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MYCMED-615; No. of Pages 9

Journal de Mycologie Médicale (2016) xxx, xxx—xxx

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ScienceDirect
www.sciencedirect.com

REVUE GÉNÉRALE/GENERAL REVIEW

Les mycétomes et leur traitement


Mycetoma and their treatment

M. Develoux

Service de parasitologie-mycologie, hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris,


France

Reçu le 7 décembre 2015 ; reçu sous la forme révisée le 23 mars 2016; accepté le 29 mars 2016

MOTS CLÉS Résumé Les mycétomes sont des infections sous-cutanées chroniques, endémiques dans les
Actinomycétomes ; régions tropicales sèches. Elles peuvent être dues à des actinomycètes (actinomycétomes) ou à
Eumycétomes ; des champignons (eumycétomes) dont la forme de développement in vivo est le grain. L’atteinte
Traitement médical ; du pied est prédominante, la principale complication est l’atteinte osseuse. Les patients sont des
Triméthoprime— ruraux venant des régions éloignées des centres médicaux. Ils se présentent trop souvent avec
sulfaméthoxazole ; des formes évoluées, mutilantes. Une des premières conditions pour espérer un bon résultat
Itraconazole thérapeutique est un diagnostic précoce. Le diagnostic biologique permet de distinguer les
actinomycétomes des eumycétomes, indiscernables cliniquement, dont les traitements sont
radicalement différents. L’identification précise de l’agent étiologique est souhaitable pour
mettre en route un traitement adapté mais elle nécessite des laboratoires spécialisés. Le
traitement de première ligne des actinomycétomes est l’association triméthoprime—sulfamé-
thoxazole (SXT). Elle doit être donnée pendant un minimum d’un an. Dans les formes répondant
mal à ce traitement ou avec risque de dissémination, l’association à l’amikacine a permis
d’obtenir un pourcentage élevé de guérison. D’autres options sont possibles comme l’amoxi-
cilline—clavulanate. Ces traitements antibiotiques s’ils sont bien conduits amènent une guérison
et les indications chirurgicales restent exceptionnelles. Le traitement médical des mycétomes
fongiques est plus décevant et doit souvent être complété par un geste chirurgical. L’anti-
fongique préconisé actuellement est l’itraconazole, les azolés plus récents sont en cours
d’évaluation.
# 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Mycetoma are chronic subcutaneous infections, endemic in dry tropical regions. It
KEYWORDS can be caused either by actinomycetes or by fungi, presenting as filamentous grains in vivo.
Actinomycetoma; The foot is the most common localization. The main complication is osseous involvement.
Eumycetoma; Patients are rural workers living in areas situated far from medical centers. Too often, they reach

Adresse e-mail : michel.develoux@sfr.fr.

http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2016.03.005
1156-5233/# 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Develoux M. Les mycétomes et leur traitement. Journal De Mycologie Médicale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/
j.mycmed.2016.03.005
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2 M. Develoux

Medical treatment; well-equipped hospitals with advanced mutilating lesions. Early case detection is the first
Trimethoprim— condition for good therapeutic results. Clinical presentations of actinomycetoma and eumyce-
sulfamethoxazole; toma are similar, only biological diagnosis can distinguish the two etiological forms. This
Itraconazole distinction is essential as medical therapy for each is radically different. Precise identification
of the causal agent is required for targeted treatment but it can only be realized in rare
specialized laboratories. For actinomycetoma, standard therapy is trimethoprim—sulphame-
thoxazole (STX). Duration of treatment period is one-year minimum. In case of poor response to
STX or high risk of dissemination, a combination with amikacin gave high cure rate. Other options
as amoxicillin—clavulanate are available. Medical cure of actinomycetoma is generally obtained
with antibiotic treatments and surgical indications are exceptional. Disappointing results were
observed using antifungal in the treatment of eumycetoma and medical therapy must be
completed with surgical excision. Itraconazole is now the most used drug, new triazoles are
on evaluation.
# 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction même titre que les tréponématoses endémiques ou des


