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1 cr. P. CAMPlON, Mallarmé. Poésie et philosophie. Paris, Presses universitaires de France, 1994. PHILOSOl'HlES.
2 S. M.YLLARMÉ, Magie, dans Œuvres complètes. Paris, Gallimard, 1992, p. 400. BIBLIOTHÈQUE DE LA PLÉIADE.
3 S. MALL\R,IÉ, L'Azur, dans Œuvres complètes, op. cit., p. 38 :
[ ... ]l'Azur triomphe, et je l'entends qui chante
Dans les cloches. Mon âme, il se fait voix pour plus
Nous faire peur avec sa voix méchante,
Et du métal vivant sort en bleus angélus.
Il roule par la brume, ancien et traverse
Ta native agonie ainsi qu'un glaive sûr;
Où fuir dans la révolte inutile et perverse ?
Je suis hanté. L'Azur! l'Azur 1 l'Azur 1 l'Azur!
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Maurice Blanchot, dans l'ouvrage qu'on lui doit sur l'espace littéraire de la
création,9 livrait d'une formule le mysterium de la poétique mallarméenne:
[ ... ] ayant ce pouvoir de faire se<< lever>> les choses au sein de leur absence, maîtres de
cette absence, les mots ont aussi pouvoir d'y disparaître eux-mêmes, de se rendre mer-
veilleusement absents au sein du tout qu'ils réalisent, qu'ils proclament en s'y annulant,
qu'ils accomplissent éternellement en s'y détruisant sans fin, acte d'autodestruction, en
tout semblable à l'événement si étrange du suicide, lequel précisément donne toute sa
vérité à l'instant suprême d' Igitur.IO
4 Cf. J. DERRIDA,« La Double Séance», dans La Dissémination, Paris, Éditions du Seuil, 1972, pp. 199-318.
TEL QuEL.
5 Cf. J.-P. RICHARD, L'Univers imaginaire de Mallarmé. Paris, Éditions du Seuil, 1961.
6 S. MALLARMÉ, L'Azur, op. cit.
7 S. MALLARMÉ , lgitur, dans Œuvres complètes, op. cit., p. 442.
8 P. C\MPION, op. cit., pp. 10-42.
9 M. BLANCHOT, L'Espace littéraire. Paris, Gallimard, 1988. Fouo EssArs.
10 Ibid., pp. 44-45. Sur l'interprétation spécifique d'lgitur, cf. pp. 135-150. Nous ne questionnerons pas ici la
thèse de Blanchot, à tant d'égards problématique, pour laquelle l'espace du génie littéraire s'émeut identique-
ment dans la béance mortelle de l'absence (du« désœuvrement>>). Nous indiquons seulement, par manière de
MORTEL AZUR. SENS ET NÉANT CHEZ S. MALLARMÉ 77
Tel est le «point central», «auquel toujours Mallarmé revient comme à l'inti-
mité du risque où nous expose l'expérience littéraire»'':« il a vu le rien à l'œu-
vre ».12 Sous le signe d' lgitur, «le rêve pur d'un Minuit »,13 s'expose donc
toute la profondeur de l'exinanition du monde, du sommeil de l'amour, que
l'écriture mallarméenne donne en partage de pureté dans «la clarté unique de ce
qui s'éteint ».14 Terrible témoignage du poète lui-même, dans une lettre où s'an-
nonce le diamant nocturne qu'il découvre dans les forages intérieurs provoqués
par le verbe :
[ ... ]en creusant le vers à ce point, j'ai rencontré deux abîmes qui me désespèrent. L'un
est le Néant[ ... ] L'autre vide que j'ai trouvé est celui de ma poitrine15
Les dés sont donc jetés dans l'absence adamantine du minuit étale de la
pensée. C'est sous ce signe lustral de la mort que doit s'entendre l'œuvre mallar-
méenne. L'étude, dans la forme d'un long - et talentueux - commentaire
composé, que nous offre P. Campion, prolonge d'une certaine manière la vision
de Blanchot, découvrant, avec une grande précision, la modalité concrète de
cette négativité fondamentale, dont on voit bien qu'elle motive la poétique de
Mallarmé dans son entièreté : comment la « néantité » (la nullité mortelle de
l'Idée, dont Campion rappelle dès l'abord qu'elle surgit d'entre les blancs des
mots et la fragilité de leurs rapports poétisés)l6 détermine-t-elle l'exercice posi-
tif du vers ? Il s'agit de clarifier la « petite mort » du monde en tropes, par où
justement, chez Mallarmé, se lève et s'accomplit le rien.
