3,60 € vendredi 22 mars 2024 LE FIGARO - N° 24 752 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Première édition

Maxime
Frédéric
chez Louis le figaro scope patrimoine
Vuitton. ● paris : Pâques, 10 chocolatiers en vue rachida dati et stéphane
● BLOIs : un week-end d’art foisonnant bern : « Il faut maintenir
en bord de Loire ● TARN-ET-GARONNE : en vie les monuments » Page 31
les tables secrètes du terroir Pages 36 à 39

exécutif
Macron : mauvais
sondages et
Thierry Breton :
« Personne ne peut
Émissions de CO2 :
la France dans
mauvais comptes
PAGE 2
anticiper, à ce stade, qui
commerce présidera la Commission
le vert grâce
Ceta : le Sénat
rejette la ratification de Bruxelles »
de l’accord de libre-

au nucléaire
échange PAGE 2
Europe
Après les attaques
sur Kiev, Zelensky
exhorte l’UE à faire Une baisse record vient d’être enregistrée pour 2023.
plus pour Elle est en partie liée au redémarrage de réacteurs
l’Ukraine PAGEs 6 et 7
qui avaient été arrêtés pour maintenance.
états-unis La France a retrouvé en 2023 baisse de leurs émissions de vité économique, mais cela
Face au carnage une électricité très large- gaz à effet de serre, dans s’ajoute à des efforts structu-
à Gaza, le virage ment décarbonée grâce à la l’industrie comme dans le rels menés depuis des an-
radical remise en service des réac- chauffage des bâtiments, ce nées. Le secteur où la baisse
teurs nucléaires qui avaient qui se traduit par une dimi- est la moins nette est celui
de Washington été arrêtés à la suite de pro- nution record l’année der- des transports, qui reste de
envers Israël PAGE 8 blèmes de corrosion. Mais les nière dans notre pays. Une loin le premier émetteur de
autres secteurs de l’activité partie de cette baisse est liée gaz à effet de serre du pays,
sports ont eux aussi connu une au ralentissement de l’acti- loin devant l’agriculture.
De Gaulle, è Corinne Le Quéré : « La France a su décorréler sa croissance économique
le précieux héritage et ses rejets de gaz à effet de serre »
olympique PAGE 13 è Trente pays consacrent le nucléaire comme solution de la décarbonation
pages 10, 11 et l’éditorial

finances
Paul Delort / Le Figaro

Les retards
de paiement, Comment les rectorats
première source
de conflit entre relèvent les notes
entreprises PAGE 20 du brevet des collèges
Après avoir vertement mis en cause la légitimité
CHAMPS d’Ursula von der Leyen à rempiler pour un second Les « correctifs académiques » ré. Après ces « correctifs », des
LIBRES mandat à la tête de la Commission, le commissaire permettent de gonfler le taux de écarts jusqu’à 6 points apparais-
français appelle à un sursaut lors des élections réussite au brevet, faussant le sent. Pratique à laquelle le pre-
●Le grand défi européennes de juin. Il dresse la liste des défis
niveau scolaire des élèves. Un mier ministre veut mettre fin,
de la succession géopolitiques et économiques qui attendent l’Europe,
grand bidouillage dont la réalité alors que le brevet sera obliga-
chiffrée apparaît dans un docu- toire pour entrer en seconde en
des vignerons sans exclure d’avoir à les relever personnellement. PAGE 4 ment que Le Figaro s’est procu- 2025. PAGE 9
de légende
●Les tribunes
de Céline Imart éditorial par Cyrille Vanlerberghe
et de Pascal Canfin
●La chronique
de Laurence
Un motif d’optimisme

L
de Charette a planète est « au bord du gouf- décarbonée. Mais l’amélioration concerne
PAGES 15 à 17 fre », a averti cette semaine An- aussi d’autres secteurs, comme l’industrie,
tonio Guterres, le secrétaire gé- les transports et l’habitat. Et il ne s’agit pas
FIGARO OUI néral des Nations unies, après un
rapport constatant que 2023 a
que d’un effet conjoncturel, lié au ralentis-
sement de l’activité économique. Les ef-
FIGARO NON conclu la décennie la plus chaude jamais forts fournis depuis des années pour décar-
Réponses enregistrée, signe d’un réchauffement boner l’ensemble de nos activités portent
à la question de jeudi : dont chaque fraction de degré en plus a leurs fruits. Autre motif d’optimisme, la
Faut-il couper « un impact sur l’avenir de la vie sur Terre ». France n’est pas seule dans cette bonne
dans les dépenses Dans le flot incessant de mauvaises nou- dynamique : l’Allemagne et le Royaume- Douillets et enveloppants, des canapés
sociales pour réduire velles sur le climat, le nouveau cri d’alarme Uni ont eux et fauteuils à vivre pleinement ! Structure
les déficits publics ? du patron de l’ONU donne l’image d’une Concilier lutte aussi enregis- renforcée en hêtre massif et panneaux de

OUI NON
humanité en roue libre s’apprêtant à tom-
ber d’une falaise. Cette image n’est pas
contre le tré en 2023
des baisses re-
particules, coussins en plumes ou en mousse
d’un confort absolu. Fabriqués en France.
79 % 21 % seulement fausse, elle donne aussi l’im- réchauffement cords. Pour Conditions exceptionnelles !
VOTANTS : 202 489 pression que rien ne peut être fait pour évi-
ter le pire. Ce n’est pourtant pas le cas, et la
et croissance l’Union euro-
péenne com-
Votez aujourd’hui situation de la France en est une très bonne me pour les États-Unis, c’est la poursuite
sur lefigaro.fr illustration. d’une réduction - trop lente mais réelle -
Faut-il interdire L’année dernière, les émissions de gaz à ef- des rejets de gaz à effet de serre depuis une
3’:HIKKLA=]UX[U[:?k@d@m@c@a";

aux rectorats fet de serre dans notre pays ont franche- vingtaine d’années. C’est bien la preuve
de remonter les notes ment diminué, de 4,8 %, constate un rap- qu’il est possible de concilier lutte contre le
des élèves pour port officiel, rendu ces derniers jours. Cette réchauffement et croissance économique. ©
M 00108 - 322 - F: 3,60 E

améliorer le taux baisse très nette est en partie due au redé- Il faut seulement espérer que cette leçon
de réussite au brevet ? marrage des centrales nucléaires d’EDF, servira d’exemple à la Chine, de loin le plus
mises à l’arrêt pendant de longs mois pour gros émetteur de CO2 au monde, dont l’im- Canapés et canapés-lits made in France
Le Brazidec--SEBASTIEN SORIANO/ des vérifications de sûreté, ce qui a permis pact sur le climat ne cesse de s’alourdir an- 63 rue de la Convention Paris 15e
Le Figaro-Edouard ROUSSEL/
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 2 vendredi 22 mars 2024 le figaro
Loris Boichot et Louis Hausalter
À l’issue de trois
réunions convoquées
mercredi à l’Élysée,
le président a demandé
des pistes d’économies
sur les collectivités
et la Sécurité sociale.
C
e sont deux grandes
angoisses dans le camp
d’Emmanuel Macron.
D’abord, les élections euro-
péennes, alors que les son-
dages donnent la liste de
l’eurodéputée Valérie Hayer largement
distancée par celle du Rassemblement
national (RN).
Ensuite, les finances publiques, alors
que le gouvernement est confronté à un
déficit encore plus élevé que prévu :
l’Insee doit annoncer mardi un chiffre
« supérieur à 5 % », a admis sur Franceinfo
le ministre des Comptes publics, Thomas
Cazenave. Deux sujets sur lesquels le pré-
sident de la République a mis en scène une
reprise en main en convoquant une série
de conciliabules à l’Élysée, mercredi.
Cela a débuté avec un point « techni-
que », dixit un témoin, sur les questions
budgétaires, en présence de Gabriel
Attal et plusieurs ministres concernés.
Le président a ensuite enchaîné avec
une autre réunion plus « politicienne »
consacrée aux européennes, en compa-
gnie de plusieurs cadres de son parti,
Renaissance. Puis il a de nouveau abordé
ces deux sujets sensibles lors d’un dîner
plus élargi qui a duré plus de trois heu-
res. Autour de la table : Gabriel Attal, la
présidente de l’Assemblée Yaël Braun-
Pivet, les présidents des groupes parle-
mentaires de la majorité, le patron du
Mouvement démocrate (MoDem)
François Bayrou, plusieurs ministres
- dont Bruno Le Maire (Économie),
Gérald Darmanin (Intérieur), Catherine
Vautrin (Travail), Christophe Béchu
(Transition écologique) et Stéphane
Séjourné (Affaires étrangères) -, ainsi
que le député Jean-René Cazeneuve,
Ceta : le Sénat rejette la ratification
de l’accord de libre-échange
Wally Bordas
En pleine campagne européenne, ce vote met le gouvernement en difficulté.
C’
est un petit coup de tonnerre
symbolique lourd de consé-
quences politiques. Jeudi
après-midi, au bout du sus-
pense, le Sénat a rejeté la ratification de
l’accord de libre-échange Ceta, grâce au
large rejet de l’article 1 du projet de loi.
Ce vote intervient cinq ans après un
scrutin difficile à l’Assemblée nationale
où, en 2019, les députés avaient validé
dans la douleur ce traité économique et
commercial avec le Canada. Or Covid-19
et suspension des travaux parlementai-
res obligent, le texte était ensuite tombé
dans l’oubli et il n’avait jusqu’ici pas été
débattu à la Chambre haute. C’est désor-
mais chose faite.
L’issue, au Palais du Luxembourg, est
loin d’être une bonne nouvelle pour le
gouvernement, qui ne s’attendait pas à ce
que son projet de loi, perdu dans les lim-
bes de la navette parlementaire depuis
plusieurs années, revienne sur le devant
de la scène politique. C’était sans comp-
ter sur la malice du groupe communiste
au Sénat, qui a profité de sa journée d’ini-
tiative parlementaire pour exhumer ce
texte du gouvernement. Le tout dans un
contexte particulier : celui d’une campa-
gne européenne largement traversée par
le mouvement des agriculteurs, dont la
colère et les inquiétudes portent notam-
ment sur les traités de libre-échange.
Avant même que le vote n’ait lieu, le
gouvernement a largement dénoncé le
coup politique des communistes. « Ce se-
rait une manœuvre grossière, une mani-
pulation inacceptable qui serait lourde de
conséquence pour nos pays », a prévenu
Franck Riester, ministre du Commerce
extérieur, en ouverture des débats. Le
même Franck Riester a vanté un accord
A
qui « s’est révélé être », depuis son adop-
tion par le Parlement européen en 2017,
Macron :
mauvais
sondages
et mauvais
comptes
Emmanuel Macron,
le 21 mars, à Bruxelles.
rapporteur général du budget. Édouard
Philippe, en déplacement en Nouvelle-
Calédonie, était absent.
Emmanuel Macron a sans surprise ap-
pelé à « une mobilisation totale » pour des
européennes qu’il voit comme « un com-
bat de civilisation ». Le président, qui vi-
lipende en privé les « tireurs couchés »,
ces cadres de sa majorité qui se plaignent
anonymement de la stratégie électorale,
a déploré les « commentaires ». Il a poin-
té l’absence de nombreux parlementai-
res au meeting de lancement de la cam-
pagne à Lille. En aparté, il a chargé le
directeur de la campagne, Pieyre-
Alexandre Anglade, de surveiller l’enga-
gement militant des parlementaires et de
demander à chaque ministre de mener
une opération par semaine – déplace-
un traité qui « favorise notre économie,
positif pour la filière agricole ».
Mais les parlementaires du Palais du
Luxembourg n’ont cure des critiques du
gouvernement. À l’instar du sénateur
LR Pascal Allizard, ils reprochent au
contraire le « mépris » de l’exécutif pour
la Chambre haute, qui n’avait jamais été
saisie de ce texte. « Votre intervention
n’est pas respectueuse du Sénat. Vous
avez sorti des arguments que, même au
temps de la guerre froide, on n’osait pas
sortir devant un hémicycle », a quant à
elle tancé la patronne du groupe com-
muniste, Cécile Cukierman.
« C’est un signal clair
à la Commission
européenne au moment
où celle-ci négocie
le Mercosur »
Bruno Retailleau
président du groupe LR au Sénat
Sur le fond, si les sénateurs macronis-
tes et centristes ont vanté les mérites du
Ceta, les bancs de la gauche et des Répu-
blicains ont largement critiqué l’accord.
« Nous ne pouvons plus continuer à im-
porter d’ailleurs ce que nous produisons
chez nous », a cinglé le LR Laurent Du-
plomb. « Il ne s’agit pas ici de remettre en
cause le libre-échange », a de son côté
plaidé la LR Valérie Boyer, estimant que
le Ceta, loin de répondre aux « objectifs
louables », mettait « une épée de Damo-
clès sur notre agriculture ».
Le patron du groupe écologiste,
Guillaume Gontard, ne dit pas autre
chose, lui qui y voit une « catastrophe
pour le climat et la santé humaine » sour-
ce de « concurrence déloyale, particuliè-
Politique
ment, réunion publique ou tractage.
« Nos députés feront campagne partout »,
a promis le patron du groupe Renaissan-
ce, Sylvain Maillard.
Double enjeu
Malgré les mauvais sondages, il n’y a pas
de fatalité, a martelé le chef de l’État,
avec cet argument : « Nous sommes dans
une meilleure situation qu’en 2019, sou-
venez-vous des “gilets jaunes” ! » Il y a
cinq ans, la liste macroniste avait limité
la casse en arrivant moins d’un point
derrière le RN, après plusieurs mois de
crise, de manifestations violentes puis
de « grand débat ». Quant à la liste des
candidats, le chef de l’État a préféré
temporiser : les 30 premiers noms ne se-
ront pas connus avant la fin mars. L’ob-
rement en matière agricole ». « Après
sept ans de mise en œuvre, le bilan de cet
accord provisoire permet de dresser un
tableau mitigé pour le commerce, claire-
ment négatif pour l’environnement, et
pesant sur nos normes », a ajouté le so-
cialiste Didier Marie.
Malgré l’obstruction parlementaire
d’un certain nombre de sénateurs ma-
cronistes et centristes, la ratification du
Ceta est donc rejetée au Sénat. Au grand
dam du gouvernement, qui n’avait pas vu
le coup venir. « Un signal clair à la Com-
mission européenne au moment où celle-ci
négocie le Mercosur », se félicite, auprès
du Figaro, le président du groupe LR au
Palais du Luxembourg, Bruno Retailleau.
Selon nos informations, après le rejet
de ce texte, le gouvernement n’envisage
pas de convoquer les deux chambres
dans une commission mixte paritaire
(CMP) pour tenter de trouver un accord.
Pas plus qu’il n’entend réinscrire le tex-
te à l’Assemblée pour qu’elle s’en saisis-
se à son tour. Mais les communistes ne
comptent pas se laisser faire et refusent
de voir le texte retomber aux oubliettes :
le président du groupe à l’Assemblée,
André Chassaigne, a ainsi promis qu’il
serait inscrit au menu de leur niche par-
lementaire, le 30 mai prochain. Soit à
quelques jours du scrutin des européen-
nes, qui se tiendra le 9 juin.
Un nouveau rejet serait un message
fort, mais ses répercussions seraient
toutefois limitées : le gouvernement
n’est pas obligé de notifier les institu-
tions européennes de la décision du Par-
lement national - c’est par exemple le
cas de Chypre. Autrement dit, l’exécutif
pourrait décider de s’extraire du vote de
la représentation nationale et laisser
l’application provisoire de l’accord se
poursuivre à l’échelle européenne. ■
jectif : « Garder tout le monde sous ten-
sion », selon un gradé de Renaissance.
L’ordre du jour a ensuite basculé vers
les sujets budgétaires. Avec un rabot de
10 milliards d’économies dès cette an-
née, Emmanuel Macron estime que
l’État montre l’exemple. « Nous sommes
bons élèves », a-t-il martelé, en consi-
dérant que les oppositions ne seraient
pas capables d’en faire autant : « Elles ne
proposent que des dépenses ». Le prési-
dent a mis le cap sur une meilleure maî-
trise des deux autres champs de la dé-
pense : la Sécurité sociale (qui en
représente environ la moitié) et les col-
lectivités (environ un cinquième).
« Vous devez mobiliser les parties pre-
nantes de la dépense publique pour qu’el-
les participent à cet effort national »,
CONTRE-POINT
PAR GUILLAUME TABARD
Quand le désir d’un choc frontal
se retourne contre la majorité
V
oilà près de deux ans que l’on
guette à l’Assemblée nationale
« l’accident » qui mettra le
gouvernement dans l’embar-
ras. Et c’est au Sénat qu’il subit un ca-
mouflet lourd en menaces politiques. Qui
aurait imaginé que ce soit à partir d’une
initiative du groupe communiste, très
minoritaire au sein de la Haute Assem-
blée, que se produise cette déflagration ?
Traité de libre-échange avec le Cana-
da, le Ceta était devenu un enjeu politi-
que plus encore qu’un enjeu commer-
cial. Son rejet intervient au lendemain
de la crise agricole où les Français, qua-
si unanimes, ont soutenu une profes-
sion menacée par certaines formes de
concurrence internationale ; et à la
veille d’élections européennes pour
lesquelles une force protectionniste, le
Rassemblement national, semble avoir
le vent en poupe. C’est dire si ce vote
tombe au plus mauvais moment pour
l’exécutif.
Ce traité avec le Canada est en fait la
victime expiatoire d’une crainte plus gé-
nérale : celle de voir la France, son in-
dustrie autant que son agriculture, ba-
layée par une concurrence mondiale à
laquelle on n’aurait pas su résister. Ce
traité-là, pourtant, était à ce jour bénéfi-
que pour nos exportations. Et c’est le
propre des échanges internationaux : ils
fonctionnent dans les deux sens. On ne
peut pas à la fois brandir la menace des
importations et refuser des débouchés
nouveaux pour nos produits. On peut
donc estimer l’alternative entre libre-
échangisme et protectionnisme trop
simpliste ; et le gouvernement aurait de
bonnes raisons de s’agacer d’un vote
conduisant la France à se tirer une balle
dans le pied rejetant le Ceta.
Mais le camp macroniste lui aussi fait fi
de la complexité en mettant en scène une
campagne opposant d’une manière tout
aussi simpliste les bons « Européens »
aux dangereux « nationalistes », les mo-
SAMEER AL-DOUMY/AFP
a lancé le président aux ministres, char-
gés de la mission délicate de s’adresser
aux partenaires sociaux et aux élus lo-
caux pour dégager des économies. Au
passage, Emmanuel Macron a exclu tou-
te hausse d’impôt et écarté la piste d’une
loi de finances rectificative : le risque
d’une motion de censure est dans tous
les esprits. En levant la séance, le chef de
l’État a donné rendez-vous à son camp
« dans deux ou trois semaines », selon un
participant, pour faire le point sur les ef-
forts demandés. Avec un double enjeu :
échapper à la foudre des agences de no-
tation en avril-mai, mais aussi à celle
des électeurs début juin. ■
» Lire aussi Page 21
+
dernes « progressistes » aux « réaction-
naires » obscurantistes, les nobles « réa-
listes » aux vils « démagogues », les cou-
rageux défenseurs de l’Ukraine aux
« munichois » valets de Poutine. À force
de vouloir une campagne en noir et
blanc, il ne faut pas s’étonner que vos ad-
versaires s’emparent dans le même esprit
de la question des relations commercia-
les. D’autant qu’en s’opposant au Merco-
sur, et en réclamant désormais des
« clauses miroirs » dans la négociation de
ce type de traités, le gouvernement a dû
lui aussi consentir à mettre de l’eau dans
son vin libre-échangiste.
Le vote des Républicains est aussi un
signe que la droite est moins que jamais
dans l’idée de jouer les béquilles de la
majorité macroniste. Il y a pourtant un
risque que, majoritairement libérale, elle
donne l’impression, par son vote, de
tourner le dos à une partie de son ADN
économique. Comme l’avaient fait ceux
des siens qui avaient voté contre la réfor-
me des retraites. Mais, dans l’opinion,
c’est un fait que le besoin de protection,
dans tous les domaines, l’emporte sur
l’envie d’ouverture. En se retrouvant
seule à défendre le Ceta, la majorité se re-
trouve ainsi à découvert.
Après le vote du Sénat, il y aura vrai-
semblablement celui à l’Assemblée, fin
mai ; tout aussi incertain. S’il est négatif,
l’exécutif passera-t-il outre ou l’accepte-
ra-t-il ? Entre l’isolement en Europe et le
déni d’un vote au Parlement, le piège dia-
bolique menace de se refermer sur lui. ■
 4 vendredi 22 mars 2024 le figaro
Thierry Breton :
« Au regard
de l’Histoire,
ces élections sont
les plus importantes
depuis longtemps »
Propos recueillis par Anne Cheyvialle et Florentin Collomp
Avant les élections de juin, le commissaire
européen livre ses ambitions pour renforcer
l’Union face aux défis géopolitiques.
T
hierry Breton est com-
missaire européen au
Marché intérieur, en
charge de l’Industrie, de
la Défense, du Spatial et
du Numérique.
LE FIGARO. - La guerre en Ukraine
est-elle à vos yeux un enjeu crucial
des élections européennes de juin ?
THIERRY BRETON. - La guerre en
Ukraine est un enjeu existentiel évi-
dent pour l’Europe, qui dépasse les
élections. La question est de savoir si
l’on veut continuer à donner à l’Ukrai-
ne les moyens de se défendre contre
Vladimir Poutine. On sait très bien que
Poutine est contre le projet européen :
c’est lui qui mène des campagnes
contre nos démocraties, qui use de
menaces hybrides pour influencer nos
élections, qui utilise des migrants pour
déstabiliser les pays ayant des frontiè-
res communes avec la Russie ou la Bié-
lorussie. Le jour où Volodymyr Zelens-
ky et Vladimir Poutine décideront de
s’asseoir à une table de négociation, ce
dernier devra comprendre que, der-
rière Zelensky, il y a une puissance de
défense prête à empêcher que ce qui
s’est passé en Ukraine ne s’étende à
d’autres pays. L’Europe est de plus en
plus seule - et il ne faut pas en avoir
peur - face à son destin, par rapport à
ce qu’il se passe sur notre front est,
mais aussi en Chine ou aux États-Unis.
L’enjeu, c’est la façon dont l’Europe
sera capable d’être encore plus forte et
plus autonome face à cette nouvelle
donne géopolitique.
Vous aviez promis 1 million d’obus
à l’Ukraine en 2024. Où en est-on ?
Nous avons depuis un an fait porter tous
nos efforts pour accroître nos capacités
de production, à l’instar de ce que nous
avons fait en 2021 pour la fabrication de
vaccins contre le Covid. Nous avions
une capacité de production de
500 000 obus par an ; en dix mois nous
l’avons doublée, et nous allons passer à
plus de 2 millions en 2025. Nous som-
mes en train de passer en mode écono-
mie de guerre, notamment en ce qui
concerne la poudre et les explosifs.
RIP sur l’immigration : Attal pousse Fabius à rejeter l’initiative LR
Emmanuel Galiero
La droite opposera ses arguments juridiques au mémoire envoyé par le chef du gouvernement au président du Conseil constitutionnel.
U
n bras de fer entre experts de la
Constitution, mais aussi une
bataille politique. En trans-
mettant mercredi au Conseil
constitutionnel cinq pages d’observa-
tions sur la proposition de loi portée par la
droite visant à réformer l’accès aux pres-
tations sociales des étrangers, Gabriel
Attal n’a pas laissé Les Républicains sans
réaction. Fermement décidés à défendre
leur projet de référendum d’initiative
partagé (RIP), ils déposeront sans tarder
un contre-argumentaire sur le bureau
des Sages de la rue de Montpensier.
Dans son mémoire, le secrétariat géné-
ral du gouvernement produit une liste de
A
remarques pour démontrer que la propo-
sition LR ne porte sur « aucun des objets
Nous avons déjà réussi à fournir à
l’Ukraine 1 million d’obus comme les
chefs d’État et de gouvernement s’y
étaient engagés. Nous devons évidem-
ment aller plus loin et toujours plus vite.
L’Europe serait-elle capable
d’assumer seule la défense de l’Ukraine,
si les États-Unis s’en désengagent
en cas de victoire de Donald Trump ?
On ne peut pas jouer la protection de
nos concitoyens à pile ou face tous les
quatre ans à chaque élection américai-
ne. En matière de défense, en Europe,
on sait tout faire. Nous avons toutes les
compétences technologiques : nous sa-
vons faire des missiles hypersoniques,
des porte-avions, des sous-marins nu-
cléaires, des chars, les avions de com-
bat les plus performants au monde. No-
tre défi, c’est de monter en cadence
dans toutes les usines d’armement du
continent. Nous devons notamment
créer des stocks stratégiques comme le
font les États-Unis. Pour accroître no-
tre autonomie et renforcer le pilier
européen de l’Otan. Nous pouvons le
faire parce que nous sommes vingt-
sept, unis, sur un continent de 450 mil-
lions d’habitants - je le rappelle, c’est
une fois et demie les États-Unis. Nous
avons fourni plus de 28 milliards
d’euros d’aide militaire à l’Ukraine, à
quoi vont s’ajouter 21 milliards en 2024.
C’est plus que les États-Unis. Il faut
mettre les choses en perspective : on
dépense en matière de défense au ni-
veau européen 240 milliards à 250 mil-
liards d’euros par an. Avec l’augmen-
tation très significative des dépenses
des vingt-trois pays européens mem-
bres de l’Alliance atlantique, ce sera
140 milliards de plus par an. La Russie,
l’année dernière, a consacré environ
60 milliards d’euros à sa défense. Et, si
la Russie est certes un immense pays,
rappelons que son PIB se situe entre ce-
lui de l’Espagne et de l’Italie. Donc, oui,
l’Europe peut incarner collectivement
une puissance capable de peser dans les
rapports de force continentaux. Sans
parler de notre capacité de premier
contributeur mondial à l’aide au déve-
loppement, en particulier auprès du
« Sud global ».
mentionnés au premier alinéa de l’article 11
de la Constitution », qui encadre le re-
cours au référendum et le limite aux
questions économiques et sociales - ce
qui exclut l’immigration. L’objectif affi-
ché est limpide : il s’agit de fournir à Lau-
rent Fabius, président du Conseil consti-
tutionnel, toutes les pistes susceptibles de
nourrir un rejet du RIP.
Le projet de la droite, déposé le
12 mars, veut donner la parole aux Fran-
çais sur cinq moyens de réformer l’accès
aux prestations sociales des étrangers.
Nouvelles conditions au versement des
prestations sociales, transformation de
l’aide médicale d’État (AME), suppres-
sion de réductions tarifaires dans les
transports… Vu du gouvernement, ces
Politique
« Oui, l’Europe peut incarner collectivement une puissance capable de peser
dans les rapports de force continentaux », souligne Thierry Breton.
Comment l’Europe peut-elle être
à la hauteur de ses ambitions, vu les
réticences d’États comme l’Allemagne
à dépenser ou à emprunter plus ?
Commissaire au Marché intérieur, j’ai
la responsabilité de veiller à ce que ce
marché soit le plus homogène possible,
qu’il n’y ait pas de disparité artificielle
entre pays au prétexte de capacités
d’endettement plus importantes chez
certains. Mon rôle, c’est de faire en
sorte qu’on se mette tous ensemble
pour avancer. Je soutiens des finance-
ments communs pour les grands pro-
jets de l’Union européenne, que ce soit
pour la défense, l’énergie ou la clean
tech. Certains pays sont encore réti-
cents, mais nous avons bien réussi à
nous mettre d’accord sur un vaste plan
de relance après le Covid. Nous esti-
mons les besoins d’investissements
dans la défense à une centaine de mil-
liards d’euros. Il nous faut aussi accélé-
rer la transition énergétique et investir
sur nos infrastructures de télécommu-
nication. Il faudra envisager des parte-
nariats public-privé. Pour tous ces in-
vestissements, il faut procéder à de
l’endettement, personne n’a de réser-
ves secrètes. Or, les pays qui ont le plus
mesures ne sont que « sectorielles ou pa-
ramétriques » et ne peuvent pas consti-
tuer une « réforme » au sens de l’article 11
de la Constitution.
Élément « perturbateur »
Pour le constitutionnaliste Jean-Éric
Schoettl, le gouvernement n’attaque pas
« sur le fond » les mesures de la droite : « Il
se contente de dire que ce projet n’est pas
recevable selon deux lignes d’arguments. »
La première fait la distinction entre les
dispositions sociales et celles qui ne le se-
raient pas. Le deuxième angle d’attaque
porte sur l’ampleur du projet, sachant que
pour être considérée comme une réfor-
me, la proposition de loi doit couvrir un
certain périmètre. Si Jean-Éric Schoettl
paul delort/le figaro
de capacité d’endettement sont aussi
souvent ceux qui ont le moins investi
dans leur défense, et donc celle de
l’Europe, et parfois aussi ceux qui ont
le plus émis de CO2.
Les Européens ne se tirent-ils pas
une balle dans le pied avec leurs critères
budgétaires rigides, quand les Américains
inondent leur industrie de subventions ?
Les Américains, c’est vrai, n’ont pas
d’hésitation. L’Inflation Reduction Act
(IRA), c’était 369 milliards de dollars
prévus à l’origine, on est plutôt mainte-
nant à 1 000 milliards. Je ne dis pas qu’il
faut faire la même chose. Mais nous de-
vons nous poser la question de l’équili-
bre des conditions de concurrence avec
l’économie américaine. Nous devons
aussi nous pencher sur l’explosion des
normes en Europe, pour faire le tri et re-
venir à l’essentiel. Par exemple, nous
avons choisi d’accélérer les procédures
pour créer de nouvelles usines d’hydro-
gène car en Europe, il fallait des années
pour le faire alors qu’aux États-Unis,
c’est quelques mois. Sur le plan des
moyens, nous devrons être vigilants
dans la négociation du prochain budget
de l’Union qui interviendra sous la pro-
estime que les mesures avancées par LR
peuvent avoir, dans leur ensemble, un
impact sur la politique migratoire, il rap-
pelle que cette même politique migratoire
n’entre pas dans le cadre de l’article 11 de
la Constitution. « Le Conseil constitution-
nel peut basculer dans un camp comme
dans l’autre », souligne le juriste, qui
identifie deux tentations pour un rejet : le
Conseil constitutionnel peut décider de ne
pas s’investir sur « le fond » et il peut aussi
considérer ce RIP comme un élément
« perturbateur » de l’activité législative.
À droite, les juristes LR préparent un
mémoire de « riposte » en guettant une
« contradiction » du Conseil constitution-
nel qui avait largement censuré la loi
bâtie par les parlementaires LR au motif
chaine mandature. Un budget de 1 % du
PIB européen, ce n’est pas suffisant par
rapport aux besoins de l’Europe.
À en croire les sondages,
les partis qui ont le vent en poupe
sont pourtant les eurosceptiques.
Quand les choses donnent l’impression
d’être trop compliquées, certains leaders
préfèrent par simplisme éviter de voir les
choses en face et regarder dans le rétrovi-
seur en se disant que c’était mieux avant.
Regardez la tragédie du Brexit, où l’on a
fait croire à un peuple de 65 millions
d’habitants que le Royaume-Uni allait
redevenir une puissance planétaire,
capable de conclure de grandes alliances
bilatérales mondiales, de reprendre le
contrôle de son immigration… Tout était
faux ! Ce contre-exemple démontre bien
qu’un pays isolé ne peut réussir à faire
face aux défis du monde actuel. Et, au
Parlement européen, aucun parti ne peut
peser suffisamment seul. Au regard du
cours de l’histoire, ces élections sont sans
doute les plus importantes depuis long-
temps : il s’agit d’envoyer à Strasbourg
les femmes et les hommes qui sauront
créer des consensus et coalitions pour ré-
pondre aux enjeux des années à venir.
Vous avez critiqué dans un tweet
le manque de légitimité d’Ursula
von der Leyen pour mener
un second mandat. Dans quel but ?
Non, je n’ai fait que constater que le
7 mars, Ursula von der Leyen avait été
désignée tête de liste des conservateurs
du Parti populaire européen (PPE) pour
mener campagne, sans rassembler une
majorité de son parti. C’est la première
fois qu’un président de la Commission en
exercice, candidat à sa reconduction,
choisit de ne pas garder la neutralité jus-
qu’au bout de son mandat. Jacques Delors
et José Manuel Barroso avaient, eux, veillé
à rester au-dessus des partis. En ce qui me
concerne, j’appartiens au groupe centris-
te Renew. Est-ce que j’approuve 100 %
des propositions du PPE pour le prochain
mandat ? Certainement pas. Je ne suis pas
pour les accords de libre-échange à tous
crins ou sans réciprocité comme avec le
Mercosur ; je ne suis pas pour des modèles
de migration à la britannique qui ne fonc-
tionnent pas, consistant à renvoyer des
migrants dans des pays tiers, ni pour flir-
ter avec les extrêmes. Donc je ne vais pas
dire que je soutiens ce que porte la tête de
liste du PPE au prétexte qu’elle est encore
présidente de la Commission. Viendra le
moment, après les élections, où nous nous
assiérons autour de la table pour créer une
coalition. Mais, avant, il faudra que le
Conseil européen choisisse le ou la candi-
date qui saura recueillir une majorité au
Parlement. On sait que ce sera un exercice
très difficile dont personne ne peut anti-
ciper l’issue à ce stade, car il dépend du
résultat des élections. D’où l’importance
de celles et ceux que nous allons envoyer
au Parlement européen.
Vous aviez ironisé dans le passé
sur le fait que vous étiez un « plan B » :
pouvez-vous être un plan A ou B
pour la prochaine Commission ?
Pour moi, la question n’est pas là. Il faut
respecter le temps démocratique. J’ai
essayé d’utiliser le mieux possible le
temps qui m’a été donné dans le cadre de
mes responsabilités actuelles. Et puis on
verra quels seront les équilibres au Par-
lement à l’issue du scrutin. Un nouveau
temps s’ouvrira alors. En démocratie, on
vous donne un bail. Parfois il est renou-
velé. Parfois pas. Dans les autocraties,
c’est différent. ■
que plusieurs mesures n’avaient aucun
lien avec l’immigration. « On voit bien
que le gouvernement ne veut pas que ce RIP
aboutisse, mais il y a un débat juridique sur
la conformité à l’article 11. On va regarder
avec gourmandise comment Laurent
Fabius va se dépatouiller de tout cela. Et
Fabius n’est pas seul… »
Les Républicains n’excluent pas d’arri-
ver à convaincre au moins cinq juges sur
les neuf du Conseil constitutionnel. « No-
tre projet est équilibré et recevable mais
surtout il ne faut pas perdre l’objectif visé :
donner la parole aux Français sur des me-
sures qui avaient été votées à une très
grande majorité par la représentation na-
tionale, avant d’être censurées par le
Conseil constitutionnel », prévient-on. ■
 6 vendredi 22 mars 2024 le figaro International

Après les attaques sur Kiev, Zelensky exhorte l’UE

Anne Rovan Correspondante à Bruxelles

Réunis au Conseil européen, les Vingt-Sept cherchaient la formule, jeudi, pour sortir de la logique de l’aide au compte-goutte

L
es attaques sur Kiev menées
par la Russie dans la nuit de
mercredi à jeudi ont sonné
comme un nouveau rappel
à l’ordre pour les Vingt-
Sept qui se retrouvaient
quelques heures plus tard à Bruxelles
pour un sommet consacré en grande
partie à l’Ukraine et à la menace que fait
peser cette guerre sur la sécurité en Eu-
rope. Dans la matinée, sur le réseau so-
cial X, le président ukrainien a exhorté
les Occidentaux à soutenir davantage
l’Ukraine. « Cette terreur se poursuit jour
et nuit. Il est possible d’y mettre fin grâce
à l’unité mondiale (…) Cela est tout à fait
possible si nos partenaires font preuve
d’une volonté politique suffisante », a-t-il
souligné. Dans l’après-midi, le prési-
dent ukrainien faisait à nouveau monter
la pression dans un message diffusé aux
dirigeants européens, dans la salle où ils
se réunissaient : « Malheureusement, le
recours à l’artillerie sur le champ de ba-
taille par nos soldats est humiliant pour
l’Europe car l’Europe peut fournir davan-
tage. Et il est crucial de le prouver main-
tenant. »
La diffusion de messages vidéo de Vo-
lodymyr Zelensky est devenue une figure
imposée des sommets européens. Les de-
mandes du président ukrainien pour da-
vantage d’armes le sont aussi depuis
deux ans. Si ce n’est que les Européens
ont désormais pris conscience de la né-
cessité d’agir à la fois plus vite et plus fort
pour soutenir le pays qui s’enlise dans
une guerre d’usure et, au-delà, pour ga-
rantir la sécurité des pays les plus exposés
à la menace russe, des trois Baltes à la
Roumanie en passant par la Moldavie qui,
selon la formule d’un interlocuteur ne Hier en fin de journée, les leaders vaient surtout se mettre d’accord sur ses, c’est-à-dire le capital en tant que
serait qu’« un zakouski pour l’armée rus- n’étaient pas encore entrés dans le vif du l’utilisation des quelque 3 milliards tel, aillent à la reconstruction de
se ». L’Ukraine ne pourra reprendre l’as- sujet. Plusieurs solutions étaient sur la d’euros générés par les 200 milliards l’Ukraine. Une option que poussent
cendant sur la Russie qu’avec beaucoup table pour couvrir les besoins, de l’ex- d’euros d’avoirs russes qui permet- aussi les États-Unis et le Canada, dans le
plus de matériels et de munitions four- tension du mandat de la Banque euro- traient d’augmenter le soutien à cadre des discussions menées au sein du
nies par l’Occident. L’UE a d’ores et déjà péen pour financer les industries de dé- l’Ukraine à court terme. Quelle part G7 mais sur laquelle la France, l’Allema-
livré et promis l’équivalent de 28 mil- fense européenne jusqu’à l’émission pour la fourniture d’armes, quelle part gne et l’Italie sont très réticents.
liards d’euros. Il faut passer à la vitesse d’un nouvel emprunt européen qui ne pour la reconstruction du pays ? Cer- Le début du sommet a permis de
supérieure, en finir avec les livraisons au pourrait aboutir qu’après les élections tains dirigeants, dont l’Estonienne Kaja confirmer, s’il était encore besoin, les
compte-goutte. Ce changement notable européennes de juin. Les Vingt-Sept de- Kallas, plaident pour que les avoirs rus- tensions entre Berlin et Paris. À son arri-
« Si l’Europe veut rester
protégée, elle doit réfléchir
à de nouveaux moyens
de financer ses dépenses
de défense »
Kyriakos Mitsotakis
premier ministre grec
figurait jeudi matin dans le dernier projet
de conclusions de la réunion, que les
Vingt-Sept devaient adopter dans la soi-
rée. Non seulement l’UE apportera son
soutien à l’Ukraine « aussi longtemps
qu’il le faudra » et - et c’est nouveau -
« aussi intensivement que nécessaire ».
Comment financer le soutien à
l’Ukraine tout en musclant parallèle-
ment l’industrie de défense européenne
qui est pour l’heure incapable de répon-
dre à la demande ? « Ce dont nous avons
besoin en ce moment, c’est de créativité et
de recherche de solutions », a déclaré à
son arrivée le président lituanien, Gita-
nas Nauseda. « Si l’Europe veut rester
protégée, elle doit réfléchir à de nouveaux
moyens de financer ses dépenses de dé-
fense », a souligné le premier ministre
grec, Kyriakos Mitsotakis.

Le général Burkhard invite

les Européens à « prendre
des risques » pour leur sécurité
Nicolas Barotte provenance d’Ukraine et posez-vous des
questions simples : si cela se produit ici,

L
e général Micael Bydén revient
de Saint-Dizier. Il s’agit de son
premier déplacement à l’étran-
ger depuis l’adhésion officielle
de la Suède à l’Otan, début mars. Le
commandant en chef des forces armées
suédoises y a visité mercredi l’une des
trois bases à vocation nucléaire de l’ar-
mée de l’air française. L’invitation, for-
mulée par son homologue, le général
suis-je prêt ? Que dois-je faire ? Plus il y
aura de personnes qui y auront réfléchi,
pensé et qui s’y seront préparées, plus no-
tre société sera forte , avait-il déclaré.
« Cela fait plusieurs années que je le
dis », complète Bydén en marge de la
conférence de presse jeudi. « Si certains
de nos concitoyens sont surpris, alors j’ai
encore du travail à faire », ajoute-t-il.
« Avec sa guerre contre l’Ukraine, sa rhé-
torique menaçante et sa volonté de pren- couvert, même si la guerre en Ukraine silience. « Les citoyens doivent compren-

Thierry Burkhard, est symbolique des
liens renforcés entre les deux pays, par-
mi les seuls à disposer de cultures straté-
giques indépendantes en Europe.
« Beaucoup d’armées européennes sont
“nées” dans l’Otan, ce n’est pas le cas de
la Suède et de la France », observe le gé-
dre des risques, la Russie a placé l’Europe
dans la situation sécuritaire la plus sérieu-
se depuis les heures les plus froides de la
guerre froide », prévient-il.
« La Russie mène (...) une
nous en fait prendre conscience en accéléré
et de manière très prégnante »,
confie-t-il. « Aujourd’hui, cela prend une
autre dimension, car c’est la sécurité du
continent européen qui est en jeu. On ne
peut pas considérer que la guerre en
Ukraine nous concerne au second degré.
Au ban de l’olym
dre qu’ils peuvent faire une différence en
tant qu’individus », dit-il. « La guerre en
Ukraine n’est pas une crise… C’est une
guerre », insiste-t-il.
Une maturation lente semble en cours Alain Barluet
pour préparer les esprits au jour où il fau-
dra s’impliquer davantage dans la guerre
Correspondant à Moscou

néral Burkhard, en accueillant son inter- guerre informationnelle en Ukraine pour mettre un coup d’arrêt

locuteur au ministère des Armées jeudi.
La Suède et la France auraient au
contraire une « identité forte » : la pre-
mière parce qu’elle a cultivé le concept
de « défense totale », et l’autre parce
qu’elle tient au principe d’autonomie
stratégique.
En s’affichant ensemble publiquement
lors d’une conférence de presse jeudi, les
deux généraux veulent faire passer un
message. La rencontre semble cernée par
les non-dits et les interrogations que les
généraux sont contraints de clarifier. Les
déclarations du président de la Républi-
que, Emmanuel Macron, n’excluant pas
l’envoi de troupes en Ukraine ont suscité
des incompréhensions sur les intentions
françaises face à Vladimir Poutine. Les
propos du général Bydèn en janvier, in-
vitant la société suédoise à se préparer à
l’éventualité d’une guerre, ont provoqué
du trouble. « Regardez les nouvelles en
BERNARD GUETTA
Député européen Renew
DIMANCHE 12H-13H
EN DIRECT DU GRAND STUDIO DE RTL
A
La guerre en Ukraine nous concerne parce
pour déstructurer qu’on est impliqué dans ses conséquences.
Les Européens doivent donc être capables
nos sociétés. (...) Cela ne de prendre des risques pour assurer la sé-
cherche pas à promouvoir curité en Europe dans la décennie à venir »,
les idées russes explique-t-il. Le général Bydén met lui
mais à fragiliser le modèle aussi en garde : « On ne doit pas laisser la
guerre en Ukraine devenir une forme de
occidental, en particulier
le modèle démocratique »
normalité. »
La Russie a déjà engagé la confronta-
Général Thierry Burkhard tion contre l’Europe, assure le général
chef d’état-major des armées Burkhard. « La Russie mène depuis plu-
sieurs années une guerre informationnelle
À ses côtés, le général Burkhard ac- pour déstructurer nos sociétés. C’est assez
quiesce. Depuis qu’il a pris ses fonctions insidieux. Cela ne cherche pas à promou-
de chef d’état-major de l’armée de terre voir les idées russes mais à fragiliser le
en 2019, puis celles de chef d’état-major modèle occidental, en particulier le modèle
des armées en 2021, il se prépare au pire. démocratique », explique-t-il. Pour le
« Depuis 2020, les militaires comme les général Bydén, qui plaide pour une re-
politiques disent que le risque d’un enga- montée en puissance du concept de dé-
gement majeur augmente et qu’il faut se fense totale dans son pays, les sociétés
préparer à la guerre de haute intensité. Ce européennes ne doivent pas attendre
n’est donc pas quelque chose que l’on a dé- l’heure de la crise pour apprendre la ré-
Olivier BOST
Pauline BUISSON
Jim JARRASSÉ
#LeGrandJury
aux intentions russes. Mais il est trop tôt
pour spéculer sur des plans. Il n’est par
ailleurs pas question d’envoyer des sol-
dats se battre. « L’armée ukrainienne n’a
pas forcément besoin de troupes qui pro-
duisent des effets à côté d’elle. Elle combat
très courageusement, avec déjà une re-
marquable efficacité », affirme le général
Burkhard. Les besoins ukrainiens sont
ailleurs : fourniture d’armes, formation,
garanties de sécurité plus tangibles que
de simples déclarations. « La guerre
prendra fin quand la Russie arrêtera d’at-
taquer. Pour cela, on doit montrer à Vladi-
mir Poutine que l’environnement mental
dans lequel il envisage la guerre n’est pas
lisse. De fait, il a construit sa manœuvre
avec l’idée que les Occidentaux n’iront ja-
mais en Ukraine, mais qu’ils se contente-
ront de fournir des armes », analyse le gé-
néral. Pour l’emporter, la Russie n’aurait
donc qu’à attendre que les Occidentaux
se lassent et s’épuisent. « Il faut lui mon-
trer qu’il ne pourra pas utiliser cette logi-
que pour aller au bout, parce que cette idée
n’est pas juste », insiste le général
Burkhard.
Les Européens devront être capables
de faire davantage qu’aujourd’hui. À
quel horizon ? Les militaires prennent
soin de ne pas répondre. Mais sur le
front, la situation est considérée comme
sérieuse. Le général Burkhard s’est en-
À
quatre mois des JO de Paris,
Moscou éructe contre le Comi-
té international olympique
(CIO), lequel a exclu, mardi
dernier, de la parade inaugurale, les ath-
lètes russes et biélorusses. Dès le lende-
main, la Russie accusait le CIO de « bas-
culer dans le racisme et le néonazisme » et
de se rendre coupable de « discrimina-
tion » et d’« intimidation ». Des propos
aussitôt dénoncés comme « dépassant
tout ce qui est acceptable » par l’instance
sportive internationale. En décembre
dernier, le CIO avait déjà édicté des res-
trictions, n’autorisant les sportifs russes
et biélorusses à participer aux JO de Paris
que sous bannière neutre, hors épreuves
par équipes, et à condition qu’ils n’aient
pas activement soutenu l’invasion de
l’Ukraine. Oleg Matytsine, le ministre des
Sports avait exclu un boycott de la Russie
- c’était le 13 mars, avant le pic de ten-
sion. Une décision éminemment politique
- elle reviendrait à Vladimir Poutine - et
dont beaucoup d’experts doutent, esti-
mant que la Russie aurait plus à perdre
qu’à gagner si ses athlètes n’étaient pas
présents aux Jeux de Paris. Sans drapeau,
les sportifs russes devraient être peu
nombreux ; seuls 12 d’entre eux (et 7 Bié-
lorusses) sont pour l’heure qualifiés, sur
les 6 000 participants déjà acceptés, selon
les chiffres fournis cette semaine par le

ET EN DIFFUSION SIMULTANÉE SUR

tretenu cette semaine avec son homolo- directeur de la solidarité olympique du
gue ukrainien, le général Syrsky. ■ CIO, James MacLeod. Selon le scénario