mycoses endémiques comme les chromomycoses. Depuis
Les mycétomes sont des infections chroniques, mutilantes, le début du siècle, on a observé un regain d’intérêt pour
des régions tropicales arides. Ils se définissent comme tout les mycétomes comme en témoignent plusieurs revues
processus au cours duquel des agents fongiques ou actino- générales consacrées à la maladie [1,12,13,27,31,33,36].
mycosiques d’origine exogène produisent des grains. L’ori- En juillet 2013, les mycétomes ont été ajoutés à la listes
ginalité de cette maladie est de pourvoir être due soit à des de maladies négligées de l’OMS (http://who.int/
champignons (mycétomes fongiques ou eumycétomes), soit neglected_diseases/diseases/mycetoma/en/), ce qui ren-
à des bactéries du genre actinomycète (actinomycétomes). Il forcera l’aide apportée aux études qui se sont multipliées
n’est pas possible dans la plupart des cas de distinguer ces dernières années abordant tous les aspects de l’infec-
cliniquement les uns des autres alors que leurs traitements tion, en particulier, thérapeutiques. Beaucoup d’études
sont radicalement différents. L’étape fondamentale du diag- récentes épidémiologiques, cliniques, biologiques et théra-
nostic est donc l’identification de l’agent étiologique qui peutiques ont été réalisées par le Mycetoma Research Center
permettra de sélectionner le traitement médical adapté. Ce situé à Khartoum au Soudan. Il s’agit d’une structure unique
diagnostic biologique est délicat et n’est pas toujours pra- au monde se consacrant à la recherche sur cette infection et
ticable dans les zones endémiques où les structures pouvant à la prise en charge des malades (http://www.mycetoma/
réaliser ce diagnostic sont peu nombreuses ou inexistantes. uofk.edu/).
On admet maintenant que le traitement des mycétomes doit Des agents étiologiques nombreux
toujours être médical dans un premier temps même dans les
formes avancées. La chirurgie ne se discute qu’après cette Les agents étiologiques des mycétomes sont nombreux.
première étape. Il existe des schémas thérapeutiques bien Dans une revue de 2015, Nenoff et al. relèvent 25 agents
définis dans le cas des actinomycétomes, ils permettent fongiques identifiés et 9 actinomycosiques [26]. Cette liste
d’obtenir des résultats satisfaisants dans la plupart des n’est pas exhaustive et régulièrement de nouveaux agents
cas. Le traitement médical des mycétomes fongiques est sont décrits. Par ailleurs, la biologie moléculaire a permis
par contre décevant, il se heurte de surcroît à des problèmes de montrer qu’une espèce identifiée jusqu’ici sur des
de coût bien supérieur à celui des actinomycétomes, les critères phénotypiques correspondait en fait à plusieurs
azolés étant peu ou pas accessibles aux populations atteintes espèces. C’est le cas par exemple de Madurella myceto-
qui sont parmi les plus démunies des pays endémiques. Il est matis, principale espèce fongique en cause, qui corres-
difficile de juger de l’efficacité à moyen et long terme des pond en fait à plusieurs espèces M. fahali, M. tropicalis et
traitements médicaux. Il n’existe pas pour l’instant de cri- M. pseudomycetomatis [9]. Cette identification précise
tère biologique de guérison. Une surveillance prolongée est importante pour guider la thérapeutique, ainsi il a
après une guérison clinique est donc indispensable, difficile été montré que M. fahali est moins sensible aux azolés
à mettre en œuvre pour des malades qui proviennent de que les autres espèces de Madurella. La biologie molécu-
régions reculées. Plusieurs séries montrent que les récidives laire a permis également un reclassement des différents
sont fréquentes après traitement, probablement sous-esti- agents étiologiques en particulier en ce qui concerne
mées, principalement dans les cas des mycétomes fongiques. ceux responsables de mycétomes à grains noirs [7,9].
Ainsi, les Leptosphaeria (Leptosphaeria senegalensis et
Rappels sur les mycétomes L. tompkinsii) ont été reclassés dans le genre Falciformis-
pora. M. grisea et Pyrenochaeta romeroi étaient difficiles
Des maladies tropicales oubliées à distinguer lorsque le diagnostic reposait uniquement sur
des critères phénotypiques. Elles sont maintenant iden-
Les mycétomes font partie des maladies tropicales oubliées, tifiées comme étant Trematosphaeria grisea et Medicopsis
frappant des populations rurales parmi les plus démunies, au romeroi.