Cet effort nécessite avant toutes choses l'anamnèse de l'idéalité du néant,
la caractérisation préliminaire de son travail transcendant. La dureté du néces-
saire surgit donc idéellement du mobile affolement poétique du langage :
suggestion. l'insistant skandalon de l'art chrétien (dont Blanchot demeure incurieux) qui, des versets johanni-
ques aux vers de Claudel, détient la mesure de gloire et d'amour où se révulse le sub contrario de 1' abîme cru-
cial du rien, de la kénose mortelle, en vie surabondante et plénière. La« négligence>> (Ibid., p. 134) mortelle qui
serait la condition de l' œu\Te ne doit-elle pas être entendue comme indijerentia de pur abandon aux formes
malléables de l'être o En ce cas, comme nous le dirons in fine, il n'est pas tant question de l'être néant que de
l'être kénotique, pure donation référente, médiation convoquant forcément le symbole : l'interprétation de l' œu-
\Te se modifie alors entièrement.
Il Ibid., p. 46.
12 Ibid., p. !37.
13 S. MALLARMÉ, Jgitur, op. cil., p. 435 : « C'est le rêve pur d'un Minuit, en soi disparu, et dont la Clarté recon-
nue, qui seule demeure au sein de son accomplissement plongé dans l'ombre, résume sa stérilité sur la pâleur
d'nn livre ouvert que présente la table ; page ct décor ordinaires de la Nuit, sinon que subsiste encore le silence
d'une antique parole proférée par lui, en lequel, revenu, ce minuit évoque son ombre finie et nulle par ces mots :
J'étais l'heure qui doit mc rendre pur>>.
]4 M. BLANCHOT, op. cil., p. 48.
15 Lettre à Cazalis, avril1866 (dans Correspondance. Paris, Gallimard, 1959, torne 1, pp. 207-208). Cf. M.
BLANCHOT, op. cit., p. 138 (à propos d'Jgitur): «C'est dans l'irréalité même gue le poète se heurte à une sourde
présence, c'est d'elle qu'il ne peut se défaire, c'est en elle gue, dessaisi des êtres, il rencontre le mystère de ce
mot même: "c'est", non pas parce que dans l'irréel subsisterait quelque chose, parce gue la récusation aurait été
insuffisante et le trayail de la négation arrêté trop tôt, mais parce que, quand il n'y a rien, c'est le rien gui ne peul
pins être nié, gui affirme, affirme encore, dit le néant comme être, le désœuvrement de l'être>>.
16 Cf. P. CAMPION, op. cit., pp. Il et suiY.
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17 Ibid., p.13.
18 P.C.'"tPION 1i\Te une fine analyse de l'évidement des vers eux-mêmes dans, et entre les poèmes mallarméens
(op. cit., pp. 22-26). Ce<< creusement>> interne des v·ers structure négativement l'abolissement des choses elles-
mêmes dans Je vers.
19 Ibid., p. 16.
20 S. MALLARMÉ, lettre à Cazalis, octobre 1864 (dans Correspondance, op. cit., p. 137). Citée dans P. C.\MPION,
op. cit., p. 16.
21 P. C."tPION, op. cit., p. 13.
22 S. MALLARMÉ, Crise de vers, dans Œuvres complètes, op. cit., p. 364.
23 Ibid. Cf. P. CAMPION, op. cit., p. 64: <<Cette incapacité des langues naturelles à J'univocité, qui est une inca-
pacité à la vérité, Mallarmé l'assume pleinement: puisque la poésie ne peut supprimer cette faute (heureuse
faute encore 1), ne vaut-il pas mieux la<< rémunérer>>? C'est-à-dire en gouverner sciemment les mécanismes et
les effets, en vue de la vérité [... ] ».
