Les entreprises marocaines qui accompagnent

dans cet effort notre société d'Archéologie et du

Patrimoine sont ainsi les partenaires d'un projet
ambitieux et promoteur

Extrait de l'allocution de SAR LA PRINCESSE LALLA HASNA, Présidente de la Société Marocaine de

l'Archéologie et du Patrimoine à l'ouverture des premières journées nationales d'Archéologie et du Patrimoine
(le 1er Juillet 1998 à Rabat)

Nos partenaires qui nous

accompagnent pour cette édition
PUB
LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
L
Abdelaziz Touri
Président délégué de la SMAP
e présent numéro de notre
revue est consacré aux
catastrophes naturelles –
spécifiquement au séisme
– et leur impact sur le patrimoine
matériel et immatériel des
communautés éprouvées. Le
tremblement de terre survenu le
8 septembre 2023 dans le Haut-
Atlas et la région d’al-Haouz, a
été un choc terrible et inattendu
non seulement sur les zones
touchées et leurs habitants,
mais sur le Maroc tout entier
et sa population. Le souvenir
du tremblement ayant touché
en 1960 Agadir et sa région a
vite resurgi, et l’on se rappela
que le Royaume chérifien se
trouvait – géographiquement
parlant – dans une zone à
risque plus ou moins élevé ;
et, pour s’en convaincre, il n’y a
qu’à contempler attentivement
la tour Hassan de Rabat, par
exemple, sur laquelle certains
5
AVANT-PROPOS
stigmates du tremblement
dit de Lisbonne de 1755 sont
encore visibles.
Ce volume rassemble donc un
nombre important de contribu-
tions rédigées par des auteurs
venant de différentes spécialités
et livrées en différentes langues
: l’arabe, le français et l’anglais.
C’est d’une large approche du
phénomène et de ses effets di-
rects et indirects qu’il s’agit. De
l’analyse géologique et géo-
morphologique à l’archéologie
et muséologie, en passant par
l’archéoséismologie, l’éventail
des questions relevant du sujet
est large. Le lecteur y trouvera
- en n’en pas douter - matière à
réflexion, voire à méditation. Et
les rubriques habituelles sont
aussi là pour appeler son atten-
tion sur des questions diverses
dont chaque sujet s’avère cap-
tivant par l’information qu’il ap-
porte.
PUB
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
Hicham Rguig
D
FLSH, UCA-Marrakech
ans le Maroc et partout au monde, les ressources
patrimoniales sont souvent exposées à de
graves dangers pour leur intégrité, et il arrive
même que les valeurs qu’elles véhiculent
soient mises en péril, en particulier lorsque ces dangers,
d’origine naturelle (tremblements de terre, inondations,
crues torrentielles …), ou anthropique (conflits armés,
explosions d’usines, vols …), atteignent l'ampleur d'une
catastrophe. Qu'entend-on exactement par catastrophe
? Selon la définition adoptée par le Bureau des Nations
Unies pour la réduction des risques de catastrophes
(UNDRR), ces événements se définissent comme étant
tragiques puisqu’ils causent : « la rupture grave du
fonctionnement d’une communauté ou d’une société
impliquant d’importants impacts et pertes humaines,
matérielles, économiques ou environnementales que la
communauté ou la société affectée ne peut surmonter
avec ses seules ressources". Il existe donc un lien fort, à
défaut d'un lien structurel, entre catastrophe et risque.
Le premier renvoie à l'occurrence réelle du risque
à partir de son intensité et/ou de la gravité de ses
conséquences, et le second à l’aléa gravement hors de
contrôle, mais plus au moins prévisible.
Certes, on assiste, depuis quelques décennies, à un
véritable essor de ce que l'on appelle la « Culture des
risques » auxquels sont exposés les biens du patrimoine
(la Convention des Nations Unies de 1954 sur la
protection des biens culturels en cas de conflit armé,
la Convention des Nations Unies de 1972 concernant
la protection du patrimoine mondial culturel et
naturel), mais le défi clé est la mise en application de
cette culture un peu plus nouvelle et un peu moins
enracinée, car il arrive souvent qu’elle ne soit mise en
avant que dans l’urgence, voire même dans un contexte
post-catastrophe, marqué par l’improvisation et les
incertitudes. Le cas le plus récent en est la situation
qu’a engendrée le puissant séisme, d’une magnitude
de 6,8 degrés sur l’échelle de Richter, qui a frappé le
centre du Maroc dans la nuit du 8 septembre 2023. En
témoigne l’onde de choc après la diffusion d'une vidéo
qui montrait le minaret de la Koutoubia tanguer, avec
des nuages de fumée s'échappant de son lanternon.
Désolation, désarroi, regret, c'est ce qu’on a ressenti
aussi lorsque les informations ont fait état des dégâts
survenus sur plusieurs monuments et sites majeurs de
la ville de Marrakech : palais al-Badii, palais al-Bahia,
mosquée al-Mansour et tombeaux saadiens. Des
scènes semblables se sont également produites, à des
échelles variées, à Agadir, Taroudant, Ouarzazate et
7
EDITORIAL
Tinghir. La situation du territoire proche de l’épicentre
du séisme, tel Tinmel, s'est révélée bien pire qu'on ne
l'imaginait. Sa mosquée historique, chef-d’œuvre d’art
et d’architecture du XIIe siècle, a subi de plein fouet
l'onde sismique ; le mieux est de laisser la journaliste
Faiza Rhoul, l’envoyée spéciale du journal électronique
Le Desk, décrire ce chaos : « un amas de ferraille, débris
tordus des échafaudages que les ouvriers-artisans
devaient retirer au terme d’une restauration minutieuse,
gisent à sa base ». Pur hasard ou ironie du sort! Les
travaux de restauration et de valorisation, initiés par
le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques,
étaient en phase d’achèvement avant que le désastre
ne survienne et réduise ces efforts à néant.
Tout comme d'autres catastrophes, le séisme d’al-Haouz
n'a pas affecté seulement les monuments historiques,
les sites archéologiques et les tissus anciens, mais
aussi les paysages culturels et naturels ainsi que les
aspects intangibles de ces biens du patrimoine, sans
oublier, bien évidemment, les collections muséales et
les artéfacts (tapisseries, bijoux, manuscrits, céramiques
et autres objets plus ordinaires animant les vies et les
événements des communautés locales). Le défi, au
lendemain de la catastrophe, demeure donc énorme
et le coût, pour remédier aux dégâts et remettre ces «
patrimoines » debout, considérable.
Les degrés de réussite sont variables et s'il y a une leçon
à retenir des expériences d'autres pays aux quatre coins
du monde, c'est qu'il faut intégrer systématiquement la
gestion des risques dans les efforts de relèvement après
les catastrophes et de suggérer des mesures préventives
à prendre. Cela implique que les options d'atténuation
et d'adaptation appropriées puissent être évaluées sur
une base régulière et mises à jour si nécessaire. Toujours
dans la même veine, le Maroc dispose d'un réservoir
de savoir-faire remontant à des millénaires dans lequel
nous pouvons puiser aujourd'hui pour renforcer la
résilience face aux risques de catastrophes.
Diverses contributions composent ce numéro consacré
à la confrontation du patrimoine culturel marocain aux
catastrophes ; expression de diverses voix et divers
contextes, utile pour les chercheurs mais également
pour les acteurs qui interviennent sur le terrain. Que
tous les auteurs ayant répondu à l’appel à contribution
trouvent ici l'expression de notre profonde gratitude.
Un dernier mot pour conclure : l'équipe de rédaction
de la revue et tous les spécialistes qui ont révisé les ver-
sions préliminaires méritent nos plus sincères remercie-
ments.
PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN
FACE AUX CATASTROPHES 05
AVANT-PROPOS
Abdelaziz Touri

10
AUX ORIGINES
La genèse de l’art des
minbars au Maroc
07
EDITORIAL
Abdeltif El Khammar Hicham Rguig

DOSSIER 30
16
Sur les tremblements de terre :
24
Contexte géodynamique du séisme
du Haut Atlas d’al-Haouz, impact sur
le patrimoine culturel et conditions du
peut-on tout dire ? Peut-on les Patrimoine culturel matériel relèvement
prédire ? Lahsen Ait Brahim
marocain face aux séismes
M’hamed Aberkan , El Miloudiya Naji et Taj-Eddine Cherkaoui
Hassan Zouhal

38
Archaeoseismology, the
study of seismic hazard using
archaeological sites data
Ibtissam Toukmati

44 52
Les sites archéologiques du
Volubilis et le tremblement Gharb face aux inondations :
de terre de 1755 : cas de Thamusida et de
controverse sur la Banasa
restauration de l’arc de Rachid Arharbi
triomphe de Caracalla
Halima Naji

62 72
L’Archéologie numérique, un
Préservation du patrimoine outil de résilience face aux
religieux au Maroc, catastrophes
stratégies de gestion des Asmae El Kacimi
risques et solutions face aux

80
dangers naturels
Taoufiq Bahjaoui
Au cœur du Haut Atlas ou
quand le patrimoine vivant
imprime nos vies
Fatima Ait Mhand
86
Le patrimoine vivant et la
93
‫تراثنا الثقايف وكيف نساهم يف‬
force majeure, cas de la
danse martiale de Taskiwin
Abdesslam Amarir
‫وقايته قبل وخالل وبعد األزمات؟‬
‫زيك أصالن‬

97
‫تحديات املحافظة عىل املباين التاريخية أمام خطر‬
‫الكوارث الطبيعية‬
2023 ‫ شتنرب‬8 ‫حالة سور مدينة تارودانت بعد زلزال‬
‫أحمد أوموس‬

102
SITES LÉGENDAIRES
Tinmel, chef-d’œuvre de

112 l’architecture almohade (XIIe siècle),

une mosquée toujours inspirante !
Ahmed Saleh Ettahiri et Hicham Rguig
PORTRAIT
Maalem Mohammed Kamal
Bellamine
Le géant des arts du bois au
Maroc
Hicham Rguig

117
119
ZOOM
‫امللحون تراث أديب شعبي يلج درجة العاملية‬
‫عبد العاطي لحلو‬ MUSÉES ET
EXPOSITIONS
‫توثيق الرشوط يف عقد الزواج‬
‫مخطوط عقد الزواج املحفوظ‬
‫مبتحف الذاكرة القضائية‬
‫بتارودانت منوذجا‬
‫أمامة القصار‬
PRÉSIDÉE PAR S. A. R. LA PRINCESSE LALLA HASNAA
REVUE DE LA SOCIÉTÉ MAROCAINE D’ARCHÉOLOGIE ET DU PATRIMOINE (SMAP)
www.lejardindeshesperides.com|PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES|N° 15|Mars 2024
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• Les articles figurant dans le présent N° sont sous l’entière responsabilité de leurs auteurs.
 AUX ORIGINES

Abdeltif El Khammar
Faculté Polydisciplinaire de
Taza. USMBA.

La genèse de l’art
des minbars au
Maroc

Source :
https://islamicart.museumwnf.org/database_
item.php?id=object;ISL;ma;Mus01_F;6;fr
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
11

L
es origines des minbars au Maroc sont loin les travaux de montage d’un nouveau minbar qui
d’être précisées, car les mentions textuelles remonte au début du 13e siècle. L’enlèvement des
et les données archéologiques qui y ont été planches de ce minbar tardif par les soins de H.
consacrées, sont sommaires et lacunaires. Dans Terrasse a mis au jour la structure du minbar fatimide4
l’état actuel de nos connaissances, le plus ancien (Fig. 1).
minbar connu jusqu’à présent au Maroc remonte au 10e
siècle et se rapporte à la mosquée de la Qarawiyyīn à
Fès. Si l’on en croit les dires d’Ibn Abī Zar‘ al-Fāsī, cette
grande mosquée fut dotée d’un minbar en bois de pin
vers l’année 345 H./956 J.C.1 ; le faqīh ‘Abdallāh Ibn
‘Alī al-Fārisī fut le premier à en escalader les marches
pour adresser le prêche du vendredi2. La khotba du
vendredi devrait alors être prononcée au nom du
califat fatimide qui, appuyé par les Zirides, exerça alors
sa mainmise sur Fès et une bonne partie du territoire
marocain.
Les traces matérielles de ce minbar primitif de la
Qarawiyyīn ne sont, malheureusement, pas conservées.
Celui-ci continua à fonctionner jusqu’au début du 11e
siècle, et fut remplacé, en 395 H./1004 J.-C., par un
minbar en bois d’ébène et de raisin sur l’ordre du
chambellan umayyade ‘Abd al-Mālik al-Muẓāffar (393-
399 H./1002-1008 J.C.)3, fils et successeur du grand
vizir al-Manṣūr Ibn Abī ‘Āmir. Ce nouveau minbar fut
fabriqué et installé à la mosquée de la Qarawiyyīn par
les Umayyades de Cordoue pour supplanter le
souvenir des Fatimides dans ce monument religieux,
et éradiquer les traces de leur idéologie chiite dans la
ville de Fès toute entière.
Ces deux minbars primitifs de la Qarawiyyīn ne sont
pas conservés de nos jours, et ne nous sont connus
que par l’apport de la documentation textuelle.
La morphologie matérielle de ces deux meubles
demeure alors ignorée en raison du mutisme de cette
documentation ; seuls les matériaux de fabrication y
sont indiqués : le bois de pin pour le premier et le bois
d’ébène et de raisin pour le deuxième. Ils témoignent
tous les deux d’une phase très importante de l’histoire Figure 1 : Vue du minbar fatimide de la mosquée al-Andalus à Fès
de Fès, à savoir celle de l’instabilité politique de Source : Terrasse Henri, 1942, II, pl. L.
cette ville et du Maghrib al-Aqṣā en général au cours
du 10e-11e siècles, et l’ingérence des Fatimides de Ces mêmes investigations ont montré que les faces
l’Ifriqiya et des Umayyades de Cordoue dans les extérieures des deux panneaux flanquant son dossier
affaires internes du pouvoir local à Fès. sont sculptées de deux inscriptions coufiques. Les
Placé chronologiquement entre ces deux mobiliers textes de celles-ci, déchiffrés et traduits par G. S. Colin,
religieux primitifs, le minbar fatimide de la mosquée se présentent comme suit :
al-Andalus à Fès est l’une des rares chefs-œuvres de ‫ بســم اللــه الرحمــن الرحيــم يف بيــوت أذن اللــه أن ترفــع ويذكــر فيهــا اســمه‬-
l’art de l’Ifriqiya dans le territoire du Maghrib al-Aqṣā. Il .‫يســبح لــه فيهــا بالغــدو واآلصــال‬
est, à vrai dire, le plus ancien minbar, encore conservé,
du Maroc médiéval, et occupe ainsi une place de choix
dans l’art religieux marocain. Ce minbar est méconnu « Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux ! Dans
par l’historiographie médiévale ; il fut découvert par des temples que Dieu a permis d’élever pour qu’on y
Henri Terrasse lors des travaux de restauration de la commémore Son nom ; on y chante sa gloire soir et
mosquée al-Andalus vers la fin des années 1930. Les matin » (passage tiré du Coran, sourate XXIV, verset 36).
investigations méticuleuses menées sur le terrain par ‫ بســم اللــه الرحمــن الرحيــم عمــل هــذا املنــر يف شــهر شــوال ســنة تســعة‬-
ce chercheur français ont révélé que l’ossature de ce .‫وســتني وثــاث مائــة مــن التاريــخ‬
minbar fut réutilisée par des artisans almohades durant
 12

« Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux ! marquer son empreinte sur la scène politico-militaire
Cette chaire a été faite dans le mois de Chawwāl de de Fès et symboliser l’exercice de son hégémonie sur
l’année trois cent soixante-neuf de l’ère »5. ce territoire. Il n’a, cependant, pas pensé à délaisser le
minbar fatimide et fabriquer un nouveau minbar,
Le texte de la deuxième inscription indique que la typiquement umayyade, comme le ferait 20 ans plus
fabrication du minbar primitif de la mosquée al- tard son fils ‘Abd al-Mālik al-Muẓāffar pour la mosquée
Andalus remonte au mois de Chawwāl de l’année 369 de la Qarawiyyīn (395 H./1004 J.-C.)9.
H./980 J.-C., date qui correspond à la période où la ville
de Fès était gouvernée par le chef militaire Bulluqīn
Ibn Zīrī, un grand allié des Fatimides6. Ce mobilier fut
donc fabriqué à une date bien postérieure à celle du
minbar fatimide de la Qarawiyyīn : il est récent de 24
ans par rapport à celui-ci.
A ces deux inscriptions s’ajoute une troisième
inscription coufique, sculptée sur le pourtour du
dossier. Celle-ci commémore les travaux de réfection
du minbar fatimide au lendemain de la prise de Fès
par les Umayyades après leur victoire sur les bataillons
militaires fatimides. Son texte complet, déchiffré et
traduit par G. S. Colin, se présente comme suit :
‫بســم اللــه الرحمــن الرحيــم هــذا مــا أمــر بعملــه الحاجــب املنصــور ســيف دولــة‬
‫اإلمــام عبــد اللــه هشــام املؤيــد باللــه أطــال اللــه بقــاه أبــو عامــر محمــد ابــن أيب‬
...‫وثلــث‬...‫عامــر وفقــه اللــه يف شــهر جــاد اآلخــر ســنة خمــس و‬

« Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux ! Ceci

est ce qu’a ordonné de faire le maire du palais aidé de
Dieu (Al-Manṣūr), glaive de l’empire de l’imam et
esclave de Dieu, Hichām l’Assisté de Dieu (puisse Dieu
prolonger ses jours !), Abū Amir Muḥammad fils d’Abū-
‘Āmir (puisse Dieu le bien inspirer !), dans le mois de
Jumād II de l’année 3…5 »7.
Il en ressort que ces travaux de réfection furent
entrepris sur l’ordre d’al-Manṣūr Ibn Abī ‘Āmir, grand
chambellan du calife umayyade Hichām II. La date
figurant à la fin de l’inscription n’est pas complètement
lisible, mais semble correspondre au mois de Jumāda II
de l’année 375 H./985 J.-C., c’est-à-dire six ans après la
fabrication du minbar fatimide. La réutilisation de ce
minbar témoigne une fois de plus des grandes luttes
Figure 2 : Vue du dossier du minbar de la mosquée al-Andalus à
militaires qui opposèrent les Fatimides et les Fès - Source : Tuil Leonetti Bulle et Délély Claire, 2014, p. 128.
Umayyades de l’Occident musulman, et atteste bel et
bien la victoire du sunnisme d’al-Andalus sur le chiisme Quoi qu’il en soit, ce minbar primitif, conservé
de l’Ifriqiya. La réfection du minbar fatimide demeure actuellement au musée Al-Batha à Fès, garde
discrète et ne paraît pas avoir altéré l’homogénéité de beaucoup de son allure artistique ifriqiyenne malgré
la structure globale de cette œuvre d’art. L’intervention les injures du temps et les différents remaniements qui
umayyade se concentre surtout sur le contour du y furent respectivement introduits par les Umayyades
dossier qui fut ciselé de l’inscription présentée plus de Cordoue au 10e siècle et les Almohades au début
haut. La preuve probante de la légèreté de cette du 13e siècle. Sa structure d’ensemble se compose
intervention se manifeste dans le dossier lui-même qui actuellement de six marches qui mènent au dossier
offre des compositions décoratives chères à l’art de dans sa partie supérieure ; le nombre pair des marches
l’Ifriqiya aghlabide et fatimide, et ne semble pas, du semble être anormal, et donne à croire qu’une
coup, avoir été complètement refait par les Umayyades septième marche fut tronquée de sa composition
de Cordoue comme le pensent plusieurs auteurs8 d’ensemble : cette marche devrait avoir été enlevée
(Fig.2). Al-Manṣūr Ibn Abī ‘Āmir voulut, à travers l’acte de sa partie inférieure comme l’attestent les montants
de la récupération et la réutilisation du minbar fatimide, des faces latérales qui devraient souffrir d’une
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
13

mutilation au niveau de cette marche manquante. Les

contres-marches sont dépourvues de motifs décoratifs.
Les côtés latéraux du dossier sont délimités par deux
panneaux décoratifs rectangulaires qui, disposés
verticalement, sont garnis de combinaisons
géométriques et florales bien ordonnées et sculptés
des deux inscriptions fatimides déjà citées.
En outre, le minbar en question est initialement démuni
de l’arcade frontale et des deux tirants latéraux, à
l’inverse des minbars qui apparaîtront plus tard au
Maroc. Les montants et les traverses délimitent les
côtés latéraux des marches, et divisent les joues en
panneaux carrés dont les baguettes sont ciselées
d’entrelacs géométriques et floraux. Ces panneaux
sont meublés de balustres tournés comme on le voit
clairement dans une photo ancienne prise par Henri
Terrasse en 1942. Plusieurs de ces balustres tournés
attestés par cette photo sont perdus, et on ne les voit
plus de nos jours dans le minbar (Fig. 3).

Figure 3 : Vue de l’une des deux faces latérales du minbar de la mosquée

al-Andalus à Fès - Source : Tuil Leonetti Bulle et Délély Claire, 2014, p. 129.

En guise de conclusion, le minbar primitif de la Marrakech (Fig. 4-A) et de la mosquée de la Qarawiyyīn

mosquée al-Andalus est le seul témoin archéologique,
connu jusqu’à présent, qui nous renseigne sur la
genèse de l’art des minbars au Maroc médiéval. Il
atteste, par sa morphologie et ses composantes
décoratives, la domination des influences artistiques,
de souche orientale et de provenance de l’Ifriqiya
aghlabide et fatimide à la ville de Fès pendant la
période pré-almoravide. Il constitue, avec les minarets
des mosquées de la Qarawiyyīn et d’al-Andalus, des
documents archéologiques très précieux pour la
compréhension de plusieurs facettes de l’art islamique
marocain dans son état embryonnaire.
Le minbar en question a servi de modèle pour les
minbars qui apparaîtront par la suite au Maroc,
notamment ceux de la mosquée de la Kutubiyya à
à Fès (Fig. 4-B), fabriqués tous les deux pendant le
règne de l’émir almoravide ‘Alī Ibn Yūsuf. Ceux-ci
s’apparentent, par maints de détails, à ce minbar
fatimide : le mobilier transportable en bois, la structure
globale, la morphologie des marches et du dossier, la
taille et les dimensions des joues et les panneaux
délimitant le dossier et le siège du prédicateur. Ces
deux œuvres d’art almoravides se démarquent
toutefois du minbar fatimide par la présence de
l’arcade frontale, les tirants qui relient celle-ci aux
panneaux latéraux supérieurs et les bobéchons qui
coiffent les côtés latéraux des marches. A ces éléments
s’ajoutent la technique de sculpture de bois et d’ivoire
et les entrelacs polygonaux qui s’étalent sur toute la
surface des joues.

Figure 4 : (A) - Minbar almoravide de la mosquée al-Kutubiya à Marrakech / (B) - Minbar almoravide de la mosquée al-Qarawiyyīn à Fès.
Source : (A)- Bloom Jonathan M., 2014, p. 192. (B)- Bloom Jonathan M. et Tuil Leonetti Bulle, 2014, p. 199.
Ces deux minbars almoravides se détachent, par ces
spécificités, de l’art oriental de l’Ifriqiya, et s’inscrivent
plutôt dans la tradition artistique cordouane ; ils sont,
à vrai dire, les prototypes de la majorité des minbars
qui furent fabriqués par la suite au Maroc, surtout ceux
qui remontent aux époques almohade et mérinide.
Notes
1-Il est à signaler que la date de la fabrication de ce minbar
représente un décalage de 24 ans par rapport à l’acte du transfert
de la khotba du vendredi de la mosquée primitive d’al-Achrāf à la
mosquée de la Qarawiyyīn qui fut élevée, dès 321 H./933 J.-C., au
rang de « Masjid Jāmi‘ » sur l’ordre de l’émir Ḥāmid Ibn Aḥmad
al-Ḥamadānī, gouverneur du calife fatimide ‘Ubayd Allah al-Chī‘ī.
cf. Ibn Abī Zar‘ al-Fāsī, éd. 1972-1973, Al-Anīs al-muṭrib birawḍ al-
qirṭās fī mulūk Al-Maghrib wa tārīkh madīnat Fās, Dār al-Manṣūr li
al-ṭibā‘a wa al-wirāqa, Rabat, p. 55.
2- Ibid.
3- Ibid., p. 58-59.
4- Marçais Georges, 1939, « Note de MM. Colin et Terrasse sur le
minbar de la mosquée des Andalous à Fès (Maroc) », Comptes
rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres, 83e année, n° 4, p. 398.
5- Terrasse Henri, 1942, La mosquée des Andalous à Fès, Publications
de l’Institut des Hautes Etudes Marocaines, t.XXXVIII, Paris, p. 5.
6- Cette date offre un décalage de 48 ans par rapport à l’acte du
transfert de la khotba du vendredi de la mosquée primitive d’al-
Achyākh à la mosquée al-Andalus par les soins de l’émir Ḥāmid
14
Ibn Aḥmad al-Ḥamadānī, gouverneur du calife fatimide ‘Ubayd
Allah al-Chī‘ī. cf. Ibn Abī Zar‘ al-Fāsī, éd. 1972-1973, p. 55.
7- Terrasse Henri, 1942, p. 5-6.
8- Ibid., p. 41-50 ; Tuil Leonetti Bulle et Délély Claire, 2014, « Minbar
de la mosquée des Andalous », Maroc médiéval, un empire de
l’Afrique à l’Espagne, éd. Hazan et Musée du Louvre, Paris, p.127 ;
Marçais Georges, 1939, p. 398.
9- Ibn Abī Zar‘ al-Fāsī, éd. 1972-1973, p. 58-59.
Bibliographie
- Bloom Jonathan M., 2014, « Prestige des artisans andalous : le
minbar de la mosquée al-Kutubiyya », In Maroc médiéval, un
empire de l’Afrique à l’Espagne, éd. Hazan et Musée du Louvre,
Paris, p. 192.
- Bloom Jonathan M. et Tuil Leonetti Bulle, 2014, « Minbar de la
mosquée al-Qarawiyyin », In Maroc médiéval, un empire de
l’Afrique à l’Espagne, éd. Hazan et Musée du Louvre, Paris, p. 198-
199.
- Ibn Abī Zar‘ al-Fāsī, éd. 1972-1973, Al-Anīs al-muṭrib birawḍ al-
qirṭās fī mulūk Al-Maghrib wa tārīkh madīnat Fās, Dār al-Manṣūr li
al-ṭibā‘a wa al-wirāqa, Rabat, p. 55.
- Marçais Georges, 1939, « Note de MM. Colin et Terrasse sur le
minbar de la mosquée des Andalous à Fès (Maroc) », Comptes
rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres, 83e année, n° 4, p. 398.
- Terrasse Henri, 1942, La mosquée des Andalous à Fès, Publications
de l’Institut des Hautes Etudes Marocaines, t. XXXVIII, Paris.
- Tuil Leonetti Bulle et Délély Claire, 2014, « Minbar de la mosquée
des Andalous », In Maroc médiéval, un empire de l’Afrique à
l’Espagne, éd. Hazan et Musée du Louvre, Paris, p. 127-129.
PUB
DOSSIER

M’hamed Aberkan El Miloudiya Naji Hassan Zouhal

Faculté des Sciences, UM5-Rabat Faculté des Sciences, UM5-Rabat Direction du patrimoine, Rabat

Sur les tremblements de

terre : peut-on tout dire ?
Peut-on les prédire ?
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
Introduction
L
es tremblements de terre sont parmi les
phénomènes et les risques naturels les plus
redoutables par l’homme, vu les
conséquences qui en résultent, en cas de
vulnérabilité, concernant les pertes en vies
humaines et en richesses matérielles, en plus des
entraves sur les infrastructures, les services
nécessaires, la qualité de vie et la santé physique et
psychique des populations. Depuis la nuit des
temps, l’homme considère les phénomènes
naturels comme les éruptions des volcans ou les
tremblements de terre comme des manifestations
de forces surhumaines. Ainsi, quand la terre se
1- Cause des séismes
On appelle tremblement de terre, séisme ou secousse
tellurique le phénomène qui se produit lorsque le
sol tremble sous nos pieds et autour de nous. Ce
phénomène se déclenche à l’intérieur de la croûte
terrestre qui s’étend sur une profondeur de 30 à
40 km. Le globe terrestre est subdivisé en plaques
tectoniques (Fig.1). On en compte une douzaine,
comme la plaque américaine, la plaque eurasiatique
et la plaque africaine à laquelle appartient le Maroc.
Ces plaques tectoniques peuvent être constituées
Figure1 : Carte de répartition et de directions des mouvements des
plaques tectoniques sur le globe terrestre.
Source : Carte du monde montrant les limites des plaques
tectoniques 2764438 Art vectoriel chez Vecteezy
17
fâche, c’est la colère divine qui s’exprime ! Même
de nos jours, certains continuent à attribuer les
tremblements de terre à des punitions de Dieu à
cause des mauvais comportements et des
agissements humains injustes. Pour les sciences de
la nature, notamment celle de la terre, la géologie,
l’objectif et l’intérêt c’est d’essayer de comprendre
comment ces tremblements de terre se produisent-
t-ils ? Quelle explication raisonnée à leur répartition
géographique ? Peut-on les prévoir ? peut-on les
prédire ? Comment éviter ou, tout au moins, limiter
leurs dégâts souvent catastrophiques ?
d’une partie continentale, et d’une autre océanique.
Ces dernières bougent en permanence, les unes par
rapport aux autres, avec une vitesse moyenne de l’ordre
de quelques centimètres par an. Par exemple simplifié,
deux plaques tectoniques peuvent s’éloigner, l’une de
l’autre, et une mer ou un océan va s’installer à la place
laissée par leur extension. Ce processus nécessite des
dizaines, voire des centaines de millions d’années.
Lorsque les plaques tectoniques se rapprochent, le
domaine marin, précédemment formé, évolue en une
chaine de montagnes après un processus géologique
aussi long que complexe.
 18

2- Qui fait bouger les plaques 3- Comment un tremblement de terre

tectoniques ?
Sous la partie rigide de la terre, le magma fluide,
constitué de roches en fusion, remonte puis descend
lorsque sa température baisse relativement comme
une multitude de tapis roulants. Ces espèces de
courroies asthénosphériques sont appelées cellules
ou courants de convexion. Ce sont les moteurs de la
dérive des continents ou la tectonique des plaques
(Fig.2).
se déclenche-t-il ?
Aux frontières des plaques tectoniques, dans leurs
parties rigides, peut se produire un blocage conduisant
à de très fortes contraintes. C’est ainsi qu’une énergie
colossale va s’y accumuler pendant longtemps. Au
moment de la rupture, cette énergie se libère d’une
façon brutale et c’est ainsi que se produit un séisme
ou un tremblement de terre. Plus l’énergie libérée est
importante plus le séisme est fort.

Figure 2 : courants de convection moteur de la tectonique des

plaques. Source : l'activité volcanique et les plaques tectoniques de
la Terre (Photo Stock © Alamy (https://www.alamy.com )

4- Hypocentre et épicentre
d’un séisme
En profondeur de la terre, le lieu où se libère l’énergie
accumulée dans la partie rigide des plaques tectoniques
voisines est appelé hypocentre ou foyer sismique. A sa
verticale, à la surface du sol, se situe l’épicentre. C’est
le point géographique où la secousse sismique se
fait sentir le plus (Fig.3). Des recherches relativement
récentes ont pu conclure que des foyers sismiques
peuvent se trouver jusqu’à des profondeurs de 700 km.
Si la profondeur du foyer ou hypocentre est inférieur
à 30 Km, le séisme est dit superficiel ou peu profond,
et vu la rigidité des roches et l’importance de l’énergie
qui peut s’y accumuler puis s’y libérer brutalement au
moment de déclenchement du tremblement de terre,
les séismes peu profonds sont généralement les plus
destructeurs. Dans le cas d’un tremblement de terre
superficiel, la quantité d’énergie dissipée dans les Figure 3 : Situation de l’hypocentre, épicentre et allure des ondes
sismiques. Source : Séismes-Bonjour les élèves ! © wordpress.com)
couches géologiques, avant que les ondes sismiques
n’arrivent à la surface, est relativement faible.
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
19

5- Les ondes sismiques

La libération de l’énergie du séisme se fait généralement
en quelques secondes ou quelques minutes au plus.
La délivrance de cette forte énergie, au niveau du
foyer, engendre une diversité d’ondes sismiques.
Les principales sont les ondes P dites aussi ondes de
profondeur ou primaires. Ce sont celles-ci qui nous
font sentir un mouvement de bas en haut au début
du séisme et les premières à être enregistrées. Elles
sont suivies par des ondes dites secondaires ou de
cisaillement. Elles s’enregistrent, en second lieu, sur le
sismogramme par un sismographe, en cas de séisme
suffisamment fort, elles rasent les constructions (Fig. 4).

