterance implies that the defendant is not guilty. Whereas on the contrary, in the
academic writing context, when the speaker says “there is ample evidence that …” she of
course shows the degree of her commitment, but does not seek any extra-linguistic
effect other than convincing the reader.
29 Likewise, in (I.3), we have shown that the extra-linguistic purpose of a modal
expression in a predicativethat-clause can depend on the contextual genre of the text.
The remarkable absence of attitudinal-evaluative expressions in the courtroom text
may plead in favor of this claim. Speakers in a courtroom may willingly avoid using
expressions that convey positive or negative judgments on what they or others say. The
same hypothesis might explain the scarcity of [N that] constructions in the courtroom
text (only 3 occurrences). Bearing in remind that the main particularity of this
construction is that, in addition to the modal nominal characterization, the speaker
expresses a personal judgment about the propositional content.

II.3. Lexical expressions and the institutional role of texts

30 Based on corpus statistics, one can assume that the social role of a text may be
perceived in the use and frequency of lexical items. In other words, the frequency of
certain modal expressions seems to be related to the genre of text. Thus, if we take for
granted the statistics, we can conclude that the authoritative role of the legal
institution is noticeable in the lexical modal devices of its text. For instance, the legal
text, which contains three times less that noun complement clauses (28% versus 72% in

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104

the linguistic corpus) has seven times more deontic head nouns than the latter. In fact,
the linguistic corpus does not contain any deontic nouns, whereas the legal one
contains seven: (order, regulations, rule, word of honour, arrangement, condition, intent). Can
we relate this to the authoritative role of the institution? And interestingly, the high
frequency of epistemic nouns in the linguistic corpus (36 head nouns out of 49) may
have something to do with its persuasive and non-authoritative function.

Conclusion
31 In this study, we have shown on the one hand that nouns used to govern complement
that-clauses involve modality, and lend themselves to a modal classification. Thus, via
different that-clause patterns, the speaker can express a personal position on the
propositional content [N that], point out the existence of a proposition [Presentative
N that], or present the proposition as an identification of the head noun [N bethat].
Nevertheless, the essence of all of the three patterns is to modally characterize the
propositional content.
32 On the other hand, we have tried to understand how text genres and purposes are
construed through head nouns. The analysis has firstly revealed that head noun types
and frequency are proportional to text genres. Secondly, it has shown that same heads
nouns or that-clauses may not have the same discursive functions or effect in two
genres of text; which is to say that that-clauses have different pragmatic
interpretations with respect to text purposes or social role.
33 Finally, we have to add that large contrastive studies should be carried out to see to
what extent the use of modal expressions in general and nominal ones in particular is
correlated to text genres. Such studies would provide keys to understanding text
specificity and purposes in relation to modality.

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Lidil, 41 | 2010
105

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de Gruyter.

NOTES
1. Special thanks to Nicolas Ballier, Raphael Salkie and Natalia Ciolko for their advice and
perceptive comments on earlier versions of this paper. Any remaining flaws are mine alone.
2. Journal of English Linguistics (academic corpus).
3. <http://eng.sagepub.com/>.
4. <http://ahds.ac.uk/ictguides/projects/project.jsp?projectId=156>.
5. <http://www.shef.ac.uk/hri/projects/projectpages/centralcriminalcourt.html>.
6. Old Bailey Proceedings (legal corpus).
7. Head nouns in bold are the ones that occur in both corpora.

RÉSUMÉS
Cet article a pour objectif de montrer d’une part que les noms recteurs sont des expressions
modales qui marquent la présence de l’auteur dans le texte. D’autre part, il montre que le but
discursif et le rôle social d’un texte est perceptible dans ses structures lexicales et grammaticales.
Axée sur le discours académique et juridique, l’étude révèle en effet que l’emploi et la fréquence
des noms recteurs peuvent être corrélés aux genres de discours. Elle montre également qu’un
même nom recteur ou un même type de complétive en that employé dans deux genres de textes
n’aurait pas les mêmes fonctions ou effets discursifs.

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106

The aim of this paper is to substantiate on the one hand that head nouns are modal expressions
allowing the writer to mark her stance in the text. On the other hand, it shows that the purpose
and the social role of a text can be perceived in both its lexical expressions and grammatical
patterns. Thus, this paper, which is a corpus-based study, shows that the use and the frequency
of head nouns are distributed along text genres. The paper also agues that head nouns and that-
clauses in which they appear may not have the same communicative functions and effects
according to text genres, which is to say that the same head noun or that-clause may not have the
same discursive functions or effects in two genres of text. The contrast between legal and
academic corpora has enabled us to substantiate these claims.

INDEX
Mots-clés : complétive nominale en that, étude de corpus, le genre juridique et académique,
modalité, propriétés discursives
Keywords : corpus based-study, legal and academic genre, modality, textual features, that noun
complement clause

AUTEUR
ISSA KANTÉ
CRIDAF (EA 453), Université Paris 13, Villetaneuse, France

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Évolution des pratiques et des


discours sur l’écrit à l’université :
étude de cas
Christiane Donahue

1 L’écrit scientifique est perçu tant en France qu’aux États-Unis comme un mode puissant
de penser et de produire les savoirs disciplinaires. Qu’il soit effectué par des chercheurs
en sciences dures, humaines ou sociales, l’acte d’écrire n’est pas un acte d’écriture
autour de ce qu’on a travaillé (Monroe, 2002), mais en fait un acte « d’écrire-construire
le savoir », qu’il s’agisse de le communiquer aux autres ou de se l’approprier. Les types
d’écrits que l’étudiant produit à l’université et les savoirs (disciplinaires et
transversaux) qu’ils génèrent sont des éléments constitutifs du parcours de l’étudiant
vers la maitrise de cet écrit scientifique, en ce qu’ils lui permettent de développer une
expertise dans sa pratique des différents discours universitaires écrits (d’où le
qualificatif d’expertise discursive que nous utiliserons dorénavant). Les établissements
états-uniens qui se nomment « liberal arts1 » constituent de ce point de vue un terrain
d’étude privilégié pour étudier les relations entre savoirs transversaux et savoirs
disciplinaires, expertise et types d’écrits produits : la structure du cursus comprend en
effet des enseignements relevant d’une discipline (ou deux − les étudiants ayant le
droit de suivre deux filières en même temps) et des enseignements transversaux
relevant de la formation générale, non rattachés à une épistémologie disciplinaire.
Cette dernière part du cursus est censée développer chez l’étudiant une diversité de
perspectives et de savoirs sans spécialisation, et représente un tiers des enseignements
dispensés.
2 Notre questionnement est axé sur l’évolution de l’écrit à l’université en lien avec
l’évolution du savoir et comprend deux questions plus spécifiques : comment évolue
l’expertise discursive dans sa relation aux savoirs transversaux et disciplinaires, et
comment évolue la conscience qu’ont les étudiants de ces relations ? Jusqu’à
récemment aux États-Unis, rares ont été les études portant sur l’évolution de
l’expertise discursive des étudiants au cours de leur cursus universitaire ; la plupart des
travaux se sont en effet axés sur les problématiques des étudiants entrant à l’université

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108

ou sur celles des étudiants en transition entre l’université et le monde professionnel.


Certains travaux ont toutefois exploré l’écrit des étudiants en deuxième ou troisième
cycle (voir par exemple Prior, 1998 ; Berkenkotter et Huckin, 1995). De mon point de
vue, une des approches les plus productives pour cerner ces questions est celle des
études longitudinales, de plus en plus effectuées aux États-Unis. C’est dans ce cadre que
s’inscrit la présente étude.
3 Cet article s’appuie en effet sur une partie des résultats d’une recherche collective
courant sur quatre années. Le groupe de chercheurs qui a mené cette étude a collecté et
partiellement analysé la production écrite de 20 étudiants au cours de leur cursus de
premier cycle dans une variété de disciplines, et a effectué des entretiens et recueilli
des questionnaires en deuxième et quatrième année. Si la taille de l’échantillon
n’autorise pas de généralisations, elle permet en revanche de dégager des observations
indiquant des directions de recherche futures. Ici, la confrontation entre l’analyse
textuelle des écrits (axée plus spécifiquement sur l’intertexualité et sur le
positionnement de l’étudiant-auteur) et l’analyse des entretiens nous informe sur les
points de convergence et de divergence entre les pratiques d’écriture universitaire et
les discours que les étudiants tiennent sur ces pratiques ; ces observations nous
permettront ainsi d’identifier certaines caractéristiques de l’évolution de l’expertise
discursive de ces étudiants au cours de leur cursus. Afin d’illustrer mon propos, trois
cas particuliers seront exposés, celui d’un étudiant en philosophie, un en biologie/
sciences politiques, et un en psychologie.