Pour citer cet article : Develoux M. Les mycétomes et leur traitement. Journal De Mycologie Médicale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/
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Seules quelques espèces sont fréquemment impliquées petites séries ou cas isolés : Afrique du nord, Afrique de
(Tableau 1), c’est le cas de M. mycetomatis, agent de l’ouest non sahélienne et centrale, péninsule arabique, Iran,
mycétomes fongiques à grains noirs, représentant 24,3 % Pakistan, Amérique du sud (Venezuela, Brésil, Argentine).
des cas dans le monde. Les autres sont toutes des Quelques cas ont été diagnostiqués dans les DOM-TOM. Les
actinomycètes : Actinomadura madurae, Streptomyces mycétomes sont des infections importées non exceptionnel-
somaliensis, A. pelletieri, Nocardia brasiliensis et les en France métropolitaine [8,21].
N. asteroides.
Si globalement les actinomycétomes sont plus fréquents Une épidémiologie mal connue
(environ 60 %), il existe de grandes différences de répartition
entre actinomycétomes et mycétomes fongiques selon les
L’épidémiologie des mycétomes reste mal connue. La majo-
régions endémiques. Ainsi, si l’on considère les deux pays
rité des données les concernant repose sur des séries hos-
d’où ont été rapportés la majorité des mycétomes le Soudan
pitalières qui ne révèlent que certains aspects de
et le Mexique, on constate que dans le premier, 75 % des cas
l’infection. Les prévalences les plus élevées sont retrouvées
sont des mycétomes fongiques à M. mycetomatis [16] alors
en Mauritanie (3,49 cas pour 100 000 habitants) et au
que dans le second, 92,1 % sont des actinomycétomes essen-
Soudan (1,81/100 00), elles sont certainement sous-esti-
tiellement dus à N. brasiliensis [6]. Au sein d’un même pays,
mées puisque se basant sur les cas publiés [31]. On manque
il peut exister des grandes variations de répartition des
de données récentes sur certains pays situés en zone
espèces causales selon les régions. Cela a été montré en
d’endémie, c’est le cas par exemple du Tchad et de la
particulier dans la partie ouest africaine de la zone endé-
Somalie. L’infection se fait à l’occasion de traumatismes,
mique des mycétomes englobant la Mauritanie et la majorité
avant tout de micro-traumatismes inoculant l’agent infec-
du territoire sénégalais. Ces variations sont liées à des
tieux. Il peut s’agir de piqûre d’épines, de traumatismes
différences de pluviométrie annuelle [24].
avec des outils, d’accidents de la voie publique, certains
auteurs pensent que d’autres mécanismes pourraient être
Une infection des régions tropicales arides impliqués [15]. Des agents étiologiques ont été mis en
évidence sur des épineux ou dans le sol par cultures classi-
Les mycétomes sont des infections des régions tropicales ques ou par biologie moléculaire. Une étude récente, pros-
arides. Il existe trois foyers principaux : l’Inde, l’Afrique pective, a été faite dans un village de la zone endémique au
sahélienne et le Mexique. La zone endémique se situe de part Soudan de 2010 à 2013, il s’agit de la première étude de ce
et d’autre du 15e degré de latitude nord dessinant la bande type. La prévalence était de 14,5 pour 1000 habitants. Les
des mycétomes. C’est en Afrique que les caractéristiques patients étaient des fermiers, des ménagères et des enfants
climatiques de cette bande sont les mieux définies : une avec un statut socioéconomique très bas. La maladie est
longue saison sèche et une courte saison des pluies, une toujours apparue comme liée à la pauvreté. Aucun groupe à
pluviométrie annuelle de 150 à 800 mm, Au Mexique et en risque n’était identifié. Un contact étroit avec les épines
Inde où existent des massifs montagneux avec des micro- d’acacias, les animaux et leurs excrétas, la marche pieds
climats, l’infection est également présente dans des régions nus et des conditions d’hygiènes médiocres étaient sup-
plus humides. Dans toutes ces zones poussent des épineux qui posés contribuer à la prévalence élevée des mycétomes
jouent un rôle dans la transmission par l’intermédiaire de dans le village.
leurs épines inoculant l’agent infectieux. On a rapporté des
mycétomes dans d’autres parties du monde, mais il s’agit de Une infection frappant les populations
rurales
Tableau 1 Principaux agents des mycétomes.
L’infection frappe avant tout les populations rurales, la
Main agents of mycetoma.
prédominance masculine est marquée, la tranche d’âge la
Mycétomes fongiques plus frappée va de 11 à 40 ans. Dans une méta-analyse faite
Grains noirs en 2013 sur les cas publiés dans le monde on relevait
Madurella spp 4060 hommes pour 1175 femmes. L’histoire naturelle du
Trematosphaeria grisea (ex. Madurella grisea) mycétome est mal connue. Pour quelques observations pri-
Falciformispora senegalensis (ex. Leptosphaeria vilégiées où le traumatisme inoculateur a été identifié, on a
senegalensis) observé une période asymptomatique après celui-ci variant
Grains blancs de quelques mois à quelques années. Entre l’apparition des
Scedosporium boydii (ex. Pseudallescheria boydii) premiers signes cliniques et l’établissement du diagnostic, il
Acremonium spp s’écoule en moyenne trois ans dans la plus grande série
Fusarium spp mondiale [16]. Le retard porté au diagnostic est une des
Actinomycétomes principales raisons de la médiocrité des résultats thérapeu-
Grains rouges tiques. La localisation principale est le pied : 75,5 % au
Actinomadura pelletieri Soudan [9], 62,4 % au Mexique [6]. La main est la deuxième
Grains blancs à jaunes localisation en fréquence, Au Mexique, l’atteinte du tronc
Nocardia brasiliensis est observée dans plus de 10 % de cas ce qui constitue une des
Actinomadura madurae originalités de l’infection dans ce pays. N’importe quelle
Streptomyces somaliensis partie du corps peut être intéressée en dehors des lésions
suscitées.