Figure 4 : Sismogramme illustrant les principales ondes sismiques et leurs caractéristiques. Source : (218) Séismes, sismographes,
sismogrammes et propriétés des ondes sismiques © YouTube

6- Intensité et magnitude principalement sur les frontières des plaques comme

d’un séisme
Deux principales échelles courantes permettent
d’évaluer la force d’un tremblement de terre. L’une est
dite de Mercali, avec douze degrés et basée sur la force
de la secousse ressentie par le public et l’importance
des dégâts causés par le séisme. Elle correspond à
ce que l’on appelle intensité du séisme. Cette échelle
n’est pas bien précise. En effet, les dégâts causés
peuvent varier selon la nature du sol (Aberkan, 2005 ;
Talhaoui, 2005 ; Talhaoui et al, 2004) et les matériaux
de construction ainsi que l’architecture adoptée,
sans oublier la distance à l’épicentre et la fiabilité des
déclarations des personnes interrogées. La deuxième
est appelée échelle de Richter ou magnitude de
séisme ; elle est ouverte mais jusqu’à présent, les plus
forts séismes n’ont pas dépassé une magnitude de
l’ordre de 9 sur l’échelle de Richter. L’échelle de Richter
ou magnitude du séisme est plus précise. Elle se base
sur les enregistrements des sismographes. Le passage
d’une magnitude M à une magnitude M +1 suit un
coefficient logarithmique. Pour en avoir une idée,
lorsque la magnitude d’un séisme passe par exemple
de 5 à 6, l’énergie libérée ou la force du séisme est
multipliée à peu près par 30 et lorsque la valeur de la
magnitude passe de 5 à 7 cette énergie est multipliée
par 1000. En effet le coefficient de la progression de
l’énergie libérée quand on passe d’une valeur entière
de la magnitude M à M+1 est de 10 √ 10. Pour passer
d’une magnitude M à M+2, l’énergie libérée sera
multipliée par (10√ 10)2 soit 1000 fois plus forte (‫هاكونو‬
2000،‫)موكو هيكو‬.
celles des Amériques et les marges méditerranéennes
eurasiatique et africaine, sur les rives nord et sud de
la mer méditerranée (Fig. 5). Mais nous pouvons
également avoir une séismicité intraplaque à cause
de la présence de failles actives au niveau des chaines
de montagnes relativement récentes à l’échelle
géologique, comme c’est le cas de la chaine rifaine et
la chaine atlasique (Haut et Moyen Atlas) au Maroc.
Des témoins géologiques structuraux, comme les
plis et les failles, ainsi que des enregistrements
sédimentologiques telles les seismites, montrent que
les tremblements de terre sont des phénomènes
naturels qui existent depuis des milliards d’années,
dès l’aube de la formation de la terre et bien avant
l’apparition de nos ancêtres préhistoriques, il y a
environ 3 millions d’années et qui, suite à une longue
histoire évolutive, ont donné naissance à notre
espèce (Homo sapiens) depuis seulement 316 mille
ans, comme le témoigne l’homme de Jbel Irhoud
découvert récemment sur le territoire du Maroc actuel.
Les tremblements de terre ne doivent donc pas avoir
de relation avec d’éventuelles punitions divines suite
au mauvais comportement des humains ! Cependant,
l’homme moderne peut jouer un grand rôle dans
l’impact des séismes et l’importance des dégâts suite
aux situations de vulnérabilité qui relève de son activité.

7- Répartition géographique
des séismes
Etant donné que la plupart des tremblements de
terre résultent des contraintes entre les plaques
tectoniques en mouvement, les séismes sont répartis
Figure 5 : Carte de répartition des séismes à l’échelle mondiale. Source : https://media.cap-concours.fr/cens/images/4smt02i02.png
 20

8- Les tremblements de terre 9- Les secousses répliques

tsunamigènes et quelques exemples Pour la plupart des séismes de magnitude notable, la
secousse principale est suivie de répliques, c'est-à-
de grands séismes connus dire de secousses dont les magnitudes sont inférieures
Il est connu maintenant qu’un séisme ne peut à celle de tremblement principal. Si la magnitude
engendrer un tsunami que si sa magnitude arrive au de ce dernier est suffisamment forte, les répliques
moins à 7 sur l’échelle de Richter, avec un foyer en peuvent être dangereuses, mais si le séisme majeur
domaine franchement marin ou tout prêt de celui-ci. est de magnitude moyenne à faible, les répliques ne
Le nombre de séismes à l’échelle mondiale varie entre constituent pas vraiment un grand danger, mais elles
500000 et 1 000000 par an, soit environ 2700 par jour. peuvent causer l’effondrement des constructions déjà
La plupart sont de faible importance, seulement 1000 bien endommagées par la secousse majeure. Il faut
séismes par an peuvent causer des dégâts (‫هاكونو موكو‬ donc éviter de se mettre à l’intérieur ou à côté de
2000،‫)هيكو‬. telles constructions en situation de vulnérabilité. Les
Parmi les tremblements de terre les plus connus dans répliques peuvent durer plusieurs semaines à plusieurs
l’histoire, nous pouvons citer : mois selon l’importance du séisme. Leur magnitude
- Le séisme de Lisbonne de 1755. Sa magnitude était et leur fréquence s’amortissent, cependant, avec le
de 8,5 à 9 sur l’échelle de Richter. La ville portugaise temps.
a été détruite complétement. Des dégâts importants
ont été recensés également en Espagne et au Maroc.
Ce séisme a été suivi d’un tsunami. Il a été bien 10- Les tremblements de terre au
ressenti en Espagne, au Maroc et dans d’autres pays Maroc
voisins. Les vagues du tsunami sont arrivées jusqu’en Vu sa situation géographique et son cadre géologique
Angleterre. Au Maroc, le séisme de Lisbonne et le (Fig. 6), le Maroc est un pays de séismicité importante
tsunami qui l’avait suivi ont causé 10.000 victimes. (El Mrabet, 2005) notamment dans le Rif et les Atlas.
- Le séisme du Chili en 1960. Sa magnitude a atteint 9,5 Le plus ancien tremblement de terre signalé au Maroc
causant des dégâts estimés à 10 milliards de dollars. remonte à l’an 818. De nombreux séismes ont touché
- Le séisme d’Alaska (USA) en 1964, le 27 mars à 17 des villes marocaines comme Fès, Meknès, Rabat,
H, 36 minutes heure locale de magnitude environ 9 Tétouan, Agadir et Al Hoceima tout le long de l’histoire
à 9,2. C’était le plus fort séisme connu en Amérique du pays.
du Nord. Le jour- même, il a été suivi d’une trentaine
de répliques avec des magnitudes de l’ordre de
6. Pourtant, il n’a causé que 131 victimes en vies
humaines.
- En 2004, un puissant tremblement de terre a eu
lieu en Indonésie. Sa magnitude a atteint 9,2 et il a
généré un tsunami dévastateur. 200000 personnes y
ont laissé leur vie (Leone, 2007).
- Le séisme de Turquie- Syrie en 2023, c’était le 6 février
de cette année qu’un séisme de magnitude 7,8 et de
14 km de profondeur a fortement ébranlé la Turquie
et sa voisine la Syrie. La grande magnitude et la
faible profondeur (14 km) auxquelles se rajoute la
situation de l’épicentre en zone très peuplée et avec
des constructions, probablement pas très résistantes
ont permis à ce tremblement de terre d’être très
destructeur et de causer de grandes pertes en vies
humaines et en dégâts matériels. Environ 56 350
morts et plus de 105 000 blessés ont été déplorés
dans les deux pays concernés par le séisme (Pérouse,
2023).

Figure 6 : Répartition des séismes au Maroc et régions voisines

pour la période 1901-2021 et localisation du séisme al-Haouz du 8
/09/2023 à 23h : 11min © Cherkaoui et El Hassani, 2023.
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
21

Citons comme exemple le séisme d’Agadir survenu la
nuit du 29 février 1960. C’était un séisme de magnitude
5,9 et de faible profondeur et dont l’épicentre était
localisé près de la ville. Agadir fut détruite presque
complétement (Fig. 7). Environ 15000 morts ont été
déplorés, un tiers des habitants d’Agadir à l’époque.
Plus au Nord, sur la rive méditerranéenne, Al Hoceima
a connu de nombreuses secousses telluriques dont
la plus importante fut celle du 24 février 2004 à 2h :
27 min 47 s. Avec une magnitude de 6,3 sur l’échelle
de Richter et de faible profondeur 12,2 Km. 628
morts ont été recensés, en plus des blessés et des
dégâts matériels (Fig. 8). Al Hoceima et ses environs
connaissent actuellement de nombreuses secousses
mais qui restent de magnitude faible et sans danger.
Survenu le 8 septembre 2023 à 23 h .11min, la
magnitude du séisme d’al-Haouz était de 7 degrés
environ sur l’échelle de Richter et de profondeur
estimée entre 12 et 24 km. L’épicentre du séisme est
situé dans la localité d’Ighil au voisinage du village
Tlat n’Yacoub. Le Maroc n’a pas connu un séisme aussi
puissant depuis plus d’un siècle. Le réseau de failles
de la flexure sud atlasique a fini de libérer brutalement
et sans préavis, une énorme quantité d’énergie
accumulée durant des siècles.

Figure 7 : Exemple de destruction de séisme d’Agadir le Figure 8 : Exemple de destruction à Imzouren / Al Hoceima causée
29/02/1960. Source : Drame d’Agadir 1960 : Comme si par le séisme du 24 février 2004. Source : https://www.afrik.com/
l’Histoire se répétait (lopinion.ma). wp-content/uploads/2016/03/arton53967-1200x675.jpg.

Figure 9 : La mosquée de Tinmel : vue interne après le séisme d'al-Haouz, 2023.


11-Impacts des tremblements de
terre au Maroc : cas du séisme
d’al-Haouz 2023
Vu les malheurs que les séismes peuvent causer
concernant les pertes en vies humaines et les dégâts
matériels, l’occurrence des tremblements de terre
constitue un événement extrêmement effrayant pour
tout le monde. Ces pertes ne sont pas attribuables
seulement à la force du séisme. D’autres facteurs
jouent aussi un rôle très important, comme le contexte
géologique, géographique, la distance à l’épicentre,
la nature du sol et des matériaux de constructions,
l’architecture adoptée, ainsi que la densité des
populations et l’heure du déclenchement du séisme.
Nous signalons que Talat n’Yakoub, le point le
plus proche de l’épicentre du séisme, renferme 44
agglomérations regroupant 5600 personnes réparties
en 900 foyers. C’est la zone la plus touchée, l’impact
du séisme est énorme : la majorité des bâtisses qui
donnent sur les ravins ont été détruites ; les maisons
qui longent la route et donnent sur la vallée n’ont
pas résisté ; celles construites sur des pilotis, pour
bénéficier des rez-de-chaussée, ont été rasées, les
rajouts sur l’habitat traditionnel ont condamné la
totalité des bâtisses. Elles sont transformées par la
force du séisme en débris de matériaux de construction
couvrant leurs lots.
Le séisme d’Al Haouz a causé la mort d’environ 3000
personnes, quasiment toutes les constructions des
villages avoisinant l’épicentre du séisme, ont été
Figure 10 : La Kasbah du
Caïd Goundafi après le
séisme al-Haouz, 2023.
22
complétement rasées ou fortement endommagées.
Des effondrements de terrains ont coupé des routes
ce qui a entravé le cheminement des secours. Des
édifices patrimoniaux historiques séculaires ont été
bien endommagés voire complétement détruits. Le
tremblement a même causé des changements dans le
paysage. Des basculements et des effondrements de
terrains, des fracturations, des soulèvements ou des
affaissements de compartiments déplacés par la force
colossale du séisme, des jaillissements de nouvelles
sources et de cascades d’eau. Nous assistons donc à
l’impact d’un tremblement de terre qui a suffisamment
modifié l’environnement naturel et culturel en un temps
record de quelques secondes. On ne devrait donc pas
trop s’étonner des modifications inestimables par des
processus géologiques complexes qui durent des
dizaines ou des centaines de millions d’années.
Le séisme a ravagé la totalité des mosquées du XVIIe
et XVIIIe siècle de la vallée de Nfiss : la mosquée de
Tinmel, édifiée au XIIe siècle (Fig. 9), par les Almohades
est réduite en quelques pans de murs et des blocs de
Tabias; la Kasbah du Caid Goundafi, datant du XIXe
siècle, est réduite en aggloméras de pierre (Fig. 10);
les minarets de la majorité des mosquées, au niveau
urbain et au niveau rural, sont fissurés. D’après les
statistiques du ministère de la culture 900 sites sont
touchés dont 46 monuments majeurs ; 2304 est
le nombre des arrêtés de démolition de l’habitat
traditionnel dont 1185 des maisons de la médina de
Marrakech ; 40% de la muraille de la ville historique et
une grande partie de la muraille célèbre de Taroudant.
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
Actuellement, les recherches sur la prédiction
de l’occurrence d’un tremblement de terre, avec
précision dans le temps et dans l’espace, sont à l’état
embryonnaire et aucune méthode de prédire un séisme
n’est disponible malgré les surveillances continues au
niveau des failles actives et une certaine méfiance vis-
à-vis d’un éventuel déclenchement dans un endroit
donné, d’une succession de secousses de magnitudes
relativement faibles mais croissantes. Cette situation
incite à prendre en considération ce type de secousses
qui peuvent être considérées comme des précurseurs
d’un séisme majeur à haut risque.
Cependant, les géologues et les sismologues ne cessent
d’établir des cartes des régions séismiques, c'est-à-
dire des zones connues par une activité séismique
comme les cartes de répartition des épicentres des
tremblements de terre le long des frontières des
plaques citées précédemment. Dans ces zones, il y a
eu, il y a et il y aura probablement des tremblements
de terre. Il faut y prévoir des constructions qui, un
jour, seront secouées par un séisme de magnitude
estimable. Il faut donc que les normes de para-
sismicité y soient respectées. Les japonais sont bien
avancés dans ce domaine, du fait que leur pays est
connu par des séismes de magnitudes considérables.
Mais l’état des constructions dans ce pays, empêche
ces phénomènes naturels, les tremblements de terre,
de se transformer lors de l’occurrence, en catastrophes
naturelles. En effet le séisme ne tue pas, ce n’est pas les
ondes séismiques qui nous tombent sur la tête mais
c’est le toit et les murs que nous avons construits nous-
mêmes qui n’y ont pas pu résister. Un phénomène
naturel ne peut évoluer en catastrophe que par la
présence de vulnérabilité dont l’homme est souvent
acteur à cause de ses aménagements inadéquats.
Conclusion et recommandations
Les tremblements de terre sont des phénomènes
naturels dont le moteur est la géodynamique interne
du globe terrestre. Leur occurrence existe depuis
l’aube de l’histoire naturelle il y a des milliards
d’années. Leur répartition géographique a changé
suivant les frontières des plaques tectoniques qui
bougent en permanence. La force des séismes se doit
à l’importance de l’énergie accumulée dans les zones
de contraintes tectoniques. Les dégâts attribués à un
tremblement de terre ne sont pas seulement dus à
sa magnitude. D’autres facteurs géologiques comme
la nature du sol ou anthropiques tels les matériaux
de construction, leur agencement, leur cohérence et
l’architecture adoptée ne sont pas à négliger. Jusqu’à
présent aucune prédiction des séismes n’est possible,
mais les prévisions à prendre, concernant les normes
de constructions parasismiques notamment dans
les zones sismiques à haut risque, peuvent éviter un
phénomène géologique, comme un tremblement de
terre, de provoquer une catastrophe dite naturelle.
Les suggestions pouvant être utiles au projet de
reconstruction peuvent se synthétiser comme suit :
- Éviter de construire dans des sites à hauts risques
23
en s’inspirant des impacts et de la répartition des
dégâts causés par le dernier séisme d’al-Haouz.
- Recommander aux citoyens d’éviter de construire
plus haut ou de faire des rajouts d’étages sur des
édifices déjà en place ou une fois reconstruits.
- Maintenir l’intégration des villages à restaurer et/
ou à réédifier dans leur environnement naturel et
culturel (architecture, couleur, nature des matériaux
de construction… etc.).
- Fortifier les constructions par des matériaux cohérents
et appropriés avec une architecture convenable
pour une zone sismique.
- Restaurer les édifices à grande valeur patrimoniale
partiellement endommagés par le séisme.
- Reconstruire les monuments historiques classés en
les fortifiant par des matériaux convenables tout en
conservant leur architecture et leur tampon culturel
d’origine (valeurs d’authenticité et d’intégrité).
- Faire participer les artisans locaux dans les
reconstructions et faire accompagner leur travail par
des spécialistes et des responsables du patrimoine.
- Sensibiliser tous les acteurs pour le respect
du règlement parasismique dans tout projet
d’aménagement et d’urbanisation dans les régions
fortement touchées par le dernier tremblement
d’al- Haouz.
- Faire le nécessaire pour le désenclavement par la
mise en place de voies de communication et des
moyens de transport, notamment pour rompre
l’isolement de certains villages dont l’accessibilité
n’est pas facile.
Bibliographie
- Aberkan, M. (2005) Risques géologiques, vulnérabilité des sols et
problème d’aménagement du territoire. Colloque international
sur le seisme d’Al Hoceima : bilan et perspectives. 24-26 février
2005, AL Hoceima, Maroc
- Cherkaoui T.E et El Hassani A, 2023 : Les séismes au Maroc.
Hassan II Académy press.
- El Mrabet, T. (2005) Les grands séismes dans la région maghrébine.
Thèse d’état. Faculté des lettres et des Sciences humaines,
Université Mohammed V. Rabat 335 p.
- Leone, F., Vinet, F., Denain, J. C., & Bachri, S. (2007). Développement
d’une méthodologie d’analyse spatiale des destructions
consécutives au tsunami du 26 décembre 2004 (Banda Aceh,
Indonésie).
- Pérouse, J. F. (2023). Ce ne sont pas les séismes qui tuent. À
propos des séismes de Kahramanmaras (Turquie) du 6 février
2023. L'Information géographique, 87(2), 142-159.
- Premiers résultats pour l’élaboration de futurs scénarios de risque.
Géocarrefour, 82(1-2), 77-90.
- Talhaoui, A. (2005) Risques géologiques et activité sismique dans
la région d’Al Hoceima (Maroc). Impact sur l’environnement et
l’aménagement. Thèse de doctorat. Université Mohammed V, Fac.
Sc. Rabat 201 p.
- Talhaoui, A, Ibbrahim, A., Aberkan, M. and El Mouraouah, A. (2004)
Seismic microzonation and site effects at Al Hoceima city,
Morocco.Journal of eartquek engineering. Vol.n° 4, pp.585-596.
- USGS; United States Geological Survey (2012). Historic
Earthquakes: The 1964 Great Earthquake of Alaska. Résumé
après: Stover, C.W. et Coffman, J.L. (1993). Seismicity of the United
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Paper 1527, United States Government Printing Office,
Washington. Page consultée le 11 mars 2014.
‫ ترجمــة الدكتــور املهنــدس‬. ‫) ) أرضار الــزالزل‬2000 .‫ هاكونــو موكــو هيكــو‬-
.‫محمــد عــوض بحــرـ جامعــة امللــك ســعود النــر العلمــي واملطابــع‬
 Patrimoine culturel
DOSSIER

matériel marocain
face aux séismes
Taj-Eddine Cherkaoui
Institut scientifique, UM5-Rabat

Figure 1: Carte des principaux séismes historiques ressentis au Maroc.

LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
Introduction
É
tudier et com-
prendre les méca-
nismes et les pro-
cessus physiques
qui contrôlent les séismes
représentent un enjeu
scientifique et sociétal
majeur pour la détermina-
tion de l’aléa sismique, et
une étape indispensable
pour l’évaluation du
risque sismique dans une
région donnée.
Le risque sismique au
Maroc n'est pas aussi
important que dans
d'autres pays du bassin
de la Méditerranée
comme l'Italie, la Grèce, la
Turquie ou le nord de
l'Algérie, mais il n'est pas
non plus négligeable. Sur
une période d’observation
de plus de 120 ans, notre
pays a connu quelques
tremblements de terre
catastrophiques : le
séisme d'Agadir en 1960
(Md=5,9) qui a détruit la
ville à plus de 75% et
plusieurs villages
avoisinants et a provoqué
plus de 12 000 victimes,
alors que la ville d'Al
Hoceima a connu en
l'espace de 10 ans deux
violents séismes, en 1994
et en 2004 ; ce dernier de
magnitude Mw =6,3 a
provoqué la mort de 629
personnes et des dégâts
considérables et, plus
récemment, le 8 des régions
septembre 2023, un
violent séisme (Mw=6,8) a
frappé la région du Haut
Atlas occidental,
provoquant la mort de
près de 3 000 personnes
et la destruction de
plusieurs villages.
Aperçu sur la sismicité
du Maroc
Le Maroc est situé à l’extrême nord-
ouest du continent africain, là où la
plaque eurasienne entre en collision
avec la plaque africaine et dont
le taux de rapprochement est de
0,4 cm/an environ dans le golfe de
Cadix et au niveau du détroit de
Gibraltar. Cette position particulière
du Maroc se traduit actuellement
par une sismicité relativement
importante qui reflète la poursuite
de la convergence entre ces deux
plaques lithosphériques. La limite
entre celles-ci est soulignée par un
alignement d’épicentres entre les
Açores et le détroit de Gibraltar.
Sismicité historique
(avant 1900)
Dans le monde musulman, et
même en Europe, jusqu’au XVIIIe
siècle, on regardait les séismes et
autres calamités naturelles avec
beaucoup de méfiance, alors qu'on
a développé d'autres domaines
comme les mathématiques, la
médecine, l’astronomie et autres
sciences. Ils étaient considérés
comme une fatalité divine et comme
un châtiment du Tout-Puissant
que les chroniqueurs et historiens
marocains préfèrent les passer sous
silence. Un autre problème qui se
pose pour la sismicité historique, les
Figure 2 :
Sismicité
du Maroc et
limitrophes pour
la période 1901-
2021 (Mw ≥ 3,5)
et localisation du
séisme du Haut
Atlas occidental
(Mw=6,8) du
8/9/2023.
Source : https://
mtcherkaoui.
wixsite.com/site
25
auteurs ne couvrent qu’une région
donnée : les capitales et les grandes
cités de l’époque. La carte de
sismicité historique (Fig. 1) montre
les principaux séismes ressentis
au Maroc pour lesquels il n'existe
pas de données instrumentales et
qui sont uniquement connus par
des traces écrites de chroniques et
de témoignages reportés soit au
moment des faits, soit a posteriori.
Elle concerne les séismes qui se
sont produits avant 1900.
La sismicité récente
(après 1900)
La sismicité du Maroc sur plus d’un
siècle d’observation (1901-2023) a
été relativement importante où nous
avons enregistré trois tremblements
de terre catastrophiques : Agadir
(1960), Al Hoceima (2004) et plus
récemment celui du Haut Atlas
occidental (dit Al Haouz) (2023).
La carte de sismicité du Maroc et
des régions limitrophes pour la
période 1901-2021 montre que les
épicentres sont plutôt concentrés
dans le nord du Maroc à proximité
de la limite des plaques. En allant
vers le sud, la sismicité diminue et
se concentre dans une zone étroite
orientée NE-SW couvrant le Moyen
Atlas, le Haut Atlas occidental, le
Haut Atlas central et des parties de
l'Anti-Atlas occidental (Fig. 2).
 26

Le risque sismique
Le Maroc est connu pour la richesse de son
patrimoine archéologique, historique et
traditionnel, ce qui lui permet d’être considéré
comme le deuxième pays d’Afrique le plus
riche en matière de patrimoine selon le
classement du site américain USNEWS2. Ces
monuments historiques sont vulnérables aux
catastrophes naturelles, particulièrement
les tremblements de terre, qui peuvent
leur occasionner parfois des dommages
irréversibles. Le Maroc connaît une activité
sismique non négligeable. Les déformations
tectoniques principalement dues à la
collision des plaques Afrique-Europe sont
faibles. Les régions les plus exposées sont
les régions d’Al Hoceima, d’Agadir et de la
chaîne atlasique où le risque sismique doit
être pris en compte.

Effets des séismes sur les

monuments historiques
Les données de la sismicité historique
nous révèlent que le Maroc a connu par
le passé plusieurs tremblements de terre
violents pour lesquels nous manquons
d’informations suffisantes. Le tremblement
de terre historique le plus documenté est
celui du 1/11/1755 dit de Lisbonne. Les
dégâts au Maroc ont été importants sur
toute la côte atlantique de Tanger à Agadir
et même à l’intérieur du pays jusqu’à Fès et
Meknès. En plus des effets de la secousse
sismique, les localités côtières ont été
balayées par un gigantesque tsunami. Avec
une magnitude exceptionnelle Mw=8,7,
plusieurs monuments ont été endommagés.
À Meknès, l’imposante porte de Bab
Mansour Laâlaj a subi, selon Louis Gentil,
« un effet de tassement violent sur les
deux colonnes de marbre qui l’encadraient
[…] Ce tassement, qui s’est produit par un Figure 3 : Deux croquis de l’arc de Caracalla à Volubilis : celui du haut a été dessiné
écrasement sur les deux colonnes dont l’une par John Windus en 1721 (avant le tremblement de terre de 1755) alors que celui du
bas a été dessiné par Ferdinand Von Augustin en 1830 (après le séisme).
a été refoulée, ne peut guère s’expliquer que
par un mouvement vertical brusque, comme
les mouvements sussulloires d’un séisme»3.

Au site archéologique de Volubilis, bien

inscrit au patrimoine mondial (1997), deux
croquis de l’arc de Triomphe de Caracalla,
dessinés avant et après 17554, témoignent
de la violence de la secousse sismique5
(Fig. 3).
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
À Rabat, si le rocher des Oudayas résista au séisme,
le site d’Hassan en souffrit particulièrement. La
mosquée avec son majestueux minaret, dont les
travaux de construction avaient commencé en 1196
et restèrent inachevés à la mort du sultan almohade
Yacoub Al Mansour en 1199, subirent les effets du
séisme de 1755 qui acheva ‘’le travail’’ en détruisant
les colonnades. Louis Gentil a pu examiner avant leur
redressement les multiples colonnes de calcaire. Les
fûts étaient couchés à terre en tronçons détachés et
généralement disposés dans un même sens, ce qui
semble indiquer l’effet d’un brusque mouvement
horizontal. Les quelques colonnes demeurées debout
montraient encore un déplacement relatif des pierres
d’appareil, qui confirme ce mouvement, ainsi que
la déviation par rotation du chapiteau, parfois d’un
angle de 40°,6 ce qui l’on ne peut attribuer qu’à un
mouvement rotatoire dû au séisme7.
Le site historique de la Kasbah d’Agadir Ighir (ou
Agadir Oufella) a connu par le passé quelques
séismes destructeurs, mais les données historiques le
concernant restent fragmentaires et imprécises. Cette
sismicité ancienne se résume ainsi en quelques lignes :
la Kasbah fut probablement détruite une première
fois en 1731 d’après un texte bref de Verneur, sans
précision ni du jour ni du mois « un tremblement de
terre renversa la ville de Ste.-Croix dans le Maroc »8.
Lors du mégaséisme de 1755, la Kasbah n’aurait pas
subi de grands dégâts, mais c’est surtout la basse ville
Figure 4 : La Kasbah d’Agadir presque complètement détruite
par le séisme d’Agadir de 1960. Les dommages plus importants
au sommet du relief laissent supposer des effets de site liés à la
topographie - © Y. Beunard.
27
qui a souffert des effets du tsunami9. Six ans plus tard,
en 1761, une violente secousse sismique d’origine
océanique frappa Santa-Cruz (Agadir). Dans une lettre
adressée au London Chronicle par un gentilhomme,
installé à Agadir, décrit la violence de la secousse en
quelques lignes dont voici l’extrait : « Je suis désolé
de vous dire que nous avons eu deux secousses d'un
tremblement de terre, la première le 31 mars, à midi,
qui était très légère et n'a pas fait de dégâts ; la seconde
le 9 avril à sept heures et demie du soir, et elle a été
des plus terribles ; elle n'a pas duré plus d'un quart de
minute ; si elle avait duré une demi-minute de plus, la
ville aurait été infailliblement mise sous la pluie ; elle a
fendu les murs de la plupart des maisons ; et la nôtre,
bien qu'elle soit l'une des plus solides, a grandement
souffert... »10.
Au XIXe siècle, on ne trouve pas d’événements majeurs,
sauf quelques brèves informations d’effondrements de
plusieurs maisons et de fortifications à Melilla en 1821
et à Baddis (Peñon de Velez de la Gomera) en 1848.
Le XXe siècle a été surtout marqué par le violent
tremblement de terre d’Agadir le 29 février 1960.
Le bilan des dégâts est catastrophique : plus de
12.000 morts, plusieurs milliers de blessés et 75%
des constructions de la ville se sont effondrées. Pour
la troisième fois de son histoire, la Kasbah, classée
monument historique en 1932, a été frappée par un
terrible séisme, mais cette fois-ci, elle fut complètement
détruite et ses 800 habitants périrent sous ses ruines
(Fig. 4).
Figure 5 : Borj en adobe, ouverture verticale de la façade due à
l’absence de chaînage. Séisme de Rissani du 23/10/1992.
 28

Les 23 et 30 octobre 1992, deux secousses sismiques,

passées sous silence, ont secoué la région de Tafilalet,
en provoquant d’importants dommages aux remparts
et dans les Ksours de Rissani et ses environs.

Plus récemment, dans la nuit du vendredi 8 septembre

2023, une grande partie du Haut-Atlas occidental a
été secouée par un tremblement de terre d’une rare
violence. D’une magnitude de moment Mw=6,8 et
une intensité épicentrale Io = IX(MSK-64), il serait
considéré comme le séisme le plus violent dans
l’histoire du Maroc depuis le séisme de Fès de 162411.
Les pertes en vies humaines, les dégâts matériels et
les destructions de cultures ont atteint une ampleur
considérable étant donné l’étendue des zones
touchées par le séisme. Situé à une vingtaine de
kilomètres de l’épicentre, le tremblement de terre a
quasiment détruit la mosquée de Tinmel, un bijou
architectural construit au XIIe par les Almohades
(Fig. 6).

Figure 6 : La mosquée de Tinmel après le séisme du 8/9/2023. - © H. Rguig.