24 S. MALLAintÉ, Igitur, op. cil., p. 439.
25 S. MALLAR~IÉ, Crise de vers, op. cil., p. 364.
26 Ibid.
27 P. C.AMPION, op. cit., pp. 21-22.
MORTEL AZUR. SENS ET NÉANT CHEZ S. MALLARMÉ 79
monde (en reflets, tournures et fragances frappées d'abandon aussitôt que sug-
gérées). Mais l'or des mots prétend bien pourtant exprimer28 le réel transformé
par la magie du vers. L'expression, ensuite, se fait selon le mode (aristotélicien)
de la mimésis, de l'expression attentive à la représentation. Mais expression,
imitation et transposition s'entretiennent par le seul abolis seme nt qui les motive
dans la philosophie mallarméenne :
La découverte fondamentale de Mallarmé, dès l'époque d'Hérodiade, est très simple,
mais déterminante: l'expression littéraire, en tant que mode de l'imitation du réel, ne
peut se concevoir que comme sa négation.29
Il ne s'agit donc pas, comme chez Rilke, d'une introversion des choses en
regard, en monde propre, mais, comme nous en prévenait d'emblée Blanchot,
d'un analogue du suicide, d'une mort de ce qui est en ce qui fut effet:
Je dis: une fleur! et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que
quelque chose d'autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave,
l'absente de tous les bouquets30
28 Ibid., pp. 22-26. L'auteur y montre Je radical réel de l'abstraction poétique propre au poème Le Sonneur.
29 Ibid., p. 26.
30 S. MALLARMÉ, Crise de vers, op. cit., p. 368.
31 Ibid., p. 366.
32 P. CAMPION, op. cit., p. 35.
33 S. MALLAR~IÉ, Crise de vers, op. cit., p. 366.
80 E. TOURPE
Tout le coup de force est là, qui déscellait pour l'univers à venir des symbolistes
(Verhaeren, Rodenbach, Vielé-Griffin, Saint-Pol-Roux, Moréas ... ) la pierre
d'angle classique de l'imitation spéculaire, d'une seule et insistante intuition:
relancer le sens par l'allusion, désengager le réel de sa vulgaire promiscuité
ustensile, détendre la toile du mystère, sacraliser. N'était l' abolissement dialec-
tique, rappelant Hegel (mais ici donc le néant a une substance), on semblerait ici
se mouvoir dans l'univers kantien de l'« universalité sans concept» du beau.
Dans la seconde partie de son étude, Campion questionne donc avec jus-
tesse le procès de ce « sortilège» poétique, «tentative proche de créer» qui
symbolise sensément le monde :
Comment la poésie, ou plutôt la littérature, suggère-t-elle, dans le vers notamment, et
quelles sont la fonction et la signification de la suggestion dans la problématique mal-
larméenne du sens ?36
que, s'innerve surtout dans l'espace sacral d'un «rituel magique »,40 d'une
invocation liturgique à la surlogique d'une langue libre d'évoquer, une langue
devenue sacerdotale: la disparition du poète s'explique donc par son enrôlement
hiératique pour la mission qui lui incombe, la tâche incantatoire d'initier le lec-
teur à l'oraison des choses, l'oralité du sens.4I
Le poème mallarméen nous apparaît donc comme le drame, qui engage le
lecteur, d'un sens activement symbolisé(« il n'y a pas symbole, mais symboli-
sation» ).42
La symbolisation est le processus actif de l'abolition, en ce sens que chacune des signi-
fications passe dans l'autre, en y développant son propre modèle, que les plus immé-
diates ou les plus matérielles fondent et vivifient les plus élevées et les plus abstraites en
passant en elles et, enfin, en ce sens que ce mouvement est à mettre en œuvre par le lec-
teur, ou plutôt qu'il détermine, tout implicite qu'il soit, le lecteur à le mettre lui-même
en œuvre.43
3. Azur et Gloire
40 Ibid., p. 49.
41 Ibid., p. 50:" La Parole poétique est cette puissance qui détermine, dans l'esprit d'un lecteur, des émotions
et des événements qui déterminent à leur tour sa pensée, ou mieux, qui sont sa pensée».