à faire plus pour l’Ukraine
à leur voisin en guerre contre la Russie pour agir plus fort et plus vite.
vée à la réunion des Vingt-Sept, le
chancelier Olaf Scholz a rappelé l’im-
portance du soutien militaire de l’Alle-
magne à l’Ukraine. « L’Allemagne est
très en avance », a-t-il souligné, ajou-
tant que « tous les États européens doi-
vent apporter une bonne contribution ».
Un message aux dirigeants de plus en
plus nombreux - Paris en tête - qui ap-
pellent à un nouvel emprunt européen
pisme, les sportifs russes choisissent l’exil
des experts du comité, 36 Russes et
22 Biélorusses seront finalement qualifiés.
Mais ils devront encore se soumettre à un
« comité d’examen », qui évaluera leurs
positions sur la guerre en Ukraine. Des
personnalités sportives russes ont déjà
donné de la voix pour dénoncer une « hu-
miliation ». « Il ne s’agit pas seulement de
s’abstenir de participer aux Jeux mais aussi
de s’en foutre », a tonné Elena Vyalbe,
présidente de la fédération russe de ski de
fond. Plus sobrement, le nageur Kliment
Kolesnikov, détenteur du record mondial
du 50 mètres dos, a estimé qu’il ne pou-
vait personnellement pas accepter les
conditions du CIO, tout en souhaitant
qu’un de ses coéquipiers puisse être pré-
sent à Paris. « La majorité des athlètes
pensent qu’il faut y aller quand même », es-
time le journaliste sportif Mikhaïl Ivanov.
Changements de nationalité
Le désir de participer aux plus hautes
compétitions internationales a poussé
beaucoup d’athlètes à quitter la Russie,
fragilisant notablement cette puissance
du sport mondial. L’« exode des mus-
cles », selon l’expression du chercheur
français Lukas Aubin, concernerait, au
bas mot, deux cents sportifs russes, qui
auraient émigré et changé de nationalité.
Pas seulement par opposition à la guerre
en Ukraine, mais pour continuer à prati-
quer leur sport à haut niveau. Le CIO a
entériné le lutteur Alexander Komarov et
la nageuse Anastasia Kirpichnikova - elle
vit en France depuis quatre ans. Ils ont
changé de citoyenneté, et pourront en
conséquence participer aux JO, au sein
International
pour financer la montée en puissance de
l’industrie de défense européenne.
Le chancelier est également revenu
sur la réunion organisée à l’Élysée le
26 février dernier. Non pas pour parler
de ces troupes qui, dans l’absolu, pour-
raient être envoyées en Ukraine comme
l’a indiqué Emmanuel Macron, mais sur
les achats d’armes à des pays tiers, aux-
quels l’Allemagne est viscéralement at-
des équipes serbe et française. Dans cette
perspective, le CIO a également validé
l’an dernier la nouvelle nationalité des
cyclistes Valerya Lioublimova (France),
étoile montante du BMX, et Mikhaïl
Iakovlev (Israël), ainsi que celle du lut-
teur Georgy Tibilov (Serbie). « Ce mouve-
ment de départ n’a pas commencé en fé-
vrier 2022 mais fin 2014-début 2015,
lorsqu’il y a eu des révélations sur des af-
faires de dopage en Russie et que des déci-
sions ont été prises à son encontre par les
grands organismes sportifs internatio-
naux », rappelle Lukas Aubin, spécialiste
de la géopolitique du sport russe à l’Insti-
tut des relations internationales et straté-
giques (Iris). Cela avait valu à la Russie
d’être sanctionnée aux Jeux de Tokyo en
2021 et de Pékin en 2022. « Cela fait neuf
ans que les athlètes russes sont en difficulté
sur la scène internationale », souligne le
chercheur qui incrimine « la construction
d’un système de dopage organisé sous la
houlette du FSB ». Compte tenu des liens
entre l’armée russe et les grands clubs
sportifs (CSKA, Dinamo…), les critères
d’admission prévus par le CIO mettent
d’emblée au ban beaucoup d’athlètes.
« Ce statut de paria est très mal vécu. Il y a
beaucoup de lassitude par rapport à la fa-
çon dont les autorités gèrent le sport dans
un système qui ne s’est pas modernisé et
qui reste comme à l’époque de l’URSS »,
explique encore Lukas Aubin. « Avec le
24 février 2022, on a franchi un nouveau
palier. Il n’y a pas d’horizon pour ces ath-
lètes », dit-il encore.
Les joueurs d’échecs russes sont les
plus nombreux - 141 au total - à avoir
tachée, comme elle l’est à l’industrie
d’armement américaine. « Il est impor-
tant pour moi de souligner l’avancée ma-
jeure que nous avons réalisée lors de nos
discussions à Paris. Nous n’achèterons
pas seulement en Europe, où nous devons
développer la production de munitions et
d’armes, mais aussi dans le monde entier,
car il faut maintenant que les choses
avancent vite. » ■
SERGEI CHUZAVKOV/AFP
Jeudi, des employés municipaux
tentent de réparer les dégâts
causés par les frappes de missiles
russes sur Kiev la nuit précédente.
changé de drapeau en 2022 et 2023. Le
patinage artistique, les sports équestres,
la gymnastique rythmique et le tennis
viennent ensuite, mais les sports méca-
niques et le cyclisme sont également
concernés. Selon le site d’information
Kholod, les pays les plus accueillants
pour les sportifs russes étaient (l’an der-
nier) Israël (25 athlètes), la Serbie (19),
l’Allemagne (13), la France (12), la Polo-
gne (11), le Kazakhstan (10), l’Arménie et
la Grande-Bretagne (9 chacun), les
États-Unis (7) et l’Espagne (6). Les tour-
nois de qualification étant passés, les
sports d’équipe étant hors course et
quelques grandes fédérations internatio-
nales (comme celle d’athlétisme) ayant
mis leur veto, la marge est étroite pour
les Russes. On ne verra sans doute au to-
tal que quelques judokas, lutteurs, cy-
clistes sur route et joueurs de tennis,
dont le numéro quatre mondial Daniil
Medvedev. Cet exode des sportifs a déjà
conduit Moscou à réagir en envisageant
des sanctions, notamment financières, à
l’encontre des sportifs « passés à
l’Ouest ». La Douma a dans ses cartons
un projet de loi qui les obligerait à rem-
bourser les frais engagés par l’État russe
pour leur entraînement.
Moscou mise sur ses « Jeux de l’ami-
tié », prévus en septembre, qui sont
censés attirer les sportifs des nations
non-occidentales. Le CIO n’a pas exclu
des sanctions contre ceux qui participe-
raient à ces « JO alternatifs ». Même
des pays comme la Chine semblent hési-
ter à se mettre en marge de la famille
olympique. ■
Un scandale pédophile
fait tanguer le régime Orban
Albert Kornel
Budapest
L
e scandale de pédocriminalité
qui a provoqué la chute de la
présidente de la République et
de l’ex-ministre de la Justice, au
mois de février, a laissé une faille béante
dans le pouvoir bâti par Viktor Orbán.
Une faille dans laquelle s’est engouffré
l’avocat d’affaires Péter Magyar. Ce
golden-boy devenu renégat est parti en
croisade contre le système qui l’a si bien
nourri, mais qu’il juge désormais immo-
ral et corrompu. Et il compte en appor-
ter la preuve devant la justice, pour faire
chuter le gouvernement de Viktor
Orban, inamovible depuis 2010. Galva-
nisé par un fort soutien populaire, il s’est
rendu mercredi à une convocation du
parquet métropolitain de Budapest en-
touré d’une meute de journalistes et sous
les vivats de ses partisans.
À sa sortie d’audition par les pro-
cureurs, quatre heures plus tard, il a
renouvelé ses menaces, ciblées contre
Antal Rogan, le directeur de cabinet du
premier ministre : « Je recommande de
nouveau à Antal Rogan de monter dans un
de ses jets privés et de se choisir un pays
d’où il n’y a pas d’extradition, comme
l’Argentine… ou pourquoi pas le Tchad. »
Il accuse celui à qui il promet la prison
d’être impliqué dans l’une des très rares
affaires de corruption qui a récemment
entaché le Fidesz. Selon l’acte d’accusa-
tion de la justice, György Schadl, prési-
dent de la Chambre des huissiers de
justice, « a établi une relation de corrup-
tion » avec Paal Völner, secrétaire
d’État, vice-ministre de la Justice et dé-
puté du Fidesz. Le premier est accusé
d’avoir « vendu » illégalement des pos-
tes d’huissier – extrêmement lucratifs –
en versant des pots-de-vin au second
qui le couvrait, pour au moins 83 mil-
lions de forints, soit 210 000 euros. La
somme n’est pas faramineuse mais la
mise en cause d’un secrétaire d’État
avait fait sensation dans un pays où la
séparation des pouvoirs est des plus
incertaines (mise à mal par l’accapare-
ment par le Fidesz de tout l’appareil
d’État) et l’impunité souvent la règle.
Péter Magyar clame que György
Schadl est en réalité « un homme de
Rogan », que le gouvernement était au
courant d’une procédure judiciaire en
cours contre le secrétaire d’État et qu’il
l’en avait informé. Plus grave, il accuse
la justice d’avoir protégé Antal Rogan,
dont le surnom « Toni », comme ceux
de son épouse et de son chef de cabinet
ressortent pourtant dans les écoutes, et
affirme que des preuves ont été falsifiées
et détruites.
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le figaro vendredi 22 mars 2024 7
Le parquet et Antal Rogan nient caté-
goriquement ces allégations. Les médias
pro-Fidesz contre-attaquent en dépei-
gnant l’accusateur comme un homme
au bout du rouleau, qui n’a plus rien à
perdre. Les lieutenants de Viktor Orban
se pressent dans les médias pour repren-
dre presque mot pour mot le message
du Centre d’information du gouverne-
ment dirigé par… Antal Rogan : « Péter
Magyar veut se venger du gouvernement
après que sa femme l’a quitté et qu’il a
perdu ses fonctions gouvernementales. »
Volonté de vengeance ou prise de
conscience ? Péter Magyar s’est brutale-
ment retourné contre le gouvernement
et a démissionné de ses postes dans
divers conseils d’administration d’en-
treprises publiques ou semi-publiques
après le lâchage de son ex-épouse Judit
Varga par le Fidesz. Ce dernier lui repro-
chant d’avoir contresigné la grâce prési-
dentielle accordée au complice d’un
pédocriminel.
L’attente est désormais
très grande vis-à-vis
de Péter Magyar, mais,
pour que le phénomène ne
soit pas qu’un feu de paille,
il doit maintenant
abattre ses atouts :
des enregistrements audio
En visant Antal Rogan, Péter Magyar
s’attaque à celui qu’il compare à
Richelieu, le tout-puissant « ministre de
la Propagande », qui a aussi à sa botte les
services secrets. Mais c’est également un
homme à la réputation très sulfureuse et
qui passe pour être le talon d’Achille de
l’« orbanisme ». En parallèle, Péter
Magyar a lancé son parti politique Talpra
Magyarok (Debout, Hongrois !) de façon
triomphale lors de la fête nationale du
15 mars, devant plusieurs dizaines de
milliers de personnes sur l’avenue An-
drassy, les Champs-Élysées hongrois.
Quelques heures plus tôt, Viktor Or-
bán avait dû se contenter d’une petite
foule de cinq mille personnes tout au
plus, acheminées par autocars des qua-
tre coins du pays, à qui il a promis
d’« occuper Bruxelles » après les élec-
tions européennes. L’attente est donc
très grande vis-à-vis de Péter Magyar,
mais pour que le phénomène ne soit pas
qu’un feu de paille, il doit maintenant
abattre ses atouts : des enregistrements
audio qui, dit-il, prouveront ses accu-
sations et qu’il doit produire lors de sa
prochaine audition par le parquet, le
26 mars. D’ici là, il est sous protection et
la vie politique hongroise retient son
souffle. ■
A
 8 vendredi 22 mars 2024 le figaro
Face au carnage à Gaza, le virage
radical de Washington envers Israël
Maurin Picard New York
Les États-Unis travaillent à une résolution de l’ONU exigeant un cessez-le-feu immédiat et durable
dans l’enclave, où Tsahal combat le Hamas depuis les attaques du 7 octobre dernier.
A
crimonieuses, les rela-
tions entre Joe Biden et
Benyamin Netanyahou
empoisonnent la solida-
rité israélo-américaine
forgée depuis la guerre
du Yom Kippour en 1973. L’embardée
provoquée par six mois de guerre dans
la bande de Gaza menace de faire voler
en éclats la posture traditionnelle et
protectrice de Washington à l’égard de
l’État hébreu au sein des organisations
internationales. Au Conseil de sécurité
des Nations unies, les diplomates amé-
ricains s’échinent depuis un mois à
produire une résolution exigeant un
cessez-le-feu immédiat, face au risque
de famine touchant la majorité des
Isolé sur la scène internationale, Tel-Aviv s’estime lâché par l’allié américain
Guillaume de Dieuleveult
Correspondant à Jérusalem
C
erné par des puissances plus ou
moins hostiles, engagé dans la
guerre la plus longue de son
histoire, Israël est de plus en
plus exposé au risque de l’isolement sur
la scène internationale. Comme par un
effet boule de neige, les signaux s’inten-
sifient et se multiplient. Au point de se-
mer la colère au sommet de l’État et de
faire germer un sentiment d’incompré-
hension dans la société israélienne, où le
soutien à la guerre reste sans faille.
C’est surtout de la part des alliés occi-
dentaux que viennent les reproches. À
commencer par l’indéfectible ami amé-
ricain, dont la voix se fait de plus en plus
sévère. Vendredi, le secrétaire d’État,
Antony Blinken, doit être en Israël, dans
le cadre d’une nouvelle tournée au Pro-
che-Orient, la sixième depuis le début
de la guerre. L’infatigable diplomate tra-
7 H -9 H
EUROPE 1 MATIN
Dimitri Pavlenko
Retrouvez l’Edito politique à 7h53 avec Alexis Brézet
A
et Vincent Trémolet de Villers du Figaro
International
2,4 millions d’habitants piégés par les
combats entre Tsahal et le Hamas. Le
virage est historique, et radical : jus-
qu’ici, et depuis l’attaque surprise du
Hamas le 7 octobre contre le territoire
israélien (1 400 morts), la mission amé-
ricaine auprès de l’ONU (USUN) avait
toujours rejeté la simple évocation du
terme « cessez-le-feu », menaçant de
dégainer son veto envers toute résolu-
tion comportant cette mention. Il
s’agissait, malgré un embarras évident,
de laisser Israël se faire justice au nom
d’une « légitime self-défense » après les
actes barbares des militants islamistes
palestiniens contre des civils.
D’après le secrétaire d’État, Antony
Blinken, interrogé mercredi en Arabie
vaille toujours à un accord de cessez-le-
feu et à la libération des 134 otages israé-
liens toujours aux mains du Hamas.
Le secrétaire d’État doit atterrir en Is-
raël alors que son pays est en plein chan-
gement de pied vis-à-vis de l’État hé-
breu. Dans un premier temps, Joe Biden
a fait preuve de beaucoup d’empathie
vis-à-vis des Israéliens, toujours pro-
fondément meurtris par l’attaque terro-
riste du 7 octobre. Alors qu’Israël s’en-
gageait dans la guerre, les États-Unis lui
ont fourni un soutien militaire vital. Mais
progressivement, la parole du président
américain s’est durcie, amenant une
distinction entre le soutien incondition-
nel à l’État d’Israël et les critiques, de
moins en moins voilées, envers son pre-
mier ministre, Benyamin Netanyahou,
dont le président démocrate ne s’est ja-
mais montré un fervent partisan. Fin fé-
vrier, une centaine de personnes ont
trouvé la mort dans un mouvement de
foule autour d’un convoi humanitaire
arrivant dans la ville de Gaza, lors du-
saoudite par la journaliste Christiane
Baissary de la chaîne de télévision al-
Hadath, cette ébauche de résolution
appelle de ses vœux « un cessez-le-feu
immédiat, lié à la libération des otages »
encore aux mains du Hamas dans les
tunnels de Gaza. Ils seraient encore
130, dont 33 dépouilles non rendues,
sur les 240 initiaux.
Oscillations diplomatiques
« Nous espérons vivement que les pays
soutiendront » cette résolution, a pour-
suivi le chef de la diplomatie améri-
caine, faisant allusion aux quinze États
membres du Conseil, dont cinq
permanents (dont la France) et dix
non permanents. « Bien sûr, nous nous
quel des soldats de Tsahal ont ouvert le
feu. Ce « massacre de la farine » a mar-
qué un tournant. Jusqu’à présent, les re-
montrances américaines n’empêchaient
pas les livraisons d’armes. Cela pourrait
changer puisque le président américain
exige désormais que les pays recevant
un soutien militaire s’engagent à respec-
ter le droit international et à permettre
l’aide humanitaire. Israël doit se plier à
cette disposition d’ici à dimanche. Une
façon très claire, pour les États-Unis, de
contraindre leur partenaire à changer la
donne dans la bande de Gaza, où l’aide
alimentaire ne parvient qu’au compte-
gouttes alors que le risque de famine est
de plus en plus aigu. Parallèlement, les
États-Unis ont annoncé une deuxième
vague de sanctions financières contre
des colons et des colonies israéliennes de
Cisjordanie.
Sur ces trois niveaux, diplomatique,
militaire et judiciaire, les États-Unis
sont suivis par un nombre sans cesse
grandissant de pays occidentaux. La
Grande-Bretagne, qui a déjà pris des
mesures contre des colons, menace dé-
sormais Israël d’un embargo militaire
qui a été décidé par le Canada - mesure
surtout symbolique - mais aussi par
l’Italie et les Pays-Bas. À la suite de la
France, c’est toute l’Union européenne
qui a décidé, lundi dernier, de sanctions
contre des colons violents : interdiction
d’entrer dans l’espace Schengen et gel
des avoirs financiers. Proche allié d’Is-
raël, la Hongrie de Viktor Orban faisait
obstacle. Elle s’est finalement pliée aux
Antony Blinken,
le secrétaire d’État américain,
le 20 mars, à Djedda,
en Arabie saoudite.
Evelyn Hockstein/REUTERS
tenons aux côtés d’Israël et son droit à
se défendre (…) mais en même temps, il
est impératif que nous nous focalisions
sur les civils, qui sont en danger et qui
souffrent si terriblement, et que nous
faisions d’eux une priorité. »
À l’origine, l’ébauche du texte visait
à détourner l’attention des deux der-
niers veto américains contre d’autres
propositions plus sévères à l’encontre
d’Israël. Il s’agissait aussi de « gagner
du temps », décrypte Richard Gowan,
de l’International Crisis Group, tandis
qu’Israël préparait son assaut final
contre le sud de la bande de Gaza (la
ville de Rafah). La référence à un
« cessez-le-feu immédiat et durable »
est « assez finement ciselée, ajoute
injonctions européennes et américaines.
Israël risque-t-il d’être mis au ban des
nations ? Fidèle à son image de capitaine
solidement campé à la barre du navire,
Benyamin Netanyahou se veut rassu-
rant. Au début de la semaine, il a eu une
rare conversation téléphonique avec Joe
Biden. Dans la foulée, son cabinet a pu-
blié une déclaration « aux citoyens d’Is-
raël ». « Au début de la conversation, ex-
plique Benyamin Netanyahou, nous
sommes tombés d’accord sur le fait qu’il
faut éliminer le Hamas. Mais, pendant la
guerre, ce n’est pas un secret, il y a eu des
« Parfois, nous avons été
d’accord avec nos amis et
parfois, non. Mais au bout
du compte, nous avons
toujours fait ce qui est vital
pour notre sécurité, et cette
fois aussi nous le ferons »
Communiqué du cabinet
de Benyamin Netanyahou
désaccords entre nous sur la meilleure
façon d’y arriver. » Ultime objectif mili-
taire dans la bande de Gaza, la ville de
Rafah fait l’objet de dissensions. « Par-
fois, nous avons été d’accord avec nos
amis et parfois, non. Mais au bout du
compte, nous avons toujours fait ce qui est
vital pour notre sécurité, et cette fois aussi
nous le ferons », conclut le communiqué.
Dans le gouvernement de Netanyahou,
des voix s’élèvent de toutes parts contre
l’expert new-yorkais sur les Nations
unies. Il s’agit de satisfaire les autres
membres du Conseil et d’attirer l’atten-
tion d’Israël, étant donné que les États-
Unis exhibaient encore une allergie
complète à de tels propos il y a à peine
un mois et semblent perdre patience en-
vers Israël. Le but est de contraindre
Netanyahou, qui déteste l’ONU et tout
ce qu’elle représente, à mettre en sour-
dine sa rhétorique belliqueuse et, sur-
tout, éviter un assaut terrestre contre
Rafah que les officiels américains
considèrent absolument catastrophi-
que. Enfin, cela permet de garder la
main lors des discussions sur Gaza au
Conseil, et d’éviter que la France ou
d’autres membres soumettent au vote
des textes alternatifs. »
Antony Blinken, qui se trouvait jeudi
au Caire pour tenter de faire aboutir les
négociations en vue d’un cessez-le-feu
et doit poursuivre sa tournée au
Moyen-Orient vendredi en Israël, porte
les desiderata du président Biden,
soucieux de stopper la catastrophe hu-
manitaire en cours, qui aurait fait
31 988 morts, selon la seule source lo-
cale disponible, le ministère de la Santé
du Hamas. Le déplacement du curseur,
en outre, soulage le fardeau de la repré-
sentante américaine à Turtle Bay, quar-
tier général de l’ONU à Manhattan,
Linda Thomas-Greenfield, seule jus-
qu’ici au sein de l’Administration à
plaider en faveur d’un cessez-le-feu et
d’une moindre mansuétude envers
l’État hébreu, bien qu’appuyée par un
puissant vent de fronde au sein même
de Foggy Bottom, siège du Départe-
ment d’État à Washington. « Le messa-
ge, désormais, est raccord avec ceux de
Joe Biden, Antony Blinken et Jake Sulli-
van », le conseiller à la sécurité natio-
nale du premier cité, relève Richard
Gowan, pour qui Washington s’efforce
de ménager la chèvre et le chou, tout en
espérant distinguer une issue au conflit.
À l’instar des oscillations diplomati-
ques de Washington, le sort du texte
demeure incertain. Après de récentes
passes d’armes entre diplomates russes
et américains sur le « deux poids, deux
mesures » supposé de Washington à
l’égard de peuples assaillis, fussent-ils
ukrainien d’un côté, irakien ou pales-
tinien de l’autre, Moscou pourrait fort
brandir son veto au projet de résolu-
tion américain, et certains membres
non permanents tels que l’Algérie ou le
Mozambique juger celui-ci trop limité
dans sa portée. « Je doute cependant,
poursuit Richard Gowan, que quicon-
que ose faire voler en éclats la plus
concrète initiative américaine, à ce jour,
sur ce conflit ». Une telle opposition
« aurait pour effet tout à la fois d’aliéner
les États-Unis et de rendre l’ONU enco-
re plus impuissante qu’elle ne l’est déjà à
propos de Gaza ». Une ONU dont la
Russie et, accessoirement, la Chine
continuent de se servir allègrement
pour fédérer l’hostilité anti-occidenta-
le du « Sud global ». ■
la communauté internationale. Proche
du premier ministre, le ministre des Af-
faires stratégiques, Ron Dermer s’em-
porte ainsi sur X contre « tous ces pays
qui se détournent d’Israël et s’en souvien-
dront comme d’un moment de honte. » Le
ministre des Affaires étrangères, Israel
Katz, estime pour sa part que toute me-
sure prise contre Israël est un encoura-
gement au Hamas. Chef d’un petit parti
suprémaciste juif, le ministre des Finan-
ces, Bezalel Smotrich, estime pour sa
part que, face aux sanctions contre les
colons, la seule réponse qui s’impose est
« sioniste » et consiste à intensifier la co-
lonisation en Cisjordanie.
Convaincus qu’ils livrent un combat
vital, les Israéliens s’estiment incompris
par l’Occident. Dans ce petit pays, tous
sont touchés, de façon très proche, par la
guerre. Mais inversement, rares sont
ceux qui mesurent la profondeur de la
crise humanitaire dans la bande de Gaza.
« Le public israélien en est à peine
conscient, surtout parce que les médias ont
minimisé les souffrances des Palestiniens
depuis le début de la guerre », remarque
le journaliste Amos Harel dans les colon-
nes du journal Haaretz, un quotidien
progressiste. Le fossé de l’incompréhen-
sion est de plus en plus profond. Ancien
patron du renseignement militaire,
Amos Yadlin regrettait vendredi qu’Is-
raël ait endossé « le rôle des Russes »,
plutôt que celui des Ukrainiens… Près de
six mois après le début de la guerre, Israël
risque une déroute sur un front essentiel :
celui de la communication. ■
 Société le figaro vendredi 22 mars 2024 9

Les vrais taux de réussite au brevet

ou le grand bidouillage des rectorats
Taux de réussite au brevet des collèges avant
et après correctifs académiques
Taux de réussite 2023 (en %) en série générale, en France métropolitaine

AVANT APRÈS ÉCARTS*

Créteil 82,2 88,1 5,89

Nice 84 89,1 5,12

Versailles 84,5 89,6 5,09

Limoges 83,5 87,8 4,38

Aix-Marseille 84,6 88,6 4,03

Lille 85,8 89,6 3,79

Nancy-Metz 87,2 90,8 3,63

Rouen 84,8 88,5 3,63

Caen 88,9 92,2 3,28

Orléans-Tours 84,8 87,7 2,92

Moyenne 86,2 89,1 2,91

Besançon 86 88,7 2,69

En 2023, le taux de réussite au brevet de l’académie de Créteil aurait été gonflé de presque 6 points, de 5 points Dijon 87 89,7 2,69
à Nice et Versailles, de plus de 4 points à Limoges. Picasa/Drivepix /stock.adobe.com Clermont-Ferrand 88,7 91,3 2,61

Caroline Beyer Ce qui a pour effet de fausser la vérité sur une « prépa seconde », un dispositif Montpellier 85,7 87,4 1,68
les prix », ironise-t-il. Loin de l’ « har- prévu par le « Choc des savoirs », qui 94,2
Le premier ministre, monisation » des notes - destinée à cor- doit permettre d’asseoir les acquis de 3e Rennes 92,6
1,64
riger un éventuel « effet professeur » - et de préparer à l’entrée en seconde, soit Grenoble
Gabriel Attal,
87,3 88,9 1,57
ou du demi-point ajouté par le jury pour une année supplémentaire.
permettre à un élève d’avoir le diplôme Sans ces « correctifs académiques », Nantes
veut mettre fin
90,7 92,3 1,55
ou de décrocher une mention, ces « cor- de combien de points le taux de réussite
Poitiers
aux « correctifs rectifs académiques » semblent n’avoir au brevet va-t-il baisser ? Et où ? Selon 88,8 90,2 1,44
rien de rationnel. « Derrière, il y a l’idée la simulation, sans les correctifs appli-
Toulouse 88,6 89,9
académiques »
1,36
de ne pas porter la honte sur certains ter- qués en 2023, le taux de réussite de
ritoires, estime un bon connaisseur du l’académie de Créteil serait tombé à Strasbourg 89,6 90,5 0,91
qui permettent système. Je ne suis même pas certain que
les recteurs en donnent la consigne. Les
82,19 %, celui de Nice ou Limoges sous
les 84 % et ceux d’Aix-Marseille et Nan- Paris 91 91,8 0,78
de gonfler les notes. inspecteurs se croient obligés de faire ce cy-Metz sous les 85 %. Rappelons qu’en
Bordeaux 88,4 89,1 0,76
genre de choses. » 2023, 89,1 % des candidats avaient obte-

U
n taux de réussite au
brevet gonflé de presque
6 points dans l’académie
de Créteil, de 5 points à
Nice et Versailles, de
plus de 4 points à Limo-
ges et Aix-Marseille ou encore de plus
de 3 points à Lille, Nancy-Metz, Rouen,
Caen…
Voilà le grand bidouillage des résul-
tats du brevet que met en lumière une
simulation réalisée par les services du
premier ministre, que Le Figaro s’est
procurée. Une pratique connue, mais
jamais vraiment chiffrée, liée aux fa-
meux « correctifs académiques », à la
main des recteurs. « Il s’agit de la possi-
bilité pour un recteur de réviser à la haus-
se les notes de l’ensemble des élèves d’une
académie, en ajoutant par exemple un
point lorsque l’on constate une différence
par rapport à l’année précédente », ex-
plique Édouard Geffray, directeur géné-
ral de l’enseignement scolaire (Dgesco).
Ticket obligatoire
pour la seconde
De quand datent ces pratiques ? Édouard
Geffray, directeur général de l’ensei-
gnement scolaire depuis 2019, ne saurait
le dire, tant elles font partie du paysage.
« Il n’a jamais été écrit noir sur blanc que
ce n’était pas autorisé, poursuit-il. Il
s’agit aujourd’hui d’y mettre fin. » Le
premier ministre, Gabriel Attal, l’avait
annoncé début décembre lorsqu’il était
ministre de l’Éducation. Il l’a confirmé
le 14 mars pour la session 2024 du bre-
vet. « L’objectif est de faire la vérité sur les
notes et le niveau. Il faut un sursaut. On
s’était habitué à une consigne qui consis-
tait à gonfler les notes des élèves aux exa-
mens, explique Gabriel Attal. Le taux de
réussite au brevet va certainement dimi-
nuer, mais je l’assume. » Une décision
qui ne sera pas sans conséquence, car, à
compter de 2025, le brevet sera obliga-
toire pour entrer en seconde. Dans le cas
contraire, les recalés devront intégrer
nu le brevet. Un taux de réussite en
hausse de 1,4 point par rapport à l’année
précédente. Cette simulation illustre à
la fois la fuite en avant de l’évaluation et
son irrationalité. Ainsi, la réputée aca-
démie de Rennes, qui atteignait déjà un
taux de réussite de 92,58 % avant cor-
rectifs, a ajouté 1,64 point en 2023 pour
arriver à 94,22 %. Soit le taux le plus
élevé de France, devant l’académie de
Paris (91,03 %) qui, elle, n’a quasiment
pas touché aux résultats (+ 0,78 point)…
Certaines académies, comme celles
d’Amiens (+ 0,07 point), de Reims
(0,08) ou de Lyon (0,23) ne recourent
pas à ce gonflement artificiel. En outre-
mer, en revanche, jusqu’à 10 points
peuvent être ajoutés.
Qui sont les 10 % de collégiens qui,
aujourd’hui, n’obtiennent pas le bre-
vet ? « Des élèves qui traînent leurs diffi-
cultés depuis le primaire », résume Gwé-
naël Surel, du SNPDEN-Unsa, principal
syndicat des chefs d’établissement. De
fait, sur les 40 000 élèves qui décrochent
Corse 88,1 88,6 0,51
Lyon 89,3 89,5 0,23
Reims 81,7 81,8 0,08
Amiens 86,3 86,3 0,07
82 % 84 % 86 % 88 % 90 % 92 % 94 %
*Différence des taux de réussite avant et après les correctifs académiques
Source : Note de simulation réalisée par les services du premier ministre
en classe de seconde, 37 000 n’ont pas le quoi motiver les élèves, espère-t-on. En
brevet, explique le ministère. Sur les 2025 toujours, les épreuves écrites
quelque 85 000 élèves qui n’obtiennent compteront davantage (60 %) que le
pas le brevet, 80 % s’apprêtent à être contrôle continu. « Si les collégiens
orientés, en seconde, dans la voie pro- étaient évalués sur les seules épreuves
fessionnelle et 20 %, donc, vers la voie écrites du brevet, la moitié n’aurait pas
générale et technologique. Il faut dire le diplôme, résume Jean-Rémi Girard,
que les candidats font peu d’efforts pour président du Snalc et professeur de
un examen qui n’a aucune conséquence français au lycée. Ces épreuves, en outre,
sur la suite : « L’une des notes les plus ne sont pas des plus exigeantes. » Ce
données en maths et en français est changement de l’évaluation, conjugué
zéro », résume Édouard Geffray. à la suppression des « correctifs acadé-
Mais en 2025, ce brevet va devenir le miques », ferait tomber le taux de réus-
ticket obligatoire pour la seconde. De site au brevet à 80 %. ■

À Houdan, la fermeture d’une unité emblématique de soins palliatifs

Agnès Leclair

Cette disparition met en lumière les problèmes de cette filière alors que le président a promis la création d’une structure par département.

C’
est un symbole malheureux
à l’heure des promesses du
gouvernement sur le déve-
loppement des soins pallia-
tifs. À Houdan, la seule unité publique
de soins palliatifs des Yvelines vient de
fermer ses portes.
Mal en point depuis un an et demi,
l’unité fonctionnait avec une chef de
service à mi-temps, Estelle Destrée,
s’épuisant à la tâche, tiraillée entre ses
responsabilités à Houdan et à l’hôpital
de Mantes-la-Jolie. Envoyée en ren-
fort en 2022, elle a fini par se retrouver
seule médecin à bord l’année suivante.
« C’est une petite unité qui se heurte
aux problèmes de recrutement. On
manque de médecins. Nous étions déjà
en mode “survie”, avec un effectif mé-
dical très retreint. L’unité aurait pu fer-
mer dès l’année dernière, mais j’ai
continué à faire 100 kilomètres par jour
pour poursuivre ma tâche. La situation
était prévisible, mais, tant qu’il n’y a
pas de gros problèmes, malgré les ap-
pels à l’aide, il ne se passe rien »,
Avec cette disparition, « c’est une of-
fre de soins exceptionnelle qui n’existe
désormais plus dans la partie ouest du 78
(Yvelines), mais aussi dans le 28 (Eure-
et-Loir), qui n’a pas d’unité de soins pal-
liatifs et dans une partie du 27 (Eure).
Cette fermeture crée des trous dans l’of-
fre de soins », déplore un ancien mem-
bre de l’équipe. Aujourd’hui, « l’hôpital
cherche à recruter un nouveau médecin.
Faute de candidats, la piste d’un médecin
étranger est explorée ». Les deux unités
de soins palliatifs (USP) restant dans les
Yvelines, à Versailles et à La Verrière,
dépendent d’établissements privés.
« Cela correspond à 22 lits de soins pal-
liatifs pour 1,4 million d’habitants. Il en
faudrait plus du double », poursuit-il.
Cette fin a été vécue avec « colère et
incompréhension » par l’équipe, dont les
membres ont été répartis dans d’autres
services ou établissements. Ironie du
sort, les annonces d’Emmanuel Macron
sur le projet de loi relatif « à l’accompa-
gnement des malades et de la fin de
vie » ont suivi de peu cette fermeture.
palliatifs alors que notre unité était en
souffrance depuis plus d’un an. On en-
tend de belles promesses sur la stratégie
de soins palliatifs, sans beaucoup de
moyens, et on ne parle pas beaucoup des
moyens humains pour développer les
soins palliatifs alors que rien ne pourra se
faire sans », relève ce soignant. « Les
« C’est une petite unité qui
se heurte aux problèmes
de recrutement. On
manque de médecins.
Nous étions déjà en mode
“survie”, avec un effectif
médical très retreint »
Estelle Destrée chef de service
des soins palliatifs, à Houdan
soins palliatifs sont en péril. Je suis béné-
vole dans un établissement très reconnu
qui a pourtant lui aussi beaucoup de mal
à recruter des médecins et des infir-
miers », alerte Erwan Le Morhedec,
Cette fermeture est d’autant plus
emblématique que l’unité d’Houdan a
été créée il y a vingt-cinq ans par un
acteur historique des soins palliatifs, le
Dr Claude Grange. Médecin de famille,
il s’est formé à cette discipline à la mort
prématurée d’un de ses enfants. Son fils
Victor a mis ce « bijou d’humanité » en
lumière dans le documentaire « Vi-
vants ». Il a été projeté à l’Assemblée
nationale le 6 février, en présence
d’une partie de l’équipe soignante, peu
avant la fermeture de l’unité. Le
23 mars, il sera diffusé pour la première
fois à la télévision, sur Public Sénat.
« Quelle tristesse d’en arriver à fermer
une unité qui a fait ses preuves. Les soi-
gnants partent ailleurs, l’équipe se délite,
c’est une compétence qui va se dissoudre,
car le travail d’équipe est particulière-
ment important en soins palliatifs. Même
avec un nouveau médecin, tout sera à re-
construire », regrette le réalisateur du
documentaire, Victor Grange, fils du
créateur de l’USP. Lui aussi vit cette fin
comme un « véritable paradoxe » alors
convention citoyenne à l’Assemblée
nationale, qui a voté une résolution vi-
sant à les rendre effectifs sur tout le ter-
ritoire. « Il y a de belles paroles et des
actes qui ne suivent pas », soupire-t-il.
« Seul un Français sur deux qui a be-
soin de soins palliatifs y a véritablement
accès. (…) Il faudrait donc, en théorie,
doubler l’offre actuelle. On annonce un
plan de 1 milliard en dix ans. Ce chiffre ne
représente que 6 % d’augmentation du
budget actuel des soins palliatifs, infla-
tion comprise. Comment, avec 6 % de
budget en plus, comptez-vous doubler
cette offre ? », a interpellé Philippe Ju-
vin, mardi, à l’Assemblée nationale,
avant d’insister : « Y a-t-il un risque de-
main de suicides assistés par défaut d’ac-
cès aux soins palliatifs ? ». La ministre de
la Santé, Catherine Vautrin, a reconnu
que l’offre n’était pas suffisante, mais a
martelé l’engagement du gouverne-
ment à développer la filière palliative,
notamment en renforçant l’enseigne-
ment de cette discipline. Elle a égale-
ment fait valoir la création du premier
A

confiait-elle au Figaro peu avant la « C’est un paradoxe d’entendre les dé- avocat et auteur de Fin de vie en Répu- qu’il existe « une unanimité pour le dé- service de soins palliatifs en Corrèze,
fermeture de l’unité. clarations sur le développement des soins blique (Éditions du Cerf). veloppement des soins palliatifs », de la inauguré la semaine dernière, à Brive. ■
 10 vendredi 22 mars 2024 le figaro L’ÉVÉNEMENT

La France « sur les rails » pour tenir ses objectifs d

Anne-Laure Frémont

Tous les principaux secteurs de l’économie ont participé à la baisse

« record » de 4,8 % qui vient d’être constatée pour 2023.

S
tructurelle » ou « con-
joncturelle » ? Le débat est
à chaque fois le même : les
baisses d’émissions de gaz
à effet de serre (GES) en-
registrées ces dernières
années en France sont-elles un effet direct
de l'« écologie à la française » portée par le
gouvernement ou bien les conséquences
d’une météo clémente et d’une énergie
trop chère ?
Le fait est que ces émissions diminuent,
et le ministre de la Transition écologique,
Christophe Béchu, ne s’est pas privé pour
annoncer dès mercredi « une année re-
cord », devançant de 24 heures la publi-
cation du baromètre annuel du Citepa,
l’organisme chargé de l’inventaire des
émissions. En 2023, la France enregistre
en effet une baisse de 4,8 % par rapport à
2022, soit 19 millions de tonnes de CO₂
équivalent (Mt CO2e) en moins. L’équiva-
lent CO₂ est une mesure qui prend en
compte le dioxyde de carbone mais aussi
d’autres gaz à effet de serre comme le mé-
thane. La France a émis 385 Mt CO₂e, se-
lon le Citepa. Ce chiffre ne prend toutefois
pas en compte le transport international,
ni les émissions dites « importées » car
liées à la fabrication dans d’autres pays de
biens consommés sur le territoire.
Le bilan de 2023 correspond « quasi-
ment à la totalité de la baisse » enregistrée
« en France entre 2012 et 2017 », a ainsi af-
firmé Christophe Béchu sur TF1. « Moins
4,8 %, c’est inédit et cela doit tous nous en-
courager ! », a renchéri le président Em-
manuel Macron sur les réseaux sociaux. Et
si le Réseau action climat (RAC), qui fédè-
re 37 associations, déplore encore une di-
minution « majoritairement due à des ef-
fets conjoncturels, malheureusement
subis », pour Christophe Béchu, ces don-
nées sont bel et bien « la preuve que la pla-
nification écologique commence à (produi-
re) ses effets ». Et selon lui, pas d’« effet
météo » cette année : en 2022 en effet, la
baisse de 2,7 % des émissions avait en par-
tie été attribuée à un hiver doux et à une
hausse des prix de l’énergie, qui avaient
incité de nombreux Français à avoir la
main plus légère sur le thermostat.
« Tout l’enjeu est de savoir
(- 6 %) peut avoir plusieurs causes selon Globalement, les émissions françaises
le Citepa, qui n’écarte ni « la météo », ni ont diminué de 29 % entre 1990 et 2023,
les prix de l’énergie, ni « la poursuite des sachant que la baisse doit atteindre - 55 %
comportements de sobriété des ménages et d'ici à 2030. La Stratégie nationale bas
des entreprises » ; mais il évoque aussi « la carbone (SNBC), qui fixe les objectifs cli-
continuation des rénovations thermiques mat de la France, prévoyait 422 Mt CO₂e
des bâtiments, en lien avec les mesu- d’émissions par an pour la période 2019-
res MaPrimRénov’, et installations de 2023. En atteignant 405 Mt CO₂e, elle res-
pompes à chaleur » en hausse. Le secteur pecte donc ce budget carbone, atteste le
atteint ainsi son niveau d’émissions « le Citepa.
plus bas depuis 1990 ». Pour Christophe Béchu, 2023 nous pla-
Le domaine des transports, enfin, le plus ce « dans les rails du rythme que nous de-
émetteur (128 Mt CO₂), est de ceux qui bais- vons tenir jusqu’à la fin de la décennie. Donc
sent le moins vite (- 2 %), même si « les dy- ce n’est pas du tout le moment de baisser la
namiques du transport routier et du trans- garde. » Sans compter que cette trajectoi-
port aérien sont à distinguer », note re a surévalué la capacité d’absorption des
l’organisme indépendant. Le premier en- puits de carbone, comme les forêts, qui
registre - 3 % d’émissions de GES après des sont aujourd’hui en mauvaise santé. La
années de stagnation (hors période Covid), troisième version de la SNBC, dont la pu-
« ce qui est significatif » pour Colas Robert. blication tarde, est censée en tenir compte
Il évoque certes un prix à la pompe encore et rehausser les efforts à fournir en termes
très élevé et sans doute dissuasif, mais aussi de réduction d’émissions. « Les leviers
« la poursuite du renouvellement du parc de d’action sont bien identifiés, rappelle l’ex-
véhicules » avec moins de diesel et de plus pert du Citepa. Il faut désormais que les
en plus d’électriques et d’hybrides. En re- changements structurels se cumulent pour
vanche, l’aérien voit ses émissions bondir à que l’on entre dans une dynamique très
+ 21 %, même pour les vols domestiques. claire de décarbonation. » ■
Une année 2023 en dessous du plus bas historique enregistré durant la crise du Covid
Émissions annuelles de gaz à effet de serre (GES) de la France, hors puits de carbone, en millions de tonnes d'équivalent CO2 (Mt CO2e)
600
565
543 550
550 Rebond post-crise
539 Crise sanitaire, baisse historique
500 Entrée en vigueur
483
du protocole de Kyoto
Signature du protocole de Kyoto Pré-
451 454 estimations
450
- 7,1 %, plus forte baisse
enregistrée hors crise sanitaire 415
392 404
385
400
COP21 à Paris
350
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020
2022 2023

si cette dynamique va Le secteur des transports reste Les émissions liées au transport routier
se poursuivre, notamment
avec la montée en le premier émetteur de GES ne baissent pas assez vite
puissance du renouvelable Détail des émissions GES par secteur, en Mt CO2e
Évolution des émissions de GES du transport routier, en Mt CO2e
(éolien et solaire) mais 150
140
aussi en misant sur
la sobriété et l’efficacité
énergétique »
2020
136,5 107,3
130
Colas Robert expert au Citepa 127,5
Transports*
Alors, qu’en est-il vraiment ? Le détail 2023
120
précis des sources d’émissions ne sera pas
118,9
publié avant juin, de même que les évolu- 32 ans
116 1991
tions du secteur agricole. « Mais on voit pour revenir au niveau
118
apparaître au moins une part d’éléments du début des années 1990
structurels, encore difficiles à quantifier », 110
note Colas Robert, expert au Citepa, qui se
montrait plus circonspect l’an dernier. 100
« Les précédentes années ont été marquées 100
par des bouleversements successifs : Covid,
1990 1994 1998 2002 2006 2010 2014 2018 2022
crise énergétique, très forte inflation… En
2023, on sort un peu de ce contexte et on 86
commence à voir apparaître les effets cu- 83,5
mulés de ces efforts structurels. Et si on re- 82
garde plus globalement la période 2019- 75,7
Agriculture Transport
2023, on a clairement une tendance linéaire national
à la baisse. » 67 Industrie
Pour la première fois, la réduction des manufacturière 31,8 %
émissions vaut « dans tous les principaux Part
et construction Autres
secteurs (énergie, industrie, bâtiments, secteurs des transports
transports) », selon le Citepa. Elle est fla- Résidentiel- dans les émissions 36,3 %
60 tertiaire 63,7 %
grante dans celui de l’énergie (- 14 %) et totales en 2023*, Transports
plus particulièrement de la production 150 en %
d’électricité (- 30 %), « avec le retour d’une 4,5 %
47,2
forte production nucléaire » due à la remise 38
en service de réacteurs nucléaires touchés Transport
l’année précédente par des problèmes de Production international
corrosion ou des retards de maintenance. d'énergie
« Tout l’enjeu est de savoir si cette dynami- * y compris transport international
que va se poursuivre, notamment avec la
montée en puissance du renouvelable (éo- Répartition par type de transport, en %
lien et solaire) mais aussi en misant sur la Transport... ... national international
sobriété et l’efficacité énergétique », indi- 16 15,1 Traitement
que Colas Robert. centralisé Soit 29,6 % des émissions Fluvial et maritime 2 %
La tendance à la baisse se poursuit aussi des déchets totales françaises Ferroviaire 0,3 % Aérien 3,9 %
dans le secteur de l’industrie (- 8 %).
« Elle s’explique principalement par des Routier 81,4 %
baisses de production », notamment dans 0
la construction, la chimie ou la métallur- Fluvial et maritime 2,4 % Aérien 10 %
A

2014 2016 2018 2020 2022 2023

gie, mais aussi l’agroalimentaire (- 10 %).
Du côté du bâtiment, la diminution Source : Citepa * hors transport international Infographie :
 L’ÉVÉNEMENT le figaro vendredi 22 mars 2024 11

d’émissions de CO2
corinne le quéré
présidente du haut conseil pour le climat

Lucas via Reuters

« La France a su décorréler sa croissance économique
et ses rejets de gaz à effet de serre »
La baisse de 4,8 % des émissions
de CO2 en 2023 est-elle
une bonne nouvelle ?
Oui, une très bonne nouvelle. Cela fait
pratiquement une décennie que la
France diminue année après année
ses émissions de gaz à effet de serre,
avec des baisses annuelles qui
n’étaient pas encore assez fortes.
Même si l’on n’a pas encore tous les
détails, cette diminution proche de 5 %
provient de l’ensemble des secteurs
économiques. C’est vraiment bien. Elle
reflète des efforts du gouvernement
en matière d’investissements et de so-
briété énergétique. Cette performance
de 2023 devra se reproduire chaque
année jusqu’à la fin de la décennie en
France pour atteindre une trajectoire
conforme aux objectifs européens.
Mais la décision du gouvernement de
lancer un débat public avant d’enga-
ger une nouvelle programmation plu-
riannuelle de l’énergie risque de ralen-
tir le processus de baisse actuel, en
La centrale nucléaire du Bugey (Ain). La réduction créant de nouveaux délais pour réité-
des émissions est flagrante dans le secteur de l’énergie rer le résultat de l’an dernier.
(–14 %) et plus particulièrement de la production
d’électricité (–30 %), avec le retour d’une forte Le gouvernement a réduit
production nucléaire due à la remise en service ses investissements notamment
de réacteurs nucléaires. Jose Cendon/Bloomberg pour la rénovation thermique
des bâtiments...
Il y a quelques reculs par rapport aux
politiques climatiques. De plus, la bais-
se de 4,8 % en 2023 ne tient pas enco-
re compte des résultats sur les puits
de carbone (notamment la capture du
CO2 par les forêts et les terres, NDLR),
dont les performances ont eu tendan-
ce à diminuer ces dernières années.
Or, nous en avons un besoin impé-
rieux pour atteindre l’objectif de neu-
tralité carbone de la France en 2050.
Les transports restent-ils le point
noir de la France ?
Il s’agit du secteur le plus émetteur en
France. Mais il faut souhaiter que les
politiques publiques finissent par por-
ter leurs fruits. Les solutions pour dé-
carboner les transports existent avec
la voiture électrique et le « transfert
modal » (passage d’un moyen de
transport émetteur de CO2 à un mode
plus « vert »). De plus, il faut se féliciter
du fait que la France fasse partie du
groupe de pays qui a su décorréler sa
croissance économique et ses émis-
sions de gaz à effet de serre. Cela peut
se poursuivre ici et aux États-Unis.
En Allemagne, les émissions
sont au plus bas depuis 1990,
et, en Grande-Bretagne, au plus
faible niveau depuis 1879. Cela
doit-il nous pousser à relativiser
cette bonne performance ?
La France fait partie du groupe de
18 pays qui font les efforts les plus im-
portants, derrière le peloton de tête
des pays scandinaves et de la Grande-
Bretagne. Nous sommes proches des
meilleurs. Les baisses en Allemagne et
en Grande-Bretagne s’expliquent par
la sortie du charbon, tandis que la
France a déjà une énergie très large-
ment décarbonée grâce au nucléaire -
même s’il y a eu récemment un peu de
recours aux centrales à charbon.
Des scientifiques redoutent
qu’une nouvelle élection
de Donald Trump relance
les émissions de gaz à effet
de serre aux États-Unis.
Ces prévisions sont très spéculatives. Il
y a eu des efforts considérables réali-
sés notamment pour l’électrification
des transports aux États-Unis, qui ont
créé des marchés gigantesques. Cette
dynamique, notamment dans le sec-
teur des batteries, a une énorme iner-
tie, ce qui favorise une baisse des prix
des véhicules électriques. Il sera diffici-
le d’enrayer cette tendance.
Propos recueillis par marc cherki

Trente pays consacrent le nucléaire comme solution de la décarbonation

Elsa Bembaron se chiffrer en centaines de milliards nucléaires, ciblant notamment les Alle- ses calendriers et ses engagements fi- cléaires a débouché sur les coûts addi-
d’euros. Un des enjeux du moment est mands sans jamais les nommer. « Il faut nanciers. L’EPR de Flamanville, dans la tionnels et des retards significatifs », a
clairement d’inciter les institutions fi- être plus inquiet des conséquences des Manche, pourrait être connecté au ré- admis Ursula von der Leyen.