Pour citer cet article : Develoux M. Les mycétomes et leur traitement. Journal De Mycologie Médicale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/
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Un diagnostic clinique facile dans les formes la principale est l’atteinte osseuse. Elle s’observe surtout
typiques : tuméfaction polyfistulisée au niveau du pied et de la main. Les actinomycètes sont plus
ostéophiles que les champignons. Cette complication rend
plus improbable une guérison thérapeutique. À la radio-
L’aspect typique du mycétome, de diagnostic clinique facile,
graphie, si elle est présente, on observe l’association
est celui d’une tuméfaction unilatérale avec des fistules
d’image de destruction et de reconstruction. Les nouvelles
productives dont le liquide émis, séro-hématique ou puri-
techniques d’imagerie médicale permettent de mieux
forme contient des grains visibles ou non à l’œil nu. Les
apprécier l’extension du processus. L’échographie et
fistules peuvent être non productives. La tuméfaction est
l’IRM montrent parfois des images pathognomoniques. Le
indolore en l’absence de surinfection ou d’atteinte osseuse.
scanner est performant dans la détection de lésions osseu-
Dans les formes évoluées est réalisé l’aspect historique de
ses débutantes. Les autres complications sont plus rares :
« pied de Madura » avec atteinte globale du pied (Fig. 1). Il
surinfection, métastases ganglionnaires, compressions
existe des formes de diagnostic difficile de par leur localisa-
locales, impotence fonctionnelle. Les envahissements
tion ou leur présentation (formes nodulaires non fistulisées).
viscéraux sont exceptionnels.
Il est pratiquement impossible de distinguer les mycétomes
fongiques des actinomycétomes sur leurs aspects cliniques.
L’association à d’autres pathologies est rare. La survenue sur Un diagnostic biologique difficile
un terrain immunodéprimé VIH positif ou non a été excep-
tionnellement rapportée, l’infection ne peut être considérée
Le diagnostic biologique [10,32] est une étape fondamentale
comme opportuniste. Plusieurs observations rapportent une
car il va permettre d’affirmer le diagnostic sur la présence de
aggravation spectaculaire d’un mycétome durant une gros-
grains, de distinguer actinomycètes et champignons ce qui
sesse [28]. Les mécanismes immunologiques en causes sont
est indispensable pour le choix thérapeutique. Le diagnostic
imparfaitement connus. Dans ce cas de figure, le traitement
précis d’espèce repose sur les cultures et si possible la
est compliqué par la contre-indication de la majorité des
biologie moléculaire. Cette dernière étape ne peut se faire
antifongiques potentiellement actifs.
que dans des structures spécialisées, très peu nombreuses
dans les pays endémiques. Beaucoup de séries en provenance
Un bilan d’extension indispensable pour la de ces pays ont un diagnostic basé uniquement sur l’examen
prise en charge thérapeutique direct des grains émis. Il peut déjà donner des éléments
fondamentaux pour le diagnostic étiologique. On notera la
La découverte d’un mycétome doit faire pratiquer un taille, la couleur, la consistance des grains. Certains grains
bilan d’extension et la recherche de complications dont sont invisibles à l’œil nu (Nocardia spp) et doivent être
recherchés à l’examen microscopique du pus. Sur un total
de 5343 mycétomes présentant des fistules, 2828 (53 %)
émettaient des grains [16]. Les grains peuvent être obtenus
par aspiration à l’aiguille fine, le matériel ramené est fixé et
coloré. La biopsie avec examen anatomo-pathologique est
recommandée, indispensable dans les cas où il n’y a pas
émission de grains. Il est préférable de faire une biopsie
chirurgicale. L’examen des grains en coupe permet de dis-
tinguer les grains fongiques des grains actinomycosiques.
Certains de ces grains ont des aspects très évocateurs (grains
d’A. pelletieri, d’A. madurae, de Madurella spp), parfois on
ne peut parler que de groupe (grains blancs fongiques).
L’histologie ne permet pas toujours en évidence les grains
malgré les recoupes. Les grains, lorsqu’il y a émission,
doivent être lavés et mis en culture sur les milieux adéquats.
Cette étape est longue, la pousse des grains n’est pas
toujours observée (problème de contamination, grains
stériles. . .). Cette étape microbiologique est rarement pra-
tiquée en zone endémique faute de laboratoires équipés et
de personnels spécialisés. L’indentification des espèces fon-
giques repose sur l’aspect des fructifications observées par
l’examen microscopique des cultures. Pour les obtenir, il
faut avoir parfois recours à des repiquages sur milieux pau-
vres, processus long et pas toujours couronné des succès, en
particulier dans le cas des espèces responsables de mycéto-
mes à grains noirs. Certaines d’entre elles ne produisent pas
de fructifications (Madurella spp). En ce qui concerne les
actinomycètes, le diagnostic d’espèce se fera sur les carac-
Figure 1 Mycétome du pied à grains noirs au stade de pied de tères phénotypiques : vitesse de croissance des colonies,
Madura. aspect macroscopique et microscopique de celles-ci, profils
Foot mycetoma with black grains at the stage of Madura foot. biochimiques.

Pour citer cet article : Develoux M. Les mycétomes et leur traitement. Journal De Mycologie Médicale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/
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À chaque fois qu’est isolé l’agent causal d’un mycétome, des actinomycétomes à Nocardia sp. Plusieurs schémas ont
il serait souhaitable de tester sa sensibilité à différents été proposés mais il n’existe pas d’étude comparative entre
antibiotiques ou antifongiques selon les cas. Mais seuls quel- les différentes molécules couramment utilisées.
ques laboratoires ont les possibilités et assez d’expérience Le cotrimoxazole, association sulfaméthoxazole—trimé-
pour effectuer ces tests. En ce qui concerne les actinomycè- thoprime, utilisée depuis plusieurs décennies reste le traite-
tes, ce sont des microbiologistes mexicains qui font ment de première ligne des actinomycétomes [33]. Il a permis
référence. Pour les eumycétomes, les travaux portant sur d’obtenir un pourcentage d’environ 60 % de guérison au
la sensibilité de leurs agents étiologiques aux différents Mexique. Au Sénégal [23], le cotrimoxazole est apparu comme
antifongiques ont été réalisés par des auteurs hollandais le traitement de choix des mycétomes à grains rouges dus à
en relation avec le centre de recherche sur les mycétomes A. pelletieri (Fig. 2 et 3). Cette espèce prédominant en
de Khartoum au Soudan. Leurs nombreuses publications sur Afrique de l’ouest donne des lésions très inflammatoires et
ce sujet témoignent de l’importance de la collaboration des atteintes osseuses fréquentes qui répondent particuliè-
entre chercheurs du nord et du sud dans ce type de maladies rement bien à ce traitement médical. Un minimum d’un an de
tropicales négligées. Ces études, même s’il n’y a pas toujours ce traitement est préconisé même en cas de guérison appa-
corrélations entre les données in vitro et les résultats obte- rente pour éviter la reprise du processus. Il sera poursuivi si la
nus in vivo, donnent de précieuses indications pour les réponse est incomplète au bout d’un an la durée étant
options thérapeutiques. Dans le cas de mycétomes importés adaptée à la réponse clinique. La bonne tolérance dans les
dans des pays non endémiques comme la France, certaines cures prolongées observée par les auteurs sénégalais, le prix
structures peuvent réaliser ces types d’examens comme le abordable même pour les cures prolongées, sont les points
centre de référence sur les mycoses et antifongiques de forts du cotrimoxazole. Il a été proposé également en asso-
l’Institut Pasteur de Paris. ciation avec d’autres antibiotiques comme la streptomycine
Parmi les méthodes indirectes, la recherche d’anticorps ou la disulone constituant un des traitements standards des
bien qu’elle ait fait l’objet d’études n’est pas utilisée en actinomycétomes au Mexique. Les tests in vitro ont montré
pratique courante sauf au Mexique où N. brasiliensis prédo- que les souches de N. brasiliensis testées étaient toutes
mine de façon écrasante. La détection des b-D-glucane dans sensibles à la majorité des aminosides qui avaient les meil-
le sérum semble prometteuse bien que l’on ait encore que leurs effets inhibiteurs comparés aux autres antibiotiques.
peu de données [8]. Sa présence signe une infection fongique L’association cotrimoxazole—amikacine a donc été tentée
et serait donc en faveur du diagnostic d’eumycétome avant chez un patient ayant un d’actinomycétome sévère avec
les résultats des examens mycologiques. Cet examen semble
particulièrement intéressant dans les formes où il n’y a pas
émission de grains. La diminution du taux sérique et la
disparition constitueraient un des arguments d’évolution
favorable sous traitement et de guérison.
Seules les méthodes de biologie moléculaire permettent
l’identification précise des espèces fongiques et actinomy-
cosiques mais elles sont trop onéreuses pour être utilisées
dans les pays endémiques [7,9,32]. L’un des défis dans les
années à venir est la mise au point de méthodes simples et
rapides pour l’identification des espèces causales des mycé-
tomes.