L’expertise discursive et les disciplines : quel cadre


théorique ?
4 Les réflexions autour de l’écrit universitaire et de la disciplinarité entrainent une
réflexion sur les représentations générales des disciplines et des genres, et sur
l’identification de la façon dont les étudiants gèrent le savoir disciplinaire et les
discours d’une discipline. Dès les années 1970, le champ de « composition studies » aux
États-Unis, a eu tendance à considérer « l’expertise » comme étalon-or auquel le novice
aspire. Comment théoriser cette expertise ?
5 Les recherches en linguistique et en composition analysent l’écrit expert de différents
domaines scientifiques afin d’en identifier les caractéristiques (voirpar exempleSwales,
1990 ; Hyland, 1996 ; Fløttum, 2008 ; Rinck, 2006 ; Bazerman, 1988 ; Geisler, 1994). Ces
caractéristiques ne sont pas statiques ; elles évoluent avec les travaux menés dans le
champ disciplinaire concerné, ainsi qu’avec l’évolution des médias et des outils. Elles ne
définissent pas le champ, bien qu’elles servent souvent à aider les usagers à reconnaitre
un genre donné (tel que l’article par exemple), c’est-à-dire une activité discursive
récurrente, caractérisée, et qui invite à un type de lecture spécifique. Ces
caractéristiques sont également polyvalentes, fluctuantes, reconfigurées pour et par
chaque genre.
6 Comme le genre, la discipline n’est pas un objet fixe avec des caractéristiques stables,
mais elle comprend au contraire un ensemble dynamique et fluctuant de pratiques
relevant de la littéracie, pratiques qui construisent la discipline et se trouvent
construites par elle (voir Anson, 1988 ; Langer, 1992). Le cheminement des étudiants au
sein d’épistémologies bien spécifiées à travers les enseignements disciplinaires mais
aussi dans le cadre de leur formation générale est ainsi au cœur de la question de

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109

l’expertise discursive. Les études longitudinales comme genre d’étude montrent en


général que le modèle de développement de cette expertise est complexe. En
particulier, on voit que les modèles linéaires d’expertise ne rendent compte que d’une
partie de l’histoire de la maitrise progressive et complexe de l’écrit. Sommers et Saltz
(2004) montrent, par exemple, comment les étudiants ayant quitté leurs études
secondaires en position d’« expert » doivent redevenir novices à l’université, une
perspective également soutenue par Hjortshoj dans ses travaux portant sur la
transition entre le secondaire et l’université (2001). Plus récemment, Gannett (2008) fait
l’hypothèse que ce statut est en fait partagé par tout scripteur entrant dans un nouveau
contexte. Nous ne pouvons ainsi étudier les écrits universitaires sans étudier les
activités et les contextes dans lesquels ils sont enracinés. De plus, certaines études
longitudinales suggèrent que les genres produits à l’université ne sont pas toujours liés
aux genres experts. L’activité n’est pas équivalente ; la réception est également
différente.

L’évolution des cadres théoriques états-uniens concernant


l’expertise discursive

7 Il existe des cadres théoriques nous permettant de prendre en compte le statut de


l’étudiant et de son expertise discursive en évolution : on leur empruntera en
particulier les termes d’« orientation » (François, 2009) et de « mature practices » (Lave
et Wenger, 1991), terme qui renvoie à des pratiques illustrant une certaine maturité de
l’étudiant vis-à-vis des caractéristiques de l’écrit exigées dans sa discipline, que l’on
traduira dorénavant, faute de mieux, par « pratiques maitrisées ». Plutôt qu’une entité
stable aux savoirs et conventions bien établis, une communauté de pratiques est « un
ensemble de relations entre personnes, activités, et mondes, dans le temps, en relation
parfois tangentielle, parfois superposée avec d’autres communautés » (Lave et Wenger,
1991, p. 135). Dans ce cadre, les disciplines elles-mêmes sont envisagées comme
conflictuelles, glissantes, fluctuantes, des « réseaux ouverts, forgés dans l’activité
relationnelle » des participants (Prior, 1998, p. 25). Les disciplines sont humaines, et
non des « structures homogènes anonymes de conventions linguistiques, rhétoriques,
et épistémiques » (Prior, 1998, p. 22). Pour Lave et Wenger (1991), l’apprentissage est
toujours une activité située, caractérisée par la possibilité d’une pleine participation
dans la communauté de pratiques en question, mais également d’une « participation
périphérique légitime » qui définit le statut des participants qui cheminent vers les
pratiques maitrisées. Chaque pleine participation entrainera des capacités tout à fait
particulières aux savoirs en question, à la nature de l’expertise, et à la possibilité de
s’adapter aux contextes toujours changeants.
8 À travers la notion d’orientation, développée par François (2009), on envisage les
activités discursives comme activités de navigation entre le commun et l’individu, le
social et l’individuel. Pour François, le terme d’orientation offre une façon de
comprendre les activités discursives comme activités d’interaction entre l’individu et
l’autre, donnée indirectement par divers modes de représentation (2009, p. 11).
L’étudiant se situe, s’oriente, en l’occurrence vis-à-vis des autres textes, des idées et des
voix d’une discipline, et cette plongée dans la culture disciplinaire est directement
corrélée à ses performances à l’écrit, ainsi que l’a montré l’étude longitudinale de
Sommers et Saltz (2004). Ces mouvements sont, selon Carter (1990), le tissu d’une
théorie pluraliste de l’expertise comme, simultanément, une application de stratégies

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110

globales comme point de départ, en particulier dans des contextes qu’on aborde pour la
première fois, et un développement de stratégies locales qui deviennent naturalisées,
« des performances fluides qui ne sont que rarement analytiques, délibératives,
conscientes » (Carter, 1990, p. 272). Les stratégies globales servent à s’orienter une
première fois, mais les stratégies locales, contextuelles, permettent d’autres
orientations.
9 L’évolution de l’expertise discursive a également été liée au rôle d’un travail de
réflexion « méta », que ce soit à l’écrit ou à l’oral (protocoles, consignes de réflexion,
questionnaires…), pour les étudiants. Ce travail est reconnu dans beaucoup de
recherches : selon les recherches en « transfert des savoirs » (voir par exemple
Salomon et Perkins, 1989 ; Alexander et Murphy, 1999 ; Tuomi-Grohn et Engestrom,
2003), l’apprentissage qui fonctionne est un apprentissage que l’étudiant peut
verbaliser, et selon les recherches en acquisition des savoirs (Boyer et Delbrayelle,
2009 ; Bangert, Hurley et Wilkinson, 2004), on ne « sait » pas ce qu’on ne peut pas
« faire » ou dire. L’aspect de la verbalisation, une activité associée à un travail « méta »,
nous interroge sur le développement de pratiques maitrisées citées ci-dessus : faut-il en
être conscient ?
10 L’exploration de la relation entre disciplinarité, savoirs et écrit chez les étudiants est
complexe. Les questions principales sont les suivantes : comment avoir accès à
l’évolution des étudiants, leurs manières de participer, leurs prises de consciences,
leurs prises de position, leurs productions ? Comment se servir d’outils d’analyse
nécessairement statiques pour explorer des pratiques d’écriture qui, selon le cadre
adopté, sont fluctuantes ? Autrement dit, comment l’expertise en devenir peut-elle être
décrite ?