V
oué aux gémonies il y a à pei-
ne cinq ans, promis à une
disparition certaine après
l’accident de la centrale de
Fukushima au Japon en 2011, le nu-
cléaire signe son retour en grâce. Tous
les clignotants sont au vert pour cette
énergie, n’en déplaise aux écologistes
allemands. Une véritable révolution est
en marche dans les instances euro-
péennes. La réunion, ce jeudi, d’une
trentaine de pays pronucléaires – quin-
ze Européens dont la France, les États-
Unis, la Chine… - dans le cadre d’un
sommet organisé par Bruxelles et
l’Agence internationale de l’énergie
atomique (AIEA) reflète parfaitement
ce renouveau. Tout un symbole. Après
avoir acté sa sortie du nucléaire en
2020, la Belgique a finalement décidé
l’année dernière de prolonger jusqu’en
2035 la vie de deux de ses réacteurs
atomiques.
Les arguments brandis par les parti-
sans de la relance sont à la fois environ-
nementaux, économiques et géopoliti-
ques. La guerre en Ukraine a mis en
exergue la fragilité de modèles énergé-
tiques dépendants des hydrocarbures
et plus particulièrement du gaz russe.
La maîtrise de l’approvisionnement
énergétique est devenue un enjeu de
souveraineté nationale et de compétiti-
vité. Le recul des émissions de gaz à ef-
fet de serre en France, porté par la re-
montée de la production nucléaire
d’EDF, apporte de l’eau au moulin des
défenseurs de l’atome.
« N’oublions pas que l’énergie nu-
cléaire est la deuxième source de pro-
duction d’électricité bas carbone, après
l’hydroélectricité », a souligné Ursula
von der Leyen, la présidente de la
Commission européenne dans son dis-
cours, rappelant que le nucléaire re-
présente 9 % du mix électrique mon-
dial. Une part deux fois moindre qu’en
1988 (18 %). En Europe, il représente
encore 22 % de la production électrique
mais là encore en net recul, puisque
c’était un tiers au début des années
1990.
Les participants au sommet ont réaf-
firmé les engagements pris lors de la
COP28, à Dubaï, à savoir tripler les ca-
pacités de production nucléaire d’ici
2050, faisant de l’atome une des pierres
angulaires de la stratégie de sortie des
énergies fossiles. Paris et ses partenai-
res n’ont de cesse de prôner la « neu-
tralité énergétique » et le libre choix des
pays pour développer les énergies bas
carbone. Le bras de fer avec les Alle-
mands, vent debout contre l’atome, est
permanent. À chaque texte adopté à
Bruxelles, les représentants français
remontent au créneau pour que l’atome
soit placé sur le même plan que les
énergies renouvelables.
L’enjeu est financier. La facture de la
relance du nucléaire dans le monde va
nancières publiques à épauler les États. émissions de CO2 sur notre santé quand seau cette année, avec douze ans de re- La filière va devoir massivement re-
La Banque européenne d’investisse- on utilise du charbon » que quand on tard et une dizaine de milliards d’euros cruter. Pour la France seule, les besoins
ment (BEI), la Banque européenne pour utilise du nucléaire. Emmanuel Macron de surcoût. Celui d’Olkiluoto en Fin- sont estimés à 100 000 personnes sur la
la reconstruction et le développement en a profité pour louer les compétences lande est entré en service en 2022, onze décennie en cours. L’Alliance du nu-
(Berd), mais aussi leurs homologues des agences de sûreté nucléaire natio- ans après la date prévue et avec une cléaire, lancée à l’initiative de la France
asiatiques, sont appelées à ouvrir les nales et de l’AIEA, soulignant que « le facture alourdie de près de 10 milliards et qui réunit désormais quinze pays
cordons de la bourse. Pour l’heure, ces niveau de sûreté des centrales nucléaires d’euros. « Le futur du nucléaire dépend européens, prône ainsi une mise en
établissements privilégient les renou- a été relevé après Fukushima ». de la capacité de l’industrie à respecter commun des ressources, notamment
velables. Aux enjeux sociétaux s’ajoute la né- ses budgets et ses délais. Bien trop sou- pour la mise en place de formations
Trois grands chantiers ont été identi- cessité pour la filière nucléaire de tenir vent, la construction de centrales nu- dédiées. ■
fiés lors du sommet, faisant écho aux
engagements français. Tout d’abord, le
prolongement de la durée de vie du
parc existant. Les États-Unis et la Fran-
ce sont les plus engagés dans cette voie.
Ensuite, la construction de nouveaux
réacteurs nucléaires de puissance com-
parable à ceux qui existent déjà. Ac-
tuellement, 57 gros réacteurs sont en
chantier dans le monde, la majorité
construite par la Russie et la Chine. Et
enfin, le développement de solutions
innovantes, avec l’arrivée attendue sur
le marché de petits réacteurs modulai-
res (SMR et AMR). Ces derniers présen-
tent la particularité d’être majoritaire-
ment financés sur des fonds privés,
attirés par les nouveaux marchés qui
s’ouvrent à eux. Certains de ces SMR
seront dédiés au remplacement de cen-
« N'oublions pas
que l'énergie nucléaire
est la deuxième source
de production d'électricité
bas carbone, après
l'hydroélectricité »
Ursula von der Leyen Présidente
de la Commission européenne
trales électriques à charbon, d’autres à
alimenter directement des sites indus-
triels sur lesquels ils seront implantés.
Des projets sont en cours, visant à ali-
menter les réseaux de chauffage urbain
des villes. La France s’est engagée dans
la construction de 6 réacteurs (EPR 2)
qui devront apporter une capacité sup-
plémentaire de 9 gigawatts (GW), et
14 GW en incluant les SMR.
De quoi susciter quelques questions
en termes d’acceptabilité sociale.
Avant même de franchir la porte de la
réunion, Emmanuel Macron donnait le
ton devant la presse internationale.
« Un modèle (de production d’électrici-
té) 100 % renouvelables a des coûts
moins soutenables que le nucléaire qui
est pilotable et bas carbone. Il faut conti-
nuer à faire monter chez nous les renou-
velables, parce qu’on n’a pas assez. Mais
on a aussi une force qui est le nucléaire.
Nous sommes un des pays au monde qui
a le plus faible taux de CO2 par habi-
tant », affirmait-il. En réunion pléniè-
re, le président Français, à la tête de la
première délégation européenne et de
la deuxième derrière les États-Unis, a
continué à porter des coups aux anti-
 12 vendredi 22 mars 2024 le figaro
Christophe Remise
Grand favori pour
le titre de meilleur
défenseur en NBA,
le pivot français
impressionne
avec Minnesota.
Excellente nouvelle
pour les Bleus.
O
n ne peut pas plaire à
tout le monde. Rudy
Gobert est bien placé
pour le savoir. Âgé de
31 ans, et actuellement
dans sa 11e saison en
NBA, la deuxième avec les Minnesota
Timberwolves, le pivot international
tricolore (100 sél.) ne laisse pas indiffé-
rent. L’ancien Choletais ne sera jamais
un joueur flashy, qui tourne à 30 points
par match ou qui alimente le top 10. Son
créneau, c’est la défense, l’impact, tou-
tes ces petites choses qui ne se voient
pas forcément au premier coup d’œil,
qui n’apparaissent pas obligatoirement
dans les statistiques. « Je n’ai jamais
pensé que Rudy Gobert était un grand
défenseur », charge Shaquille O’Neal,
qui a la critique facile quand il est ques-
tion du Picard.
Shaq en sera pour ses frais quand Go-
bert, grand favori, héritera du titre de
meilleur défenseur de la NBA. Ce serait
son quatrième, un record. « Rien n’est
jamais dans la poche. La priorité, c’est
d’aider mon équipe à aller là où elle n’est
encore jamais allée, et là où je ne suis ja-
mais allé non plus, d’ailleurs : jouer pour
un titre de champion NBA. C’est ce qui
compte le plus », martèle-t-il, pour
Le Figaro. Il n’y a pourtant que peu de
suspense. « Ce serait incroyable de rem-
porter un quatrième titre de meilleur dé-
fenseur, un honneur. Je n’aurais jamais
imaginé en gagner un quand j’ai com-
mencé le basket ! Mais, petit à petit, c’est
venu à moi, et, quand je prendrai ma re-
traite, je voudrais être considéré comme
l’un des meilleurs défenseurs de tous les
temps, c’est la mentalité que j’ai chaque
jour », ajoute-t-il.
Plus ou moins dans la course, Victor
Wembanyama, de loin le meilleur
contreur de la NBA et dans le top 20 des
meilleurs intercepteurs, s’incline face à
son aîné : « Rudy a de très grandes
chances de gagner cette année. Ce serait
mérité. Qu’il le gagne maintenant, parce
qu’après ce ne sera plus son tour !
(Rires.) » À voir. Gobert, à 31 ans, a en-
core de belles années devant lui. Son
contrat actuel court jusqu’en 2025, avec
une option jusqu’en 2026.
En attendant, « Wemby » et Rudy
Gobert feront équipe dès l’été prochain,
aux JO de Paris. Un sacré tandem…
« On aura la chance d’avoir une équipe
unique. Victor est unique en soi, mais
avec l’association avec moi, nos cadres,
Nico (Batum), Evan (Fournier), Nando
(De Colo)… c’est excitant. Même si on est
tous concentrés sur nos saisons respecti-
ves, c’est dans un gros coin de nos tê-
tes », salive Gobert, avant ce qui sera sa
quatrième participation au tournoi
olympique. Les Bleus ont été servis
mardi, lors du tirage. Ils défieront les
champions du monde allemands, le
vainqueur du TQO de Riga (potentielle-
ment la Lettonie) et le Japon. Vincent
Collet se dit « globalement satisfait ».
« C’est bien pour nous de connaître
l’identité de nos adversaires, même si on
Victor Wembanyama dépasse toutes les attentes
Christophe Remise
A
lien, phénomène, extrater-
restre… Victor Wembanya-
ma était attendu comme le
loup blanc en NBA. La plus
grosse « hype » depuis LeBron James.
Que de promesses… Encore fallait-il
que le géant (2,24 m) francilien les
tienne. Jusqu’ici, il fait encore mieux.
Et c’est Gregg Popovich qui le dit. « Il a
dépassé mes attentes depuis le début de
la saison », avoue l’intransigeant coach
des Spurs, soulignant tout de même
que son poulain « perd aussi quelques
ballons. On s’est focalisés là-dessus der-
nièrement, sur le fait de rendre ses pres-
A
tations plus solides, plus rigoureuses.
Cela prend du temps ». « Wemby » ap-
Rudy Gobert lors du match
des Minnesota Timberwolves
contre les Cleveland Cavaliers,
le 8 mars, à Cleveland.
La muraille Gobert
à la conquête de la NBA…
avant les Jeux olympiques
doit encore attendre le résultat du TQO
letton. Mais, au final, on sait qu’on devra
battre de bonnes équipes afin d’atteindre
notre objectif. C’est bon à savoir, mais ça
ne change pas vraiment notre approche,
notre mentalité sur ce tournoi », com-
mente le pivot des Bleus.
Avant cela, il y a toutefois une saison
à terminer. Et pas que ça, d’ailleurs,
dans le cas de Gobert, qui sera l’heu-
reux papa d’un petit garçon fin mai ou
début juin. Jusqu’ici, c’est surtout aux
enfants des autres qu’il s’intéressait,
avec la Rudy’s Kids Foundation et la
Rudy Gobert Academy de Levallois, un
programme éducatif sous la houlette
du joueur de 2,16 m. Aventure à la-
quelle Kellogg France est associée en
tant que parrain « pour faire découvrir
aux jeunes le goût de l’équilibre alimen-
taire et le plaisir d’avoir des bonnes ha-
bitudes au quotidien ». Partenariat re-
nouvelé. « Ça fait une grosse différence
paraît en effet dans le top 10 des joueurs
qui perdent le plus de ballons (3,5 par
match) et ses pourcentages d’adresse à
trois points ne sont pas brillants der-
nièrement (29,3 % en mars).
Pour le reste, c’est tout bon. Plus que
cela. L’ancien joueur des Mets 92 tourne
à plus de 20 points, 10 rebonds et
3,5 contres de moyenne. Les seuls
joueurs à avoir accumulé ce genre de
statistiques en fin de saison se nomment
Kareem Abdul-Jabbar, Patrick Ewing,
Hakeem Olajuwon, David Robinson,
Shaquille O’Neal et Alonzo Mourning.
C’est le meilleur contreur de la NBA, et
de loin. Assuré du titre de Rookie de
l’année, « Wemby » appartient déjà à
l’élite, même si « ses » Spurs ne sont pas
encore au niveau. Derniers à l’Ouest la
saison dernière avec 22 petites victoires,
Sport
pour les jeunes », se réjouit Gobert, qui
organise un camp estival, chez lui, à
Saint-Quentin.
Du côté du Minnesota, l’excitation ira
crescendo dans cette fin de saison. Les
ambitions sont élevées. Le titre est dans
le viseur. Et ce, même si les blessures
s’en mêlent. Si Anthony Edwards brille
de mille feux, Karl Anthony Towns est à
l’infirmerie pour plusieurs semaines.
« C’est forcément un coup dur pour nous,
mais ce n’est pas trop grave, l’opération
s’est bien passée, on espère qu’il va reve-
nir pour le début ou pendant les play-off.
J’espère qu’il va prendre le temps de bien
se renforcer pour revenir dans sa meilleu-
re forme », déclare Gobert. Et d’ajouter :
« Ça nous force à nous adapter. On a des
joueurs qui peuvent jouer, dont le rôle
sera plus important que lorsqu’il est pré-
sent. Mais j’espère que le fait de traverser
ce genre de moment ne fera que renforcer
notre équipe pour le futur. »
ils ne sont même pas certains de faire
mieux, avec 15 victoires et 11 matchs à
jouer. Ils sont évidemment déjà hors
course pour les play-off.
Du jamais-vu
L’intérieur international tricolore
(4 sélections) est néanmoins appelé à
devenir « le nouveau visage de la ligue »,
comme le devine l’ancienne star des
Knicks Carmelo Anthony, en charge du
tirage des Jeux olympiques en tant
qu’ambassadeur de la Fiba mardi der-
nier, en Suisse. « Je n’ai jamais vu ça
dans ma carrière », a-t-il ajouté.
« Melo » n’est pas le seul dans ce cas.
C’est le genre de commentaire que le
Français suscite régulièrement. Du ja-
mais-vu. L’impression que le ciel est sa
limite. Même Rudy Gobert est impres-
Lesquels T-Wolves ont gagné « en
maturité et en consistance » depuis la
saison dernière. « Dès le camp d’entraî-
nement, on a pris les bonnes habitudes,
on a établi notre identité, une équipe dé-
fensive, et qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il
vente, on allait défendre. Il fallait définir
les points sur lesquels on ne pouvait pas
négocier. La défense, le rebond, la com-
munication… Toutes ces choses-là, on
peut les contrôler à chaque match. Même
si les tirs ne rentrent pas, que la fatigue
est là, on peut contrôler cela et c’est im-
portant pour nous de ne jamais le per-
dre », affirme-t-il.
Résultat ? Minnesota tourne au super,
avec la meilleure défense de la NBA.
Comme par hasard… Les statistiques de
Gobert sont parlantes (13,7 points,
12,9 rebonds, 2,1 contres). Elles ne di-
sent pas tout de son impact. Après une
saison d’adaptation, le Français donne
sa pleine mesure. « L’année dernière, il y
a eu beaucoup de hauts et de bas, ça fait
partie de la vie, de la carrière… À cer-
tains moments, tu n’es pas à 100 %. Cet
été, j’ai eu un peu plus de temps pour me
ressourcer, bien me préparer. Je ne
m’étais jamais senti aussi fort, aussi
bien », analyse-t-il. Ses coéquipiers ont
aussi appris à jouer avec lui, un profil
particulier. « Toutes les bonnes choses
prennent du temps, s’amuse-t-il. De
l’extérieur, les gens peuvent être impa-
tients ou faire des conclusions hâtives,
mais, dans le sport, il n’y a rien de sim-
ple, ce sont des automatismes à construi-
re. Aucune grande équipe n’a gagné dès
la première année… »
« Je suis un joueur différent
de celui que j’étais
lors des dernières saisons
à Utah. C’est le fruit
du travail, de l’expérience.
Il faut savoir se remettre
en question, baisser la tête
et travailler »
DAVID LIAM KYLE / Getty Images v/Getty Images via AFP
Rudy Gobert
Des performances qui n’ont toutefois
pas permis au pivot des Wolves et des
Bleus d’être invité au All Star Game.
Gobert en avait plaisanté, disant qu’il
en rigolerait au moment d’entrer au
Hall of Fame et qu’il en profiterait pour
se la couler douce au soleil. Il a tenu pa-
role. « J’ai pu me recharger, prendre le
soleil, passer du temps avec ma compa-
gne et me préparer pour la deuxième
partie de saison qui m’attend. Chaque
jour était important. Le All Star, c’est une
reconnaissance superbe dans une carriè-
re, mais, au final, ce genre de moments,
tu ne peux pas les récupérer », note-t-il,
lui qui a récemment fait parler de lui en
L’ex-Choletais a aussi ses pépins. mettant en doute l’intégrité de l’arbitre
Touché aux côtes, il a manqué les trois Scott Foster. Ce qui lui a valu une
derniers matchs. « J’espère reprendre le amende de 100 000 dollars… Le genre
plus vite possible, ce n’est qu’une ques- d’écart, après le Covid, les larmes et
tion de douleur. C’est rassurant », glisse- d’autres petites choses, qui contribuent
t-il. À voir si ces soucis peuvent coûter à brouiller son image, lui qui n’aurait
aux Wolves la première place à l’Ouest. sans doute pas dégoupillé s’il n’était pas
Ils sont dans un mouchoir avec OKC et dans un état de fatigue conséquent.
Denver. « C’est important pour nous Chat échaudé craint l’eau froide : on
d’avoir l’avantage du terrain jusqu’en fi- ne devrait plus l’y reprendre. Il n’est
nales de Conférence. Ça peut faire la dif- jamais trop tard pour cela, sur et en de-
férence en play-off. Après, ça ne garantit hors du parquet. « Je suis un joueur dif-
rien, tout comme ce n’est pas parce que tu férent de celui que j’étais lors des derniè-
finis deuxième, troisième ou quatrième res saisons à Utah. C’est le fruit du
que tu ne peux pas être champion. Mais si travail, de l’expérience. Il y a des choses
on veut mettre toutes les chances de notre à apprendre des défaites, de ce qui a pu te
côté, il faut essayer de sécuriser cette pénaliser. Il faut savoir se remettre en
première place », assure le Picard, pour question, baisser la tête et travailler.
qui les Wolves 2023-2024 représentent Chaque année, chaque jour, c’est ce que
« la meilleure équipe au sein de laquelle (il j’essaie de faire en restant moi-même, en
a) évolué » jusqu’ici. « Plus de taille, de m’appuyant sur mes forces. Je me sens
talents offensifs et de polyvalence défen- différent et meilleur », jure-t-il. La clé
sive » par rapport à ses années à Utah. du succès, en club et en bleu ? ■
sionné. Il connaît pourtant bien le gar- production globale, il fait de plus en
çon et l’accompagne depuis de longues plus de choses, il est plus passeur, im-
années. « Je ne m’attendais peut-être pas pliqué dans le jeu de l’équipe et c’est
à le voir comme ça sur sa première saison. forcément intéressant pour l’équipe de
Après, ce n’est pas si surprenant… Ce qui France », salivait le sélectionneur de
l’est, c’est que son adaptation a été plus l’équipe de France mardi, en confé-
rapide que je ne le pensais, note le pivot rence de presse, lui qui s’appuiera
international tricolore. On le voit évoluer bien évidemment sur son joyau – dont
de match en match et ça fait plaisir à voir. la saison s’achèvera dès la mi-avril à
Je sais à quel point il travaille dur, à quel la fin de la saison régulière – l’été pro-
point il est sérieux. Ce n’est que le fruit de chain, lors des Jeux de Paris. En fait, il
son travail. Mais c’est impressionnant de aurait aimé l’avoir dès l’été dernier,
voir à quelle vitesse il apprend et il pro- lors de la Coupe du monde. Il avait
gresse. C’est un plaisir. Tout ce que je même couché son nom dans la pre-
veux, c’est qu’il soit bien, heureux, et bien mière mouture de sa liste… avant
sûr après, les performances vont suivre ». d’apprendre que l’intéressé renonçait
Elles sont déjà là, et le bilan est « très po- pour mieux préparer sa première sai-
sitif », dixit Vincent Collet. son avec les San Antonio Spurs et le
« Depuis début janvier, il est dans grand saut vers la ligue nord-améri-
une progression constante en termes de caine. Un mal pour un bien. ■

De Gaulle, le précieux héritage olympique
Jean-Julien Ezvan
L’influence du Général sur la politique sportive française se lit toujours. Éclairage, à 125 jours des JO de Paris 2024.
L
es Jeux olympiques ont la
force du temps, celle des
événements qui offrent la
possibilité de rembobiner le
film, n’oublient rien des
exploits en noir et blanc,
des émotions et des architectes. Et per-
mettent de se projeter. Mercredi, au ter-
me d’une journée émouvante marquée
par la cérémonie d’hommage à l’amiral
Philippe de Gaulle dans la cour des Inva-
lides à Paris, avant l’enterrement à Co-
lombey-les-Deux-Églises, la Fondation
de Gaulle a débattu de la politique spor-
tive du Général : « Aux sources du projet
olympique français. » En partant d’un
dessin. Celui de Jacques Faizant, publié
en une du Figaro au lendemain des Jeux
olympiques de Rome en 1960. Le Géné-
ral, en survêtement, la valise à la main,
se déclare prêt à accompagner un nou-
veau défi, celui d’un pays conquérant
sur tous les terrains. « Dans ce pays, si je
ne fais pas tout moi-même… » Le pas,
ample, décidé, porte une idée ancrée,
une volonté tenace d’imprimer un élan.
Les JO de Rome ont, en France, été
vécus sans joie. Abebe Bikila, le mara-
thonien éthiopien aux pieds nus, et le
charismatique boxeur américain Cassius
Clay sont entrés dans la légende. Les
Français, eux, n’ont fait que passer,
scotchés au fond de la classe (25e place
d’un tableau des médailles dominé par
l’URSS, devant les États-Unis et l’Italie).
Avec deux médailles d’argent (Michel
Jazy sur 1 500 m et le 4 avec barreur en
aviron) et trois médailles de bronze. Les
premiers JO retransmis en direct à la
télévision ont laissé peu de liberté à la
fierté. Le lendemain de la clôture des
Jeux, devant l'Assemblée nationale, le
député Hervé Laudrin tonne : « Les Jeux
olympiques de Rome ont humilié notre
jeunesse à la face du monde. »
Ce cuisant échec n’a pas eu le temps
de tiédir. Le général de Gaulle assure :
« Si la France brille à l’étranger par ses
penseurs, ses savants, ses artistes, elle
doit aussi rayonner par ses sportifs. Un
pays doit être grand par la qualité de sa
jeunesse et on ne saurait concevoir cette
jeunesse sans un idéal sportif. » Il décide
de « donner au sport français les moyens
de ses ambitions ». Avec une politique de
la jeunesse à reconstruire. Deux mois
plus tard, il appuie la candidature de
Grenoble à l’organisation des Jeux d’hi-
ver de 1968, saisissant un événement
pouvant servir le prestige et la gloire de
la France et offrir une vaste entreprise
de modernisation des stations de sports
d’hiver pour promouvoir le tourisme. Le
sport et les JO s’invitent comme un fil
rouge qui dure.
Maurice Herzog, l’alpiniste, héros de
l’Annapurna en 1950, est nommé haut-
commissaire à la Jeunesse et aux Sports,
puis secrétaire d’État à la Jeunesse et aux
Sports. Au cœur d’un vaste mouvement
prônant la démocratisation et la profes-
sionnalisation. « Il n’y avait rien, six ou
sept piscines olympiques dans toute la
France. Grâce au général de Gaulle, grâce
à son aide, dans le cadre de plusieurs lois-
programmes successives, huit ans après,
quand j’ai quitté le ministère des Sports, il
y avait plus de mille complexes olympiques
et sportifs », rappelle dans un documen-
taire Pierre Mazeaud (chargé de mission
auprès de François Missoffe, ministre de
la Jeunesse et des sports en 1967-1968,
puis secrétaire d’État de 1974 à 1976).
Prémices d’une œuvre de longue halei-
ne. 1140 gymnases, 540 piscines, des sta-
Dessin de Jacques Faizant publié en une du Figaro au lendemain des Jeux
olympiques de Rome en 1960. ADAGP, Paris 2024
des, des bases de plein air sont construits,
à un rythme multiplié par trois par rap-
port à la IVe République. « Le sport s’ins-
crit comme un service public qui relève des
politiques de santé, des politiques sociales,
d’aménagement du territoire, pour tou-
cher la jeunesse, développer un sport de
masse. Et, éventuellement, recruter une
élite », indique Frédéric Fogacci, histo-
rien de la fondation. Avec une idée-for-
ce, retracée par l’amiral Philippe de
Gaulle dans un documentaire de Jean-
Paul Ollivier : «Pour mon père, il faut
donner aux sportifs, et en particulier ceux
qui ont vocation de champions, des moyens
matériels et financiers.»
Et la vitrine brille. «J’ai gagné pour
mes parents, ma famille, le Général et la
France», lance à la télévision Marielle
Goitschel après sa médaille d’or dans le
slalom géant aux Jeux d’hiver d’Inns-
bruck en 1964. « Elle était à Val d'Isère
quand elle a appris la mort du Général (en
1970). Alors, au volant de sa Simca 1000,
elle est allée, dans la nuit, de Val d'Isère à
Colombey, on la voit sur les photos des ob-
sèques derrière une barrière en alumi-
nium », raconte Hervé Gaymard, prési-
dent de la Fondation Charles de Gaulle.
En octobre 1965, le général de Gaulle
inaugure la Halle Maigrot (9 100 m2) au
cœur du bois de Vincennes, au centre de
ce qui deviendra l’Insep, (l’Institut na-
tional du sport, de l’expertise et de la
performance) en 1975. « La première
salle d’athlétisme de cette envergure, do-
tée d’un plafond d’une hauteur jusque-là
inégalée », selon le site «L’usine à
champions» qui n’a rien oublié de ses
racines. Guy Drut, champion olympique
du 110 m haies en 1976, ministre des
Sports de 1995 à 1997, glisse : « Marceau
Crespin (délégué général à la prépara-
tion olympique, puis directeur de la jeu-
nesse et des sports) était l’homme de la
situation. Après la construction des équi-
pements, il fallait les faire vivre. L’anima-
Sport
tion avec les cadres techniques, les DTN…
pour s’occuper des jeunes venant dans les
stades, les gymnases, les piscines… c’est
lui. Il a été le déclencheur de cette politi-
que, dont je suis un exemple. » Dans le
vaste dispositif, l’aspect législatif n’est
pas oublié. En 1965 est promulguée la loi
Mazeaud, la première au monde traitant
du dopage. Le premier ministère des
Sports est, lui, créé en 1967.
« Comme à Grenoble
en 1968, la France joue
avec Paris 2024 une carte
en termes d'excellence, de
visibilité, avec des valeurs
qui sont liées au sport
et à la France. On retrouve
de l’importance que
représente l’événement
dans la filiation des Jeux
de 1968, et il y a aussi
le centenaire
des Jeux de Paris »
Luc Robène spécialiste de l’histoire
du sport et professeur
à l’université de Bordeaux
Lors de la cérémonie d’ouverture des
Jeux olympiques de Grenoble en 1968, le
général de Gaulle trône. Devant 70 000
spectateurs et « 500 millions de téléspec-
tateurs », selon les commentaires de
Léon Zitrone. « En une phrase aussi sim-
ple que celle-ci : “Je proclame l’ouverture
des Xes Jeux olympiques d’hiver de Greno-
ble…”, le général de Gaulle sut mettre tel-
lement bien les accents toniques aux bons
endroits, qu’on crut, rien qu’un instant, à
une espèce de déclaration d’indépendan-
ce », écrit Pierre Macaigne dans Le Fi-
garo. Les résultats sont au rendez-vous
avec 9 médailles, dont 4 d’or (et 3 pour
l’inoubliable Jean-Claude Killy), pour
une troisième place au tableau des mé-
dailles. Dans la foulée, lors des JO d’été
de Mexico, s’accrochent le sourire de
Colette Besson, la force des cyclistes Da-
niel Morelon et Pierre Trentin, l’effica-
cité de Daniel Revenu et des fleurettis-
tes… La France (15 médailles, dont 7
d’or) escalade les marches, se hisse à la
sixième place du tableau des médailles.
Le général de Gaulle célèbre ceux qu’il a
mis sur le devant de la scène avec des
cérémonies de remise de Légion d’hon-
neur (pour les athlètes Michel Jazy et Jo-
celyn Delecour, le cycliste Jacques An-
quetil, les skieurs Jean-Claude Killy et
Guy Périllat, le rugbyman Michel Craus-
te, le patineur Alain Calmat…).
Le sport s’expose. Le général de Gaul-
le, qui était un piètre sportif, aime le sui-
vre, l’accompagner. Et y tenir, parfois,
une place inattendue. Comme lors de la
finale de la Coupe de France 1967 entre
Lyon et Sochaux restée célèbre pour un
épisode : « Un ballon dégagé par le demi
le figaro vendredi 22 mars 2024
lyonnais d’origine argentine Hector Mai-
son, récemment naturalisé français, tom-
be directement… aux pieds du Général !
Lequel s’en saisit immédiatement, se lève
et le renvoie à deux mains vers la pelouse,
déclenchant l’hilarité du public et de son
voisin, le premier ministre du Québec,
Daniel Johnson, en visite officielle en
France et invité au match », rappelle le
site de la Fédération française de foot-
ball. Il a également marqué le Tour de
France. « Le Tour de France est d’un inté-
rêt essentiel. Mon père le tenait pour une
activité sportive capitale (elle rassem-
ble)… depuis avant la guerre de 14 », sou-
lignait Philippe de Gaulle en 2018 dans
une lettre retrouvée par Xavier Louy,
ancien directeur de la Grande Boucle.
Une Grande Boucle qui a croisé, à Co-
lombey-les-Deux-Églises, la route du
général de Gaulle en 1954. Et surtout en
1960, au cours de la 20e étape Besançon-
Troyes (la veille de l’arrivée au Parc des
Princes). En vacances à la Boisserie, le
président de la République, costume
sombre, se pose au milieu de la foule. In-
formé de sa présence, Jacques Goddet, le
directeur du Tour, improvise l’arrêt du
peloton, saisit son mégaphone pour or-
chestrer l’hommage. Un épisode unique
dans la longue histoire de l’événement.
Le Général serre la main du Maillot jau-
ne, l’Italien Gastone Nencini, et de Hen-
ry Anglade, avant de le laisser le peloton
cheminer riche d’une page d’histoire.
Cette année, le Tour de France fera,
pour la première fois étape à Colombey-
les-Deux-Églises, théâtre de l’arrivée de
la 8e étape, le 6 juillet.
« C’est Nicolas Lacroix, président du
conseil départemental de la Haute-Marne,
qui me l’a proposé. Je n’aurais jamais osé le
demander, je trouve cela phénoménal. Le
Tour, c’est la plus grande course cycliste
du monde, mais c’est une épreuve qui est
dans la vie et dans notre histoire, donc
avoir un lien avec les 80 ans du Débarque-
ment était pour moi essentiel. Aussi, ce
lien, il est philosophique, on n’est pas sur
les plages du Débarquement, on n’est pas
en Normandie, mais on va dans le village
du général de Gaulle. Pour la toute premiè-
re fois au pied de la croix de Lorraine. C’est
fort », se réjouit Christian Prudhomme, le
directeur de la Grande Boucle.
Aux portes des Jeux olympiques
(26 juillet-11 août) et paralympiques
(28 août-8 septembre) de Paris 2024,
Pierre Mazeaud lance, dans un message
lu par Jean-Marie Dedeyan, vice-prési-
dent de la Fondation de Gaulle : « Le
sport est fédérateur, sa pratique, facteur
de bien-être, d’épanouissement et sou-
vent de promotion sociale. Puissent les JO
2024 motiver la jeunesse et raviver les
énergies dont la France a tant besoin pour
faire face aux défis du monde. » Luc Ro-
bène, spécialiste de l’histoire du sport,
professeur à l’université de Bordeaux,
assure : « Comme à Grenoble en 1968, la
France joue avec Paris 2024 une carte en
termes d'excellence, de visibilité, avec des
13
Février 1968, le général
de Gaulle (au centre),
assiste à la cérémonie
d’ouverture des JO de Grenoble.
Roger-Viollet
valeurs qui sont liées au sport et à la
France. On retrouve de l’importance que
représente l’événement dans la filiation
des Jeux de 1968, et il y a aussi le cente-
naire des Jeux de Paris. C’est une histoire
compliquée et riche.»
En 2024, que reste-t-il de Gaulle por-
teur de flamme dans le sport français ?
« L’Insep, la structure qui est au cœur de
la fabrique du haut niveau, par exemple.
Et ce qui est de la figure du champion dans
son rapport à la nation. L’élan gaullien l’a
mis en valeur et c’est toujours vrai », ré-
sume Luc Robène. Et de prolonger :
« C’est une structure, une conception du
haut niveau, une manière de trouver une
voie propre à la France pour le haut ni-
veau qui ne soit ni l’athlète d’État, ni une
forme plus libérale laissée aux universités,
mais quelque chose où il y a un dialogue -
qui est parfois rugueux - entre la politi-
que, dans sa volonté de gérer et d’animer
les choses, et le monde sportif, qui estime
que c’est sa prérogative. Donc il faut
trouver le sens du dialogue. Cette voie-là
a été difficile à trouver, c’est un difficile
équilibre. La construction d’un modèle où
il y a une forme de subsidiarité. L’État
s’appuie sur des fédérations en fixant un
cadre, des règles qui sont plus ou moins
acceptées, contestées. C’est une espèce
d’articulation bien spécifique à la France.
Ça s’est construit avec le gaullisme. »
Autour d’un « modèle en danger » dans
le sport selon Jean-François Lamour,
« pur produit de ce dispositif », champion
olympique au sabre (1984, 1988), minis-
tre des Sports entre 2004 et 2007 : « On a
rappelé le modèle d’organisation du sport
avec un ministère. Crespin faisait le tour de
France avec son carnet de chèques. Il
payait rubis sur l’ongle les piscines…
Maintenant, quand un élu ou un éminent
directeur des sports et des Jeux olympiques
d’une collectivité veut se lancer dans un
programme de construction et d’équipe-
ment, entre le moment de la décision de le
faire et l’inauguration, il se passe huit, dix
ans. Il y a des recours, des problèmes de fi-
nancement. C’est une transformation de
cette capacité à faire et à faire vite. Et sur le
modèle lui-même, il y a plusieurs éléments.
La place du sport à l’école est toujours aussi
faible. On a parlé du modèle américain… Et
il y a un modèle de sport qui est en train
d’évoluer. Avant, le sport, c’était dans les
clubs. Maintenant, c’est beaucoup hors des
clubs. Il y a une crise du bénévolat, des pro-
blèmes de financement des collectivités,
une volonté du pratiquant de s’extirper de
ce modèle de club parce qu’il a une offre à
l’extérieur de très bonne qualité dans les
structures privées. C’est une vraie concur-
rence. Il faut aussi que le modèle public
s’adapte. Si l’héritage des Jeux en France
doit aider à régler le problème, c’est dans
cette direction. Comment organiser un peu
ce nouveau modèle. » Et Guy Drut de grin-
cer : « Nos anciens faisaient en sorte de
voir la photo des champions dans le journal.
A
Les responsables d’aujourd’hui attendent
de voir la leur… » ■
 14 vendredi 22 mars 2024 le figaro
LE CARNET
DU JOUR
01 56 52 27 27
communications
Le Collège des Bernardins
organise le lundi 25 mars 2024
de 18 heures à minuit,
pour la journée internationale
dédiée à
Tolkien
une soirée de lecture continue
de ses œuvres,
avec notamment
Leo Carruthers.
Entrée libre.
20, rue de Poissy, Paris (5e),
téléphone : 01 53 10 74 44.
www.collegedesbernardins.fr
conférences
La Grande Loge de France
vous convie
le mercredi 27 mars 2024,
à 20 heures,
à une conférence publique
de Besma Nacer,
« Rencontre avec
la Franc-maçonnerie,
à travers la littérature »
Du profane au sacré
dans les œuvres
de George Sand
et Gérard de Nerval,
en l'Hôtel de
la Grande Loge de France
8, rue Puteaux, Paris (17e).
Inscription obligatoire :
www.gldf.org
recherches
Pour la réalisation
de son « Livre-Mémorial »,
l'association X-Résistance
invite les familles des
polytechniciens résistants
à la contacter
afin de compléter ou de valider
ses biographies.
http://xresistance.org/x-
memorial.pdf
et écrire à : bureau@
x-resistance.polytechnique.org
deuils
Sophie Aubert,
née de La Fouchardière,
sa femme,
le général et Mme
Eric Ozanne,
Marguerite, Georges, Gustave
et Jules,
M. et Mme Thibaut Aubert,
Léopoldine et Maguelonne,
ses enfants et petits-enfants,
ont l'infinie tristesse
de vous annoncer
le retour au Père du
colonel (e.r.) Patrick AUBERT
chevalier
de la Légion d'honneur,
commandeur dans
l'ordre national du Mérite,
le 19 mars 2024,
à l'âge de 85 ans.
La célébration aura lieu
le lundi 25 mars, à 14 heures,
en l'église de Wissant
(Pas-de-Calais).
Mme Robert Baconnier,
son épouse,
M. et Mme Rémi Forgeas,
M. et Mme Olivier Pagezy,
le comte et la comtesse
François de Navailles-Labatut,
ses filles et gendres,
Thibault, Matthieu, Claire,
Hortense, Charlotte, Camille,
Stanislas, Pauline, Louis,
Astrid, Aliénor,
ses petits-enfants,
ont la tristesse de faire part
du rappel à Dieu de
M. Robert BACONNIER
ENA 67,
directeur général des impôts
(1986-1989),
président du directoire de
CMS Francis Lefebvre avocats
(1991-2004),
président de l'Association
nationale des sociétés par
actions (ANSA) (2004-2012),
ancien vice-président
du conseil d'administration
de Sodexo,
officier de la Légion d'honneur,
le 17 mars 2024, à Paris, dans sa
quatre-vingt-quatrième année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Notre-Dame-de-Grâce-
de-Passy,
A
10, rue de l'Annonciation,
à Paris (16e),
le samedi 23 mars, à 14 heures.
Aubigny-sur-Nère (Cher).
Anne-Christine Labrousse,
Bruno et Bénédicte Bomberault,
Véronique Bomberault,
ses enfants,
ses petits-enfants,
ses arrière-petits-enfants
et toute la famille
ont la tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Jacqueline BOMBERAULT
née Guerrier,
le 18 mars 2024,
dans sa 93e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le samedi 23 mars, à 14 h 30,
en l'église d'Aubigny-sur-Nère.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Claudie Broyelle,
son épouse,
Fabienne, Camille et Jérôme,
ses filles et son gendre,
ses petits-enfants,
Françoise, sa sœur,
ses nièces
ont le profond chagrin
de faire part du décès de
Jacques BROYELLE
ancien élève de l'ENS,
essayiste, journaliste,
auteur notamment
de plusieurs livres
de démystification
de la Chine maoïste,
survenu le 4 mars 2024.
Philippe Jourdeuil,
son époux,
Isabelle, Frédéric, Olivier,
ses enfants,
Marie-Charlotte, Arthur,
Léopold, Thomas, Clémentine,
Benjamin, Justine et Baptiste,
ses petits-enfants,
Aurore, Louis et Margaux,
ses arrière-petits-enfants,
Barbara et Emmanuelle,
ses belles-filles,
ont la douleur
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Jacqueline JOURDEUIL
née Peter,
le samedi 16 mars 2024,
à l'Ehpad Villa Louisa
de Bordeaux,
dans sa 88e année.
La cérémonie religieuse
aura lieu le lundi 25 mars,
à 12 heures, au crématorium
de Mérignac (Gironde).
Nicolas et Agnès Lebon,
Anne-Elisabeth et Bruno
Pierard,
François-Xavier et Alexandra
Lebon,
Etienne et Hélène Lebon,
Albéric et Florence Lebon,
ses frères et sœur
et leurs conjoints,
ses neveux et nièces
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Philippe LEBON
survenu le 20 mars 2024,
dans sa 69e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en l'église Saint-Martin,
à Ouilly-du-Houley (Calvados),
le lundi 25 mars, à 14 heures,
suivie de l'inhumation,
au cimetière d'Ouilly-du-Houley.
Le comte et la comtesse
de Looz-Corswarem,
Alice, Guillaume, Bertille
et Louise,
le comte et la comtesse
Thibaud de Virieu,
Charles, Sophie et Anne,
ses enfants et petits-enfants,
S.A.S. le duc
de Looz-Corswarem
ont la douleur
de vous faire part,
dans l'espérance
de la Résurrection,
du décès de la
comtesse
de LOOZ-CORSWAREM
et du SAINT-EMPIRE
née comtesse
Monique de Looz-Corswarem,
survenu
le dimanche 17 mars 2024,
à l'âge de 93 ans.
L'eucharistie sera célébrée
le samedi 23 mars, à 11 heures,
en l'église Saint-Étienne,
à Avin (Belgique).
Château d'Avin,
ruelle des Mottes 1,
B-4280 Avin.
5, avenue de la Forêt,
60200 Compiègne.
Le carnet du jour
En union avec
le vicomte Henri de Meaux (†),
son époux,
le vicomte et la vicomtesse
Bertrand de Meaux,
le comte et la comtesse
Régis de Dreuille
en union avec
le vicomte Christian
de Meaux (†),
le comte et la comtesse
Eric Palluat de Besset,
le colonel (e.r.) et Mme
Gilbert Ruffier d'Epenoux,
Mlle Isabelle de Meaux,
ses enfants,
ses douze petits-enfants,
ses seize arrière-petits-enfants
ont la douleur
de vous faire part
du rappel à Dieu de la
vicomtesse Henri de MEAUX
née
Anne Rougane de Chanteloup,
le 19 mars 2024, à « Gatellier ».
La cérémonie religieuse
aura lieu
le samedi 23 mars, à 15 heures,
en l'église
de Saint-Denis-de-Cabanne
(Loire).
Jean-François et Marina
Menu,
François et Patricia Baronnet,
Christian et Caroline Menu,
ses enfants,
Claudia et Laurent Drège,
Guillaume et Amandine
Baronnet,
Frédéric et Laure Menu,
Philippe et Marie-Cécile
Baronnet,
Raphaël Menu,
ses petits-enfants,
Chiara, Marcel, Mona,
Adrien, Georges,
ses arrière-petits-enfants,
Jean-Pierre Gondran,
son frère, et son épouse
Claire Mugnier-Pollet,
ont la grande tristesse
de vous faire part du décès de
Vérane MENU
présidente
de la Société des amis des arts
de La Rochelle (1969-2018),
chevalier des Arts et Lettres,
survenu le 12 mars 2024,
dans sa 93e année.
La crémation a eu lieu dans
l'intimité familiale, à Niort.
Une cérémonie se tiendra
le samedi 20 avril 2024,
à 14 heures,
au temple de La Rochelle,
2, rue Saint-Michel.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Mme Reine Salaün,
son épouse,
ses enfants, petits-enfants
et toute sa famille
ont l'immense tristesse
de faire part du décès de
Jean-François SALAÜN
survenu le 19 mars 2024.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en la chapelle de l'Assomption,
17, rue de l'Assomption,
à Paris (16e),
le mardi 26 mars, à 10 h 30.
Pornichet (Loire-Atlantique).
Le général de division et Mme
Philippe de Montenon,
M. et Mme Bruno Helfre,
M. et Mme
Pierre-Edouard de Montenon,
ses enfants,
Mathilde, Paul-Etienne,
Jeanne, Margaux, Madeleine,
Capucine, Bertille, Louise,
Alban et Emile,
ses petits-enfants,
font part du rappel à Dieu de la
comtesse de MONTENON
née Roselyne Maillet,
le 20 mars 2024,
à l'âge de 76 ans, munie
des sacrements de l'Église.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Notre-Dame-des-Dunes,
à Pornichet,
dans l'intimité familiale,
le samedi 23 mars 2024.
Paris. Creuzier-le-Neuf (Allier).
Marie-Céline et Stéphanie
Terré,
ses filles,
Alexis, Apolline, Alexandre,
Antoine et Constance,
ses petits-enfants,
ont l'immense tristesse
de faire part du décès de
M. Jean TERRÉ
chevalier
de la Légion d'honneur,
chevalier
de l'ordre national du Mérite,
survenu le 18 mars 2024,
dans sa 90e année, à Vichy.
Paris.
Monticello (Haute-Corse).
Christian Romain
et ses fils,
Nicolas, Xavier, Cédric,
Pierre-Yves et Kate Romain
et leurs enfants,
Olivia, Pierre, Clara,
Pascaline Romain
et ses fils,
Jules, Victor, Maxime,
ont la grande tristesse
d'annoncer le décès
survenu le 19 mars 2024,
dans sa 91e année, de
M. Pierre ROMAIN
ingénieur général
de l'armement (2S),
officier de la Légion d'honneur,
officier
de l'ordre national du Mérite,
chevalier de l'ordre
des Palmes académiques.
Il a rejoint son épouse,
Mme Nicole Romain (†)
Une cérémonie religieuse
sera célébrée le mardi 26 mars,
à 10 h 30, en l'église
Saint-François-Xavier,
Paris (7e),
et
le mardi 2 avril, à 15 heures,
en l'église paroissiale
Saint-Sébastien de Monticello,
suivie de l'inhumation
dans le caveau familial
du cimetière de Monticello.
Cet avis tient lieu de faire-part.
8-10, boulevard
du Montparnasse,
75015 Paris.
Place de l'Ancienne-Mairie,
20220 Monticello.
Christian Ludovicy,
son époux,
Marie-Hélène Thouin,
sa sœur,
Chantal Ludovicy-Delacourt,
sa belle-sœur,
Caroline, Camille, Deborah,
Alida, Damien, Jeanne,
Jean-Jacques, Karene,
ses neveux,
Christian, Juliette, Louise,
Armand, Clémence,
ses petits-neveux,
ses filleuls,
la famille Helfer-Aubrac,
tous ses amis
et tous ses confrères avec qui
elle a eu plaisir à travailler
ont l'immense tristesse
de vous annoncer que
Françoise THOUIN-PALAT
épouse de M. Ludovicy,
avocat honoraire
au Conseil d'État
et à la Cour de cassation,
ancien membre du Conseil
de l'ordre des avocats
au Conseil d'État
et à la Cour de cassation,
chevalier
de la Légion d'honneur,
est passée à l'Orient éternel
le 16 mars 2024,
à l'âge de 75 ans.
Elle laisse un grand vide
dans nos cœurs.
Les obsèques auront lieu
au crématorium du cimetière
du Père-Lachaise,
71, rue des Rondeaux,
Paris (20e),
le mercredi 27 mars, à 14 h 30.
remerciements
Isabelle Moulin,
sa compagne,
Jean-Louis et Gisèle Gourgue,
son frère et sa belle-sœur,
ses neveux, petits-neveux
et arrière-petits-neveux,
Ginette Moulin,
sa belle-mère,
ses beau-frère et belles-sœurs
et toute la famille,
très touchés des marques
de sympathie qui leur ont été
témoignées lors du décès de
Marguerite GOURGUE
le 12 mars 2024,
vous prient de trouver ici,
leurs sincères remerciements.
M. Guy Levivier,
son époux,
Thibault et Juliette
Levivier-Bataille,
Stéphane et Bénédicte
Levivier-Debaux,
Ségolène et Ségolène
Levivier-de Saint-Exupéry,
Antoine et Amélie
Levivier-Brasset,
ses enfants et beaux-enfants,
ses petits-enfants,
son arrière-petit-fils
et toute la famille,
très touchés des marques
de sympathie qui leur ont été
témoignées lors du décès de
Mme France LEVIVIER
née Faupin,
le mercredi 13 mars 2024,
vous prient de trouver ici,
leurs sincères remerciements.
Dominique et Christiane
Marchal,
Béatrice Billaud,
Christian Baudrier,
Christian et Marie Marchal,
Isabelle Marchal
et Patrick Chéron,
Véronique et Eric Degobert,
ses enfants et beaux-enfants,
ses petits-enfants,
Cultiver
ses arrière-petits-enfants,
Mme Pierre Garrigues,
sa sœur,
sa liberté,
très touchés des marques
de sympathie qui leur ont été
témoignées lors du décès de
Mme Paul MARCHAL
c’est cultiver
née Michelle Bourée,
le 12 mars 2024,
vous prient de trouver ici,
sa curiosité.
leurs sincères remerciements.
Mme Sylvie Pengam,
née Blanc, son épouse,
et toute sa famille,
très touchées des marques
de sympathie qui leur ont été
témoignées lors du décès de
M. Gérard PENGAM
vous prient de trouver ici,
leurs sincères remerciements.
Sophie Devedjian,
Peter et Anne Vanbremeersch,
Gilles et Christine
Vanbremeersch,
Denis et Mariel
Vanbremeersch,
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qui leur ont été témoignées
lors du rappel à Dieu de
des hors-séries culturels ainsi
qu’aux applications Figaro Jeux
Mme Claude
VANBREMEERSCH et Le Figaro Cuisine.
née Thérèse Wallut,
le 13 mars 2024,
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Jacques Casimir CHEUVREUX
nous quittait.
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à Versailles en sa mémoire.
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De gauche à droite,
Olivier et Pierre-Émile
Humbrecht, vignerons
de père en fils,
façonnent les rieslings,
gewurztraminers
et autres pinot gris.
Le grand défi de la succession
des vignerons de légende
Par
William Plummer
«
D’
un seul clin d’œil, on se
comprend et on sait quoi
faire. C’est un vrai bon-
heur. » Dans sa cave du
XVIIe siècle, qui a vu naî-
tre tant de grands vins, ou
sur les pentes des plus
belles appellations de Chablis, Vincent Dauvissat
n’est désormais plus seul. Depuis près d’une dizaine
d’années, ce vigneron, dont la réputation rayonne
bien au-delà des seules frontières de l’Hexagone,
s’évertue à transmettre son savoir à ses deux enfants,
Étiennette et Ghislain. Du travail de la terre à la taille
des vignes jusqu’à la maîtrise d’une vinification qui
permet de révéler toute la richesse et la complexité de
ces terroirs. Mais aussi cette magie enivrante que
seule une poignée de virtuoses réussissent à mettre en
bouteille. « Je revis le passage de relais que j’ai connu
avec mon père dans les années 1970, mais de l’autre
côté, cette fois. Et c’est marrant, car ils ont les mêmes
interrogations que j’avais à leur âge », s’amuse ce
sculpteur hors pair de chardonnay. Des réponses ? Il
en a beaucoup, mais pas toutes. « Avec le vin, rien
n’est gagné. J’apprends moi-même à leur contact,
d’autant plus qu’ils prennent de plus en plus d’initiati-
ves. Il va falloir désormais lâcher un peu et essayer de
m’effacer à leur profit. C’est un vrai travail », raconte-
t-il, empreint de bienveillance.
Comme chez Vincent Dauvissat, d’illustres domai-
nes tournent aujourd’hui une page de leur histoire.
Tous ces enfants de grands vignerons élevés au ryth-
me des vendanges reprennent peu à peu le flambeau
de leurs parents. Et cette succession n’a rien d’évi-
dent, tant la génération précédente - celle mise en
lumière dans les années 1970 et 1980 - a marqué de
son empreinte le monde du vin. Avec l’envolée de la
demande internationale, l’essor des critiques, dont la
moindre note pouvait bouleverser la vie d’un domai-
ne, et l’évolution des pratiques dans les vignes com-
me aux chais, de nombreux grands noms sont nés de
cet âge d’or. Et toutes leurs cuvées - où se marient ces
subtils bouquets de fruits frais aux fines notes miné-
rales et aux discrets arômes fumés – sont entrées dans
le panthéon du vin. « Cette période a été un tournant
pour le vignoble français. Certains vignerons ont acquis
leurs lettres de noblesse et sont devenus aux yeux du
monde de vrais porte-drapeaux de leur région et de leur
terroir », se souvient Olivier Poussier, meilleur som-
melier du monde en 2000. De quoi générer une cer-
taine pression chez ceux qui leur succèdent.
À Turckheim, petit village alsacien, Pierre-Émile
Humbrecht mesure le poids du nom qu’il porte. Avec
des vignerons de père en fils, sa famille façonne les
rieslings, gewurztraminers et autres pinots gris de-
puis 1620. « On ne peut pas se permettre de décevoir
quand tant de générations ont travaillé dur avant nous
et mis la barre si haut », lance ce trentenaire au franc-
Champs libres
E n q u ê t e
Depuis une dizaine
d’années, de nombreux
domaines réputés
tournent une page
de leur histoire avec
l’arrivée d’une nouvelle
génération.
parler. C’est grâce à son grand-père et à son père que
ledu mandat de gestion n° 16353est aujourd’hui un
véritable monument. Il est le seul de toute l’Alsace à
bénéficier de quatre étoiles dans le très réputé Guide
des meilleurs vins de France. Impossible dès lors de
confier les quelque 40 hectares du domaine par sim-
ple legs patronymique. « Chez nous, on n’hérite pas de
ces terres, on doit les mériter », résume-t-il. Il a donc
été formé « à la dure » chez les plus grands. Que ce
soit au domaine de la Romanée-Conti, en Bourgogne,
ou auprès de Marie-Thérèse Chappaz, dans le Valais.
Des expériences qui lui ont permis d’éveiller sa curio-
sité et d’explorer des goûts d’ailleurs. En 2019, il fait
son retour dans le fief familial, dont il prend le
contrôle « de la taille jusqu’à la bouteille ». « Il a fallu
que je trouve mes repères, et ça ne se fait pas d’un cla-
quement de doigts. Il faut bien quatre saisons pour ap-
préhender nos si différents terroirs », admet-il. S’il se
donne cinq ans pour affirmer pleinement son style,
Pierre-Émile veut avant tout magnifier et poursuivre
ce qui a été fait par le passé.
Cette quête de continuité est bien souvent le maître
mot chez ces vignerons qui héritent d’un nom sacré.
« On ne change rien, mais tout est différent », nuance
Louis-Benjamin Dagueneau. En 2008, alors tout juste
âgé de 26 ans, il prend dans la précipitation les rênes
de l’exploitation à la suite du décès de son père lors
d’un tragique accident. « C’est arrivé à dix jours des
vendanges, donc je n’ai pas eu le temps de me poser de
questions. On a fait ce millésime à quatre mains : lui à la
vigne, moi à la cave », relate-t-il. Les vins de Didier
Dagueneau - vigneron aussi atypique qu’audacieux -
faisaient alors tourner la tête des amateurs. Ses sauvi-
gnons blancs qui ont fait briller l’appellation Pouilly-
Fumé s’arrachaient aux quatre coins de la planète.
Si bien qu’à sa mort certains acheteurs assoiffés de
profits se sont jetés sur ses bouteilles élevées au rang
de graal. « Les ruptures soudaines et brutales au sein
d’un domaine peuvent engendrer des mouvements spé-
culatifs. Les connaisseurs veulent conserver dans leur
cave la patte du vigneron », analyse Angélique de
Lencquesaing, cofondatrice d’idealwine.com. Les
évolutions entreprises par Louis-Benjamin ont donc
été scrutées de près. Et les attentes étaient d’autant
plus nombreuses. « On a beaucoup travaillé à faire des
vins plus ouverts sur la jeunesse et qui ont des choses à
raconter. C’était déjà la volonté de mon père, mais on a
des moyens techniques qui nous le permettent davanta-
ge aujourd’hui », confie-t-il. Sans faire passer le tra-
vail de son père au second plan, il réussit à amener sa
propre touche dans la bouteille, avec des vins d’une
précision millimétrée à l’expression pure. Et le succès
est au rendez-vous. En 2016, il est élu meilleur vigne-
ron de l’année par La Revue du vin de France. Une dis-
tinction qui n’a rien d’un hasard. « Quelque mois
avant son décès, Didier me racontait qu’il avait pleine-
ment confiance en son fils pour reprendre un jour
le domaine. Il l’avait formaté pour réussir », souffle
Olivier Poussier.
Cette soif de pérennité chez la plus jeune généra-
tion est loin d’être anecdotique. Elle reflète une
philosophie qui dépasse les seules frontières du
monde du vin. « Je suis née dans la biodynamie et dans
le respect de la terre et du vivant. Ça se traduit dans
la bouteille, mais c’est avant tout un style de vie »,
glisse Virginie Joly, à la tête de la Coulée de Serrant, à
Savennières. Cette approche, elle la doit à son père,
Nicolas Joly, véritable pionnier de cette pratique
théorisée au début du XXe siècle et appliquée dès les
années 1980 sur cette pente schisteuse qui se jette
dans la Loire. « Mon père a été dépeint comme un
charlatan et sa démarche, comme sectaire », se
« Chez nous, on n’hérite pas
de ces terres, on doit les mériter »
Pierre-Émile Humbrecht
En charge du domaine Zind-Humbrecht
souvient-elle. Mais les années faisant, la biodynamie
a conquis de très nombreux adeptes, parmi les plus
grands noms. Et par sa sensibilité, Nicolas Joly s’est
employé à bâtir des chenins des plus singuliers. En
vendangeant certaines années avec près de 20 % de
raisins botrytisés – atteints par un champignon qui
concentre et complexifie les arômes –, il délivre des
vins au profil oxydatif, à la robe dorée étincelante.
« Ce sont des vins qui ont une expression très profonde
mais qui ont besoin de temps. Ça donne une facette
particulière. J’aime l’idée de proposer des bouteilles
prêtes à boire et qu’on peut déguster sans avoir à trop
réfléchir », explique Virginie Joly, qui aujourd’hui
n’excède pas les 5 % à 10 % de botrytis en tendant
à vendanger plus tôt. Une démarche que son père
observe avec attention. « J’ai parfois peut-être été
excessif en poussant ma philosophie assez loin. Ma
fille est venue pondérer ça. C’est intéressant, de voir
ce vignoble qui change entre ses mains », lance
Nicolas Joly.
Aujourd’hui plus qu’hier, le marché du vin est
sensible à ces détails. Les grands domaines sont sujets
aux affres de la spéculation et les amateurs sont da-
vantage avertis. « Mon père m’avait prévenu que mon
travail serait observé et que je serais jugé à l’aune de
mon premier millésime. Par chance, j’avais de super
le figaro vendredi 22 mars 2024 15
Leif Carlsson
raisins cette année-là », plaisante Mathieu Lapierre,
fils du « pape du vin nature », Marcel Lapierre. Mais,
dès 2011, au lendemain de la mort de cette légende du
Beaujolais, Mathieu a vu naître des interrogations.
« Certains m’ont dit que le vin n’était plus pareil, que
des choses avaient changé. Pourtant, le processus et les
idées n’ont pas bougé. Et, de surcroît, cela faisait six
années qu’on préparait la transmission avec mon père,
donc j’étais déjà à la manœuvre dans l’ombre », racon-
te-t-il. D’habituels acheteurs ont intensifié leurs
visites dans cette petite commune de Villié-Morgon
pour voir l’évolution du domaine. « Il y aura toujours
des amateurs qui auront envie de comparer », souligne
Angélique de Lencquesaing. Les quelques remarques
récoltées n’ont pas pour autant bridé le vigneron.
Avec sa sœur Camille, ils ont procédé au fil du temps
à divers petits changements en laissant par exemple
plus s’exprimer le raisin que le terroir. Des évolu-
tions, plus que des révolutions.
Ces passations sont loin d’être exemptes de doutes,
de questionnements, voire de peurs. « Cela prend du
temps, de trouver son style. Les grands débuts sont
toujours faits d’expérimentations et de tâtonnements.
Mais, quand les parents permettent de laisser un
cheminement se faire, il y a une vraie intelligence dans
la succession », commente Olivier Poussier. À juste
titre, la liberté est, elle aussi, une composante clé de
la réussite. Charles Lachaux le sait mieux que qui-
conque. En 2012, ce natif de Vosne-Romanée se voit
confier, à 22 ans, toute la partie technique du domai-
ne familiale. « Dès le départ, mes parents m’ont
demandé si j’avais envie d’essayer de nouvelles
choses », relate-t-il. Il décide alors de vinifier en
vendange entière et convertit ensuite le domaine à la
biodynamie. Le tout en diminuant les rendements et
en mettant fin au labour ainsi qu’au rognage. En
résultent des vins rouges infusés d’une profondeur
inouïe, encensés par la critique. À chaque virage, il
embarque avec lui sa mère, l’actuelle propriétaire du
domaine. « Il me faisait goûter à l’aveugle ses expé-
rimentations et m’expliquait sa démarche », témoigne
Florence Arnoux-Lachaux. Un travail de confiance
qui se solde chaque fois par un chèque en blanc. « Ma
famille ne m’a jamais fait ressentir le poids des géné-
rations. Ça m’a beaucoup aidé pour façonner les vins
que je voulais », explique ce jeune père. Et ce, même si
ces grands changements ont parfois pu inquiéter.
Notamment en 2020, quand le domaine a rentré très
peu de raisins. « Économiquement, on ne pouvait pas
renouveler un tel épisode. Alors, on a beaucoup discuté
pour comprendre ce qu’il s’était passé. Mais j’ai
compris qu’il avait une vision de long terme et qu’il
faisait ses choix pour les bonnes raisons », confie la
mère de Charles.
Un an plus tard, ce passionné est élu meilleur jeune
vigneron de la planète par un jury de plus de
400 professionnels. Une récompense qui fait bondir
encore plus la cote du domaine et qui lui permet
d’assurer sa pérennité. Mais, peu enclin à rester figé,
Charles Lachaux l’assure, il continuera à avancer. Et
ce pour laisser, demain, « un outil de travail optimal »
A
à ceux qui, comme lui, s’empareront d’un patrimoi-
ne érigé en fierté de la viticulture française. ■
 16 vendredi 22 mars 2024 le figaro
Les sites pornographiques ne doivent plus être
des espaces de non-droit en Europe
Céline Imart
La candidate Les Républicains
aux élections européennes*, numéro
deux de la liste portée par François-Xavier
Bellamy, plaide pour que l’UE accentue
sa pression sur les plateformes,
et notamment les sites pornographiques,
qui se basent à l’étranger pour échapper
aux normes européennes.
Les contrats de transition, une solution pour sortir
par le haut de la crise agricole
dessins : fabien clairefond
Pascal Canfin
Le président (Renaissance)
de la commission environnement
au Parlement européen propose
de déployer des contrats de transition
écologique pour soutenir financièrement
les agriculteurs tout en favorisant
leur évolution vers une agriculture
moins polluante.
A
Champs libres
D é b a t s
n écrivant ces mots, je sais déjà à quel
E
point les mesures que je défends pourront
paraître impopulaires auprès de notre
jeunesse. Pourtant, il y a urgence à agir !
L’implacable attraction de l’écran
nous a - à peu près tous - séduits. Elle of-
fre tant d’avantages : l’accès à la culture pour le plus
grand nombre, l’information en quelques clics et une
liberté d’expression sans limites. Cependant, elle a
créé chez nos enfants une inquiétante dépendance.
La quête effrénée du like a remplacé le charme de la
rencontre et a poussé les adolescents vers la recher-
che constante de la « popularité » virtuelle. Les cour-
tes vidéos et les mises en scène artificielles ont rem-
placé l’humour spontané et le charnel. La littérature
et le goût de la lecture ont progressivement disparu.
Il suffit de prendre les transports en commun, de
passer au milieu d’une cour de récréation ou de tra-
verser la rue pour se rendre compte de la portée de
la menace. Les ballons et les éclats de voix ont été
abandonnés au bénéfice de la lumière bleue et de
ses ravages.
Nudité, pornographie, drogues, armes, violences,
endoctrinement… Dès le plus jeune âge, rien n’est
bloqué, rien n’est régulé, tout est en libre accès à
condition de simplement cocher une case lors d’une
inscription. Quelle folie !
Ce qui pouvait nous paraître choquant hier est de-
venu d’une glaçante banalité. Il fut un temps où la
pornographie était accessible uniquement sur les cas-
settes et dans les magazines pour adultes, mais,
aujourd’hui, la porno-culture est partout. Cette
culture conditionne la sexualité des jeunes et promeut
une vision dégradante des femmes.
La crise de la transmission des savoirs qui frappe de
plein fouet notre pays a laissé le champ libre aux
géants du numérique et des réseaux sociaux. Ils s’ap-
pellent : Instagram, TikTok, OnlyFans, Pornhub, X
(ex-Twitter). Ils occupent les journées des plus jeunes
d’entre nous, trop souvent sans aucun filtre ni aucune
mesure pour les protéger. D’un clic, notre jeunesse se
retrouve face à des contenus non adaptés, qui peu-
vent les heurter et générer en eux des traumatismes.
Leur perception de la réalité change, leur attitude
évolue vers des comportements anormaux, voire
agressifs, des addictions se développent.
Il y a un an, le gouvernement annonçait un disposi-
tif de certification de l’âge afin de bloquer l’accès aux
omment sortir par le haut de la crise
C
agricole en matière de transition éco-
logique ? À côté des questions de revenus
et de lutte contre les concurrences dé-
loyales, l’enjeu des normes liées à la
transition écologique de l’agriculture est
au cœur des revendications des agriculteurs. Pour-
tant, ceux-ci ne nient pas l’impact du dérèglement
climatique. Ils sont les premiers à le vivre, et toutes les
enquêtes et les échanges que j’ai avec eux le démon-
trent sans ambiguïté. Ils le disent : la première menace
sur les rendements, c’est le changement climatique.
Comment, donc, reprendre le chemin de la tran-
sition dans un contexte de polarisation politique in-
tense sur ce sujet ?
La première priorité est de déployer des contrats de
transition écologique dans l’agriculture. Je porte cette
idée depuis plusieurs années et le moment est venu.
Tant que l’on reste dans une logique purement régle-
mentaire, ou à l’inverse purement volontaire, on se
heurte à des écueils bien connus : la règle est perçue
comme une contrainte, car les outils d’accompagne-
ment nécessaires ne sont pas mis en place. Ou à l’in-
verse les seuls engagements volontaires sont réalisés
par une minorité d’agriculteurs engagés, mais ne per-
mettent pas un impact à la hauteur des enjeux.
À quoi ressembleraient des contrats de transition
écologique pour les agriculteurs ? Donnons quelques
exemples. Un agriculteur souhaite réduire sa dépen-
dance aux pesticides et passer à d’autres solutions
(agriculture de conservation, biocontrôles…). Pendant
quelques années, il risque une baisse de rendements,
et donc potentiellement de revenus, même si à moyen
sites internet pornographiques pour les mineurs.
Cette promesse du gouvernement, comme beaucoup
d’autres, n’a pas été tenue. Même si nous sommes
coutumiers des effets d’annonce d’Emmanuel
Macron, nous espérions que, sur ce sujet essentiel, il
daigne enfin agir.
La droite sénatoriale a produit en septembre 2022
un rapport d’une grande qualité, intitulé « Porno :
l’enfer du décor », avec de nombreuses recomman-
dations qui permettraient de changer les choses au
niveau national.
D’abord, il apparaît impératif de mettre en place
des campagnes d’information à l’attention des pa-
rents, des éducateurs et des plus jeunes sur les dan-
gers de la surexposition aux contenus inappropriés
en ligne. Parallèlement, les programmes scolaires
doivent être adaptés pour inclure des modules édu-
catifs sur la gestion saine de l’utilisation des techno-
logies numériques.
« Nous devons aller plus loin
en considérant l’exposition
des mineurs comme un abus
sexuel tout en agissant face
aux sites internet qui se basent
à l’étranger pour sortir
des normes européennes »
Mais aujourd’hui, le combat doit avant tout être
mené au niveau européen pour faire pression sur
les plateformes et remettre en question leur statut
d’hébergeur qui les exempte de toute responsabilité
éditoriale.
François-Xavier Bellamy a déjà commencé à me-
ner ce travail au Parlement européen en intégrant
certains sites pornographiques au règlement DSA.
Il a ainsi permis de sortir ces plateformes d’une forme
de « zone de non-droit ».
Nous devons aller plus loin en considérant l’expo-
sition des mineurs comme un abus sexuel tout en
agissant face aux sites internet qui se basent à l’étran-
ger pour sortir des normes européennes. L’Union
européenne a le pouvoir de faire changer les choses.
Nous ne pouvons accepter le manque de régulation
sur les plateformes. Chacun doit être responsable de
ses actes et de ses propos, y compris sur internet.
terme la baisse de ses charges liée à la baisse de la
consommation de pesticides et le fonctionnement des
alternatives lui permettent de s’y retrouver. Un
contrat de transition permettrait à l’État de prendre en
charge une partie du risque pris par l’agriculteur pen-
dant quelques années et donc de faciliter l’application
et l’acceptation des règles sur les produits phytosa-
nitaires, qui fonctionnent de fait comme une assuran-
ce pour les agriculteurs.
« Soit nous en sortons en
détricotant les règles au détriment
de tous nos objectifs climatiques,
de qualité de l’eau, de santé
publique… Soit nous en sortons
par le haut en inventant
une nouvelle méthode »
Deuxième exemple : un agriculteur veut diversifier
sa production pour sortir de la monoculture de céréales
ou de maïs. Cependant, s’il le fait seul, il lui faut trouver,
seul également, les nouveaux débouchés, et il n’existe
pas forcément d’infrastructures de stockage (silos…)
à proximité surtout dans les régions hyperspécialisées
où les infrastructures sont calibrées sur un nombre
réduit de cultures, ce qui est un verrou majeur pour
tout agriculteur souhaitant se diversifier. Un contrat
de transition sur une base territoriale et de filière
permettrait de mutualiser les investissements et donc
de réduire les coûts, de faciliter la prise de décision et
de rendre plus accessible et moins risquée la transition.
D’après plusieurs études, près de 90 % des
11-12 ans sont inscrits sur des plateformes censées
être interdites avant 13 ans. Selon l’Arcom, chaque
mois, 2,3 millions de mineurs fréquentent des sites
pornographiques. Face à ces chiffres frappants, que
font ceux qui nous gouvernent ?
En 1911, Théodore Roosevelt a osé renforcer la lé-
gislation antitrust aux États-Unis et a poursuivi la
Standard Oil, compagnie pétrolière alors toute puis-
sante sur le marché américain. Le président Roosevelt
avait compris l’influence dévastatrice des concentra-
tions et des monopoles pour l’avenir de son pays.
Nous appelons la France et l’Europe au même cou-
rage. Ce n’est pas seulement les relations humaines
authentiques qu’il faut sauver, c’est l’avenir de la
France et du continent européen.
Nous ne demandons pas une police de la pensée
ou des mœurs à l’image du Big Brother orwellien,
mais une nécessaire protection pour que nos en-
fants n’accèdent pas à des contenus susceptibles de
leur nuire.
Enfin, et c’est peut-être l’essentiel, gardons à l’es-
prit la terrible crise de la transmission qui frappe la
France. Elle est le reflet d’une société qui a perdu le fil
de son propre récit, laissant une génération en quête
de sens errer dans les dédales de l’incertitude.
Dans un monde obsédé par l’éphémère, les jeunes
sont confrontés à la tâche herculéenne de préserver
les joyaux de l’humanité, tout en naviguant dans les
eaux agitées du changement perpétuel.
L’ensemble de la classe politique porte une im-
mense responsabilité pour surmonter la passivité et
refaire Nation. Avec Les Républicains et François-
Xavier Bellamy, nous porterons cette voix aux élec-
tions européennes pour protéger la jeune génération
des dérives d’internet et remettre la culture au cœur
de tous les engagements politiques.
« La principale caractéristique de l’homme de masse
n’est pas la brutalité ou le retard mental, mais l’isole-
ment et le manque de rapports sociaux normaux »,
écrivait Hannah Arendt.
Nous avons l’intime conviction qu’il n’est pas trop
tard pour la France et pour l’Europe de demain, à
condition d’avoir la volonté d’agir avec courage et
fermeté ! ■
* Céline Imart est diplômée de Sciences Po Paris
et de l’Essec. Elle est agricultrice dans le Tarn
et deuxième de la liste LR aux élections européennes.
Ces contrats de transition sont la troisième voie qui
nous manque aujourd’hui. Ils constituent des outils
souples, car les acteurs économiques et publics qui
s’engagent sont à géométrie variable selon les enjeux.
Ils sont donc adaptés aux réalités des territoires et des
filières. Ils sont aussi un outil permettant d’associer les
différents acteurs de la chaîne de valeur agricole.
Aujourd’hui, les politiques environnementales ne ré-
gulent que la production agricole. C’est absurde et po-
tentiellement très pénalisant pour les agriculteurs qui
ne peuvent pas « partager la contrainte » lorsqu’ils né-
gocient les contrats commerciaux avec leurs ache-
teurs. Aujourd’hui, nous demandons à l’agriculture de
réduire l’usage des pesticides ou d’améliorer le bien-
être animal, mais on ne le demande pas à Danone ou à
McDonald’s, qui le font uniquement de manière vo-
lontaire. Résultat, l’un a des obligations légales, l’autre
non, et les surcoûts associés aux meilleures pratiques
ne se retrouvent pas dans les négociations commer-
ciales. Puisque nous allons changer la loi EGalim, il faut
se poser la question de faire figurer obligatoirement
dans les contrats commerciaux l’intégration par les
deux parties des exigences légales qui ne portent
aujourd’hui que sur les épaules des agriculteurs. Et en-
suite mettre en place un contrat de transition dans le-
quel l’État, l’Europe et les collectivités locales peuvent
venir apporter des financements ou des garanties pu-
bliques si nécessaire.
Cette crise agricole est un moment de bascule. Soit
nous en sortons en détricotant les règles au détriment
de tous nos objectifs climatiques, de qualité de l’eau,
de santé publique… Soit nous en sortons par le haut en
inventant une nouvelle méthode. ■
 Champs libres le figaro vendredi 22 mars 2024 17
O p i n i o n s