Traitement

Quelle que soit l’étiologie, le traitement devrait


toujours être médical dans un premier temps

Le traitement des mycétomes est difficile, long et coûteux.


Tous les auteurs s’accordent maintenant pour considérer
qu’il doit être médical dans un premier temps quelle que
soit l’étiologie [34]. Les principaux problèmes posés sont de
déterminer la durée du traitement et de juger de son effica-
cité en l’absence de critères formels de guérison.

Un traitement médical reposant sur les


antibiotiques pour les actinomycétomes

Le traitement des actinomycétomes est le mieux défini.


Presque toutes les études de laboratoire (modèles animaux,
détermination de la sensibilité des actinomycètes aux anti- Figure 2 Actinomycétome de l’épaule à Actinomadura pelle-
biotiques in vivo) et essais thérapeutiques récents provien- tieri.
nent du Mexique et ont donc surtout porté sur le traitement Shoulder actinomycetoma due to Actinomadura pelletieri.

Pour citer cet article : Develoux M. Les mycétomes et leur traitement. Journal De Mycologie Médicale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/
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les 12 heures par voie orale [5]. Une guérison clinique et


bactériologique a été observée chez 17 (71 %) d’entre eux,
une amélioration chez 2 (10 %) et un échec thérapeutique chez
4 (19 %). La durée moyenne du traitement était de 9,6 mois,
aucun effet secondaire clinique ou altération biologique n’ont
été observés. Dans les formes sévères ou réfractaires aux
schémas habituels, l’imipénem utilisé seul (3 cas) ou associé à
l’amikacine (5 cas), une guérison clinique et bactériologique a
été observée chez 4 patients, une diminution de 75 % de la
tuméfaction et une négativation des cultures chez les 4 autres
[4]. Dans les mycétomes à Nocardia spp résistants aux trai-
tements habituels ont été tentés le méropénem, le linézolide
dont les inconvénients sont le coût et les effets secondaires.
D’autres molécules sont en cours d’évaluation in vitro et dans
des infections expérimentales au Mexique [33].
Au total, le traitement des actinomycétomes est médical
même si les lésions sont évoluées avec ou sans atteintes
osseuses. Le cotrimoxazole représente le traitement gold
standard, l’association avec l’amikacine est réservée aux
patients ne répondant pas à ce traitement ou présentant des
formes sévères. D’autres options sont possibles pour les très
rares cas où il y a eu échec des précédents. On manque de
données suffisantes concernant le traitement des actino-
mycétomes à A. madurae et S. somaliensis qui semblent
plus résistants aux traitements habituels. Les indications
chirurgicales sont devenues exceptionnelles et ne doivent
être posées qu’après un traitement médical bien conduit. La
chirurgie utilisée d’emblée entraîne un risque de métastase
ganglionnaire par mobilisation des grains lors de l’interven-
tion. Par voie lymphatique, ils vont coloniser les ganglions
Figure 3 Guérison après un traitement d’un an par clotrimo-
relais, il va y avoir apparition de métastases ganglionnaires
xazole.
au bout d’un temps variable. Elles vont évoluer pour leur
Cure after a treatment with clotrimoxazole of one-year dura-
propre compte. Ce risque concerne avant tout les actino-
tion.
mycétomes à petits grains : Nocardia sp, A. pelletieri.