Méthodologie
11 Notre analyse compare des observations tirées d’un corpus de textes et d’entretiens
menés avec leurs auteurs.
12 Le corpus est ainsi constitué d’un groupe de textes et d’entretiens tirés d’un plus grand
corpus. Notre étude longitudinale s’appuie sur des écrits très divers réalisés par vingt
étudiants en dix disciplines différentes durant les quatre années de leur cursus
« undergraduate » : écrits formels, informels, brouillons, examens, écriture créative,
rapports de stages, écrits scientifiques, posters, projets de recherches, etc. L’analyse de
cas présentée ici prend appui sur deux séries de textes nommées respectivement
« analyse » et « recherches » de trois étudiants qui nous ont semblé être des cas
intéressants et représentatifs de l’ensemble, en ce qui concerne leur façon d’évoluer
par rapport à l’écrit et aux savoirs disciplinaires. L’écrit d’« analyse » est ici défini
comme un écrit qui doit présenter une perspective argumentée autour de lectures ou
contenus de cours travaillés en classe ; l’écrit de « recherches » est un écrit appuyé en
majeure partie sur des lectures ou des expériences en dehors de la classe,
indépendantes, et exigeant une synthèse. À noter que pour la taxinomie de Bloom
(1956), reprise ici, le travail de synthèse, qui incorpore un travail d’analyse, est plus
exigeant que le travail d’analyse. En outre, l’écrit de recherches s’inscrit davantage
dans une discipline donnée en ce qu’il doit respecter les spécificités disciplinaires.
13 Le corpus dans son ensemble a été recueilli de 2004 à 2008, et comprend textes écrits,
entretiens, et questionnaires. Les étudiants impliqués ont choisi de participer 2 ; sur les

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111

38 étudiants qui se sont portés volontaires, 20 ont accepté au final de jouer le jeu, dont
16 ont fourni tous les types de textes requis sans sauter de semestre. L’établissement
est une université de petite taille (2 000 étudiants) avec une très bonne réputation
nationale (l’Université de Maine-Farmington) concernant la qualité de son premier
cycle. À la fin de chaque année, les étudiants ont répondu à un questionnaire. À la fin
de la deuxième et de la quatrième année, ils ont participé à des entretiens d’une demi-
heure, avec les mêmes questions chaque année ; ces entretiens ont été transcrits. Pour
cet article, je m’appuie sur trois cas représentatifs, inscrits respectivement en
philosophie (Allen), biologie (Joëlle), et psychologie (Robert) (appartenant ainsi aux
trois grands domaines, « humanités », « sciences dures », « sciences sociales »), en
notant que les étudiants en biologie et en psychologie sont soit en « double majeure »
soit en « majeure/mineure », suivant en même temps la filière de sciences politiques.

Analyse des textes

14 Les textes écrits font l’objet d’une analyse sous les angles suivants : intertextualité,
argumentation, organisation, positionnement du sujet, orthographe/syntaxe. Un
groupe d’enseignants-chercheurs a été formé pour l’analyse3 ; leurs lectures ont été
vérifiées par une relecture d’un échantillon effectuée par l’auteur. Ces analyses
textuelles utilisent des indices établis par Donahue (2002, 2005, 2008), focalisés sur
l’énoncé (Bakhtine, François) et sur les perspectives de la théorie de l’activité (Prior,
1997 ; Bazerman, 1988 ; Russell, 1996 ; Tuomi-Grohn et Engestrom, 2003). Ces indices
cherchent à mettre en évidence des éléments indicatifs des pratiques maitrisées et des
façons de s’orienter des étudiants. Notamment, la gestion de l’intertextualité est
généralement acceptée comme indice de succès dans la navigation de la polyphonie
discursive, ainsi que d’un engagement de la part de l’étudiant dans les discussions, les
débats, les « voix » de la discipline en question (Boch, 1999 ; Boch et Grossman, 2001 ;
Daunay, 2002 ; Reuter, 2001 ; Delcambre, 2001 ; Fabre-Cols, 2001 ; Guibert, 2001 ; Rinck,
2006 ; Howard, 1999 ; Donahue, 2005 ; Donahue, 2007) ; le positionnement du sujet est
un indice d’orientation.
15 Les entretiens ont fait l’objet d’une analyse de contenu (« content analysis ») et d’une
analyse des isotopes de sens, qui seront mises en parallèle avec l’analyse de
l’intertextualité et du positionnement de l’auteur-étudiant dans les deux types de
textes (« analyses » et « recherches »).

Résultats
16 On présentera d’abord les caractéristiques communes aux trois sujets pour dégager
ensuite ce qui fait leurs spécificités ; nous rappelons que les questions posées par
l’analyse de ces trois cas se retrouvent pour une large part dans l’intégralité de notre
corpus, composé de 20 sujets.

Caractéristiques textuelles communes

17 Les caractéristiques communes textuelles peuvent être réparties en quatre grands


domaines : quantité, rythme, et types d’écrits ; façons d’interagir avec les sources ;

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façon de s’introduire et de se représenter dans l’écrit ; facilité avec la terminologie


disciplinaire.

Quantité, rythme, type

18 Malgré la nature de l’institution en question, dans une université « liberal


arts » (focalisée sur les arts et les sciences et non la professionnalisation), les étudiants
n’ont pas produit beaucoup d’écrits dans l’ensemble, entre 100 et 170 textes tout
compris par étudiant sur quatre années. Parmi ces écrits, informels et formels, 19 %
correspondent aux types « analyse » et 35 % sont des écrits dits de « recherches ». Au fil
de leur cursus, les étudiants ont produit de plus en plus de textes écrits jusqu’à l’avant-
dernier semestre, avec une réduction pendant le dernier semestre. La longueur des
textes a évolué à travers les quatre années, de 2-3 pages en première année vers une
vingtaine de pages en quatrième année. Cela dit, dans les trois cas présentés ici, on
trouve davantage de productions de textes analytiques en philosophie, davantage
d’écrits de recherches en biologie, psychologie, et sciences politiques, et plus
généralement un plus grand nombre de textes produits en philosophie et en
psychologie/sciences politiques.

Interactions textuelles

19 L’évolution dans ces interactions se voit davantage dans les écrits de recherches que les
écrits analytiques. La façon d’introduire les sources évolue, les étudiants adoptant dans
les premières années des verbes introducteurs de discours rapporté véhiculant une
information minimale (« says », « states », « writes ») pour utiliser par la suite des verbes
orientant davantage le point de vue argumentatif de l’auteur cité (« argues »,
« supports », « critiques »). Parallèlement, on observe un nombre croissant de sources
référencées au fil du cursus. Enfin, de la première à la dernière année, les étudiants
passent d’un mode de référencement essentiellement axé sur la citation directe à la
reformulation phrastique ou synthétique du discours d’autrui, ce dernier mode
correspondant davantage aux pratiques expertes (Rinck et al., 2007).
20 Une des évolutions les plus nettes dans l’écrit des étudiants est celle de leur maitrise
dans l’interaction avec d’autres textes dans leurs écrits de recherches. La gestion de
leur pensée par rapport à la pensée des autres est perçue dans les taux de citations et
de paraphrase, et dans les taux de marqueurs de cohérence permettant d’intégrer ce
discours d’autrui. En première année, l’usage de citations est élevé, de 16 à 29 pour
mille mots, alors qu’en quatrième année ce taux diminue, de 6 à 4,7 ; de même pour les
paraphrases, dont le nombre s’élève en première année de 7 à 31 pour mille mots, et en
quatrième année, de 2,8 à 8 pour mille mots, à l’exception de l’écrit de recherches d’un
étudiant qui fait l’inverse (passant de 0 à 15 paraphrases). Le taux de marqueurs
explicites de cohérence s’accroit de façon considérable, d’une moyenne de 10 pour
mille mots en première année à une moyenne de 18 en quatrième année. Pour les écrits
d’analyse, ces éléments restent plus stables. En première année, ce taux était de 4 à 14
citations pour mille mots de texte, et en quatrième année, de 1,2 à 6,5 citations pour
mille mots ; pour les paraphrases, en première année entre 7 et 10,5 paraphrases pour
mille mots, et en quatrième année, de 4 à 8 paraphrases pour mille mots. Quant aux
connecteurs explicites, les écrits d’analyses sont restés stables avec environ 17
marqueurs pour mille mots.

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Introduction/représentation du sujet

21 Les interactions textuelles sont en corrélation avec une autre évolution de la première
à la dernière année : en première année, les étudiants semblent être mal à l’aise avec
une représentation/intégration textuelle de soi, de la voix du soi, qui est la plupart du
temps évacuée du texte au moyen de stratégies linguistiques telle que la voix passive.
En quatrième année, ils semblent à l’aise avec diverses formes de mouvement entre soi
et les voix des textes (je, nous, les noms d’auteurs, etc.).

Terminologie disciplinaire

22 Les écrits offrent de multiples exemples en quatrième année d’emplois d’une


terminologie liée à la discipline en question (« bureaucratic tribalism », « particular
primate taxa », etc.) qu’on ne trouve pas en première année et qui sont employés de
façon appropriée.