Politique et vérité sont-elles définitivement fâchées ?

epuis son : « En dynamique, rien ne que le terme ne se confonde avec l’utilisation qu’en opinions et les sentiments sur la réalité et n’envisa-
chronique

D
doit être exclu », lancé au sujet de
Laurence de Charette l’envoi de troupes occidentales en
Ukraine, le 26 février dernier, Em-
manuel Macron ne sort pas de l’Ély-
sée sans être interrogé sur le sens de
ses paroles. Mardi, à Marseille, à de jeunes adoles-
cents plus intéressés par les questions internatio-
nales que par l’opération Place nette contre les nar-
cotrafiquants (et pour les caméras), le chef de l’État
a expliqué que « nos démocraties sont toujours à dé-
fendre ». Le 14 mars dernier, dans son intervention
télévisée, il avait précisé sa position à travers une
série de négations - « Nous ne sommes pas dans l’es-
calade, nous ne sommes pas en guerre contre la Rus-
sie, mais nous ne devons pas laisser gagner la Rus-
sie » - et une image : « Vous êtes assis. Est-ce que
vous êtes debout ? Non. Est-ce que vous excluez de
vous lever ? », avant d’affiner son propos le lende-
main, au cours d’un entretien au Parisien, à travers
une nouvelle série d’affirmations par le contraire.
Les communicants ont tenté l’exégèse, avec la
notion d’« ambiguïté stratégique », la nécessité
d’« euphémiser » « sans se déjuger » ou d’imposer
un « second narratif » - sans qu’aucune des « nar-
rations » ne parvienne toutefois à éclairer parfaite-
ment l’intention sous-jacente.
Les analystes politiques ont débusqué, dans ce
flot langagier, une manœuvre destinée à attirer
l’attention sur les ennemis de l’intérieur, c’est-à-
dire les amis supposés de la Russie (le RN), pour
mieux les conspuer.
Les derniers sondages et la répétition, en boucle,
de la question reflètent, eux, la perplexité de l’opi-
nion - qui trouve dans toutes ces savantes ambiva-
lences de nouveaux motifs d’inquiétude et des rai-
sons supplémentaires de douter, toujours plus, du
discours politique, et de ses arrière-pensées, y
compris sur les questions les plus graves. La vérité
sort de la bouche des enfants, dit l’adage populaire,
qu’on sent prêt à poursuivre : pas des politiques.
Politique et vérité sont-elles définitivement fâ-
chées ? Dans un ouvrage vivifiant, la chercheuse
italienne Gloria Origgi rappelle les bienfaits origi-
nels de la communication pour les masses, une in-
vention de la démocratie, parce qu’elle lui est né-
cessaire, appelée sans complexe propagande avant
firent les régimes fasciste, nazi et stalinien. Évi-
demment, la politique a besoin de persuasion, et de
tactique. Reste à savoir quels chemins elle emprun-
te, quels sont ses appuis.
Les temps modernes ont revisité l’idée de la véri-
té. Tandis qu’elle cherchait à s’émanciper de la mé-
taphysique et de l’ombre tutélaire de la transcen-
dance et de la morale, la vérité s’est rapprochée de
la science et de l’expertise, cherchant à trouver re-
fuge dans leur aura - pendant que le discours politi-
que se jetait dans les bras de la « com », se déta-
chant des choses pour se concentrer sur leur
présentation.
Mais il n’est pas certain qu’elle y ait gagné en
tranquillité. Gloria Origgi, que l’on ne peut accuser,
à la lire, ni de complotisme ni de relativisme, et en-
core moins de populisme, montre, à travers des
exemples contemporains, combien ce que l’on
nomme « vérité » est en réalité, aujourd’hui plus
que jamais, le fruit même du politique. La science,
analyse-t-elle, n’est plus fabriquée dans une tour
d’ivoire, en autarcie par rapport aux intérêts et aux
valeurs de la société : « Le monde que nous serons
capables de voir, écrit-elle, est conditionné par les
programmes de recherche, les logiques de pouvoir,
les priorités politiques et les intérêts industriels » ; ce
que le philosophe américain Willard Van Orman
Quine résume d’un joli : « L’étoffe de la réalité est
grise : noire de faits et blanche de conventions. »
Prenons le Giec, dont la voix pèse sur les grandes
décisions énergétiques des décennies à venir : ses
experts sont sélectionnés, selon l’institution elle-
même, en fonction de la diversité des « qualifica-
tions scientifiques, techniques et socio-économi-
ques », « en tenant compte des problématiques de
chaque région », « en recherchant la parité hommes-
femmes » ou encore la capacité de débat collectif.
Pas plus que les autres, les études sur le change-
ment climatique, de « complexes constructions so-
cioculturelles qui se structurent grâce à des motiva-
tions politiques, émotives, à des pressions
normatives, etc. », note Gloria Origgi, ne sont donc
vierges des représentations de ceux qui les expri-
ment et des influences dominantes du moment.
Il n’est évidemment pas question ici de louer
l’avènement de la post-vérité, qui fait primer les
ge le monde qu’on disait naturel qu’avec des lunet-
tes sociales et culturelles, mais de rectifier un pon-
cif : le salut du politique ne se trouve pas dans le
moins, mais dans le plus - repolitiser (par l’engage-
ment) plutôt que dépolitiser (en quête d’une objec-
tivité illusoire et sans plus de légitimité).
L’idée communément répandue d’une parole à
laquelle on ne pourrait pas se fier n’est pas toujours
infondée, et rien, en démocratie au moins, ne peut
l’empêcher… Mais il faut rendre à la politique sa
noblesse, qui ne tient pas d’abord dans sa docu-
mentation (l’épisode du Covid, et son défilé d’affir-
mations successives, en a souligné les limites) mais
dans ses hommes, leur conviction, leur engage-
ment. Alors, même les paroles les plus retenues - et
l’on sait bien par exemple que la question de la
guerre impose par nature une dose de dissimulation
- contiennent suffisamment de vérité pour être
écoutées, et comprises. La vérité, une affaire de re-
lation à l’être, voilà qui rappelle au reste quelque
chose de l’apport ancestral de la chrétienté à la ci-
vilisation.
On pensait la fameuse « conciliation entre vie
professionnelle et vie familiale » comme un équili-
bre relevant du domaine de l’accomplissement
personnel ; la responsabilité en incombe mainte-
nant à l’employeur. Gabriel Attal voudrait que
l’État « se montre exemplaire », en proposant des
semaines de travail « différenciées », en fonction,
notamment, du calendrier de garde des enfants.
Voici les DRH établis malgré eux responsables de
l’épanouissement général, et désormais de
l’éducation.
Le palmarès des collèges et lycées, établi à partir
des données ministérielles officielles, souligne les
performances du privé par rapport au public quant
à la réussite des élèves. L’enseignement privé fait
pourtant actuellement l’objet d’une offensive en
règle.
Au sein des établissements publics, ces classe-
ments montrent également le succès incontestable
des établissements d’excellence Louis-le-Grand et
Henri-IV. Mais leurs spécificités, notamment quant
à la sélection des élèves à partir des notes, viennent
d’être supprimées.
Cherchez l’erreur. ■

Bibliothèque des essais

Le roi est mort, il a été remplacé par un « chief officer »
Lorsque, le 4 septembre 1958, place de la Républi-
que à Paris, Charles de Gaulle présente aux Fran-
çais son projet de Constitution de la Ve République,
il imagine un système où le président ne gouverne
pas : il règne. « Le président n’est pas le premier mi-
nistre de la France, puisqu’il est la France elle-mê-
me », résumait feu Jacques Julliard dans son ultime
chronique au Figaro. Soixante-six ans plus tard,
voyez où nous en sommes ! Las, tous nos dirigeants
politiques, ne sont plus que des Gulliver empêtrés.
Ils sont chez nous sans cesse encadrés, gênés par
un pouvoir judiciaire omnipotent et vivent désor-
mais au rythme incessant des chaînes d’informa-
tion en continu et du smartphone des citoyens.
C’est tout l’objet du dernier livre de Philippe Gui-
bert, ancien directeur du Service d’information du
gouvernement, Gulliver enchaîné. Le déclin du chef
politique en France, publié aux Éditions du Cerf.
La gauche de la gauche a beau appeler de ses
vœux la fin du « monarque républicain », elle
ignore, ou feint d’ignorer, que celui-ci est mort et
enterré. La Ve a changé de nature, nous sommes
passés à une « Ve République bis » réduite à un
scrutin tous les cinq ans, assure le rédacteur en
chef de la revue Médium fondée par Régis Debray.
Le président de la République s’est transformé
tantôt en « médecin urgentiste », tantôt en mana-
ger forcé d’engager « les réformes-structurelles-
indispensables », pour reprendre la novlangue
bruxelloise, qui visent à adapter le pays à la glo-
balisation. Et notre homme d’État qui ne l’est plus
vraiment jongle en permanence entre ces deux
fonctions depuis une quinzaine d’années. « On
pourra méditer sur la schizophrénie de l’opinion,
qui demande tout à l’État, miroir ou reflet de la
schizophrénie de son chef. La contradiction se solde
par la dette publique, à l’abri de l’euro, dont les ins-
titutions en retour demandent plus de “réformes”
■ Gulliver enchaîné. au manager », résume l’auteur.
Le déclin du chef politique en France Le roi est mort, remplacé par un « chief offi-
Philippe Guibert, cer », voilà le tableau. Que s’est-il passé pour que
Les Éditions du Cerf, 176 p., 20 €. de Gaulle devienne un cadre dynamique ? Citons
pêle-mêle : le quinquennat qui a transformé le
mandat présidentiel en campagne électorale per-
manente, l’usage du référendum tombé en dé-
suétude, la peopolisation de la vie politique qui a
brouillé la frontière déjà mince entre la sphère
publique et la sphère privée et les crises successi-
ves de la mondialisation (écologiques, migratoi-
res, sociales). Mais Philippe Guibert va plus loin :
la raison la plus profonde est à rechercher dans
l’évolution de la société elle-même et dans les
bouleversements engendrés par la révolution nu-
mérique. Finie l’époque où les journaux papiers
faisaient figure de référentiel commun à travers
lesquels le politique pouvait donner le la. Balayé
le temps de la télévision de papa où les citoyens se
donnaient rendez-vous devant les six ou sept
mêmes émissions érigées au rang de grand-mes-
se hebdomadaire. Le smartphone a ruiné toutes
« Il n’y a plus d’argument
d’autorité ; seule la rhétorique
compte, celle qui permet de
toucher, émouvoir ou convaincre,
de dénoncer et s’indigner aussi »
Philippe Guibert
Rédacteur en chef de « Médium »
les autorités. Désormais, le danger n’est plus le
totalitarisme, c’est-à-dire l’imposition par un
homme tout-puissant d’un discours unique, mais
la décomposition. Dans cette nouvelle ère, nos
dirigeants se doivent d’établir une relation direc-
te avec cette foule fragmentée dans des bulles nu-
mériques disparates, et ce dans une cacophonie
assourdissante.
Dans ce nouveau monde où la quasi-totalité des
barrières sont tombées ou presque, « il n’y a plus
d’argument d’autorité ; seule la rhétorique compte,
celle qui permet de toucher, émouvoir ou convaincre,
de dénoncer et s’indigner aussi ». L’autre consé-
quence, c’est que le « style populiste » devient la
norme partout. « La télévision est bonapartiste, le
smartphone est populiste », résume l’essayiste. Par
style populiste, comprenez se construire contre un
système en place… quitte à créer un épouvantail de
toutes pièces. Ainsi, les macronistes seraient des
opposants aux vieux partis en place depuis des an-
nées et aux « extrêmes-des-deux-bords » qui ac-
capareraient le débat public. Les Insoumis de
Jean-Luc Mélenchon, une alternative à la Ve Ré-
publique, au discours dominant soi-disant anti-
immigration et à une supposée droitisation de la
société. Marine Le Pen ? La solution face à un sys-
tème politique qui aurait trahi le peuple. Pour pro-
longer les mots de Guibert, chaque camp, chaque
leader politique, se dit minoritaire, isolé, écrasé.
Stratégie payante dans une société où le statut de
minorité est perçu comme une vertu et brandi
comme un totem.
Philippe Guibert ne se contente pas de dresser le
tableau - sombre - de l’affaissement de la figure du
chef. Il avance des pistes, à commencer par re-
nouer avec un charisme du « prestige », tel que
théorisé par Gustave Le Bon, en opposition avec
celui dénué de surmoi de Trump. Il s’appuie sur
l’ex-président américain Truman : « La seule pré-
rogative qui vous appartient lorsque vous occupez le
Bureau ovale est que vous êtes très bien placé pour
persuader les gens de faire ce dont ils n’ont pas en-
vie, même s’ils savent au fond d’eux-mêmes que
c’est inévitable. » Et si c’était la voie à suivre pour
libérer Gulliver des chaînes des Lilliputiens ? R. P.
Ce soir à 23h sur
Le Figaro TV, présenté
par Guyonne de Montjou

Dassault Médias SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions Anne Huet-Wuillème (Édition, Directeur artistique FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy FR

(actionnaire à plus de 95 %)
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Rudi Roussillon directeur de la publication Imprimé sur papier issu de forêts gérées durablement. Supplément 5 Madame
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von Claer (Style, Art de vivre, F), Sciences). Tél. : 01 57 08 50 00 Origine du papier : Allemagne. Taux de fibres recyclées : 100%. Ce journal 136 pages
Marc Feuillée est imprimé sur un papier UPM porteur de l’Ecolabel européen sous
Philippe Gélie (International), direction.redaction@lefigaro.fr
le numéro FI/011/001. Eutrophisation : Ptot 0.002 kg/tonne de papier.
 18 vendredi 22 mars 2024 le figaro
Thierry Coudert : « L’excentricité participe
depuis toujours à l’identité britannique »
Par
Marie-Laetitia
Bonavita
Le haut fonctionnaire
brosse un portrait
des esthètes
qui ont contribué
aux mouvements
intellectuels
et artistiques
avant-gardistes
de l’Angleterre
de la première moitié
du XXe siècle.
es excentriques ne sont pas
toujours des hurluberlus.
Tout du moins, comme on
le croit en France. Outre-
Manche, ces dandys issus
de la haute société ont ap-
porté un nouveau souffle à la nation
pendant une cinquantaine d’années.
Les derniers feux de la suprématie de
l’aristocratie en même temps que de
l’Empire britannique, selon Thierry
Coudert. Déjà auteur de Café Society.
Mondains, mécènes et artistes, le haut
fonctionnaire publie Anglais excentri-
ques chez Tallandier.
LE FIGARO. - Qu’entend-on
exactement par le mot « excentrique » ?
THIERRY COUDERT. - En France, le
terme « excentrique » est plutôt péjora-
tif, synonyme de « farfelu », voire de
« ridicule ». À l’image de Boris Johnson,
dont la coiffure et le côté loufoque fai-
saient sourire. L’égalitarisme de la
Révolution française est passé par là.
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A
R e n c o n t r e
L’excentricité, à laquelle je me suis inté- fragisme ». Mais aussi leur participation
ressé, de la fin du XIXe siècle jusqu’aux à des mouvements intellectuels et artis-
années 1950, est constitutive de l’iden- tiques avant-gardistes.
tité anglaise, sur fond d’une société très
hiérarchisée et d’une cascade de mépris Jusqu’où peut aller l’excentricité
social. Les excentriques appartiennent à britannique ?
la haute société. S’ils sont souvent assi- Le plus célèbre reste Winston Churchill.
milés aux dandys, esthètes ou snobs, ils Connu tant pour sa contribution, com-
sont plus que cela. Loin d’être des révo- me premier ministre du Royaume-Uni,
lutionnaires qui veulent mettre à bas les à la victoire des Alliés lors de la Seconde
règles établies par leurs ancêtres, ce Guerre mondiale que pour ses excès,
sont, pour l’essentiel, des conservateurs notamment en matière d’alcool, son
qui veulent s’en affranchir. D’où leur humour reste légendaire. Alors qu’il
engagement sur les grands sujets de était habillé un jour d’un nœud papillon
l’époque : la question sociale, la libéra- à pois, d’une chemise rayée et d’un cos-
tion des mœurs, le féminisme, le « suf- tume à carreaux, le général de Gaulle lui
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nant, mondain britannique connu pour
son style de vie décadent. La poétesse
Edith Sitwell fera un coup d’éclat
avant-gardiste avec son spectacle Fa-
çade. Il s’agit d’une série de poèmes re-
posant sur le non-sens et la dérision
qu’elle récite sur un fond musical du
jeune compositeur William Walton. Elle
sera une sorte de « Cocteau » anglais.
En quoi ces excentriques
ont contribué à la vie intellectuelle
et artistique de l’Angleterre,
en s’inspirant d’autres pays,
notamment la France ?
Bien que profondément anglaise, la
bonne société fait beaucoup de voyages
en France et en Italie, voire y vit une
partie du temps. Sir George Sitwell, le
père d’Edith, est un véritable esthète
qui a acquis, en Toscane, Montegufoni,
une forteresse du XIIIe siècle maintes
fois remaniée. Son fils Sacheverell re-
donnera à l’Angleterre le goût du baro-
que en écrivant un livre majeur sur le
SEBASTIEN SORIANO/Le Figaro
sujet. Jusqu’alors étrangère à eux, Lon-
dres va s’ouvrir aux grands mouve-
ments artistiques qui se développent à
Paris – le fauvisme, les nabis, le cubis-
me – ou à Vienne avec la Sécession. Le
critique d’art Roger Fry introduira,
grâce à de grandes expositions à partir
de 1911, la peinture postimpressionniste
française. Le poète Edward James sera
le grand mécène des surréalistes Salva-
demanda s’il y avait carnaval à Londres. dor Dali et René Magritte, hébergeant
Imperturbable, Churchill répondit que même ce dernier dans sa résidence lon-
tout le monde ne pouvait pas se déguiser donienne. Quelques grandes hôtesses
en soldat inconnu ! Je citerai également comme Ottoline Morrell, femme d’es-
lord Berners, à la fois compositeur de prit réputée pour l’incandescence de sa
musique moderniste, peintre et écri- chevelure rousse et l’extravagance de
vain. Sous son allure conventionnelle, il ses bijoux et tenues, mettront les Ballets
n’était pas banal. Il invitait des chevaux russes à la mode.
à prendre le thé et les dessinait posant
en sabots sur le parquet de ses salons. Quels effets ont eu les deux guerres
Revêtu d’une tête de cochon, il faisait le mondiales sur l’évolution
tour de sa propriété au volant de sa Rolls de ce phénomène ?
pour effrayer des promeneurs impor- La Première Guerre mondiale causera
tuns… Une extravagance dans la lignée beaucoup de pertes dans les rangs
d’Oscar Wilde, qui promenait un ho- d’une société qui déclinera définitive-
mard en laisse sur les quais de la Tamise. ment après 1945. La seconde guerre ré-
Mais l’excentricité britannique ne se ré- vélera des facettes différentes de cer-
sume pas à des coups d’éclat indivi- tains personnages. Le dandy et
duels. C’est aussi une affaire collective. mondain Philip Sassoon, sous-secrétai-
re d’État à l’Air pendant plus de dix ans,
sera le véritable créateur de la Royal Air
« Les excentriques Force. Les écrivains puis diplomates et
hommes politiques Alfred Duff Cooper
appartiennent à la haute et Harold Nicolson seront des oppo-
société. S’ils sont souvent sants résolus aux accords de Munich et
assimilés aux dandys, militeront pour le réarmement. Ils se-
esthètes ou snobs, ront appuyés par de jeunes députés
ils sont plus que cela »
conservateurs homosexuels surnom-
més par les amis de Chamberlain les
Thierry Coudert « Glamour Boys », parmi lesquels Ron-
nie Cartland, frère de la romancière
Barbara Cartland.
C’est-à-dire ?
À la fin du XIXe siècle, après une époque D’autres excentriques
victorienne très conformiste, l’excen- iront jusqu’à trahir la juste cause…
tricité s’est mise à concerner des grou- Les « Magnificent Five », les Cinq de
pes. Tels les familles Mitford, Sitwell, Cambridge, iront, en effet, jusqu’à de-
Sassoon, Stephen pour les plus connues, venir espions pour le compte de Staline.
et de fameux cercles, comme les Souls, D’une manière générale, l’espionnage
le Bloomsbury ou les Bright Young fascinera les excentriques. Somerset
Things. L’entre-soi y a aidé. L’aristo- Maugham s’y livrera aussi, mais du côté
cratie a longtemps bénéficié du droit de occidental. À l’autre extrémité de
primogéniture permettant à l’aîné l’échiquier politique, le nazisme exer-
d’hériter du château et de terres im- cera une véritable fascination sur cer-
menses… Les excentriques sont essen- tains, comme le député Oswald Mosley,
tiellement des rentiers. Cette « upper mari de Diana Mitford, ou même le duc
class » se reçoit entre elle, les fils pas- de Windsor, ex-roi Édouard VIII, et son
sent par les mêmes écoles - le collège épouse, Wallis Simpson.
d’Eton, les universités d’Oxford ou de
Cambridge -, pour, plus tard, se retrou- Qui sont les excentriques
ver nombreux sur les bancs de la Cham- d’aujourd’hui ?
bre des lords. C’est à Cambridge que Il y a eu une vague post-postmoderne,
Bloomsbury est créé par des étudiants dans les années 1960-1970, avec les
qui ont fait de la maison des Stephen créateurs de mode Mary Quant ou
leur QG. Parmi ce groupe de joyeux Alexander McQueen, les plasticiens Gil-
drilles, quatre seront précurseurs dans bert & George, les rock stars comme Da-
leur domaine : Virginia Woolf, née Ste- vid Bowie et les Rolling Stones, notam-
phen, pour la littérature moderniste du ment Mick Jagger, par ailleurs très ami
XXe siècle ; John Maynard Keynes pour avec Cecil Beaton, photographe favori
la pensée économique ; Bertrand Russel des excentriques anglais depuis les an-
pour la physique et les mathématiques ; nées 1920. En politique, le phénomène
et James Strachey pour la pensée psy- s’est étiolé. À l’exception de l’ex-pre-
chanalytique de Freud qu’il fut le pre- mier ministre Boris Johnson, apparu
mier à traduire en anglais. comme la résurgence d’un monde dis-
paru.
Qu’en est-il pour les femmes ?
Sans aller à l’école, elles bénéficiaient L’Angleterre restera-t-elle
de précepteurs, de professeurs de mu- l’Angleterre ?
sique, évoluaient dans des milieux très C’est la question ! L’évolution de la so-
éduqués, se mariaient au sein des bon- ciété, des médias et l’injonction du poli-
nes familles. Ce sont souvent des fem- tiquement correct contribuent à une
mes avec de forts caractères. Elles sont forme de négation de l’excentricité. En
à l’origine du fameux cercle les Souls prenant des distances par rapport à une
- « les âmes », en français. Notamment Europe « normalisée », le Brexit a sans
Pamela Wyndham, écrivain, future doute, dans l’esprit de certains, rappelé
épouse d’Eddy Tennant, homme politi- que la Grande-Bretagne était et restera
que libéral, et mère de Stephen Ten- une île. ■
 vendredi 22 mars 2024 LE FIGARO - N° 24 752 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

Entreprises
économie BUDGET
Le Médiateur de plus en plus visite surprise d’un sénateur
sollicité pour régler les à Bercy : Le déficit de la France
conflits entre sociétés Page 20 en 2023 a dérapé à 5,6 % du PIB Page 21

> FOCUS
Nicolas Guyonnet/Hans Lucas via Reuters Connect, Premreuthai/stock adobe, François BOUCHON/Le Figaro

Apple
attaqué
en justice
sur l’iPhone
Après Bruxelles, les États-Unis s’at-
taquent eux aussi à Apple. Après
cinq ans d’enquête, le gouverne-
ment et 16 procureurs d’États amé-
ricains ont décidé d’assigner le
groupe californien pour des prati-
ques qu’ils estiment anticoncurren-
tielles et monopolistiques liées à
son produit phare, l’iPhone. Selon le
ministère de la Justice, la société
n’a cessé au fil des ans d’entraver
l’innovation chez ses concurrents à
cause des contraintes imposées
aux développeurs d’applications.
Selon le juge fédéral Merrick Gar-

Distribution : la fin
land, Apple a « consolidé son pou-
voir de monopole non pas en amé-
liorant ses propres produits, mais
en détériorant ceux des autres ».
Apple dénonce une procédure « er-

de la crise inflationniste
ronée sur le plan des faits et du
droit » et promet de se défendre
« vigoureusement ». Il a averti que
cette procédure allait créer un
« dangereux précédent, permettant
au gouvernement d’intervenir lour-
Les prix des produits de grande consommation ont légèrement baissé dement dans la conception de la
pour le septième mois consécutif dans les grandes surfaces. Page 22 technologie ». Lucas Mediavilla

l'histoire
Feu vert au plan de sauvetage
des Galeries Lafayette
de Michel Ohayon

C’
est la dernière chance.
Après plus d’un an
d’attente, le tribunal de
Bordeaux a finalement
donné son feu vert,
jeudi, au plan de sauvetage
des vingt-six magasins Galeries
Lafayette récupérés par Michel
Ohayon en 2018 et 2021. Situés
dans des villes de province
comme Amiens, Chalon-sur-Saône,
La Roche-sur-Yon et Niort,
ces commerces restent donc entre
les mains de l’homme d’affaires
bordelais dans la tourmente,
et vont continuer de tourner.
L’affaire était mal embarquée
jusqu’à ce que, en février dernier, le
groupe Galeries Lafayette, principal
redonner une impulsion
à l’exploitation de ces magasins,
fait savoir le groupe. Ce dernier
avait également bien conscience
qu’en cas de refus des juges, une
procédure de redressement, voire
de liquidation aurait porté atteinte
à son image. Certes, les salariés
(près d’un millier) sont soulagés
tout comme les élus locaux inquiets
pour le dynamisme de leur centre-
ville. Mais les préoccupations
restent grandes sur l’avenir de
ces grands magasins nécessitant
d’importants investissements qui
ont fait défaut ces dernières années
et dont la pérennité même
du modèle interroge. L’homme
d’affaires a promis de débourser
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE MIXTE
Jeudi 25 avril 2024 à 15h00
Kering
40, rue de Sèvres - Paris 7e
L’ordre du jour et les projets de résolutions
soumises au vote des actionnaires peuvent
être consultés sur le site de Kering :
www.kering.com, rubrique Finance >
Informations actionnaires > Assemblée
générale.
Les autres documents et renseignements
relatifs à cette Assemblée seront disponibles
Kering, 40, rue de Sèvres Paris 7e - SA au capital de 493 683 112 € - 552 075 020 RCS Paris

créancier par les redevances plusieurs millions d’euros d’argent

qu’il perçoit et en sa qualité de
fournisseur, accepte finalement le
plan de continuation de l’homme
d’affaires. « Les Galeries Lafayette
ont donné un avis favorable
à ce plan au regard notamment
des derniers engagements qui ont
été pris par Michel Ohayon pour
frais, selon certains acteurs sur le site internet de Kering à compter du
du dossier. « Le respect des 8 avril 2024.
engagements pris par Michel
L’Assemblée générale sera diffusée en direct
Ohayon devant la justice est
et sera également disponible en différé sur le
essentiel pour assurer la pérennité
site internet de la Société.
de l’activité », insiste le groupe
Galeries Lafayette. ■ Les actionnaires pourront se procurer les
Manon Malhère documents précités sur demande auprès de :

Kering
le PLUS Direction juridique
LA SÉANCE DU JEUDI 21 MARS 2024
du +33 (0)1 45 64 61 00
CAC 40 E
  FIGARO 40, rue de Sèvres – Paris 7e
actionnaire@kering.com
8179,72 +0,22% 5053,36 +1,06%
éco
DOW JONES FOOTSIE auto
© Eric Sander

39850,23 +0,86% 7882,55 +1,88%

Lamborghini
ONCE D’OR NASDAQ au sommet
2210,65 (2153,40) 18448,36 +1,14% de sa forme GUCCI � SAINT LAURENT � BOTTEGA VENETA � BALENCIAGA � ALEXANDER McQUEEN � BRIONI
BOUCHERON � POMELLATO � DODO � QEELIN � GINORI 1735
PAGE 24 KERING EYEWEAR � KERING BEAUTÉ
PÉTROLE (Brent) NIKKEI
kering.com
85,280 (86,150) 40815,66 +2,03%
A
 20 vendredi 22 mars 2024 le figaro
Les retards de paiement, première source
de conflit entre entreprises
Louise Darbon
Le Médiateur des entreprises enregistre une hausse des sollicitations pour régler les litiges à l’amiable.
22 800 dossiers traités depuis 2020
Évolution des sollicitations et des médiations auprès du médiateur des entreprises
Médiations Sollicitations
10 000
Le nombre de dossiers traités a plus
que doublé depuis 2020 :
22 800 sollicitations et médiations depuis 2020
contre 10 400 entre 2010 à 2019.
7 500
5 000
2 500
360
128 271 760
0 595
2010 2011 2012 2013 2014
Source : Le médiateur des entreprises
L
e chiffre atteint des re-
cords : le ministère de
l’Économie vient d’annon-
cer avoir infligé 58 millions
d’euros d’amendes à régulièrement pointés du doigt pour
346 mauvais payeurs, soit
19 % de plus qu’en 2022. Loin de vouloir
cacher aux yeux du monde les retarda-
taires, il met un point d’honneur à
pointer publiquement du doigt les mau-
vais élèves. Communiqué de presse et
publication sur le site de la DGCCRF in-
diquent ainsi qu’Unilever doit s’acquit-
ter d’une punition de 2 millions d’euros,
comme Renault, ou Veolia Eau qui éco-
pe de 1,6 million d’euros d’amende.
Si les retards de paiement font tant de
bruit, c’est parce qu’ils sont la première
source de conflits entre les entreprises,
selon le bilan d’activité du Médiateur
des entreprises. L’organisme, chapeau-
té par Bercy, offre la possibilité à toute
structure - petite ou grande - de faire
appel à ses services, gratuitement et
sous le sceau de la confidentialité, pour
aider à la résolution d’un différend avec
une autre entreprise ou avec l’État, sans
passer par le tribunal. Alors qu’en 2022,
le Médiateur avait reçu 2 077 sollicita-
tions, elles ont grimpé à 2 360 en 2023.
Le nombre de saisines ayant donné lieu
à une médiation est ainsi passé de 1 600
en 2022 à 1 940 en 2023. Avec pour pre-
mier motif amenant à la médiation les
fameux retards de paiement, qui repré-
sentent 25 % des cas.
La France a beau essayer d’endiguer
le problème, les délais s’allongent.
« Nous étions tombés à 10 jours avant le
Covid et nous pensions être en bonne voie
pour gagner la bataille. Mais avec la
pandémie, les retards ont explosé pour
atteindre 12,7 jours en moyenne, donc
nous devons remettre l’ouvrage sur le
métier », admet le médiateur des entre-
prises, Pierre Pelouzet. L’enjeu est de
taille, surtout pour les petites entrepri-
ses qui ont subi de plein fouet la crise
sanitaire, la hausse du prix des matières
premières, de l’énergie, et l’inflation.
« Beaucoup ont des trésoreries justes et
limitées. Dès lors qu’un grand client ne
paie pas dans les temps, ça peut les met-
tre en grande difficulté, voire en dé-
faillance », poursuit le médiateur.
Consciente de l’urgence du problème
pour les TPE et PME, la ministre délé-
guée en charge des Entreprises, Olivia
Grégoire, a assuré dans Les Échos met-
tre en place un « arsenal » pour s’atta-
quer aux mauvais payeurs. Il consiste en
du « name and shame », avec la publica-
tion des sanctions sur le site de la DGC-
CRF, mais pourrait se traduire aussi par
une dégradation de la notation Banque
de France. Il vise enfin à « toucher au
portefeuille », avec un doublement an-
A
noncé du montant des amendes (pla-
fonnées aujourd’hui à 2 millions
L’ÉVÉNEMENT
6 075
1 000 3 538
700
900
1 342
1 307
1 070 1 149
892
2015 2016 2017 2018 2019 2020
d’euros) infligées aux retardataires ré-
cidivistes. Qui ne sont d’ailleurs pas que
des entreprises privées.
Car les organismes publics sont aussi
leurs délais à rallonge. Raison pour la-
quelle Olivia Grégoire a annoncé la pu-
blication sur le site open data du gou-
vernement du nom des collectivités
retardataires. Une bonne nouvelle pour
ceux qui ont affaire aux mauvais élèves
du secteur public. C’est le cas d’Éric
Lenoir, dirigeant de Seri, une PME spé-
cialisée dans le mobilier urbain. Victime
d’impayés de la part d’une grande en-
treprise publique, liés à des problèmes
dans l’exécution du contrat, le chef
d’entreprise a fait appel au médiateur.
La seule démarche a réussi à déblo-
quer la situation, car « ça déplaisait sou-
verainement à cette entreprise d’avoir
affaire à la médiation, et donc la situation
s’est débloquée d’elle-même », raconte
celui qui n’a pas hésité à se tourner à
nouveau vers le médiateur pour l’aider
à gérer divers litiges avec des institu-
L’entreprise Seri, une PME spécialisée dans le mobilier urbain, est victime
d’impayés de la part d’une grande entreprise publique.
Les retards de paiement représentent 25 % des litiges.
Le Médiateur fortement sollicité par les petites entreprises
Évolution du nombre de demandes de médiations par taille d’entreprises
Moins de 25 salariés De 25 à 50 salariés Plus de 50 salariés
3500
Près de 80 % des demandes adressées
au Médiateur proviennent des entreprises
de moins de 25 salariés.
3000
2500
2000
1500
3 250
2 360 202
1000
2 077 189
138
192 120
187 115
500 121
106 780
2 025 108 731
1 600 1 940 100 533
67 55 426
48 322
138 179
0
2021 2022 2023 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
tions publiques. Selon le Médiateur des louzet. Après l’explosion des sollicita-
entreprises, les conflits en matière de tions en 2020 avec la pandémie, le re-
commande publique représentent 16 % cours au médiateur s’est mis à rentrer
des cas traités en 2023, en légère baisse dans les mœurs et les gens n’hésitent plus
par rapport à 2022 (18 %). à nous demander qu’on les aide à se par-
Mais les délais de paiement sont loin ler, tout simplement, quand ils sont
d’être l’unique source de différends confrontés à un problème. »
d’entreprises. « On voit de plus en plus C’est là l’un des points essentiels de la
de sujets autour de la propriété intellec- médiation : renouer le dialogue. « Notre
tuelle, des logos, de l’image de marque, médiatrice était face à un dossier serpent
avec un flot continu depuis quelques an- de mer. Mais, avec un art consommé de la
nées, qui pourrait croître », constate le négociation, elle a réussi à dénouer ce sac
médiateur. Signe que les litiges évoluent de nœuds avec talent », se remémore
avec le temps, l’époque, et la conjonc- Éric Lenoir. Avec pour résultat de par-
ture. « J’ai refait appel au médiateur venir à « trouver un accord et même à
pour la révision des clauses d’un contrat nous apprendre à mieux travailler en-
avec une grosse collectivité, du fait de la semble et à faire naître de la considéra-
hausse des prix des matières premières tion », conclut ce patron pour qui le
avec le rebond post-Covid et la guerre en premier talent du médiateur est de
Ukraine », détaille Éric Lenoir. Avec la « parvenir à mettre tout le monde autour
crise sanitaire, l’activité du Médiateur de la table ».
des entreprises a en effet bondi, passant
à 22 800 sollicitations et médiations en-
tre 2020 et 2023 contre 10 400 entre
« On voit de plus en plus
2010 et 2019. « Nous avons constaté un
de sujets autour de la
avant et un après, confirme Pierre Pe- propriété intellectuelle, des
logos, de l’image de marque,
avec un flot continu
depuis quelques années,
qui pourrait croître »
Pierre Pelouzet
Médiateur des entreprises
Une tâche complexe pour ces média-
teurs - souvent des hauts fonctionnai-
res à la retraite -, qui sont bénévoles.
« La lourdeur des structures et procédu-
res, la hiérarchie, sont autant de diffi-
cultés à ne pas sous-estimer », reconnaît
Béatrice Mathieu de Lavergne, média-
trice régionale déléguée pour la région
Auvergne-Rhône-Alpes, qui gère une
dizaine de médiations par an. Elle rap-
pelle que « le médiateur ne propose pas
des solutions : il travaille sur la relation
pour qu’elles émergent toutes seules ». Et
« cela peut prendre du temps parce qu’il
faut mettre les deux parties au même ni-
Service de presse, MICHAEL BODHISATTVA/Anna/stock adobe
veau, qu’elles soient une grosse collecti-
vité ou une petite entreprise », poursuit
l’ancienne haut fonctionnaire. Et il en
va de même pour les grandes entrepri-
ses face aux petites.
« Le médiateur, ça leur fait un peu
peur », constate la dirigeante d’une so-
ciété de grossiste de pièces automobiles.
Comme 13 % des entreprises ayant fait
appel au médiateur, elle l’a fait pour un
litige avec un grand opérateur de télé-
coms. « J’avais résilié mon contrat avec
mon fournisseur de téléphone. Ils ont ar-
rêté la ligne mais le contrat de location de
matériel et de maintenance a continué »,
se rappelle la chef d’entreprise. Ce type
de litige sur des contrats liés représen-
tant 25 % des conflits rencontrés avec
les opérateurs de télécoms. Après des
mois de procédure, l’opérateur télé-
352
252
227
275
167
206
2 855 253
209 171
196
143 143
1 591
1 407
1 147
921 943
2018 2019 2020 2021 2022 2023
phonique en tort a renoncé aux quelque
2 000 euros qu’il réclamait au grossiste.
« Ça a pris du temps parce que l’entrepri-
se en face était malhonnête, mais la mé-
diatrice a été sensationnelle », s’enthou-
siasme sa dirigeante.
Pour Timothée Selles en revanche, la
médiation n’a duré que quelques se-
maines. Dirigeant de Rhizome, une en-
treprise de charpenterie, il s’est retrou-
vé confronté au travail bâclé d’un
bureau d’études. « J’avais besoin de faire
valider des plans et ils ne m’ont transmis
aucun document officiel me prouvant que
le projet était aux normes, souffle le jeu-
ne patron. Je n’avais reçu que des mails
par-ci par-là et des captures d’écran, et
avec des semaines de retard ! » Pour évi-
ter des frais d’avocat, l’artisan s’est
tourné vers la médiation. « Ça a été su-
per simple, très rapide et surtout gra-
tuit », conclut-il, convaincu de l’effica-
cité du dispositif particulièrement
plébiscité par les petites entreprises.
Si 80 % des demandes adressées au
Médiateur des entreprises le sont en ef-
fet par des entreprises de moins de
25 salariés, « nous menons aussi des mé-
diations collectives qui constituent des
actions au sein de filières sur des sujets
très précis », explique Nicolas Mohr, di-
recteur général du Médiateur des entre-
prises. Ce travail implique alors de
nombreux acteurs - et se déroule sur le
temps long, comme ce fut le cas pour la
filière communication. « Nos TPE et
PME rencontraient des problèmes au ni-
veau de la commande publique », précise
Julien Roset, président du Syndicat des
agences de communication Grand Sud
et administrateur de la filière commu-
nication.
En cause notamment, la question de
l’indemnisation des entreprises qui,
pour répondre à un appel d’offres, doi-
vent créer et produire des projets. « Ça
peut nous coûter jusqu’à 10 000 euros et
des semaines de travail », explique le
communicant. Deux médiateurs se sont
chargés pendant près de deux ans de
mener le dialogue, d’identifier les ac-
teurs à mettre autour de la table, pour
aboutir à un accord. « Nous avons sur-
monté contradictions et désaccords et
avons signé des lignes de conduite qui
sont aujourd’hui assimilées à du droit
souple, et dont nous commençons à voir
les effets », se réjouit Julien Roset. Quel-
que 70 % des médiations aboutissent
ainsi à une réussite. Un tiers de ceux
dont la médiation ne réussit pas finit au
tribunal, un autre tourne la page, et le
dernier parvient à trouver un accord,
mais hors des services du Médiateur.
« Ils se reparlent et finissent par trouver
une sortie du conflit », se satisfait Pierre
Pelouzet, qui rappelle que « la solution
se trouve souvent dans le dialogue qui re-
crée la confiance ». ■
 économie le figaro vendredi 22 mars 2024 21

L’opposition
s’invite à Bercy,
la polémique
sur le déficit enfle
Marie Visot

Selon le Sénateur LR Jean-François Husson,

le ministère envisage un dérapage du déficit
public à 5,6 % du PIB en 2023, 5,7 % en 2024
et 5,9 % en 2025. Ce dernier dément.