envahissement pulmonaire. La guérison de ce patient a amené


à proposer cette association dans les cas peu améliorés par le Un traitement antifongique décevant et coûteux
cotrimoxazole, à ceux présentant un risque de dissémination pour les mycétomes fongiques
(thorax, cou) ou avec atteinte osseuse ou viscérale. Le schéma
(régime de Welsh) comporte un ou plusieurs cycles d’amika- Il y a quelques décennies le traitement des mycétomes
cine i.v. ou i.m. à la dose de 15 mg/kg/j en deux prises fongiques reposait uniquement sur la chirurgie. Il s’agissait
pendant trois semaines associé au cotrimoxazole (8/40 mg/ d’interventions plus ou moins mutilantes. Certains chirur-
kg/j) pendant 5 semaines [33,34]. En fonction de la réponse, giens, en particulier Dakarois, ont mis au point des techni-
le cycle peut être répété jusqu’à 4 fois. Sur 57 sujets ayant ques visant à conserver l’appui dans les mycétomes évolués
reçu le régime de Welsh, un seul a présenté une récidive [33]. du pied nécessitant une amputation. Le taux de récidives
Pour obtenir la guérison, le nombre de cycle nécessaire a été était important survenant des mois ou des années après
de 1 pour 19 patients, 2 pour 15, 3 pour 18 et 4 pour 4. Les l’intervention, supérieur à 50 % dans la majorité des séries.
espèces isolées étaient majoritairement N. brasiliensis : 48, Ce n’est qu’avec l’apparition des azolés que l’on a pu
N. asteroides : 1, Nocardia spp : 2, A. madurae : 4 et envisager un traitement médical des mycétomes fongiques.
S. somaliensis : 1. Avant et après chaque cycle d’amikacine, Si le fluconazole apparaît inefficace dans cette indication, le
il faut évaluer la fonction rénale et pratiquer un audio- kétoconazole et l’itraconazole ont montré une certaine
gramme. Vingt pour cent de 56 patients évalués ont présenté efficacité in vitro [29] et in vivo sur M. mycetomatis. Cin-
des complications auditives minimes ou modérées détectées quante patients ayant un mycétome dû à cette espèce ont
par audiométrie. Un seul avait une atteinte sévère décelable été traités par kétoconazole à la dose de 200 mg à 400 mg/j
cliniquement [34]. En cas de résistance au traitement ou pendant des périodes de 3 à 36 mois avec une moyenne de
d’allergie à l’amikacine, la netilmicine (300 mg/j) représente 12,88 [20]. Une guérison ou une amélioration clinique
une alternative. notable ont été obtenues dans 72 % des cas. Pour 20 %, elle
Pour les patients n’ayant pas répondu aux schémas habi- était moins marquée et dans 8 %, il n’y avait aucune amélio-
tuels, d’autres molécules peuvent être proposées. Vingt et un ration, voire une aggravation. Le kétoconazole n’est plus
patients ayant pour agent étiologique Nocardia spp recommandé comme traitement de première intention en
(N. brasiliensis : 19, N. asteroides : 1, N. otitidisvaviarum : raison de sa toxicité hépatique. Les données concernant
1) ont reçu de l’amoxicilline—clavulanate 875/125 mg toutes l’itraconazole sont peu nombreuses. Treize patients ont