Analyse des entretiens : caractéristiques communes aux trois cas


étudiés

23 Les caractéristiques communes des discours sur l’écrit et le savoir, détaillées ci-dessous,
relèvent de quatre domaines : les représentations du savoir ; les représentations de
l’écrit disciplinaire par rapport à l’écrit produit dans les cours d’éducation générale ; la
facilité d’expression concernant l’écrit ; la reconnaissance du rôle de la nouveauté et de
l’importance d’une souplesse rhétorique. Ces caractéristiques ne semblent pas toujours
refléter ce qu’on trouve dans les écrits.

Représentations du savoir

24 À l’issue de leur cursus, les étudiants se représentent très classiquement le savoir


comme un objet que l’écrit permet avant tout de conserver. Pour Joëlle, par exemple,
en biologie, « Writing things down and really thinking about your writing really makes you
remember stuff better, so I know I won’t forget certain elements of the classes that I’m taking…
4
» ; pour Robert, en psychologie, « it kind of imprints it [the knowledge] and makes you know
it even more » (l’écrit capte le savoir). Écrire les contenus est un acte permettant de
créer un dépositaire du savoir permanent auquel il peut toujours avoir recours : « as a
learner, you sort of have the brain connections that get disconnected once you’re done taking the
class… if I had that paper I could read it over and really remember what I did… instead of having
them [the ideas] lost forever ». Dans le même esprit, Allen, en philosophie, souligne que le
savoir est transcrit et sauvegardé par le fait de l’écrire ; on peut ainsi le retrouver plus
facilement : « If I tried to figure out, what was that reading, I can look at the paper I wrote
about it. »
25 Pour les étudiants, l’écrit constitue également une forme de preuve que les
apprentissages ont bien eu lieu et que les contenus sont maitrisés ; l’écrit est assimilé à
un outil de supervision : « writing serves to make sure you’ve done the necessary work; to
make sure you did the reading; to make sure the professor knows you understand the
material » (Allen) ; « it’s more of a test to see that you’ve, you know the, you know what you
have to know, you’ve done the work, you’ve done the reading » (Robert). Robert lie l’écrit aux

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savoirs5 alors qu’Allen ne souligne que le besoin de montrer qu’on a fait le travail
demandé.

Représentations de l’écrit

26 Les étudiants se représentent les attentes autour de l’écrit différemment dans les cours
en éducation générale et dans ceux de leurs disciplines. En première et deuxième
année, ces différences ne sont que rarement évoquées au plan des conventions (excepté
la question des normes autour de l’usage du « je » et des citations), mais plutôt au plan
de la construction des savoirs : quels sont les faits jugés acceptables pour soutenir une
assertion, quels types de présupposés je peux envisager, quels types de jugements je
peux émettre par rapport à une ligne théorique donnée, etc.
27 Pour Allen,
I thought I was expected [in a freshman history course] to agree with the material that was
given, we had to read a book and then write a paper, and I sort of expected to have to agree.
[…] you had to disagree with what was given and you had to use educational, obviously well
written responses and arguments against it.
Au départ, Allen s’est mis en position de devoir s’accorder aux voix de la discipline,
mais au fur et à mesure il cherche à s’engager avec, voire s’opposer à, ces voix. Joëlle
spécifie que « scientific writing is, to do it well is really difficult and it takes lots of practice […]
conducting our own research but then having to put findings, and writing statistical analyses,
being able to interpret it concisely and effectively is hard », et que les normes et les attentes
dans les cours d’éducation générale sont nettement moins exigeantes : « I can talk much
more in the first person in different types of writing […]; personal reflection and things like
that. » Les étudiants identifient les disciplines en partie par les pratiques d’écriture qui
y sont convoquées. Ainsi, Allen indique qu’il a choisi la filière de philosophie parce que
cela ressemble aux études de Lettres, « it [my interest in English] kind of morphed into
philosophy for me… which is just a lot of reading and writing anyway ». Il semble définir la
discipline par ses activités de lecture/écriture plus que par ses particularités
épistémologiques.
28 En quatrième année, les perspectives des étudiants sont mieux définies et avec plus de
maturité ; ce constat est à mettre en parallèle avec les progrès perceptibles dans leurs
écrits, mais – et c’est essentiel – les représentations des étudiants concernant l’écrit et
le savoir ne se modifient pas fondamentalement.
29 Les thèmes avancés, disciplinaires, sont évoqués avec plus de facilité, et on observe une
tendance à considérer le savoir comme un puits sans fond – trop à dire, trop d’idées à
gérer – (Allen par exemple dit « It was hard not writing a book on it… ») ; parallèlement
émerge la prise de conscience d’une difficulté à travailler l’écrit de façon synthétique et
à faire le deuil de l’analyse de détails (pour Robert, « how to fit together all those pieces… »
et pour Joëlle, « the level of analysis I’m expected to do is much more based on numbers and
proof and not being allowed to say certain things if there’s not at least one little detail to back it
up »).
30 Les deux « scientifiques » (Joëlle, biologie, et Robert, psychologie) rendent compte dans
leur entretien d’une distinction entre deux genres scripturaux relevant de l’écrit de
recherche – revue de la littérature vs recherches expérimentales. Joëlle est
particulièrement claire à ce sujet : « A good chunk of what I have to write are research
papers for any of my classes, my own research or just looking at other people’s studies. »

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Facilité d’expression concernant l’écrit

31 Pour les étudiants, les difficultés rencontrées à l’écrit sont toujours liées aux questions
de nouveauté et de non-familiarité : « It was the first time I’d ever encountered a lot of
material; it was something I’d never done before; I wasn’t expecting it. » En particulier, Joëlle
raconte une expérience lors d’un semestre dans une autre université concernant la
construction des savoirs et l’impression d’appartenir ou non à une communauté. Elle
décrit la difficulté ressentie avec certains genres écrits lors de son cours de théorie
politique, en termes de non-familiarité, de manque de préparation, et d’externalité aux
normes et attentes d’une communauté établie : « I didn’t have my community base »,
évoque-t-elle.

Reconnaissance du rôle de l’écrit

32 Les étudiants soulignent, en quatrième année, qu’il faut avant tout une souplesse
rhétorique, le besoin selon Robert d’être « loosened up », de reconnaitre que chaque
contexte fait appel à ses propres styles, le besoin d’être « malleable » (Joëlle), et que
chaque cours, thème, matière, niveau fait appel à différentes normes et attentes.

Caractéristiques spécifiques aux trois sujets étudiés

33 L’expérience individuelle des étudiants (dont on trouvera les moments clés synthétisés
dans un tableau en annexe) nous offre une autre façon de comprendre l’interaction
entre l’écrit et les perceptions rapportées dans les entretiens.
34 Dans l’ensemble, les trois cas, par leurs aspects communs et leurs particularités, nous
offrent des façons de comprendre les évolutions productives et les écarts entre
compétence scripturale et conscience méta-scripturale. Cette conscience méta-
scripturale est constituée d’une conscience disciplinaire, telle que décrite par Reuter et
Lahanier-Reuter (2008) et d’une conscience discursive. À travers leurs productions
écrites réalisées tout au long de leur cursus (et en particulier dans les écrits de
recherche), les étudiants montrent en effet une connaissance progressive et de plus en
plus solide des habitus de la discipline en matière de littéracie, qui concernent non
seulement la façon dont un auteur interagit à l’écrit avec d’autres textes ou d’autres
idées, avec les savoirs disciplinaires, mais aussi le positionnement du sujet par rapport
à autrui. En revanche, dans les entretiens, on note une difficulté persistante à
verbaliser ces progrès, comme si l’acculturation à la discipline se faisait sans qu’ils en
aient conscience. En ce qui concerne les écrits de recherche, l’évolution des pratiques
vers l’expertise reflète l’appropriation des habitus de la discipline de référence et une
bonne compréhension de ce qui fait son autorité. En revanche, pour les écrits d’analyse,
l’évolution est moins nette, soumise à des régressions ponctuelles et des formules
reproduites.