C’
est une douche qui
pourrait devenir glacia-
le. Bercy avait déjà pré-
venu que le déficit pu-
blic de 2023 déraperait
« significativement » par
rapport à ce qui était prévu. Les séna-
teurs ont décidé de ne pas se contenter
de cet aveu : comme il y est autorisé, le
rapporteur du budget au Sénat, Jean-
François Husson, a mené ce jeudi une
mission de contrôle au ministère de
l’Économie pour savoir ce qu’il en était
réellement. Et les documents de l’admi-
nistration font, à première vue, froid
dans le dos. Ils évoquent en effet un dé-
rapage du déficit public à 5,6 % du PIB en
2023, 5,7 % en 2024 et 5,9 % en 2025 -
très loin donc du scénario anticipant
4,9 % pour 2023, 4,4 % en 2024 et 3,7 %
en 2025 -, a indiqué le sénateur LR de
Meurthe-et-Moselle. Lequel a profité de
l’occasion pour dénoncer une « gestion
budgétaire calamiteuse » et la « rétention
d’information » du gouvernement sur ces
chiffres.
La manœuvre a évidemment eu le
don d’agacer le ministère des Finances.
« D’une part, c’est l’Insee le juge de paix
sur le déficit public 2023 ; il est d’autre
part normal que les fonctionnaires fassent
un travail technique et ce chiffrage ne
tient pas compte des nouvelles économies
demandées par le gouvernement », ton-
ne-t-on dans l’entourage de Bruno Le
Maire. Les documents consultés datent
effectivement de février. Or, il y a trois
semaines, Bercy a demandé aux minis-
tères un effort sur les dépenses de
10 milliards d’euros dès cette année,
puis de 20 milliards de plus l’an pro-
chain. Reste que le différentiel est « sans
commune mesure« avec les récentes an-
Le déficit public à 5,6 % du PIB en 2023
Déficit public, en % du PIB
6,5 %
4,8 %
2021
Sources : ministère des Finances et sénateur Jean-François Husson
Le rapporteur du Budget au Sénat, Jean-François Husson (ici, en 2022), a mené jeudi une mission de contrôle
au ministère de l'Économie. XOSE BOUZAS/Hans Lucas via AFP
nonces gouvernementales, insiste Jean-
François Husson.
« Qu’est-ce que cela aurait été si on
avait écouté les Républicains, insiste-t-on
encore dans la majorité. Rien que cet
automne, les LR auraient aimé cramer la
caisse, avec des propositions dont le coût
aurait atteint plus de 124 milliards
d’euros ». Et de citer pêle-mêle la deman-
Cette nouvelle prévision à 5,6 % du PIB
est bien supérieure au chiffre de 4,9 %
prévu par le projet de loi de finances.
5,6 %
4,9 %
2022 2023
de de Xavier Bertrand le 1er septembre
2023 - « il nous faut au moins 15 à 20 centi-
mes d’euros de ristourne par litre » de car-
burant, chiffré par l’exécutif à 12 mil-
liards. L’amendement du 3 octobre 2023
au projet de loi de finances pour 2024, ré-
clamant la création d’un régime universel
d’investissement locatif privé, pour
4,2 milliards d’euros ; celui du 4 octobre
demandant une TVA à 5,5 % pour tous les
travaux de rénovation des logements
pendant deux ans pour 3,7 milliards, etc.
« C’est l’Insee le juge de
paix sur le déficit public
2023. (...) Ce chiffrage
ne tient pas compte
des nouvelles
économies demandées
par le gouvernement »
Un proche de Bruno Le Maire
Bref, la contre-attaque était prête !
D’autant plus que le gouvernement a en-
clenché un branle-bas de combat pour
montrer qu’il prend désormais le sujet à
bras-le-corps, alors que les agences de
notation Fitch et Moody’s doivent ren-
dre un nouveau verdict sur la France le
26 avril prochain. Mercredi soir encore,
le sujet a été discuté avec les ministres
concernés et les membres de la majorité
à l’Élysée autour d’Emmanuel Macron.
Chacun sait que la séquence à venir ne va
pas être de tout repos. Bercy va devoir
ajuster son programme de stabilité, le-
quel doit être envoyé à Bruxelles avant
fin avril - sachant que l’équation se
complique compte tenu du dérapage
acté de la situation de 2023. La France
sait également que sa dette, aujourd’hui
de plus de 3 000 milliards d’euros, soit
111 % du PIB, la positionne très mal par
rapport à ses voisins européens. Dont
certains, qui ont connu les mêmes crises
que nous (le Portugal, la Grèce…), ont
pourtant réussi à inverser leur courbe
d’endettement.
Ensuite, une fois que la Commission
européenne se sera penchée sur la situa-
tion de l’ensemble des pays, elle déclen-
chera alors ses procédures pour déficit
excessif, à laquelle la France ne pourra
pas échapper. ■

Naval Group met en

chantier le sous-marin
lanceur d’engins ASSEMBLÉE GÉNÉRALE 2024

de 3e génération
Véronique Guillermard

Le programme embarque 400 entreprises

Assemblée générale
partenaires et représente 6 000 emplois. des actionnaires

N Une assemblée générale mixte

aval Group, leader européen
du naval de défense, donne le
coup d’envoi de la construc-
tion de la coque du premier
sous-marin lanceur d’engins de 3e géné-
ration (SNLE 3G). La première tôle a été
découpée, ce mercredi, à Cherbourg
(Manche). Le programme, lancé en 2021,
prévoit la construction de quatre SNLE
3G avec une première livraison, à la ma-
rine nationale, à horizon 2035. Le pre-
mier de série succédera au Triomphant de
2e génération, mis en service en 1997. Les
trois autres seront livrés, à raison d’un
exemplaire tous les cinq ans, jusqu’en
2050, pour succéder aux Téméraire, Vi-
gilant et Terrible, respectivement mis en
service en 1999, 2004 et 2010.
Ce programme est destiné à assurer la
permanence à la mer de la dissuasion nu-
cléaire, mise en œuvre depuis 1967, avec
l’entrée en service du Redoutable de
1re génération. Les SNLE 3G embarque-
ront 16 missiles balistiques, précisément
les futures versions du M51 conçu par
Ariane Group. Les SNLE sont « les pierres
angulaires » de la force océanique straté-
gique française (Fost). Ils sont « l’assu-
rance-vie » de la France, seule puissance
nucléaire autonome de l’Union euro-
péenne (UE). Cela, aux côtés de la com-
posante aéroportée, avec ses deux esca-
drons de Rafale, armés de missiles
nucléaires ASMPA.
Au-delà de son caractère stratégique,
3G mobilise plus de 400 entreprises en
France et représentera 6 000 emplois di-
rects, répartis à parité entre Naval Group
et ses 400 partenaires, pendant au moins se tiendra le mardi 30 avril 2024 à 9 h 30
un quart de siècle. « Le développement du
SNLE 3G représente 15 millions d’heures de à la salle Pleyel
travail pour Naval Group et la construc- 252, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris
tion, 20 millions d’heures par sous-marin,
soit au total quelque 100 millions d’heu- (Accueil et émargement à partir 8 h 30)
res », précise Anne Bianchi, directrice du
programme SNLE 3G chez Naval Group. Cette assemblée est appelée notamment à statuer sur les comptes de
« Made in France » l’exercice clos le 31 décembre 2023.
Tous les sites du constructeur sont mobi-
lisés, de Cherbourg à Ollioules (Var), res- Les modalités de participation à l’Assemblée générale sont détaillées
ponsable des études du système de com-
bat et de dissuasion, en passant par dans l’avis de réunion valant avis de convocation, publié au BALO le
Indret, à côté de Nantes, où sont réalisés 22 mars 2024 ainsi que sur https://finance.hermes.com.
la chaufferie nucléaire, en partenariat
avec TechnicAtome, et le système de
propulsion. L’avis de convocation paraîtra dans un journal d’annonces légales du
Parmi les autres partenaires, Thales 10 avril 2024.
qui fournira la nouvelle suite sonars des
bateaux. Mais aussi le français Industeel,
qui livre les tôles et pièces forgées depuis Les autres documents et renseignements relatifs à cette assemblée
son site du Creusot, ou encore Framato-
me et Aubert & Duval pour les pièces for-
seront tenus à la disposition des actionnaires et consultables sur
gées en aciers spéciaux des chaufferies https://finance.hermes.com, dans les conditions légales et réglementaires,
nucléaires. Les turbines à vapeur sont fa-
briquées par Thermodyn, les alterna- au plus tard le 9 avril 2024.
teurs par Schneider, les tubes lance-mis-
siles par CSI (ex-Cnim) basée à la Seyne- L’Assemblée générale sera retransmise en direct et en intégralité sur le site
sur-Mer (Var) et les pompes « discrètes »
par Fapmo, situé dans le nord de la Fran- internet précité (rubrique « Assemblées générales »).
ce. Au total, Naval Group précise que
A

le programme a des retombées économi- 95 % de la valeur ajoutée des SNLE 3G se-

ques majeures. La construction des SNLE ront « made in France ». ■
 22 vendredi 22 mars 2024 le figaro
L Alimentation :
a crise inflationniste, mar-
quée par une flambée des
prix alimentaires de plus
de 20 % sur deux ans, en
2022 et 2023, touche à sa
fin. Les prix des produits
de grande consommation en grande
surface ont baissé de 0,2 % entre fé-
vrier et mars, en moyenne. Ce léger
recul confirme une tendance observée
depuis l’été 2023, chaque mois se sol-
dant par de légers reculs des prix (en-
tre - 0,2 % et - 0,5 %), selon les don-
nées de l’institut Circana.
« Ces légères déflations accumulées
sur les derniers mois contribuent à la
modération significative de l’inflation à
un an, qui est de seulement + 2,6 % entre
mars 2023 et mars 2024, soit une des-
cente de 2 points par rapport à février,
explique Emily Mayer, experte grande
consommation chez Circana. Le cycle
d’inflation forte est donc définitivement
rompu, nous allons vers une inflation
modérée mais manifestement pas vers
une déflation généralisée et signifi-
cative. »
Entre février et mars, l’institut ob-
serve notamment des baisses de prix
significatives pour le lait frais (- 3,5 %),
la charcuterie de volaille (- 3,1 %), les
pâtes ménagères (- 2,7 %) et les lessives
spécialistes (- 2,3 %). À l’inverse, les
prix augmentent pour les fromages
rayon coupé (+ 8,3 %) et les plats cuisi-
nés (+ 4,1 %) ou encore les huiles
(+ 3,2 %).
Cette modération des prix est encore
trop faible pour être perçue par le
consommateur. Pour la suite, tout dé-
pendra de la façon dont les distribu-
teurs répercuteront sur leurs prix de
vente en magasin les tarifs négociés (à
« Le cycle d’inflation forte
est donc définitivement
rompu, nous allons vers
une inflation modérée mais
manifestement pas vers
une déflation généralisée
et significative »
Emily Mayer experte
grande consommation chez Circana
la hausse ou à la baisse) avec les indus-
triels pour 2024. Ces négociations ont
été bouclées fin janvier, et leur bilan
définitif sera connu la semaine pro-
chaine. « Est-ce que peu de baisses ont
été négociées ou ne sont-elles pas (enco-
re) répercutées ? Dans tous les cas, à la
mi-mars, les négociations commerciales
n’accélèrent pas le rythme de désinfla-
tion en marche depuis l’été 2023 », indi-
que Emily Mayer.
On est loin des ambitions de l’exécu-
tif qui, en vue d’obtenir des reculs de
prix significatifs dans les rayons, avait
fait voter une loi, à l’automne 2023,
pour avancer ces négociations tarifai-
res qui se bouclent normalement fin
mars. « Je suis certain que les prix vont
baisser dès que les négociations com-
La Banque nationale suisse ouvre la saison de baisse des taux
Florentin Collomp
U
ne hirondelle ne fait pas le
printemps, mais la surprise
printanière est arrivée, ce jeu-
di, de Suisse. De façon inat-
tendue, la Banque nationale suisse a été
la première des banques centrales occi-
dentales à baisser son taux directeur
pour la première fois depuis deux ans,
alors que les analystes misaient en majo-
rité plutôt sur juin. Ce taux est repassé de
1,75 % à 1,50 %, couronnant le succès
d’une politique « efficace » ayant mené à
« l’atténuation de la pression inflationnis-
te », selon la BNS.
Également réunies pour des conseils
de politique monétaire, la banque cen-
trale de Norvège (Norges Bank) et la
Banque d’Angleterre (BoE) ont gardé
leurs taux inchangés, respectivement à
4,50 % et 5,25 %. « Nous ne sommes pas
encore au point où nous pouvons abaisser
les taux d’intérêt, mais les choses évoluent
dans la bonne direction », a positivé le
gouverneur de la BoE, Andrew Bailey.
Les marchés misent désormais sur juin,
au lieu de l’automne, pour une première
baisse outre-Manche.
La Suisse fait clairement exception, en
raison d’une crise inflationniste bien
moins violente qu’ailleurs ces deux der-
nières années. La BNS ne visait pas à être
A
la première, mais à prendre une décision
« au bon moment » pour la Suisse, a justi-
la crise inflationniste
touche à sa fin
Manon Malhère et Olivia Détroyat
Pour le septième mois consécutif, les prix ont légèrement baissé.
Dans un supermarché, à Valence, le 10 février. Les prix des produits de grande consommation ont baissé de 0,2 %
entre février et mars, en moyenne. Nicolas Guyonnet/Hans Lucas via Reuters Connect
merciales auront pris fin », avait décla-
ré le ministre de l’Économie, Bruno
Le Maire, début janvier.
En réalité, c’est l’inverse qui pour-
rait se produire au cours des prochains
mois. « Au global, il ne faut pas s’atten-
dre à une baisse (généralisée) des pro-
duits », souligne un distributeur. En ef-
fié son président, Thomas Jordan. Après
avoir frisé les 3 % en 2022, l’inflation est
en effet repassée dans la Confédération
sous la barre des 2 % depuis juin 2023. La
Banque nationale suisse avait déjà dé-
montré son indépendance en relevant
son taux directeur dès le printemps 2022,
avant la Banque centrale européenne
(BCE).
L’attentisme est aussi de mise dans les
deux grandes institutions que sont la BCE
et la Réserve fédérale américaine (Fed).
Cette dernière a maintenu mercredi ses
taux, au plus haut depuis 23 ans, dans
une fourchette comprise entre 5,25 % et
5,50 %. « L’économie se porte bien », a
précisé son président, Jerome Powell,
La banque centrale suisse abaisse son taux directeur
Taux directeur de la Banque nationale suisse
et du taux de la facilité de dépôt de la BCE en %
4
Banque nationale suisse BCE
3 avril - suivie de deux ou trois autres cette
2 pôts de la BCE de 4 % aujourd’hui (son
1
0
-1
Mars 2022 Sept. 2022 Mars 2023
Source : Banque nationale suisse, BCE
économie
fet, à l’issue de ces négociations, les
grands industriels (ceux réalisant plus
de 350 millions d’euros de chiffre d’af-
faires en France), par la voix de leur
syndicat, l’Ilec, avaient estimé les
hausses des tarifs facturés aux distri-
buteurs entre 2 % à 3 %, en moyenne.
Quant aux négociations avec les PME,
pour justifier l’absence de précipitation à
adoucir les conditions financières. À
2,4 %, l’inflation américaine est toutefois
en bonne voie pour atteindre la cible
fixée par les grands argentiers. Et le mar-
ché de l’emploi est sorti de sa période de
surchauffe, qui entretenait la hausse des
prix.
Un relâchement bienvenu
La Fed a donc pu confirmer l’indication
fournie avec clarté aux marchés dès no-
vembre. On devrait se diriger vers trois
baisses de 0,25 point cette année, sans
doute à partir de juin. Neuf des douze
membres du Federal Open Market Com-
mittee (comité de politique monétaire) se
4%
1,5 %
Sept. 2023 Mars 2024
elles auraient débouché sur des pro-
gressions bien plus faibles.
Certes, il y a toujours un décalage de
plusieurs semaines entre la fin des né-
gociations et la répercussion sur les
prix en rayon, en raison du renouvelle-
ment des stocks concernées. Mais,
dans un secteur aussi concurrentiel que
sont prononcés pour ce dispositif. Au
bout du compte, cela n’aboutirait qu’à
des taux directeurs compris entre 4,50 %
et 4,75 % fin 2024 - loin du grand assou-
plissement espéré par les marchés finan-
ciers au début de l’automne dernier.
La tonalité est assez différente de ce
côté-ci de l’Atlantique, pour des pers-
pectives pourtant similaires. Au cours
d’un séminaire de la BCE, mercredi, à
Francfort, la présidente de l’institution,
Christine Lagarde, a réaffirmé son inca-
pacité à donner à l’avance d’indication
sur la trajectoire des taux, en raison d’un
risque de persistance de l’inflation dans
les services, liée au dynamisme des aug-
mentations de salaires. « Nos décisions
devront continuer à être prises en fonction
des données, réunion par réunion », a-t-
elle précisé.
Les marchés misent toutefois, avec
une probabilité de 90 %, sur une premiè-
re baisse de taux de la BCE en juin - après
une nouvelle réunion de statu quo mi-
année. Ce qui ferait passer le taux de dé-
plus haut historique) à 3 % ou 3,25 % d’ici
à décembre. Un relâchement bienvenu
- et très attendu -, mais un environne-
ment de taux encore élevés, à l’heure où
le gouvernement français se débat avec
un déficit et une dette incontrôlés.
Un mouvement de détente printanière
s’est néanmoins répandu sur les marchés
des obligations d’État jeudi, avec cette
la grande distribution, et alors que le
pouvoir d’achat des Français reste ten-
du, les principales enseignes veulent
surtout éviter de se distancier entre el-
les sur les prix. « On s’observe, on se re-
garde. En réalité, tant que ça ne bouge
pas chez les concurrents, on rogne plutôt
sur nos marges », explique un distribu-
teur. « On n’a pas encore répercuté tou-
tes les hausses », précise un concur-
rent. L’idée étant aussi de les étaler sur
plusieurs mois pour mieux faire passer
la pilule aux consommateurs.
Les Français devraient donc bel et
bien voir les étiquettes réaugmenter au
global, mais de façon bien plus modé-
rée qu’en 2022 et 2023.
Dans ce contexte, la bataille sur les
étiquettes passera plutôt par les prix
barrés et les promotions. Ainsi, hormis
dans quelques rayons, nombre d’in-
dustriels estiment ne pas avoir eu
d’autre choix que d’augmenter leurs
conditions générales de vente lors du
dernier round de négociations. Mais
beaucoup ont aussi négocié avec leurs
clients distributeurs de larges plans
Après avoir sérieusement
levé le pied sur les
innovations beaucoup
moins efficaces, voire
contreproductives, au
moment où les Français se
serraient la ceinture, les
grandes marques semblent
aussi se poser plus
sérieusement la question
de la montée en gamme
promotionnels pour les mois à venir.
Le but : relancer des volumes en berne
en 2023, plombés par deux ans d’infla-
tion. C’est le cas par exemple de Ba-
rilla, ou de Coca-Cola. Chez le roi des
pâtes, qui a vu ses volumes écoulés
baisser de 3 % en 2023, les promotions
et les prix barrés sont actuellement do-
pés de 40 %. Après avoir sérieusement
levé le pied sur les innovations beau-
coup moins efficaces, voire contre-
productives, au moment où les Fran-
çais se serraient la ceinture, les
grandes marques semblent aussi se po-
ser plus sérieusement la question de la
montée en gamme. Les Français ont
commencé à digérer la nouvelle donne
tarifaire en rayon, et compris que les
prix ne retrouveraient pas leur niveau
d’avant-inflation. Certains pourraient
donc retrouver de l’appétit pour les in-
novations, même si celles-ci sont un
peu plus chères.
Fleury Michon et Aoste sont ainsi en
train de lancer des nouveautés sur le
rayon des simili-carnés (traiteur végé-
tal), pourtant 50 à 60 % plus onéreux
que leurs homologues contenant de la
protéine animale. Andros s’est aussi
lancé en fin d’année dernière sur la
pâte à tartiner à la cacahuète. ■
perspective de baisses de taux à venir.
Les taux des emprunts à dix ans se sont
repliés en Europe, à 2,85 % pour la Fran-
ce, par exemple, contre 2,90 % en début
de semaine. À l’inverse, les rendements
des « treasuries » américaines progres-
saient, après la réunion de la Fed de la
veille. De quoi faire rêver les ministres
des Finances dans le reste du monde, le
taux des obligations suisses à dix ans pas-
sait sous les 0,60 %, après avoir flirté
avec un pic de 1,19 % il y a un an.
Le franc suisse a profité de la décision
de la Banque centrale pour se replier for-
tement par rapport au dollar et à l’euro,
ce qui favorise l’attractivité des exporta-
tions du pays. Parallèlement, l’or pour-
suivait sa course vers des sommets histo-
riques, en atteignant 2 205,80 dollars
l’once, stimulé par la perspective des
baisses de taux des grandes banques
centrales.
Si la baisse des taux a déjà été mise en
œuvre dans plusieurs institutions de
pays émergents depuis plusieurs mois
(Brésil, Chili…), d’autres évoluent à con-
tre-courant de cette tendance générale.
La Banque du Japon a mis fin cette se-
maine à sa politique de taux négatifs, en
raison d’inquiétudes sur une inflation
provoquée par les hausses de salaire. Et,
à l’autre bout du spectre, la banque cen-
trale turque a relevé jeudi son principal
taux directeur de 5 points, à 50 %, face à
une inflation au-delà des attentes, à près
de 70 % sur un an. ■
 24 vendredi 22 mars 2024 le figaro
LVMH : un nouveau bras droit pour Bernard Arnault
Olivia Détroyat
Antonio Belloni va passer la main à Stéphane Bianchi le 18 avril prochain, à l’issue de l’assemblée générale.
Jean-Fraņois Robert
Antonio Belloni (à gauche) quitte
la direction générale déléguée
de LVMH. Il sera remplacé par
Stéphane Bianchi, actuel patron
des activités horlogères
et joaillières du géant du luxe.
Lamborghini au sommet de sa forme
Emmanuel Egloff
Le constructeur de voitures ultrasportives affiche les meilleurs résultats de son histoire.
H
uracan. Le nom fait ré-
férence à un taureau de
combat connu à la fin du
XIXe siècle et au dieu
maya des tempêtes.
Lancée en 2014, Hura-
can est aussi la voiture la plus symboli-
que de Lamborghini : à peine 1,2 m de
hauteur, un moteur thermique de 10 cy-
lindres en V développant 640 chevaux.
C’est un « supercar » dont le prix com-
mence à 250 000 euros. L’an dernier,
Lamborghini a vendu 3 962 Huracan
dans le monde. Un record. Ce n’est ce-
pendant pas le modèle le plus commer-
cialisé de la marque au taureau. Le SUV
Urus, d’un usage plus commode, s’est
écoulé à 6 087 exemplaires. À cela
s’ajoutent des modèles encore plus ex-
clusifs, si bien que Lamborghini a fran-
chi pour la première fois la barrière des
10 000 ventes en 2023, pour atteindre
10 112 voitures écoulées.
Et toutes les données comptables sui-
vent ce mouvement. « En 2023, nous
avons enregistré le chiffre d’affaires le
plus élevé de l’histoire de Lamborghini, à
2,66 milliards d’euros, se félicite Stephan
Winkelmann, le PDG de Lamborghini,
dans un entretien au Figaro. Et le résultat
opérationnel atteint 723 millions d’euros,
ce qui constitue également un record. » La
marge, à 27,2 %, montre que la marque
italienne relève plus de l’univers du luxe
que de celui d’un constructeur classique.
Dans le giron du groupe Volkswagen
depuis 1998, Lamborghini constitue une
pépite remarquable pour le constructeur
allemand, qui se débat actuellement
dans les difficultés.
Le succès de la marque italienne est
impressionnant. Entre 2017 et 2023, les
ventes sont passées de moins de
4 000 unités par an à plus de 10 000. Le
chiffre d’affaires a été multiplié par plus
de 2,5. Et la marge opérationnelle s’est
envolée de 5,6 % à 27,2 %.
La reprise de l’inflation, les incertitu-
des économiques, la montée des tensions
Egis, pépite française de l’ingénierie à la croissance explosive
L’activité de la filiale du fonds Tikehau et de la Caisse des dépôts s’est envolée de 28 % l’an dernier.
Q
uel est le point commun entre
les études de génie civil du fu-
tur EPR de la centrale de Pen-
ly, la ligne automatique du
métro de Thessalonique, en
Grèce, et le projet visant à faire passer le
taux de végétalisation de la ville de
Riyad, en Arabie saoudite, de 1 % à 9 %
d’ici à 2030 ? Réponse : la société d’ingé-
nierie Egis, qui a gagné tous ces contrats.
« Avec l’accroissement de la population
mondiale, l’urbanisation croissante, le
vieillissement des infrastructures des pays
développés et la transition énergétique, on
n’a jamais eu autant besoin d’ingénieurs
A
dans le monde », détaille Laurent Ger-
main, le directeur général d’Egis.
Entreprises
L
es passations de témoin se pour-
suivent chez LVMH. Alors que
Sidney Toledano vient de passer
le relais à Michael Burke à la tête
de LVMH Fashion Group (Celine, Given-
chy, Kenzo, Loewe…), la prochaine as-
semblée générale (AG) du groupe prévue
le 18 avril marquera une nouvelle étape
majeure. Bernard Arnault, PDG et princi-
pal actionnaire du champion mondial du
luxe, proposera de faire entrer ses deux
fils Alexandre et Frédéric au sein du
conseil d’administration où ils rejoin-
dront les deux aînés, Delphine et Antoine.
Et Antonio Belloni, bras droit de Bernard
Arnault et numéro deux du groupe depuis
2001, quittera à 69 ans la direction géné-
rale déléguée du groupe, à l’issue de l’AG.
géopolitiques… Rien ne semble devoir ar-
rêter Lamborghini. « Nous voyons les
nuages noirs, mais cela n’a pas d’impact
pour nous, précise pourtant Stephan
Winkelmann. Par contre, cela rend les
prévisions difficiles à faire pour 2024. » De
fait, le segment des voitures de luxe bé-
néficie du nombre croissant d’ultrariches
dans le monde. Ce segment, qui com-
prend aussi Rolls-Royce, Aston Martin
ou Bentley, est dominé par Ferrari
- 13 663 véhicules vendus dans le monde
en 2023, et 1,25 milliard de bénéfice net.
Mais Lamborghini bénéficie d’une excel-
lente image de marque. Son premier
marché se situe aux États-Unis, avec
3 000 ventes l’an dernier, suivi de l’Alle-
magne (961) et de la Chine (845). En
Stephan
Winkelmann,
PDG de Lamborghini,
devant quelques-uns
des modèles
emblématiques
du constructeur
de Sant’Agata
Bolognese (Italie).
Lamborghini
Un besoin croissant qui se vérifie dans
les résultats du groupe. Le chiffre d’affai-
res, qui s’établit à 1,9 milliard d’euros,
s’est envolé de 28 % en 2023 ! En quatre
ans, Egis a quasiment multiplié son acti-
vité par deux. « Lorsque j’ai été nommé,
en juillet 2020, j’avais une feuille de route
qui visait un chiffre d’affaires, hors acqui-
sition structurante, de 1,8 milliard d’euros
pour 2026, explique Laurent Germain.
Nous atteignons ce montant avec trois ans
d’avance. »
Ce dynamisme provient à parts égales
de la croissance purement organique et
de multiples acquisitions. « Sur les trois
dernières années, nous affichons une
croissance organique moyenne de 12 %
Il restera un proche conseiller du PDG
et assurera la présidence de la filiale ita-
lienne de LVMH. Mais c’est une page qui
se tourne pour la gouvernance du grou-
pe, car le dirigeant a été l’un des piliers du
succès du géant du luxe aux 75 maisons. Il
a, entre autres, joué un rôle clé lors des
rachats des joailliers italien Bulgari en
2011 et américain Tiffany, finalisé en
2021.
« Master Bernard Arnault »
« À mes côtés comme directeur général dé-
légué et membre du Conseil d’administra-
tion depuis plus de deux décennies, Toni a
été un artisan majeur du succès de LVMH.
Inspirant, curieux et d’une loyauté sans
faille, il a participé à toutes les acquisitions
France - qui comprend également Mo-
naco -, la marque a écoulé 255 voitures,
et atteint un autre record.
Le défi
des émissions de CO2
Si tous les voyants sont au vert, cela ne si-
gnifie pas que Lamborghini ne doit pas fai-
re face à des défis. Le plus important, com-
me pour l’ensemble du secteur, est celui
des émissions de CO2. À la différence de la
plupart de ses concurrents, et notamment
des autres constructeurs ultra-haut de
gamme, toutes ses voitures sont aujour-
d’hui encore équipées de moteurs thermi-
ques. Lamborghini revendique même fiè-
rement le fait d’installer sur certaines
voitures d’énormes moteurs à 12 cylindres.
par an », se félicite Laurent Germain.
Egis met l’accent sur les projets impor-
tants, de plus de 10 millions d’euros. Le
futur EPR2, le métro de Thessalonique ou
le projet de la ville de Riyad relèvent de
ces gros contrats. Au total, ils permettent
au groupe de revendiquer 2,2 milliards
d’euros de prises de commandes l’an
dernier. De quoi augurer une nouvelle
année de croissance en 2024.
Une profitabilité élevée
Pour ce qui est de la croissance externe,
« nous avons réalisé 32 acquisitions sur les
trois dernières années », précise Laurent
Germain. Des opérations de toutes
tailles, depuis la start-up réalisant un
des dernières années et a su accompagner
la croissance du groupe et des équipes avec
agilité et pragmatisme, a ainsi salué de fa-
çon appuyée Bernard Arnault, jeudi. Toni
a été pour moi un partenaire essentiel et il
est un membre très important de la famille
LVMH. »
« J’ai vécu ici vingt-trois ans d’un MBA
formidable, le master Bernard Arnault !
Quelle émotion et quelle fierté d’avoir été
au cœur de cette formidable aventure si
longtemps », a réagi de son côté Antonio
Belloni.
Il sera remplacé dans ses fonctions
opérationnelles par Stéphane Bianchi,
actuel patron des activités horlogères et
joaillières du groupe (Tag Heuer, Bulgari,
Chaumet, Hublot, Tiffany…). Ce dernier
Cela ne va pas durer. « L’année 2024 verra
des innovations importantes, et notamment
la présentation du nouvel Urus Phev », pré-
cise le patron de la marque. Le Huracan
utilisant la même motorisation suivra rapi-
dement. Phev pour « Plug-in Hybrid Elec-
tric Vehicle » : le groupe a donc fait le choix
des hybrides rechargeables, qu’il va rapi-
dement généraliser en lieu et place des
moteurs thermiques, plutôt que des véhi-
cules 100 % électriques.
« Il y a soixante-dix réglementations
différentes dans le monde au niveau des
émissions, explique Stephan Winkel-
mann. Nous ne construisons pas une voi-
ture par réglementation, mais une voiture
qui peut répondre à toutes les réglementa-
tions. » Une stratégie d’autant plus perti-
chiffre d’affaires de 1 million d’euros,
opérant dans le calcul des émissions car-
bone des bâtiments, jusqu’au groupe af-
fichant des ventes de 140 millions de
dollars.
Ce développement à marche forcée
s’est fait en conservant une profitabilité
élevée. En 2023, la marge d’excédent
brut d’exploitation (Ebitda) s’élevait à
11,6 %. Depuis 2020, elle s’établit dans
une fourchette comprise entre 11 % et
12 %. Une performance rendue possible
par le positionnement haut de gamme de
la société. Le patron du groupe estime
que les prestations d’Egis ont de la valeur
et que les clients doivent être prêts à la
rémunérer correctement.
sera aussi président du comité exécutif
(comex). Le nouvel homme fort de LMVH
a dirigé dans les années 2010 le groupe
Yves Rocher, tout en assurant le tutorat
de l’héritier, Bris Rocher. Arrivé chez le
géant du luxe en 2018, il y a vu ses res-
ponsabilités élargies à plusieurs reprises.
À la fois au sein du pôle horloger du grou-
pe, mais aussi au sein de la famille, alors
que Bernard Arnault prépare ses cinq en-
fants à prendre sa suite.
Après avoir accompagné les débuts de
Frédéric Arnault (29 ans) chez Tag Heuer,
Stéphane Bianchi chapeautait aussi de-
puis un an la progression d’Alexandre Ar-
nault (31 ans) chez Tiffany, dont le troisiè-
me enfant de Bernard Arnault est vice-
président exécutif depuis trois ans. ■
nente que le constructeur ne dispose que
d’une usine, près de Bologne. Néan-
moins, ce schéma contraint aussi Lam-
borghini à se préparer au tout-électri-
que. L’Europe a décidé de bannir les
moteurs thermiques sur les véhicules
neufs à partir de 2035.
Le Vieux Continent a beau ne repré-
senter qu’environ 30 % de ses ventes,
sa réglementation contraignante va
s’imposer pour le spécialiste des voitu-
res ultrasportives. Lamborghini prévoit
de lancer son premier modèle 100 %
électrique en 2028. Le constructeur a
encore quelques années pour préparer
ses clients à ce bouleversement pour
une marque adepte des grosses cylin-
drées. ■
De quoi satisfaire les actionnaires du
groupe. L’actionnariat a été renouvelé
récemment. Egis a longtemps été dans le
giron de la Caisse des dépôts (CDC), qui a
créé le groupe en fusionnant plusieurs
sociétés dont elle était actionnaire.
« L’une de mes missions quand j’ai été
nommé était de “privatiser” Egis, expli-
que Laurent Germain. Ce qui est fait de-
puis janvier 2022. » La CDC est toujours
présente au capital, mais avec une parti-
cipation réduite à 34 %. Le principal ac-
tionnaire est désormais le fonds d’inves-
tissement Tikehau Capital, avec 40 % des
parts. Huit cents managers du groupe en
possèdent 21 %. Et le solde de 5 % est dé-
tenu par 3 000 salariés français. ■ E. E.
 Tech le figaro vendredi 22 mars 2024 25

Les start-up tricolores du bilan carbone

passent à la vitesse supérieure
Lucas Mediavilla

Greenly et Sweep sont bien armés pour devenir des leaders mondiaux dans ce marché en plein essor.

F
aut-il y voir l’influence de et moyennes entreprises. « Nos concur- grâce à la grande base de données de avant dans l’intégration de l’IA dans ses faire rapidement sur l’extra-financier le
l’ingénieur Jean-Marc Jan- rents se concentrent plutôt sur les gros Greenly. solutions. même travail qu’elles ont mis 15 ans à bâtir
covici, souvent présenté comptes. Nous avons de l’avance sur L’IA, encore elle, s’insère également Comme Greenly, Sweep propose aux sur le reporting financier », explique Ra-
comme le père du bilan car- eux », indique encore Alexis Normand. au cœur du business model de Sweep. La entreprises de mesurer les émissions de chel Delacour.
bone au niveau mondial ? La levée de fonds permettra à Greenly de start-up fondée en 2020 par Rachel De- CO2 et de les réduire avec une approche À la différence de Greenly, Sweep vise
Dans le sillage du polytech- recruter et de passer de 170 à 250 salariés lacour a déjà réussi à lever 100 millions très tournée sur la collecte et l’analyse les portefeuilles de grandes sociétés et
nicien, de nombreuses start-up se sont d’ici à la fin de l’année. La start-up de dollars en bientôt 4 ans. Elle a annon- des données. Le tout, en conformité avec compte plusieurs centaines de clients
créées en France pour proposer aux en- compte aussi étoffer sa palette de pro- cé ce mardi sa première acquisition avec les principales réglementations. « Ce parmi lesquels HP, Sanofi, Bouygues,
treprises de comptabiliser leurs émis- duits et services. L’IA permettra, de son la start-up britannique Consequence couperet réglementaire ou réputationnel L’Oréal ou encore Lacoste. « Nous visons
sions de gaz à effet de serre. Deux d’entre côté, d’automatiser l’analyse des don- (pour un montant non dévoilé), qui de- va entraîner une transformation majeure les clients de taille importante que nous
elles, Greenly et Sweep, ambitionnent de nées extra-financière des entreprises vrait lui permettre de faire un pas en pour les entreprises. On leur demande de accompagnons sur la durée. La bonne
devenir des leaders mondiaux. nouvelle, c’est que nous avons une très
La première annonce ce jeudi une levée bonne rétention de nos clients et nous
de fonds de 49 millions d’euros, après avons doublé en un an le prix moyen de
avoir déjà levé 21 millions d’euros en vente de nos solutions », explique-t-elle.
2021. Un joli tour de force pour cette so-
ciété fondée en 2019 par Alexis Normand.
Grâce à sa plateforme adaptée à toutes les
« Ce couperet
tailles d’entreprise mais qui vise le seg-
réglementaire
ment des PME et des entreprises de taille ou réputationnel
intermédiaires, Greenly a déjà séduit va entraîner une
2 000 clients à travers le monde et réalise transformation majeure
pour les entreprises »
10 millions d’euros de revenus annuels
récurrents.
Ses clients réalisent leurs bilans CO2 sur Rachel Delacour
la plateforme et se voient proposer des Fondatrice de Sweep
actions pour réduire leurs émissions. Ils
sont situés pour moitié en France ; le L’entreprise de 120 salariés, répartis
Royaume-Uni et les États-Unis se répar- sur trois bureaux (Paris, Londres, Mont-
tissant le reste. « Cette levée nous permet pellier) compte sur l’IA pour pousser son
d’accueillir plusieurs investisseurs inter- avantage. Outre le rachat de Consequen-
nationaux (Fidelity, HPE, HSBC, HubS- ce, elle a annoncé mardi le lancement de
pot). C’est une belle marque de confiance. fonctionnalités dopées à l’IA générative
D’un point de vue stratégique, ces derniers pour faciliter la collecte des données,
vont pouvoir pousser le sujet à leur écosys- l’automatisation des rapports ou encore
tème », confie Alexis Normand. des recommandations personnalisées
pour les entreprises. « L’IA va permettre
« Nos concurrents aux entreprises qui sont plus matures
d’aller plus vite, et celles qui sont moins
se concentrent plutôt matures de se structurer », assure Rachel
sur les gros comptes. Après une première levée en 2021 de 21 millions d’euros, Greenly vient de lever 49 millions d’euros. greenly Delacour. ■
Nous avons
de l’avance sur eux »
Alexis Normand
Fondateur de Greenly

Non pas que le sujet ait besoin de beau-

Malgré un contexte difficile, la deeptech française accélère
coup de publicité. Comme il le dit lui-
même, « de plus en plus de sociétés cotées Ingrid Vergara rupture, la France a créé plus de 1 300 les. Le relais sera pris au fur et à mesure France, et elles représentent 143 sites in-
et non cotées suivent leurs émissions ». La start-up dans des domaines aussi divers par les capitaux privés pour accompa- dustriels, dont 26 ont été inaugurés l’an
réglementation pousse également ce et stratégiques que la santé, l’alimenta- gner la croissance », souligne Paul- dernier. Cela représente une croissance

T
marché de la comptabilité carbone. En out juste 1,050 milliard tion, la transition énergétique, le quan- François Fournier, directeur exécutif de 73 % par rapport à 2022.
Europe, la directive CARD va obliger dès d’euros, c’est le montant tique ou la création de nouvelles molé- innovation de Bpifrance. Les trois « Il reste encore beaucoup de chemin à
2024 plus de 50 000 entreprises à calculer auquel a été rachetée ce mois- cules. Et le rythme s’accélère. quarts des investissements en direct du faire », convient Paul-François Four-
leurs émissions au titre des scopes, 1 ci la jeune société française de L’an dernier, la France a vu émerger bras financier de l’État sont consacrés à nier. Augmenter et diversifier le flux
(émissions directes), 2 (indirectes) et 3 biotechnologies Amolyt Pharma par le quelque 340 nouvelles entreprises la deeptech. d’entrepreneurs, accélérer le transfert
(en amont dans la chaîne d’approvision- géant pharmaceutique AstraZeneca. Ce deeptech, deux fois plus qu’en 2018. Les de la recherche publique, mobiliser plus
nement et en aval dans l’utilisation des spécialiste des traitements de maladies montants levés ont, eux, été multipliés Réindustrialisation d’investissements de la part de grandes
produits). Aux États-Unis, la SEC va im- endocrinienne et métabolique rares est par quatre en cinq ans. 50 % des levées Si l’objectif premier affiché au moment d’entreprises, continuer à faire grandir
poser le reporting sur les scopes 1 et 2 aux l’un des beaux exemples de la deeptech de fonds de la French Tech sont aujour- du lancement du plan national en 2019 - l’écosystème du capital-risque… Cer-
entreprises cotées, mais certains États française, un anglicisme désignant une d’hui réalisées par ces sociétés. En 2023, qui reste d’actualité - était de « faire taines sont très bien positionnées dans
comme la Californie vont plus loin. société développant des solutions dans un contexte d’assèchement du fi- émerger les leaders économiques de de- la compétition mondiale sur leur do-
« Si on veut devenir un champion mon- disruptives dans son domaine, souvent nancement, Bpifrance a injecté 1,6 mil- main », l’enjeu autour du développement maine, comme Verkor dans les batte-
dial, on ne peut ignorer le marché améri- issues d’une recherche scientifique liard de financement, dont 493 millions de cet écosystème est bien plus large ries ou Pasqal dans l’informatique
cain », estime le directeur général de avancée et de technologies de pointe. d’euros en fonds propres dans des start- avec dès à présent une participation ma- quantique. « Il faut maintenant arriver à
Greenly. Sur place, il compte déjà 250 à Depuis cinq ans et le lancement d’un up deeptech, soit 68 % de plus qu’en jeure au mouvement de réindustrialisa- drainer des capitaux privés, c’est le sujet
300 clients et mise sur la démocratisation plan dédié pour développer un écosys- 2022. « C’est aussi notre rôle d’être con- tion en France. Deux tiers des start-up le plus structurant pour nous sur la deep-
du bilan carbone dans le tissu des petites tème tricolore autour de l’innovation de tracyclique dans les périodes plus diffici- deeptech sont en dehors de l’Île-de- tech et la réindustrialisation. » ■

la séance du jeudi 21 mars La valeur du jour

LE CAC JOUR %VAR. +HAUT JOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 JOUR %VAR. +HAUT JOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12