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été traités au Soudan par cet azolé par une dose de 400 mg/j résultats probants. Certains auteurs suggèrent d’associer un
pendant 3 mois puis 200 mg/j pendant 9 mois [14]. À la fin du azolé à la terbinafine arguant des modes d’action différents
traitement, on observait une guérison clinique apparente de ces produits. M. mycetomatis n’est pas sensible in vivo
dans un cas, une réponse partielle dans 7. Il n’y avait aucune aux échinocandines.
modification des lésions qui contenaient des grains toujours Les études sur les sensibilités des différents antifongi-
viables. L’encapsulation permettait une chirurgie plus aisée ques vis-à-vis des agents d’eumycétomes concernent sur-
avec un risque de récidive diminué. L’itraconazole par sa tout M. mycetomatis. Une étude de 2015 a étudié la
meilleure tolérance représente une amélioration par rapport susceptibilité des coeliomycètes agents plus rares apparte-
au kétoconazole mais semble insuffisant dans la majorité des nant à l’ordre des Pleosporales vis-à-vis de 8 antifongiques
cas pour l’obtention d’une guérison clinique s’il n’est pas [3]. Des CMI élevées ont été retrouvées avec le fluconazole,
associé à la chirurgie. Le rôle de la mélanine a été invoqué la caspofongine, la flucytosine et l’amphotéricine B. Le
pour expliquer les résistances de M. mycetomatis observées voriconazole et le posaconazole se montraient actifs sur
avec ces deux azolés [30]. Il a été montré in vitro que toutes les espèces testées. M. romeroi se révélait particu-
l’addition de mélanine aux milieux de culture augmentait lier par rapport aux autres espèces testées montrant des
notablement leurs concentrations minimales inhibitrices CMI significativement plus basses vis-à-vis de l’amphotéri-
(CMI) vis-à-vis de ce champignon. cine B et significativement plus élevées pour le fluconazole,
Le voriconazole et le posaconazole sont des triazolés de le kétoconazole et l’itraconazole. Les auteurs attirent
dernière génération disponibles sur le marché de certains l’attention sur le fait que les résultats peuvent varier selon
pays. Le premier a montré une activité in vitro similaire au les méthodes de sensibilité utilisées. À la vue de leurs
kétoconazole et à l’itraconazole sur M. mycetomatis [29]. résultats où il apparaît que le voriconazole et le posacona-
Les susceptibilités de 34 souches de M. mycetomatis ont été zole sont plus efficace dans l’inhibition des croissances que
testées vis-à-vis du posaconazole qui s’est révélé très actif le kétoconazole et l’itraconazole, ce qui est également le
contre ce champignon. On n’a pour l’instant que peu de cas pour M. mycetomatis, ils proposent de reconsidérer le
données concernant l’usage de ces deux azolés dans le traitement standard reposant jusqu’ici sur ces deux der-
traitement des mycétomes chez l’homme, les résultats niers azolés.
publiés ne concernant que quelques cas isolés. Quelques Deux nouveaux azolés l’isavuconazole [17] et le ravuco-
guérisons ont pu être obtenues par le voriconazole sans nazole [2] ont montré une activité antifongique in vitro sur
chirurgie associée [18,19,27]. En Argentine, six patients M. mycetomatis. L’un comme l’autre ont des CMI excep-
ayant un eumycétome dont cinq avec atteinte osseuse ont tionnellement basses, inférieures à celles du kétoconazole
été traités par posaconazole à la dose de 800 mg/j en deux ou de l’itraconazole vis-à-vis de ce champignon, en parti-
prises après échec d’autres traitements antifongiques [25]. culier, le ravuconazole. En raison de ces résultats et de
Un succès clinique a été observé dans cinq cas, quatre ayant leurs propriétés pharmacologiques, ils représentent un
une réponse complète et un une réponse partielle. À la suite grand espoir dans le traitement des mycétomes dus à
de ces premiers résultats, le posaconazole a été considéré M. mycetomatis qui doit être confirmé par des études in
peut-être un peu trop rapidement comme le traitement de vivo. L’isavuconazole a également une activité marquée sur
sauvetage des cas résistants aux thérapeutiques habituelles. Exophiala spp, par contre ses CMI vis-à-vis de certains
En France, 11 cas d’importation ont été traités par l’un ou agents de mycétomes à grains blancs comme P. boydii et
l’autre de ces deux azolés de dernière génération pendant Fusarium spp sont plus élevées que celles obtenues avec
une période moyenne de 25,9  18 mois [8]. Cinq d’entre eux M. mycetomatis. Le ravuconazole a également une activité
avaient reçu auparavant un traitement antifongique et huit inhibitrice in vitro sur E. jeanselmei et Curvularia lunata,
avaient eu une intervention chirurgicale. Une réponse champignon rarement impliqué dans cette pathologie, mais
complète définie par une amélioration majeure constatée une résistance a été constatée vis-à-vis de P. boydii et
cliniquement et par l’IRM a été observée chez cinq des Fusarium spp.
11 patients. La réponse n’était que partielle chez La surinfection des mycétomes ayant des lésions ouvertes
5 autres : amélioration mineure ou lésions stables à l’IRM. a été longtemps négligée et sous-estimée. Trois groupes ont
Enfin un seul cas, avec atteintes viscérales, était un échec. été constitués à partir de 337 patients ayant une co-infection
Des effets secondaires n’ont été notés que chez trois d’entre à M. mycetomatis et S. aureus [22]. Le premier groupe de
eux. Les meilleures réponses dans cette série dépendaient de 142 recevait l’association amoxicilline—acide clavulanique
l’espèce en cause (réponse médiocre des cas dus à Fusarium et kétoconazole, le deuxième de 92 l’association ciproflo-
sp), de la rapidité de la mise en œuvre des nouveaux azolés xacine—kétoconazole et 102 ne recevaient que du kétoco-
par rapport à la date de début des signes cliniques nazole. C’est dans le premier groupe qu’on a observé les
(< 65 mois). Pour ces auteurs, le succès thérapeutique qu’ils meilleurs résultats : 60,6 % de guérison ou de rémission
ont pu observer avec le voriconazole chez des patients ayant partielle comparés aux pourcentages respectifs de 30,1 %
eu l’échec d’un traitement préalable par des azolés plus et de 36,3 % dans les deuxièmes et troisièmes groupes. Ces
anciens pourrait s’expliquer par sa moins grande susceptibi- résultats montrent bien l’intérêt de l’association amoxicil-
lité à établir une liaison avec la mélanine, ce qui entraîne une line—acide clavulanique—kétoconazole dans le traitement
meilleure disponibilité du produit. Seules de grandes séries des mycétomes fongiques avec surinfection par S. aureus.
permettront de tirer des conclusions sur l’efficacité du L’intérêt des anti-inflammatoires dans le traitement des
voriconazole et posaconazole dans cette pathologie, elles mycétomes est soulevé par une observation de mycétome
supposent des études menées en zone d’endémie. fongique publiée par Dupont et al. où la guérison clinique a
Parmi les autres antifongiques, la griséofulvine, l’ampho- été obtenue en associant antifongique et anti-inflammatoire
téricine B et la terbinafine n’ont pas permis d’obtenir des [11].