Pratiques expertes discursives et relations aux savoirs

35 La relation des étudiants au savoir se présente différemment dans les différentes


disciplines. Pour Allen, en philosophie, la lecture et l’écriture deviennent
indissociables. En deuxième année, il les perçoit comme activités linéaires : on lit et
puis on écrit (« understand[ing] the reading and show[ing] that you demonstrate that and then

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from there just put[ting] your own stuff into it »). En quatrième année, la lecture comprend
les actes de reformulation, d’appropriation et d’intégration, en fonction des lectures en
cours mais également en dehors des cours : « “earlier [in college] it was more just
synthesizing everything you had done in the semester for the papers” while “later on in college
I’ve had to do more independent research”. » Par rapport aux autres disciplines
expérimentées dans des cours d’éducation générale, la philosophie exige qu’il « aille
plus loin » ; les autres cours demandent de produire des réponses plus directes, des
résumés ou des écrits n’exigeant pas de fournir une réflexion approfondie.
36 De même, la relation au savoir évolue, quand on l’analyse à travers l’usage de citations.
Ce qui en première année est utilisé comme outil global et conventionnel (« il faut
citer… ») est devenu en quatrième année une façon de se positionner et de s’orienter
par rapport aux voix et aux idées des auteurs disciplinaires, mais cette évolution
apparait davantage dans les écrits de recherches que dans les écrits analytiques. Pour
Allen, par exemple, la valeur « universelle » des citations n’existe plus : « I use a lot of
quotations when I write, which can either be a strength or really not depending on what type of
writing it is and how I’m doing it. » Dans ses écrits de recherche, les pratiques et les
positionnements semblent bien différents : l’idée force est complexe, les sources sont
intégrées et servent à soutenir cette idée, les transitions tissent la cohérence entre les
sources et la voix de l’auteur, et les notes de bas de page signalent aussi un
positionnement dans le champ.
37 Pour Robert, cette modification se trouve dans l’évolution, dans ses écrits de
recherches, de son positionnement et de l’interaction avec les sources. En première
année, le report linéaire des sources, chacune introduite par des verbes « être »
modalisés (« semblent être »), est frappant, en parallèle avec un usage massif de
citations (jusqu’à 55 % du texte). À la fin de ses études, son projet final est
interdisciplinaire (en linguistique et en psychologie). Il produit une analyse du style de
ses propres écrits en fonction des textes qu’il a lus : « My honors thesis is an attempt to
demonstrate the structural and emotional changes that can occur in one’s writing after reading
particular authors. » Dans son texte, il met en œuvre des stratégies scientifiques, telles
fournir des définitions, offrir une discussion de la validité scientifique des outils mis en
place, intégrer des tableaux, ou utiliser un vocabulaire d’analyse (le fait de parler par
exemple d’une « congruence particulièrement robuste »). L’interprétation et l’analyse
« méta » sont davantage du côté des disciplines humanistes ; considérons par exemple
la phrase d’introduction de son projet : « In order to begin writing this report, I am obliged
to consider the problem of ‘appropriate ways to begin a report’. »
38 On voit dans les écrits de recherches une évolution frappante par rapport à la forme et
aux savoirs engagés. Si, en première année, pour Joëlle, le genre du « lab report », très
normé, contraint le produit et ne permet l’appui que sur une seule source, en
quatrième année, le rapport scientifique final comprend 45 références, bien tissées
dans le texte. Les connecteurs sont plus fréquents et plus appropriés ; l’encadrement
rhétorique est également plus fréquent : « While the natural world we observe is a complex
system, some aspects of it are easy to quantify regardless of variation. »
39 Les textes d’analyse ne suivent pas le même chemin. En première année, les textes
analytiques de Joëlle se focalisent sur les savoirs et l’autorité des autres (« I found that
Reiman did a good job of summing up some of my feelings about this statement when he
wrote… ») ; en quatrième année, malgré des modifications en syntaxe, on observe une
évolution dans la diversité des sources et dans sa relation au savoir, perceptible dans le

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fait qu’elle introduit des notes de bas de page (outil assez sophistiqué) ; les analyses
produites restent en déférence aux auteurs lus et aux savoirs qu’ils proposent. Le
travail textuel demandé aux étudiants dans les analyses semble ne pas beaucoup
évoluer au cours des quatre années : il s’agit principalement de rendre compte des
savoirs exposés dans leurs lectures et du point de vue de leurs auteurs. Joëlle, par
exemple, soutient et complète les perspectives des auteurs : « I found this article to be
very well thought out », modalisé comme « undoubtedly valid… ». Ces mêmes motifs se
retrouvent en quatrième année, mais dans un registre davantage académique (« well
thought out » devient « is a noteworthy voice of reason », par exemple). Les verbes qui
introduisent l’auteur, en quatrième année, ne sont plus de l’ordre de « il croit » ou « il
dit » mais « il crée », « il maintient », « il reconnait », ou « il fait croitre sa crédibilité ».
L’ensemble de ses analyses s’articule avec des connaissances plus étendues sur des
thématiques et des auteurs représentés dans sa discipline, et on note un équilibre entre
reprise et extension des idées des autres.

Le dit vs l’écrit

40 Les écarts entre représentations et pratiques scripturales sont intéressants, notamment


en ce qu’ils permettent de questionner le rôle de la métacognition. Robert ne change
pas, à l’oral, son discours sur les fonctions de l’écrit au fil de son cursus dans la
discipline ; de la première à la quatrième année, sa perception de l’écrit reste
techniciste : « in high school, you can make things up pretty easily, and you can’t do that in
college, [you] have to read in order to know what [you are] talking about. » Les écrits courts
sont « just written » sans planification ou révision, parce que le savoir peut être tenu en
mémoire ; les écrits longs construisent des savoirs complexes et exigent des étapes
d’écriture et de réflexion. Cette représentation de l’écrit comme moyen de disposer
d’un « savoir sur papier » se retrouve dans la méthode décrite par Robert de
transcription des idées sur des petites fiches : « I don’t have to scroll [down the computer
screen] or anything, it’s [the knowledge] just right there. » Or, dans ses pratiques, on l’a vu,
l’écrit connait au cours des quatre années du cursus des évolutions considérables, qui
témoignent d’une représentation de l’écrit qui va bien au-delà du simple rôle d’aide-
mémoire.
41 Une autre relation aux savoirs s’exprime chez Joëlle, qui expose les avantages que revêt
l’écrit pour ceux qui ont du mal à s’exprimer en cours et qui peuvent se réfugier dans
l’écriture, notamment dans la perspective de se préparer à l’oral : « I think it’s meant to
prepare you to be able to get your thoughts down on paper so you can be more articulate when
you speak, […] to externalize thinking, to get ideas down and feel comfortable to bring it out and
discuss it. » Plus globalement, la fonction prioritaire de l’écriture réside dans la
possibilité de « dire » le savoir, que ce soit à l’écrit ou à l’oral.

Le cas de l’éducation générale et de multiples « majeures »

42 Ces différentes observations interrogent sur le cursus universitaire états-unien et sa


façon de complexifier le développement de l’expertise discursive. Robert indique dès sa
première année que différents domaines disciplinaires appellent différentes approches
de l’écrit : l’écrit en « Political Science » est « very fact-based writing which is why you have
to do all the reading and you even have to do extra stuff, like reading the newspaper […], to do
extra to make it part of your real life and not just study ». En quatrième année, Robert

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exprime le besoin de connaitre les conventions liées aux savoirs : « I need to work harder
when it’s not something I’m familiar with […]; you need to be more cognizant of the
information. » À cela s’ajoute une conscience des attentes et des activités, perçues
comme variables en fonction des professeurs (attitude très liée aux premières années
d’études), mais aussi en fonction des contenus disciplinaires : « I’m sure [Professor A]
would expect different things in her Research Methods course and her Counseling class. »
43 Ces relations se présentent chez Joëlle d’une autre façon. À la fin de ses études, elle
affirme : « I just find that my writing in my science classes is a lot more restricted than… I just
can’t make assumptions at all in my papers, at all. In that sense they are a lot different from my
political science classes where I can generalize a lot more. » Les cours d’éducation générale
lui auraient permis en particulier de prendre conscience des différences au plan des
conventions de l’écrit selon les disciplines :
writing is just different, I’ve had to kind of, ah, cite citations and stuff in scientific writing is
different than my political science writing. Just kind of like getting used to those two
formats. I actually messed up on one of my science papers. In a couple of my citations I put it
in political science format because I was writing, working on two papers at the same time
that day, so I messed up a little bit that way, but yeah, that’s one of the things, just the, um,
how they expect you to prove your research and things like that, it’s different.
On voit bien dans ce commentaire le décalage entre les représentations et les pratiques
de Joëlle.