 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
A Marrakech, connue pour ses importants
sites historiques avec une forte valeur
patrimoniale et architecturale, la médina,
répertoriée sur la liste du patrimoine
mondial de l’Unesco depuis 1985, a
aussi subi des dégâts considérables.
De nombreuses habitations du Mellah
et le minaret de la mosquée Kharbouch
située sur la place Jamaâ Al Fna se
sont effondrés. L’emblème de la ville,
le minaret de la mosquée Koutoubia,
le palais Al Badiï, le palais Al Bahia, Dar
Al Bacha, les tombeaux Saadiens, les
remparts de la vieille ville, et bien d’autres
sites historiques, présentent des fissures
plus ou moins importantes (Fig. 7).
Figure 8 : Le patrimoine historique endommagé par le tremblement de
terre du Haut Atlas occidental du 8 septembre 2023.
Des dégâts matériels ont été constatés dans d’autres
sites importants dans un rayon de 130 km environ de
l’épicentre, comme au Ksar des Aït Ben Haddou (Bien
inscrit sur la liste du patrimoine mondial depuis 1987),
les remparts, les minarets de la mosquée de la Kasbah
et la grande mosquée de Taroudannt ou encore la
Kasbah d’Agadir Oufella (Fig. 8).
29
Figure 7 : Le minaret de la mosquée Kharbouch à Jamaâ El Fna après le
séisme du 8/9/2023.
Recommandations et conclusion
Les récents séismes survenus au Maroc depuis 1960
(Agadir, Al Hoceima, Rissani, Al Haouz) ont mis en
évidence la grande vulnérabilité du patrimoine
historique au regard des risques naturels, et soulignent
la nécessité d’une action préventive sur ces structures
tout à fait particulières. La préservation de ces
témoignages historiques, patrimoines de nos sociétés,
doit être pensée de façon préventive, avec l’intervention
structurelle la plus légère possible pour permettre
de sauver l’édifice tout en conservant son caractère
originel. Nos connaissances sur les effets des séismes
sur les monuments historiques restent insuffisantes.
Après un tremblement de terre, des mesures, à long
terme, devraient être prises, pour réhabiliter au plus tôt
le bien affecté et le protéger contre des catastrophes
à venir. Il est important de tirer les enseignements de
l’expérience passée. Seuls les efforts conjoints des
divers partenaires concernés permettront d’optimiser
la protection. Ainsi la collaboration de tous les experts
issus de la conservation des monuments historiques,
de l’archéologie, des musées, des bibliothèques et des
archives est-elle absolument indispensable. Elle doit
s’étendre au domaine de la recherche, à l’élaboration
de mesures parasismiques et de documentations de
sécurité standardisées ainsi qu’aux interventions sur le
terrain.
Notes et bibliographie
1- Professeur de sismologie, spécialiste de l’aléa sismique, ex.
enseignant-chercheur à l’Institut scientifique, université
Mohammed V, Rabat
2- https://www.usnews.com/
3- Gentil, L. (1922) : Titres et travaux scientifiques. Ed. Larose, Paris,
116p.
4- Windus J. (1725): A journey to Mequinez. The residence of the
present Emperor of Fez and Morocco on the occasion of
Commodore Stewart's embassy thither for the redemption of the
British captives in the year 1721. London, printed for Jacob Tonson,
in the Strand, MDCCXXV, 305p.
5- Augustin, Ferdinand Freiherr von (1838): Erinnerungen aus
Marokko, gesammelt auf einer Reise im Jahre 1830. Ed. Wentworth
Press (2018), 164p.
6- Roux, G. (1934) : Notes sur les tremblements de terre ressentis au
Maroc avant 1933. Mém. Soc. Scien. Nat. Maroc, t. XXXIX, 42 71.
7- Cherkaoui, T.-E., El Hassani, A. & Azaoum, M. (2017). Impacts du
tremblement de terre de 1755 au Maroc : histoire, société et
religion. In « Witnesses of Chaos: aspects of the 1755 Lisbon
earthquake », Academia das Ciências de Lisboa, 53-68.
8- Verneur H. (1884) : Journal des voyages. Paris, T. XV, p.50.
9- Gentil L. & Pereira de Sousa F.L. (1913) : sur les effets au Maroc du
grand tremblement de terre en Portugal (1755). Comptes Rendus
de l'Académie des Sciences, Paris, CLVII, 805-808.
10- The London Chronicle for the Year 1761, from January 1 to June
30, Vol. IX, p. 95
11- Cherkaoui T.-E., Medina, F. & Mridekh, A. (2017): Re-examination
of the historical 11 May, 1624 Fez earthquake parameters. Fís.
Tierra. 29 (2017): 135 -157. http://dx.doi.org/10.5209/FITE.57469.
DOSSIER

Lahsen Ait Brahim

Faculté des Sciences, UM5-Rabat

Contexte géodynamique du
séisme du Haut Atlas d’al-Haouz,
impact sur le patrimoine culturel
et conditions du relèvement
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
31

Introduction

L
a région d’al-Haouz a été touchée le 8 sep-
tembre 2023 par un séisme destructeur d'une
magnitude de 6,8 sur l'échelle de Richter. Il a
causé le décès de plus de 3000 personnes et
18.000 blessés de divers degrés. Il a provoqué aus-
si de nombreux dommages aux infrastructures et
surtout aux bâtiments construits avec des maté-
riaux locaux en terre (qui constitue la majorité des
maisons dans les zones rurales et montagneuses
de la chaine du Haut Atlas) que les constructions en
béton armé et mixtes. Plusieurs édifices historiques
du patrimoine culturel ont subi des dommages lors
de ce séisme dans plusieurs provinces : Marrakech,
al-Haouz, Taroudant, Guelmim, Tinghir, Agadir et
Ouarzazate. La phase de la reconstruction est un
défi qui est lancé aux architectes et aux bureaux
d’études qui doivent se concerter pour réfléchir en-
semble de manière pratique à des solutions
concrètes et adaptées pour la sauvegarde de
l’identité architecturale spécifique des régions si-
nistrées tout en introduisant d’une façon intelli-
gente des techniques modernes pour une meil-
leure résilience aux secousses sismiques et adapté
aux spécificités de la région du Haut Atlas.

I- Contexte géodynamique de la
sismicité Historique et instrumentale
au Maroc
Le Maroc est localisé sur la bordure nord -ouest de la
plaque africaine. Il est soumis aux effets combinés de
l’ouverture de l'Atlantique, et du rapprochement des
plaques de l’Afrique et de l’Eurasie dont la frontière
est soulignée par une zone sismique qui longent le
36ème parallèle. Cette ligne sismique joint les Açores à
la Sicile à travers le nord du Maroc (Rif).
Les mesures par GPS du déplacement relatif des
plaques Afrique-Eurasie indiquent une expansion sur
la ride des Açores, un coulissage dextre sur la faille
de Gloria et une convergence dans la zone ibéro-
maghrébine (mer d’Alboran et chaîne tello-rifaine)
dont les déformations dans le Rif sont de 4,5 ± 1
millimètres par an. Les déformations intraplaques du
système atlasique associés à ce déplacement avoisine
les 2 millimètres par an. Ce contexte géodynamique
particulier fait du Maroc un pays à sismicité modérée,
pouvant donner lieu de temps en temps à des
tremblements de terre destructeurs qui provoquent
des dégâts importants sur le plan humain et matériel.
une intensité Io=IX, des dégâts aussi à Meknès, Taza,
Salé et Safi. En 1730, un violent tremblement de terre
qui s’est produit aux îles canaries de magnitude 6.6
(l’île Lanzarote) a eu un impact sur les villes côtières
du Sud. En 1731, un séisme destructeur d’intensité
épicentrale IX a détruit Santa Cruz (ancienne Agadir).
Le séisme destructeur de magnitude 9 de Lisbonne
du 01/11/1755 a entraîné des dégâts importants sur
le plan humain et matériel dans la plupart des villes
côtières marocaines de Tanger à Agadir en plus
d’un tsunami. Les villes de Meknès, Fès et Marrakech
ont subi aussi des dégâts importants. Le séisme
destructeur de Meknès du 27 Novembre 1755 a
entraîné des dégâts aussi à Fès. Le violent séisme du
31 mars 1761 a provoqué des dégâts importants à
Santa Cruz (ancienne Agadir).

I-1 La sismicité historique au Maroc

Le Maroc, durant son histoire, a connu du IXe siècle
au XXe siècle de violents tremblements de terre
destructeurs (Fig.1) décrits par plusieurs sources
marocaines et étrangères (Mezcua et Martinez Solares
1983 ; Cherkaoui 1991; El Mrabet 1991, 2005).
Ainsi, en 881 un séisme dont l’épicentre était au golf
de Cadix a détruit les palais et la plupart des maisons
à Fès. En 1522, un séisme dont l’épicentre était en mer Figure 1 : Carte de la sismicité historique ressentie du Nord du Maroc
Source : El Mrabet 1991 et Ait Brahim 1991.
d’Alboran a largement détruit Fès et Tétouan. En 1624,
un séisme a détruit entièrement la ville de Fès avec

I-2 : La sismicité instrumentale au
Maroc (1900-2023)
L’analyse du fichier des séismes enregistrés de 1900 à
2023 (ING, Institut national de Géophysique marocain)
montre que le Maroc comporte sur son territoire deux
zones sismiques très bien définies (Fig. 2) :
1- Le Rif présente, avec la mer d'Alboran, la plus forte
concentration d'épicentres dont la magnitude a pu
atteindre 6.3. Sur la côte méditerranéenne, plusieurs
villes ont été souvent historiquement endommagées
(Sebta, Tanger, Al Hoceima, Mellila-Nador). De
1900 à 2023, plusieurs séismes destructeurs ont été
enregistrés, Al Hoceima 1995 (Mw=6), Al Hoceima
2004 (Mw=6.3 avec 628 victimes), Melillia-Nador-
Alboran 2016 (Mw=6.3).
2- Les Atlas présentent une concentration importante
des épicentres dont la magnitude varie entre 5 et
6 (1900-2022) et de magnitude 7 (8/9/2023) qui a
surpris la communauté scientifique puisque cette
région, dans un rayon de 50 kms de l’épicentre,
n’a presque enregistré aucun séisme depuis 1900.
Le séisme de Magnitude = 5.75 à 6 d’Agadir du
32
29/2/1960 a détruit la ville avec 12 000 à 15 000 morts
et 100% de dégâts des habitations dans les quartiers
de la Kasbah, de Founti et Ihchach; 90% à Talborjt.
Cette sismicité est due en grande partie à la présence
d’un réseau complexe de failles tectoniquement
actives de direction NE-SW, ENE-WSW à E-W qui se
développent dans une croute d’épaisseur moyenne
de 35 km (Ait Brahim L. et al. 2002).
Force est de rappeler qu’à l’Ouest du Détroit de
Gibraltar, le Maroc est soumis à l’influence des séismes
destructeurs de magnitude élevée entre 6 et 9 sur
l’échelle de Richter d'origine atlantique, générés le
long de la zone transformante dextre des Açores-
Gibraltar qui sépare l’Atlantique central de l’Atlantique
Nord à croûte océanique. Le plus important séisme
destructeur est celui de 1755 dit "séisme de Lisbonne"
de magnitude égale à 9. Mais au cours du XXe siècle,
plusieurs séismes de cette zone de magnitude entre
6 et 8.7 ont été largement ressentis au Maroc et qui
auraient pu entrainer des dégâts grave s’ils avaient
générés des Tsunamis (1939, Mw7.1 ; 1941, Mw 8.4,
1964, Mw 6.2. ; 1969, Mw7.3 ; 1975 Mw 8.7).
Figure 2 : Carte de la sismicité
du Maroc 1048- 2023 et
localisation du séisme du 8
septembre 2023.
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
33

II- Caractéristiques du séisme du Haut par le Centre Sismologique Euro-Méditerranéen

Atlas d’al-Haouz du 8 septembre
2023
L’institut national de géophysique du Maroc (ING) a
enregistré un séisme d'une magnitude de moment
(MW) 7.0 sur l'échelle de Richter, le 8 septembre 2023
à 23h, 11mn, heure locale (22h11 TU). L’épicentre a été
localisé dans les montagnes du Haut Atlas (commune
d’Ighil, province d’al-Haouz) près de jbel Toubkal (Fig.3),
le point culminant du Maroc (4167m). La profondeur
du foyer a été estimée à 8 kms par l’ING, à 11,6 kms
(CSEM) et à 26 km par le Service Géologique des
États-Unis (l’USGS : United States Geological Survey).
La secousse a été ressentie à Rabat, Casablanca, Fès,
Meknès, Agadir et à Essaouira, semant la panique
parmi la population. Le séisme a été aussi ressenti dans
le Sud du Portugal et de l’Espagne, en Algérie et dans
les îles de Lanzarote, de Fuerteventura et à Madère.
Il s'agit du plus puissant séisme à frapper le Maroc à
ce jour avec la magnitude la plus élevée enregistrée
(Mw=7 sur l’échelle de Richter).

Figure 3 : Epicentre du séisme de l’Atlas du Haouz du 8/9/2023 de magnitude MW7 sur l’échelle de Richter.

II.1- Répliques enregistrées après le
séisme du 8 septembre 2023
La phase post-sismique est marquée par des séries
de plus de 3000 répliques épisodiques (Fig. 4) qui
continuent d’être enregistrées 2 mois après la secousse
initiale du séisme (ING, Maroc). La plus forte réplique a
eu lieu vingt minutes après le choc principal avec une
magnitude de 5.7. Depuis, la tendance générale des
répliques est caractérisée par des fréquences et des
magnitudes décroissantes (avec cependant encore
quelques pics isolés de magnitudes 4 à 4,3 qui sont
ressentis exceptionnellement dans certaines localités
lointaines comme Casablanca, surement à cause
de l’effet de site). La poursuite encore actuelle des
répliques (de magnitudes plus faibles) atteste que la
région du Haut Atlas du Haouz est encore en phase de
réajustement du champ de contrainte tectonique en
profondeur dans la croute terrestre.
II.2- Mécanismes au foyer et direction
de la faille responsable du séisme
Les solutions du mécanisme focal déterminé pour ce
séisme par les institutions NEIC (USGS), CPPT, GCMT,
GFZ, IPGP, sur le site EMSC indiquent qu'une rupture
s'est produite sur une faille aveugle (qui n’a pas
affleuré en surface) inverse à composante décrochante
de direction WSW- ENE à fort pendage (69°NW) en
surface mais qui devient faible en profondeur 30% NW.
Cela pourrait correspondre à un déplacement moyen
de l’ordre d’un mètre sur cette faille, en quelques
secondes, sur plusieurs kilomètres.
34
Figure 4 : Répliques du séisme
d’al-Haouz du 8/9/2023 de
magnitude Mw 7 sur l’échelle de
Richter. Source : Données de
l’ING marocain, 2023.
III- Causes des dommages observés
dans les constructions en terre
Le séisme d’al-Haouz du 8 septembre 2023, d'une
magnitude de 6,8 sur l'échelle de Richter, a provoqué
de nombreux dommages (en fonction de la distance
par rapport à l’épicentre) aux infrastructures, et surtout
aux bâtiments construits avec des matériaux locaux
en pisé, pierre et bois ou en béton armé ou avec des
appareils mixtes. Les missions de terrain que nous
avons effectuées avec une équipe pluridisciplinaire
dans les provinces sinistrées ont permis le diagnostic
suivant :
Les dommages observés dans des constructions en
terre sont localisés dans les zones les plus critiques
de la construction (ouvertures, angles des murs,
soubassements, chainage, etc…). La performance
sismique des maisons construites avec des murs en
pierres plates a montré une résistance plus adéquate au
séisme, avec un taux d'effondrement et de dommages
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
nettement inférieur à celui de la maçonnerie en pierre
ronde en raison de l'incapacité des pierres rondes à
s'emboîter. Les toits alourdis par plusieurs couches à
travers le temps se sont effondrés contrairement aux
toits légers en bois, avec une couche de roseaux et de
la terre crue. La construction sur des sols instables, Les
constructions sur pente raide accolées les unes aux
autres, et surmontant sur le versant les unes les autres,
ont entrainé des interactions structurales entre elles.
Ceci a été aggravé par une disposition non parallèle
aux courbes de niveau et aux terrasses.
Plusieurs constructions en matériaux locaux et en
béton armé ayant respecté uniquement les normes
de construire dans les règles de l’art ont résisté
aux secousses du séisme avec des fissures dans la
maçonnerie de différents degrés en fonction de leur
distance par rapport à l’épicentre. Elles doivent servir
d’exemple à étudier dans le détail en termes de
résilience aux secousses sismiques.
IV- Les codes de construction et la
phase de la reconstruction
1- La phase de la reconstruction doit se faire en
appliquant pour le bâti conventionnel (béton armé)
avec toute la rigueur et la pédagogie nécessaire le
règlement de construction parasismique (RPS 2000
version 2011) (Fig. 5), paru au Bulletin Officiel n° 6206
du 17 Moharrem 1435 (21/11/2013) suite au décret
n° 2-12-682 du 17 Rejeb 1434 (28 mai 2013). Ce
RPS 2011 nécessite une mise à jour après 15 ans de
nouvelles données dans le domaine sismotectonique.
35
2- Pour les constructions en terre, le Règlement
Parasismique des Constructions en Terre (Le RPCT11)
paru au Bulletin Officiel N° 6206 du 17 Moharrem 1435
(21/11/2013) suite au Décret n° 2-12-666 du 17 rejeb
1434 (28 mai 2013) et dont les citoyens des provinces
sinistrées n’ont jamais entendu parlé (d’après l’enquête
que nous avons effectué dans les régions sinistrés que
nous avons étudiés) doit constituer la base de tout
projet de reconstruction.
Il est applicable aux bâtiments conçus selon les
techniques locales traditionnelles et dont la structure
porteuse utilise essentiellement la terre, la paille, le
bois, le palmier, les roseaux ou des matériaux similaires.
Les matériaux couverts par ce règlement sont l’adobe,
l'adobe stabilisé, le bloc de terre comprimé, le pisé,
le torchis, la bauge et le mortier de terre. La hauteur
maximale des murs porteurs en terre est inférieure
ou égale à 4 mètres pour les constructions à un seul
niveau et à 6,5 mètres pour les constructions à deux
niveaux. II est interdit de construire des bâtiments
en terre sur des sols mous, expansifs, marécageux,
inondables, à risque de glissements, en présence
de nappe phréatique superficielle, et loin des failles
géologiques actives connues. Il est constitué de 2
volets le RPACT 2011 (d'Auto - Construction sans faire
appel aux études architecturales et techniques) et le
RPCT 2011, destiné aux architectes, aux ingénieurs
et techniciens chargés de la conception et le
dimensionnement des constructions en terre.
Conclusion
La phase de la reconstruction est un défi qui est
lancé aux architectes et aux bureaux d’études. Ceux-
ci doivent se concerter pour réfléchir ensemble, de
manière pratique, à des solutions concrètes et adaptées
pour la sauvegarde de l’identité architecturale
spécifique des régions sinistrées tout en introduisant,
d’une façon intelligente, des techniques modernes.
C’est l’occasion d’innover pour nous proposer un
bâti en terre amélioré, conforme à la reconsidération
récente du zonage sismique des zones touchées par
le séisme du 08 septembre 2023 (proposée par le
ministère de l’Habitat et validé par le comité national
de génie parasismique le 24 novembre 2023) pour
une meilleure résilience aux secousses sismiques et
adapté aux spécificités de la région. L’objectif est de
nous offrir un nouveau cadre artistique plus agréable
du bâti ou s’associe tradition et modernisme avec des
matériaux locaux de terre, de pierre et de bois, qui
assurent une résilience aux séismes et une résistance
aux aléas climatiques.
Figure 5 : Carte du zonage sismique en accélération (%g) pour des
probabilités de 10% en 50 ans correspondant à une période de retour
de 475 ans (Ait Brahim et al., 2011). B.O. n° 6206 du 17 Moharrem 1435
(21/11/2013).

Bibliographie
- AIT BRAHIML. (1991). Doctorat d'Etat en Sciences sur les Risques
géologiques et sismiques au Maroc. Faculté des Sciences de
Rabat en collaboration avec l'Université Pierre et Marie Curie de
Paris VI Jussieu (FRANCE) et l'Université de Cornel d'Ithaca New-
York (U.S.A.).
- MEZCUA J. et MARTINEZ SOLARES J.M. (1983) - Sismidad del area
ibero-mogrebi - Inst. Geogr. Nacional, Madrid, 300 p.
- CHERKAOUI (1991) - Contribution à l’étude de l’Alea sismique au
Maroc. Etude détaillée du séisme d’Agadir (29/2/1960). Etude de
la microsismicité de la région d’Al Hoceima - Thèse Grenoble, p.
209 (in Ramdani 1991).
36
- EL MRABET A.T. (1991). Etude de la sismicité historique au Maroc
de 846 à 1960 - Thèse 3è cycle, Fac. Lettres Rabat, 340 p. + 1 carte
- AIT BRAHIM L. et al. (2002). Paleostress evolution in the Moroccan
African margin from Triassic to Present. Tectonophysics, Volume
357, Issues 1-4, 1 November 2002, Pages 187-205.
- MINISTERE DE L’HABITAT (2011). Carte du zonage sismique en
accélération (%g) pour des probabilités de 10% en 50 ans
correspondant à une période de retour de 475 ans, B.O N° 6206
du 17 Moharrem 1435 (21/11/2013).
- MINISTERE DE L’HABITAT ET DE L’URBANISME (2023). Cartes
d’aptitudes à l’urbanisation pour plus de 16 provinces et plus de
31 cartes à l’horizon 2021-2024. La province pilote d’Al Hoceima
dispose et applique déjà sa CAU depuis 2013.
DOSSIER

Ibtissam Toukmati
Direction régionale de la
Culture, Kénitra

Archaeoseismology, the
study of seismic hazard
using archaeological
sites data

Figure1: Seismic zoning of Morocco.

Introduction

M
orocco is situated in one of the peri-Me-
diterranean basins recognized for its
moderate seismic activity1. The national
territory is divided into seismic zones
based on the seismic construction regulations
(RPS-2000, version 2011)2 which classifies them ac-
cording to maximum soil acceleration (Fig . 1). This
seismic activity is attributed to the country's loca-
tion in a collision zone near the border between
African and Eurasia plates. The northern region of
Morocco, being more exposed, experiences the
effect of this convergence, making it a seismically
active area3 (Fig. 1).
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
39

Acquiring information on historical earthquakes is century, it doesn’t provide sufficient historical context
crucial for anticipating damage caused by strong future to accurately assess the risk in all regions globally.
earthquakes4. For this purpose, archaeoseismology and However, archaeoseismology enables the precise
paleoseismology allow us to study these earthquakes determination of earthquake periodicity and the
and determine their impact on ancient constructions. maximum intensities they reach by examining the
Archaeoseismology, which represents the intersection damage evident in the architecture of archaeological
of archaeology and seismology, is based on the study sites. This approach enhances our understanding of
of past earthquake effects, damage, and disorders seismic waves and associated risks. Fractured block
observed on archaeological structures, historic corners, displaced or tilted masonry, and cracked walls
buildings, and cultural vestiges5. This science is of serve as tangible evidence of past seismic activity.
great importance for several reasons. It sheds light on Archaeological vestiges thus become invaluable
the seismic history of a given region, offering insight sources of information for both seismologist and
into past events that may have shaped the culture and archeologist, offering insights ito the historical seismic
built environment. Moreover, it plays an essential role landscape.
in preventing seismic risks and anticipating potential
threats to archaeological sites.
In this work, we present some aspects of
archaeoseismology as a new discipline, emphasizing
the seismicity of the Gharb basin as an area where known
seismical activity poses a threat to the archaelogical
sites of the region. The choice of this area was based
on the richness of the Moroccan territory in terms of
archaeological sites6, and the fact that it is considered
a seismically active area7.

The basis of archaeoseismology

Archaeoseismology (Fig. 2), also known as "earthquake
archaeology," emerged as a discipline in Europe
during the 1980s and 1990s8. While instrumental
recording of seismic activity began in the early 20th Figure 2: Founding principles of archaeoseismology.
 40

Archeoseismology utilizes the damage caused by

the vibratory phenomenon of earthquakes on the
structures of archaeological sites. Observations must
be conducted on these structures to detect any signs
of disruption, which may manifest as cracks and offsets
Joint analysis of
in structural elements (such as columns, load-bearing
walls) or in non-structural elements (such as infill)9. Gharb basin’s
Various methodologies have been employed in
research to comprehensively capture the effects
geomorphological
of earthquakes on archaeological sites. Stiros10
conducted simulations and modeling of deformations features, seismic
activity and potential
that may impact ancient structures. Atakan et al.11
developed a scientific approach to paleoseismology12,
which was later utilized by Sintubin13 and Stewart14
in archaeoseismology. This approach involves six
stages, with the first three dedicated to examining and
archeological affected
evaluating the sites’s capacity to record earthquakes,
with the first three focus on highlighting damage. sites
Hinzen et al.15 conducted multiple modelings runs
based on three-dimensional numerical models of
Geomorphological
monolithic and structured columns16, combined with
measured three-dimensional ground movements. setting of the Gharb
basin
They were able to demonstrate that the columns at
the base were undergoing a rotation. Rodriguez-
Pascua et al.17 based on their observations of Roman
and Mesoamerican sites, established a classification
of the different types of damage observable on
archaeological sites18.

Classifying the damage caused by an earthquake
on an archaeological site is often a challenging task.
To undertake such a study, it is essential to conduct
prospecting campaigns, observing archaeological
sites and attempting to detect seismic indicators
like cracks, wall offsets, or pavement uplift. These
indicators serve as valuable signs of seismic activity.
These prospecting campaigns must be supported by
a comprehensive database, a fundamental step in the
study. The census and documentation of a diverse
range of architectural disorders of seismic origin
across numerous archaeological sites demonstrate
the interest and potential of such field campaign.
During these observations, it is crucial to refer to
the degradations studied and described by various
authors at other sites across the Mediterranean. For
instance, Karakhayan et al.19 studied deformations
recorded at a temple in Luxor, Egypt; Marco focused
on the Dead Sea region20; and Silva et al. conducted
research in southern Spain21.
The Gharb basin, situated as the western component
of the South-Rifain Sillon, represents a fordeep basin
resulting from the growth of the Rifaine fold and thrust
belt. Its sedimentary filling is shaped of Quaternary-
age fluvio-deltaic and fluvio-estuarine sedimentary
dynamics, significantly influencing the present-day
landscape of this important plain. The basin’s final
appearance results from a combination of factors,
including climate, eustatism, neotectonics and
anthropization.
The reliefs and environments of the late Holocene age
largely inherit dynamics from the last glacier (upper
Pleistocene) and the current interglacial (Holocene),
as well as tectono-sedimentary events since the
middle Miocene. River dynamics are influenced by
morphological factors, including the low slope, and/or
tectonic factor, especially the so-called satellite basin22.
The basin’s hydrology is characterized by a network of
rivers (Beht, Rdom, Mda, etc) directly feeding into the
merjas that constituted their base level.
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
The outocme of these geomorphological processes
is a series of heterochronous delta shapes distributed
along the Gharb plain. The consequences of Soltanian
and Gharbian geomorphological dynamics on the
landscapes and environments of the plain during
the Mauritanian, Roman and medieval periods are
diverse23. The primary physical characteristics of the
present landscapes and environments were already
established during the Mauritanian period24.
Gharb basin’s seismic activity
distribution
The Moroccan seismicity map reveals that the Gharb
basin is a seismically active area25. Historical seismicity
data further amphasize that Morocco is susceptible to
devastating earthquakes, as witnessed in 1522, 1624,
Figure 3 : Distribution of epicenters in the Gharb basin.
41
1755, 196026. The Gharb Basin experiences variable
seismic activity attributed to a network of regional
lineaments and a tectonic plate boundary lineament
originating from the mid-Atlantic ridge. Movements
along this major feature, as well as the Gulf of Cadiz
accretionary prism, can generate tectonic stresses
leading to low to moderate magnitude earthquakes.
In the Gharb basin, the geographical distribution
of epicenters from 1901 to 2002 reveals organized
patterns, varying in magnitude but following
preferential orientations. They align along the
western boundary of the pre-rifaine ridges, with an
E-W orientation in the area bordering the Gharb
and Maamoura basins, and a NE-SW direction in the
center of the Gharb basin, notably near the Banasa
archaeological site (Fig. 3 and Table 1).
 42

Table 1: Main earthquakes felt or thought to have been felt in the Gharb basin between
1986 and 2002

YEAR MONTH MINUTE SECOND LATITUDE LOXNGITUDE DEPTH MAGNITUDE

1968 3 58 33 34,310 -5,750 10,0 2,7

1969 3 51 17 34,233 -5,746 5,0 2,3

1970 6 11 27 34,385 -5,763 5,0 2,9

1971 7 14 34 34,290 -5,989 5,0 3,0

1979 3 22 20 34,400 -6,000 1,0 2,0

1985 11 41 53 34,430 -5,910 0,0 0,0

1987 10 29 17 34,610 -5,940 30,0 3,0

1989 7 29 33 34,500 -6,200 0,0 2,6

1992 6 41 47 34,512 -6,083 0,0 2,3

1994 9 16 28 34,488 -6,354 14,0 2,7

1995 3 24 1 34,511 -6,107 17,0 3,0

1996 2 32 16 34,325 -6,466 0,0 3,0

1996 3 41 7 34,755 -6,265 0,0 2,5

1998 4 46 2 34,755 -6,215 12,0 3,1

1998 4 52 33 34,267 -5,810 16,0 3,1

1999 9 9 19 34,566 -5,972 15,0 2,8

2000 4 5 33 34,352 -5,752 1,0 3,6

2002 1 2 15 34,284 -6,102 30,0 2,9

2002 3 48 24 34,288 -5,794 30,0 2,8

2002 4 35 17 34,671 -6,352 17,0 3,8

2002 4 39 26 34,305 -5,774 16,0 3,1

On the other hand, in the western Rif, NE-SW and NW-
SE major lineaments are linked to the Azores slip zone.
Seismic data analysis also reveals that the majority
of epicenters (96.5%) are shallow, with only a few
intermediate earthquakes (11 in total), the deepest of
which is located 98 km away (Table 1). Additionally,
seismicity in the Saïss-Fès basin and in the pre-Saïss
ridges could be attributed to the reactivation of ancient
normal faults that played a role in the genesis of the
Middle Atlas. The recent rethrusting of these faults has
resulted in moderate seismic activity. The strongest
earthquakes recorded in this region did not exceed a
magnitude of 4.6 in the vicinity of the Sidi Kacem area.
As a result of this analysis, seismic activity in the
Gharb basin is primarily attributed to intense Mio-
Plio-Quaternary and present-day tectonic activity
generated by the convergence of the two African-
Eurasian lithospheric plates. These plates are closing
at a rate of around 0.5 cm/year at the Strait of Gibraltar,
with a general direction of convergence from NNW-
SSE to N-S. Given the coexistence of this seismic
activity, the very recent nature of the deposits, and
the archaeological sites, there is great potential for
developing an archaeoseismological approach in the
Gharb basin.
Conclusion
Archaeoseismology is more than a journey into the
past ; it is a guiding light illuminating the future.
It symbolizes our commitment to safety, heritage
preservation, and the well-being of future generations.
By seamlessly blending the strengths of seismology,
archaeology, and history, archaeoseismology offers
a holistic approach that transcends disciplinary
boundaries.
In this study, we underscore the fundamentals of
archaeoseismology and delve into the seismicity of
the Gharb basin, an area abundant in archaeological
sites. The objective is to gain insight into the seismic
activity in this region of Morocco and to explore the
application of archaeoseismology. Our aim is to
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
illuminate the damage inflicted by earthquakes on
the remnants of archaeological sites, contributing to
the reconstruction of the seismic history of this area.
This knowledge extends beyond a mere retrospective;
it opens crucial doors for the prevention and
preparedness of future earthquakes.
Notes and bibliography
1- Cherkaoui, T. E., and Asebriy, L, " Le risque sismique dans le Nord
du Maroc". Trav. Inst. Sci. Rabat, sér. Géol. & Géogr. phys., n° 21,
2003, p. 225.
2-This regulation is a compendium of rules of good practice and
know-how, designed to limit the damage to life and property that
can occur as a result of earthquakes
3- Cherkaoui, T. E., and Asebriy, L, " Le risque sismique dans le Nord
du Maroc", p. 227.
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du VIe colloque international (Pau, octobre 1993), Paris, 1995, pp.
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de la marge nord du bassin du Gharb (avant-pays rifain, Maroc) :
mise en évidence d'une distension d'âge miocène tardif, Eclogae
geol. Helv. 94, 2001 pp. 63-73.
9- See among others: Fréchet, J, Past and Future of Historical
Seismicity Studies in France, in: Fréchet, J., Meghraoui, M., Stucchi,
M. (Eds.), Historical Seismology. Interdisciplinary Studies of Past
and Recent Earthquakes., Modern Approaches in Solid Earth
Sciences, 2008, pp.131-145; Sintubin, M, Archaeoseismology:
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12- Atakan, K, V. Midzi, B. Moreno Toiran, K, et al, 2000. Seismic
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15- Rodriguez-Pascua, M. A, Perez-Lopez. R, Gines-Robles. J. L et al,
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Quaternary International, 242, 2011, pp. 20-30
16- Karakhanyan, A, Avagyan. A, Sourouzian. H, Archaeoseismological
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18- Silva, P. G, Reicherter. K, Grutzner. C et al, Surface and subsurface
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and the Bolonia Bay area, Cádiz (south Spain). Geological Society
of London, vol. 316, 2009, pp. 93-121.
19- Flinch, J.F. Tectonic Evolution of the Gibraltar Arc. Ph. D
Dissertation. Rice University, Houston, 1993, p. 212.
20- Desruelles. S, Castanet. C, Aomar Akerraz. A et al. "Application
des méthodes géoarchéologiques à la reconstitution des
dynamiques environnementales et de leurs interactions avec les
sociétés durant l’Antiquité : cas de la plaine de Gharb et du
territoire de Volubilis (Maroc)", in : L’eau dans les villes du Maghreb
et leur territoire, 2023, p. 110.
21- Ibid.
22- Cherkaoui, T. E., and Asebriy, L. "Le risque sismique dans le Nord
du Maroc", op. cit., p. 225.
23- Ibid.
24- Mridekh, A. Imagerie géophysique et évolution géodynamique
récente de quelques bassins ouest marocains. In : potentiel
hydrogéologique et pétrolier. Thèse d’habilité, Université Ibn
Tofaïl, Maroc, 2015.
25- Ibid.
26- Ibid.
27- Cherkaoui, T. E., and Asebriy, L, "Le risque sismique dans le Nord
du Maroc", p. 225.
DOSSIER

Halima Naji
Archéologue de l’Antiquité

Volubilis et le tremblement de
terre de 1755 : controverse
sur la restauration de l’arc de
triomphe de Caracalla
LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
45

Introduction

É
lément caractéristique
de l'architecture ro-
maine, l’arc de triomphe
est érigé pour commé-
morer des évènements impor-
tants comme la victoire, la
construction de grands ou-
vrages, …etc. Au Maroc, on en
dénombre deux : un à Volubilis,
à une seule baie, et un autre à
Sala, à trois baies. L’arc de
triomphe de Volubilis, monu-
ment phare de la cité, est situé à
la jonction du decumanus
maxi mus et du cardo qui mène
au quartier monumental. Il fut
élevé par les habitants de Volu-
bilis en 216-217 après J.-C. en
l’honneur de l’empereur Cara-
calla et de sa mère Julia Domna,
sans doute, en récompense
d’une exemption d’arriérés
d’impôts. Le monument était
surmonté, comme le dit la dédi-
cace, d’un char à six chevaux,
conduit, probablement, par
l’empereur et sa mère.
Volubilis a été, considérable-
ment, endommagé par le trem-
blement de terre de Lisbonne
de 1755 ; catastrophe qui a pro-
voqué l’effondrement de l’arc
de triomphe. Fouillé entre 1915
et 1917, et tel qu’il se présente
aujourd’hui, il fut restauré entre
1930 et 1934. Mais cette inter-
vention ne restitue pas, cet in-
signe de pouvoir selon son as-
pect original, et plusieurs
éléments décoratifs n’ont pas
été pris en considération, et
sont restés éparpillés aux
abords de l’arc.