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8 M. Develoux

La chirurgie reste toujours indiquée dans le contradictoire concernant le bienfait de l’association chi-
traitement des mycétomes fongiques rurgie et traitement médical dans les mycétomes fongiques
alors que cette association est recommandée. Ces patients
La chirurgie garde toujours une place importante dans le ayant des lésions massives ont un passé d’interventions
traitement des eumycétomes. Un cas particulier est celui des chirurgicales répétées, de récidives et de compliance médio-
formes nodulaires auto-limitées, d’évolution parfois pro- cre. Des amputations se sont avérées nécessaires chez
longée dont la biopsie—exérèse permet de faire à la fois 35 patients ayant un mycétome fongique contre une seule
le diagnostic et le traitement radical. La chirurgie se discute chez ceux ayant un actinomycétome.
après un traitement antifongique préalable de plusieurs
mois. Elle doit être la moins mutilante possible tout en étant Guérison et surveillance post-thérapeutique
assez large pour éviter de laisser en place des grains ce qui
entraînerait une reprise du processus infectieux. Trop sou- Une absence de critères fiables de guérison
vent, on voit des patients subissant des interventions itéra-
tives en raison de récidives répétées, à plus ou moins long L’arrêt du traitement est une décision difficile à prendre. Il
terme une amputation sera inévitable (Fig. 4). Elle peut n’existe pas en effet pour l’instant de critère formel de
s’imposer rapidement devant un patient vu pour la première guérison. Le risque de reprise du processus après apparente
fois avec des lésions historiques. guérison clinque est important. Il a été diminué depuis la
Une étude faite par la clinique des mycétomes de Khar- mise en œuvre de traitements médicaux mais il est proba-
toum témoigne des problèmes posés par le traitement des blement sous-estimé. Il faut donc surveiller régulièrement
mycétomes en zone endémique [35]. Elle visait à identifier les patients après un traitement médical associé ou non à une
les facteurs prédictifs de guérison, d’amputation et de perte chirurgie. La surveillance devrait durer au minimum trois
de vue de 1544 patients, 1242 ayant un mycétome fongique ans, le risque de reprise du processus diminuant notablement
et 302 un actinomycétome. Dans le premier groupe, une après cette période. En pratique en zone endémique, il est
durée prolongée du traitement et l’absence de notion de difficile de suivre des patients qui vivent loin des centres
récidive étaient des facteurs prédictifs d’augmentation des hospitaliers équipés. Pour les auteurs soudanais qui ont la
chances de guérison. À l’inverse, la taille de la lésion (5— plus grande expérience des mycétomes fongiques, la guéri-
10 cm ou > 10 cm), l’association d’un traitement médical et son est définie par la disparition de la masse cliniquement et
d’une chirurgie étaient des facteurs prédictifs de diminution radiologiquement (scanner ou IRM), la fermeture des fistules
de ces chances. Les lésions de grande taille, les amputations et la disparition de l’agent infectieux [34]. Dans la série
et les traitements prolongés étaient des facteurs prédictifs française d’eumycétomes importés [8], le dosage des b-
en faveur de la réduction du pourcentage de patients suivis glucanes et la réponse obtenue au CT/scan sont des examens
médicalement. Dans le groupe des patients ayant un acti- prometteurs comme critères d’efficacité du traitement et de
nomycétome, seul un traitement médical était un facteur guérison. Ces premiers résultats demandent à être
prédictif indicatif de guérison. Dans les deux groupes, le confirmés, l’inconvénient de ces deux examens est leur coût.
pourcentage de patients perdus de vue était particulière-
ment élevé : respectivement 54 et 56 %. Il faut prendre ne
Stratégie de lutte et éducation sanitaire
compte le fait que cette structure reçoit un nombre impor-
tant d’infections avancées ce qui expliquerait le résultat
L’éducation sanitaire, un aspect négligé de stratégie de lutte
pour l’instant, des populations en zone endémique devrait
être un des aspects majeurs de la lutte contre l’infection.
Dans une étude menée dans un village du Soudan [15], il est
apparu que les habitants n’avaient que des connaissances
très limitées sur les différents aspects des mycétomes. Si
96,3 % étaient au courant de leur existence seuls 3,7 %
avaient de solides notions sur celles-ci. Ces constatations
plaident pour une approche intégrée sur le terrain associant
un dépistage précoce des lésions, une éducation des popu-
lations et des paramédicaux devant les prendre en charge.
Cette stratégie de lutte avait été complètement négligée
jusqu’ici ce qui devrait changer avec l’inclusion des mycé-
tomes dans le groupe des maladies négligées de l’OMS.

Conclusion

Les mycétomes sont des infections enfin sorties de l’oubli.


Figure 4 Atteinte osseuse diffuse d’un mycétome fongique du Les progrès diagnostiques et thérapeutiques ont été majeurs
pied à Acremonium sp. Malgré le traitement par voriconazole, ces dernières années. Le traitement des actinomycétomes
l’amputation n’a pu être évitée. est presque exclusivement médical et peut conduire à la
Diffuse bone involvement of a foot fungal mycetoma du to guérison. Le traitement médical des eumycétomes reste
Acremonium sp. A treatment with voriconazole did not avoid décevant et surtout coûteux. Exception faite du centre de
amputation. recherche sur les mycétomes de Khartoum, le traitement

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Les mycétomes et leur traitement 9

médical est exceptionnellement utilisé dans les pays endé- [17] Kloezen W, Meis JF, Curfs-Breuker I, et al. In vitro antifungal
miques et la chirurgie d’emblée est la règle. Elle peut être activity of isavuconazole to Madurella mycetomatis. Antimi-
mutilante dans les formes vues tardivement. Des espoirs se crob Agents Chemother 2012;56:6054—6.
portent sur des azolés de dernière génération comme l’isa- [18] Lacroix C, de Kerviler E, Morel P, et al. Madurella mycetomatis
mycetoma treated successfully with oral voriconazole. Br J
vuconazole en raison de son excellente activité in vitro. Il est
Dermatol 2008;152:1067—8.
souhaitable d’explorer d’autres pistes comme l’utilisation de [19] Loulergue P, Hot A, Dannaoui E, et al. Successful treatment of
nouveaux produits non azolés. Il y a donc nécessité de faire black-grain mycetoma with voriconazole. Am J Trop Med Hyg
des études sur le terrain sur l’évolution à long terme d’un 2006;75:1106—7.
échantillon de patients traités dans différentes zones endé- [20] Mahgoub ES, Gumaa SA. Ketoconazole in the treatment of
miques pour essayer de déterminer des facteurs de guérison mycetoma due to Madurella mycetomi. Trans R Soc Trop
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amoxicillin-clavulanic acid and ketoconazole in the treatment
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Pour citer cet article : Develoux M. Les mycétomes et leur traitement. Journal De Mycologie Médicale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/
j.mycmed.2016.03.005

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