Conclusions
44 Les questions posées par ces observations autour des différences et des aspects
partagés, bien que préliminaires et limitées, offrent certaines pistes interprétatives :
• dans les écrits « de recherche », la relation entre évolution des savoirs disciplinaires et
expertise discursive est étroite (et permet ainsi le rejet d’une version « autonome »
d’expertise à l’écrit). Mais cette expertise semble passer par des stratégies globales pour
aboutir à des pratiques maitrisées locales, ainsi qu’à une souplesse rhétorique, telle que
proposée par Carter (1990) ;
• le système d’éducation générale aux États-Unis peut rendre plus compliqué le processus de
développement discursif pour les étudiants, bien qu’il rende possible davantage
d’adaptabilité au niveau des conventions ;
• les étudiants s’orientent vis-à-vis du savoir dans leurs disciplines différemment dans leurs
verbalisations en entretien par rapport à leurs productions écrites, ce qui soulève des
questions importantes, notamment en ce qui concerne le va et vient entre éducation
générale et disciplines ou entre disciplines.
45 Cet ensemble de constats nous interroge sur le décalage potentiel entre l’évolution des
compétences scripturales dont ont fait preuve nos trois sujets au cours de leur cursus et
la relative pauvreté de leur conscience méta-scripturale, ou du moins leur capacité
réduite à verbaliser leurs représentations de l’écrit et de ses fonctions dans la
discipline. Dans ses analyses des étudiants de deuxième cycle, Prior (1998) suggère que
les étudiants négocient en permanence entre différents réseaux disciplinaires. Il
souligne que l’hétérogénéité des types d’écrits demandés aux étudiants peut nuire à
leur développement de pratiques maitrisées d’expertise discursive.Cette question est
d’autant plus pertinente dans le cas d’un modèle d’éducation supérieure tel que celui

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en vigueur aux États-Unis, qui mélange spécialisation et généralisation, accentuant


ainsi cette hétérogénéité en premier cycle.
46 Le contexte étudié ici nous permet de penser également que certains types d’écrits sont
plus formateurs que d’autres pour conduire à des pratiques maitrisées. En effet, les
caractéristiques des pratiques scripturales expertes et constitutives de la discipline
semblent progressivement perçues et maitrisées dans les textes d’étudiants, mais ne
s’accompagnent pas nécessairement d’une verbalisation raisonnée de ces pratiques 6.
Les textes manifestent ainsi une évolution qui semble peu conscientisée dans les
entretiens ; comme on l’a vu, on trouve dans les textes une aisance croissante dans le
positionnement de soi et dans la relation avec le discours d’autrui, ainsi qu’une facilité
dans l’usage de la terminologie en vigueur dans la discipline. Toutefois, on a observé
dans les entretiens une évolution dans les représentations de la complexité de l’écrit
universitaire et des attentes relatives à la discipline et aux savoirs qui la constituent,
qui dépassent la simple réponse aux exigences (voire aux caprices) d’un professeur
individuel. Le rôle que peut jouer l’alternance des cours d’éducation générale et des
cours disciplinaires a été simplement évoqué ici. Une des questions qui restent à
explorer est ainsi celle du rôle du double cursus états-unien, et de son influence dans
l’évolution des pratiques scripturales et de la conscience méta-scripturale des
étudiants. Les résultats de l’étude plus large apporteront, nous l’espérons, des
compléments d’information en nous montrant d’autres caractéristiques spécifiques des
textes non-disciplinaires et disciplinaires, que nous mettrons en perspective avec les
discours des étudiants sur ces pratiques.

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122

WENGER E. (1999) : Communities of practice. learning, meaning and identity, Cambridge, Cambridge
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ANNEXES
Allen (Philosophie)

Ses représentations à partir des entretiens :


– l’écrit est un mode d’enquête « philosophique » ;
– le rôle de la lecture est essentiel ;
– l’appropriation, l’intégration des lectures dans son système de savoirs est important ;
– l’écrit dans la philosophie est perçu comme moyen d’évoluer, d’« aller plus loin ».

Ses textes : recherches Ses textes : analyses

Première année : Première année :


– il structure ses écrits dans des formes – les écrits travaillent autour d’un seul document
toutes faites telles des comparaisons de référence ;
traditionnelles ; – ce document est mis en avant comme « source
– le discours d’autrui est fondamental ; d’autorité ».
– il y a peu de citations mais beaucoup de
Quatrième année :
références.
– on trouve beaucoup de références et moins de
Quatrième année : citations, comme en première année dans les textes
– l’idée force est complexe ; de recherches ;
– l’usage des sources est sophistiqué ; – la syntaxe est complexe ;
– la syntaxe est complexe ; – les notes de bas de page sont introduites.
– les notes de bas de page sont introduites.

Joëlle (Biologie et Sciences Politiques « mineure »)

Ses perceptions à partir des entretiens :


– la focalisation est sur le savoir tel que représenté et compris dans différentes disciplines ;
– elle reconnait que les conventions dans les disciplines sont différentes (formats, formes de
citation…) ;
– elle comprend l’écrit comme préparation à l’oral ou mode alternatif à l’oral.

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Ses textes : recherches Ses textes : analyses

Première année : Première année :


– l’écrit reproduit des savoirs appris
– elle écrit des « lab report » : genre très normé, écriture
qui est formée par le genre ; dans le cours et à partir des lectures ;
– dans ses écrits on trouve une source référencée, plus le – les perspectives des auteurs lus sont
rapport de l’expérience scientifique. présentées comme « sans doute
valables » ;
Quatrième année :
– l’alternance entre « ils disent »-« je
– elle utilise une sélection plus étendue de sources, en
dis » est formatrice.
synthèse ;
– on trouve une fréquence élevée de marqueurs tels Quatrième année :
« pendant », « par exemple », « ainsi », « donc » ; – plutôt que « l’auteur dit » on trouve
– mais la tendance dominante reste celle d’une synthèse « l’auteur crée, donne son avis,
des autres plus que d’une présentation de nouvelles maintient… » ;
interprétations ; – le texte termine avec le point de vue
– la voix passive prime, même dans l’idée force. de l’étudiant et non de l’auteur lu ;
– on trouve davantage de connaissances
représentées autour des thèmes traités.

Robert (Psychologie et Sciences Politiques « double majeure »)

Ses perceptions à partir des entretiens :


– il détient une perspective épistémologique sur l’écrit (« cela sert à construire mes savoirs ») ;
– au départ, on trouve une reconnaissance des exigences universitaires : il faut « savoir de quoi on
parle » ;
– les écrits longs sont perçus comme plus exigeants ;
– il évoque une façon de travailler qui permet de « mettre ses savoirs » sur papier ;
– l’écrit est ce qui le pousse à « aller plus loin » dans sa pensée ;
– pour lui, il n’est plus question de faire simplement parce que le cours exige/le professeur exige… ;
– également, il existe des normes « non-dites ».

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Ses textes : recherches Ses textes : analyses

De la première à la quatrième année, sa façon de Première année :


s’organiser, son point de vue et autorité, et ses – l’exemple d’une analyse effectuée en cours
interactions avec les sources changent de façon d’histoire d’un texte littéraire historique
frappante. souligne sa tendance à écrire des phrases
courtes, à utiliser la voix passive, à introduire
Première année :
des notes de bas de page.
– il résume source après source de façon
linéaire ; Quatrième année :
– il choisit plutôt le verbe « être », modalisé – pour cet étudiant, on voit peu d’évolution ;
(« semble être », par exemple) ; – les mêmes caractéristiques qu’en première
– plus de 50 % du texte est cité. année, à part des phrases d’introduction-
annonce, telles : « Je vais comparer… »
Quatrième année :
– il rédige des projets de recherches
interdisciplinaires ;
– il construit des textes de « recherches » dans le
sens expérience-analyse qui produit des savoirs ;
– son écrit de fin d’études (« senior thesis ») est
une analyse de ses propres écrits afin d’analyser
les influences des textes lus ;
– ses textes se construisent avec les
caractéristiques scientifiques de problématique,
hypothèse, méthodologie, tableaux, résultats… ;
– le « senior thesis » est hybride : un mélange de
ces aspects scientifiques avec des aspects
interprétatifs plus souvent associés aux
humanités (personnalisation de l’expérience, par
exemple).