Figure 1 : L’arc de Caracalla (état actuel

Source : Conservation du site archéologique
de Volubilis.
 46

L’arc de triomphe de Caracalla

avant 1755
L’importance de la documentation est
primordiale. C’est à Henri Boyde et John Windus
que revient le mérite d’avoir immortalisé,
par leurs dessins, l’aspect original de l’arc de
triomphe de Volubilis. En 1721, Henri Boyde,
capitaine de navire anglais capturé par les
corsaires de Salé et longtemps prisonnier
du sultan Moulay Ismaïl, avait dessiné ce
monument. Dans la même année, John
Windus, membre de l'ambassade anglaise
dirigée par le Commodore Charles Stewart,
avait visité Volubilis dans le cadre d’une mission
anglaise chargée du rachat, par le roi Georges,
des prisonniers anglais (dont Boyde) du sultan
alaouite Moulay Ismaïl1. En 1725, il publia son
dessin dans le récit de son voyage : A. Journey
Figure 2 : Dessin de Henri Boyde
of Mequinez, Residence of the present emperor Source : Pancani, 2019, fig. 2, p. 47.
[Moulay Ismaël]2. La plus ancienne description
des ruines de Volubilis, sous la dénomination
du Ksar Pharaon (le château du Pharaon),
est, également, attribuée à cet ambassadeur
britannique3.

Figure 3 : Dessin de John Windus

Source : Pancani, 2019, fig. 3, p. 47.

D
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
47

L'état de ces ruines remontant au XVIIIe siècle, d’avant

1755 et tel qu’illustré par ces dessins, montre que la
voûte de l'arc ne s'était pas encore effondrée4. Une
gravure d'un ouvrage anonyme, Several voyages to
Barbary, paru en 1750 à Londres, représente "les ruines
d'une ancienne construction romaine, à six lieues de
Meknès, sur la route de Tétouan". On y identifie l'arc de
triomphe de Volubilis. L’auteur signale qu'il fut dessiné
par Boyde5.

Figure 4 : Dessin de Boyde. Source : Several voyages to Barbary.

L’arc de triomphe de Caracalla après 1755 Figure 6 : L’ARC, EN 1880, DÉMOLI .

Un dessin de l’arc de Caracalla de Volubilis, remontant à Source : Leydier-Bareil, 2006, fig. 13, p. 299.
1830, est attribué au baron autrichien Ferdinand Freiherr Von
Augustin. Il a été réalisé lors de son voyage au Maroc. Il prit,
également, quelques croquis des ruines6. Le tremblement de
terre de 1755 avait provoqué l’effondrement de la voûte de
l’édifice7.

Figure 5 : Dessin de l’arc de Caracalla

(Volubilis) par Von Augustin en 1830.
Source: Leydier-Bareil, 2006, Figure 14,
p.299. Pancani, 2019, p.48.

Avant l'établissement du Protectorat, deux diplomates
et chercheurs français dominent l'histoire des
recherches archéologiques vers la fin du XIXe siècle :
Charles Tissot et Henri De la Martinière ; sans qui,
dixit Louis Chatelain, on "n'aurait sans doute pas
organisé la méthodique résurrection de Volubilis"8.
Charles Tissot séjourna cinq ans au Maroc, de 1871 à
1876, en qualité de ministre à la légation de Tanger.
C'est lui qui a, définitivement, identifié Volubilis au
site de Ksar Faraôun en 18769. Il restitua, également,
presque dans son ensemble le tracé des deux
pistes de l'Itinéraire d'Antonin, de Tanger à Sala
pour la voie du littoral et de Volubilis à Tanger pour
la voie de l'intérieur10. Il reconnut que les fragments
épigraphiques épars gisant au pied de l'arc de
triomphe désignaient l’empereur Caracalla11. Henri
De La Martinière, parcourut de nombreux itinéraires
et fit, entre autres, des fouilles à Volubilis. On lui doit,
également, la précieuse découverte de nombreuses
inscriptions latines. Quand Charles Tissot vint pour la
première fois à Volubilis, en 1874, l’arc de triomphe
se présentait "à peu près" tel que Louis Chatelain l’a
décrit en 1915 : une "chaotique avalanche des blocs
effondrés"12. En 1915, les premiers dégagements
débutèrent sur le site à l'initiative du Maréchal Hubert
Lyautey, Résident Général, qui confia, au Lieutenant et
Figure 7 : Reconstitution de l’arc de Caracalla. Source : Flandrin.
En 1958, Maurice Euzennat, alors nouveau directeur
du Service des Antiquités du Maroc, a chargé Claude
Domergue de faire une étude de l’arc de triomphe de
48
chercheur Louis Chatelain, la direction des fouilles de
Volubilis. Les recherches autour de l'arc de triomphe
ont commencé en mai 1915 et durèrent plusieurs
années13. Ils consistaient à effectuer des sondages,
puis des excavations, aux environs du monument,
qui, avec la basilique constituaient "les deux seuls
édifices qui émergeaient de l'inextricable amas
constitué par les éboulis de pierres, les gonflements
des terres et la végétation"14. Entre 1930 et 1934,
plusieurs monuments de Volubilis ont bénéficié de
diverses interventions en vue de les conserver comme
l’explique Louis Chatelain, dans le rapport : Historique
de la Direction Générale de l'Instruction Publique
des Beaux-Arts et des Antiquités (1912-1930)15.
Ces opérations étaient, comme il le précise, des
"reconnaissances archéologiques"16 et des "travaux
de consolidation"17.
En ce qui concerne la "restauration"18 et la
"consolidation"19 de l’arc de triomphe, Louis Chatelain
explique la méthode appliquée : "construction d'un
échafaudage puissant qui entoure l'édifice ; dépose
des blocs soigneusement numérotés ; vérification de
la solidité du sol et affermissement s'il y a lieu ; enfin,
remontage des pierres toutes replacées dans l'ordre
primitif. Mais il sera nécessaire, pour la restitution de
la voûte, d'ajouter quelques voussoirs"20.
Caracalla, remonté "hâtivement" par Louis Chatelain21.
Le projet consiste à effectuer une reconstitution de
la façade occidentale de l’édifice. Claude Domergue
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
assure, effectivement, cette étude22. Il a remis en
question la hauteur du monument, atteignant
désormais environ 13,75 m, grâce à l’existence d'un
étage supérieur, non reconstruit, ce qui transforme
son actuelle silhouette écrasée23 en une apparence
plus élancée. Il a aussi reconnu les reliefs et leurs
emplacements24. Ces bas-reliefs n’ont pas été replacés
lors des travaux de restauration et sont restés au sol,
Figure 8 : L’arc de Caracalla d’après Cl. Domergue. Source : https://sitevolubilis.com/larc-de-triomphe/
Figure 9 : Inscription n°391. Source : IAM lat., p.252
Polémique sur la restauration de l’arc
de Caracalla,…. S’il y en a (eu) !
La restauration de l’arc de Caracalla (1930-1934), même
critiquée, a-t-elle suscité une vraie polémique ? Qui a
polémiqué du vivant de Louis Chatelain (1883-1950) ?
Armand Luquet, conservateur du site de Volubilis, a
signalé que l’arc de triomphe fut remonté, certes, mais
d’une manière incomplète29. Raymond Thouvenot,
directeur du service des Antiquités du Maroc après
Louis Chatelain, a déclaré, quant à lui, que l’étude de
plusieurs édifices (fortifications, murs et portes) par
Chatelain, a été exécutée "de façon assez rapide" et
que "son travail manque des plans et croquis"30.
49
regroupés non loin de l’arc et d’autres exposés au
centre d’interprétation du patrimoine du site. Il a
reconnu deux victoires ailées et des trophées d’armes
(boucliers, casque, épée, enseigne). Pour ce faire, il s’est
basé, entre autres, sur les deux dessins exécutés en
1721 par les voyageurs anglais, John Windus et Henri
Boyde, et sur lesquels la façade occidentale de l'arc
est reconnaissable avant l'écroulement de la voûte25.
L’inscription de l’arc, brisée en
27 fragments, a été restaurée,
complétée et remise en place
en 1931 sur la face est de l’arc26.
Les fragments d’une inscription
identique, qui figurait sur la face
ouest, ont été également retrou-
vés et recensés27. Cette inscrip-
tion nous apprend que l'arc fut
érigé en l'honneur de l’empereur
Caracalla et de Julia Domna, sa
mère, entre le 10 décembre 216
et le 8 avril 217 après J.-C. L'ins-
cription fait allusion à une me-
sure de bienveillance qui serait
liée, d’après Claude Domergue, à
une remise d'arriérés d'impôts28.
En 1956, six ans après la mort de Louis Chatelain,
Maurice Euzennat, signala la découverte d’une gravure
d'un ouvrage anonyme31, paru en 1750 à Londres et
représentant les ruines de Volubilis, dont on reconnaît
l'arc de triomphe dessiné par Henry Boyde32. La
ressemblance notée entre les dessins de John Windus
avec ceux de Boyde et comparés avec l’arc de Caracalla
restauré "inquiète"33 Maurice Euzennat. Il souligne
qu’un recours aux anciennes représentations de l’arc
a été négligé et que "tel qu'il fut reconstitué en 1930,
l'arc actuel est assez différent"34. Maurice Euzennat
conclut que "pour les monuments déjà fouillés, et

reconstruits avant d'être décrits, les vieux dessins de
Windus et de Boyde restent notre source la plus sûre,
dont il convenait avant tout travail de détail de préciser
la portée" 35. Sur cette conclusion, deux ans plus tard,
il confia, en 1958, l’étude de l’arc de triomphe de
Volubilis à Claude Domergue36. Ce dernier reconnaît
qu’il s’agit d’une "importante restauration qui lui a
donné son aspect actuel"37. Il évoque, également,
les "soins apportés à la reconstruction"38. En évaluant
l’opération, il a approuvé que "la structure générale
de l'édifice a été assez bien respectée"39. Il affirme,
toutefois, que " la restitution n'est pas entièrement
satisfaisante"40. Il reproche à ses porteurs le fait d’avoir"
négligé le recours aux anciennes représentations du
monument et d’avoir ignoré les reliefs découverts in
situ"41. Les travaux de restauration de l’arc de Caracalla,
réalisés entre 1930 et 1934, étaient-ils avancés avant la
sortie de la "Charte d’Athènes pour la Restauration des
Monuments Historiques" en 1931 (ICOMOS : Conseil
International des Monuments et des Sites) ? Louis
Chatelain en était-il au courant ? Si oui, pourquoi n’-t- il
pas pris en considération la "résolution" 2 qui stipule
que" les projets de restauration doivent être soumis à
une critique éclairée pour éviter les erreurs entrainant
la perte du caractère et des valeurs historiques des
monuments" ? ; et le point VI qui précise qu’il faut
procéder à la "remise en place des éléments originaux
retrouvés (anastylose) chaque fois que le cas le
permet" ?.
Fausse restauration ? Restauration (tolérée à
l’époque) ? Problème de hâte ou insuffisance de
crédits ? Louis Chatelain était-il conscient des erreurs
commises ? ou conscient des contraintes ?
Louis Chatelain connaissait l'existence des dessins du
XVIIIe siècle où l'arc de Caracalla conservait encore
son élévation initiale, alors pourquoi ne les avait-il pas
utilisés ? N’avait-il pas confiance en ces dessins ? Lui
qui, faut-il le rappeler, connaissait bel et bien le dessin
et le récit du voyage de John Windus et reconnaît qu’il
n’est pas " en droit de suspecter l'authenticité " 42 de ce
document. Quelle contrainte avait-il, alors, pour ne pas
l’avoir exploré dans la consolidation et la restauration
des monuments de Volubilis ?
De son vivant, les critiques lui furent-elles adressées
directement, indirectement, oralement ?, Aurait-il, déjà,
répondu à "ces critiques [qui, pour lui,] ignorent (…)
dans quel état se trouvaient les vestiges de Volubilis,
à l'arrivée des Français ? "43. En parlant du coût, du
savoir-faire et de la vigilance demandée, il avance qu’
"il suffirait pour cela de pouvoir disposer de quelques
millions, d'un grand nombre d'artisans capables d'un
travail honnête, et d'une douzaine d'hommes de goût
sachant le métier de maçon et disposés à se vouer à la
surveillance incessante de l'exécution"44. Il rajoute dans
50
une note de bas de page que "les comptes des Beaux-
Arts ne suffisent pas à dire toute la vérité sur ce point,
car on a exécuté maintes réfections par expédient avec
d'autres fonds que les nôtres"45. Comme contraint, "il
faudrait encore qu'on sache dans quelles conditions
ces choses furent faites"46, réplique-t-il. Au niveau
technique et méthodique, il explique que "souvent il fut
impossible de consolider sans reconstituer des parties
perdues"47.C’est pour cela d’ailleurs qu’il parle tantôt
d’une " consolidation"48, tantôt d’une "restauration"49.
Il admet, et en connaisseur de la nature de chaque
intervention, qu’il faut" ne procéder qu'avec la plus
grande réserve à toutes les opérations qui ont pour
but de reconstituer, de restaurer, de restituer ou
même simplement de consolider, quels qu'ils soient,
les monuments antiques"50. Au niveau des ressources
humaines, "il fut parfois difficile d'arrêter la main des
maçons"51 qui, juge-t-il, "ne comprennent pas qu'on
conserve le vieux, qu'on ne le refasse pas en neuf,
quand on a les moyens de le faire"52. Toutefois, Louis
Chatelain, en sa qualité de responsable du projet,
n’aurait-il pas dû éviter les erreurs commises par les
artisans chargés de la reconstruction des motifs,
réclamer, intervenir ou rectifier ? Qu’entendait-il par
"vérité" et de quelles conditions parlait-t-il ? Sont-ce
celles que nous venons d’évoquer et rapporter ?
Conclusion
Qu’une restauration soit jugée fausse, critiquée,
imparfaite ou incomplète -pour reprendre les
qualificatifs des auteurs et chercheurs- est chose
courante. Le problème est ancien et connu ailleurs.
Ravagée par l’incendie survenu le 15 avril 2019,
la cathédrale Notre-Dame de Paris, monument
emblématique de la France et plusieurs fois séculaire,
bénéficie entre 1845 et 1867 d'une importante
restauration, controversée, à cause de l’incorporation
d’une flèche inédite53.
En somme, le site archéologique de Volubilis avec son
florilège remarquable et ses vestiges splendides, dont
l’arc de Caracalla, a été inscrit sur la liste du patrimoine
national en 192154 puis sur celle du patrimoine mondial
de l’UNESCO depuis 1997, sans que cette restauration
controversée ne pose problème. Après bientôt neuf
décennies, la restauration de l’arc de Caracalla fait
partie de l’histoire (de l’état) du monument. Par ailleurs,
nous pourrions profiter de la nouvelle technologie
visuelle pour rendre présent l’absent et rendre entier
le manquant (le non restitué). Une présentation
holographique55, in situ, ou la réalisation d’une
maquette matérielle présentant l’arc de Caracalla sous
sa version originale d’avant le tremblement de terre de
1755 seraient les bienvenues.
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
51

Notes 46- Historique 1931, note 2, p.133.

47- Historique 1931, p.133.
1- Chatelain, 1944, p.188 et note 3, p.188. Heddad, 2019. 48- Historique 1931, p.133-134.
2- Windus, 1725. 49- Chatelain, 1931, p.293.
3- Euzennat, 1956, p.325. 50- Chatelain, 1931, p.293.
4- Chatelain, 1944, p.188-193. 51- Historique1931, p.100.
5- Euzennat, 1956, p.325. 52- Historique 1931, note 1, p.134.
6- Souvenirs d’un voyage au Maroc en 1830. (Historique1931, 53- Historique 1931, p.133-134.
p.93) ; Heddad, 2019. 53- "c’est ainsi qu’on agit depuis tantôt deux cents ans avec les
7- Pancani, 2019, p.48. merveilleuses églises du Moyen Age" (Hugo Victor, Notre-Dame
8- Historique1931, p.94. de Paris, 1831, p.1). C’est sur un mot en grec gravé à la main sur le
9- Tissot, 1878. mur de l’une des tours (ΆΝΆΓΚΗ, qui veut dire : FATALITÉ) et qui
10- Historique, 1931, p.94. a été effacée que V. Hugo a fait le livre de Notre-Dame de Paris (V.
11- Chatelain, 1916, p.360. Hugo, Notre-Dame de Paris, 1831, p.2). C’est grâce à V. Hugo
12- Chatelain, 1944, p.188-193. (1802-1885) que la célèbre cathédrale a pu être restaurée après
13- Chatelain, 1944, p.194. avoir subi les affres du temps.
14- Chatelain, 1944, p.150-151. "Au début des fouilles du Protectorat, 54- Dahir du 14 novembre 1921 portant classement- B.O N°- 475 du
cet arc de triomphe était, avec la basilique, l'unique édifice qui 29 novembre 1921- p.1825.
dépassât le sol moderne" (Chatelain, 1944, p.193-194) ; 55- Le mot holographie provient du grec holos (entier, complet) et
15- Leydier-Bareil, 2006, p.292: graphie (écrire).
16- Historique, 1931, p.100.
17- Historique 1931, p.100.
18- Historique 1931, p.100.
19- Chatelain, 1931, p.293. Bibliographie
20- Chatelain, 1931, p.293. - Chatelain L., "Note sur les fouilles de Volubilis (Maroc)", Comptes
21- Idem. "Après de longues réflexions, la méthode la plus rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-
rigoureuse nous a paru être la suivante : déposer à terre, pierre Lettres [CRAI], 60e année, 4, 1916, pp. 359-366.
par pierre et assise par assise, les éléments d'une voûte ou d'un - Chatelain L., "Les recherches archéologiques au Maroc", Comptes
mur, affermir le sol, et remettre chaque élément à sa place rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-
d'origine : dans certain cas, enrober de ciment une pierre qui se Lettres [CRAI], 75e année, 3, 1931, pp. 292-296.
désagrège, plutôt que de la remplacer ; ranimer de l'ancien, mais - Chatelain L., Le Maroc des Romains. Étude sur les centres antiques
ne point construire du « neuf ». On a suivi ce principe pour le de la Maurétanie occidentale, Paris, 1944. 2e édit., 1968.
remontage des deux arceaux qui terminaient, au Nord et au Sud - Domergue Cl., "L'Arc de triomphe de Caracalla à Volubilis", École
de la basilique judiciaire, le portique occidental, et pour l'une des pratique des hautes études, 4e section, Sciences historiques et
arcades de la grande voie décumane, entre l'arc de triomphe de philologiques, Annuaire 1963-1964, 1963, pp. 283-293.
Caracalla et le Palais de Gordien. On fera de même pour l'arc de - Euzennat M., "Deux voyageurs anglais à Volubilis (I721)", Hespéris,
triomphe, mais l'insuffisance des voussoirs rendra nécessaire, à 43, 3e et 4e Trimestres, 1956, pp. 325-334.
titre exceptionnel, le complément des pierres de l'intrados" - Hallier G., "Maurice Euzennat et le Maroc antique", Antiquités
(Historique1931, p.100-101). africaines, t.42, 2006, pp. 45-47
22- Hallier, 2006, p.46. - Heddad M., "Maroc. La restauration des monuments
23- Domergue, 1963, p.283-293. archéologiques : Arc de Volubilis comme exemple", Gīl al-‘ulūm
24- Domergue 1963, p.284. al-‘insāniya wa al-‘igtimā’iya, 96, p.83.
25- Domergue 1963, p.283. - Historique de la Direction Générale de l'Instruction Publique des
26- Domergue 1963, p.284. Beaux-Arts et des Antiquités (1912-1930), publié à l'occasion de
27- Domergue 1963, p.291. IAM 2, lat., 1982, nos 390 et 391, p.250- l'exposition coloniale internationale de Paris, 1931.
252. - Hugo V., Notre-Dame de Paris, 1831, BIBEBOOK (une édition libre.
28- Ibid., p.291 ; IAM 2, lat., 390 et 391, p.250-252. BIBEBOOK, 2016, www.bibebook.com
29- Domergue 1963, p.292. - Leydier-Bareil A.-M., Les arcs de triomphe dédiés à Caracalla en
30- Luquet, 1967, p.407. Afrique romaine. Architecture et urbanisme, politique et société,
31- Thouvenot, 1967, p.607. Thèse de Doctorat, Université Nancy 2, 2006, Vol. II/III.
32- Several voyages to Barbary. - Luquet A., "La basilique judiciaire de Volubilis", BAM, 5, 1967, pp.
33- Euzennat, 1956, p.325. 407-445.
34- Euzennat, 1956, p.325. - Pancani G., "L’arco di Caracalla a Volubilis", Frammenti di esperienze,
35- Euzennat, 1956, p.329. Edizioni Grifo, 2019, p.45-61. (https://www.researchgate.net/
36- Euzennat, 1956, p.334. publication/333609385).
37- Hallier, 2006, p.46. - Panetier J.-L., Volubilis. Une cité du Maroc antique, éd. Maisonneuve
38- Domergue, 1963, p.283. et Larose, Paris, 2002. - Thouvenot R., "Une porte de l’enceinte
39- Domergue, 1963, p.284. romaine de Volubilis", BAM 7, 1967, p. 607.
40- Domergue, 1963, p.288. - Tissot Ch., Recherches sur la Géographie Comparée de la
41- Domergue, 1963, p.288. Maurétanie Tingitane, Paris, 1878.
42- Domergue, 1963, p.283. - Windus J., A Journey to Mequinez, the residence of the present
43- Chatelain 1944, p.188. Emperor of Fez and Morocco, on the occasion of Commodore
44- Historique1931, p.133. Stewart's Embassy thither for the redemption of the British Captives
45- Historique1931, note 1, p.133 in the year 1721, London, 1725, 5 pl.; 2e édit., Dublin, 1726.
DOSSIER

Rachid Arharbi
FSHS, UIT-Kénitra

Les sites archéologiques

du Gharb face aux
inondations : cas de
Thamusida et de Banasa
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
Introduction
L
es recherches effectuées sur les principaux
sites archéologiques du Gharb, notamment
Banasa, Thamusida et Rirha, ont donné lieu à
des découvertes importantes qui montrent
la richesse de l’occupation de cette plaine durant
les époques maurétanienne et romaine. Les cartes
des prospections archéologiques résultant des in-
vestigations de la mission maroco-française du
bassin du Sebou montrent la densité de l’occupa-
tion de ce territoire et les dynamiques de l’installa-
tion humaine le long des oueds Sebou et Beht.
Plusieurs facteurs expliquent le choix de l’implan-
tation des sites de la plaine du Gharb sur des en-
Cadre géographique et ressources
hydrogéologiques de la plaine du
Gharb
La superficie du bassin hydrogéologique Rharb-
Mamora est de 7 500 km2; ses limites sont constituées
par l'Océan atlantique à l'Ouest, les collines de Lalla-
Zahra au Nord, celles de Mechraa bel Ksiri, Bou-Drâa,
Outita à l'Est et par les reliefs entre Khémisset et Tiflet
au Sud. La moitié nord du bassin qui correspond à la
plaine du Gharb, a environ 4000 km2 de superficie.
Le Gharb se présente sous forme d’une plaine assez
vaste, étendue et marquée par sa richesse hydrologique
(fleuves, cours d’eaux, merjas). Sa topographie plane
n'est accidentée que par les divagations du Sebou
et de ses affluents, et par d'anciens cordons littoraux
parallèles au rivage qui inscrivent la progression de la
côte vers l'Ouest. Dans ce secteur, la côte se présente
comme une immense plage de sable, très rectiligne,
interrompue seulement par quelques affleurements
rocheux de grès dunaire et par les issues de la Merja
Zerga et du Sebou.
Vers l’intérieur de la plaine, les dunes sont en pente
douce, alors que du côté mer, elles se présentent sous
forme de falaises et surplombent la côte généralement
en plages, avec quelques avancées, en mer, de bancs
gréseux et de conglomérats. La richesse des ressources
hydrographiques et la difficulté de l’écoulement vers
l’océan résultent de la continuité de cette barrière, ce
qui favorise la constitution de grandes merjas, telle Ras
Daoura entre autres.
La morphologie de l'ensemble du bassin correspond
à une vaste cuvette dont les 4/5 sont à une altitude
inférieure à 20 m, alors que les bordures présentent
des reliefs très doux. L'oued Sebou pénètre dans la
53
droits topographiquement élevés, notamment
pour assurer une protection contre les inonda-
tions. En l’absence de témoignages écrits (sources
littéraires ou inscriptions antiques) sur les inonda-
tions qui ont marqué les sites antiques de la plaine
du Gharb, l’interprétation archéologique de cer-
taines strates peuvent nous renseigner sur des ca-
tastrophes de ce genre, notamment sur les sites
de Banasa et Thamusida, d’après les quelques
données disponibles sur les anciennes fouilles et
les investigations réalisées au cours des vingt der-
nières années.
plaine par l'Est, y dessine une ample courbe vers le
Nord avant de revenir au Sud pour atteindre l'océan
par la trouée de Mahdiya, toujours endigué dans
ses propres levées qui dominent partout la plaine
environnante. L'oued Sebou a un trajet en méandres
de 223 km pour 107 km de trajet réel en ligne droite
suivant l'axe de la gaine fluviale. Son principal affluent,
l'oued Beht, est canalisé dans la plaine de façon à
assurer la permanence de l'exutoire au Sebou. Le
centre de la plaine, naturellement marécageux, était
initialement impraticable six mois par an aux engins
et charrettes, avant les travaux de drainage dans cette
plaine1.
La plaine du Gharb est caractérisée par la richesse
de ses ressources hydrogéologiques ; deux nappes
superposées existent dans le sous-sol du Gharb : la
nappe profonde, alimentée par l’infiltration des pluies
sur les bordures de la plaine, circulant dans des forma-
tions sableuses, gréseuses ou conglomératiques2, et la
nappe phréatique superficielle qui se superpose à la
nappe profonde et se situe dans les 10 à 15 mètres de
profondeur3.
La plaine du Gharb est marquée par la richesse en
ressources hydrologiques. Elle est traversée par deux
importants cours, l’oued Sebou, dont les sources sont
situées en plein Moyen Atlas, au-delà de la région de
Fès, il traverse la plaine sur 230 Km, en suivant ses
nombreux méandres qui résultent de la faible pente
dans la plaine. Il est alimenté par plusieurs affluents
(Ouergha, Oued Lebene, Oued Inaouène et l’Oued
Beht, etc…). D’autres cours d’eau enrichissent les
ressources hydrographiques de la plaine, notamment
Oued Rdom dans le Cherarda, Oued Tifelt et Smento
dans la région de Sidi Yahia, Oued El Mda au Nord de
Souk Larbaa et Oued Drader, vers le Nord-Ouest de la

plaine, et qui alimente en eaux douces la merja Zerga
à Moulay Bousselham.
Histoire des inondations dans le
Gharb
Les plus anciens témoignages sur les inondations
dans la plaine du Gharb sont fournis par l’archéologie.
Les anciennes fouilles archéologiques et les nouvelles
investigations sur les sites de Banasa et Thamusida
ont apporté des données fiables sur des horizons
stratigraphiques constitués par des dépôts des limons
du Sebou qui correspondent à des phases de crues4.
Cette question a déjà été soulevée par plusieurs
chercheurs qui ont mis le point sur la question de
l’implantation des sites de la plaine du Gharb sur les
abords du Sebou, et le rôle des apports du fleuve en
sédiments pour la constitution de levées plus ou moins
protégées contre les crues. Les études et publications
réalisées autour de l’alluvionnement du Sebou
expliquent très bien les modalités d’implantation
et d’occupation du sol pendant l’Antiquité5. Les
recherches géoarchéologiques récentes effectuées,
entre 2008 et 2012, sur le territoire de Volubilis et sur
la plaine du Gharb ont donné lieu à des publications
qui développent une nouvelle approche sur les paléo-
milieux de zones humides et les interactions sociétés-
eau durant les périodes maurétanienne, romaine et
médiévale6. Ils ont permis d’identifier des itinéraires
dans la plaine du Gharb qui peuvent être utilisés même
en périodes de crues. Les sites antiques identifiés à
ce jour dans la plaine du Gharb sont implantés sur
les points hauts que constituent les levées des oueds
actuels et des oueds fossiles, ainsi que sur les premiers
reliefs bordant la plaine au Nord et au Sud. Ces sites
sont restés exondés, ou seulement partiellement
inondés, lors des inondations de forte magnitude à
l’échelle des dernières décennies survenues durant
les mois de février 2009 et 2010. Les cartes dressées
par M. Combe dans ses études sur l’hydrogéologie du
bassin du Gharb, montrent clairement, qu’une bonne
partie des levées aux abords du Sebou est restée en
marge des inondations, ce qui explique, en quelque
sorte, le choix de l’implantation humaine dans ces
zones depuis les temps reculées7.
En 1992, nous avons effectué à Banasa un sondage au
pied du parement extérieur du rempart urbain, ce qui
a permis de repérer le niveau atteint par les fouilles
anciennes, et de dater la construction du rempart du IIe
siècle ap. J.-C.8. Un important horizon stratigraphique,
constitué de limons argileux jaunâtres, correspondant
à une crue de l’Oued, a été mis en évidence et permet
de situer l’inondation du fleuve au troisième siècle
ap. J.-C. Les investigations archéologiques réalisées
dans le quartier sud de Banasa, dans le cadre du
54
programme sur les ateliers de potiers, ont permis de
repérer la présence de niveaux de crues qui datent
au moins du IIIe siècle av. J.-C. et qui ont détruit des
structures de cuisson de céramiques, et sur lesquels
ont été implantés de nouveaux fours9.
Les informations sur les inondations du Sebou ne
remontent, d’après les données recueillies par J. Le
Coz, qu’au début du XXe siècle, mais les observations
chiffrées ne commencèrent que vers 1927. Dans le
chapitre réservé aux inondations du Sebou, J. Le Coz
énumère, d’après les données récoltées dans les
rapports des ingénieurs des services hydrauliques,
des années de crues du fleuve Sebou sur la plaine
du Gharb, pour lesquelles il donne certaines
précisions techniques (emplacements et heures
des débordements, les débits, les volumes des
débordements, les coefficients et des cartes)10.
Certaines inondations sont retenues dans la mémoire
des habitants du Gharb, notamment la crue qui s’est
produite en 1904, qui était aussi forte que celles de
1950 et 1951. Entre 1904 et 1913, aucun débordement
ne parait avoir eu lieu. Les premiers colons installés
dans la région rapportent que les inondations de 1913
furent très importantes et une bonne partie de la plaine
fût submergée par les eaux du Sebou. Deux courts
débordements se sont produits en 1917 (1er février et 8
mars), mais avec un faible coefficient si on les compare
avec ceux des années catastrophiques (1950 - 1951 -
1963 - 1996 - 2010). Les plus importantes inondations
du Sebou et de ses affluents sur la plaine du Gharb
restent celles enregistrées en décembre 1950- janvier
1951. Ces inondations ont contribué à la constitution
des différentes merjas de la plaine du Gharb, avec
évidement d’autres facteurs (ruissèlements, sources,
affluents)11. La conjonction des apports de l’Ouergha,
du Sebou et du Mda provoqua l’inondation la plus
étendue du Gharb, avant 196412. Les années 1996
et 2002 ont également été marquées par des crues
importantes qui ont englouti plus de 140.000 ha
(terrains agricoles, infrastructures, enclavement des
agglomérations, etc…)13.
De toutes ces inondations, nous ne disposons
d’aucune documentation sur les sites archéologiques
de la plaine du Gharb. Les inondations de 2010 ont
laissé, de leur part, des dégâts considérables dans la
région ; les eaux ont dévasté les champs mais aussi
les zones habitées et aussi les sites archéologiques
(Fig. 1).
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
55

Figure 1 : Crue du Sebou sur la plaine du Gharb Figure 2 : Quartier ouest de Thamusida
en 2010 (Région Sidi Allal Tazi) (© R. Arharbi). envahi par les crues du Sebou (© R. Arharbi).