42 Ibid., p. 61.
43 Ibid.
44 Ibid., p. 64.
45 S. MALLARMÉ, poème de 1895 (sans titre), dans P. CAMPION, op. cit., p. 33.
46 Cf. P. CAMPION, op. cit., pp. 79 et suiv.
47 Ibid., p. 95.
82 E. TOURPE
réale, un« rapatriement du divin dans la Terre même ».48 Adornée d'ombres, la
parole celée distend la clarté superficielle de l'étant en fibrures mystérieuses, en
articulations de ténèbres.49 On peut citer, parce qu'ils déploient ici toute leur
pertinence, les derniers mots que notre auteur a consacrés à la « métaphysique
de Mallarmé » :
[ ... ]la tâche critique de la raison mallarméenne n'est jamais achevée, parce que l'idée
de l'au-delà, comme la prose, ne demande qu'à renaître, à revenir et à nuire. La leçon
est la même que celle du Tombeau d'Edgar Poe (puisse l'éternité n'être que ce qui Le
change en lui-même) et que celle des derniers vers du Toast funèbre en tant que ceux-ci
évoquent, sous la forme aussi d'un vœu à remplir, un tombeau d'où le poète mort est
absent et où l'on aura enfermé la mort à sa place ou, plus exactement, ce qu'il croit
qu'elle est :
51 [ ... ]Afin que le matin de son repos altier
Quand la mort ancienne est comme pour Gautier
De n'ouvrir pas les yeux sacrés et de se taire,
Surgisse, de l'allée ornement tributaire,
Le sépulcre solide où gît tout ce qui nuit,
Et l'avare silence et la massive nuit
Ce Tombeau de Verlaine, qui est sans doute [ ... ]l'avant-dernier poème de Mallarmé,
continue donc jusqu'au bout la tâche philosophique du poète: tout le sens est dans le
texte, ce texte est dans la langue, et tout cela forme la seule garantie qu'il n'y a rien au-
delà de notre séjour. 50
On voit bien, à lire P. Campion, comment et combien l'Azur qui, chez Mal-
larmé, a détrôné le ciel, regimbe au concept logique. Tènement de l'Absence, le
trope déborde toute présentation rationnelle. Le néant n'est pas ici une hypostase
transcendante, mais l'acte même de déhiscence poétique des mots, vers le sens
seulement verbal où s'abolit le monde. Le sens lui-même, l'« idée nécessaire»
azurée se supprime dans son propre exercice. Par un paradoxe dont Campion
n'est pas responsable, ses analyses, probantes, quoique succinctes, sur la théorie
littéraire de Mallarmé témoignent de la grande pauvreté spéculative du poète. À
tout prendre, la logique de la démonstration n'aurait-elle pas dû conclure en
l'échec, précisément, d'une tentative à montrer la« philosophie» de Mallarmé?
48 Ibid., p. 97.
49 P. CA~IPION s'est également appliqué à préciser la pensée de Mallarmé sur le travail, l'histoire, l'économie et
la politique, la crise enfin (Ibid., pp. 103 et suiv.), pour y déceler le travail de la totalité sémantique (d'un<< mon-
de >>) à l'œuvre.
50 Ibid., p. 102. P. CAMPJON a pressenti, sans la questionner jusqu'au point où il aurait fallu la mener,
l'impossibilité ontologique de la conjonction mallarméenne du sens et du néant : " Quant à l'événement
fondamental, dont Mallarmé nous promet l'explication, ne serait-ce pas cette mort de Dieu [ ... ]?Il y a là une
difficulté certaine : voilà une poésie qui poursuit, depuis le début, pour et par des raisons poétiques, une critique
opiniâtre de la transcendance et qui, en même temps, fonde cette critique sur l'idée d'une cohérence organique
de l'expression littéraire, telle que celle-ci commande à son tour la cohérence organique de l'univers, de la
société, de la pensée. Pourquoi le travail de totalisation que Mallarmé avait porté à sa quasi-perfection dans le
vers n'a-t-il pas empêché celui-ci de se rompre? Finalement. la transcendance n'était-elle pas le seul fondement
de la totalité " Comment donc recréer et garantir une unité organique de tout ce qui existe après la mort de
Dieu ? » (Ibid., p. 116 ). Il y avait donc bien, chez Mallarmé, de quoi justifier à la fois 1' analyse de Richard,
pariant sur la totalité du sens, et celle de Derrida, qui veut la dissémination : Campion dévoile la collusion de
deux possibilités irréconciliées.