NOTES
1. Il s’agit d’universités qui se focalisent sur un programme d’excellence pour les étudiants de
premier cycle dans les matières traditionnelles des arts et des sciences.
2. Ils ont été pour cela rémunérés : de petits cadeaux de temps en temps, des prix, et de l’argent
pour chaque document rendu (25 centimes pour chaque texte informel, 50 centimes pour chaque
brouillon, un dollar pour chaque texte formel − essai, examen, dissertation, etc.).
3. Rebecca Berger, Stephan Desrochers, Marcia Nash, Steven Pane et Kristina Wolff, formés par
une équipe d’enseignants-chercheurs de cinq disciplines (sociologie, sciences de l’éducation,
linguistique, psychologie et musique).
4. Les extraits de textes et d’entretiens des étudiants ont été laissés dans la langue d’origine afin
de préserver les nuances des formulations.
5. Lors de l’entretien, Robert utilise le mot « preuve » 12 fois dans sa réponse à la question
suivante : « Quel rôle l’écrit joue-t-il dans vos études ? »
6. Cette question des normes et des exigences de l’éducation générale par rapport aux disciplines
pourrait bien sûr permettre de souligner des différences dans les cours ou chez les étudiants qui
expérimentent différemment en fonction de leurs investissements.

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RÉSUMÉS
Dans le cadre états-unien des cours de « general education » (contenus généraux et
transdisciplinaires) et des enseignements de « majeures » (contenus spécialisés dans la
discipline), les étudiants travaillent entre le générique et le spécifique au niveau des savoirs, des
discours, et des expertises. Les disciplines sont présentées comme des ensembles dynamiques de
pratiques.
S’appuyant sur un double corpus de productions écrites et d’entretiens, l’étude établit un
contraste entre l’évolution des pratiques d’écriture des étudiants, manifestant une forte
implication dans les savoirs disciplinaires, et la faible « conscience discursive et disciplinaire »
(Reuter et Lahanier-Reuter, 2008) que les étudiants manifestent lors des entretiens ; ainsi, si l’on
observe une lente évolution les amenant vers la pleine participation disciplinaire dans une
« communauté de pratiques » (Wenger, 1999), on note également une difficulté à prendre
conscience de cette évolution ou du moins à la relater verbalement.
L’étude nous interroge sur l’enseignement de l’écrit scientifique dans le cadre états-unien.

In the U.S. frame of “general education” and “majors”, university students work between the
generic and the specific at the level of knowledge, discourse, and expertise. Disciplines here are
seen as dynamic sets of practices.
The article establishes a contrast between the evolution in students’ writing practices, showing a
strong sense of disciplinary embeddedness, and their less strong awareness and articulation of
that same understanding of the relationship between writing and knowledge (Reuter and
Lahanier-Reuter, 2008), that we find in their interviews. Thus, if we see a progression towards
full participation in a “community of practice” (Wenger, 1999), we see as well a difficulty in
becoming aware of this progression, or at least difficulty articulating that awareness.
The study problematizes the teaching of university writing in the U.S.

AUTEUR
CHRISTIANE DONAHUE
Institute for Writing and Rhetoric, Dartmouth College, Hanover, États-Unis et THEODILE-CIREL

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Analyse d'ouvrage

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Chervel André, Histoire de


l’enseignement du français du XVIIe au
XXe siècle, Paris, Retz, coll. « Les
usuels Retz », 2006, 832 p.
Danièle Cogis

1 Comment ne pas commencer par le quantitatif ? 832 pages, dont 8 pages d’avant-propos
et 24 de conclusion, 11 d’annexes, 24 d’index des noms de personnes, 14 de tables des
matières, 38 diagrammes ou tableaux, et plus de 2 650 notes où se loge la bibliographie.
Cette Histoire de l’enseignement du français, qui couvre quatre siècles, est une somme,
indubitablement. Ce faisant, c’est aussi une histoire sociale, politique, culturelle, de la
France qui nous est contée par quelqu’un qui ne s’en laisse pas conter.André Chervel
reprend ici quarante années de recherche sur ce que veut dire « faire du français » pour
en dresser la synthèse la plus complète possible en l’état actuel des connaissances.
2 C’est que le domaine auquel s’attaque l’historien des disciplines scolaires est vaste, de
l’étude de la grammaire à celle de la littérature, de l’apprentissage de la lecture à celui
de l’orthographe, de l’explication de texte à la dissertation littéraire, sans compter
l’élocution, la reformulation, la réduction de texte, la composition française, la
rédaction, la rhétorique, l’histoire et les œuvres littéraires. L’ouvrage est découpé en
douze chapitres thématiques de trente à une centaine de pages, chacun précédé de son
sommaire et suivi des notes afférentes. Mais, après un premier chapitre situant le cadre
(les langues, les institutions, les mentalités), une autre partition se laisse lire, celle de la
division classique de l’école d’autrefois : cinq chapitres sont consacrés à ce qui
incombait aux « classes de grammaire », auxquels succèdent six chapitres qui couvrent
celui des anciennes « classes de lettres ». À l’intérieur de ces deux grands ensembles,
l’auteur trace les évolutions historiques et les lignes de force, établit les ponts
nécessaires, tout en discutant des méthodes de recherche et des limites à ce qu’il est
possible de connaitre.

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3 Un des aspects passionnants de l’ouvrage réside en effet dans cette leçon


d’historiographie distillée tout au long des chapitres, ce qui explique la considérable
abondance de notes. Celles-ci, certes, nous livrent la saveur incomparable des titres
d’antan : comment saurions-nous qu’il a existé, par exemple, un ouvrage intitulé La
Morale en action, Élite de faits mémorables et d’anecdotes instructives, propres à faire aimer la
vertu et à former les jeunes gens dans l’art de la narration, ouvrage utile à Messieurs les élèves
des écoles militaires et des collèges, publié à Lyon en 1797, par deux oratoriens ? Mais, au-
delà, elles témoignent du travail de l’historien, de la nécessaire recherche des sources à
leur minutieuse confrontation. André Chervel fait ainsi appel à des documents
nombreux et variés, ouvrages pédagogiques, rapports d’inspection, enquêtes, lettres,
journaux, listes de prix, autobiographies, manuels, discours, décrets, copies d’élèves ; il
épluche les plans d’étude, les rééditions des manuels et les statistiques scolaires ; il
établit la carte des mutations du système graphique du français et celle de la variation
des auteurs au programme ; il collecte les circulaires administratives et les sujets du
baccalauréat ou de concours général, etc. C’est ce qui lui a permis de reconstruire cette
histoire séculaire et complexe, d’où ressortent noms et évènements qui ont marqué de
façon plus ou moins durable le système éducatif en France.
4 Il est impossible de résumer un tel ouvrage. On évoquera seulement ici trois aspects qui
traversent l’histoire de l’enseignement du français, en résonance avec des
préoccupations actuelles, à savoir l’impact des fondations latines, l’édification de la
discipline, l’emprise du politique.
5 Au commencement, donc, était le latin (et, à un moindre degré, le grec). L’histoire du
français à l’école, c’est d’abord l’histoire de la perte progressive de l’hégémonie du latin
et du grec, des auteurs latins et grecs, des compositions latines et grecques, du discours
ou du vers latin (la première épreuve de composition française sur un sujet de
littérature ou d’histoire au baccalauréat en remplacement de la composition latine a
lieu en juillet 1881). L’enseignement du français est ainsi non seulement tardif, mais
façonné par celui du latin. Un des aspects les plus connus concerne la grammaire
française, étudiée par le filtre des catégories latines. Moins connue, sans doute, est la
question du choix des écrivains.Ceux qui vont constituer le « canon des auteurs
français » sont bien sûr retenus pour leur autorité en matière d’éducation morale et
religieuse, mais aussi pour leur aide à la compréhension des auteurs classiques : par
exemple, Fénelon et son Télémaque pour Homère, La Fontaine et ses fables, malgré leur
difficulté reconnue, pour Phèdre ou Esope, à côté des austères sermons deBossuet ou de
Massillon. Le lecteur suit ainsi les débats qui ont présidé à la naissance et à l’extinction
des « grands auteurs » français dans les programmes du passé : leur sélection, toujours
problématique, ne l’était pas moins autrefois, même si les raisons et les gloires
changent.
6 André Chervel développe donc ce qu’il appelle les « trois moments » constitutifs de la
discipline : l’apprentissage de l’orthographe et de la langue, l’étude des auteurs, la
rédaction de textes en français. Pour chaque moment, il met au jour les étapes, les
exercices emblématiques, leurs variantes. C’est ce qui lui permet de rectifier l’erreur de
ceux qui font coïncider les débuts de l’écriture en français avec le discours de
rhétorique en classe de rhétorique : il montre que celui-ci est préparé par les exercices
de reformulation, de réduction et de composition, qui se succèdent de façon ordonnée
dans le cursus.