ACCOR ....................................................... 42,3

AIR LIQUIDE ............................................. 193,7
+1,44
-0,67
42,4
195,78
42,01
192,48
0,407
0,105
+22,25
+9,98
LVMH ....................................................... 847,9
MICHELIN .......................................................35,59
+0,2
-1,17
857,9
36,29
840,7
35,49
0,062
0,281
+15,58
+9,64
Retour en Bourse chaotique
AIRBUS ....................................................... 169,3
ARCELORMITTAL SA .............................................
AXA .......................................................
24,88
34,65
+0,74
+1,28
+0,16
170,32
25,05
35,015
168,1
24,6
34,505
0,109
0,255
0,135
+21,12
-3,1
+17,5
ORANGE ....................................................... 10,514
PERNOD RICARD .............................................
PUBLICIS GROUPE SA ......................................
147,4
98,84
-1,2
+0,86
+0,9
10,67
150,35
99,14
10,504
146,8
97,88
0,164
0,166
0,145
+2,04
-7,73
+17,67
pour le propriétaire de Nocibé
BNP PARIBAS ACT.A ............................................. 62,64 +1,15 63,02 62,09 0,32 +0,08 RENAULT .......................................................45,125 +1,32 45,655 44,84 0,434 +22,27
BOUYGUES .......................................................38,08 +0,47 38,25 37,82 0,162 +11,61 SAFRAN .......................................................206,65 +0,88 208,25 205,95 0,127 +29,59 Après plus de dix ans d’absence, la négocie en Bourse. CVC voit sa partici-
CAPGEMINI .......................................................215,6 -2,66 223,3 212,1 0,365 +14,23 SAINT GOBAIN ............................................. 71,5 +1,42 71,58 70,22 0,26 +7,26
chaîne allemande de parfumeries et de pation réduite à 54,4 % et la famille
CARREFOUR .......................................................15,925 +1,3 16,035 15,785 0,188 -3,86 SANOFI ....................................................... 87,71 +0,08 88,15 86,81 0,13 -2,28
CREDIT AGRICOLE ............................................. 13,402 +1,12 13,466 13,3 0,17 +4,28 SCHNEIDER ELECTRIC ...................................... 216,9 +0,77 217,3 213,45 0,11 +19,32 cosmétiques Douglas a fait son retour, Kreke à 10,2 %. L’opération visait no-
DANONE ....................................................... 59,15 -0,39 59,53 58,87 0,117 +0,8 SOCIETE GENERALE ............................................. 24,48 +1,7 24,545 24,26 0,521 +1,89 jeudi, à la Bourse de Francfort. Et ses tamment à réduire la dette, de 3 mil-
DASSAULT SYSTEMES ............................................. 41,265 +0,82 41,435 40,555 0,143 -6,71 STELLANTIS NV ............................................. 26,93 +0,99 27,185 26,895 0,061 +27,36 premiers pas ont été plutôt difficiles. liards d’euros en net fin 2023.
EDENRED ....................................................... 49,08 -0,57 49,51 48,87 0,294 -9,35 STMICROELECTRONICS ...................................... 40,515 +1,45 41,34 40,37 0,244 -10,45 Le prix d’introduction avait été établi à Le groupe vend des parfums, soins
ENGIE ....................................................... 15,346 -0,57 15,56 15,308 0,204 -3,59 TELEPERFORMANCE ............................................. 88,44 +2,48 89,42 86,76 0,6 -33,03
26 euros, tout en bas de la fourchette et maquillages dans 22 pays d’Europe,
ESSILORLUXOTTICA ............................................. 210,65 +0,26 211,35 207,85 0,071 +15,1 THALES ....................................................... 155,05 +1,41 155,05 152,9 0,199 +15,75
EUROFINS SCIENT. ............................................. 56,16 +0,39 56,56 55,88 0,108 -4,78 TOTALENERGIES ............................................. 62,92 -0,44 63,77 62,77 0,157 +2,14 de 26 à 30 euros fixée dans le prospec- et notamment en France avec l’ensei-
HERMES INTL .............................................2410,5 +0,23 2436 2384 0,038 +25,63 UNIBAIL-RODAMCO-WE ...................................... 73,38 +1,92 74,24 72,58 0,324 +9,65 tus de présentation de l’opération aux gne Nocibé. Durement frappé par la
KERING ....................................................... 371,3 -1,04 381,55 366,7 0,324 -6,94 VEOLIA ENVIRON. ............................................. 29,25 +0,62 29,47 29,08 0,192 +2,42 investisseurs. Le premier cours de co- pandémie de Covid-19, Douglas a fer-
L'OREAL ....................................................... 434,95 -0,41 439,2 430,95 0,074 -3,48 VINCI ....................................................... 116,76 +0,07 117,76 116,08 0,098 +2,69 tation a été encore inférieur, à mé 20% de ses magasins en 2021,
LEGRAND ....................................................... 99,64 +1,01 99,66 98,54 0,178 +5,89 VIVENDI SE ............................................. 9,906 -0,58 10,035 9,902 0,248 +2,38
25,50 euros. Le titre a ensuite rapide- pour se renforcer dans la vente en li-
ment décroché. Il a terminé la séance à gne. L’an dernier, l’entreprise a réalisé
LES DEVISES MONNAIE 1 EURO=
L’OR VEILLE 31/12 23,06 euros, en baisse de plus de 9,5 %
sur la journée. L’entreprise est ainsi va-
près d’un tiers de son chiffre d’affaires
en ligne. Elle est dirigée, depuis 2022,
AUSTRALIE ................................................................................
DOLLAR AUSTRALIEN 1,6535
1,6493 AUD
Cotation quotidienne assurée par Or en Cash
CANADA ................................................................................DOLLAR CANADIEN 1,4736
1,4648 CAD https://www.orencash.fr/investissement/ lorisée à environ 2,5 milliards d’euros. par Sander van der Laan, un spécialis-
GDE BRETAGNE ................................................................................
LIVRE STERLING 0,8568
0,8549 GBP Douglas, à l’origine un fabricant de sa- te du commerce de détail qui s’est no-
Lingot 1KG ............................................. 64 453,4€ +7,21 %
HONG KONG ................................................................................
DOLLAR DE HONG KONG 8,53
8,5046 HKD
JAPON ................................................................................ YEN 164,96
160,88 JPY
Lingot 100g .............................................
Lingot 50g .............................................
6 456,34€
3 234,17€
+7,2 %
+7,19 %
vons basé dans la région de Ham- tamment illustré pendant six ans à la
SUISSE ................................................................................FRANC SUISSE 0,9766
0,9446 CHF 2 016,83€
Lingot ONCE (31,10g) ............................................. +7,17 % bourg, avait été retiré de la Bourse en tête du discounter allemand Action.
ETATS-UNIS ................................................................................
DOLLAR 1,0907
1,0872 USD Lingot 10g ............................................. 655,73€ +7,09 %
TUNISIE ................................................................................DINAR TUNISIEN 3,383
3,386 TND Lingot 2,5g ............................................. 171,86€ +6,77 %
2013 par ses actionnaires de l’époque, Après plusieurs années de lourdes
MAROC ................................................................................DIHRAM 11,103 MAD 2OFr NAPOLÉON ............................................. 401,25€ +7,22 % le fonds Advent et la famille Kreke. Un pertes, Douglas a engrangé en 2023
20Fr SUISSE ............................................. 397,76€ +7,22 %
TURQUIE ................................................................................
NOUVELLE LIVRE TURQUE 34,9445
32,9205 TRY
SOUVERAIN ............................................. 502,92€ +7,22 % autre fonds, CVC, a ensuite pris le un bénéfice net de 17 millions d’euros,
EGYPTE ................................................................................LIVRE EGYPTIENNE 51,31
33,66 EGP
KRUGGERAND ............................................. 2 144,82€ +7,22 % contrôle de l’entreprise. Ce dernier dé- pour un chiffre d’affaires de 4,1 mil-
A

CHINE ................................................................................ YUAN 7,852

7,7953 CNY
50 PESOS ............................................. 2 561,83€ +7,22 %
INDE ................................................................................ ROUPIE 90,656
90,3655 INR 10 DOLLARS ............................................. 1 047,14€ +7,22 % tenait jusqu’à présent 84 % des titres. liards, en hausse de près de 18 % sur
ALGERIE ................................................................................
DINAR ALGERIEN 146,3
146,1497 DZD 20 DOLLARS ............................................. 2 094,28€ +7,22 % Désormais, environ 32 % du capital se un an. ■
 26 vendredi 22 mars 2024 le figaro
Le marché mondial de la musique
tutoie les 29 milliards de dollars, un record
Caroline Sallé
Tiré par le streaming
payant, le secteur
est en croissance
pour la neuvième
année consécutive.
E
lle aura peut-être un jour
une figurine Playmobil à
son effigie. En attendant,
Taylor Swift enchaîne les
records. Désignée person-
nalité de l’année 2023 par le
magazine Time, la chanteuse pop, portée
par le triomphe de sa tournée mondiale
Eras, est arrivée en tête des ventes mon-
diales de musique l’an dernier. Comme
en 2014, en 2019 et en 2022. Quatre fois
en l’espace d’une décennie, du jamais-
vu. Établi par l’International Federation
of the Phonographic Industry (Ifpi), le
top 10 des artistes les plus puissants de la
planète a également consacré les stars de
la K-pop. Seventeen et Stray Kids se
classent deuxième et troisième, tandis
que Tomorrow x Together occupe la
7e place et NewJeans la 8e. Preuve
qu’avec l’avènement des plateformes de
streaming, à l’instar de Spotify ou You-
Tube et des réseaux sociaux comme Tik-
Tok, la musique, surtout non anglopho-
ne, voyage désormais partout.
Croissance à deux chiffres
Quasi moribonde il y a une décennie,
l’industrie de la musique a retrouvé un
rythme endiablé. En croissance pour la
neuvième année consécutive, son chif-
fre d’affaires a bondi de 10,2 % pour at-
teindre 28,6 milliards de dollars. À lui
seul, le streaming par abonnement re-
présente désormais pratiquement la
moitié des revenus du secteur. Le seg-
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ment a progressé de plus de 11 %, à la
faveur d’une forte hausse des souscrip-
tions à des forfaits payants, à laquelle
s’ajoute une augmentation des tarifs.
Pour la première fois, le nombre
d’abonnements à des services comme
Spotify, Apple Music ou Deezer dépasse
la barre des 500 millions. Les utilisa-
teurs de comptes payants sont plus
nombreux encore : l’Ifpi en a recensé
667 millions l’an dernier.
Si l’écoute de musique en ligne,
payante ou gratuite, génère aujourd’hui
plus des deux tiers des revenus du mar-
ché de la musique enregistrée dans le
monde, les supports physiques n’ont pas
dit leur dernier mot. Ce segment est en
1,3 million de lecteurs (sourc
(source ACPM
CP 2023)
023)
Frais de port oferts
PAR COURRIER affranchi
Le Particulier - Service Abonnements
croissance pour la troisième année
consécutive. Avec une hausse de 13,4 %,
il affiche même la croissance la plus éle-
vée. Les ventes de CD et de vinyles pè-
sent à eux seuls 5,1 milliards de dollars.
Quasiment autant que les plateformes de
streaming gratuit comme YouTube, qui
génèrent 5,3 milliards de dollars au total.
Les États-Unis demeurent le pre-
mier marché mondial, devant le Ja-
pon, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
En 5e position, la Chine a connu le taux
de croissance le plus élevé : les revenus
y ont augmenté de 25,9 %. Comme l’an
dernier, l’empire du Milieu dépasse
désormais la France. « Cinq des sept
régions du monde ont enregistré une
5€
,30
croissance à deux chiffres », précise
l’Ifpi. Les revenus ont crû de près de
25 % en Afrique subsaharienne et ils
tutoient les 20 % de hausse en Améri-
que latine. L’Europe, qui représente
plus d’un quart des revenus mondiaux,
avec 8 milliards de dollars, a enregistré
une croissance de près de 9 %. Les
États-Unis et le Canada, qui concen-
trent plus de 40 % du chiffre d’affaires
du secteur, affichent une progression
de 7,4 % plus forte que celle de l’an
dernier (5,1 %).
Si le rapport souligne l’évolution po-
sitive du marché partout dans le monde
et une embellie qui a pleinement profité
aux artistes - leur rémunération a qua-
siment doublé entre 2016 et 2021 -, il
insiste toutefois sur les challenges qui
attendent le secteur. À commencer par
celui autour de l’usage de l’intelligence
Mario Anzuoni / REUTERS/REUTERS
artificielle. « La croissance soutenue du
marché de la musique enregistrée est en-
courageante, insiste Lauri Rechardt, di-
recteur juridique et codirecteur par in-
térim de l’Ifpi. Mais il est également
important que nous prenions la mesure
des défis auxquels l’industrie est
confrontée : la fraude au streaming, le
piratage numérique sous toutes ses for-
mes et, bien sûr, la menace des abus en-
gendrés par l’intelligence artificielle gé-
nérative si elle n’est pas développée de
Taylor Swift, personnalité Time manière responsable, éthique et dans le
de l’année, était en tête des ventes respect des droits des artistes et des pro-
mondiales de musique en 2023. ducteurs », a-t-il insisté. ■
Le réseau social Reddit
réussit ses premiers
pas en Bourse
Keren Lentschner
Ce forum ouvre en hausse de près de 40 %
pour sa première cotation. L’opération
le valorise 6,4 milliards de dollars.
C’
était l’une des introduc- Avec cette introduction en Bourse,
tions en Bourse les plus at- la plateforme espère notamment fi-
tendues de ce début d’an- nancer le développement d’une nou-
née. Reddit, réseau social velle activité. Elle mise, en effet, sur
américain né il y a près de vingt ans à la monétisation de l’accès à ses don-
San Francisco, a fait ce jeudi son en- nées, et ce sous forme de licences ac-
trée à Wall Street. Le prix de son ac- cordées à des géants de la tech qui
tion a été fixé à 34 dollars, pour une ont besoin de data pour entraîner
valorisation de 6,4 milliards de dol- leurs modèles d’intelligence artifi-
lars. À l’ouverture des cotations, cielle. Reddit a rendu public un
l’action s’est arrachée à 47 dollars, contrat annuel de 66 millions de dol-
soit près de 40 % de plus. En 2021, lars avec Google. Au total, il aurait
lorsqu’il avait pour la première fois déjà accumulé pour 200 millions de
envisagé une cotation, la valorisation dollars de contrats, selon le site
de Reddit atteignait les 10 milliards. TechCrunch. De quoi alerter l’auto-
Mais la plateforme avait tardé à dé- rité américaine de la concurrence,
poser son offre. Entre-temps, les qui a ouvert une enquête la semaine
marchés s’étaient retournés, et Red- dernière sur ce nouveau business.
dit avait dû reporter l’opération. Ste- Ce dernier est un moyen pour Red-
ve Huffman, cofondateur revenu aux dit - qui compte Sam Altman, le pa-
commandes en 2015, peut se targuer tron d’OpenAI comme actionnaire
d’avoir réussi la plus grosse intro- minoritaire (8,7 %) - de rentabiliser
duction en Bourse d’un réseau social son modèle. Car, malgré son succès
depuis celle de Pinterest, en 2019. auprès du grand public, ses revenus
publicitaires ne lui permettent tou-
100 000 communautés jours pas d’être bénéficiaire. Si elle a
Peu connu en France, Reddit - dont réduit ses pertes, la plateforme accu-
le premier actionnaire est Advance sait encore un déficit de 91 millions de
Publications (propriétaire de Condé dollars l’an passé (contre 159 millions
Nast, la maison mère de Vogue et du en 2022). En forte croissance, elle a
New Yorker) - est un immense fo- généré l’année dernière 804 millions
rum, avec 100 000 communautés or- de dollars de revenus (+ 21 %).
ganisées autour de sujets très éclecti- Pour réduire sa dépendance à
ques, du jardinage aux animes en l’égard de la publicité, Reddit a in-
passant par les célébrités. Son nom troduit en 2021 un modèle premium à
est un jeu de mots avec « Read it » 5,99 euros dollars par mois. Son di-
(« lis-le » en anglais), en référence à recteur général a par ailleurs annon-
sa vocation d’origine : un lieu de par- cé en juin dernier son intention de
tage de contenus et de discussions. faire payer l’accès à son interface de
Reddit est perçu comme l’une des programmation d’application (API),
dernières plateformes sociales à avoir
conservé son ADN d’origine, à re-
provoquant la colère des déve-
loppeurs. En solidarité, des modéra-
bours des réseaux centrés sur le ci- teurs se sont mis en grève et ont pa-
blage publicitaire, et où des utilisa- ralysé le site. En parallèle, Reddit
teurs bénévoles assurent eux-mêmes avait annoncé 90 suppressions de
la modération de contenu. Le nom- postes (5 % des effectifs).
bre de ses utilisateurs, qui a crû de
40 % en deux ans, avoisine les
Reste que, pour l’écosystème de la
tech, cette introduction en Bourse a
267 millions hebdomadaires et valeur de test. L’activité a fortement
73 millions quotidiens, certaines ralenti, avec seulement 100 cotations
communautés attirant des dizaines l’an passé, un quart du nombre
de millions d’utilisateurs. d’opérations réalisées en 2021. ■
 vendredi 22 mars 2024 LE FIGARO - N° 24 752 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

Horlogerie rachida dati

Rolex, cartier, Omega… à l’occasion de la 7e édition
Pourquoi les plus grandes marques du loto lancé par Stéphane bern,
suisses battent des records la ministre de la Culture détaille
Rolex de croissance ? Page 30 son plan pour le patrimoine Page 31

La vaisselle ancienne
réenchante nos tables
Assiettes XIXe, barbotines, verrerie en cristal…
Ces pièces de collection sont plus que jamais recherchées
pour donner un supplément d’âme à nos repas. Page 28
rolex ; SéBASTIEN SORIANO/Le Figaro ; LILY ROSE/Bernardaud

Impertinent « Zazie
© 2019 HARRY WINSTON SA. HARRY WINSTON EMERALD AUTOMATIC. * LES JOYAUX DU TEMPS
dans le métro »
Nathalie Simon

Zabou Breitman revisite sous forme de comédie

musicale le célèbre roman de Queneau. Réjouissant.

N
on, mais tu vas te taire ! »,
répète Gabriel (Franck
Vincent) à sa nièce Zazie
(Alexandra Datman, une
révélation), dont la mère (Florence
Pelly), qui a rendez-vous avec son
dernier « coquin », lui confie la garde.
« Mon cul ! », clame l’intéressée, qui
veut devenir institutrice « pour faire
chier les mômes ». Heureusement pour
les bonnes mœurs, la gamine, qui
aurait « 13 ans » - Raymond Queneau
passe son âge sous silence dans Zazie
dans le métro -, n’a pas sa langue dans
sa poche. La petite provinciale a deux
obsessions : prendre le métro, mais il y
a une grève, et elle devra prendre le
taxi de Charles (Gilles Vajou), l’ami de
Gabriel. Et savoir si oui ou non son
tonton, qui porte « Barbouze, un par-
fum de chez Fior », est « hormoses-
suel ». « Il paraît qu’avec lui, j’ai rien à
craindre », lance-t-elle.
La vérité sort de la bouche des en-
fants. Rebelle en polo rayé et jean, in-
contrôlable, Zazie ne s’en prive pas.
Comme un éléphant dans un magasin
de porcelaine, la fillette bouscule et
dérange les « honnêtes gens », épin-
gle les conventions sociales dans un
Paris stylisé. Raconte les « papouilles
zozées » de son père trucidé par sa
mère. Elle envoie balader Turandot,
le propriétaire de l’appartement (Fa-
brice Pillet), le policier Trouscaillon
ou la veuve Mouaque, croise Mado
P’tits Pieds (Delphine Gardin) et des
satyres en puissance. Les insultes
pleuvent. « Tu vois comment ça rai-
sonne déjà bien une mouflette de cet
Fürst, sur son quant-à-soi sous une
perruque blonde) à sa femme, la di-
gne Marceline.
Qui d’autre que Zabou Breitman
pouvait transposer aussi bien le ro-
man de Raymond Queneau (Galli-
mard, 1959) au théâtre ? La comé-
dienne-réalisatrice, dont les parents
étaient membre de l’Oulipo (Ouvroir
de littérature potentielle), a coupé et
modifié le texte originel, mais l’es-
sence « oulipienne », fantasque et
moqueuse de l’auteur, est là. Louis
Malle a été plus prudent dans son film
en 1960.
Compositions enlevées
On devine que l’ancienne animatrice
de « Récré A2 » a de l’affection pour
son héroïne. Surnommée Zazie en-
fant, Zabou Breitman restitue son
franc-parler. Le texte homérique
mâtiné d’une pointe de Shakespeare
- Queneau a même pensé un temps à
Pirandello - semble avoir été écrit
hier. « J’ai fait ce qui me plaisait », di-
sait ce précurseur de #MeToo.
Zabou Breitman lui emboîte le pas
avec le génial Reinhardt Wagner,
dont les compositions enlevées ac-
compagnent la course de Zazie. Les
deux artistes s’étaient déjà associés JEWELS THAT TELL TIME*
pour Poil de carotte (2019). Remar-
quables, des musiciens jouent aussi
des personnages. Zabou Breitman
exploite les arts du music-hall, du PARIS, 29 AVENUE MONTAIGNE, +33 1 47 20 03 09
cartoon et de la danse pour livrer une
fable rocambolesque et impertinente HARRYWINSTON.COM
qui fait rire, mais pas seulement. ■
Zazie dans le métro, à la MC93 à Bobigny,
A

âge ? », fait remarquer Gabriel (Jean jusqu’au 23 mars. Puis en tournée.

 28 vendredi 22 mars 2024 le figaro
D
es assiettes anciennes,
quelques pièces de barbo-
tines, de la verrerie fine -
de préférence dépareillée
- et des couverts en ar-
gent, patinés par le temps.
Ce sont les nouveaux codes des arts de la
table. Le dernier chic des mariages, des
dîners en ville ou à la campagne. Omni-
présents sur les réseaux sociaux, où l’en-
tre-soi parisien a pris l’habitude de pu-
blier les clichés de ses soirées. Signe des
temps, les restaurants se sont eux aussi
mis au diapason. À l’Épi d’Or, chez Jean-
François Piège (Paris, 1er), ou à La Ferme
Ostalapia, dans le Pays basque, chacun
mange dans des assiettes chinées. Ré-
cemment le Lafayette’s, l’une des derniè-
res adresses de Moma Groupe, abrité dans
l’ancien hôtel particulier du général
La Fayette (Paris, 8e), a fait appel à une
experte pour dénicher sa vaisselle. Isabel-
le Moltzer, la maîtresse de maison réputée
pour ses scénographies au supplément
d’âme, a trouvé pour eux bougeoirs, ra-
mequins, saucières de collection. « Avec le
vintage, l’avantage est de ne pas avoir la
même table que son voisin. On achète deux
ou trois assiettes par-ci par-là et on mé-
lange le tout, remarque cette dernière.
L’effet est garanti. Il est évident que la crise
sanitaire a accentué cette tendance. Les
gens ont rangé leurs placards et ils ont
trouvé des trésors de famille qui ont fait
ressurgir le souvenir des déjeuners du di-
manche, chez leur maman. » Il est donc
loin le temps où cette vaisselle du passé
était jugée ringarde. Élodie a laissé dormir
pendant une dizaine d’années, au fond
d’un buffet, les assiettes de la grand-mère
de son mari, blanc cassé avec un bouquet
de fleurs au milieu et un liseré vert. « Je les
trouvais jolies, mais elles ne m’excitaient
pas. Récemment, nous les avons redécou-
vertes et j’avoue que leur décor champêtre
m’enchante. » Il y a encore quelques an-
nées, de tels trésors auraient pu se retrou-
ver sur le trottoir.
Ce « revival » est une aubaine pour les
antiquaires. Aux puces, les spécialistes
accueillent aujourd’hui des curieux, pas
forcément connaisseurs de cette vaisselle.
Nicolas Giovannoni est installé depuis
trente-cinq ans à Saint-Ouen, à Serpette,
allée 6. « Mes clients aiment connaître
l’histoire de ce qu’ils achètent. Ils recher-
chent un service original qui va marquer
leur singularité, explique-t-il. Et, quand
cela dépasse leur budget, ils font souvent un
effort, car ils savent que la qualité est là.
Avec de la vaisselle ancienne, ils peuvent
personnaliser leur table en fonction de la
personne qu’ils reçoivent. » Cette notion de
service démarre réellement au XIXe siè-
cle, lorsque la bourgeoisie veut adopter les
codes des aristocrates. Les grandes mai-
sons s’appellent Haviland, Bernardaud,
Raynaud, Jean Pouyat ou encore Gien, qui
réalisait des services sur mesure au blason
des grandes familles… Combien faut-il
débourser pour s’offrir ces merveilles ?
« À partir de 300 € pour un ensemble pour
8 personnes », précise Nicolas Giovanno-
ni. « Environ 1 800 € pour un service 1930
de 80 pièces, 2 500 € pour un grand service
Bernardaud, jusqu’à 1 200 € pour 12 assiet-
« Avec le vintage,
l’avantage est de ne pas
avoir la même table que
son voisin. On achète deux
ou trois assiettes par-ci par-
là et on mélange le tout.
L’effet est garanti »
Isabelle Moltzer
scénographe de la table
tes de Porcelaine de Paris », ajoute Eva
Cwajg, elle aussi spécialiste des arts de la
table depuis vingt ans. Une figure de
Serpette qui marche au coup de cœur et
propose des services complets, jusqu’à
150 pièces, du XVIIIe siècle aux an-
nées 1950. Des décors fleuris, peints à la
main, dont elle raffole, mais aussi des
choses moins cotées et pas forcément
estampillées, trouvées au hasard de ses
recherches. « En salle des ventes, les prix
ont été multipliés par quatre ou cinq en dix
ans. Mais, dans les brocantes, il est encore
possible de trouver des services complets
du XIXe, signés et monogrammés », re-
marque-t-elle.
« Aujourd’hui, tout le monde s’enthou-
siasme pour la vaisselle ancienne, poursuit
Nicolas Giovannoni. Pourtant, dans 90 %
des cas, lorsque quelqu’un m’appelle pour
vendre le butin d’une succession, cela ne
m’intéresse pas toujours. » En revanche ce
dernier découvre parfois des pépites,
comme ce service Baccarat neuf, trouvé
dans un grenier en 2014, rangé dans son
carton d’origine et protégé avec de l’her-
be, qu’Alain Ducasse a ensuite acquis pour
le restaurant du Plaza Athénée, où il offi-
ciait à l’époque.
A
Ces histoires romanesques font rêver.
Ressortir la vaisselle de nos aïeuls d’un
L’ÉVÉNEMENT
1 Frédéric Bernardaud
La vaisselle
ancienne,
un trésor
à redécouvrir
Alyette Debray-Mauduy
Jugés démodés il y a encore
quelques années, les services
de table de nos aïeuls
sont aujourd’hui de toutes
les fêtes. Heureux celui
qui déniche ces merveilles
au fond d’un buffet familial.
placard n’est pas un geste anodin. C’est
d’abord un retour aux sources. On se
réapproprie l’histoire d’une maison de
campagne, des souvenirs de jeunesse, de
repas avec ses grands-parents. Comme
une madeleine de Proust. « Même avec un
bol ébréché, on peut trouver de l’affectif.
Souvent je demande à ceux qui me contac-
tent pour une succession s’ils sont sûrs de
vouloir se séparer de ces pièces d’art de la
table, si elles ne leur rappellent rien ? », ra-
conte pour sa part l’antiquaire Laurence
Vauclair, installée au marché Paul-Bert, à
Saint-Ouen, et rue de Beaune, à Paris. Elle
s’est spécialisée dans les barbotines, ces
céramiques agrémentées de décors en re-
lief, très colorés, en vogue aujourd’hui.
« Réalisées grâce à un mélange d’eau et de
glaise, elles demandaient un travail phéno-
ménal pour les artisans ; celles-ci méri-
taient de retrouver leurs lettres de noblesse
et de faire connaître leur histoire. »
Fabriquée en France, en Angleterre ou
en Belgique, la barbotine a connu son
apogée entre 1850 et 1900 avec les exposi-
tions universelles. « À cette époque, dans
toutes les maisons de France, on avait a mi-
nima un service à asperges ou des assiettes
à gâteau. Totalement tombée en désuétude
entre les années 1960 et 1980, lorsque l’on
découvre la modernité, la barbotine est
aujourd’hui omniprésente sur les étals des
vide-greniers », raconte Laurence Vau-
clair, qui l’a pour sa part découverte, en
1998, aux foires de design de Miami. « Je
trouvais les décors un peu épais avec ces
grenouilles, ces cochons, ces coqs. Mais,
après avoir vendu l’intégralité de mes por-
celaines du XVIIe et du XVIIIe siècle, je suis
rentrée en France les valises pleines des
barbotines. » De fil en aiguille, elle décou-
vre la richesse de ce courant artistique.
Les modèles plus recherchés ? Les assiet-
tes décorées de fruits, les modèles de la
manufacture anglaise Milton ou les servi-
ces à asperges, toujours très demandées.
Avec le succès de la vaisselle ancienne,
s’est aussi développé la tendance du « mix
and match », qui consiste à mélanger tou-
tes les époques et tous les styles. Dès
qu’elle part en week-end chez des amis, à
la campagne, Anne court les brocantes.
« Je regarde toujours la vaisselle. Des petits
bols, des bougeoirs, des couverts anciens…
Récemment, en Dordogne, j’ai acheté deux
assiettes de Biot, une autre provenant d’un
service anglais. Ce que j’aime, ensuite, c’est
composer des tables dépareillées. Je déteste
le neuf. » « On peut aussi avoir une base de
moderne et mélanger avec des choses plus
vintages, poursuit Laurence Vauclair. En
revanche, les bonnes affaires sont de plus en
Instagram Les tables d’Eva ; Christofle ; Bernardaud ; Laurence Vauclair
plus difficiles à dénicher dans ces brocan-
tes. Il faut se lever très tôt et avoir l’œil. »
Tout le monde n’a pas les moyens de
s’offrir cette vaisselle, ni de la stocker.
D’où l’idée de la location, proposée par
Vaisselle Vintage, propriété d’Option, le
spécialiste du matériel de réception. De
l’assiette à la chaise en passant par la ver-
rerie et le guéridon, toutes les pièces pro-
posées sont de la seconde main. « Pour
avoir suffisamment de volume et suivre les
tendances, nous avons un réseau d’une
vingtaine de chineurs qui trouvent pour
« Quand des objets
s’inscrivent dans le temps,
marquent leur époque,
ils finissent toujours
par revenir à la mode »
Directeur de la création
de la Maison Bernardaud
nous des pièces bien précises avec un budget
déterminé, précise Justine Bossavy, la di-
rectrice du département. Nous essayons de
suivre les tendances. La barbotine marche
très bien, tout comme les couverts dépa-
2 reillés ou la verrerie en cristal début XXe. »
Les grandes maisons d’art de la table
surfent elles aussi sur la tendance et re-
nouent avec des résultats records. Chris-
tofle a été l’une des premières à miser sur
cet engouement en lançant une offre de
ménagères vintage. Cécile Metge, la nou-
velle présidente de cet orfèvre, y voit là
1. Au marché Serpette une recherche de circularité. « Après le
de Saint-Ouen, Eva Cwajg monde de la mode, cette bonne conscience
est réputée pour de consommation durable a gagné tous les
ses grands services domaines de l’art de vivre. Par définition,
de collection. Christofle est une maison historique dont les
2. Chandelier Vintage
produits se transmettent de génération en
de l’orfèvre Christofle.
3. Les assiettes génération », explique-t-elle. Depuis trois
Chateaubriand remises ans, ses équipes récupèrent des pièces an-
au goût du jour par
la maison Bernardaud.
ciennes, recherchent leur histoire, les
certifient, les repolient, les réargentent.
4. La barbotine,
spécialité de
« Jean Louis Dumas disait que le vrai luxe
est celui qui se répare. Il avait raison. Au
l’antiquaire Laurence départ, nous avons trouvé nos ménagères
Vauclair.
dans les brocantes, les vide-greniers, les
salles de vente, le Bon Coin. L’engouement
a été tel qu’aujourd’hui nous reprenons di-
rectement les produits des clients. Ils en-
voient des photos et nous leur rachetons ou
nous leur proposons des bons d’achat. » Ces
collections séduisent de prestigieux
3
clients de la maison. À l’instar du Plaza
Athénée, où Jean Imbert les a préférées à
de l’argenterie neuve. Pour M. Tout-le-
Monde, elles ont l’avantage d’être moins
coûteuses et garanties authentiques.
De la même manière, Gien vient de
s’offrir les services d’une directrice artis-
tique, Ève Cazzani - ex-Bonpoint et Bon-
ton - pour puiser dans le patrimoine de ce
faïencier et le remettre au goût du jour.
« La maison a conservé plus de 12 000 dé-
cors peints à la main. La plupart ont été di-
gitalisés et sont une source d’inspiration
inépuisable. On trouve sur ces moules an-
ciens des détails intéressants pour de nou-
velles formes, de nouveaux usages », ra-
conte Ève Cazzani, qui prévoit de
travailler avec des émaux de couleur des
modèles iconiques comme Pont aux
Choux. Même démarche chez Bernar-
daud, joyau de la porcelaine depuis 1863,
qui profite du retour en grâce de ces vieux
4 services, après plusieurs années difficiles.
« Cela n’a rien de surprenant, ajoute Fré-
déric Bernardaud. Quand des objets s’ins-
crivent dans le temps, marquent leur épo-
que, ils finissent toujours par revenir à la
mode. » Depuis la crise sanitaire, nous
avons réembauché 300 personnes à
Limoges et réédité des modèles d’archives
- comme les assiettes Chateaubriand - en
les faisant évoluer, avec moins de cou-
leurs, de dorures et en utilisant la modéli-
sation 3D. Profitant de l’engoument pour
tout ce qui est rattaché à notre histoire,
Bernardaud remet aussi au goût du jour la
vaisselle de la Manufacture royale, mai-
son historique ayant créé des services
personnalisés pour Louis XVI, Marie-An-
toinette ou Napoléon III. Inutile de préci-
ser que ce travail permet aussi à ces gran-
des maisons de retrouver des pépites qui
n’étaient plus dans leurs archives. ■

Stéphane Reynaud
Trois ans
après l’acquisition
de la propriété
de Margaux,
la famille Le Lous
inaugure de nouvelles
installations.
L’édifice en terre crue
et bois brut s’adapte au
changement climatique
et économise
les ressources
en énergie.
L
es voisins n’ont pas raté une
miette du chantier de Châ-
teau Cantenac Brown, troi-
sième grand cru classé du
Médoc. Certains sont im-
pressionnés. « Imaginez un
peu, les Le Lous sont arrivés il y a à peine
trois ans. Ils ont acquis la propriété et
dans la foulée ils ont commandé ce chai
qu’ils inaugurent déjà. En plus, ils ont re-
couru aux technologies les plus à la pointe
et les plus adaptées au changement cli-
matique. Je leur tire mon chapeau », lâche
la propriétaire d’un autre château bor-
delais de premier plan.
Ici, sur la route d’Arsac, l’œil est tou-
jours attiré par le château Cantenac
Brown historique, de style Tudor, une
fantaisie écossaise posée dans le Médoc
qui appartint au clan Brown. Le peintre
naturaliste John Lewis Brown y vécut.
Mais, un peu plus loin, nul ne peut igno-
rer l’enceinte - celle du nouveau chai -
de couleur ocre, avec ses trois bandes
rouges horizontales qui courent sur plu-
sieurs dizaines de mètres. Les murs
flambant neufs ont été réalisés en pisé,
une méthode de construction ancestrale
qui consiste à compresser de la terre
crue pisée, c’est-à-dire pilée, broyée.
Ce matériau, un isolant performant, as-
sure l’inertie thermique du bâtiment et
permet de se dispenser de climatisation.
« Les murs mesurent 1 mètre d’épaisseur.
Cela donne une atmosphère parfaite en
termes de température et d’hygrométrie,
pour la stabilité et le vieillissement des
vins en barrique », explique Tristan
Le Lous, le propriétaire. Et d’ajouter : « Il
s’agit à ce jour du plus grand linéaire de
mur en pisé réalisé en France. » Utiliser
ce type de matériau fut un défi. « Il a fal-
lu s’adapter à la terre, très peu utilisée,
reprend Tristan Le Lous. Cela a demandé
de nombreuses innovations. Des compa-
gnons et artisans du monde entier sont in-
tervenus, tant pour les murs que pour la
charpente. » L’architecte Philippe Ma-
dec et le commanditaire ont mis un
point d’honneur à n’utiliser que des ma-
tériaux biosourcés, naturels et non trai-
tés provenant de la région. Amis de la
simplicité, passez votre chemin.
Une scénographie soignée
« Nous avons commencé le chantier pen-
dant la période du Covid, raconte José
Sanfins, le directeur du château, avec à
plusieurs reprises la peur de devoir inter-
rompre les travaux. Mais l’équipe d’ar-
chitectes s’est parfaitement adaptée tant
à la situation sanitaire qu’aux attentes
des propriétaires. Ils ont consulté des
techniciens locaux qui leur ont expliqué
les contraintes liées à la vinification. Fina-
lement, nous avons récupéré les clés la
veille des vendanges 2023. »
« J’étais habitué à œuvrer avec des
architectes techniciens. C’est la premiè-
re fois que je travaillais avec un archi-
tecte qui dessine », reprend Tristan
Le Lous, par ailleurs à la tête des activi-
tés holding du groupe familial Urgo, et
ingénieur agronome de formation. La
structure extérieure, sans exubérance,
ne divulgue rien de la majesté de l’in-
térieur. Depuis la halle de vendange,
une des plus grandes construites dans
le Bordelais, ouverte sur le parc, on
chemine vers l’intérieur de cette usine
à raisin. Un couloir nimbé d’une lu-
mière naturelle rougeâtre mène au
cœur des installations. La scénogra-
phie est aussi soignée que celle d’un
film de David Lynch. Dans la pénom-
bre dionysiaque, le visiteur pousse une
porte et découvre le chai. Chacun est
pris de vertige tant les lieux sont im-
pressionnants. On pense au hall du pa-
lais de Westminster, à Londres.
Les barriques sont alignées sous une
voûte en bois massif en chaînette. « Il
s’agit de la décomposition la plus simple
des efforts d’une voûte, explique l’archi-
Château Cantenac Brown
ou la réinvention
du chai bordelais
tecte Philippe Madec. Elle est ici compo-
sée de bois droits, assemblés selon une
suite de Fibonacci. » De nuit, le variateur
de lumière, une concession à la moder-
nité, permet d’éclairer les lieux pour le
travail des équipes ou de choisir une lu-
minosité plus douce en accord avec le
silence apaisant de l’endroit et les fra-
grances boisées. « Nous avons insisté
auprès de l’architecte pour que l’endroit
ne soit pas bruyant, afin que le travail y
soit plus confortable » , rappelle José
Sanfins. Objectif atteint et dépassé.
Un escalier donne accès au cuvier.
D’un coup, on quitte l’ambiance bachi-
que du chai pour se retrouver dans un
monde solaire où les raisins sont ache-
minés et vinifiés. De larges baies vitrées
donnent sur l’arboretum de la propriété.
Cet espace bénéficie de la lumière du
jour sur toute sa profondeur. Soixante-
dix cuves en acier inoxydable sont ali-
gnées. « Elles sont de volumes variés et
permettent de vinifier chaque parcelle in-
dividuellement au meilleur de sa maturi-
té », explique José Sanfins. Quatre as-
censeurs montent et descendent les jus
dans leurs contenants, cela afin d’éviter
le recours aux pompes, qui les maltrai-
tent. L’extraction des arômes et tanins
est ainsi mieux maîtrisée. Ces installa-
tions permettent, ici aussi, de travailler
dans le calme, sans le bruit des moteurs.
À ce stade, le visiteur comprend que
les partis pris liés à la conception des
nouvelles installations ne sont pas seu-
lement techniques et environnemen-
taux. Ce que confirme Tristan Le Lous :
« Je connaissais le travail de Philippe Ma-
dec et je me suis adressé directement à lui.
Il semble toujours à la recherche de l’at-
mosphère parfaite en privilégiant les so-
lutions naturelles, en recourant à un mini-
mum de moyens. C’est une architecture
assez frugale. » Et d’ajouter : « Et en plus,
il avait du Cantenac Brown dans sa cave »
Philippe Madec lançait il y six ans le
manifeste de la frugalité heureuse et
créative. « La frugalité consiste à
contenter les êtres sans blesser la terre,
résume l’architecte. Cela peut rimer
avec deux fois plus de bien-être et deux
fois moins de ressources consommées.
Concrètement, cela signifie une frugalité
en termes de matière. Nous arrêtons de
recourir au béton et nous utilisons des
matières qui ne détruisent pas la planète.
C’est aussi une frugalité technologique :
nous ne recourons pas à la climatisation
et nous mettons en place des solutions de
refroidissement de l’air, comme les puits
canadiens (des ventilations qui utilisent
l’air extérieur refroidi par les sols,
NDLR). Ici, avec ce système, la tempéra-
ture du chai est de 15 °C en été comme en
hiver. » Il est aussi question de frugalité
dans l’utilisation de l’espace. « Quand
cela est possible, au lieu de construire, on
peut aussi réhabiliter. Ici, le chai est
construit en lieu et place d’un hôtel
construit dans les années 1980 par Axa
Assurances (ancien propriétaire du
Vin
château) qui a été réhabilité. » Ce choix
évite aussi de bouleverser le paysage et
d’artificialiser les sols, le nouveau chai
est totalement intégré dans l’enceinte
des bâtiments existants. La frugalité
passe encore par une multitude de
choix secondaires « La peinture rouge
extérieure est une peinture à la farine. La
peinture intérieure est préparée à partir
de lait et d’œuf. »
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le figaro vendredi 22 mars 2024 29
L’architecte Philippe Madec
et le propriétaire Tristan Le Lous
ont mis un point d’honneur
à n’utiliser que des matériaux
biosourcés, naturels et non traités
provenant de la région
pour concevoir le nouveau chai
de Château Cantenac Brown.
Luc Boegly
cision. La préservation du fruit et des arô-
mes est supérieure. Nous gagnons en su-
crosité. Aujourd’hui, 50 % à 55 % de la
récolte est dédiée au premier vin. Nous
devrions passer à 65 %. Nous faisions des
vins veloutés. Désormais, nous ferons de
la dentelle, anticipe José Sanfins. Déjà,
notre consultant Éric Boissenot a remar-
qué la distinction du millésime 2023, qui
présente une grande puissance aromati-
que et des tanins plus fondus. »
À l’avant-garde viticole
bordelaise
Suite à une acquisition de 14 ha en 2020,
le château dispose aujourd’hui d’un vi-
gnoble de 75 ha sur les plateaux de Mar-
gaux et de Cantenac. « Maintenant,
nous allons inviter les professionnels à
découvrir le château Tudor et les nouvel-
les installations. Il nous faut convaincre
les négociants, les courtiers, les criti-
ques… Nous allons chercher la recon-
naissance de la marque, pour que le vin
soit mieux diffusé. Le château, qui fut au
début du siècle dernier un foyer artisti-
que, s’inscrit aujourd’hui à l’avant-gar-
de viticole bordelaise. »
Comme l’a parfois souligné l’expert en
vins britannique Hugh Johnson, depuis
plusieurs siècles, le château est « tout à la
fois une grande ferme au cœur d’un domai-
ne agricole, une manufacture aux perfor-
mances industrielles, une résidence élégan-
te mais très réservée, un lieu sophistiqué de
production économique ouvert sur le com-
merce mondial et qui a su s’assurer un im-
mense prestige. La complémentarité entre
ces diverses vocations crée une synergie
Le coût de cette frugalité ? « Ce projet qui, à son tour, produit une image forte et
correspond à un investissement de 20 mil- mémorable, une “image de marque” gra-
lions d’euros. C’est un investissement phique et mentale, culturelle et économi-
énorme. Cependant, le fait de construire de que, qui participe activement à la dynami-
plain-pied le chai et le cuvier nous a permis que d’un système complet de marketing. »
de réaliser une économie certaine. » Les châteaux se révèlent ainsi comme des
Au-delà de la performance liée à la outils d’influence d’une grande efficien-
structure de l’édifice, quel sera l’impact ce. Château Cantenac Brown s’inscrit
de ces nouvelles installations sur les dans cette lignée, épousant les attentes et
qualités du vin ? « Nous gagnons en pré- nécessités de l’époque. ■
L’INSTANT IMPRESSIONNISTE. PARIS 1874.
« Ce qu’ils semblent rechercher avant tout, c’est
l’impression », note, désorienté, en avril 1874, un des
visiteurs de l’exposition des « intransigeants ». Trente
et un artistes y sont réunis, dont le seul point commun
est, d’abord, celui de s’être afranchis des carcans de
l’art oiciel. Parmi eux, Monet, Renoir, Degas, Berthe
Morisot, Pissarro, Sisley, Cézanne… Cent cinquante
ans après la première exposition impressionniste, le
musée d’Orsay réunit, en un saisissant face-à-face,
une large sélection des œuvres qui furent révélées
au public le 15 avril 1874, et des œuvres académiques
exposées quinze jours plus tard au Salon oiciel.
Le Figaro Hors-Série retrace l’histoire de cette aventure
dans laquelle se jetèrent les peintres. Qui furent les
grandes figures impressionnistes ? Quels furent leurs
projets, leur esthétique ? De qui s’inspiraient-ils ? Furent-
ils accueillis ou bannis par la critique ? La peinture
contemporaine est-elle leur héritière ? Tout ce que vous
avez toujours
ujours voulu savoir sur ce courant pictural, cette
cett
rafale de vent nouveau que fut l’« impressionnisme ». »
Paris 1874. Impressionnisme, soleil levant, Le Figaro Hors-Série.
g ostore
te et Facebook
ac
A
 30 vendredi 22 mars 2024 le figaro
Rolex, Cartier, Vacheron Constantin…
Qui sont les milliardaires du « Swiss made » ?
Judikael Hirel
Elles sont une poignée
de marques
horlogères helvétiques
à afficher des chiffres
d’affaires au-delà
du milliard et à battre
des records de vente,
notamment
en s’appuyant
sur leurs modèles
phares. Décryptage.
E
n matière d’horlogerie, le
trône n’est pas de fer,
mais essentiellement d’or
et d’acier 316L. Quant à
savoir qui le possède, pas
question de putsch : plus
que jamais, Rolex demeure la seule
marque à la couronne. Régnant sans
partage sur les poignets, elle aura cap-
té à elle seule près du tiers (30,3 %) en
valeur, des ventes de montres « Swiss
made » l’an passé. Et, selon les estima-
tions, avec 1,24 million de montres
(+ 8 %) vendues (sur les 16,9 millions
de garde-temps suisses écoulés en
2023) et un prix moyen de
12 700 euros. Record historique : Rolex
devient même la première maison
horlogère helvétique à dépasser la
barre des 10 milliards d’euros de chif-
fre d’affaires. Tel est l’un des constats
clés de la septième édition du rapport
Swiss Watchers rédigé par Morgan
Stanley et LuxeConsult, et dévoilant le
palmarès des 50 plus grandes maisons
du secteur.
Durabilité et désirabilité
Dans ce classement, huit marques
forment le club très fermé des « mil-
liardaires » (c’est-à-dire ayant un
chiffre d’affaires dépassant le mil-
liard) : Rolex, Cartier, Patek Philippe,
Audemars Piguet, Omega, Longines,
Richard Mille et Vacheron Constantin.
Mention spéciale pour cette dernière
appartenant au groupe Richemont,
nouvelle venue au sein de ce cercle
(avec un chiffre d’affaires de
1,14 milliard d’euros, + 18 %), juste
derrière l’horloger de l’extrême,
Richard Mille (1,61 milliard d’euros),
portée par le succès de sa RM UP-01
Ferrari à deux millions d’euros pièce,
notamment adoptée par Pharrell
Williams. Soulignons également que
l’an passé, les cinq premières mar-
ques de la liste représentaient à elles
seules 50,2 % de la valeur de tous les
garde-temps suisses vendus à travers
le monde.
Un cadran en vitrail pour remonter le temps
Tout en transparence, le visage de la Voyager de Louis Vuitton a été obtenu grâce à une rare technique d’émaillage, le plique-à-jour.
O
n croirait voir un détail ex-
trait d’une rosace de la Sain-
te Chapelle. Une plongée
dans le bleu, la transparence
et la lumière, comme le proposaient
les œuvres des artisans des cathédrales
de jadis, racontant l’histoire et la foi au
moyen de la couleur, révélée par les
feux du soleil. La Voyager Tourbillon
Volant Poinçon de Genève Plique-à-
Jour rend hommage à ces métiers d’art
que l’industrie du luxe contribue à
préserver. « La première inspiration
m’est venue quand je me suis rendu à
Asnières, dans les ateliers de la maison,
raconte Michel Navas, maître horloger
de la Fabrique du Temps Louis Vuit-
ton, à Genève. Mais il s’agissait de vi-
traux beaucoup plus Art déco, des an-
nées 1920-1930. Pour cette pièce, nous
avons plutôt fait le choix d’un motif
contemporain, la ligne du V de Vuitton,
A
dans un boîtier Voyager en or blanc que
j’adore. »
1 passé le test du temps. Nous disposons
Pour soutenir leur croissance,
toutes ces maisons sont parve-
nues à capitaliser sur leurs mo-
dèles phares. Rolex en tête qui a
su au fil du temps faire de ses
produits de véritables icônes,
toujours identiques mais pourtant
différentes, immédiatement re-
connaissables et durablement dé-
sirables. Dévoilée l’an passé, son
Oyster Perpetual Cosmograph Daytona
dédié aux 100 ans des 24 Heures
du Mans est ainsi devenu instanta-
nément un collector : affichée à
53 000 euros, elle est aujourd’hui
proposée à la revente à près de quatre
fois son prix en boutique…
Cartier aussi maîtrise à merveille
l’art de réinterpréter les nombreux
modèles stars de ses collections : San-
tos, Tank, Panthère, Baignoire… Sans
oublier sa meilleure vente, la Ballon
Travaillé comme un vitrail moderne,
ce cadran a été réalisé entièrement en
interne, par les artisans et maîtres
émailleurs de la manufacture. Ils ont
pour l’occasion eu recours à une tech-
nique rare, l’émail plique-à-jour, rare-
ment utilisée en horlogerie, car extrê-
mement complexe. Si elle apparaît pour
la première fois en France dans des in-
ventaires au XIVe siècle, elle a en réalité
été mise au point dès le Ve siècle par les
artisans de l’Empire byzantin. Longue
et minutieuse, cette technique consiste
à déposer au pinceau de l’émail dans
des alvéoles sans fond (à la façon des vi-
traux) afin d’offrir une transparence,
une luminosité et des dégradés de bleus
uniques. Au total, cinq à six couches
d’émail translucide et passages au four
sont nécessaires afin d’obtenir cet im-
pressionnant jeu de transparence. De
quoi expliquer que la création de cha-
que cadran suppose une centaine
d’heures de travail… et que cette Voya-
Style
2 facilité par un contrôle direct de la dis-
3 pagne d’une montée en gamme du
Chaque cadran suppose une
centaine d’heures de travail et n’est
produit qu’à quelques exemplaires.
Louis Vuitton
Bleu, notamment adoptée par la prin-
cesse de Galles. De quoi redevenir le
numéro deux du marché horloger,
avec 3,23 milliards d’euros de chiffre
d’affaires et 660 000 montres vendues
en 2023, dépassant Omega (2,71 mil-
liards d’euros). « Cartier est l’horloger
des formes, mais des formes qui ont
d’un patrimoine unique de montres re-
connaissables, décrypte Cyrille Vigne-
ron, président de la griffe phare
du groupe Richemont. Nous
avons su ces dernières années à
la fois procéder à la mise en
avant des grands classiques de
la marque et innover avec des
formes particulières. Notre his-
toire de joaillier nous confère un
positionnement singulier dans le monde
de l’horlogerie : nous l’appréhendons
avec un regard particulier sur les dé-
tails, les formes, les proportions. Chez
Cartier, nous avons une relation au
temps très différente. Le temps n’est
pas seulement ce que nous mesurons,
mais aussi ce que nous chérissons.
Nous travaillons sur la qualité et la du-
rabilité pour accroître la légitimité et la
désirabilité. »
Cette mise en exergue des montres
phares des grandes maisons s’accom-
marché horloger. L’idée est sans doute
ger Tourbillon Volant Poinçon de Ge-
nève Plique-à-Jour ne soit produite
qu’à quelques exemplaires. « Dans les
églises, les vitraux intègrent des entre-
lacs de plomb. Là, il s’agit de marier un
cadran en or blanc à un émail très com-
plexe à mettre en œuvre, poursuit le
maître horloger. C’est redoutable à cui-
re, car il ne faut pas qu’il y ait une seule
bulle et que l’émail reste parfaitement
translucide. C’est pourquoi nous avons
dû partir sur un émail un peu plus épais,
que l’on est ensuite venu lapider pour ob-
tenir ce dégradé. »
Un minutieux travail artisanal
Sur cette pièce de haute horlogerie, le
canon des aiguilles semble flotter au
centre d’un véritable vitrail miniature
aux fines nuances de bleu, outremer,
azur et gris bleuté. Son mouvement
doté d’un tourbillon volant à six heures
ajoute encore au côté aérien de cette
pièce sur laquelle auront au total tra-
1. Montre Panthère de Cartier.
2. Chronographe Oyster
Perpetual Cosmograph
Daytona de Rolex.
3. Tourbillon Overseas
haute joaillerie de Vacheron
Constantin.
Vincent Wulveryck/@Cartier ;
JVA Studios/©Rolex ;
Vacheron Constantin
de vendre moins de montres, mais de
plus en plus cher, de préférence dans
ses propres boutiques. Ainsi, les mo-
dèles à plus de 26 000 euros auront re-
présenté l’an passé 69 % de la crois-
sance des ventes et 44 % de la valeur
des exportations horlogères suisses…
Pour seulement 2,5 % de la quantité de
montres produite !
La montée en gamme,
une stratégie inéluctable
« Face à des capacités de production li-
mitées pour de très nombreuses mar-
ques, leur montée en gamme est une
stratégie inéluctable, estime Thierry
Huron, créateur du cabinet de consul-
ting horloger suisse The Mercury Pro-
ject. Elle se manifeste par de nouvelles
créations ou des séries limitées à plus
forte valeur ajoutée, ou par des hausses
de prix, auxquels leurs clients restent
souvent insensibles, vu le caractère ico-
nique de leurs produits. Tout cela est
tribution, des boutiques en propre.
L’intervention récente de nombreuses
marques - dont Rolex - sur le marché
de l’occasion, en cherchant à le contrô-
ler, participe également à cette straté-
gie de montée en gamme. »
Exception notable à cette hausse
des prix : Swatch qui, grâce au succès
historique de sa MoonSwatch, aura
conquis la bagatelle de deux millions
de poignets en 2023. Pour une fois,
voilà une montre iconique helvète à
prix sage ! De quoi faire de la star à
quartz au boîtier en biocéramique aux
formes inspirées de l’Omega Speed-
master Moonwatch, le plus grand
succès horloger de l’année écoulée,
mais aussi le plus démocratique, avec
un prix moyen de 145 euros. De
même, Tissot est, souligne le dernier
rapport Swiss Watchers de Morgan
Stanley, « l’autre marque du Swatch
Group à avoir fortement performé en
2023, avec une hausse de 14 % de ses
ventes, portée par le succès de sa ligne
PRX. Une collection qui aura représen-
té 60 % de la croissance de la marque
l’an passé, avec un prix moyen estimé
de 510 euros ». Ainsi, sur un segment
de l’entrée et du milieu de gamme
abandonné par toutes les autres mai-
sons suisses, le Swatch Group repré-
sente à lui seul près des trois quarts
(72 %) des montres vendues. Pour le
plus grand bonheur des amateurs les
moins fortunés, et ils sont encore
nombreux. ■
vaillé une vingtaine d’horlogers et ar-
tisans d’art. « Ce mouvement est très
aérien, réparti entre midi et 6 heures,
permettant d’obtenir une plus grande
transparence sur les côtés.»
Sur cette pièce, la cage du tourbillon
(complication de haut vol destinée à ré-
guler l’effet de la gravité sur le mouve-
ment) est par ailleurs ouvragée en for-
me de V majuscule tournant sur lui-
même en une minute. Le calibre LV104
à remontage manuel de cette montre,
proposant 80 heures de réserve de mar-
che, est par ailleurs certifié Poinçon de
Genève, le plus haut label de qualité
horlogère suisse. Développé et conçu de
A à Z au sein des ateliers genevois de la
manufacture la Fabrique du Temps
Louis Vuitton, il compte 168 compo-
sants tous terminés à la main. Ce fa-
meux poinçon apparaît en transparence
à 9 heures sous le cadran, également si-
gné par le maître émailleur qui l’a réali-
sé, artisanat d’art oblige. ■ J. H.
 Culture le figaro vendredi 22 mars 2024 31

Rachida Dati
et Stéphane Bern :
« Il faut maintenir
en vie
le patrimoine »
Propos recueillis par Claire Bommelaer

La ministre de la Culture a lancé le 7e loto du

patrimoine et dévoilera en avril une liste d’une
centaine d’édifices religieux pouvant être aidés.