Les inondations du Sebou sur le site bossage et l’insula aux deux amphores (Fig. 2). Les
eaux du fleuve ont également submergé le grenier de
de Thamusida en 2010 blé (bâtiment rectangulaire) et le tronçon de l’enceinte
urbaine, côté fleuve, exhumé lors des fouilles de la
Le site de Thamusida est situé sur la rive gauche de mission maroco-italienne de Thamusida.
l’oued Sebou, à environ 10 km à vol d’oiseau en amont Le mode de construction de cette enceinte est
de Kénitra. Les ruines, d’une superficie de 15 hectares, visiblement différent des autres parties du rempart
occupent des éminences de 9 à 13 m d’altitude, qui urbain. Cet ouvrage visible sur une dizaine de mètres
constituent l’aboutissement d’une chaîne de collines est constitué de trois lits de gros blocs de pierres,
qui s’étendent au sud, avec des sommets culminants de forme parallélépipédique qui supportent une
aux alentours de 25 m. L’est est marqué par des élévation, constituée de banchées successives de
monticules à peine plus élevés. Le site est entouré de pierres et de mortier de chaux très solide. Le mode de
terrains plats qui se transforment en merjas dès les mise en œuvre de cet ouvrage confirme que l’enceinte,
premières pluies. La position de la cité antique sur les côté fleuve, jouait, à la fois un rôle défensif, mais aussi
éminences du plateau lui offre des vues très étendues la fonction d’une robuste de barrière de protection de
de tous les côtés sauf vers les collines sud. la ville contre les inondations du Sububus. L’ouvrage
dégagé lors des fouilles de 2006 a été une autre fois
Le site archéologique de Thamusida renferme un enfoui sous les limons et apports argileux des crues du
important camp militaire romain, des thermes, des fleuve de 2010 (Fig. 3).
temples, des maisons à péristyles, des greniers
de blé et l’enceinte urbaine percée de trois portes
monumentales. Les strates archéologiques au-
Figure 3 : L’enceinte de Thamusida
dessous des niveaux romains contiennent des vestiges ré- enfouie sous les dépôts issus des crues
importants qui datent entre le Ve et le Ier s. av. J.-C. du Sebou (© R. Arharbi).
Depuis son dégagement au cours des années trente
du siècle dernier, aucune mesure de protection
du site n’a été mise en place. Ainsi, le site est resté
exposé aux multiples inondations de l’oued Sebou
dont les dernières datent du 25 février de l’année
2010, provoquant le dépôt de sédiments à l’intérieur
des ruines, et même la destruction de structures
archéologiques (piliers, murs, hypocaustes des
thermes etc..). Ces inondations ont essentiellement
intéressé la zone nord-ouest du site, sur la rive gauche
du fleuve, où sont situés les thermes du fleuve, le
temple à trois cellae, l’usine de salaison, le temple à

Nous avons pu documenter cette catastrophe naturelle
qui a affecté le site de Thamusida par une couverture
photographique importante malgré l’absence de
moyens de la conservation du site et les difficultés
d’accessibilité au site, car les pistes et accès étaient
entièrement sous l’eau14.
La force du retrait des eaux du fleuve (action physique)
n’a pas été sans dégâts pour le site. Des monuments
entiers ont été submergés par les eaux de l’oued Sebou
pendant une dizaine de jours et nous avons recensé
plusieurs destructions et éclatement de murs, de sols
bétonnés en mortier de tuileau, de piliers, de dallages
en briques ou en marbre etc… et l’accumulation de
dépôts sédimentaires très épais à l’intérieur des ruines
archéologiques qui ont été submergées par les eaux
des crues (Fig. 4-5-6)
Figure 4 : Retrait des eaux du fleuve
Sebou du quartier ouest de Thamusida
(© R. Arharbi).
Le futur projet de mise en valeur du site de Thamusida
doit prendre en considération ce risque désastreux.
Des mesures urgentes sont nécessaires pour assurer la
protection du site contre les inondations imprévues du
Sebou. Ces mesures peuvent être résumées comme
suit :
- Lancement d’une étude sur l’évaluation de l’état de
conservation du site et l’établissement de la carte
des risques.
- Aménagement d’une digue de protection du côté
ouest du fleuve.
- Aménagement d’un système de drainage des eaux
de pluies suivant la topographie du site pour
évacuer les eaux de pluies en dehors des ruines
archéologiques.
- Aménagement d’une digue sur la rive gauche de
l’oued Sebou le long de la zone de classement du
site du côté nord.
- Remblaiement des sondages des anciennes et
récentes fouilles effectuées sur le site.
- Entretien et consolidation des structures
archéologiques menaçant ruine dans les endroits
où s’accumulent les eaux pluviales.
56
Figure 5 : Destruction de pans de mur après le retrait des eaux
du fleuve Sebou du quartier ouest de Thamusida (© R. Arharbi).
Figure 6 : Accumulation des dépôts argileux à
l’intérieur des monuments de Thamusida suite
aux inondations du Sebou (© R. Arharbi).
Les thermes aux fresques de Banasa
engloutis sous les eaux (2010)
Banasa est situé sur la rive gauche de l’oued Sebou, près
du marabout de sidi Ali Boujenoun, à 17 kilomètres, au
sud-ouest de la ville de Mechraâ bel Ksiri et à environ
65 km au nord -est de la ville de Kénitra. Les fouilles
anciennes et récentes entreprises sur le site ont mis
en évidence un mobilier archéologique très important
et des collections dont une grande partie est exposée
au musée de l’histoire et des civilisations de Rabat. Les
vestiges les plus remarquables à Banasa sont le centre
monumental, les thermes publics, les greniers, les
maisons à péristyles et le tronçon visible de l’enceinte
urbaine.
Les thermes aux fresques de Banasa restent le
monument thermal le mieux conservé du Maroc
antique, avec des peintures murales encore in situ
et une mosaïque de la niche de la salle froide15. Ces
peintures murales et la mosaïque encore conservée sur
place posent d’énormes problèmes de conservation
(intempéries, inondations, facteurs anthropiques). La
préservation et la restauration de ces peintures murales
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
nécessitent la mise en place urgente d’un plan de
sauvegarde pour préserver ces panneaux décoratifs
(conservation préventive, restauration, mesures de
protection et consolidation), les seuls conservés en
Maurétanie tingitane16.
Les pluies exceptionnelles de l’année 2010 ont entraîné
des inondations dans plusieurs régions du Maroc,
mais en particulier dans la plaine du Gharb après les
débordements des fleuves du Sebou et du Beth. Ces
pluies diluviennes ont entraîné également la saturation
de la nappe phréatique et la remonté de son niveau,
ce qui a provoqué l’accumulation des eaux dans les
57
zones où les fouilles anciennes ont laissé de profonds
sondages sans aucun aménagement de drainage des
eaux, comme c’est le cas sur le site de Banasa. Les
thermes aux fresques de Banasa ont connu au cours
de cette année une situation exceptionnelle après
les débordements des eaux du puits qui alimentait
l’établissement thermal pendant l’antiquité, et en
particulier l’accumulation des eaux pluviales dans les
thermes qui se situent dans l’endroit le plus bas du
site. Les eaux ont complètement englouti pendant
plusieurs semaines ce monument provoquant des
dégradations importantes sur les structures et les
enduits peints (Fig. 7).
Figure 7 : Thermes aux fresques
de Banasa engloutis par les eaux
du puits (© R. Arharbi).
 58

Malgré l’absence de moyens logistiques et humains, la louable de la Direction du Patrimoine Culturel et la

conservation du site a déployé des efforts importants
pour mettre les thermes aux fresques à sec et éviter
les dégradations des riches peintures murales et des
structures de ce monument. L’opération de pompage
des eaux des thermes a été réalisée grâce à l’appui
collaboration de plusieurs riverains du douar Mghiten
(Commune Sidi El Kamel) qui ont mis à la disposition de
la conservation des pompes et du matériel logistique
(Fig. 8)17.

Figure 8 : Pompage des eaux en dehors des thermes

aux fresques (© R. Arharbi)

Figure 10 : Thermes aux fresques après la restauration Figure 9 : Thermes aux fresques avant la
(© R. Arharbi). restauration (© R. Arharbi).

Les travaux de restauration effectués par la conservation

de Banasa sur les thermes aux fresques en 2016 ont
réduit les problèmes de conservation des principales
structures de ce monument (Entrée des thermes,
banquettes du vestibule, puits, hypocaustes des salles
chauffées, traitement des joints)18 (Fig. 9-10).
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
59

Les fouilles anciennes effectuées sur les thermes aux
fresques de Banasa ont mis en évidence d’importantes
fresques polychromes qui décoraient les murs et les
niches des bains froids. Depuis, ces peintures sont
restées exposées à plusieurs facteurs de dégradations
essentiellement naturels (eaux de pluies, vent,
humidité, prolifération de micro-organismes etc…) qui
provoquent des problèmes structurels sur les murs
et les enduits. Aucune intervention de préservation
ou de protection n’a été effectuée sur ces peintures,
mis à part des travaux de colmatage des fissures et
autours des bords des enduits, réalisées, en utilisant
des matériaux inadéquats, notamment du ciment
chimique, à une date qu’on ne peut préciser.
L’état de conservation de ces peintures murales s’est
aggravé en 2010, après l’accumulation des eaux
pluviales et la remontée de la nappe phréatique, ce
qui a provoqué la prolifération de mousses et micro-
organismes sur les enduits peints, et surtout l’apparition
de dépôts de sels sur les parois des murs et sur les
peintures. L’examen effectué sur l’état de conservation
de ces peintures murales montre plusieurs problèmes
de dégradation que nous résumons comme suit :

NATURE DE LA DÉGRADATION PROPOSITION D’INTERVENTION DOCUMENTATION

Fissures structurelles visibles sur -Nettoyage des fissures ;
les enduits -Remplissage et traitement des
fissures.

Colmatages anciens avec ciment -Enlèvement des anciens

des fissures et sur les bords des matériaux de colmatage ;
enduits peints. -Nettoyage des lacunes
-Comblement avec un mortier
approprié à base de chaux.

Détachement des enduits des -Stabilisation des enduits et

murs traitement des bordures avec un
mortier approprié ;

Développements de mousse et -Nettoyage des surfaces ;

lichens sur les parois des fresques -Lutte contre les facteurs
d’humidité qui favorisent la
prolifération des lichens.

Les travaux de consolidation réalisés en 2018 sur
les thermes aux fresques ont permis de stabiliser les
enduits portants les peintures murales et d’enlever les
Les thermes aux fresques de Banasa sont situés dans
le secteur le plus bas du site dans la partie ouest
de la ville. En l’absence d’un système de drainage
des eaux de pluies (ancien ou nouveau dispositif),
leur emplacement favorise l’accumulation des eaux
pluviales qui provoquent des dégradations d’ordre
structurel. Cette situation impose la mise en place
d’un système de drainage sur l’ensemble du site en
vue de dévier les eaux pluviales vers le Sebou situé à
quelques dizaines de mètres.
Conclusion
Les deux exemples des sites de Thamusida et de
Banasa, exposés aux problèmes des inondations,
imposent aujourd’hui l’établissement d’une carte de
risques relative aux sites archéologiques de la plaine du
Gharb dont plusieurs autres sites sont menacés par les
eaux des oueds comme Rirha (Oued Beth) et surtout le
60
anciens colmatages en ciments, dans l’attente de la
réalisation d’un projet global de mise en valeur de ce
monument (Fig. 11).
Figure 11 : Opération de
stabilisation des enduits portant
les fresques (© R. Arharbi).
site de Sidi Saïd à Sidi Kacem, qui est en permanence
dévasté par l’érosion fluviale de l’Oued Rdom. Les
travaux d’aménagement d’un important réseau de
drainage des eaux des merjas et des apports fluviaux
dès le début du protectorat français dans la plaine du
Gharb et la construction de barrage Al Wahda n’ont
pas épargné la zone du Gharb des débordements
du fleuve Sebou ; ceux-ci étaient fatals aussi bien
pour la population et leurs propriétés agricoles, que
pour les sites archéologiques. Les dernières années
de sécheresses liées aux changements climatiques
ont épargné ces sites des dommages causés par les
inondations, mais elles ont eu des répercussions fatales
sur les conditions économiques de la population et sur
la nappe phréatique dont l’exploitation irrationnelle,
liée à l’introduction dans le Gharb de nouvelles
cultures (fruits rouges, avocat, dragon, papaye, mange
etc..), peut être catastrophique pour les ressources
hydrologiques de cette vaste plaine.
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
Notes
1- Combe, M., Ferre, M., et Thauvin, J.P. « Méséta centrale et Méséta
côtière. Ressources en eau du Maroc, plaines et bassins du Maroc
atlantique », dans, Note et Mém. Serv. Géol. Maroc, t. 11, n° 231,
Rabat, 1975, p 157- 171.
2- Ibid., p. 109.
3- Ibid., p. 116. Lors des fouilles du quartier sud de Banasa en 2007,
cette nappe est apparue à sept mètres par rapport au sol actuel.
Les eaux du puits moderne aménagé à l’entrée de la conservation
du site sont seulement à quatre mètres.
4- Cette question fera l’objet d’une recherche exhaustive qui prendra
en considération toutes les informations géomorphologiques et
archéologiques relatives aux sites antiques de la plaine du Gharb.
Cette note présentera uniquement les problèmes issus des
inondations sur les sites de Thamusida et de Banasa survenus en
2010.
5- Euzennat M., « L’archéologie marocaine 1955-1957 », dans BAM
2, 1957, p. 199-229 ; Le Coz J., Gharb, fellahs et collons. Etude de
géographie régionale, Paris, 1964 ; Girard S., « Banasa préromaine,
un état de la question », dans Ant. Afr. 20, 1984, p. 11-93 ; Girard
S., « L’établissement préislamique de Rirha (plaine du Gharb,
Maroc) », dans 108ème Congrès National des Sociétés Savantes,
IIème Colloque international sur l’histoire et l’archéologie de
l’Afrique du Nord, (5-9 avril 1983 Grenoble), BCTH, 19 B, 1985, p.
87-107 ; Rebuffat R., Quatre ans de fouilles à Sidi Ali ben Ahmed
(Thamusida), MEFR, 75, 1, 1963, p. 67-78 ; Rebuffat R. et alii,
Thamusida. Fouilles du Service des Antiquités du Maroc I, Ecole
Française de Rome, Mélanges d'archéologie et d'histoire,
suppléments, 2, Paris, 1965 ; Akerraz A., Papi E. (éd.), Sidi Ali Ben
Ahmed. Thamusida 1. I Contesti, Rome, 2008.
6- Castanet C., Desruelles S., Akerraz A., Arharbi R., Brouquier-
Reddé V., Degeai J-Ph. , Lenoir E., Robert V., « Dynamique des
milieux fluviatiles et interactions sociétés-eau dans la plaine du
Gharb et le territoire de Volubilis durant l’Antiquité (bassin versant
de l’oued Sebou, Maroc) », dans colloque international ‘’ L'eau
dans les villes du Maghreb et leur territoire à l’époque romaine’’,
(6-8 décembre 2012, Bordeaux), Bordeaux 2018, p. 121-151.
Ce projet a été financé par l’Agence Nationale de la Recherche
française (ANR-07-BLAN-10732) et coordonné par F. Baratte
(université Paris-Sorbonne, UMR 8187). Les recherches
pluridisciplinaires ont été menées au Maroc par A. Akerraz,
Directeur de l’INSAP avec les conservateurs des sites et les
membres des équipes partenaires d’AOrOc (CNRS-ENS-PSL,
UMR 8546), d’ENEC (CNRS-université Paris-Sorbonne, UMR 8185)
et des laboratoires associés (Laboratoire de Géographie Physique,
Environnements Quaternaires et Actuels, UMR 8591).
7- Combe, 1975, op. cit. fig. p. 100, fig. 38.
8- Ce sondage a été réalisé par moi-même dans le cadre des stages
des étudiants de l’INSAP sur le site de Banasa sous la direction de
Hassan Limane et Eliane Lenoir.
9- R. Arharbi - E. Lenoir et al., Recherches sur le quartier sud de
Banasa, dans Atti del XVI convegno de l’Africa Romana (15-19
dicembre 2004, Rabat), Rome, 2006, 2145-2160 ; R. Arharbi - E.
Lenoir, Recherches archéologiques franco-marocaine à Banasa
(Maroc), Nouvelles de l’Archéologie, n° 124, Septembre, 2011,
pp. 21-24 ; R. Arharbi - E. Lenoir, Les potiers de Banasa à l’époque
maurétanienne, Actes du Premier Colloque sur le Patrimoine
Maure du Maroc Antique, Fès, 29 - 31 mars 2013, Fès 2014, pp.
258-278.
10- Le Coz, 1964, op. cit., pp. 197-218.
11- Célérier J., Les merjas de la plaine du Sebou, Hespéris, 2, 1922,
p. 109-138, 209-239, fig. 1.
12- D’après les données publiées par J. Le Coz, 1964, pp. 197-220.
Depuis 1933, il y a eu 44 crues d’importance variable causant
d’importants dégâts humains, sur les zones de cultures, du
cheptel, mais aussi sur les infrastructures. Cf. Plaine du Gharb –
Maroc inondations et impact sur la population. Organiser la
réponse des secours, Rapport, Ecole Nationale Supérieures des
Officiers de Sapeurs-Pompiers (ENSAP), FAC 2017-2 (https://crd.
ensosp.fr/doc_num.php?explnum_id=18862)
61
13- Agence du Bassin du Sebou (cf. https://www.abhsebou.ma/
domaines-dactivites/protection-contre-les-inondations/)
14- Ce n’est qu’en 2020 que le site a été désenclavé et relié à la route
nationale. Le site a également et clôturé le long du périmètre du
titre foncier (Domaine privé de l’Etat, R/3842 « Ruines romaines de
Thamusida»).
15- Toute les mosaïques de Banasa ont été déposées en 1964 et
sont actuellement conservées dans les réserves du site de
Volubilis.
16- Les travaux ponctuels de consolidation réalisés par la
conservation des sites archéologiques Banasa et Thamusida dans
les thermes aux fresques en 2016 et 2018 avaient pour objectifs
de minimiser la dégradation et le détachement des enduits. Une
étude et une restauration globale de ce monument est nécessaire.
17- Un remerciement particulier est adressé à Abdallah Akroud,
ancien gardien du site de Banasa, qui a mobilisé les habitants du
douar limitrophe du site pour collaborer à cette opération.
18- Ces travaux de consolidation ont été réalisés sous la supervision
de la conservation du site et sous la conduite du technicien en
restauration Abdeslam Zizouni.
Bibliographie
- Akerraz A., Papi E. (éd.), Sidi Ali Ben Ahmed. Thamusida 1. I
Contesti, Rome, 2008.
- Arharbi R., Lenoir E. et al., Recherches sur le quartier sud de
Banasa, dans Atti del XVI convegno de l’Africa Romana (15-19
dicembre 2004, Rabat), Rome, 2006, 2145-2160 .
- Arharbi R., Lenoir E., Recherches archéologiques franco-
marocaine à Banasa (Maroc), Nouvelles de l’Archéologie, n° 124,
Septembre, 2011, pp. 21-24.
- Arharbi R. -. Lenoir E, Les potiers de Banasa à l’époque
maurétanienne, Actes du Premier Colloque sur le Patrimoine
Maure du Maroc Antique, Fès, 29 - 31 mars 2013, Fès 2014, pp.
258-278.
- Arharbi R., Le site de Banasa : un bijou patrimonial dans la plaine
du Gharb, dans Le Patrimoine Culturel du Maroc (ouvrage
Collectif, M.C), éd. Croisée des Chemins, Casablanca, 2018, pp.
178-185.
- Arharbi R., Thamusida, de l’agglomération maurétaniene à la ville
militaire romaine, dans Le Patrimoine Culturel du Maroc (ouvrage
Collectif, M.C), éd. Croisée des Chemins, Casablanca, 2018, pp.
186-195.
- Castanet C., Desruelles S., Akerraz A., Arharbi R., Brouquier-
Reddé V., Degeai J-Ph. , Lenoir E., Robert V., « Dynamique des
milieux fluviatiles et interactions sociétés-eau dans la plaine du
Gharb et le territoire de Volubilis durant l’Antiquité (bassin versant
de l’oued Sebou, Maroc) », dans colloque international ‘’ L'eau
dans les villes du Maghreb et leur territoire à l’époque romaine’’,
(6-8 décembre 2012, Bordeaux), Bordeaux2018, p. 121-151.
- Combe, M., Ferre, M., et Thauvin, J.P. « Méséta centrale et Méséta
côtière. Ressources en eau du Maroc, plaines et bassins du Maroc
atlantique », dans, Note et Mém. Serv. Géol. Maroc, t. 11, n° 231,
Rabat, 1975, p 157- 171.
- Euzennat M., « L’archéologie marocaine 1955-1957 », dans BAM
2, 1957, p. 199-229.
- Girard S., « Banasa préromaine, un état de la question », dans Ant.
Afr. 20, 1984, p. 11-93.
- Girard S., « L’établissement préislamique de Rirha (plaine du
Gharb, Maroc) », dans 108ème Congrès National des Sociétés
Savantes, IIème Colloque international sur l’histoire et
l’archéologie de l’Afrique du Nord (5-9 avril 1983 Grenoble),
BCTH, 19 B, 1985, p. 87-107.
- Le Coz J., Gharb, fellahs et collons. Etude de géographie
régionale, Paris, 1964.
- Rebuffat R., Quatre ans de fouilles à Sidi Ali ben Ahmed
(Thamusida), MEFR, 75, 1, 1963, p. 67-78.
- Rebuffat R. et alii, Thamusida. Fouilles du Service des Antiquités
du Maroc I, Ecole Française de Rome, Mélanges d'archéologie et
d'histoire, suppléments, 2, Paris, 1965.
DOSSIER

Taoufiq Bahjaoui
Division de la restauration et
de l’entretien
Ministère des Habous et des
Affaires Islamiques

Préservation du
patrimoine religieux
au Maroc, stratégies
de gestion des
risques et solutions
face aux dangers
naturels
LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
63

Introduction

L
a sauvegarde du patrimoine reli-
gieux est une priorité majeure pour
le ministère des Habous et des Af-
faires islamiques (MHAI). Les biens
religieux historiques témoignent de la
grandeur des empires et des royaumes
qui ont succédé au trône du Maroc. La pré-
servation de cet héritage et sa transmis-
sion aux générations futures constituent
une responsabilité cruciale pour les diri-
geants et les gestionnaires de ce patri-
moine. Quelle que soit l’approche adop-
tée pour préserver ces biens historiques
religieux, elle doit impérativement inté-
grer la composante de la gestion des
risques.
Facteurs naturels destructifs du
patrimoine : l’incendie, les inondations
et le séisme
L'incendie tragique qui a ravagé la grande mosquée
de Taroudant a été un véritable drame. Le mardi 7 mai
2013, le sanctuaire, rénové par Muhammed ach-Chaykh
le saâdien vers le milieu du XVIe s., a été entièrement
détruit suite à un incendie accidentel. Déclenché par un
court-circuit, le feu s'est rapidement propagé depuis la
moquette pour consumer entièrement la toiture en bois
de la mosquée, provoquant l'effondrement de toute la
couverture.

Les matériaux traditionnels utilisés par nos

ancêtres dans la construction des monu-
ments religieux rendent ces édifices vulné-
rables aux facteurs de dégradation. En ef-
fet, des catastrophes naturelles telles que
l’incendie ou les tremblements de terre
peuvent compromettre, voire détruire la
valeur patrimoniale de ces édifices. Ainsi,
dans le cadre de son plan de gestion de
risques liés au patrimoine bâti, le MHAI a
initié et a mis en œuvre plusieurs actions
afin de faire face aux dangers menaçant la
conservation de son héritage religieux.

Le MHAI a déployé et continue de dé-

ployer des efforts considérables pour re-
censer les principaux risques susceptibles
d'avoir un impact mineur, modéré, majeur
ou très significatif sur le patrimoine bâti
dont il assure la gestion. Cette identifica-
tion s'inscrit dans le cadre d'un processus
continu, comprenant une analyse appro-
fondie des risques suivie d'une évaluation
objective de leur probabilité d'occurrence
et de leur impact en cas de survenance.
Enfin, des actions correctives ou des me-
sures d'amélioration sont proposées. Le
registre des risques est constamment mis
à jour, ce qui permet de prévenir les inci-
dents susceptibles de compromettre l'in-
tégrité du patrimoine religieux1. Le pré-
sent article se focalise sur les risques
majeurs d’origine naturelle, à savoir les
menaces dont la gravité est telle que la so-
ciété se trouve absolument dépassée par
l’immensité du désastre.
Figure 1 : Effondrement de la mosquée al-A’dam de Taroudant à cause
de l’incendie de 2013 (© MHAI).
La reconstruction des parties démolies s'est avérée
difficile, notamment parce que les services gestionnaires
ne disposaient pas d'une numérisation complète ou
partielle du monument avant la catastrophe. Ainsi, la
reconstruction a dû s'appuyer principalement sur des
photographies des interventions antérieures pour
recréer les zones effondrées. Les images, prises lors de la
restauration de 2004, ont été une source vitale pour cette
reconstitution2. De plus, un reportage de deux minutes
sur la restauration réalisée par la presse française en 1956
a également joué un rôle important dans la restitution des
éléments perdus. Ces éléments visuels ont été cruciaux
pour tenter de reconstruire les parties détruites en se
basant sur l'état antérieur de la mosquée.

Figure 2 : Photo illustrant les restaurations antérieures de mosquée
al-A’dam de Taroudant. Source : reportage français en 1956.
La post-catastrophe a été une source d'apprentissage
précieuse. Les erreurs passées des gestionnaires
ont été minutieusement examinées afin de ne pas
les reproduire. Ainsi, une approche priorisant la
conservation préventive a été renforcée dans le
système de gestion de l’ensemble du patrimoine
religieux. En vue de minimiser les dommages
potentiels causés par les incendies, le MHAI a lancé un
programme de prévention des incendies et de gestion
des situations de panique, en collaboration avec la
Direction Générale de la Protection Civile. Soixante-
dix-huit ateliers de formation essentielle en prévention
des incendies, lutte contre les incendies et premiers
secours, ont été organisés dans les mosquées et cinq
mille deux cents préposés religieux ont bénéficié de
ces sessions durant l’année 2022.
Parmi les mesures entreprises par le MHAI dans ce
cadre, on note le recours à l’équipement des mosquées
par des moquettes de classe M2 fabriquées en
polyamide qui résiste au feu et limite considérablement
la propagation des flammes, donnant ainsi plus de
temps pour l’intervention des sapeurs-pompiers en
cas d’incendie3. Le MHAI est actuellement en phase
de coordination avec le ministère de l’Industrie pour la
promulgation d’une norme marocaine qui autorise le
64
recours à l’utilisation des moquettes en polypropylène
mais avec l’intégration d’un retardataire de propagation
de feu.
Il est essentiel d'installer des dispositifs de sécurité
et des équipements adaptés aux risques d'incendie
lors des travaux de restauration d’un bien religieux.
Dans les mosquées, les équipements dédiés à
assurer la sécurité en cas d'incendie comprennent
généralement des extincteurs, des robinets d'incendie
armés et des blocs autonomes d'éclairage de sécurité.
Ces dispositifs sont conçus pour répondre aux besoins
spécifiques de sécurité et permettre une réaction, à la
fois rapide et efficace, en cas d’incendie, contribuant
ainsi à la préservation du patrimoine religieux.
Il est indéniable que les inondations représentent un
danger pour le patrimoine bâti. Un exemple saisissant
est celui de la mosquée de Douar Mestassa dans la
province d'El Hoceima, également connue sous les
noms de « Masjid as-Sultan Lakḥal » ou « Mosquée
des deux Mihrabs ». Cette mosquée se situe à Douar
Mestassa, un petit village central dans la région du Rif,
relevant de la province d'Al Hoceima, à environ 70 km
à l'ouest d'Al Hoceïma, 47 km à l'est de Jebha, et à 7
km au sud de la mer Méditerranée.
LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
Figure 3 : Dégâts matériels dans la mosquée
Mastassa à Al Hoceïma à cause des inondations
(© MHAI).
Figure 4 : Mur de soutènement en gabionnage de la mosquée
‘Ayn Bida dans la province de Ouazzane (restauration de 2016)
(© MHAI).
65
La mosquée a été érigée au XIVe siècle par le sultan
mérinide Abū al-Hassan4. Son emplacement sur le lit
de l'oued Iachirene la rend vulnérable à chaque crue
violente de l'oued causée par des pluies abondantes
et concentrées. Après le séisme de 2004 ayant frappé
la province d'Al Hoceïma, la mosquée de Mestassa a
bénéficié d'un projet de rénovation par la fondation
hollandaise Prince Claus en septembre 2004. Au
cours de cette intervention, un mur de protection
a été érigé des deux côtés nord-est et sud-est du
sanctuaire. Malgré la construction de cette structure
de protection, la mosquée demeure exposée aux
inondations de l'oued Iachirene. Le renforcement et le
prolongement prévus de ce mur lors de la prochaine
campagne de restauration prévue en 2024 seront
des éléments cruciaux pour la préservation de ce
monument religieux en milieu rural dont l’importance
pour la période mérinide est incontestable.
Le risque de glissement de terrain constitue un autre
facteur qui pourrait menacer le patrimoine religieux.
Certains lieux de culte ont été érigés dans les montagnes
ou sur des collines. La charge permanente de ces
structures en amont peut entraîner un glissement du
terrain en aval. Par exemple, la mosquée Douar Qal’at
Sebbana à la commune ‘Ayn Bida, dans la province
de Ouazzane, a bénéficié, lors de sa restauration en
2016, de la construction d'un mur de soutènement
en gabionnage. Ce mur a permis de préserver cette
mosquée historique contre le risque de glissement.