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7 Les contenus d’enseignement et les exercices scolaires font ainsi l’objet d’une traque
serrée : certains ont en effet disparu, d’autres survivent ou resurgissent, transformés. Il
faut toute la sagacité de l’auteur pour retracer l’origine, le devenir, et les subtiles
relations entre les différents exercices, en débusquant les filiations, similitudes,
différences sous une terminologie trompeuse (comme expliquer ou composer), ou même
en l’absence de dénomination : sous les mêmes mots, en effet, peuvent se cacher au
cours des siècles des finalités et des objets très différents, et vice-versa.
8 Par exemple, l’étude des textes littéraires, d’abord grecs et latins, puis français, avait
pour but la préparation à l’écriture ; il s’agissait en effet de nourrir de formes et de
matière les jeunes esprits, vides par définition, grâce à la lecture et relecture d’un tout
petit corpus de textes. Quant à l’explication de textes, justement, au cœur de la
discipline au lycée pendant des décennies, elle est une invention tardive, qui passe par
bien des avatars avant de trouver une forme stable dans le premier quart du XXe siècle
et d’être remise en cause dans son dernier quart. Dans le domaine de la langue, « faire
de la grammaire » consiste à apprendre par cœur le cours dicté ou la page du manuel.
C’est d’ailleurs le principe même de l’enseignement où l’écrit est dominant : l’élève
copie et rédige le compte rendu de chaque cours, qu’il doit savoir par cœur ; l’oral est
réservé à la récitation des textes d’auteurs (et du théâtre à certaines époques et dans
certains lieux), le tout constituant des modèles à imiter.
9 L’orthographe occupe une place majeure dans l’histoire de l’enseignement du français
et dans les recherches d’André Chervel1. Elle court ici sur cinq chapitres, en raison de
ses liens avec la lecture, la grammaire scolaire2 et la langue. C’est l’occasion de mettre
en pièces deux idées reçues. L’auteur montre que c’est la nécessité de lire la Bible ou le
catéchisme en français qui a entrainé les premières réformes de l’orthographe : le
français du XVIIe siècle était trop compliqué à lire (sans compter qu’il n’était pas la
langue maternelle de tous les écoliers). Seconde idée reçue mise à mal, celle du rôle
normatif de l’Académie française. André Chervel fait la démonstration que l’Académie,
loin de faire la loi, entérinait l’usage jusqu’à son édition de 1835, où son œuvre
d’adaptation et de modernisation cesse. De cette période date l’ascension de la dictée,
promue épreuve obligatoire dans les recrutements aux emplois publics ; avec la loi
Guizot de 1833 qui y institue un enseignement de la langue, l’orthographe devient alors
pour longtemps la discipline reine à l’école primaire, jusqu’à l’excès combattu par Jules
Ferry lui-même. L’auteur montre comment les écoles normales, novatrices sur bien
d’autres points, ont constitué le noyau dur de la résistance à toute réforme de
l’orthographe au tournant du XXe siècle, freinant l’évolution de sa didactique.
L’enseignement primaire s’est ainsi progressivement identifié à l’orthographe, la dictée
devenant un équivalent de la version latine dans l’enseignement secondaire.
10 On sait en effet que l’école d’antan est une école qui sépare enfants des classes
populaires et enfants des classes moyennes et supérieures. Ce qui est proposé ici, c’est
comment les programmes et les méthodes pour le « français » en sont affectés. On
peine à imaginer la scolarité brève et rudimentaire (catéchisme, un peu de lecture) des
élèves, garçons, pour l’essentiel, et le faible niveau d’instruction de leurs maitres jusque
dans le XIXe siècle tardif. Rappelons qu’une grande partie de ceux-ci n’avait pas les
compétences nécessaires pour enseigner l’écriture. En exigeant le brevet de troisième
degré pour pouvoir enseigner, l’institution a enclenché un mouvement d’élévation du
niveau de formation des maitres, que l’auteur retrace avec précision, et dont on sait
qu’il se poursuit encore en ce début de XXIe siècle.

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11 Si l’on doutait encore que l’école puisse être préservée des pressions politiques,
l’histoire de l’enseignement du français convaincrait les plus dubitatifs. L’ouvrage est
une plongée dans l’école d’avant la laïcité, d’avant la centralisation, des écoles
confessionnelles d’Ancien Régime jusqu’à celles des premières années de la Troisième
République, des écoles de village à celles des grandes villes. L’autorité semble éclatée
entre demultiples instances : hiérarchie catholique, très conservatrice Université de
Paris, ministres, Conseil supérieur de l’Instruction publique, mais aussi régents des
collèges. Les choix didactiques sont tributaires des oppositions qui traversent cette
diversité de structures toujours surprenante pour un lecteur d’aujourd’hui (collèges
royaux/enseignement secondaire ; dans l’Université/hors de l’Université ;
confessionnel/non confessionnel ; Paris/Province ; public/privé ; classique/moderne ;
garçons/filles). Cette histoire de l’enseignement du français peut aussi être lue comme
une contribution à la conquête de la liberté de penser. Une des questions qui revient
concerne la lecture et l’écriture : faut-il laisser les élèves lire ? lire en français ? lire des
auteurs contemporains ? Peut-on laisser les élèves écrire ? Ont-ils des capacités
suffisantes pour développer une pensée ? Les filles, qu’ont-elles besoin d’apprendre ? Et
les enfants des classes populaires, qu’est-on obligé de leur enseigner pour répondre aux
besoins économiques, mais que serait-il dangereux de leur apprendre ? L’édification de
la discipline est même parfois liée aux grands évènements de l’Histoire. André Chervel
insiste sur l’exemple sans doute peu connu de la défaite de 1870 : le choc a conduit à
une remise en cause de la place du latin et à une mutation profonde en faveur du
français.
12 L’histoire de l’enseignement du français ne se comprend que si l’on garde à l’esprit que
les controverses étaient nombreuses et que la réflexion pédagogique n’est pas
l’invention récente de ceux qui ne se soucieraient pas des contenus : la discipline
« français » apparait comme la résultante de luttes et de compromis séculaires. Il est
d’ailleurs surprenant de retrouver autant d’échos avec les débats de notre époque, qu’il
s’agisse du poids excessif du formalisme, de la rhétorique ou de l’histoire littéraire, de
la pression qu’exerce le baccalauréat sur le cursus antérieur, du bachotage qui
détourne les candidats de la lecture des œuvres au profit de mémentos, ou bien de la
place du code et du sens, de la lecture qui devrait précéder l’écriture, de la parfaite
connaissance de la langue et de l’orthographe indispensable avant d’apprendre à
rédiger, et, en général, de l’obligation de connaitre les préceptes théoriques avant la
pratique. Les antagonismes les plus contemporains se trouvent ainsi éclairés par cet
ouvrage salutaire qui débarrasse de l’illusion que tout ce qui se fait aujourd’hui est
nouveau ou, inversement, que tout a toujours existé, avec une unique manière de faire.
13 C’est donc peu à peu que l’on voit émerger les contours de l’enseignement du français,
avec un double mouvement qui va de l’université aux classes de lettres, puis aux classes
de grammaire, ou de l’enseignement secondaire vers l’école primaire. Pour l’historien
qui y revient en conclusion, ce sont bien les acteurs de base qui ont eu un rôle
déterminant, tels les maitres d’école qui ont favorisé la simplification de l’orthographe
du XVIIe siècle, ou les professeurs de lettres qui se sont élevés contre l’excès de
formalisme de l’enseignement de rhétorique ou ont imposé l’étude de la littérature
française, au risque de réduire le poids d’autres facteurs (programmes, inspection,
formation, édition).
14 Le pari d’André Chervel de faire partager au lecteur sa passion de chercheur et sa
connaissance de cette aventure humaine qu’est la constitution d’une discipline scolaire

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est on ne peut plus réussi. On aimerait bien sûr que l’histoire se poursuive avec celle
des transformations que la discipline a connues au XXe siècle.

NOTES
1. Sur la question spécifique de l’orthographe, on lira avec profit le petit livre qu’André Chervel a
publié aux éditions Retz en 2008, L’orthographe en crise à l’école. Et si l’histoire montrait le chemin ?
2. Et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français : histoire de la grammaire scolaire, éditions
Payot, 1977.

AUTEUR
DANIÈLE COGIS
MoDyCo, UMR 7114, Université Paris 10 et IUFM de Paris

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