A
lors que la 7e édition du
loto du patrimoine a été
dévoilée le 20 mars, la
ministre de la Culture
estime que « le patri-
moine est une de ses
priorités ». Au côté de Stéphane Bern,
qu’elle considère comme un « ambas-
sadeur légitime » de la cause, elle veut
relancer la souscription nationale en fa-
veur des édifices religieux et inciter les
élus à demander davantage de protec-
tion pour leurs monuments.
LE FIGARO. - Vous vous connaissiez,
l’un et l’autre ?
STÉPHANE BERN. – Nous nous sommes
croisés à plusieurs reprises, notamment
au mariage du duc de Vendôme,
aujourd’hui comte de Paris, ou dans
une soirée organisée au Musée Rodin.
J’ai encore une photo où nous posons
tous deux avec Alain Delon !
RACHIDA DATI. - Nous nous connais-
sons depuis longtemps. Je partage avec
lui une même passion pour le patrimoi-
ne. C’est en grande partie grâce à lui
que, sous l’autorité du président de la
République, le loto du patrimoine est un
formidable succès.
Vous jouez au loto du patrimoine depuis
que vous êtes ministre de la Culture ?
R. D. - C’est ma fille qui choisit les tic-
Elle semble en faire une affaire person-
nelle, je le regrette. La tour Eiffel est un
patrimoine national qui nous vient de
l’Exposition universelle. Le classement
aux Monuments historiques permet-
trait de renforcer la protection de l’en-
semble du site. Il est urgent d’imaginer
un projet d’aménagement des abords
du monument digne de ce nom.
Quel rôle voulez-vous jouer
sur le patrimoine parisien ?
R. D. - En tant que ministre de la Cultu-
re, ma mission concerne toute la France
et naturellement sa capitale. Le prési-
dent de la République a préservé les
bouquinistes, menacés pour cause de
Jeux olympiques, nous avons réglé le
conflit autour du Pavillon des sources
(ancien laboratoire parisien de Marie
Curie, NDLR), menacé de destruction.
Cela me fait mal au cœur de voir l’état
désastreux de la place de la Concorde,
avec ses blocs de béton qui traînent
partout. J’attends que la ville de Paris
me présente formellement le projet de
réhabilitation de cette place, prévu
pour l’après-Jeux olympiques. Je me
prononcerai à ce moment-là.
« On restaure
pour transmettre aux
générations qui viennent.
Les monuments, même
Rachida Dati et Stéphane Bern au ministère de la Culture à Paris, jeudi.
R. D. - J’ai repris la discussion avec j’ai donc participé à l’effort réclamé à
Christophe Béchu, mon homologue en tous les ministères. Mais je veux aussi
charge de la Transition écologique, afin rappeler que le budget du ministère de
d’envisager des évolutions du DPE la Culture pour 2024 est un budget his-
adaptées au patrimoine rural ancien. toriquement élevé. Cela m’a permis de
Faut-il créer un DPE spécifique pour ce mobiliser la réserve de précaution, ce
bâti ancien ? C’est une question que je qui a eu pour effet de compenser les
lui pose. En tout cas, si nous ne faisions baisses de crédits du patrimoine et
rien, le risque serait que plus aucun d’éviter de compromettre les opéra-
propriétaire ne restaure sa maison de tions en cours. C’est une question de
caractère, ou pire l’abandonne. Les priorités. Il faut maintenir en vie le pa-
propriétaires privés portent aussi une trimoine, car derrière, c’est toute une
part d’intérêt général. filière d’emplois, de tourisme, et de mé-
tiers d’art qui est en jeu. Le loto porte en
Vous lancez une 7e édition du loto lui une idée d’avenir, en insistant sur le
du patrimoine, au moment même volet valorisation et impact territorial.
où le budget monuments historiques
de votre propre ministère est en chute. S. B. - Ce n’est pas à l’État de tout faire,
Ce sont des vases communicants ? nous pouvons tous agir pour le patri-
R. D. - Je suis solidaire du gouverne- moine. Je veux agir en restant dans
ment et responsable politiquement, et mon couloir de nage, mais j’ai besoin du
VISION DISTRIBUTION Et WILDSIDE
PRéSENTent
Sébastien soriano/le Figaro
soutien du ministère, comme des Fran-
çais. Nous sommes tous dans le même
bateau.
Vous revenez d’Arabie saoudite.
Avez-vous arraché une promesse
de soutien financier pour la culture ?
R. D. – Le pays s’est engagé dans une
mutation sociétale profonde, dans la-
quelle la culture tient une grande place.
Il réclame à la France une expertise
muséale, à travers l’agence Afalula – ce
que nous faisons. L’Arabie saoudite se
dit également prête à investir dans les
monuments et les musées français. Ce
qui ne me dérange pas car le patrimoine
n’est, par essence, pas délocalisable. Il
s’agit d’une coopération entre nos deux
pays. Le mécénat est ouvert à tous ! Je
souhaite qu’il continue à se développer
en France. ■

kets qui sont attractifs, sous ma super- petits, sont une balise

LE PHÉNOMÈNE ITALIEN
pour l’avenir »
vision. Je me réjouis surtout que beau-
coup de Françaises et de Français le
fassent. De leur part, c’est un acte d’en- Rachida Dati
gagement envers le patrimoine. Je rap- ministre de la Culture

AUX 5 MILLIONS D’ENTRÉES

pelle que depuis le lancement du jeu,
155 millions d’euros ont été recueillis,
ce qui a permis de sauver plus de
500 monuments.
Quel est votre avis sur la commande
de vitraux contemporains pour
la cathédrale Notre-Dame de Paris ?
R. D. - C’est à la demande de l’arche-

Vos premières annonces
ont tourné autour de la revitalisation
des territoires ruraux. Quelle place
tient le patrimoine dans votre plan ?
R. D. - Dans la consultation que j’ai lan-
UN HYMNE À LA LIBERTÉ”
vêque que le président de la République
a décidé de lancer cette commande de
vitraux contemporains. Elle est dans la
tradition de l’histoire des cathédrales,
“
où les gestes contemporains ont tou- NICE MATIN

cée sur la ruralité, les élus nous font part
des problèmes qu’ils rencontrent pour
restaurer les églises ou leur petit patri-
moine. Ils sont désarçonnés face à la
complexité administrative. Je souhaite
ici faire évoluer les missions des direc-
tions régionales des affaires culturelles,
pour qu’elles accompagnent au mieux
les élus ruraux dans le montage des dos-
siers d’aide à la restauration des monu-
ments. Je vais d’ailleurs inciter les élus à
demander plus de protection pour leurs
monuments, ce qui permettra à l’État de
mieux leur venir en aide. Quand le pa-
trimoine local est en déshérence, cela
engendre chez les gens un sentiment
d’abandon et de déclassement. Pour-
tant, le premier acte culturel, dans les
territoires, c’est souvent le regard que
l’on porte sur une église, un château ou
une ancienne usine. Il faut rendre une
fierté aux habitants, leur permettre de
renouer avec leur histoire ou leurs sou-
venirs. On restaure pour transmettre
aux générations qui viennent. Les mo-
numents, même petits, sont une balise
pour l’avenir. 52 % de notre patrimoine
se trouve dans des communes de moins
de 2 000 habitants, et on sait que c’est là
que l’impact des restaurations est le plus
fort. 150 000 personnes travaillent pour
le patrimoine, qui génère 500 000 em-
plois en tout, autant que le secteur auto-
mobile.
RÉSOLUMENT REMARQUABLE”
jours existé, y compris au sein de No-
tre-Dame de Paris.
“
Y aura-t-il assez d’argent
pour redresser la cathédrale ? CORRIERE DELLA SERA
R. D. - Il y a suffisamment d’argent pour
réparer les dégâts de l’incendie de 2019 UN FILM DE
et il devrait même en rester pour pour- PAOLA CORTELLESI
suivre ensuite la restauration des exté-
rieurs jusqu’à 2030. Quant au musée de
Notre-Dame, j’attends la remise du rap-
port élaboré par Charles Personnaz, di-
recteur de l’Institut du patrimoine, pour
soumettre au président de la République
les mesures à prendre pour le réaliser.
Emmanuel Macron a chargé
la Fondation du patrimoine
d’une souscription nationale
au profit du patrimoine religieux.
Pour l’instant, elle ne fait pas recette,
avec 2,4 millions d’euros
sur les 200 escomptés en deux ans…
R. D. - Il faut en revoir les modalités. La
souscription, très ambitieuse, était sans
doute trop large, et trop anonyme. Les
gens ont besoin de savoir pour quel
monument ils vont donner. Je vais an-
noncer, en avril, une liste d’une centai-
ne de premiers édifices religieux pou-
vant être aidés. Nous sommes en train paola cortellesi valerio mastandrea
de les identifier. Je souhaite aussi Romana Maggiora Vergano Emanuela Fanelli Giorgio Colangeli et avec Vinicio Marchioni
IDÉE ET SCÉNARIO DE FURIO ANDREOTTI GIULIA CALENDA PAOLA CORTELLESI
qu’au-delà des particuliers, de grandes UNIVERSALPICTURES.FR #ILRESTEENCOREDEMAIN /UNIVERSALFR
entreprises s’engagent.
Photographe : Luisa Carcavale

Comment comprenez-vous le refus La loi climat et résilience prévoit

d’Anne Hidalgo, maire de Paris,
de demander une mesure
de classement pour la tour Eiffel ?
un diagnostic de performance
énergétique (DPE) pour tous
les propriétaires, y compris pour
actuellement au cinéma
A

R. D. - Elle n’a pas voulu, c’est son les petites maisons de caractère ou
choix, même si je ne le comprends pas. d’intérêt. La mesure est très contestée…
 32 vendredi 22 mars 2024 le figaro
Hortense Millet-Maurin, la fille bien gardée
Ariane Bavelier
À 19 ans, l’aînée de l’étoile Élisabeth Maurin danse son premier rôle d’étoile dans le ballet d’Ashton. Une figure d’exception.
À
l’Opéra de Paris, c’est
une absolue rareté : une
danseuse étoile qui
donne naissance à une
fille qui pourrait bien un
jour elle aussi devenir
étoile. Telle est l’histoire d’Élisabeth
Maurin et de sa fille Hortense Millet-
Maurin, 19 ans, incroyable ballerine qui
après seulement deux ans dans la com-
pagnie a été promue sujet au dernier
concours et dansera La Fille mal gardée
au Palais Garnier ce lundi 25 mars avec
Antoine Kirscher comme partenaire et
Simon Valastro en Mère Simone. Voilà
pour le côté scène. Pour compléter le
portrait de famille, à l’École de danse, le
petit frère d’Hortense, Gauthier Millet-
Maurin, est en troisième division. Dans
certaines grandes compagnies russes,
cela se fait. Les liens du sang sont plus
forts que le talent, les familles des étoi-
les et leurs pédagogues pèsent si fort
qu’on se retrouve soliste de père ou
mère en fils ou fille.
« Je crois que mes enfants
ont choisi de devenir
danseurs parce que
je les ai eus tard et qu’ils ne
m’ont jamais vue en scène.
Je ne les ai, au vrai, jamais
poussés vers cette
profession. Hortense
voulait faire du cirque
et Gauthier du football »
Élisabeth Maurin
Ancienne étoile,
enseignante à l’Opéra de Paris
À Paris, rien de semblable. Laurent
Hilaire, Carole Arbo, Noëlla Pontois ont
eu des enfants dans la compagnie qui
ont fait leur propre chemin sans jamais
devenir étoile. Ici, aucun droit acquis.
La rareté du cas d’Hortense prend un
tour d’autant plus singulier. « Je crois
que mes enfants ont choisi de devenir
danseurs parce que je les ai eus tard et
qu’ils ne m’ont jamais vue en scène, dit
Élisabeth, aujourd’hui professeur dans
la compagnie. Je ne les ai, au vrai, ja-
mais poussés vers cette profession. Hor-
tense voulait faire du cirque et Gauthier
du football. » Si elle leur parlait de
l’Opéra de Paris, c’était pour leur mon-
trer du spectacle vivant, et non pas les
ballets comme Casse-Noisette, filmés
avec elle.
« Je me souviens de La Fille mal gar-
dée vu à Garnier en 2012, dit Hortense.
C’est le ballet qui m’a donné envie de fai-
Une exposition sans tabou sur la notion de sacrilège
Claire Bommelaer
Les Archives nationales sortent des documents inédits pour comprendre le rapport entre le pouvoir et le sacré. Passionnant et d’actualité
I
l fallait un « sacré culot » aux Archi-
ves nationales pour s’attaquer à la
question du sacrilège ! Alors que
certains prennent toujours la notion
de blasphème au pied de la lettre - deux
enseignants l’ont récemment payé de
leur vie -, une exposition proposée sur le
site parisien des Archives remet en pers-
pective les rapports entre le pouvoir et le
sacré. Tour à tour distants, puis pré-
gnants, réinventés après la loi de sépa-
ration entre l’Église et l’État, ils soulè-
vent la question du sacré et du
blasphème à l’heure d’un État laïc. Le
récent retour en force du fait religieux
n’est pas esquivé, même si, après dis-
cussions, le comité scientifique a choisi
de ne pas reproduire les caricatures de
Mahomet. On leur a préféré un cliché du
Génie de la guerre, statue défigurée au
moment du saccage de l’Arc de triom-
phe, par des « gilets jaunes », en décem-
bre 2018. Ou encore, une photo de deux
activistes écologistes du groupe Just Stop
Oil aspergeant de soupe une toile de Van
Gogh à la National Gallery de Londres.
Les deux images donnent un aperçu des
objets ou des causes investis de sacralité,
à l’heure contemporaine. Aujourd’hui,
A
le sacré ne relève pas forcément de la
religion.
re de la danse. Une discipline plus facile à
pratiquer que le cirque que je faisais en
stage, mais sans trouver de cours hebdo-
madaire. » Hortense quitte donc le cha-
piteau après des exploits au trapèze vo-
lant, suit le cours de danse du quartier
La première partie de l’expo, savante
mais pas si compliquée à aborder pour le
visiteur tant le thème est d’actualité,
analyse la notion de sacrilège, dont le
sens varie selon la place attribuée au sa-
cré, à chaque époque. En France, il faut
attendre le Moyen Âge, et notamment
l’avènement de Saint Louis et des croi-
sades pour que s’intensifie la lutte contre
les blasphémateurs. « Offenser Dieu,
c’est offenser le roi, qui tient son pouvoir
de Dieu », a expliqué le conservateur
Amable Sablon du Corail, co-commis-
saire de l’exposition avec l’historien
Jacques de Saint Victor.
Réinventer le fait
blasphématoire
Au fil du temps, un glissement va s’opé-
rer de l’offense faite à Dieu vers le crime
de lèse-majesté : cela permet aux rois de
prendre une certaine autonomie vis-à-
vis de l’Église et du pape, et de dévelop-
per une « véritable religion royale ». Les
commissaires se sont arrêtés sur le sup-
plice atroce de Damiens, qui avait atta-
qué Louis XV au couteau, en 1757. Ou sur
l’affaire du chevalier de La Barre, der-
nier condamné à mort pour sacrilège, en
1766. L’arrêt rendu par le Parlement de
Paris, exposé dans une salle, donne froid
Culture
avant de se préparer pour entrer à
l’École de danse chez Monique Arabian.
« Ce qui me fascinait, c’était le specta-
cle : les costumes, les lumières, la techni-
que du corps. Ma mère détenait un accès
à ce monde. Elle me permettait de savoir
dans le dos - on reproche au chevalier,
âgé de 20 ans, de ne pas s’être agenouillé
au moment d’une procession. François
de la Barre aura la langue tranchée, sera
décapité et brûlé. Voltaire mobilisera ses
amis après coup, donnant à cette affaire
un écho politique considérable.
Deux activistes écologistes du groupe Just Stop Oil posent devant une toile
de Van Gogh à la National Gallery de Londres après l’avoir aspergée de soupe.
qu’on pouvait en faire son métier. J’étais
admirative qu’elle puisse m’ouvrir ce qui
m’attirait si fort », dit Hortense. Élisa-
beth ne s’en mêle que de loin, comme
guide. De même lorsque Gauthier, qui
la suit dans les stages de danse qu’elle
donne mais sans se mettre à la barre, lui
déclare un beau jour, après avoir été
renvoyé du foot : « Maman, je sais ce
que sera mon métier ! »
« J’ai échoué à mon concours d’entrée
à l’école, et échoué encore la première
fois qu’en première division j’ai tenté le
concours d’entrée dans le ballet », ra-
conte Hortense. Élisabeth Maurin ne
s’en mêle pas, faisant toute confiance à
Élisabeth Platel, directrice de l’École de
danse. « Si Hortense se plaignait d’une
réflexion d’un professeur à l’école, je ré-
pondais qu’il avait raison. J’avais l’im-
pression qu’Hortense était dans son élé-
ment, et je lui transmettais ce que
m’avait dit ma première prof de danse
quand j’avais 4 ans : l’École de danse,
c’est le meilleur endroit pour faire ce mé-
tier. Mais ce qu’il faut surtout et avant
toute chose, c’est aimer la danse. Être
assez fou pour être passionné, mais sa-
voir que rêver n’est pas tout et se fixer
des objectifs. »
« Je n’ai jamais su
travailler par mimétisme.
Il ne suffit pas qu’on
me montre un geste pour
que je le reproduise. Il faut
que je le décortique avec
un travail de précision
extrême sur la musique
et les sensations »
Hortense Millet-Maurin
Hortense, qui ne tenait pas en place
sur les bancs du primaire, se souvient
d’avoir, à Nanterre, attendu les cours
de danse dans l’impatience. Se lasser de
faire mille fois un plié ? « Mais non, ce ne
sera jamais le même ! On peut y mettre
des intentions différentes chaque fois »,
explique-t-elle. La relation qui se tisse
avec sa mère est naturelle, sans doute
plus que celle d’une élève danseuse
lambda avec sa mère. Les mères de
danseuse ont la fâcheuse tendance de se
Hortence Millet-Maurin
en répétition avec Antoine Kirscher
pour La Fille mal gardée.
Benoîte Fanton/Opéra national de Paris
À la Révolution, se substitue la reli-
gion de la Nation. Autres dieux, même
vocabulaire que sous l’Ancien Régime :
on assiste à la montée du culte de la Rai-
son ou de l’Être suprême, voulu par
Robespierre. La période a même ses pro-
pres martyrs, dont Marat.
just stop oil
projeter sur leur fille et de s’investir
avec une passion débordante dans leur
cursus : « La mienne, non. Elle m’épaule,
me conseille, j’écoute ce qu’elle a à me
dire mais je n’ai jamais ressenti de juge-
ment de sa part et jamais ressenti qu’elle
m’aimerait davantage si je faisais com-
me si ou comme ça. En outre, elle n’a ja-
mais comparé ce que je suis à ce qu’elle
était, confie Hortense. Dans ce métier où
il y a pas mal de remises en question, je
lui sais gré de savoir tout remettre à plat
dans les moments difficiles pour me per-
mettre de rebondir. Comme n’importe
quelle maman vers qui son enfant se
tourne pour qu’elle l’aide quand il a un
souci. »
Petits saxes châtain blond, immense
regard bleu, danse véloce et précise, la
mère et la fille ont des points communs,
mais elles ne se ressemblent pas. Hor-
tense est plus grande, avec plus de bal-
lon, et un abattage impressionnant.
« On n’a pas du tout le même caractère.
Ma fille voit ses amis, alors qu’à sa place,
avec un premier rôle d’étoile à danser
tout en tenant sa place dans le corps de
ballet, et des journées sans fin, je serais
entrée au couvent ! », s’exclame Élisa-
beth qui suit le travail de sa fille sans
aucune exclusive. Hortense travaille
aussi avec Ludmila Pagliero, étoile,
avec laquelle elle a une grande compli-
cité, et avec Irek Mukhamedov et Jean-
Pierre Gasquet, répétiteurs sur La Fille
mal gardée : « Je n’ai jamais su travailler
par mimétisme, dit Hortense. Il ne suffit
pas qu’on me montre un geste pour que je
le reproduise. Il faut que je le décortique
avec un travail de précision extrême sur
la musique et les sensations. Et alors,
quand tout est détaillé en répétition, je
peux le reproduire en scène avec l’adré-
naline de la scène qui fait qu’on n’y pense
plus. C’est ainsi que je me cherche, sans
vouloir jamais ressembler à personne
d’autre, même pas à ma mère qui était
une danseuse magnifique, mais vraiment
une autre ballerine que moi. »
Elle est à bonne école. Élisabeth Mau-
rin, lorsqu’elle fait travailler sa fille ou
une autre danseuse, insiste sur l’éven-
tail des possibles : « Ma première prof,
toujours elle, avait attiré mon attention
sur la transmission. Attention, me disait-
elle, de ne pas transmettre aussi nos dé-
fauts. Cela m’a marquée à vie. Quand je
transmets, je m’attelle toujours à imagi-
ner qu’on pourrait tout à fait penser l’in-
verse de ce que je crois savoir du rôle et
construire une autre interprétation pour
laisser ouvert le champ des posssibles. Un
artiste ne se clone pas, il se trouve. » ■
La Fille mal gardée, au Palais Garnier (Paris 9e),
jusqu’au 1er avril. www.operadeparis.fr
Une salle entière est ensuite consacrée
à la loi de séparation entre l’Église et l’État
- moment où l’État conduit un invrai-
semblable inventaire des biens de l’Église,
dans un climat houleux. Dès lors, la no-
tion de sacré et celle de fait blasphématoi-
re doivent se réinventer. Se rappelle-t-on
seulement qu’un délit d’offense au chef de
l’État fut actif, en France, entre 1881 et
2013 ? Peu utilisé dans les faits, en dehors
de la période du régime de Vichy, il fut
tout de même activé à plusieurs reprises
par le général de Gaulle, pendant la guerre
d’Algérie. Il a fallu qu’un homme refuse
de serrer la main à Nicolas Sarkozy, lors
du Salon de l’agriculture en 2008, se
voyant rétorquer « alors, casse-toi, pau-
vre con », pour que le délit soit aboli par la
Cour européenne des droits de l’homme.
Aujourd’hui, la loi fait un distinguo en-
tre les idées, réputées libres, et les per-
sonnes, à qui l’on doit le respect. « On
peut critiquer les croyances, on ne peut cri-
tiquer les croyants », résume Amable Sa-
blon du Corail. Cet équilibre, précaire, se
heurte parfois à la montée de communau-
tarismes, et c’est bien de cela que l’expo-
sition veut aussi parler ■
« Sacrilège ! L’État, les religions et le sacré »
Jusqu’au 1er juillet 2024.
60, rue des Francs-Bourgeois (Paris 4e).
 Culture le figaro vendredi 22 mars 2024 33

C’
est symboliquement en
plein cœur de Paris,
chez Steinway, dont il
est ambassadeur, que le
virtuose nous a reçus
avec sa femme (la pia-

Lang Lang : « Je
niste Gina Alice), pour nous présenter
son dernier album consacré à la musi-
que française et ses innombrables pro-
jets à venir. Rencontre avec un hyper-

voudrais ramener
actif que même son épouse a parfois du
mal à suivre !

LE FIGARO. - Après votre pas de côté

le piano dans
chez Disney, qui vous a beaucoup
occupé ces dernières saisons, cet album
Saint-Saëns marque-t-il votre grand
retour au classique ?

toutes les écoles

LANG LANG. - Le classique ne m’a ja-
mais quitté. Un des objectifs du projet
Disney était de montrer les connexions
qui existent entre l’histoire musicale de

de France »
la firme et le monde classique. Cela
coïncidait aussi à la période de ma vie où
naissait mon premier enfant. Mais le
grand répertoire reste mon obsession.
Je voudrais pouvoir tout jouer. Parmi les
prochains projets, je réfléchis à un al-
bum solo autour de la musique espa- Thierry Hillériteau
gnole - Granados, de Falla. J’aimerais
compléter le cycle des concertos de Retour au classique, Jeux olympiques, tournées
Beethoven : j’ai de nombreuses propo-
sitions d’orchestres prestigieux. Dans la européennes, projets avec son épouse,
continuité de mon enregistrement des
Variations Goldberg, j’étudie aussi la
éducation musicale… Alors qu’il sort l’album
possibilité d’enregistrer des concertos
« J’espère jouer « Saint-Saëns », le musicien évoque ses projets
de Bach avec orchestre baroque.
de plus en plus
de musique française
et déclare sa flamme à l’Hexagone.

Et côté concerts ?
En plus du programme Saint-Saëns qui
tourne partout, Christian Thielemann
m’a demandé de l’accompagner pour sa
dernière tournée avec la Staatskapelle
de Dresde, dans Concerto en sol de
Ravel. Je me produis prochainement en
récital avec Cecilia Bartoli dans un pro-
gramme d’airs d’opéra italien. J’ai un
projet avec la soprano Angel Blue. Nous
allons tourner avec la violoniste Hilary
Hahn un programme César Franck et
Claude Debussy, auquel nous aimerions
ajouter une ou plusieurs créations
contemporaines. Je suis en train d’ap-
prendre le Concerto no 3 de Bartok…
Bref, ce ne sont pas les projets classiques
qui manquent !
« J’ai toujours ressenti
dans les années
à venir », affirme
Lang Lang.
dans Le Carnaval des animaux
ou la Petite suite. Allez-vous vous
produire plus souvent en duo ?
Je voulais inviter Gina à partager l’un de
mes albums depuis longtemps. Nous
avons beaucoup de demandes pour des
doubles concertos ou des récitals à qua-
tre mains mais nous ne voulons rien
précipiter. Ici, c’est vraiment le pro-
gramme qui nous a incités à collaborer
de façon aussi étroite. Même si elle a
grandi en Allemagne, Gina est une fan
absolue de la France. Il y a des affiches
vintage de Paris partout dans notre
chambre. (Rire.) Nous nous sommes
mariés au Château de Versailles. Avons
sûr que ce sera l’une des plus belles cé-
rémonies de toute l’histoire des Jeux.
C’est quelque chose qui n’a jamais été
fait. C’est ça, le « sixième sens » à la
française : ne rien faire comme tout le
monde ! (Rire.)
Avez-vous d’autres projets
à venir à Paris ?
Artistiques, bien sûr. Je dois d’ailleurs
aussi jouer pour le concert du 14 Juillet à
la tour Eiffel. Mais nous travaillons aussi
et surtout à implanter la fondation que
j’ai développée pour l’éducation musi-
cale en France. On a déjà beaucoup
d’actions en Chine et aux États-Unis, où
nous avons mis en place des program-
mes dans plus de deux cents écoles, que
nous finançons à hauteur de près de
50 000 dollars chacun. Il s’agit de four-
nir les écoles en pianos, à raison de
vingt à trente claviers par établisse-
ment, puis de former des professeurs,
afin que chaque élève de 7 à 12 ans puis-
se avoir accès au sein de son école à un
instrument, et à des cours de piano
adaptés. Je voudrais ramener le piano
dans toutes les écoles de France. Nous
avons pu observer à quel point l’impact
était positif dans tout le champ de la
Olaf Heine
scolarité et de la vie sociale sur ces en-
fants dans les villes où on a déjà déve-
loppé le projet. Y compris pendant le
Covid, où nous avons apporté pendant
le confinement plus de sept cents pianos
aux enfants de New York, directement
chez eux, pour leur permettre de garder
le contact avec l’instrument. ■
Saint-Saëns, de Lang Lang, avec Gina Alice
et l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig dirigé
par Andris Nelsons, CD Deutsche Grammophon.
En tournée en France le 25 mai à Bordeaux (33),
le 5 juin à Strasbourg (67), le 9 juin à Lyon (69),
les 12 et 14 juin à la Philharmonie de Paris (19e).
www.langlangofficial.com

une connexion particulière un appartement ici, qui constitue notre

entre les cultures
française et asiatique.
La musique en est
l’exemple parfait »
Pourquoi un album consacré
à la musique française ?
C’est un rêve de longue date. La pre-
mière fois que j’ai pensé enregistrer un
disque de musique française, c’était il y
a quinze ans. J’avais d’abord pensé bâtir
un programme autour de l’impression-
nisme, Debussy ou Ravel… Mais très
vite il m’est apparu que c’était une vi-
sion trop réductrice. Car contrairement
à l’image qu’on en a à l’étranger, le pia-
base arrière en Europe (le couple vit le
reste du temps entre Shanghaï et New
York). Et notre fils de 3 ans est totale-
ment fou du Carnaval des animaux.
C’était l’occasion parfaite. D’ailleurs,
nous allons reprendre ce Carnaval
autant que possible, car il a une dimen-
PRÉSIDENTE DU JURY
sion pédagogique qui nous tient tous les
deux très à cœur. On le jouera ici, en
Amélie Nothomb
juin, à la Philharmonie, avec l’Orches-
tre de Paris. C’est la première fois que je
collabore avec le chef Klaus Mäkelä,
avec qui je ferai aussi le Concerto no 2 de
Saint-Saëns. Le mois prochain, on le
donnera aussi à la télévision américaine
dans le cadre du Tonight Show de Jimmy
Fallon. C’est lui qui fera le récitant.

no français peut avoir une dimension
très virtuose, comme chez Saint-Saëns.
Piquante, comme chez Poulenc. Lyri-
que, comme chez César Franck. Il y a
tellement de styles différents ! C’est
GRAND
Qu’appréciez-vous, ici ?
Les Français n’ont pas peur d’être trop
romantiques. Ils savent aussi prendre le
temps, ce qui n’existe ni à New York ni à

comme en gastronomie : vous n’excel-
lez pas que dans un domaine. De l’en-
trée jusqu’au dessert, on est toujours
surpris. C’est d’ailleurs dans cet esprit
que nous avons conçu cet album. En
PRIX
Shanghaï, où la « fast life » règne en
maître. Ici, il est encore courant de voir
les gens attablés au café en train de lire
un livre ou de parler de l’exposition
qu’ils viennent de voir en plein milieu

plusieurs services. Avec en entrée Le
Carnaval des animaux et en plat de ré-
sistance le Concerto no 2, de Saint-
Saëns, puis la Petite suite de Debussy
POÉSIE
de la journée. J’ai longtemps pensé que
ce n’était qu’un cliché, mais ce n’est pas
le cas. À titre personnel, j’ai aussi tou-
jours ressenti une connexion particuliè-

10 ANs
dans sa version pour quatre mains en re entre les cultures française et asiati-

dessert, et une série de petites pièces
solo en mignardises ou en bouchées
apéritives ! (Rire.)
Dont des transcriptions inattendues
d’extraits du Requiem de Fauré
ou du Lakmé de Delibes, mais aussi
des pièces de compositrices oubliées
telles Louise Farrenc ou Charlotte Sohy.
Comment les avez-vous découvertes ?
En préparant le programme, je me suis
dit que j’aimerais avoir, en plus de ja-
lons relativement connus de musique
française, quelques pièces moins célè-
bres. Je connaissais l’œuvre de Lili
Boulanger, et j’ai eu envie de regarder
du côté des autres femmes compositri-
ces françaises de l’époque. J’ai été in-
croyablement surpris par la découverte
de ces compositrices, dont je n’avais ja-
mais entendu parler avant mais dont
l’inspiration m’a tout de suite séduit.
Vous aviez fait une apparition sur
le premier album de votre épouse,
Gina Alice, pianiste elle aussi. Mais
RATP
que. La musique en est l’exemple
parfait. Les influences et la fascination
pour la Chine ou le Japon sont tellement
perceptibles chez des compositeurs
comme Ravel ou Debussy ! Je ne pense
pas seulement à Pagodes ou aux Estam-
pes, mais même à des œuvres comme la
Petite suite, justement. C’est Fu Cong
qui m’avait dit un jour que Debussy
aurait pu composer de la musique
chinoise. Il avait tellement raison ! J’es-
père jouer de plus en plus de musique
française dans les années à venir. En
plus des projets César Franck et
Debussy qui arrivent, j’aimerais par
exemple renouer avec Poulenc, dont
j’avais eu l’occasion de jouer le Concerto
pour deux pianos lorsque j’étais encore 27 février
étudiant au Curtis Institute de Phila-
delphie. > 1er avril 2024
Vous verra-t-on cet été jouer pour l’une
des cérémonies des JO, ou porter la ratp.fr/grandprixpoesie
flamme comme à Pékin ou à Londres ?
J’adorerais ! Il y a en ce moment des dis-
cussions à ce sujet, mais je ne peux rien
A

c’est la première fois que vous partagez confirmer pour l’instant. Ce serait dans
à ce point l’affiche avec elle. Que ce soit tous les cas un grand honneur car je suis
 34 vendredi 22 mars 2024 le figaro Télévision

« Oppenheimer »
l’homme derrière
la bombe
Olivier Delcroix

Christopher Nolan s’attaque au feu atomique,

avec un portrait sous forme d’avertissement
de Julius Robert Oppenheimer, son inventeur.

S
ur l’écran ne cessent de vole- que, ses anneaux et son nuage massif :

ter durant presque tout le
film des poussières blanches
ou des escarbilles rou-
geoyantes. Celles qui sont lu-
mineuses annoncent les feux
de la Géhenne, les autres s’apparentent
aux cendres qui recouvrent le monde
après sa fin. Pour souligner l’intensité
qui traverse l’écran, Christopher Nolan
distille à nos oreilles le grésillement pro-
duit par la radioactivité dans les comp-
teurs Geiger. Nous voilà prévenus.
D’ailleurs, au cœur de certains passages,
Nolan solarise à l’extrême l’image, utili-
se des violons stridents jusqu’à l’hysté-
rie, ne rechigne pas à user d’un montage
frénétique, de manière que le spectateur
entre dans une sorte d’effroi, celui qui
précède une explosion nucléaire.
Le réalisateur d’Interstellar l’a dit lui-
même, il songe depuis des années à ce
projet. Quoi de plus logique au regard de
ses précédents films. L’imagerie qui en-
toure la bombe A, le secret de sa concep-
tion à Los Alamos au Nouveau-Mexique,
la vision même du champignon atomi-
tout cela a imprimé l’inconscient collectif
et a essaimé au cœur de la pop culture et
du cinéma depuis plus d’un demi-siècle.
Stanley Kubrick, dont Nolan est un disci-
ple assumé, en a même tiré un chef-
d’œuvre, Docteur Folamour (1964).
À la fois héros et martyr
Nolan s’attaque donc au terrifiant symbole
de la bombe ultime par le biais de Julius
Robert Oppenheimer (1904-1967), son in-
venteur. Le cinéaste fragmente la trame
narrative pour montrer la complexité de ce
Prométhée américain qui apporta le feu de
l’enfer aux Américains, qui s’en servirent
les 6 et 9 août à Hiroshima et Nagasaki.
Oppenheimer est un concentré du ciné-
ma de Nolan - et Hollywood ne s’y est pas
trompé en lui décernant l’Oscar du
meilleur film et celui du meilleur réalisa-
teur. On y retrouve sa patte, la tension,
l’ampleur, et cette structure non linéaire
qu’il affectionne. Comme dans Inception,
le réalisateur utilise une série de trois arcs
narratifs qui s’emboîtent les uns aux
autres (dont un filmé en noir et blanc),
comme on fabrique un engin de destruc-
tion massive. En faisant cela, Nolan in-
troduit le spectateur dans son propre cer-
veau, son labyrinthe intérieur, dont le
Minotaure n’est autre que le public. Car il
y a dans ce film un cauchemar caché dans
un cauchemar, qui à son tour engendrera
un cauchemar plus grand encore si l’on
n’y prête pas attention. Ce long-métrage
constitue une mise en garde. Oppenhei-
mer balise la progression du récit grâce à
des images fortes. Passé la jeunesse du
grand homme, son idylle avec une jeune
militante communiste, l’intrigue se foca-
lise sur la construction d’un laboratoire
secret au milieu du Nouveau-Mexique,
fidèle en cela au principe de l’unité de
temps, de lieu et d’action.
Cillian Murphy (Oppenheimer) recrute
une équipe de scientifiques comme jadis
Yul Brynner avait pu le faire dans Les Sept
Mercenaires. La figure tutélaire d’Albert
Einstein (incarné à l’écran par l’acteur
britannique Tom Conti), avec qui Oppen-
heimer échange régulièrement au cours
de l’élaboration du projet Manhattan, en-
cadre le film en le dotant d’une puissance
mythologique. Emily Blunt (sa femme)
lui servira de garde-fou. Ensuite, débute
le contre-la-montre, comme le dit le
personnage lui-même : « C’est une course
contre les nazis. Et je sais ce qu’il risque
d’arriver si les nazis obtiennent la bombe. »
On sent la passion de Nolan pour cette
figure à la fois héros et martyr d’une
Amérique devenue toute-puissante.
Niels Bohr (Kenneth Branagh) le dit :
« Vous leur avez donné le pouvoir d’auto-
Universal/Canal+
Cillian Murphy
dans Oppenheimer.
destruction, mais le monde n’est pas
prêt. » Si Nolan a choisi Cillian Murphy,
héros de la série Peaky Blinders, pour
interpréter ce personnage singulier, c’est
qu’il est conscient de l’inquiétante
étrangeté que suscite le visage de cet ac-
teur irlandais. Son jeu est calme et tendu,
sa beauté inconfortable, presque ef-
frayante. Pile ce qu’il fallait à ce film dont
la mise en scène immersive sied parfaite-
ment au propos explosif. Oppenheimer
s’impose comme une œuvre coup de
poing. Une expérience de cinéma dont
on ne sort pas indemne. ■
« Oppenheimer »
À 21 h 10, sur Canal+
Notre avis : ○○○◐

« Le Silence de la mer », prière de résister

Benjamin Puech

En 1942, après de multiples difficultés, sortait cet ouvrage audacieux signé du pseudonyme Vercors. Un documentaire en raconte la genèse.

L
a guerre est à leur porte. Elle est
vêtue d’un long manteau vert
foncé, parle français avec un ac-
cent allemand et demande à
s’installer à l’étage. Y a-t-il d’autres so-
lutions que d’accepter ? Accepter sans se
compromettre, en opposant un silence
complet aux avances de l’officier. Si l’on
ne peut sauver la France, du moins peut-
on sauver son honneur. Tel est le messa-
ge, parmi beaucoup d’autres - la singula-
rité de la culture française, l’humanisme
dont l’on ne saurait se départir -, qui tra-
verse Le Silence de la mer, sorti en février
1942. Une nouvelle sobre et poétique si-
gnée du pseudonyme de Vercors, publié
après mille épreuves que retrace ce docu-
mentaire remarquable intitulé Le Silence
de la mer, une édition dans la Résistance.
Éclairé par les analyses de l’écrivain
Pierre Assouline comme du spécialiste
de Vercors, Alain Riffaud, le film bé-
néficie d’un riche travail d’archives.
Des dessins complètent aussi la narra-
tion, avec harmonie. Dans les tons
sombres et orangés, ils s’accordent
avec la pesanteur de l’époque et la gra-
vité de Jean Bruller, vrai nom de Ver-
cors, qui fut dessinateur avant de de-
venir écrivain dans la clandestinité.
L’on voit passer à l’écran l’une de ses
planches d’avant-guerre : des gar-
gouilles macabres qui regardent, de-
puis le toit d’une cathédrale, la haran-
gue d’un fasciste face à la foule.
Un jour qu’il marche dans Paris, Jean
Bruller surprend une conversation entre
Allemands. « Nous les flattons, nous les
endormons pour les détruire ensuite », les
entend-il dire, en parlant des Français
sous le choc de la défaite. Cela le
convainc de prendre sa plume pour, se-
lon l’expression de Riffaud, « envoyer à
la face de l’ennemi l’élégance française, la
résistance de l’esprit ».
Dessiller certains lecteurs
Avec Pierre de Lescure, catholique de-
venu compagnon de route du commu-
nisme, et résistant de la première heure,
Vercors se lance dans une entreprise
dont ce film montre toute la difficulté.
« Il faut rendre hommage au courage des
imprimeurs », assure face à la caméra la
chercheuse Anne Simonin. Celui qui
s’occupa de mettre en pages Le Silence
de la mer s’appelle Claude Oudeville. Il
imprime patiemment l’ouvrage, au
rythme de huit feuilles par jour - il s’oc-
cupait jusque-là de faire-part - entre
décembre 1941 et janvier 1942. Chaque
jeudi, l’auteur vient corriger les épreu-
ves. Il leur faut ensuite trouver une bro-
cheuse pour lier les 350 exemplaires,
publiés dans les nouvelles Éditions de
Minuit. Bruller fait des allers-retours à
bicyclette, les sacoches lourdes de li-
vres. Il passe et repasse devant des sol-
dats allemands, effrayé à l’idée que
ceux-ci finissent par le trouver étrange.
La peur fait tanguer son vélo.
Mais la publication est brusquement
stoppée par Pierre de Lescure, qui
craint une trahison dans son réseau de
résistance. Un exemplaire a heureuse-
ment eu le temps de circuler. Jean
Paulhan encense le livre, Maurice
Schumann félicite son auteur à la BBC.
Et des avions anglais commencent à le
parachuter sur le territoire français,
même si le temps est moins à la résis-
tance silencieuse qu’à l’action et la vé-
hémence contre l’ennemi. On repro-
chera d’ailleurs plus tard à Vercors
d’avoir été trop tiède dans son ouvra-
ge. Mais dans une France collabora-
tionniste, Le Silence de la mer, en plus
d’avoir aidé à dessiller certains lec-
teurs, aura participé à sauver l’hon-
neur des lettres françaises. ■
« Le Silence de la mer »
À 23 h 10, sur France 5
Notre avis : ○○○◐

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé MOTS MÉLANGÉS

1 2 3 4 5 6 7 8 Barrez dans la grille tous les mots proposés. Cherchez-les horizontalement, verticalement ou
PROBLÈME N° 6559 diagonalement. Il ne vous restera alors que les lettres formant le mot mystérieux. 8 4 9 2 5 1 7 3 6
HORIZONTALEMENT 1 ABATS COUSIN MIETTE RACER TACITE
5 6 2 4 3 7 9 8 1
1. Sources rapides d’énergie. - 2. Baume épais. - 3. 1 3 7 8 9 6 4 5 2
Travaille souvent pour des prunes. - 4. N’a aucun intérêt 2 9 1 3 7 6 8 5 2 4
AÉROBIC ÉBRANLÉ MISOGYNE REÇU TOURTEAU
SOLUTION DU N°4673

pour le peuple. Ses fils sont costauds. - 5. Romains. Il est 2 8 5 3 1 4 6 9 7

d’édilité publique. - 6. Un héros s’y immola après la fin 3
des travaux. Galette nordique retournée. - 7. Porte des AIRER ÉTRANGETÉ MÛRIR RÉUNI TRAVERSIN 4 7 6 9 2 5 3 1 8
manchettes. Introduit la branche. - 8. État qui nous 4 7 2 4 5 8 9 1 6 3
touche. - 9. A essuyé un revers du droit. Copie d’ancien. AVOIR GUACAMOLE OCRER RURAL VENTRU 3 5 1 6 4 2 8 7 9
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naux au grand complet. Voleur de voleurs. - 12. Dirigée CÉRUMEN KANGOUROU PATINOIRE SEAU VINAIGRE
avec autorité. 6
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donne une sensation de profondeur. 11
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 Télévision/Météo le figaro vendredi 22 mars 2024 35
Tous les programmes
dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag

ÉPHÉMÉRIDE Ste-Léa
À LA DEMANDE Soleil : Lever 06h46 - Coucher 19h07 - Lune croissante

21.10 21.10 21.10 MATIN

Danse avec les stars Le crime lui va si bien Le grand concert Le tourbillon de la vie 8
Divertissement Téléilm. Suspense de la francophonie – 20
8
8 7 6
8 8
6 6
8
9 7 6
4
7
8 7 6
8
Prés. : Camille Combal. 2h30. Inédit. Fra. 2023. Avec Hélène Seuzaret, La SuperFrancoFête Julia (Lou de Laâge) fait tomber un
Si James Denton a enin participé à un Bruno Lochet, Laurent Manzoni. Concert livre à la bibliothèque et rencontre 10 7
prime, c’est Keiona qui crève l’écran L’afaire Molina. Inédit. Le commis- Paul. C’est le début d’une belle 9
1h45. Inédit. De nombreux artistes 7
et démontre qu’elle fait partie des sariat est en panique : des scellés histoire. Mais dans une autre 9
francophones rendent hommage
favoris pour la victoire inale. En efet, ont disparu et l’IGPN débarque. Gaby vie, elle ne fait pas tomber son 11 7
en chansons aux femmes et aux
sa prestation lors du second prime a Molina, introuvable depuis quelques hommes qui soutiennent la langue livre et elle passe à côté de Paul 13 11
montré au jury qu’il fallait compter sur jours, est soupçonnée. française dans le monde. sans le voir. Dans une vie, elle 9
elle et sur ses talents de danseuse. attend un enfant, dans l’autre, elle 12 9
22.45 Marc-Antoine Le Bret 22.55 La vie secrète des chansons. 10 9
préfère se consacrer à sa carrière
23.40 Danse avec les stars, la suite. à la Cigale. Spectacle. Inédit. Documentaire. Réal. : Élodie Boutit. de pianiste. Dans l’une, elle a un 12 30
accident de scooter, dans l’autre,
le chaufard l’évite de justesse. 9
Pour son premier long métrage, APRÈS-MIDI
Olivier Treiner explore le thème
21.11 20.55 21.10 des petits hasards de la vie et de
40
12
Oppenheimer L’afaire Marianne Voss Maison à vendre leurs bifurcations inattendues. On
pense au « Pile et face » de Peter 14
Film. Biographie Téléilm. Policier Magazine 14 14 17
Howitt en 1998 avec Gwyneth
14 18
Paltrow, qui abordait le même
17 19
thème sur un ton léger, là où 12
Treiner choisit de lui imprimer un 16 18 19
18
superbe soule dramatique. 19
16 19 20
19

EU/GB. 2023. Réal. : Christopher All. 2023. Réal. : Uljana Havemann. Prés. : Stéphane Plaza. 1h50. Sylvie 21 22
Nolan. 2h55. Avec Cillian Murphy. Un 1h29. Avec Jörg Schüttauf. Inédit. et Jacky / Sandrine et Carole. Les 30 22

LES FILMS D’UN JOUR – BERBERE TV – THEATRE DU LUCERNAIRE - 2009

physicien reconnu se retrouve engagé
par les États-Unis ain de mener à
terme un projet scientiique qui vise à
révolutionner l’histoire du monde.
00.06 Oppenheimer, l’homme
et la bombe. Documentaire.
13.00 Points de vue 22
Vingt-quatre heures après sa dispari- experts en immobilier aident deux 24
18.30 Le Buzz TV Nathalie 23
tion, une femme est retrouvée morte familles qui doivent d’abord rénover
Levy, présentatrice du 25 21
par sa ille et son mari. Les soupçons leurs maisons ain ensuite d’espérer
documentaire Inoubliables, 24
se tournent vers ce dernier. pouvoir les vendre au meilleur prix. 19
nos chers grands-parents, sur 25
Canal+. Interviewée par Nicolas 22 20
22.30 Freddie Mercury : he Great 23.00 Maison à vendre. Magazine.
Pretender. Documentaire. Liliana et Olivier / Daniel. Volaire et Mathilde Seifert. 23 20
19.00 Bienvenue en Île-
de-France Présenté 19
par Anne-Emmanuelle Isaac.