Lors des travaux de restauration récents de la
mosquée de Tinmel, avant le séisme d'al-Ḥaouz, le
MHAI a renforcé et consolidé le mur de soutènement
du côté sud-ouest en utilisant des blocs de gabions.
Ce choix de soutènement a été fait en raison de
sa facilité d'entretien, de sa compatibilité avec
l'environnement rural et montagneux de la zone,
ainsi que de son intégration harmonieuse dans
le paysage local. La reprise, le renforcement et la
consolidation de ce mur ont grandement contribué
à la résistance de l’édifice face à l'effort sismique
enregistré dans cette zone, proche de l'épicentre
du séisme.
Figure 5 : Mur de soutènement en gabionnage de la
mosquée de Tinmel avant le séisme d’al-Ḥaouz (© MHAI).
Il est vrai que les facteurs de dégradation d'origine
humaine peuvent être gérés, mais le tremblement de
terre reste un élément destructeur imprévisible. Pour
améliorer la résistance des bâtiments face aux séismes,
l'intégration de dispositifs constructifs adaptés est
essentielle.
Le règlement parasismique pour les constructions en
terre est destiné aux professionnels de l'architecture,
de l'ingénierie et de la conception des bâtiments
en terre5. Cependant, l'application stricte de ce
règlement aux bâtiments historiques en terre n'est pas
envisageable. Ce règlement concerne principalement
les nouvelles constructions en terre, soumises à
l'obtention d'un permis de construire, et s'applique
aux édifices destinés au grand public, tels que les
écoles, les universités, les bibliothèques, les musées,
les lieux de culte et les centres commerciaux, limitant
leur hauteur en fonction des zones sismiques6.
Les bâtiments historiques, notamment les édifices
religieux élancés dépassant les limites spécifiées par
ce règlement, ne peuvent pas être soumis de manière
stricte à ses exigences réglementaires. Cependant,
les architectes spécialisés dans la restauration et
les ingénieurs expérimentés en structure cherchent
à intégrer des prescriptions techniques de
renforcement sismique adaptées pour améliorer le
comportement des structures historiques aux séismes,
sans compromettre leur intégrité architecturale.
Cela démontre l'effort déployé pour combiner les
exigences de préservation du patrimoine historique
avec les préoccupations de sécurité sismique.
Il est primordial, lors de la planification d'une
intervention de restauration sur le patrimoine religieux,
que les responsables de la maîtrise d'œuvre trouvent
66
des solutions adaptées et optimisées pour répondre
aux exigences sismiques sans compromettre les
principes fondamentaux de la restauration, tels que
l'intervention minimale, la lisibilité claire, la visibilité
avérée et la réversibilité absolue. Trouver un équilibre
entre ces principes et l'intégration de matériaux
modernes pour le renforcement sismique est essentiel.
Les éléments et dispositifs de renforcement doivent
être intégrés de manière réfléchie pour améliorer la
ductilité et la stabilité générale de l'édifice restauré,
tout en en préservant l'authenticité et l'aspect
d'origine.
Par exemple, dans la restauration des toitures de
mosquées, généralement réalisées avec des Berchla
en bois, les ingénieurs en structures préconisent
l'utilisation de tirants métalliques au-dessus des poutres
en bois transversales (Qantra) pour contreventer la
toiture et améliorer la résistance sismique. D'autres
renforcements peuvent être nécessaires, comme
le renforcement des jonctions des murs avec des
éléments en bois tels que des solives ou des rondins
formant un angle de 45 degrés (Chaq Rkan). Si les murs
sont très dégradés et nécessitent une reprise totale,
des planches ou des rondins en bois sont insérés
horizontalement tous les quatre-vingts centimètres ou
au niveau de chaque jointement de banchée pour les
murs construits en pisé.
Le renforcement par contrefort est également une
solution pour améliorer la résistance sismique des
murs périphériques. Cependant, cette approche
est limitée en raison de l'encombrement potentiel
engendré et de la difficulté à assurer la continuité des
matériaux entre le contrefort ajouté et le mur existant,
ce qui peut affecter l'intégrité de l'ensemble.
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
Figure 6 : Utilisation des tirants métalliques dans la toiture
de la mosquée Abi al-Hadid à Qsar Lakbir (© MHAI).
Gestion de risques
post-séisme
Il est regrettable que le Maroc ait été frappé par un
séisme d'une magnitude de 7 degrés sur l'échelle de
Richter le 8 septembre 2023, qui est considéré comme
l'un des tremblements de terre les plus virulents de
l'histoire du pays, avec une profondeur d'environ 8
kilomètres.
Soixante-dix mosquées historiques, réparties
sur six provinces du territoire marocain, ont été
considérablement impactées par ce séisme. Parmi
celles-ci, cinquante-quatre mosquées historiques,
situées dans l'ancienne médina de Marrakech, ont
été touchées. Les degrés de dégradation varient d'un
édifice à l'autre et d'une province à l'autre, certains
présentant des désordres complexes tandis que
d'autres des dommages plus simples. D’un autre
côté, plusieurs mosquées ont subi des effondrements
partiels voire totaux.
Face à cette situation, les responsables du patrimoine
religieux ont agi rapidement en collaboration avec des
experts et des ingénieurs marocains. Des missions de
constatation et d'inspection visuelle post-séisme ont
été menées, particulièrement dans la ville de Marrakech
où le nombre de monuments historiques touchés est
le plus élevé. Cette réaction immédiate démontre
l'engagement à évaluer rapidement l'ampleur des
dégâts et à entreprendre des actions d’urgence de
sécurisation, d’étaiement et de consolidation du
patrimoine affecté.
Le diagnostic visuel effectué sur différentes parties de
la mosquée Koutoubia a révélé plusieurs dommages
causés par le séisme. Concernant la salle de prière,
67
Figure 7 : Chute de la coupole en Moqarnas de
la mosquée Qaṣbah de Marrakech (© MHAI).
l'expertise a identifié une déstabilisation de la
structure du mur périphérique du côté de la façade
sud. Cela s'est manifesté par un effondrement partiel
du parement intérieur en briques creuses industrielles,
ayant déjà fait l'objet d'une réparation antérieure non
appropriée. De nombreuses fissures et lézardes ont
été observées, principalement au niveau des clés des
arcades, des jonctions des murs et de la toiture, ainsi
qu'au niveau des piliers, parfois présentant des fissures
en forme de X. Quant au minaret, les dommages sont
principalement localisés dans sa partie supérieure.
Des fissures ont été constatées au niveau des clés de
voûtes, d’al-‘Azri et au niveau des créneaux, montrant
des signes de contrainte de cisaillement7.
Les résultats de l'analyse de l'état global de la mosquée
almohade al-Manṣūr (Qasba) indiquent une réponse
structurelle limitée de cette mosquée aux contraintes
sismiques. Les dommages post-séismes relevés
comprennent principalement : a) le déplacement des
murs extérieurs périphériques et le détachement des
créneaux périphériques, b) la rupture des liaisons
entre les murs et les dalles couvrant les galeries, c)
la fissuration des voûtes des galeries, des murs et
des arcs , d) des dommages très avancés sur al-‘Azri,
avec des fissures voire des ruptures , e) la fissuration
des trois coupoles de la nef longitudinale du mihrab,
accompagnée de l'effondrement quasi-total du
Mouqarnas de la coupole sud-est8. Ces dommages
montrent une détérioration plus importante et variée
de la structure de la mosquée al-Manṣūr nécessitant
des mesures de réparation et de restauration
non seulement plus complexes mais aussi plus
approfondies, comparativement aux dégâts constatés
à la Koutoubia.

Il est regrettable de constater que la mosquée de Ben
Youssef située au cœur de la médina de Marrakech,
a également subi des dégradations majeures suite au
séisme. Les experts, mandatés par le MHAI, ont relevé
des dommages presque similaires à ceux observés à la
mosquée Koutoubia et à la mosquée al-Manṣūr.
Cependant, son minaret a été particulièrement
affecté : les quatre murs extérieurs ont subi des fissures
importantes et ont perdu leur liaison avec le système
de voûtes qui constitue la cage d'escalier. Cette
détérioration significative du minaret représente un
défi majeur pour sa réparation et sa restauration.
D'autres grandes mosquées ont également été
évaluées pour estimer les dommages causés par
le tremblement de terre dans la semaine suivant la
catastrophe. Chaque structure a subi ses propres
dégradations, certaines plus sévères que d'autres.
Parmi celles-ci, on compte la mosquée Bab Doukkala,
la mosquée Berrima, la mosquée Sidi Isḥak, la
mosquée Mouassine, la grande mosquée de Haylana
et la mosquée Quessabine (Kharbouch) dont le
minaret s'est totalement effondré. Ces dégradations et
altérations menacent donc sérieusement le patrimoine
68
religieux. Avec les répliques consécutives du séisme
d'al-Haouz, ces monuments pourraient s'effondrer à
tout moment. Il est impératif de prendre des mesures
de sécurité et des interventions d’urgence pour
préserver ce patrimoine d'une grande importance,
constituant la richesse et la fierté de la médina de
Marrakech, classée sur la liste du patrimoine mondial
de l’UNESCO depuis 1985.
La première action dans la gestion des risques
post-séisme consiste à lancer une campagne de
numérisation des monuments endommagés via des
travaux topographiques de photogrammétrie, de
lasergrammétrie et de modélisation en 3D. Le recours
aux drones s'avère indispensable pour obtenir des
ortho-photos des éléments élancés, notamment les
minarets, et pour établir avec précision les plans des
terrasses. La numérisation joue un rôle crucial dans
l’opération de préservation avant que ce patrimoine
ne soit irrémédiablement détérioré. C’est pourquoi,
depuis plusieurs années, le MHAI en a accordé une
attention particulière. Il a ainsi réalisé la numérisation
de la mosquée Qarawiyyin et de la mosquée al-
Andalus à Fès, de la mosquée Moulina à Rabat, ainsi
que du minaret almohade de la grande mosquée de
Safi.
Figure 8 : Modélisation en 3D de la
mosquée al-Qarawiyyin à Fès (© MHAI).
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
La numérisation du patrimoine Habous présente
trois principaux avantages9. Tout d'abord, elle
assure sa conservation en établissant un état présent
des édifices, servant de référence pour de futures
interventions ou en cas de catastrophe naturelle, tel
que le dernier séisme. Elle favorise, en second lieu,
la diffusion : les ortho-photos, les dérivés des nuages
de points ou les modélisations en 3D d'éléments
importants peuvent être intégrés à des présentations,
des expositions ou des visites virtuelles, contribuant
ainsi à la valorisation et à la médiation culturelle. Enfin,
elle permet une exploitation optimale des données
recueillies, fournissant des données précises relatives
aux mesures et livrant des informations cruciales sur la
localisation et l'évolution des altérations. Dans notre
cas, cela nous a permis de comprendre les différents
types de déformations subies par les mosquées et
d'établir une cartographie des écarts, facilitant ainsi la
détection des changements de hauteurs, d'épaisseurs
ou d'inclinaisons10. La mosquée almohade de Tinmel
a subi un effondrement partiel et des dégradations
très graves, en raison de sa proximité de l’épicentre
69
du séisme. Il a fallu attendre deux jours après le
séisme pour obtenir les premières photos illustrant
l'ampleur des dommages subis par cette mosquée
emblématique. Le mur ouest, le minaret, les coupoles
et une série d’arcades se sont entièrement effondrés.
Immédiatement après la catastrophe, des travaux de
sécurisation du site, de consolidation des structures et
de triage des éléments de construction récupérables
tels que le bois, les briques, les pierres et les tuiles,
ainsi que des éléments architecturaux en stuc des
coupoles et des arcades, ont été entrepris.
La numérisation et la modélisation numérique
effectuées lors de la campagne de restauration de
2022 permettront, sans aucun doute, une restitution
précise de la mosquée. Le projet de restauration et de
reconstruction des parties effondrées doit être conçu
avec un double objectif : restaurer l'aspect initial de
la mosquée de Tinmel et transformer ce monument,
autrefois vulnérable, en une structure antisismique.
Cela devrait être réalisé en utilisant des techniques
traditionnelles afin de limiter au maximum l'impact sur
le monument lui-même.
Figure 9 : Numérisation en 3D de la mosquée
Tinmel avant le séisme (© MHAI).
Figure 10 : Numérisation en 3D de la mosquée
Tinmel après le séisme (© MHAI).
 70

La deuxième action entreprise par le MHAI

concerne la sécurisation, l'étayage et la
consolidation des parties endommagées
en attendant d'entreprendre une réflexion
sur leur restauration adéquate. Les experts
mandatés par le MHAI ont élaboré en urgence
des plans d'étayage pour les différentes
composantes des mosquées menacées de
chute ou susceptibles de subir davantage
de dégradations suite aux répliques des
secousses. La mise en place des étaiements
et la sécurisation des monuments religieux
emblématiques de la médina de Marrakech
ont été entamées dès la première semaine
suivant le séisme, garantissant ainsi la
préservation d'un patrimoine d'une valeur
inestimable. Figure 11 : Travaux d’étaiement de la
mosquée Koutoubia (© MHAI).

Figure 12 : Travaux d’étaiement de la

mosquée de Tinmel (© MHAI).

Les travaux de sécurisation réalisés permettront au
MHAI de disposer du temps nécessaire pour consulter
des experts marocains et étrangers en vue d'établir
une étude exhaustive en faveur de la restauration
des mosquées endommagées par le séisme. Les
protocoles d'intervention devront inclure des mesures
visant à renforcer la résistance des édifices face aux
séismes. À cette fin, le MHAI a constitué un comité
scientifique composé de chercheurs, d'ingénieurs et
d'experts chargé d'identifier les zones de vulnérabilité
au sein des mosquées historiques. Ce comité mène
des études approfondies sur le comportement
structurel des mosquées vis-à-vis des charges
statiques et sismiques en utilisant une modélisation
tridimensionnelle par éléments finis. Son objectif est
d'évaluer les performances sismiques des édifices,
mettant en évidence les lacunes en termes de
résistance et de déformation, ainsi que les éventuels
dommages en cas de séisme conforme aux normes
réglementaires. Enfin, ce comité élaborera des
solutions de renforcement pour assurer une protection
sismique anticipée des mosquées historiques.
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
Conclusion
Conscient des risques pesant sur le patrimoine
religieux, menaçant son existence et sa transmission
aux générations futures, le MHAI poursuivra ses actions
visant à atténuer l'impact des facteurs de dégradation
et à faire face aux dangers des catastrophes naturelles.
Actuellement, le ministère envisage de constituer
une équipe de scientifiques spécialisés dans l'étude
et la modélisation en éléments finis des structures
traditionnelles des mosquées historiques. Cette
démarche vise à identifier les améliorations nécessaires
du comportement des bâtiments face aux séismes,
et à instaurer de façon permanente une démarche
de restauration antisismique, devenue une nécessité
cruciale pour la préservation du patrimoine.
Notes et bibliographie
1- Qualité de la Direction des mosquées/Référence 05.P1.00 version
5 du 06 Mai 2022.
2- Les photos prises par Ettahiri A., co-directreur de la mission
archéologique d’Igiliz, un mois avant l’incendie, ont été d’une
grande utilité.
3- NF P92-507 Sécurité incendie - Bâtiment - Matériaux de
quincaillerie intérieure - Classement selon la réaction au feu.
71
4- D’après la tradition orale recueillie sur place par Abdelmjid El
Azouzi. Voir : https://dalil-rif.com/permalink/6631.html.
5- Décret n° 2-12-666 du 17 Rajab 1434 (28 mai 2013) approuvant le
règlement parasismique pour les constructions en terre et
instituant le Comité national des constructions en terre Bulletin
officiel n° 6206 du 21 moharrem 1435 (21 septembre 2013).
6- Le règlement exige aussi que la hauteur maximale des murs
porteurs en terre ne doit pas dépasser 4 mètres pour une
construction à un seul niveau et six mètres et demi pour une
construction à deux niveaux.
7- Mohamed Hmadouch, Inspection visuelle post-séisme de la
mosquée historique Koutoubia à Marrakech, Centre scientifique
et technique des constructions- Laboratoire public des essais et
d’études, 2023.
8- El Hoceine Gounaya, Pré-diagnostic de la mosquée Moulay El
Yazid, Centre scientifique et technique des constructions-
Laboratoire public des essais et d’études, 2023.
9- Abdelaziz Derouiche, « Patrimoine historique Habous. Quel
processus de conservation, Ouvrage », Pour une école marocaine
de la conservation-restauration du patrimoine bâti, Collection Les
publications de l’AAT, édition la Fondation de la mosquée Hassan
II de Casablanca, 2022.
10- Etant donné que les relevés planimétrique et altimétrique avant
séisme des mosquées historiques de Marrakech ont été réalisés
dans le cadre de l’inventaire exhaustif que le MHAI a lancé depuis
2019.
DOSSIER

Asmae El Kacimi
INSAP - Rabat

L’Archéologie
numérique, un outil
de résilience face aux
catastrophes
LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
73

Introduction

L
e XXIe siècle a été le théâtre de plusieurs tra-
gédies patrimoniales, allant des conflits ar-
més en Syrie (2015 et 2017), passant par les
incendies ayant ravagés le Musée National
du Brésil (2018) et la Cathédrale Notre-Dame de
Paris (2019), arrivant au dernier séisme d'al-Haouz
(2023). En effet, celui-ci fut notamment dévasta-
teur vis à vis de la mosquée historique de Tinmel,
symbole d'une riche histoire et d'une signification
culturelle profonde pour le Maroc. Ces événe-
ments cruciaux ont laissé leur empreinte indélé-
bile sur le patrimoine culturel de l’humanité. De
fait, plusieurs discussions ont été entamées sur le
rôle de l'archéologie numérique comme outil of-
frant une lueur d'espoir, car cette discipline, inno-
vante et novatrice, s’est investie d’une double vo-
cation : d'une part, celle de conserver et d'étudier
les artefacts, les sites et les monuments histo-
riques, d'autre part, celle d'incarner une forme de
résilience, une capacité à surmonter les défis en-
gendrés au sujet de la préservation patrimoniale.
Nous souhaitons, dans les lignes qui suivent, scru-
ter les rouages complexes de l'archéologie numé-
rique, et à évoquer les questions essentielles :
comment les avancées technologiques peuvent-
elles offrir une voie vers la résilience face aux
aléas ? Comment l'archéologie numérique peut-
elle préserver et documenter notre patrimoine
culturel avant qu'une catastrophe ne se produise ?
Quels outils technologiques sont mobilisés pour
numériser et archiver ces données, et comment
ces technologies évoluent-elles ? En quoi les don-
nées issues de l'archéologie numérique sont-elles
essentielles pendant et après une catastrophe
pour reconstruire, préserver et interpréter notre
patrimoine ? Quels sont les défis éthiques aux-
quels l'archéologie numérique est confrontée ?

Figure 1 : Photogrammétrie d’un chapiteau en

Marbre (Ribat Tachfin, Rabat). © A. El Kacimi, 2022
 74

Quels outils technologiques sont Figure 2 : Cuve d'ablution à la nécropole mérinide de Chellah
© A. El Kacimi, 2021.
utilisés pour numériser et archiver ces
données ?
La méthodologie de l'archéologie numérique s'appuie
sur une panoplie d'outils et de techniques pour
capturer des modèles tridimensionnels détaillés des
sites et des artefacts historiques. Ces outils incluent
la photogrammétrie, la modélisation 3D, les scanners
laser terrestres ou aériens, ainsi que l'utilisation des
drones. Ces technologies permettent de créer des
reproductions numériques hautement précises des
sites et des objets, préservant leur intégrité et leur
complexité avant tout évènement imprévu.

La photogrammétrie numérique et le
balayage laser
Les méthodes de balayage laser et les techniques
de photogrammétrie numérique sont utilisées
pour l'acquisition de données métriques dans la
documentation du patrimoine culturel depuis les
années 19901. Tant la photogrammétrie aérienne que
la photogrammétrie à courte portée ou terrestre ont
été largement utilisées. La technique de numérisation
3D représente un outil préventif de résilience, offrant
une opportunité de préparation et de préservation
proactive du patrimoine culturel face aux menaces2.

Bien que leur usage reste principalement et

exclusivement réservé aux monuments majeurs
du Royaume. Au Maroc, ces techniques de
photogrammétrie numérique et de balayage laser sont
largement utilisées dans le domaine de restauration
et de mise en valeur des monuments et sites
historiques. Elles permettent premièrement d’offrir
une documentation exhaustive et précise, capturant
chaque détail architectural avec une grande précision
avant les travaux de restauration. Cette documentation
sert de référence pour évaluer l'état initial du site et
permet aux restaurateurs de prendre des décisions
éclairées et de planifier les interventions appropriées.
Deuxièmement, la comparaison entre les données avant
et après la restauration permet d'évaluer objectivement
l'efficacité des travaux réalisés. Cela aide à démontrer
l'impact des interventions, à mesurer les changements
et les améliorations apportés au site, et à documenter
l'évolution dans le temps du patrimoine restauré.
Troisièmement, cette documentation détaillée permet
de raconter l'histoire du site de manière visuelle et
accessible et offre ainsi une ressource précieuse pour
la recherche académique, les études historiques et les
efforts continus de préservation.
Les systèmes d'information
géographique (SIG)
Les Systèmes d'Information Géographique (SIG)
représentent une ressource précieuse dans
l'archéologie numérique, offrant la possibilité
de cartographier de manière détaillée les sites
archéologiques et les paysages, y compris les
formations naturelles et artificielles. Cette utilisation
des SIG offre une documentation complète et précise,
permettant de comprendre les détails géospatiaux des
sites avant même qu'une catastrophe ne survienne. En
explorant ces modèles numériques, les gestionnaires
du patrimoine peuvent mieux anticiper et planifier des
mesures de préservation et de restauration après un
évènement catastrophique. Par exemple, ils peuvent
identifier les zones les plus vulnérables d'un site et
envisager des scénarios pour minimiser les dommages
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
potentiels en cas de catastrophe. Le séisme survenu
le 8 septembre 2023 au Haouz a mis en lumière
l'impérieuse nécessité d'incorporer les Systèmes
d'Information Géographique (SIG) dans la gestion pré
et post-catastrophe des anciennes médinas au Maroc.
Ce tremblement de terre a accentué la vulnérabilité
de ces quartiers historiques et a souligné l'urgence
d'adopter des stratégies préventives pour préserver
leur intégrité architecturale et culturelle. L'exemple
concret de la médina de Marrakech, confrontée à ces
défis, suite à cet évènement sismique, met en évidence
le rôle important des SIG dans l'évaluation des dégâts,
la planification de la restauration et l'élaboration de
mesures de prévention adaptées.
La première étape consisterait à cartographier
minutieusement ces quartiers historiques en intégrant
des détails architecturaux et topographiques
permettant ainsi une compréhension approfondie
de leur structure. En analysant les risques tels que
les glissements de terrain, les inondations ou les
dégradations structurelles à l'aide des SIG, il devient
possible de modéliser des scénarios de catastrophes
potentielles. Ces informations permettront de
développer des cartes de risques, des plans de
préservation et de restauration spécifiques ciblant
les zones vulnérables et renforçant ainsi la résilience
du tissu urbain. La mise en œuvre de ces plans,
accompagnée d'un suivi régulier, serait cruciale pour
s'assurer de l'efficacité des mesures préventives.
En documentant ces démarches à l'aide des SIG, il
serait possible de communiquer efficacement ces
plans aux différents acteurs impliqués, favorisant
ainsi une nouvelle approche de préservation tout en
protégeant les valeurs historiques et culturelles de
notre patrimoine.
En combinant l'ensemble des outils de l'archéologie
numérique : les techniques de télédétection
comprenant les SIG (Systèmes d'Information
Géographique), le GPS et l'imagerie numérique, il est
possible d'optimiser la préservation du patrimoine. Le
meilleur exemple illustrant ces pratiques reste celui du
projet « Living with Heritage at Angor » au Cambodge3.
Ce projet réunit les sciences humaines, sociales et
naturelles pour aborder les problèmes conceptuels et
méthodologiques de gestion des sites du patrimoine
mondial très vastes et densément peuplés. L'une des
premières tâches de Living with Heritage était de
construire un système intégré de gestion des données
spatiales capable d'indexer des sources disparates
d'informations. Ces tâches comprenaient des cartes
de base, des images satellites, des photographies
aériennes, des relevés topographiques et des résultats
de fouilles archéologiques pour former le noyau de
l'ensemble de données du site.
75
La base de données en ligne enregistre des
métadonnées détaillées sur chaque ensemble de
données et permet une recherche spatiale ainsi qu'une
cartographie simple des emplacements du site. Le
système est basé sur un produit open source qui
offre le développement d'un système de surveillance
temporelle SIG, lequel intègre une planification
participative basée sur les valeurs, et un SIG basé sur
la communauté et la télédétection archéologique4.
L'Archéologie numérique post-
séisme : clé de reconstruction ou
gardienne de l’Héritage ?
Le débat contemporain entourant l'archéologie
numérique interroge profondément son impact et son
rôle intrinsèque dans la préservation du patrimoine
culturel. Se pose la question de savoir si cette discipline
agit principalement comme une clé pour reconstruire
les sites historiques endommagés ou si elle opère en
tant que gardienne, préservant l'héritage culturel dans
son état altéré.
En contexte de catastrophes naturelles, notamment
les séismes, l'archéologie numérique joue un rôle
crucial. D'une part, elle peut être considérée comme
une "clé de reconstruction". Grâce à l'utilisation de
drones, de scanners laser et d'autres technologies
avancées, elle permet une documentation précise des
dommages. Ces données deviennent alors la base
essentielle pour la restauration physique ou virtuelle
des structures endommagées, guidant les efforts de
reconstruction afin de rétablir l'authenticité des sites
historiques touchés.
D'un autre côté, cette discipline peut être considérée
comme la gardienne du patrimoine. En capturant
des sites avant et après des évènements tels que
des séismes ou des incendies, elle crée des archives
numériques détaillées. Par exemple, après l'incendie
de la cathédrale Notre-Dame de Paris en 20195, les
modèles numériques existants ont été utilisés pour
aider à la reconstruction et à la restauration de la
structure endommagée. L’exemple marocain le plus
probant est celui de la mosquée de Tinmel, qui a été
scannée et numérisée quelques jours avant le séisme.
Ces données numériques pré-séisme sont devenues
une référence cruciale pour documenter l'état initial
de la mosquée, facilitant l'analyse des dommages
post-séisme et guidant la reconstruction précise de
cet important site patrimonial. Ces informations ont
préservé visuellement la structure originale, offrant une
base solide pour la restauration future et permettant
de conserver la mémoire de la mosquée de Tinmel
pour les générations à venir.

Cette double facette de l’archéologie numérique
soulève le dilemme entre la nécessité de restaurer
les sites endommagés pour préserver leur intégrité
historique et la préservation de la mémoire visuelle de
ces lieux, même après leur altération. L'archéologie
numérique, en jouant ces deux rôles, contribue
à la reconstruction physique et à la sauvegarde
de la mémoire historique immatérielle après des
évènements dévastateurs comme les séismes ou les
incendies.
Synergie digitale : L'alliance de
l'Archéologie numérique et de
l'intelligence artificielle (IA)
Ces dernières années, le progrès de l'archéologie
numérique a convergé de manière significative
avec celui de l'intelligence artificielle (IA), offrant
des perspectives révolutionnaires non pas que
pour l’exposition du produit culturel, à travers les
technologies VR et le AR6, mais aussi la restauration
des sites historiques dévastés par les catastrophes.
Toutefois, cette convergence technologique
s'accompagne de débats cruciaux au sein de la
communauté patrimoniale. Les récentes controverses,
76
Figure 3 : Modélisation 3D de la porte
almohade de Bab Agnaou à Marrakech. © Projet
de restauration de Bab Agnaou 2020
alimentées par des discussions sur l'authenticité des
reproductions numériques et physiques en 3D du
patrimoine culturel, mettent en exergue les concepts
définis par les lignes directrices opérationnelles du
patrimoine mondial de l'UNESCO en 2015 : la vérité,
la crédibilité et l'intégrité7. En guise d’exemple,
la restitution post-sismique ne se limite pas à la
reconstruction physique, mais cherche également
à préserver l'authenticité du site. Les algorithmes
d'apprentissage automatique de l’IA peuvent traiter
les données collectées par les drones et les scanners
laser, permettant ainsi de reconstruire numériquement
les éléments endommagés avec une grande précision.
Cependant, l'équilibre entre restauration précise et
préservation de l'histoire originelle constitue un défi
majeur qui risque à redessiner une nouvelle identité
pour ce monument.
Éthiques et limites de l'archéologie
numérique
La numérisation des sites archéologiques et
des artefacts soulève des questions éthiques
fondamentales. En présence de plusieurs plateformes
web dédiées à la diffusion des numérisations des sites
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
et monuments patrimoniaux, la première question
à poser : qui détient le droit de collecter, stocker et
utiliser ces données ? Les communautés locales, les
gouvernements ou les chercheurs ? En manque de
cadre législatif, cette propriété des données et des
répliques numériques reste un sujet délicat exigeant
un équilibre subtil entre la protection et le respect des
cultures autochtones.
Dans ces mêmes conditions, aussi la normalisation
et le stockage des données représentent un défi
majeur pour l'archéologie numérique. Ce domaine
se trouve confronté à une absence de normes
universellement acceptées pour la collecte, le stockage
et la présentation des données archéologiques
numériques. La diversité des méthodes de collecte,
des logiciels utilisés et des formats de données
entraine une fragmentation des normes, complexifiant
la comparaison et la consolidation des informations
provenant de sources diverses. Par ailleurs, la gestion
à long terme de l'énorme volume de données
générées nécessite des infrastructures informatiques
robustes pour garantir leur intégrité et accessibilité.
Une dernière étude commandée par la Commission
européenne avait proposé des recommandations
relatives à la numérisation 3D du patrimoine culturel
à travers l’espace européen. Ses recommandations
mettent en œuvre des stratégies numériques incluant
les paramètres, les normes, les méthodologies et les
critères de référence9.
Dans ce sens, assurer le respect des recommandations
énoncées supra implique la mobilisation de ressources
conséquentes. Les coûts associés à la technologie
de pointe peuvent être prohibitifs, limitant l'accès
à ces méthodes aux seuls chercheurs disposant
de ressources financières importantes. Car il est
crucial d'investir financièrement pour acquérir des
technologies de numérisation 3D avancées, former le
personnel aux normes et pratiques de préservation,
et établir des partenariats solides entre institutions
et experts technologiques. De plus, garantir un
accès équitable aux équipements et développer
un cadre règlementaire favorable sont des aspects
essentiels. Un soutien continu des gouvernements
et des institutions est nécessaire pour promouvoir
la valeur de la numérisation 3D dans la conservation
du patrimoine culturel, assurant ainsi des ressources
durables pour ses actions.
Conclusion
Bien que confrontée à des défis et des limites,
l'archéologie numérique demeure d'une importance
capitale pour la préservation à venir du patrimoine
face aux catastrophes. Ses méthodes permettent
de produire des résultats fiables à haute résolution
77
spatiale, facilitant la documentation et la préservation
des sites patrimoniaux face aux risques imminents. Des
zones difficiles d'accès ou exposées à des dangers sont
ainsi capturées avec succès grâce à l'application de ces
techniques. L'objectif principal dans la préservation
du patrimoine face aux catastrophes est d'inspirer une
meilleure compréhension de ces évènements passés
et d'assurer la préservation numérique du patrimoine
culturel même en cas de destruction physique.
Pour une vraie implication de l'archéologie
numérique, une collaboration étroite est impérative
entre les spécialistes du patrimoine, les experts en
technologies, les gestionnaires des risques et les
archéologues. Leur association organique est cruciale
pour une intégration plus efficace et systémique de la
technologie numérique. Cela permettra de mener des
enquêtes, d'approfondir la recherche, de préserver,
restaurer et exposer de manière plus complète le
patrimoine culturel constamment menacé, ce qui
souligne davantage l'urgence de cette collaboration
pour sa préservation et sa sauvegarde.
Notes et bibliographie
1- Naif Adel Haddad, « From Hand Survey to 3D Laser Scanning: A
Discussion for Non-Technical Users of Heritage Documentation »,
Conservation and Management of Archaeological Sites 15, no 2
(1 mai 2013): 213‑26.
2- Mariam Samaan, « La photogrammétrie rapprochée au service de
l’archéologie préventive » (Thèse de Doctorat Université Paris-Est,
2016).
3- Plusieurs groupes ont collaboré à ce projet, notamment l'Autorité
pour la Protection et la Gestion d'Angkor et de la Région de Siem
Reap (APSARA), l'École Française d'Extrême-Orient (EFEO) et
l'Université de Sydney.
4- Richard Mackay et Sharon Sullivan, « Living with Heritage at
Angkor » (16th ICOMOS General Assembly and International
Symposium: ‘Finding the spirit of place – between the tangible
and the intangible’, Quebec, Canada, 2008), 1‑10.
5- Yves Gallet, « Après l’incendie. Notre-Dame de Paris : Bilan,
Réflexions, Perspectives », Bulletin Monumental, 2019, 177-3, p.
211-218, 1 janvier 2019.
6- Dorina Moullou et al., « Digital Tools for Data Acquisition and
Heritage Management in Archaeology and Their Impact on
Archaeological Practices », Heritage 7, no 1 (janvier 2024), p. 113.
7- Paola Di Giuseppantonio Di Franco, Fabrizio Galeazzi, et Valentina
Vassallo, Authenticity and Cultural Heritage in the Age of 3D
Digital Reproductions (McDonald Institute, 2018).
8- Beaucoup de sites Web proposent des modèles 3D interactifs et
des informations détaillées sur divers sites et monuments
patrimoniaux : CyArk, Sketchfab, OpenHeritage 3D, The Ancient
World in 3D, etc.
9- Commission Européenne, « Étude sur la qualité de la numérisation
en 3D du patrimoine culturel matériel : cartographie des
paramètres, formats, normes, critères de référence, méthodologies
et lignes directrices », 2021.