MORTEL AZUR. SENS ET NÉANT CHEZ S. MALLARMÉ 83
P. Campion dévoile l'intrinsécité du rien mortel, dont nous partions avec Blan-
chot, à l'exercice poétique lui-même, l'indifférence du but et de l'action ! Les
conditions de l'abolissement sont à ce point celles du néant que Campion n'a
jamais pu véritablement distinguer l'« esthétique de la négation » de la « poéti-
que de la suggestion », le « creusement» de la« symbolique», le néant du sens.
Que découvrir en effet sous l'effort mallarméen sinon un esthétisme (l'art
pour l'art), dont Proust aura raison de stigmatiser le naufrage ésotérique et caba-
listique ?51 Il y a, chez Mallarmé, concourante à l'intuition salutaire de la sug-
gestion, une profonde perversion du symbole en cette distraction négative du
sens que recouvre l'idéalité. Combien donc les premiers vers du «Cantique de
saint Jean», par lequel il achève son Hérodiade, s'appliquent à sa propre réso-
nance sur le destin historiai de la pensée :
Le soleil que sa halte
Surnaturelle exalte
Aussitôt redescend
Incandescent. 52
54 Concernant Heidegger. puisqu'il faut bien le nommer à l'entour de Mallarmé, nous serions enclin à nous
rallier au jugement plutôt averti de BALTHASAR: «Heidegger[ ... ] après le christianisme, annule de nouveau la
distinction acquise par la pensée chrétienne entre l'être limité non subsistant et l'être illimité subsistant>> (La
Gloire et la Croix, op. cil., tome 3, p. 191). ADORNO ne signifiait-il pas la même chose, lui gui sommait dans sa
Dialectique négative le penseur de la Forêt Noire de rendre compte, devant la différence elle-même, de la
substancia1isation gui détermine ultimement dans sa pensée l'être comme Ereignis ?
55 L'œuvre toute entière de Gustav Siewerth découvre et systématise avec génie ce mysterium, thomiste, de
l'être comme ressemblance de Dieu(<< ipsum esse est similitudo divinae bonitatis >>,De Veritate, 22.2 ad 2),
dans un débat heureux avec Hegel et Heidegger surtout. Cf. G. SJEWERTH, Gesammelte I'Verke (édité sous la
direction de W. BEHLER & A. STOCKHAUSEN. Düsseldorf, Patmos Verlag, 4 vol., 1975-1987) et Das Sein ais
Gleichnis Cottes (Heidelberg, Kerle Verlag, 1958).
56 lei s'applique la<< duplicité» heureuse des discours conceptuel et métaphorique au sens de Ricœur. Cf. P.
RICŒUR, La Métaphore vive. Paris, Éditions du Seuil, 1975. L'ORDRE PHILOSOPHIQUE.
57 Rappelons que Claudel fut très attentif au puissant, quoique sommaire, orient ontologique de la Somme théo-
logique de l' Aquinate. Longuement appropriée, la métaphysique thomiste contribua essentiellement à transfor-
MORTEL AZUR. SENS ET NÉANT CHEZ S. MALLARMÉ 85
Le sens ici ne renvoie pas à lui-même, néant impossible avant que d'exister,
mais, épiphore de soi, exhale tout ce qu'il a recueilli du monde par-delà lui-
même. Loin de se disséminer, l'azur assume, toujours plus grand, tout ce qui du
monde lui vient en mots, symboles ajointés à l'être spéculaire. Le vers circons-
tanciel de Claudel au maître déjà si vieux prend ici valeur vaticinatoire, haleine
de prophétie chargée du reproche et de l'espoir de l'esprit au décevant prodige :
[ ... ]La feuille à ta tempe honore, Mallarmé, amère le triomphe, et verte, le mystère .. _59
mer la motivation de l'écriture claudélienne. Elle éleva sa modernité symbolique, éduquée à l'occasion des
«mardis>> mallarméens de la rue de Rome, à la hauteur d'un <<néo-classicisme» où le cosmos est réinvesti du
positif de l'être. à partir. et comme monstration duquel cette fois s'exerce la métaphore.
58 P. CLAUDEL, La Messe /à-bas (introït).
59 P. CLAUDEL,« sonnet d'hommage à Mallarmé>>, reproduit dans S. MALLARMÉ, Œuvres complètes, op. cil.,
p. 1636.