21.00
T (en °c)
<-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40
19.40 Touche pas à mon poste. Div. 19.50 Les apprentis aventuriers. 19.15 Quotidien. Divertissement.
21.19 Gad Elmaleh : D’ailleurs 21.05 Enquête d’action 21.25 90’ Enquêtes
Spectacle. 1h30. Inédit. Après «Sans Magazine. Prés. : Marie-Ange Casalta. Magazine. Prés. : Tatiana Silva. 1h20. ALGER 16/21 AMSTERDAM 8/10 ATHÈNES 8/17
tambour» et une tournée interna- 1h55. Champs-Élysées : policiers Fous du volants, accidents, agres- 12/24 5/17 7/13
BARCELONE BELGRADE BERLIN
tionale avec «Oh My Gad !», joué en sous tension sur la plus belle avenue sions : les policiers de Perpignan en
anglais, dans plus de quinze pays, Gad du monde. Inédit. Dans le quartier des alerte. La délinquance est quoti- BERNE 4/18 BRUXELLES 8/12 BUDAPEST 8/17
Elmaleh est de retour avec un one- Champs-Élysées, les policiers de la dienne à Perpignan. Les policiers de la COPENHAGUE 6/10 DUBLIN 5/10 LISBONNE 18/27
man show inédit, «D’ailleurs». Un Brigade anti-criminalité traquent le brigade de nuit interviennent sur des LONDRES 10/12 MADRID 12/26 PRAGUE 7/14
spectacle intime et jubilatoire ! moindre comportement suspect. conlits souvent liés à l’abus d’alcool.
« Misérables » RABAT 16/18 ROME 11/20 TUNIS 12/21
22.55 Gad Elmaleh : L’autre c’est moi 23.00 Enquête d’action. Magazine. 22.45 90’ Enquêtes. Magazine. Théâtre Le roman de Victor
Hugo librement adapté par SAMEDI DIMANCHE LUNDI
Philippe Honoré.
22.30 Libre à vous Guyonne 5/9 3/12
de Montjou reçoit Abnousse 4/9
20.04 C à vous la suite. En direct. 21.17 Direct Quinté. Magazine sportif. 20.15 Historiquement Show. Mag. Shalmani, journaliste, réalisatrice 5/10 7/9 5/11 4/8 5/11 2/12
et écrivain française
21.08 Indigènes 21.29 Top Gear France 20.50 L’ombre d’un doute née à Téhéran. 5/10 5/11
Film. Guerre. Fra/Alg/Mar/Blg. 2006. avec Vilebrequin Magazine. Prés. : Franck Ferrand. 3/14
2h03. Avec Jamel Debbouze. Le sort Magazine. Prés. : Sylvain Lévy et 2h35. 3 volets. Gros plan sur trois
glorieux des combattants d’Afrique Pierre Chabrier. 1h20. Ceux qui familles qui étaient à bord du Titanic.
Pour regarder 5/8 12/17 7/14 8/16 6/15 7/15
du Nord vu à travers le destin de iniltrent la police. Inédit. Sylvain et Parmi les passagers sur le paquebot, le Figaro TV ?
quatre Algériens engagés volontaires Pierre vont réaliser un de leurs rêves John Jacob Astor IV, l’un des hommes Canal 34 de la TNT
lors de la Seconde Guerre mondiale. d’enfant : devenir policier. les plus riches des États-Unis. en Île-de-France ou sur les box lachainemeteo.com
23.12 «Le Silence de la mer», 23.12 Top Gear France 23.25 Charité : en guerre. Série. SFR 468 Orange 345 Par téléphone : LIVE 24/24 Sur L’APPLI
GRATUITE
une édition dans la Résistance. Doc. avec Vilebrequin. Magazine. Historique. 2 épisodes. Free 904 Bouygues 305 2,99 €/appel La Chaîne Météo

MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°3786

ESPÈCES ENLEVAI DE LA PAGE FONTAINE ENVE- FIÉROT COMPA- QUI NE APRÈS LE ESTOMACS
SA PLACE DES TITRES À LOLO COUPAI LOPPE DE CARTE CHARGE DE GNIE FER- PRODUIT NU GREC D’OISEAU
DÉPASSÉ À LE BOIS ROUE CRUCIALE VILLE DU CAVALERIE ROVIAIRE
SUR- FORME BRUIT DE AU TAROT PAS KOL- HAR-
LA COURSE GISSANT DE TROT CIGALE BON FILON LOIRET ENTENDRE D’EFFET KHOZES NACHÉE
RÉUNION AGGLUTINÉ
D’EFFORTS DEVENU
REGISTRE MÉCA-
DE NOMS NIQUE
ÈRE GÉO- AFFIRME FRIAN-
LOGIQUE BÉQUILLE DISES
ARRIVE À DU DITE ET
MATURITÉ BÂTIMENT REDITE
VESTE AFFLUENT LE WASABI COURT
ENDOSSÉE DE L’OU- ALSACIEN MÉTRAGE
PAR LE ROI BANGUI CHINOIS
DE PRUSSE BÉCOT ATTRAPE FLEUR
ENTRE II AINSI DE RIEN DU MUSCLE À PIÈCE DE
ET V SUITE TOUT ALLONGER MOTEUR
LE RÊVE CORPS DRAME CHLORE
ABSOLU LUMINEUX CONTRE LOINTAIN ABRÉGÉ
ÉGYPTE FAUTEUR AU PIED DU BARBE
D’ANTAN DE LUBERON BIEN
VITESSE TROUBLES TAILLÉE
EN VOL TOUR BLÊME VIN ITALIEN
FÉCON- JACAS- PRINCE ET
DATION SEUSE PRINCESSE
CIVIL, À CENT
LA MAIRIE LITRES FAIT DE
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ADRESSE D’ATTA- PUDIQUES
D’ORDI- ARTICLE T A T R E I M S P A J E A
QUANT CASTILLAN
NATEUR À MOI M Y S T E R I E U S E S U O B E I S S A N T E S
L’HÉLIUM
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X E N O P H I L E S A T U R A T I O N E G A I E
LA TERRE ADOU-
CISSANTES E C R I T S P E C U L E T O N I Q U E R N
SAINT DU
MÉDOC B A S E E I M A R D M S E T E R C E E
L M I S A I T E T I A G E S A N A G E R E
IL REÇOIT C’EST LE LIEU
A

DES MOMENT COMMUN N O G E N T M A D I S O N V S I L

IMAGES DE POUR UN S A N T O R I N N A E P I D E R M E
PROJETÉES BRONZER TRÉSOR V E N T P I S T E R E S E R V E O P
 36 vendredi 22 mars 2024 le figaro Le Figaro Scope
à p a r i s . . .

Les nouveaux chocolatiers parisiens qui nous font

Alice Bosio et François Blanc

À l’approche
des festivités
de Pâques, tour
de piste des artisans
qui se sont lancés
récemment dans
la capitale et de leurs
créations phares.

S’
il compte toujours ses réfé-
rences (Roger, Hévin, Genin,
Ducasse...), le paysage de la
chocolaterie parisienne se re-
nouvelle constamment. Pleins feux sur
dix boutiques inaugurées il y a trois ans
tout au plus.

La plus « jeune talent »

William Artigue
Attention, talent ! Fraîchement amarré
près du canal Saint-Martin dans une Alléno & Rivoire (7e). Jade Genin (2e).
boutique futuriste avec vue sur le labo,
William Artigue, 31 ans, s’est formé
auprès des meilleurs (Patrick Roger, Jac-
ques Genin). Ce perfectionniste façonne
bonbons, barres et tablettes de compéti-
tion à partir du chocolat de couverture
de Nicolas Berger (miam, ce praliné à la
noix !), mais aussi des pâtes de fruits ex-
tra avec des végétaux frais (la pomme au
four est à tomber). Sa gamme, proposée
en collections permanentes et saisonniè-
res, témoigne d’une réflexion poussée
sur ce qui fera la singularité de chaque

Le Brazidec ; Ilya Kagan ; Geraldine Martens ; Stephane Grangier

produit.
LA PÉPITE. Les bouchées de partage,
bonbons ronds XXL, noirs ou lait, à dé-
couper en quatre ou cinq parts à la fin
d’un repas, tout en textures et gourman-
dise, sans tomber dans l’excès de sucre
(praliné amande-noisette, caramel, noi-
settes caramélisées).
PÂQUES 2024. En plus de ses œufs fa-
çon rochers au praliné et caramel, Arti-
gue a imaginé, avec la complicité de son
amie la sculptrice Virginie Dahmane,
d’adorables loutres plus vraies que natu-
re, en trois tailles (noir ou lait), garnies
d’œufs pralinés et de fritures.
30, rue Yves-Toudic (10e).
Du mar. au dim.
Loutres de Pâques de 27 € à 52 €.
Bouchées de partage à 20 €. Le chocolat Maxime Frédéric
chez Louis Vuitton (1er). William Artigue (10e).

La plus chic
Jade Genin
Entre son emplacement à côté de Cédric
Grolet et l’ombre de son père – le fantas-
que et talentueux Jacques Genin -, Jade
Genin a réussi à rapidement se faire sa
propre place, dans cette boutique imma-
culée du quartier de l’Opéra. Ici, pas de
réflexion sur la pureté des grands crus –
les tablettes sont presque absentes de la
boutique - mais des chocolats fourrés
puissants et très travaillés. Comme avec
les pyramidions, de petits bonbons pyra-
midaux garnis de pralinés lisses ou de
ganaches faites sans crème ni beurre.
LA PÉPITE. Difficile de résister aux ro-
chers pralinés plutôt singuliers, truffés
d’éclats de riz soufflé qui leur confèrent
légèreté et croustillant, de sorte qu’on
pourrait en manger par paquets – la ver-
sion coco et cacahuète tout particulière-
ment.
PÂQUES 2024. Des œufs, pour garder
contact avec la tradition, mais des chics,
nichés au creux de pétales de chocolat.
L’œuf grenouille au praliné noisette et
l’œuf d’or au praliné pignon de pin sont
tous deux absolument délicieux, imagi-
nés avec le designer Jean-Baptiste de
Coninck.
33, avenue de l’Opéra (2e).
Tél. : 09 87 07 17 79. Du mar. au dim.
Œufs de Pâques de 70 € à 90 €.
Écrin de 15 pyramidions à 16 €.
La plus cuisinière
Alléno & Rivoire
A
lien Rivoire a lancé avec le chef ce projet
ambitieux de chocolat de cuisiniers fin
2021. Ses créations haut de gamme repo-
sent sur deux piliers : le désucrage et les
sauces. Le premier notamment à l’aide
de l’eau de bouleau, les secondes réali-
sées avec des extractions, des cryocon-
centrations, pour les ganaches que ren-
ferment les trèfles, ses bonbons
signatures. Parmi les autres musts, les
orangettes et les tablettes Terroirs de
France.
LA PÉPITE. Les gousses de vanille, fines
coques de chocolat en trompe-l’œil,
garnies de caviar de vanille de Tahiti
onctueux. Douceur et explosion de par-
fums garanties.
PÂQUES 2024. En vedette cette année,
l’œuf à bascule, dont l’équilibre vacillant
évoque celui des saveurs. Avec leur as-
pect qui reproduit celui d’une coquille,
les quatre versions sont garnies de prali-
nés selon leur couleur (rouge, vert,
orange, jaune), et proposées en coffrets
de 2 ou 4, qui dissimulent un tiroir secret
garni de trèfles pralinés.
9, rue du Champ-de-Mars (7e).
Tél. : 01 82 83 03 32. Du mar. au dim.
Et Paris 6e et Lafayette Le Gourmet (9e).
Œufs à bascule à partir de 35 €.
Coffret de 3 gousses vanille à 21 €.
La plus mode
Le chocolat
Maxime Frédéric
chez Louis Vuitton
À côté du café, lui aussi piloté par Maxi-
me Frédéric, avec vue panoramique sur
de Louis Vuitton dispose d’une vraie
chocolaterie où tous les packagings et
créations sont aux couleurs et formes de
la marque de luxe. Il y a une courte et
élégante sélection de tablettes grand cru,
mais le trentenaire n’est jamais aussi
doué que quand il intègre sa gourmandi-
se pâtissière à cette offre chocolatée –
bonbons fourrés en tête.
LA PÉPITE. Hommage à un motif Vuit-
ton classique, la fleur de Monogram se
présente comme un petit coffret de qua-
tre pétales aux fourrages différents. Avec
une préférence nette pour le pétale au
caramel de vanille bleue de La Réunion,
totalement entêtant.
PÂQUES 2024. En plus d’irrésistibles
petits poussins jaunes, Frédéric revient à
son produit fétiche, les œufs – il a
construit un poulailler sur la ferme fami-
liale du Cotentin. Il a ainsi imaginé trois
œufs lookés Vuitton (sarrasin vanille,
noisette caramel, pistache framboise).
26, quai de la Mégisserie (1er).
Tél. : 01 40 28 00 00. Tlj.
Coffret Fleur de Monogram à 25 €.
La plus régressive
Madame Cacao
Christelle Brua, ancienne chef pâtissière
de l’Élysée, qui fut précédemment la tête
sucrée du Pré Catelan triple-étoilé seize
ans durant, s’est lancée en 2023 dans
cette nouvelle aventure cacaotée dont le
nom rend hommage à la série Angélique,
marquise des Anges. Sa boutique enso-
leillée de la rive gauche puise dans ses
souvenirs d’enfance et convoque gaieté
et légèreté. À l’image de son totem street
née, en différentes tailles, positions et
garnitures. Ou de sa tablette signature au
sucre pétillant et cacahuètes grillées qui
titille les papilles, en clin d’œil à la pom-
me soufflée du Pré Catelan.
LA PÉPITE. La boîte jaune en métal ins-
pirée des Quality Street de notre enfan-
ce, garnie de nougats, pâtes de fruits, ca-
ramels, roses des sables, boules coco ou
pistache pralinées.
PÂQUES 2024. Œuf épuré ou lapin Lu-
cien, noir ou lait, garni ou non, à vous de
choisir !
10, rue du Cherche-Midi (6e).
Tél. : 01 43 35 31 75. Tlj sf dim.
Œufs de Pâques à partir de 30 €.
Boîte Madame Cacao à 45 € (300 g).
La plus gourmande
Aurélien Cohen
Deux ans après son ouverture au croise-
ment d’Asnières-sur-Seine et de Bécon-
les-Bruyères, Aurélien Cohen a poussé
les murs de sa pâtisserie et racheté le lo-
cal voisin pour y créer un petit laboratoi-
re de chocolaterie. Julien Despaquis, chef
chocolatier de la jeune chocolaterie de
L’Oustau de Baumanière, l’a aidé à créer
une gamme qui ne trahit pas le cœur de
métier pâtissier de la maison. Les tablet-
tes classiques côtoient en effet des ta-
blettes fourrées, des barres chocolatées,
des bonbons de chocolat délicieux ou des
oursons en guimauve.
LA PÉPITE. Les barjos (barres chocola-
tées fourrées) constituent un sommet de
gourmandise que l’on gravit sans heurts,
avec mention spéciale pour la version
caramel et praliné de cacahuètes, en
PÂQUES 2024. Une large gamme pour
tous les âges : des lapins aux œufs garnis
de friture, en passant par le gros de-
mi-œuf façon mendiant particulière-
ment alléchant ou l’œuf praliné, dont
l’intérieur est tapissé d’un addictif prali-
né vanillé.
60, rue de la Sablière
(Asnières-sur-Seine). Tél. : 01 47 90 54 71.
Tlj sf dim. (après-midi) et lun.
Œuf praliné à 19,50 € et 43 €.
Coffret de 12 bonbons à 15 €.
La plus cosmique
Ursa Major Chocolats
Cette coquette boutique-atelier (tout est
fait sur place) à la devanture bleu nuit a
vu le jour à l’été 2021 dans le quartier Po-
pincourt sous l’impulsion des trois sœurs
Bouillaut. Eva et Anouk sont chocolatiè-
res, Julie, designer et graphiste. Leur
credo ? Des chocolats de saison (tablet-
tes, bonbons, barres…), responsables, de
qualité mais accessibles, autour de la
thématique spatiale qui leur est chère.
LA PÉPITE. Le coffret Système solaire
avec ses dix demi-sphères colorées, gar-
nies de pralinés ou ganaches parfumés
(sarrasin, thé fumé…), disposées en clin
d’œil aux dix planètes (de retour mi-
avril après Pâques).
PÂQUES 2024. L’espace est bien sûr à
l’honneur entre les œufs Crops Circles
(motifs apparaissant dans les champs de
blé attribués à tort aux extraterrestres) et
la famille d’œufs et de poules enlevés par
les bouchées Ovni au praliné et riz soufflé !
75, rue Sedaine (11e).
Tél. ; 06 75 62 38 29.Tlj sf dim. et lun.

Après sept ans comme chef pâtissier les quais de Seine, ce grand lieu ouvert art, le lapin Lucien, du prénom de son écho à une célèbre barre industrielle – ici Œufs Crop Circle à partir de 16,90 €.
dans les tables de Yannick Alléno, Auré- au-dessus de l’exposition « LV Dream » fils, qu’elle décline tout au long de l’an- cent fois meilleure. Coffret Système solaire à 22 €.
 Le Figaro Scope le figaro vendredi 22 mars 2024 37
l e s n o u v e a u x r e s t o s

fondre
Haché menu Emmanuel Rubin
Par Emmanuel Rubin
Du côté de République,
Les bandes Eugenio Anfuso
La plus solidaire du Basile et Cecilia Spurio,
Les Copains jeune couple d’origine

U
de Bastien n peu comme certains
italienne, installent
soirs désormais répéti-
Après deux ans près de la gare du Nord, tifs où l’on se retrouve
devant sa téloche à
une véritable
la chocolaterie solidaire de Stéphane Pé-
tillon vient d’emménager en plein 7e ar- baisser les paupières en personnalité culinaire.
rondissement, reprenant une vieille écoutant un certain président en
boulangerie classée de la rue Vaneau – promesse de percer l’écran, on se re-

gardant au passage du pain et quelques
viennoiseries. Le concept n’a pas chan-
gé : un travail de la fève à la tablette, dé-
dié à la réinsertion de personnes éloi-
gnées du marché du travail et en
difficulté. Avec, au passage, une démar-
che intéressante sur la traçabilité des fè-
ves, à majorité d’Amérique du Sud, pour
garantir une juste rémunération des
agriculteurs.
LA PÉPITE. Ici, la gamme mise sur une
certaine sobriété : praliné et ganaches
pour les bonbons, tablettes grands crus,
avec inclusions de fruits secs… Pour ceux
qui craignent le chocolat noir, le grand
cru lait de Colombie à 55 % fait montre
d’un joli caractère et d’un niveau de su-
cre plus que raisonnable.
PÂQUES 2024. Entre les sujets classi-
ques, poules et œufs en tête, une sculp-
ture en forme de pavé parisien, à casser
avec un petit maillet pour la partager à la
fin d’un repas.
56, rue Vaneau (7e). Tél. : 01 42 94 24 89.
Du mar. au sam. Pavé de Pâques à 45 €.
Tablettes grand cru à 8,20 €.
trouve parfois dans certains restau-
rants sans autre raison que le bruit
que l’on en fait. Ainsi, par quelques
échos de casseroles, des sherpas
de comptoir nous enjoignaient, ces
dernières semaines, de vite retrou-
ver le chemin du Basile de la rue
de Grenelle, où une gaminesque ma-
demoiselle venue – on cite – « du
monde de la night » s’apprêterait à
faire de ce troquet élu quelque cho-
se – on re-cite - « de très joyeux ». À
22 heures mardi en quinze, on s’y
ennuyait pourtant ferme, mais, à y
retourner, sur le coup des 13 heures,
le vendredi suivant, on s’amusait
néanmoins au prétexte des circons-
tances et de l’actualité, car au Basile
de la rue de Grenelle, ce qui n’a pas
changé de lustre en lustre, c’est bien
de se retrouver dans la très officieu-
se scène bistrot de la fameuse école
Sciences Po.
Coup de coude À peine entré,
dans une double salle aussi sympa-
thique que fatiguée de balancer en-
S
ans vouloir précipiter la chose et
l’abîmer à trop vite l’affirmer, il
n’est pas interdit de croire en
l’émergence, ces derniers mois,
d’une nouvelle classe aux fourneaux.
Une génération (peut-être bien dorée)
de chefs comme le petit monde culinai-
re parvient à nous en lâcher une fois
tous les vingt ans. Une équipée de forti-
ches qui offrirait enfin écho à la bande à
Bocuse des années 1960, à celle des ca-
dors en cloche des années 1980 comme
à celle des bistronomiques originels des
années 2000.
Pas franchement suiveuse, pas co-
piée-colleuse, très vaguement sociale-
réseauteuse, plus franchement dupe de
la couveuse « Top Chef », cette généra-
tion de trentenaires semble s’éloigner
d’un cycle mousseux où, depuis quinze
ans, il aura suffi d’être bêtement jeune
pour se croire chef et balancer une as-
siette souvent creuse pour se rêver
vedette. À Paris, ils (et elle) s’appellent
Adrien Cachot (Vaisseau), Maxime
Bouttier (Géosmine), Tom Meyer (Gra-
nite), Manon Fleury (Datil), Flavio
Lucarini (Hémicycle) et, depuis deux

Pierre Lucet Penato

tre sitcom has been et café Saint-
courtes semaines, le duo Eugenio Anfuso
Germain, on se dit qu’il n’y a peut-
et Cecilia Spurio, couple zélé à déposer Cecilia Spurio
La plus exotique être pas si loin de la popote à la
poloche, cette politique canaille, fi-
une hirondelle d’adresse promise à et Eugenio Anfuso,
Dengo loute, moins emportée par la sincéri-
faire un printemps et plus loin encore.
Eux, souples,
les chefs d’Amalia
(11e).
té de ses convictions que par les pla-
Un an que l’entrepreneur Charles Znaty ces à prendre. Voilà ceux de la rue
Saint-Guillaume dans toutes leurs +++ pétillants, lumi-
neux, Italiens qui,

Amâlia, la belle
a importé dans la capitale cette marque sans dénier leurs
strates, classes, âges, jouant soudain AMALIA
de chocolat brésilien éthique et durable 32, rue de la
racines et leur
des coudes pour trouver une table.
née dans la région de Bahia avec pour
L’annuaire des anciens bien en pla- Fontaine-au-Roi (11e). époque, choisis-
slogan « Le goût de changer le monde ». Tél. : sent à nouveau la
ce, bien en poste, bien en caste, tout

table que voilà !

On s’y rend pour son chocolat brut et
fruité « bean to bar » proposé en tablet-
tes ou en plaques à la coupe (les Quebra-
Quebra, aux fruits exotiques, noix ou pi-
ment), mais aussi sa pâte à tartiner ou
son praliné de cajou en cube, très gour-
mands.
LA PÉPITE. Le mel de cacau, littérale-
ment « miel de cacao », boisson rafraî-
chissante et fruitée omniprésente dans
les rues du sud de Bahia, obtenue à partir
de pression à froid des fèves de cacao. Un
vrai délice.
PÂQUES 2024. Les œufs Art Therapy,
emballés dans de jolis tissus colorés (à
réutiliser par exemple comme banda-
nas), reprenant les Quebra-Quebra,
avec une préférence pour le Carameliza-
do au chocolat blond, grué et fleur de sel,
qui plaira à toute la famille.
19, rue Yvonne-le-Tac (18e). Et Paris 6e.
Tél. : 01 84 74 49 95. Tlj.
Œufs Art Therapy à 30 € et 39 €.
Mel de cacau à 7 € (300 ml).
La plus pâtissière
Le 47, rue des
Archives de Valrhona
en carte et qui visiblement n’aura ja-
mais vraiment quitté le quartier. À
leur suite, quelques profs plus ou
moins élimés, beaucoup d’adminis-
tratifs et, derrière leur burger voûté,
ces nouvelles promotions singeant
les rebellions de banquette tout en
sachant déjà qu’elles en occuperont
bien vite, bien d’autres nettement
plus cossues et confortables.
Scène pipo Au grand oral aujour-
d’hui disparu qui fit la réputation de
l’institution, on aurait sûrement pu
demander quelques commentaires
sur l’aphorisme brillat-savarinesque
selon lequel « dis-moi ce que tu man-
ges, je te dirais ce que tu es ». À y ré-
pondre, vendredi dernier, on aurait
sûrement été recalé à avouer pas
grand-chose de mieux qu’une lan-
gue de bois à avaler bravounette fri-
sée lardons, pataude carbonara et
fish & chips vaguement maison.
Rien de bien méchant si ce n’est qu’à
près de 90 € la douloureuse pour le
niveau très moyen de deux entrées,
deux plats, deux cafés, deux sodas,
on s’agaçait tout de même, de l’éco-
le à sa cantine, à voir ainsi plébisciter
le fumeux et le pipo.
01 43 57 20 29. haute volée fran-
Horaires : çaise pour son ta-
Tous les soirs sf lun lent à faire d’un
et mar. Déj. le sam. restaurant cet
Métro : instant suspendu
Parmentier. où, paraît-il, l’es-
prit vient en
mangeant. Eux, patients d’avoir appris
la vérité du métier aux vraies places
chez les vrais grands. Eux, sincères à
renouer aux dessus chics de nappes po-
sées sur les tables comme à baisser les
lumières sur une salle pas franchement
paniquée d’oser une élégance. Eux,
brillants surtout à installer, à chaque
plat, une authentique personnalité
culinaire où les saveurs triomphent
soudain des mots de la chronique. Lors-
que sens du produit, vérité de la flamme
et sortilège saucier effacent les superla-
tifs qui pourraient dire l’émotion d’une
tarte brûlée au parmesan, d’un sous-
bois de céleri-rave et champignons
croquants, hollandaise vinaigrée de
Xérès, toast au lard de Colonnata,
bouillon terreau, d’autres assiettes qui
passent et qu’on n’oubliera pas.
Avec qui ? Un(e) complice.
Une, deux, trois assiettes… Veau
de Galice en tartare légèrement fumé,
cacahuètes, crème glacée d’oursin :
puissant. Rouget à la bourguignonne
rôti à la poêle, choux de Bruxelles au
beurre noisette, joue et jus de bœuf,
épinards acidulés : une ode au terroir.
Topinambour caramélisé, glace à la
noisette du Piémont, praliné au café,
mousse au chocolat 70 % : élégante pâ-
tisserie qui descendrait au verger.
Dans le verre ? Cave judicieuse et
carte claire à privilégier le parti pris
plutôt qu’à en faire des tonnes et des
Marie Desprez
caisses. Et voilà comment on y décou-
vre la première et limpide cuvée beau-
jolaise d’un grand de Bourgogne,
Brouilly La Folie 2022 chez Nicolas
Rossignol.
Service : de l’adresse, de l’écoute et
beaucoup de fraîcheur.
L’attention : l’ouverture le diman-
che soir. Quelle paix !
Zut ! Si vous trouvez, dites-le nous.
L’addition : justifiée dans son rap-
port créativité-prix. Menus à 80 €
(4 séquences) et 120 €. Carte entre 55 €
et 90 €.
Quelle table ? Toutes désirables
mais petite préférence pour l’As en in-
timité de la cuisine et, dans un angle, le
tendre marbre de la 4.

Valrhona est un mastodonte du chocolat,

Papa O’Rum

MAIS ENCORE…
Néonato

fournisseur d’un nombre incalculable de

pâtissiers et chocolatiers du monde en-
tier. Loin de l’offre de tablettes et bon-
bons, le géant de Tain-l’Hermitage a
imaginé sa boutique parisienne comme
une cave à chocolat pour les pâtissiers
amateurs, où l’on achète en vrac les crus
et couvertures les plus célèbres de la
maison. Elle jouxte la nouvelle école Val-
rhona, réservée aux professionnels. À
vous de choisir votre typologie préférée :
la version lait au parfum de caramel
addictif Caramelia, le noir plus corsé
Araguani…
LA PÉPITE. Il existe aussi une courte
gamme de boissons à commander au
comptoir, imaginée avec le mixologue
Victor Delpierre, comme ce mocaccino
très gourmand infusé au grué de cacao et
coiffé de chantilly vanillée.
PÂQUES 2024. Pas de gamme de Pâ-
ques, mais des chefs invités régulière-
ment pour faire découvrir leurs créations
pâtissières chocolatées le temps d’un
week-end. La venue des talentueux frè-
res Dorner (Lyon) est prévue prochaine-
ment, guettez-là !
47, rue des Archives (3e).
Tél. : 07 86 54 70 59. Du mer. au dim.
Le service. À vue d’œil, ces vieux
de la veille, vieux de la vieille ont à
peu près dû servir toutes les promos
depuis celle de 1993 (Bruno Le Maire).
Plus vraiment dupes de la comédie
autochtone et visiblement moins
pressés de savoir où se trouve la
prochaine petite gloire que de servir
leur énième steak tartare.
Le public. Un entre-soi se persua-
dant de n’être pas tout à fait hors sol
à se colleter deux œufs bio mimosa
et des gnocchis gorgonzola.
Est-ce cher ? Très « en même
temps » ! À la carte, 35-45 €. Côté for-
mules, 12,90 € (étudiante) et 20,90 €
(déj.).
Faut-il y aller ? Rien qui n’obli-
ge, rien qui n’interdise. On n’en est
pas encore aux amphis de l’école
d’à-côté.
34, rue de Grenelle (7e).
Tél. : 01 42 22 59 46. Tlj sf dim
de 7 h 30 à 1 h.
Métro : entre Rue-du-Bac
et Saint-Germain-des-Prés.
+
Neonato
Genre : dans ce quartier d’entre Halles
et Beaubourg préposé aux mauvaises
rencontres culinaires que vient doubler
cette grande salle grise où l’on prend
table comme on pointerait à l’usine, la
bonne surprise d’une cuisine come a
casa plutôt réussie, voire même au-de-
là (papardelles aux mûres et au café).
Prix : environ 40-60 €. Menu (déj.) à
23 €. Soupe de lentilles et cotechino : en
toute simplicité. Spaghettonis aux to-
mates fraîches : juteuses. Cotoletta con
osso alla Milanese, patate al forno : il y a
de quoi faire. Fiocco di neve al pistac-
chio (brioches, crème fouettée au prali-
né de pistache) : girondes.
Avec qui ? Padre, madre.
Bonne table : l’as. Service certifié
transalpin.
182, rue Saint-Martin (3e).
Sans tél.
+
Kuna
Genre : après tant d’autres, le fameux
naan indien se découvre à son tour un
mange-debout obsessionnel. On crai-
gnait le pire, la street imbécile, les zi-
gouigouis de recettes et le fourrage au
Nutella, il n’en est rien ! C’est du direct,
bien traité, bien fourni. Un petit bon-
heur sauce Bollyfood du côté de South
Pigalle.
Prix : environ 10-20 €. Pulled naan
(échine de porc confite au curry) : tout
en rebonds. Soupe dhal (lentilles corail,
oignons rouges, gingembre et épices) :
brouet tonique. Riz au lait à la carda-
mome : zut, trop mastic.
Avec qui ? Un non-violent.
Bonne table : pas d’histoire, quelques
rares fixées face mur ! Service la tête
dans ses fourneaux.
39, rue Jean-Baptiste-Pigalle (9e).
Sans tél.
+
Papa O’Rum
Genre : case, créole et familiale, où les
soirs, les verres et de joyeux gadjaks
(les tapas mauriciennes) mènent inlas-
sablement au rhum. À moins que ce ne
soit l’inverse… Bien s’assurer de tenir la
forme avant de s’y caler.
Prix : environ 25-30 € sans les verres.
Achards de légumes : faciles à dégou-
piller. Rougaille de poulet : gentiment
épicé. Salmi de bœuf au tamarin : ra-
goût opportun à soutenir le boisé d’un
rhum Labourdonnais Lady Blue. Flan
coco : sucré pour sucré, lui préférer la
Nana vanillée (liqueur de rhum fusion à
la vanille, jus d’ananas, citron) de la
barmaid, plus convaincante.
Avec qui ? Un urbain flibustier.
Bonne table : droit au but, la ban-
quette devant le comptoir. Joli bagout
de service.
243, rue du Faubourg-Saint-Antoine,
A

Chocolats entre 40 € et 59 € le kg. Tlj sf lun. Tous les jours. (11e). Tél. : 09 78 81 08 79. Tls sf dim et lun.
Boissons entre 6 € et 8 €. Métro : Étienne-Marcel, Rambuteau. Métro : Saint-Georges. De 18 h à 2 h. Métro : Faidherbe-Chaligny.
 38 vendredi 22 mars 2024 le figaro Le Figaro Scope
v o t r e w e e k - e n d à . . .

La Fondation du Doute.

La chambre de Catherine de Médicis

au Château de Blois.

À Blois, au pays de l’avant-garde !

Philippe Viguié Desplaces Envoyé spécial à Blois
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La ville royale se révèle la plus culturelle République Jardins de
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des destinations des bords de Loire. Art,
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théâtre, danse, patrimoine… Deux jours suffisent R.

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à peine pour en épuiser les ressources. de

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gâté, la cité qui fut jadis diri- de lys. Sur un écran plat, une reconsti-
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Gare Louis XII

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les initiatives à succès. Cer- de la construction du château. Tout tta des Lices
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tes, il y a le château qui domine la ville, commence par la forteresse des comtes m es La Maison
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en coiffe son sommet sans jamais de Blois, à laquelle Louis XII ajoute un Muséum de la magie.
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l’écraser, mais il y a surtout le reste.
Emportés par une dynamique de terri-
toire, où la créativité n’est jamais loin,
les talents les plus divers semblent
s’être donné rendez-vous ici. Une
compagnie new-yorkaise de danse
lance un festival, une scène nationale
met à l’affiche sa riche programmation,
tandis que la Fondation du doute expo-
se depuis quelques jours un artiste aussi
rare qu’inclassable : Benoît Huot (jus-
qu’au 2 juin 2024). Dans un ancien cou-
vent relooké par l’artiste Ben, une
trentaine d’œuvres de Huot sont réu-
nies, multiples et bigarrés, puissantes
et fantastiques. Le travail de l’artiste
consiste à costumer des animaux
« taxidermisés », à qui il restitue une
part d’humanité. Ses silhouettes, d’ap-
parences fragiles, constituent une sorte
de bestiaire mythologique, qui joue sur
les frontières entre le naturel et le
culturel. « On ne sait plus très bien de
quel monde il s’agit, on fait face à des
chimères qui n’ont pas d’identité propre
et dont la vision est assez troublante »,
explique Gilles Riou, directeur de la
Fondation du doute, à l’initiative de
cette expo joliment intitulée « Le peu-
ple qui vient ». Créée par la ville de
Blois en 2013, la Fondation du doute
abrite aussi une impressionnante col-
lection d’œuvres du courant avant-
gardiste américain des sixties, connu
sous le nom de Fluxus. Parmi elles, un
festin signé Daniel Spoerri, Treize ta-
bleaux pièges astro-gastronomique, qui
impressionne par sa poésie et son réa-
lisme. Tout ici est surprenant et convo-
que l’imaginaire, comme au rez-de-
chaussée de la fondation, dans ce bar
imaginé et décoré par Ben. Décoiffant !
■ L’entrée à l’exposition « Le peuple
qui vient » est libre. L’accès à la collection
permanente : 7 €. 14, rue de la Paix.
fondationdudoute.fr
Visites
1. Le château
C’est la grande affaire de Blois. Celle de
nos rois Valois, surtout, mais pas seule-
ment… Chacun y a apporté une aile sans
(presque) jamais détruire celle de son
prédécesseur. Le résultat est bluffant.
A
premier logis. Plus tard, c’est au tour de
François Ier de construire le sien et, en-
fin, de Gaston d’Orléans. Au total, qua-
tre châteaux en un, que l’on embrasse
d’un seul coup d’œil depuis le centre de
la cour d’honneur. De la forteresse mé-
diévale, il ne reste qu’une salle et quel-
ques éléments de remparts. La partie du
château élevée par Louis XII fut ampu-
tée d’une aile. Celle de François Ier, dont
ce fut le premier chantier, est restée in-
tacte. On y admire le magnifique esca-
lier à vis, le premier construit en façade,
tel un ornement. Osé pour l’époque…
Gaston d’Orléans, le frère de Louis XIII,
que le roi éloigna à Blois, éleva plus tard
son propre logis, du plus pur XVIIe.
Mort avant la fin des travaux, le prince
ne l’habita jamais, pas plus qu’aucun
autre souverain. C’est aujourd’hui une
coquille vide, dont la façade est de toute
beauté, tout comme l’entrée qu’un
dôme de 30 mètres de hauteur rend
particulièrement impressionnante.
Louis XVI, qui se désintéressait de
Blois, eut pour projet de le détruire. La
Révolution, à qui on doit par ailleurs
tant de mutilations, y compris à Blois,
sauva la demeure des rois, que Napo-
léon affecta à son armée. Voilà Blois
transformé en caserne. Après une lon-
gue période de déshérence, le château
revint à la vie dans la seconde moitié du
XIX siècle, oxygéné par une restaura-
tion menée par l’architecte Félix Du-
ban, dans un style troubadour parfois
sirupeux. Qu’y voit-on ? Dans le châ-
teau, dit de François Ier, les apparte-
ments royaux, dont la chambre de la
Reine (Catherine de Médicis). Félix Du-
ban eut la main un peu lourde et cer-
tains foisonnements de couleurs et de
motifs donnent le tournis. Reste que la
muséographie est datée et finit par nui-
re au monument, comme la présenta-
tion du mobilier, souvent exceptionnel,
qui demeure parfois confuse. La nomi-
nation récente d’un nouveau directeur,
Bastien Lopez, 28 ans, devrait donner
une impulsion nouvelle au château,
mais le chantier est immense ! On se
rattrape sur l’architecture et surtout sur
le Musée des beaux-arts, qui a élu do-
micile dans l’aile Louis XII du château.
■ Entrée : 14 €, réduit : 10,50 €.
6, place du Château.
en s d’histoire
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100 m
2. Le Musée
des beaux-arts
Labellisé « musée de France » depuis
2022, il présente dans d’anciens appar-
tements royaux une partie de la collec-
tion de 35 000 pièces. Le trésor de
guerre du château, essentiellement des
dons et des legs, accumulés depuis le
XIXe siècle. Dans une première salle,
l’accrochage favorise les sujets reli-
gieux, comme cette magnifique Vierge
donnant la bouillie à l’enfant Jésus, de
Jacques Stella, qui se forma à la cour de
Cosme II de Médicis (à Florence), avant
de devenir l’intime de Nicolas Poussin.
De très belles œuvres encore sont don-
nées à voir dans les pièces suivantes :
un portrait d’Anne-Marie d’Orléans
par Nicolas de Largillière, un Louis XV
par Van Loo, ou encore, plus près de
nous, un portrait bourgeois de Jean-
Léon Gérôme et une intéressante scène
pastorale de Rosa Bonheur, où la pein-
ture animalière accorde plus de place
au paysage - chose rare - qu’à ses mou-
tons. Une collection assez méconnue
ie
naturelle
de
ire
Qu Lo
que Bastien Lopez entend valoriser :
« Ce qui nous différencie des autres châ-
teaux de la Loire, c’est ce lien intime et
constant entre château et cité. Blois est
une demeure royale dans une ville avec
qui elle a toujours eu des interactions,
qu’il convient aujourd’hui de réinven-
ter », conclut-il.
■ 6, place du Château.
Tél. : 02 54 90 33 33.
chateaudeblois.fr
La visite insolite
Elle permet à un petit groupe de 18 per-
sonnes maximum de s’approcher au
plus près de l’architecture du château et
de comprendre les étapes qui ont mar-
qué sa construction, par l’accès donné à
des lieux habituellement fermés au pu-
blic. Le plus spectaculaire est la tour du
rempart, sur laquelle on arrive par un
escalier de bois resté dans son jus. Une
fois atteinte la plateforme de la tour, la
vue est étonnante. On domine à plus de
30 mètres de haut la ville de Blois, dont
les toitures et les maisons semblent lé-
cher le mur d’enceinte. Au lointain cou-
l
le la Loire, dont l’eau sous la lumière du
matin semble frissonner. Les combles,
le belvédère du roi (sur la façade côté
ville) et une salle dans l’aile dite de Gas-
ton d’Orléans, sont encore au program-
me de cette visite passionnante.
■ Sur réservation, tarif : 7 € en sus
du prix d’entrée. chateaudeblois.fr
Sortir
Le son et lumière
À Blois, plus que partout ailleurs, la di-
versité des façades se prête aux mises
en scène à effets spéciaux. Le son et lu-
mière du château, visible de la cour,
épouse les volumes de l’édifice avec
élégance. Flammes de bougie vacillan-
tes, effets de cendre, façade embossée
d’or et enluminée envahissent les ailes
du château, durant 45 minutes, dans un
feu d’artifice de couleurs (du 6 avril au
22 septembre autour de 22 h).
■ Entrée : 11,50 €, réduit 7 €.
chateaudeblois.fr
3. La Maison
de la magie
Hommage à l’inventeur de la magie
moderne au XIXe siècle, Jean Eugène

Studio Azoth
On en mesure toute la complexité dans Tél. : 02 54 90 33 33. Arts Center. Le château de Talcy.
la grande salle médiévale, 540 m2, dont chateaudeblois.fr

Robert-Houdin, natif de Blois. La
maison fait 2 000 m2 et sa visite est
très interactive. Dans un grenier re-
constitué à la manière d’un décor de
cinéma, des magiciens animent des
ateliers où l’on apprend des tours
basiques (mais qui font quand même
leur petit effet). Après avoir traversé
quantité de salles et vu nombre
d’objets « charmants », comme une
caisse à découper une femme, on as-
siste à un spectacle d’illusion dans le
grand auditorium. Un seul regret, ne
pas en savoir plus sur des tours obsé-
dants qui gardent leur secret.
■ 1, place du Château.
Tél. : 02 54 90 33 33.
maisondelamagie.fr
4. La halle aux grains
Changement de décor dans ce lieu,
lui aussi assez magique, mais pour le
charme qu’il dégage et pour l’inspi-
ration qui l’habite. Cette ancienne
halle aux grains dans son architectu-
re du XIXe siècle, n’est ni plus ni
moins qu’une scène nationale de
théâtre, installée en 1993. À sa tête,
un homme de théâtre, Frédéric
Maragnani s’échine depuis deux ans
à dynamiser la salle en mettant en
lumière la personnalité des artistes,
comme avec ce « seul-en-scène »
qui, du 2 au 6 avril, met chaque soir
face au public une tête d’affiche dif-
férente dans la vérité de son art.
Théâtre, danse, concert de musique
classique et actuelle : plus de cin-
quante spectacles (120 représenta-
tions) sont ici proposés, devant une
salle de 630 places.
■ 2, place Jean-Jaurès.
Tél. : 02 54 90 44 00.
halleauxgrains.com
Expérience
Danse et yoga
Danseur originaire de Blois, Jonathan
Breton, la trentaine, a créé il y a
dix ans à New York la compagnie
Azoth Dance Theatre, avant de reve-
nir en 2019 au pays de son enfance.
Dans un étonnant parcours, le jeune
homme poursuit sur les bords de Loire
son activité et a créé le Festival Blois-
Danse (le prochain : du 4 au 12 juillet).
Forts de leurs expériences, les dan-
seurs proposent le week-end des ate-
liers de pilates, yoga, danse latine,
danse classique… dans leur studio
Azoth Arts Center. « Une manière aus-
si de casser les murs entre les danseurs
professionnels et le public », explique
son initiateur, Alexandre Balmain.
■ Cours à partir de 16 €.
641, avenue du Grain-d’Or, Vineuil.
Tél. : 06 76 17 39 26.
azothdancetheatre.com
Un souvenir
à rapporter
5. Le pavé de Blois
L’assemblage fondant réunit, dans
une même bouchée, un praliné fin à
Le Figaro Scope
l e s b o n n e s t a b l e s
Cinq adresses à découvrir
dans le Tarn-et-Garonne
j. CLEMENT-CUZIN/pashrash, D. LEPISSIER, M. Lassalle, Service de presse, C. Mouton - CRT Centre-Val de Loire
Élodie Pages
Nos restaurants
coups de cœur
à Caylus, Laguépie,
Montech
et Montauban.
D
ans le Tarn-et-Garonne,
terre de produits et de bien-
manger, les bonnes adresses
se soufflent et se révèlent à
qui veut bien les chercher. Au centre
des villes, jusqu’au cœur des villages :
en voici cinq à explorer.
La plus voyageuse
Giramondo
CARTE : env. 30 €.
43, av. du Père-Évariste-Huc (Caylus).
Tél. : 05 63 92 14 62.
l’ancienne, aux amandes et noiset- Tlj sf dim. (dîn.), lun., mar. (dîn.)
tes, et un carré de nougatine cro- et mer. (dîn.).
quante. On ne trouve cette petite
douceur qu’ici, spécialité de la mai- LE LIEU. Il manquait au petit village de
son Buret (Stéphane Buret), réputée Caylus des saveurs créatives et des as-
la meilleure pâtisserie chocolaterie
de Blois, dont le pavé peut s’offrir
siettes de saison pour mettre en valeur
les belles pierres. C’est maintenant
dans un joli étui cadeau en petites chose faite grâce à Léonie, en salle, et
bouchées (9,50 €). Mariano, en cuisine. Après avoir arpen-
■ 20, rue du Commerce. té le monde, le couple a ouvert un res-
maisonburet.fr taurant globe-trotteur - traduction de
l’italien « giramondo ». Le lieu est à lui
seul une invitation au voyage, avec ses
À table ! tons chauds, ses touches de rotin et ses
6. L’Oratoire souvenirs encadrés.
L’ASSIETTE. Cosmopolite, elle em-
Cette nouvelle adresse a ouvert ses prunte à l’Italie, pays d’origine du chef,
portes en face du château dans son avec toujours un plat de pâtes ou de
ancienne Orangerie. La déco chic, gnocchis maison. Les assiettes colorées
banquettes fleuries et mur de verdu- voyagent ensuite au Sénégal (poulet au
re, donne du cachet à ce lieu atypi- beurre de cacahuètes), au Maghreb
que qui, aux beaux jours, sert sa cui- (carottes à la marocaine) avant de
sine traditionnelle en terrasse. revenir en Europe avec un poireau
■ Autour de 30 €, sans les vins. vinaigrette bien twisté au speck et à la
1, avenue du Docteur-Jean-Laigret. crème de feta. Tout est fait sur place,
Tél. : 02 54 78 05 36. même le pain.
loratoireblois.fr BRAVO. Le restaurant ouvert à l’année
et le brunch du dimanche qui change
7. Le Petit Honfleur les habitudes du coin.
DOMMAGE. On se laisserait bien tenter
Une jolie adresse nichée dans un bâti par un peu plus de complexité dans les
de charme au cœur du vieux Blois. assiettes.
Cuisine de produits du terroir, petits
plats mijotés et une excellente cave à
vin des pays de la Loire, rendent ce
restaurant plutôt attachant. Il est La plus canaille
prudent de réserver.
■ Autour de 35 €. 18, rue Beauvoir.
Antoine Omnivore
Tél. : 09 72 34 06 48. MENUS : 25 € (déj.) et 42 € (dîn.).
lepetithonfleur.fr 10, rue d’Auriol (Montauban).
Tél. : 05 63 03 03 91.
Tlj sf dim. et lun.
Où dormir ?
8. L’hôtel Mercure LE LIEU. En réalité, c’est une rue ! En-
fant du pays, le chef Antoine Labroche a
On dirait un vaisseau. Installée sur les
bords de la Loire, dans le bas de la ville,
ouvert au fil du temps trois adresses en
enfilade : un bar à vin, un bistrot à par-
son architecture contemporaine, abri- tager et un restaurant bistronomique.
tant 96 chambres, lui donne belle allu-
re. Du lobby, un escalier de stars
On pousse le rideau de ce dernier pour
plonger dans un dédale de salles cos-
conduit à un premier palier, le bar, sues où dînent avec ferveur les Montal-
bordé d’une piscine intérieure. Les banais, entre bibliothèque et cheminée,
couloirs ajourés sur deux étages offrent où grillent les pièces de viande. Au pla-
une vue plongeante sur l’ensemble. fond, des abat-jour tels des arbres à
■ Chambre autour de 150 €. souhaits éclairent les tables.
28, quai Saint-Jean. L’ASSIETTE. La mise en bouche donne
Tél. : 02 54 56 66 66. le ton : un morceau de paleron de bœuf
accor.com fouetté par un joli condiment aïoli et
cornichon. Elle fait place à des tortelli-
nis de truite fumée des Pyrénées, plus
L’excursion convenus mais bien fagotés, avec leur
Château de Talcy fumet crémé et leur tarama d’œufs de
truite et vieille mimolette. Surtout, le
À une trentaine de minutes de Blois, ris de veau rôti au beurre et son brillant
le château de Talcy, géré par le Centre jus de champignons relèvent ce menu
des monuments nationaux, est tout à canaille.
la fois un lieu bucolique au beau mi- BRAVO. Les deux petites sœurs voisi-
lieu d’un joli parc et une demeure qui nes : l’annexe Segment et le bar à vin.
vit naître Cassandre, la muse de Ron- DOMMAGE. Les tables rapprochées qui
sard, dont on célèbre cette année le font parfois passer du festif au bruyant.
500e anniversaire de la naissance.
Élevée par un banquier de Catherine
de Médicis, la demeure a été acquise
par l’État dans les années 1930, avec La plus artistique
l’entier mobilier. De quoi restituer à
merveille ce qu’était une maison de
L’Angle
famille au début du XXe siècle. MENUS : 19 € (déj.) et 35 € (dîn.).
■ Entrée à partir de 6 €. 11, rue du 19-Mars-1962 (Laguépie).
18, rue du Château, 41370 Talcy. Tél. : 06 79 59 31 49.
chateau-talcy.fr Tlj sf dim., lun., mar. (dîn.) et mer. (dîn.).
le figaro vendredi 22 mars 2024
Giramondo.
L’Angle.
Nous.
Antoine Labroche,
chef d’Antoine Omnivore.
LE LIEU. Après avoir fait ses classes à
Paris chez Potel & Chabot et Fauchon,
puis près de Cannes, à La Tonnelle, le
chef Arnaud Ronxin est venu placer un
nouvel « A » à Laguépie. Après l’A Ter-
rasse, voici donc l’Angle. Un restaurant
contemporain qui s’habille d’œuvres de
street art - dont celles de sa femme,
Adèle - ornant les murs. Assis à la gran-
de table ronde, sur des chaises dépa-
reillées, on observe le chef travailler à
travers la verrière.
L’ASSIETTE. Elle est tout aussi artisti-
que, et surtout locale. Les légumes
viennent de Riols ou de la ferme de la
Verdurette, à Cordes-sur-Ciel. Le pain
est réalisé par Fanny Camus, qui culti-
ve son blé et produit sa farine à Ginals.
Le chef les réunit avec une droiture
impulsive et des recettes bien condi-
mentées. On aime ses créations à con-
tre-emploi : en été, gaspacho de pê-
ches jaunes en entrée et, en dessert,
tomate façon Melba.
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d e . . .
Service de presse
BRAVO. La courte carte des vins donne
à boire du local avec les domaines Gay-
rard et Vayssette. Celle des cocktails
propose des créations sans alcool.
DOMMAGE. À quand une terrasse pour
profiter du village aux beaux jours ?
La plus plaisancière
Bistrot Constant
MENU : 25 €.
CARTE : 45-60 €.
25, rue de l’Usine (Montech).
Tél. : 05 63 24 63 02.
Tlj sf lun. et mar., dès 9 h.
LE LIEU. En bordure du petit port de
Montech, le Bistrot Constant campe
dans l’ancienne maison de l’éclusier.
Autrefois entre les mains du grand chef
Christian Constant, le bistrot a été re-
pris par son associé, Christophe Mar-
que. Lequel entretient depuis l’esprit
des lieux et des plats signatures. Les lo-
caux y font bombance. Une certaine ef-
fervescence en découle, insufflant de la
convivialité à ces deux grandes salles au
mobilier contemporain.
L’ASSIETTE. Qui résisterait au tartare
de bar, saumon et huîtres relevé au gin-
gembre, caviar avruga servi dans ses
coquilles ? Il est frais et léger, parfait
pour se mettre en appétit. Christophe
Marque rend aussi hommage à son ter-
roir, avec son cassoulet au cochon de la
Maison Garcia ou son travers de porc
noir de Bigorre sauce vin rouge, aranci-
ni au parmesan.
BRAVO. Le fromage travaillé sous for-
me de mousse de fromage frais, crème
de mesclun, poire, copeaux de bethma-
le et glace petit basque.
DOMMAGE. Le service, efficace, mais
parfois trop pressé.
La plus confidentielle
Nous
MENUS : 28 € (sem.) et 31 € (sam.).
7, rue Bessières (Montauban).
Tél. : 05 63 91 97 03.
Tlj sf WE au déj. et un sam. midi par mois.
LE LIEU. Bienheureux celui qui tombe
sur ce petit restaurant situé dans la rue
des coiffeurs de Montauban. Il ne reçoit
que le midi en semaine et un samedi par
mois. Raphaël et Élise Campas, forts de
leur CV rutilant (Guy Savoy, Franck
Quinton, Frank Renimel, et des incar-
tades gastronomiques entre Londres et
L’Australie), accueillent aujourd’hui les
clients dans ce Nous de 24 couverts,
simple, coquet et fort discret.
L’ASSIETTE. Elle est sincère, sans
grande démonstration, mais non sans
relief. La carte est courte, le menu
imposé le samedi, prônant le très local
jusque dans le verre et la coutellerie.
On démarre par une courge de Nice,
crème de roquefort et croûtons de
pain de mie maison. On continue avec
une raviole de joue de bœuf en forme
de bonbon, épaisse mais relevée d’un
jus corsé. En dessert, le macaron
chocolat yuzu pose un point final
attendrissant.
BRAVO. La sélection courte, mais exi-
geante de produits locaux à la vente.
A
DOMMAGE. L’atmosphère si timide
que l’on s’oblige presque à chuchoter.
 Le printemps fleurit

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