Bibliographie
- Adel Haddad, Naif. « From Hand Survey to 3D Laser Scanning: A
Discussion for Non-Technical Users of Heritage Documentation ».
Conservation and Management of Archaeological Sites 15, no 2
(1 mai 2013): 213‑26.
- Commission Européenne. « Étude sur la qualité de la numérisation
en 3D du patrimoine culturel matériel : cartographie des
paramètres, formats, normes, critères de référence, méthodologies
et lignes directrices », 2021.
- Daly, Patrick, et Thomas L. Evans. Digital Archaeology: Bridging
Method and Theory. Routledge, 2004.
- Di Giuseppantonio Di Franco, Paola, Fabrizio Galeazzi, et Valentina
Vassallo. Authenticity and Cultural Heritage in the Age of 3D
Digital Reproductions. McDonald Institute, 2018.
- Gallet, Yves. « Après l’incendie. Notre-Dame de Paris : Bilan,
Réflexions, Perspectives ». Bulletin Monumental, 2019, 177-3, p.
211-218, 1 janvier 2019.
- Mackay, Richard, et Sharon Sullivan. « Living with Heritage at
Angkor », 1‑10. Quebec, Canada, 2008.
- Moullou, Dorina, Rebeka Vital, Stella Sylaiou, et Lemonia Ragia.
« Digital Tools for Data Acquisition and Heritage Management in
78
Archaeology and Their Impact on Archaeological Practices ».
Heritage 7, no 1 (janvier 2024): 107‑21.
- Levy, T., Petrovic, V., Wypych, T., Gidding, A., Knabb, K., Hernandez,
D., Smith, N. G., Schlulz, J. P., Savage, S. H., Kuester, F., Ben-Yosef,
E., Buitenhuys, C., Barret, C. J., Najjar, M., & T. De Fanti. On-site
Digital Archaeology 3.0 and Cyber-Archaeology: Into the Future
of the Past – New Developments, Delivery and the Creation of a
Data Avalanche, in Cyber-Archaeology, 2177, (Oxford, 2010:
Archaeopress), 135-53.
- Samaan, Mariam. « La photogrammétrie rapprochée au service de
l’archéologie préventive ». Phd thesis, Université Paris-Est, 2016.
- Smith, L.J., Uses of Heritage. London: Routledge, 2006.
- Taylor, J.; Issavi, J.; Berggren, Å.; Lukas, D.; Mazzucato, C.; Tung, B.;
Dell’Unto, N. “The rise of the machine”: The impact of digital
tablet recording in the field at Çatalhöyük. Internet Archaeol.
2018, 47.
- Yves Gallet, « Après l’incendie. Notre-Dame de Paris : Bilan,
Réflexions, Perspectives », Bulletin Monumental, 2019, 177-3, p.
211-218, 1 janvier 2019.
PUB
DOSSIER

Fatima Ait Mhand

Archéologue, spécialiste
Culture et Patrimoine

Au cœur du Haut
Atlas ou quand
le patrimoine
vivant imprime
nos vies

Figure 1 : Le village d’Agdour sur le plateau du Kik

au Haut Atlas occidental (© Rotary club Rabat – Projet
d’adduction d’eau au plateau du Kik, Haut Atlas).
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
U
n mois après le violent séisme qui a frappé
le Haut Atlas occidental du Maroc et dont
nous avions ressenti les secousses jusqu’à la
capitale du pays, je prenais finalement la route
pour aller voir de mes propres yeux ce qui a nourri, à
outrance, tous les réseaux de communication depuis
cette fatidique nuit du vendredi 8 septembre 2023.
Un déferlement d’images et de vidéos, qui a maintenu
tout le pays en haleine pendant plusieurs semaines et
qui m’a fait ressentir, comme à tous les Marocains, des
pics d’émotions, allant du désarroi à l’affliction et à la
fierté d’être native de cette région et de ce pays !
En empruntant les routes sinueuses, qui traversent les
montagnes du Haut Atlas en direction du plateau du
Kik et en passant par le village mythique de Moulay
Brahim au sud de Marrakech, j’appréhendais le choc
émotionnel face aux scènes de désolation, que les
quelques secondes qu’a duré le séisme, ont laissées
sur leur sillage, appréhension intensifiée par une
longue familiarité aimante avec ces lieux. En arrivant à
destination, je me suis rendu compte à quel point mes
craintes étaient fondées.
Les paysages, qui défilaient, restent indiciblement
profonds et intemporels, même si mis à mal par
le séisme. Des plaies béantes dans les falaises
rocheuses, des villages dévastés, des blocs de roches
dangereusement instables, des éboulis, qui bloquaient
les routes et que les bulldozers ont déplacé sur les
bords des routes, des façades fissurées, des maisons
effondrées ou dangereusement penchés, et des tentes
qui protègent à peine l’intimité de cette population, qui
a toujours vécu au retrait des regards. L’équilibre, qui
a toujours existé, dans ces régions, entre la protection
de l’intimité et la culture du vivre ensemble, dans le
total respect des traditions sociales, a subitement été
rompu.
Des pertes et des dégâts matériels considérables
sont à déplorer, mais qu’il est possible d’évaluer et
de reconstituer, tant bien que mal, et avec beaucoup
de patience et de volonté et au moyen d’une kyrielle
d’investissements sur une longue durée. Or, d’autres
pertes, de valeur égale sinon supérieure et qui sont
paradoxalement imperceptibles, sont celles qui ont
trait à l’identité et au mode de vie traditionnel des
populations rurales du Haut Atlas. Ce mode de vie
qui découle de modèles ou schémas mentaux, que
chaque individu ou communauté, construisent sur la
base de croyances, de perceptions et de cadres de
pensée, qui façonnent la manière dont ils perçoivent
et interprètent le monde qui les entoure. Ils sont le fruit
de la pratique de leur patrimoine culturel, notamment,
immatériel, des expériences accumulées, des normes
et des interactions sociales, et des enseignements
81
culturels et naturels tout au long de la vie d’une société.
La survenue d’une catastrophe naturelle dans un milieu
perturbe cet équilibre social qui s’est construit sur des
générations, en raison, de pertes soudaines et massives
en vies humaines, de destructions d’infrastructures
matérielles vitales, de dommages environnementaux
de grande ampleur, et surtout de déplacement et de
relogement de la population.
Ces filtres, à travers lesquels la population perçoit le
monde et interagit avec lui, sont également impactés
par le contact avec l’autre, cet autre, qui dans le cas
de la région du Haouz, est celui qui est venu apporter
son aide aux sinistrés. En effet, un immense élan de
solidarité s’est mis en place et un nombre incalculable
de personnes, venues de toutes les régions du Maroc et
même de l’étranger, ont fait le déplacement et côtoyé
de près ces populations, sans avoir appréhendé leur
culture, leurs traditions et leurs croyances, condition
préalable à tout travail humanitaire, exécuté dans le
respect des droits de l’autre surtout quand il est en
situation de vulnérabilité, il est question notamment
des droits culturels1.
Au traumatisme de la catastrophe naturelle et de la
perte de leurs proches et de tous leurs biens, aussi
parcimonieux soient-ils, les sinistrés se sont heurtés
à une déferlante de personnes étrangères à leurs
paysages, parlant un langage différent et ayant
des comportements parfois insolites, constituant
parfois des affronts à la culture locale et à la dignité
de la population. Leur courtoisie et leur hospitalité
légendaires, qui n’ont pas pris une ride même en
ces temps de catastrophe et qui se sont au contraire
renforcés face à ce grand élan de générosité, dont ils
ont fait l’objet, ont fait que ces montagnards, pourtant
très discrets et réservés, ont fait fi de leurs traditions
et de leur malheur, en accueillant à bras ouverts ces
gens, inconscients de l’impact, parfois négatif, de leurs
agissements et intrusions sur la culture de la région et
sur les générations futures.
En faisant des arrêts dans quelques villages du plateau
du Kik, j’approche les habitants pour m’enquérir de
leur situation et de celle de mes proches, ils sont tous
unanimes, les quelques secondes de terreur, qu’ils
ont vécu au moment du tremblement de terre, ont
bouleversé leur vie à jamais. C’est beaucoup trop de
choses à gérer en même temps, leur deuil et celui des
autres, les pertes matérielles, la précarité dans laquelle
ils se sont enfoncés encore plus qu’avant et le trop de
lumière braquée sur eux, car autant ces régions étaient
auparavant oubliées et reculées, autant leurs images
ont fait le tour du monde et furent exploitées, avec ou
sans mauvaises intentions, chose qui a exercé sur ces
gens une grande pression.

Arrivée à mon village natal, Agdour, en compagnie de
mon père, la première question qui lui vint à l’esprit
fut celle de demander après l’arbre du village. Igg,
comme ils le nomment en amazighe, est un ‘arbre
à palabres autour duquel ils se réunissaient pour
discuter, passer du bon temps en été, le lieu favori des
enfants pour jouer, l’arbre mythique qui, en échange de
leur attachement à lui, les gratifie d’un fruit au parfum
exquis. Ce pistacia terebinthus2 (pistachier térébinthe),
est heureusement sain et sauf et continuera à veiller
sur le village et ses habitants. Il donne des petits
fruits non comestibles encore utilisés de nos jours
comme encens. Mes parents se souviennent des
grands-mères qui en ramassaient une bonne quantité
qu’elles déposaient dans un ferrah (poêle en terre
82
cuite) qu’elles mettaient sur le feu du kanoun (four
traditionnel) et qu’elles couvraient d’un bol ou d’un
couvercle en terre cuite vernissée. En brulant, les fruits
libèrent une fumée qui se dépose sur les parois du
couvercle. La suie est, par la suite, récupérée par ces
femmes qui la vendent au prix fort aux femmes des
autres villages du plateau. Cette encre naturelle est
utilisée, essentiellement, par les mariées pour se parer
de tatouages éphémères embaumants. Igg est aussi,
par ailleurs, aussi chanté dans la poésie amazighe :
ⵎⴰⵏ ⴰⵚⵖⴰⵔ ⵉⵊⵊⵏⵊⴰⵎⵏ ⵉⴼⵔ ⵖ ⵓⵚⵎⵎⵉⴹ ⵣⵣⵉⵜ, ⵏⵖⴷ ⵉⴳⴳ ⵏⵖ
ⴰⵍⵉⵍⵉ ⵡⴰⵎⴰⵏ3 (Quels arbres gardent leurs feuilles en
temps de froid ? l’olivier, Igg et le laurier rose.)
Figure 3 : Igg, l’arbre qui veille sur le village
d’Agdour au plateau du Kik (© Rotary club
Rabat – Projet d’adduction d’eau au plateau du
Kik, Haut Atlas).
Figure 2 : Tanourt, le pain cuit par les femmes amazighes
contre les parois du kanoun (© Fatima Ait Mhand).
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
Nous avons quitté Agdour et continué notre chemin
vers le village d’Agadir n’Iznaguen, où un oncle, dont la
maison, occupait une place centrale dans l’organisation
de ce village, refuse catégoriquement d’aller vivre
ailleurs. Il continue à accéder à son foyer au risque d’y
perdre la vie et il passe une grande partie de la journée
assis sur le perron de la mosquée mitoyenne, le regard
perdu dans l’horizon en direction du barrage de Lalla
Takerkoust. Le scénario de sa vie a changé à jamais.
Sa maison menace ruine et la commission technique a
décrété qu’elle ne peut pas être restaurée, et étant au
bord d’une falaise très fragilisée, elle ne peut pas non
plus être reconstruite. Etant le doyen de ce village, sa
maison a toujours été le point de départ de plusieurs
festivités, telles celles relatives à ‘herma’ (Boujloud,
Bilmawen, Boulbtayn, ou bouhidour…), cette pratique
amazighe ancestrale, indissociable de la fête du
mouton ‘l’Aïd l’kbir’ dans le Haut et l’Anti-Atlas et dans
le Souss. Le personnage de herma est endossé par un
adulte mâle appartenant à une famille du village, qui
se transmet cette tradition sur des générations. Si pour
une raison ou une autre, il n’y a plus d’hommes dans
cette famille la pratique changera de foyer. A Agadir
n’Iznaguen, il n’y a pas eu, fort heureusement, de
pertes humaines, cette famille pourrait donc continuer
à porter cette tradition, même si, son déroulée serait
dorénavant différent. La question qui se pose alors est
celle de savoir si cet élément du patrimoine immatériel
de toute la zone sinistrée pourrait résister et survivre
aux pertes humaines, aux changements des modes de
vie, aux déplacements des habitants et parfois de tout
le village entièrement détruit, ou à la réorganisation
spatiale des villages lourdement touchés.
Cette réorganisation spatiale implique la construction
graduelle de nouveaux modèles mentaux, qui vont
couper avec ceux traditionnels, ne serait-ce que
partiellement. Les villages du Haut Atlas disposent
tous de petites places ou d’espaces communs, parfois
centraux si l’organisation du village le permet. Ces
lieux jouissent d’une certaine sacralité et les habitants
s y retrouvent pour s’entretenir des sujets, qui les
préoccupent ou pour y célébrer un mariage ou une
naissance ou encore pour y partager leur passion pour
la poésie, le chant et la danse, qui font la renommée
de ces régions : ahwach, taskiwin.
Ces espaces, qui jouent, ainsi, un rôle crucial dans le
développement de la création d’un patrimoine riche
et diversifié servent également à la diffusion des
connaissances et des savoir-faire et à la perpétuation
des différentes composantes du patrimoine immatériel
par leur transmission aux jeunes. Ces places sont soit
touchées directement par le séisme soit abandonnées
par suite du décès des doyens du village ou du
déplacement des habitants qui ont perdu leurs
maisons. La chaine de transmission s’en trouve alors
83
interrompue et des pans entiers du patrimoine du
Haouz se trouvent menacés de disparition et avec eux
la perception de ces populations de l’importance de
sauvegarder leur patrimoine.
A ce titre, les troupes et les acteurs de la société civile,
qui militent en faveur de la préservation de ‘Taskiwin‘
la danse martiale du Haut Atlas, et qui ont eu le
mérite de lancer l’alerte sur les menaces qui pesaient
sur sa sauvegarde et qui ont participé activement
à son inscription en 2017 sur la liste de l’UNESCO
du patrimoine culturel immatériel qui nécessite
une sauvegarde urgente, devraient actuellement
redoubler d’efforts et résister aux pertes et dégâts
engendrés par le séisme pour maintenir vivante cette
danse et empêcher le délitement dans cette région des
métiers d'artisanat qui en dépendent telles la poterie,
la tannerie, la maroquinerie, la confection de tissus
etc. En effet, il suffit qu'un raïss, un chef expérimenté,
qui guide les mouvements des danseurs, qu’un artisan
ou plusieurs soient décédés à cause du séisme pour
qu’une grande part du savoir-faire traditionnel soit
perdue à jamais.
Ces quelques exemples du paysage immatériel du
Haouz, qui sont à l’épreuve des conséquences du
séisme, illustrent parfaitement les défis auxquels
sont confrontés, et la population détentrice de ce
patrimoine et la société civile et le gouvernement.
Face à ces défis, des mesures de préservation et de
reconstruction doivent être mises en place d’urgence
pour sauvegarder ce patrimoine immatériel. Cela
peut inclure la documentation des connaissances
et des pratiques menacées, la mise en œuvre de
programmes de sensibilisation des populations
concernées, notamment en ce qui concerne la
reconstruction des maisons en terre, non pas en
béton, comme ce qui a été promu par nombre de
théoriciens improvisés, qui n’ont aucune connaissance
du milieu ni des conditions de vie dans ces régions,
ni du confort que confère l’architecture en terre dans
ces zones, où il fait très froid l’hiver et très chaud l’été.
La documentation des savoir-faire et les campagnes
de sensibilisation devraient, également, concerner
les connaissances relatives à la nature, notamment la
médecine traditionnelle qui se base sur les plantes.
Il est, de ce fait, crucial de reconnaître et de valoriser
l'importance du patrimoine immatériel et de l’intégrer
dans le processus de reconstruction, car il joue un rôle
essentiel dans le maintien de l'identité culturelle, de la
cohésion sociale et de la résilience des communautés
affectées. Les efforts devraient être conjugués, en
concertation et avec la participation des autochtones,
pour faire de cette région un lieu ou des lieux du
savoir-vivre marocain, et tous les ingrédients y sont
réunis pour y parvenir.

Notes
1- « Les droits culturels protègent les droits de chacun,
individuellement et collectivement, ainsi que les droits de groupes
de personnes, de développer et d'exprimer leur humanité, leur
vision du monde et la signification qu'ils donnent à leur existence
et à leur épanouissement par l'intermédiaire, entre autres, de
valeurs, de croyances, de convictions, de langues, de
connaissances, de l'expression artistique, des institutions et des
modes de vie. Les droits culturels protègent également l'accès
aux ressources et patrimoines culturels qui rendent possibles ces
processus d'identification et de développement. » Définition du
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
84
2- Jamal Bellakhdar, la pharmacopée marocaine traditionnelle -
médecine arabe ancienne et savoirs populaires
3- man aṣɣar ijjnjamn ifr ɣ uṣmmiḍ zzit, nɣd igg nɣ alili waman.
Transcription en tifinagh et en français par Wadii Skoukou.
Bibliographie
- Fatima Ait Mhand, Saad Hossini, Trésors du Patrimoine culturel
immatériel du Maroc, éléments des listes du patrimoine culturel
immatériel de l’UNESCO, Edition Axions – communication, Rabat,
2023.
- Jamal Bellakhdar, La pharmacopée marocaine traditionnelle :
médecine arabe ancienne et savoirs populaires, 2ème édition
augmentée, Editions Le Fennec, Casablanca, 2020.
PUB
DOSSIER

Abdesslam Amarir
Division de l'Inventaire et de la
documentation du Patrimoine
culturel

Le patrimoine vivant
et la force majeure, cas
de la danse martiale
de Taskiwin
LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
87

La Taskiwin est une danse martiale typique des
montagnes du Haut-Atlas occidental au centre du
Maroc. Elle tire son nom de la corne richement
décorée que porte chaque danseur, le Tiskt. Elle
consiste à faire vibrer les épaules au rythme des
tambourins et des flûtes. Cette pratique encourage
la cohésion sociale et l’harmonie et représente
un important mode de socialisation pour les
jeunes. La transmission aux jeunes générations
s’effectue le plus souvent de façon informelle, par
un apprentissage direct. Toutefois, pour plusieurs
raisons, la danse est désormais circonscrite à
un nombre réduit de villages et est menacée
de disparition. La mondialisation menace de la
faire tomber dans l’oubli, comme en témoigne le
désintérêt croissant des jeunes envers le patrimoine
traditionnel, au profit des pratiques artistiques
modernes. Plusieurs communautés ne pratiquent
plus la danse et les amateurs et détenteurs qui
restent n’arrivent pas à trouver d’apprentis à qui
transmettre leur savoir-faire. L’artisanat relatif aux
instruments et aux accessoires est également sur
le déclin. Néanmoins, au cours des deux dernières
décennies, la nécessité d’assurer la viabilité de la
Taskiwin a fait l’objet d’une prise de conscience
collective dans certaines communautés.
Source : ich.unesco.org

Introduction

T
Figure 1 : La Taskiwin, patrimoine culturel de l’UNESCO
askiwin est le nom d’une (© ich.unesco.org).

danse martiale du Haut At-

las occidental. Cet art de
spectacle est unique par ses
instruments, ses costumes, ses ac-
cessoires et son contenu artistique,
musical et chorégraphique. Prati-
quée initialement dans un grand
nombre de tribus peuplant les deux
versants de la montagne, Taskiwin
n’est plus détenue que par
quelques vieux danseurs qui
peinent à transmettre leur art aux
nouvelles générations.
Animé par le désir d’assurer la pé-
rennité d’un patrimoine artistique
original, la Maroc a procédé à l’ins-
cription de Taswkin sur la liste de
sauvegarde urgente de l’UNSECO
en 2017. Des mesures de sauve-
garde ont été élaborées pour per-
mettre aux communautés concer-
nées de poursuivre la pratique et la
transmission de l’élément. Cette
inscription a réellement contribué à
assurer la visibilité et la prise de
conscience de l’importance de
Taskiwin, à l’échelle locale et natio-
nale, mais cette dynamique va être
freinée par deux cas de force ma-
jeure correspondant à deux événe-
ments imprévisibles : la pandémie
du Covid-19 en 2020, et le séisme
dévastateur du 08 septembre 2023.

1- La pandémie du Covid-19
Le voyageur anglais James Grey Jackson a parcouru le
Haut Atlas occidental en 1799, plus précisément dans
la zone située au sud de la ville d’Essaouira. Il a constaté
que l’épidémie a réduit en ruine des villages entiers.
Par exemple, dans un village prospère d’environ six
cents habitants, seuls quatre individus ont survécu au
fléau. L’auteur ajoute que les pertes dans la province du
Sous étaient plus élevées que dans les autres régions
du Maroc. Le nombre de décès était si élevé que les
vivants n’avaient pas le temps d’enterrer les morts;
les cadavres étaient jetés dans des fosses communes
puis recouverts de terre1. Durant ces périodes où «
l’on ramasse les morts au chwari c’est-à-dire à pleins
bâts »2, l’épidémie qui accompagne souvent la famine
contribuait à la décimation des vallées en perturbant
les assises immobilières et en dévastant l’économie
et le droit de la montagne3. Les pratiques culturelles
n’étaient certainement pas épargnées, et les différents
domaines du patrimoine vivant devaient être affectés
à des degrés divers. Pour faire face aux risques liés
à l’épidémie, les communautés auraient accordé un
intérêt particulier aux pratiques thérapeutiques et aux
connaissances liées aux plantes médicinales, tandis
que les rituels festifs et les arts de spectacle, par
contre, restaient au second plan des préoccupations
des habitants.
La ruine complète d’un grand nombre de villages,
dont les traces se voient encore de nos jours4
montre que les sommets de l’Atlas n’étaient pas à
l’écart des épidémies qui balayaient les autres zones
géographiques. Mais, les villages reconstruits au
voisinage des ruines de l’ancien habitat, témoignent
de la continuité de l’occupation de cette montagne qui
n’a cessé d’attirer des vagues successives d’habitants
attirés par l’abondance des ressources en eau, d’une
part, et par la sécurité qui y régnait loin des ennuis des
plaines, d’autre part.
Au fur et à mesure que la vie quotidienne reprenait son
rythme habituel, les communautés renouaient avec
des pratiques tombées en désuétude durant la crise
sanitaire, les rituels festifs, les différentes cérémonies
liées au calendrier agricole et les moussem-s
réapparaissent progressivement et donnent lieu,
comme avant, aux spectacles de chants, de musique
et danse. La renaissance des arts de spectacle est l’un
des indices du retour à la vie normale après l’ouragan
causé par l’épidémie.
Au 21e siècle, on commence à croire que les épidémies
font désormais partie de l’histoire ancienne. Mais,
quand le coronavirus s’est propagé au fin fond des
vallées de l’Atlas à partir de 2020, les communautés
locales ont été confrontées de nouveaux aux
contraintes imposées par une crise sanitaire mondiale.
Dans le Haut Atlas, la pandémie n’a pas ravagé les
88
villages comme dans le passé. Les habitants étaient
évidements obligés de respecter les mesures de
distanciation sociale, mais ils ont vécu le confinement
dans des conditions supportables par rapport aux
habitants des villes : ils passaient la journée dans
leurs champs pour s’occuper des cultures ou dans
les pâturages en montagne pour s’occuper des
troupeaux. Toutefois, il leur était interdit d’assister aux
moussem-s (inmuggaren) ou d’organiser les différents
rituels et événements festifs. La suspension de ces
pratiques sociales traditionnelles a entrainé l’arrêt net
de Taskiwin et de toutes les autres formes des arts de
spectacles spécifiques à la région.
Les communautés étaient restées « prisonnières » de
leur espace géographique durant le confinement.
C’est pourquoi la pratique de certains éléments de
leur patrimoine « vivant », a marqué une pause en
attendant l’allégement des restrictions imposé par la
pandémie.
A l’image d’une braise sous la cendre, la danse de
Taskiwin n’a pas été oubliée ; forts de l’inscription de
leur élément sur les listes de l’UNESCO, les détenteurs
attendaient impatiemment que la situation sanitaire
s’améliore et que les restrictions soient allégées pour
reprendre la pratique et la transmission de la danse.
Après quelques mois de confinement, les
rassemblements ont été progressivement tolérés
à condition de respecter certaines mesures. Pour
exécuter les premiers spectacles de Taskiwin, les
danseurs et les danseuses se sont servis de masques
sanitaires qui viennent s’ajouter aux accessoires
traditionnels de la danse. Au fur et à mesure que la
vie reprenait son rythme, la danse a retrouvé sa place
dans les différentes cérémonies et pratiques sociales
des villageois.
Par ailleurs, et toujours dans le cadre de la sauvegarde
de l’élément, les efforts conjugués des communautés,
des élus et du département de la Culture ont été
couronnés par l’organisation à Taroudant d’un festival
national dédié à Taskiwin. Tenues respectivement
en 2021 et 2022, les deux premières éditions de
cet important événement ont étés marquées par
diverses activités : des spectacles présentés par une
vingtaine de troupes venues des différentes tribus du
Haut Atlas, des ateliers encadrés par des détenteurs
expérimentés pour renforcer la transmission de
l’élément et des débats animés par des chercheurs
pour sensibiliser les acteurs concernés à l’importance
de cette pratique artistique et mettre en exergue sa
dimension historique, ses particularités artistiques et
ses fonctions sociales et symboliques.
Après le repli de la pandémie, le regain d’intérêt pour
Taskiwin n’a cessé de croitre aux niveaux local, national
et international : au niveau local, dans les villages du
Haut Atlas occidental, la danse a réintégré la vie des
communautés et recommence à remplir ses fonctions
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
à caractère socioculturel pour les habitants. Au
niveau national, les troupes de Taskiwin se déplacent
régulièrement loin de leurs tribus pour présenter
leurs spectacles lors des rencontres culturelles et
des festivals organisés dans les villes. Au niveau
international, certaines troupes ont été sollicitées pour
participer aux évènements de portée mondiale, telles
l’exposition universelle 2020 tenue à Dubai (UAE), et
la cérémonie d’ouverture de la 17e session du comité
FIGUE 2 : Troupe de Taskiwin à Dubaï en 2021, les
praticiennes maintiennent encore le masque sanitaire
durant le début de d’allégement des restrictions liées au
covid 19 (© La troupe de la tribu de Tajelt).
2- Le séisme d’al-Haouz
Dans les villages du Haut Atlas, la mise en place du
confinement au début de 2020 a ravivé la mémoire
et fait ressurgir les souvenirs d’anciennes épidémies
ayant marqué l’histoire locale. Les écrits historiques,
les vestiges en ruine se dressant encore aux environs
des habitations actuelles, les archives écrites des
familles et les récits des vieux de la tribu jettent la
lumière sur l’impact des différents fléaux sanitaires
sur le peuplement des vallées de l’Atlas, et montrent
que les épidémies revenaient régulièrement depuis
« la nuit des temps » et perturbaient constamment
la vie quotidienne des habitants. Les séismes, par
contre, n’ont laissé aucun témoin, matériel, oral ou
écrit pouvant jeter la lumière sur l’impact de ce genre
de catastrophes sur les communautés tribales de la
région.
Le puissant séisme de 1755, qui a touché les zones
côtières marocaines et quelques villes situées à
89
intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine
culturel immatériel organisée par l’UNSCO à Rabat le
27 novembre 2023.
Au moment où l’on commence à se féliciter qu’il ait été
possible d’assurer la sauvegarde de Taskiwin après les
défis imposés par la pandémie, les praticiens allaient
subir un tremblement de terre dévastateur qui risque
de freiner la dynamique de la revitalisation de cet
élément.
l’intérieur, a frappé le port d’Agadir où il aurait causé
« plusieurs morts »5. Mais cette catastrophe ne semble
pas avoir laissé des traces dans la mémoire des
habitants du Haut Atlas occidental ; il n’est pas cité
dans les récits oraux des habitants et n’est pas associé
aux ruines d’anciens villages.
Certes, les vieux se rappellent encore du fameux
tremblement de terre qui a balayé la ville d’Agadir en
1960, et qui est considéré comme le plus dévastateur
dans l’histoire moderne du Maroc, mais les sommets
de l’Atlas où se pratique la danse de Taskiwin n’ont
connu cette année que de très légères secousses
qui n’ont aucun impact sur la vie quotidienne des
habitants.
Le tremblement de terre du 08 septembre 2023, dit
par les médias « le séisme d’al-Haouz », devrait être
attribué au Haut Atlas occidental où se trouve son
épicentre et où on déplore d’importants dommages,
humains et matériels, puisque des villages entiers ont

été effacés. Dans les zones de la danse de Taskiwin, la
plupart des bâtiments se sont effondrés ou présentent
des fissures et risquent de s’écrouler à tout moment.
Les habitants se sont installés dans des tentes en
attendant la construction de nouveaux logements ou
la restauration de maisons qui ont résisté au séisme.
Figure 3 : Maisons démolies par le séisme du 8 septembre 2023
(Village de Tajelt Ufella, province de Taroudant), (© Brahim Bghach).
Dans certains villages, les conséquences désastreuses
de la catastrophe ne sont pas limitées uniquement au
choc principal et aux répliques ultérieures. En effet, le
tremblement de terre a déstabilisé d’énormes rochers
qui risquent de se détacher, à n’importe quel moment,
de la montagne et rouler le long de la pente pour
écraser l’habitat. Le grand chaos créé par le séisme
90
force les habitants à considérer sérieusement la
possibilité de quitter cette région occupée par leurs
ancêtres depuis des siècles. L’exode rural déclenché
depuis des décennies s’est accéléré après le séisme,
et s’il continue à cette cadence, les villages seront
vidés de leur population ; il y a un risque réel de
dislocation des communautés, avec ce que ceci peut
avoir comme conséquence sur les différents domaines
du patrimoine vivant6. Les détenteurs de Taskiwin
pourraient évidemment continuer à pratiquer leur
élément dans les villes où ils vont s’installer. Aussi,
demandons-nous : cette danse ancestrale s’épanouira-
t-elle loin des sommets de l’Atlas ?
Figure 4 : Pour abriter la population, les autorités ont installé des
tentes à l’écart des maisons affaiblies par les fissures résultant du
séisme du 8 septembre 2023. (Village de Tajelt Ufella, Province de
Taroudant), (© Brahim Bghach).
3-Taskiwin en milieu urbain
Dans le Haut Atlas, les versants pentus sont couverts
de terrasses étagées destinés à la culture des céréales,
des légumes et de nombreuses plantes aromatiques,
en particulier : la menthe, destinée à la préparation du
thé, et le basilic aux divers usages cosmétiques.
Les habitants, qui immigrent vers les villes, emmènent
souvent de leurs villages de la menthe et le basilic
pour les planter dans des pots et profiter de leur
saveur et de leur odeur et créer une atmosphère
apaisante rappelant l’air frais de la montagne, le calme
de ses villages et la sérénité de ses habitants. Mais,
loin des terrasses perchées de la montagne, et privés
du climat de l’Atlas, le basilic et la menthe perdent
progressivement leur parfum, leur fraicheur et leur
éclat et finissent par faner.
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
C’est exactement le destin réservé à une danse qui
quitte son contexte de ruralité. Les membres de
la première communauté arrivée en ville animent
les autres cérémonies de leurs familles et assistent
également aux divers événements organisés dans
le cadre de l’animation culturelle. Ils peuvent même
présenter des spectacles dans des hôtels et des
établissements touristiques. Ils s’arrangent à surmonter
tous les obstacles pour perpétuer leur danse, mais
sans pouvoir la transmettre à leurs enfants. Pendant
quelques années, voire même parfois quelques
décennies, la pérennité de la pratique est assurée
par l’arrivé régulière de jeunes praticiens formés dans
leur village et qui se rendent en ville, où ils intègrent
la troupe déjà en place. On assiste à un phénomène
digne d’intérêt sur les plans artistique et sociologique  ;
la campagne et la ville se répartissent les tâches : la
première assure la transmission aux jeunes détenteurs
qui se dirigent ensuite vers les cités où ils doivent
s’adapter aux nouvelles conditions de la pratique de
l’élément.
Dans le Haut Atlas, les praticiens exécutent la taskiwin
pour leur communauté dans l’intimité de leur village ; le
spectacle dure au moins quatre heures et correspond à
une longue succession d’environs quarante différents
rythmes exécutés selon un ordre précis. Sous les
yeux émerveillés des membres de leurs familles. Les
danseurs et les danseuses exécutent chaque rythme,
chaque mélodie, chaque geste comme s’ils identifient
leur ‘’art’’ à un acte rituel. Et comme si le temps s’arrêtait,
les mélodies envoutantes créent un spectacle aux
multiples facettes spirituelles et symboliques et tirent
la communauté vers une sphère de transe.
En ville, les détenteurs de Taskiwin sont souvent
contraints d’adapter leur spectacle aux attentes des
citadins. Dissociée de ses fonctions initiales et de sa
dimension spirituelle, la danse n’est plus exécutée
dans son intégralité. On abandonne les rythmes jugés
moins « spectaculaires » pour se limiter à une danse
monotone basée uniquement sur quelques gestes
artistiques censés émerveiller des spectateurs attirés
par les « curiosités culturelles ».
Conclusion
La danse de Taskiwin est un exemple parlant de la façon
dont les arts ont survécu à de nombreuses épidémies
qui ont ravagé le Haut Atlas occidental depuis des
siècles. Les communautés de cette région étaient
habituées à des fléaux répétitifs qui ont contribué à
façonner l’histoire de la montagne ; elles ont toujours
su revitaliser leurs pratiques sociales et leurs arts de
spectacle après chaque épidémie, famine, ou tout
autre cas de force majeur. La dynamique déclenchée
par l’inscription de la danse martiale sur les listes de
l’UNESCO en 2017, a été momentanément freinée par
91
le coronavirus en 2020. Après le recul de la pandémie,
et la levée du confinement, les efforts de la sauvegarde
de l’élément ont connu un essor considérable. Mais, le
séisme de 2023 risque de porter un coup fatal à un
héritage universel unique. La décimation des villages
par le tremblement de terre pourrait vider la montagne
de ses habitants et contribuer à la dislocation de
communautés concernées. Une forme « momifiée »
de Taskiwin survirerait en milieu urbain ; la danse se
dissocierait de ses fonctions et significations initiales
et prendrait l’aspect d’un spectacle « sans vie ».
Notes
- James Grey Jackson, An account of the empire of Marocco, second
edition, London, 1811, p.173-174
2 Jacques Berque, « Notes sur l'histoire des échanges dans le Haut-
Atlas occidental », Annales, 1953, tome 8-3, pp. 289-314.
3 - Ibid.
4 - Montagne Robert, « Un Magasin collectif de l’Anti Atlas : l’Agadir
des Ikounka », Hesperis, tome IX, 1929, pp. 145-266.
5- Taj-Eddine Cherkaoui, Ahmed El Hassani et Malika Azaoum, «
Impact du tremblement de terre de 1755 au Maroc : Histoire,
Société et Religion », in Witnesses of chaos aspects of the 1755
Lisbonne earthquake, Academie das ciências de Lisboa, Lisboa
2017, p. 60.
6- Rapport ICOMOS Maroc, Séisme d’El Haouz et Impact sur le
Patrimoine, octobre 2023, p. 7.
Bibliographie
- Berque Jacque, « Notes sur l'histoire des échanges dans le Haut-
Atlas occidental », Annales, 1953, 8-3, pp. 289-314.
- Cherkaoui Taj-Eddine, Ahmed El Hassani et Malika Azaoum, Impact
du tremblement de terre de 1755 au Maroc : Histoire, Société et
Religion, In Witnesses of chaos aspects of the 1755 Lisbonne
earthquake, Academiedasciências de Lisboa, Lisboa 2017, pp.53-
68.
- Jackson James Grey, An account of the empire of Marocco, second
edition, London, 1811.
- Rapport ICOMOS Maroc, Séisme d’El Haouz et Impact sur le
Patrimoine, octobre 2023.
- Montagne Robert, « Un Magasin collectif de l’Anti Atlas : l’Agadir
des Ikounka », Hesperis, tome IX, 1929, pp. 145-266.
 ‫‪92‬‬

‫نــرى لزامــا‪ ،‬يف ظــل هــذه املتغــرات املتســارعة والتهديــدات املحدقــة بالــراث‬ ‫يزخــر العــامل العــريب ب ـراث ثقــايف إنســاين مــن خليجــه إىل محيطــه‪ ،‬فهــو مهــد‬
‫الثقــايف يف العــامل العــريب وبالتــايل مبكنــون الهويــات الثقافيــة‪ ،‬تفعيــل منظــور‬ ‫الحضــارات اإلنســانية كتلــك التــي مازالــت شــواهدها محــط أنظــار العــامل وظلــت‬
‫إقليمــي ودويل تتضافــر فيــه الجهــود للحــد مــا يتعــرض لــه هــذا الــراث مــن‬ ‫مقصــد مــن يهتــم بتاريــخ البرشيــة إىل يومنــا هــذا‪ .‬فمــن حضــارات الرافديــن‬
‫مخاطــر طبيعي ـ ًة وبرشيــة‪ ،‬وذلــك مــن خــال منهجيــات تدمــج ضمــن سياســات‬ ‫ووادي النيــل (يف مــر والســودان) إىل حضــارة ســبأ واألنبــاط والفنيقيــن‬
‫ثقافيــة يرتكــز أهمهــا عــى مــا يســمى بالحفــاظ الوقــايئ‪ ،‬وبالــذات قبــل حــدوث‬ ‫والكنعانيــن‪ ،‬ومــا تبقــى مــن الحضــارات الرومانيــة والبيزنطيــة والرومانيــة وأقــدم‬
‫االزمــات أو أعــال التخريــب‪ .‬ويشــمل ذلــك بشــكل رئيــي عــى أعــال توثيــق‬ ‫مــدن العــامل كدمشــق وأريحــا تبقــى شــواهد املدنيــة التــي رســختها فيــا بعــد‬
‫شــامل للـراث املبنــي واملنقــول والــذي يجــب تدوينــه بالتفصيــل يف ســجالت وطنية‬ ‫الحضــارة العربيــة اإلســامية يف مــدن كبغــداد وصنعــاء وحلــب والقــدس (زهــرة‬
‫تســاعد فيــا بعــد الدولــة ومنظــات مثــل اإلنرتبــول عــى تتبــع القطــع املرسوقــة‬ ‫املدائــن) والقاهــرة والقــروان وتلمســان وفــاس ومراكــش‪.‬‬
‫واملنهوبــة‪ .‬وتشــمل أعــال التوثيــق أيضــا سياســات للمراقبــة واألمــن‪ .‬فاليــوم‪ ،‬ومــع‬
‫تطــور أدوات التوثيــق والتكنولوجيــا التصويريــة‪ ،‬ميكــن اســتخدام التوثيــق الدقيــق‬ ‫وال بــد أن نذكــر أيضــا مــا تبقــى مــن ثـراث يشــبه الجزيــرة العربيــة مــن آثــار مــدن‬
‫للمــدن التاريخيــة مــن خــال التقنيــات ثالثيــة االبعــاد واســتخدام الطائــرات‬ ‫كقلهــات (ســلطنة عــان) والفــاو (الســعودية) ومليحــة وواحــات العــن (االمــارات‬
‫التصويريــة (الــدرون) ومــا اىل ذلــك مــن اســتخدام صــور األقــار االصطناعيــة‬ ‫العربيــة املتحــدة) وقــاع مــن فــرة االســتعامر الربتغــايل مثــل قلعــة البحريــن‪.‬‬
‫ملراقبــة التغـرات عــى املواقــع التاريخيــة واألثريــة‪ .‬وعليــه‪ ،‬فــان اســتخدام التوثيــق‬ ‫والحديــث عــن كل هــذه الشــواهد يف عاملنــا العــريب واللقــى التــي تعــرض يف‬
‫مبــا تتيحــه التقنيــات الحديثــة هــو إجـراء وقــايئ يندمــج ضمــن عمليــة إدارة الـراث‬ ‫متاحفــه يطــول‪ ،‬إال أنــه غنــي عــن القــول بــأن هــذه الثقافــات املرتاكمــة مــن‬
‫الثقــايف للمتابعــة واتخــاذ اإلج ـراءات الالزمــة يف حاميتــه املمكنــة‪ .‬وبالرغــم مــن‬ ‫طبقــات تاريخيــة وأثريــة متكنــت مــن بنــاء وتشــكيل تـراث ثقــايف متنــوع ال يـزال‬
‫التقنيــات العديــدة واملتاحــة وجهــود متناثــرة بهــذا الخصــوص‪ ،‬إال أن هنــاك دروس‬ ‫حيــا وشــاهدا للعيــان لقاطنــي هــذه البقعــة الهامــة واالس ـراتيجية مــن العــامل‪.‬‬
‫يجــب أن نســتفيد مــا تــم بهــا تدمــره يف العديــد مــن املواقــع ورسقــة القطــع‪،‬‬ ‫فتشــكلت الهويــة الثقافيــة للــدول العربيــة وهــي هويــة جامعــة غــر إقصائيــة‬
‫فأصبــح جليــا أن شــح التطبيــق ملثــل هــذه السياســات الوقائيــة مل متكــن تتبــع‬ ‫ترتكــز عــى تنــوع ثقــايف هــو مبثابــة مصــدر للفخــر و"نفــط" ال ينضــب‪ ،‬يتوجــب‬
‫القطــع املرسوقــة مــع املنظــات املعنيــة والعاملــة مــع الرشطــة الدوليــة أو منظمــة‬ ‫علينــا الحفــاظ عليــه مهــا تعــرض ملحــاوالت محــو ممنهــج لهــذه الهويــة بالرغــم‬
‫الجــارك‪ .‬ومــن أحــد أســباب الرتاجــع يف هــذا املجــال هــو عــدم كفايــة الوعــي‬ ‫مــن اختــاف املنظــور إليهــا وتعريفهــا ومتييــز أهميتهــا مــن شــعوب املنطقــة‪.‬‬
‫ملتخــذي القـرارات بالــذات يف الــدول املعنيــة وبالتــايل عــدم وجــود سياســات تطبــق‬ ‫وأكــر مــن أي وقــت مــى‪ ،‬باإلضافــة اىل الكــوارث الطبيعيــة‪ ،‬تعــرض ومــا ي ـزال‬
‫يف هــذا الســياق‪.‬‬ ‫يتعــرض تاريــخ املنطقــة الــذي تحملــه آثــاره وأوابــده‪ ،‬خــال العقديــن املاضيــن‬
‫إىل تدمــر ونهــب ورسقــة‪ .‬وكان للبعــد الســيايس والحــروب والثــورات التــي شــهدتها‬
‫وبعــد طــرح أهميــة أعــال التوثيــق للــراث الثقــايف بجميــع اشــكاله‪ ،‬يتوجــب‬ ‫املنطقــة العربيــة أثــر بالــغ بعــد تدمــر مــدن مثــل املوصــل وحلــب‪ ،‬ونهــب‬
‫الحديــث عــن أهميــة بنــاء قــدرات الفــرق الوطنيــة يف مجــال الحفــاظ الوقــايئ‬ ‫ورسقــة للـراث األثــري والفنــي يف العـراق وســوريا‪ ،‬ال وبــل االتجــار غــر املــروع‬
‫وأيضــا أعــال االنقــاذ ضمــن االســتجابة الفوريــة واإلســعافية بعــد حــدوث كارثــة‬ ‫بــه وفقدانــه والــذي شــمل رسقــة آثــار إنســانية هامــة مــن املتحــف العراقــي‬
‫التدمــر أو الرسقــة للـراث الثقــايف‪ .‬فعمليــة بنــاء القــدرات الرائــدة يف هــذا املجــال‬ ‫ومخطوطــات يف غايــة األهميــة منــذ بدايــة حــرب الخليــج الثانيــة‪ .‬وكذلــك شــمل‬
‫تطــرح عــادة عــى هامــش السياســات الثقافيــة للــدول يف املنطقــة‪ ،‬ناهيــك عــن‬ ‫هــذا أعــال التنقيــب غــر املــروع عــن اللقــى األثريــة مــن خــال أعــال لداعــش‬
‫االهتــام الشــحيح بالسياســات الثقافيــة والوعــي بأهميتهــا ومتويــل ودعــم األعــال‬ ‫اإلجراميــة يف العــراق وســورية‪ ،‬والتــي كانــت تهــدف أيضــا إىل متويــل أعاملهــا‬
‫التــي تعنــى بتنفيذهــا عــى أرض الواقــع‪ .‬إن الوعــي الســيايس والســكاين اللذيــن‬ ‫العدوانيــة‪ .‬ونذكــر أيضــا مــا حــل مــن تدمــر ملتحــف الحضــارة اإلســامية ودار‬
‫يهدفــان إىل إيجــاد آليــات وعمليــات تنفيذيــة عــى املســتويني الوطنــي واإلقليمــي‬ ‫الكتــب يف القاهــرة إبــان مــا ســمي بالربيــع العــريب‪ ،‬ومــا تــم مــن تأثــر ســلبي عــى‬
‫مــن شــأنهام تطويــر التعــاون الــدويل يف هــذا املجــال أيضــا‪ .‬فعــى املســتوى‬ ‫مواقــع أثريــة ليبيــة مــن ج ـراء الف ـراغ األمنــي مثــل مدينــة شــحات ولبــدة أســفر‬
‫الوطنــي‪ ،‬فــإن تعــاون الجهــات املنوطــة بهــا مســؤولية حاميــة وحفــظ الــراث‬ ‫مؤخـرا إىل وضعهــا ضمــن الئحــة الـراث الثقــايف العاملــي املهــدد بالخطــر‪ .‬واألمثلــة‬
‫الثقــايف مــع الجهــات األمنيــة والدفــاع املــدين والجــارك‪ ،‬وحتــى الجيــش‪ ،‬مــن شــأنه‬ ‫كثــرة يف هــذا الســياق أردنــا ذكــر بعضهــا عــى ســبيل املثــال ال الحــر‪.‬‬
‫إيجــاد هيكليــة وطنيــة متعــددة القطاعــات لــكل منــه دوره وتكاملــه يف الحفــاظ‬
‫عــى الـراث الثقــايف بشــتى أنواعــه‪ .‬كــا أن هنــاك دور ملؤسســات املجتمــع املــدين‬ ‫لوحــة ‪ : 1‬مبــادرة "إحيــاء روح املوصــل" بالرشاكــة بــن‬
‫الناشــطة إن وجــدت‪ .‬إن منظــور بنــاء القــدرات املؤسســية بتشــاركية وتكامليــة‬ ‫اليونســكو وإيكــروم الشــارقة والحكومــة العراقيــة‪.‬‬
‫© اليونيسكو‬
‫مــن شــأنه إيجــاد وحــدات لألزمــات تعنــى بحاميــة الـراث الثقــايف‪ .‬ومــن ثــم هنــاك‬
‫دور هــام للتعــاون اإلقليمــي‪ ،‬وبالــذات لــدول الجــوار لضبــط أعــال تهريــب اآلثــار‬
‫واالتجــار بهــا‪ .‬أمــا عــى املســتوى الــدويل‪ ،‬فالتعــاون مــع املنظــات الدوليــة (مثــل‬
‫األنرتبــول ومنظمــة الجــارك الــدويل) مــن شــأنه أيضــا تحقيــق تضافــر للجهــود‬
‫الدوليــة يف الحــد مــن أعــال الرسقــة والنهــب التــي أصبحــت تعتــر حســب‬
‫ق ـرارات مجلــس األمــن الــدويل (ق ـرار ‪ )2347‬أعــاال إرهابيــة وجرائــم حــرب‪.‬‬
 ‫‪DOSSIER‬‬
‫زيك أصالن‬
‫املركــز اإلقليمــي لحفــظ الــراث‬
‫الثقــايف (إيكــروم‪ -‬الشــارقة)‬

‫تراثنا الثقايف وكيف‬

‫نساهم يف وقايته قبل‬
‫وخالل وبعد األزمات؟‬
PUB
 ‫‪LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES‬‬
‫‪95‬‬

‫لوحــة ‪ : 2‬مراحــل ودورة إدارة ال ـراث الثقــايف قبــل وخــال وبعــد التدمــر‬
‫وهنــا تــرز أهميــة االســتعداد الوقــايئ لحاميــة الـراث‪.‬‬

‫يف ســياق تطبيــق سياســات ثقافيــة فاعلــة تخــص هــذا املوضــوع الهــام يف فــرة‬
‫حرجــة ميــر بهــا الوطــن العــريب‪ ،‬أردت مــن هــذا املقــال الرتكيــز عــى هاتــن‬
‫النقطتــن الهامتــن (التوثيــق وبنــاء قيــادات وطنيــة مؤسســة ومدمجــة) مــن أجــل‬
‫حاميــة أكــر نجاعــة يف حفــظ وحاميــة الـراث الثقــايف اإلنســاين يف الــدول العربيــة‪.‬‬

‫كنــا قــد أبرزنــا منــذ بــدء انشــطتنا يف هــذا املجــال‪ ،‬ضمــن أعــال املركــز اإلقليمــي‬
‫لحفــظ الـراث الثقــايف (مبقــره يف إمــارة الشــارقة (إيكروم‪-‬الشــارقة) التابــع ملنظمــة‬
‫إيكــروم يف رومــا وبرعايــة مــن صاحــب الســمو حاكــم الشــارقة) بوضــع سياســات‬
‫ومنهجيــات ابتــدأت ب"مبــادرة الشــارقة" التــي نــادت اىل ادمــاج مفاهيــم الحفــاظ‬
‫الوقــايئ يف السياســات والقوانــن الوطنيــة يف عــام ‪ ،1 2012‬واســتمرت بإصــدار‬
‫منشــورات مــع منظــات دوليــة مثــل االيكومــوس حيــث عملنــا عــى وضــع مبــادئ‬
‫توجيهيــة أيضــا إلعــادة البنــاء تعالــج مــا ميكــن أن يعانيــه ال ـراث الثقــايف بــكل‬
‫جوانبــه مــن مهــددات قبــل وخــال وبعــد االزمــات ومنهــا محــاوالت لتدمــره أو‬
‫ضياعــه أو املخاطــر املرتبطــة بالكــوارث الطبيعيــة التــي قــد تــؤدي إىل فقــدان‬
‫املعــاين التــي يحملهــا ال ـراث التــي شــكلتها قــرون مــن الزمــن‪ ،‬بتنوعهــا وغناهــا‪.‬‬
‫لوحــة ‪ : 3‬صــور للمــروع الفائــز بجائــزة ايكروم‪-‬الشــارقة (الــدورة الثانيــة)‬
‫والــذي أكــد عــى أهميــة التوثيــق والبحــث يف إعــادة بنــاء أســواق مدينــة‬
‫حلــب (ســوريا)‪.‬‬ ‫وذلــك ألن القيــم الثقافيــة مصــدر ال يتجــزأ مــن بنيــة اإلنســان وفكــره وطموحاتــه‪.‬‬
‫فتامثيــل تدمــر عــى ســبيل املثــال تذكرنــا بأهميــة حيــاة االنســان ومــا توصــل إليــه‬
‫متغــر‪ ،‬فال ـراث يجمعنــا كبــر ويشــكل ع ـرا ودروســا مــن تواريــخ وتراكــات‬ ‫مــن تطــور عــر تاريــخ زاهــر‪ ،‬وشــوارع وأزقــة مــدن مثــل بغــداد واملوصــل وحلــب‬
‫تاريخيــة هــي جوهــر الثقافــة اإلنســانية واملدنيــة يف مكنــون الفكــر واالرتقــاء‬ ‫والقاهــرة وفــاس ومراكــش هــي شــواهد تذكرنــا بتكويــن مدنيــة وفكــر إنســاين‬
‫مبفاهيــم الوجــود والحيــاة‪.‬‬ ‫عاملــي يحكمــه العــدل وثقافــة إنســانية جامعــة عــى اختــاف أعراقهــا‪ .‬ويف مــدن‬
‫أصبحــت مآثرهــا وأطاللهــا شــواهدا لشــعوب املنطقــة يجــدر بنــا اآلن حاميتهــا‬
‫الهامش ‪:‬‬ ‫ضمــن سياســات متطــورة‪ ،‬فحفــظ الحجــر ال ميكــن فصلــه عــن حفــظ البــر ومــا‬
‫‪ 1‬ملزيد من املعلومات‪ ،‬انظر الرابط وبالذات صفحة ‪:76-83‬‬ ‫تعرضــت لــه مدننــا مبــا تحملــه مــن دالالت وثقافــات وتـراث متنــوع نفخــر بــه ومــا‬
‫‪https://www.iccrom.org/sites/default/files/publications/2023-10/iccrom‬‬
‫تحويــه متاحفنــا وبالــذات املجتمعيــة منهــا هــو وســيلة لبنــاء الســام والتوافــق بــن‬
‫املجتمعــات املحليــة‪ ،‬فمهــا تغــرت الظــروف واألحــوال التــي نشــهدها يف عــامل‬
 ‫‪96‬‬

‫تقديم‬
‫واألقــواس) والحجــارة املنحوتــة (الزوايــا)‪ .‬كــا يضــم الســور ‪ 130‬برجــا مختلفــة‬ ‫مــن املعلــوم أن مــن بــن أبــرز الكــوارث‪ ،‬التــي تهــدد املحافظــة عــى الــراث‬
‫األشــكال واملقاييــس‪ ،‬بعضهــا ال يوجــد بهــا أي تجويــف‪ ،‬يف حــن أن البعــض اآلخــر‬ ‫املعــاري‪ ،‬ظاهــرة الــزالزل التــي تعرفهــا كثــر مــن مناطــق العــامل املتواجــدة يف‬
‫يتخــذ شــكل حصــن منيــع‪ ،‬يبــدو بــارزا يف أبــرز زوايــا الســور‪ .‬أمــا أج ـزاء الســور‬ ‫ملتقــى الصفائــح القاريــة‪ ،‬والتــي تشــهد حركيــة تكتونيــة أو بركانيــة نشــيطة‪.‬‬
‫األخــرى فقــد اســتعمل يف بنائهــا ال ـراب املمــزوج مبــادة الجــر‪ ،‬وذلــك باعتــاد‬ ‫ويعتــر املغــرب مــن بــن البلــدان التــي يجعــل موقعهــا الجغ ـرايف هــذا النشــاط‬
‫تقنيــة الـراب املدكــوك املعروفــة ب «اللــوح"‪ ،‬يف حــن اســتعملت الحجــارة يف بنــاء‬ ‫الجيولوجــي حيويــا‪ ،‬بســبب زحزحــة الصفيحــة القاريــة االفريقيــة والصفيحــة‬
‫قاعدتــه الصلبــة والواســعة‪.‬‬ ‫القاريــة األوروبيــة‪ ،‬اذ تســجل هــزات أرضيــة بشــكل دوري ومســتمر‪ ،‬يشــمل‬
‫وترجــع بعــض الكتابــات التاريخيــة أصــول ســور تارودانــت‪ ،‬كام هو الشــأن بالنســبة‬ ‫مجــال ارتدادهــا وســط وشــال البــاد‪ ،‬خاصــة مرتفعــات االطلــس والريــف‪ .‬ففــي‬
‫ملــا يدعــى ب"حــارضة ســوس" إىل فــرة حكــم الدولــة املرابطيــة‪ ،‬وهــي املرحلــة‬ ‫الثامــن مــن شــهر شــتنرب مــن ســنة ‪ ،2023‬عرفــت منطقــة االطلــس الكبري هـــــــزة‬
‫التــي يعتقــد يف كونهــا عرفــت تشــييد النــواة األوىل للمدينــة‪ ،2‬والتــي شــهدت‬ ‫أرضيــة قويــة بلغــت درجتهــا ‪ 6,8‬عــى ســلم "ريشــر"‪ ،‬وهــي األقــوى مــن بــن‬
‫ازدهــارا ومنــوا عمرانيــا خــال املراحــل الالحقــة‪ ،‬إبــان حكــم املوحديــن واملرينيــن‪3‬؛‬ ‫اله ـزات التــي ســجلت باملغــرب منــذ أكــر مــن مائــة ســنة مضــت‪ ،‬امتــد مداهــا‬
‫غــر أن الحجــم الحــايل للســور يبقــى يف معظمــه مــن تشــييد الســلطان الســعدي‬ ‫لدائــرة واســعة يتجــاوز قطرهــا أكــر مــن ‪ 500‬كلــم‪ .‬وقــد خلفــت هــذه الهــزة‪،‬‬
‫محمــد الشــيخ‪ ،‬خــال النصــف األول مــن القــرن ‪16‬امليــادي‪ ،‬قبــل أن يعــرف‬ ‫باإلضافــة اىل دمــار العديــد مــن املــدارش واملنشــآت العمرانيــة‪ ،‬تــرر كثــر مــن‬
‫عــدة ترميــات مــن طــرف أحمــد املنصــور الذهبــي الســعدي‪ ،‬ويف فـراث الحقــة‬ ‫معــامل الـراث املعــاري بأقاليــم الحــوز وورزازات وتارودانــت وشيشــاوة‪ ،‬كان مــن‬
‫خــال القــرون ‪ 18‬و‪ 19‬و‪ ،20‬عــى يــد كل مــن الصــدر األعظــم أحمــد بــن مــوىس‬ ‫أهمهــا‪ ،‬انهيــار مــا تبقــى مــن مســجد "تنمــل املوحــدي وبعــض املعــامل العمرانيــة‬
‫والجامعــة الرتابيــة للمدينــة واالنعــاش الوطنــي ووزارة الثقافــة‪.4‬‬ ‫مبدينــة مراكــش‪ ،‬وظهــور تصدعــات ورشوخ ببنايــات كثــرة أخرى‪ ،‬مبختلــف املناطق‬
‫الجبليــة لألطلــس الكبــر الجنــويب والرشقــي واالطلــس الصغــر الشــايل والرشقــي‪،‬‬
‫لوحة ‪ : 1‬السور التاريخي لتارودانت‪.‬‬ ‫كان مــن بينهــا الســور التاريخــي ملدينــة تارودانــت‪.‬‬
‫© أحمد أوموس‬
‫اذا كان حــادث الزل ـزال هــذا مباغثــا‪ ،‬ومل يكــن قــط يخطــر ببــال أي جهــة‪ ،‬وهــذا‬
‫أمــر طبيعــي يف الكــوارث الطبيعيــة‪ ،‬فــان الســؤال املطــروح هــو‪ :‬هــل الجهــات‬
‫الحكوميــة الوصيــة كانــت تــدرك هــذا االمــر؟ وهــل هنــاك أدىن اســتعداد ملواجهــة‬
‫مثــل هــذه الظــروف االســتثنائية؟ ليــس فقــط عــى مســتوى حاميــة األشــخاص‬
‫واملمتلــكات العامــة والخاصــة‪ ،‬لكــن كذلــك عــى مســتوى حاميــة املمتلــكات‬
‫الثقافيــة املاديــة‪ ،‬مــن خــال اســترشاف املخاطــر والتهديــدات ووضــع خطــط‬
‫لإلنقــاذ واملواجهــة؟ لقــد بينــت التجربــة أال يش مــن ذلــك كان قامئــا؛ فالتعامــل‬
‫مــع املبــاين التاريخيــة التــي تكــون قــد تعرضــت ألرضار نتيجــة الزلـزال‪ ،‬مثــل ســور‬
‫مدينــة تارودانــت‪ ،‬ال نجــد لــه حضــورا ضمــن كل برامــج املصالــح واملؤسســات‬
‫املعنيــة‪ .‬لكــن‪ ،‬ورغــم الفـراغ الــذي كان قامئــا‪ ،‬كان مــن الــروري اإلرساع بتجــاوز‬
‫هــذا الوضــع واتخــاذ التدابــر االســتعجالية إلنقــاذ هــذه املعلمــة التاريخيــة‬
‫واألثريــة‪ ،‬ممثلــة أساســا يف التدخــل الرسيــع وتعبئــة الجهــات التــي ميكــن أن‬
‫تســاهم يف تخفيــف مخلفــات األزمــة‪ ،‬مــن خــال اج ـراء تشــخيص أويل للبنيــات‬
‫االنشــائية للســور ومبــارشة أشــغال التدعيــم املؤقــت‪ ،‬يف أفــق انجــاز مختلــف‬
‫تشخيص باملالحظة العينية لوضعية السور عقب الزلزال‬ ‫الدراســات املمهــدة ألشــغال الرتميــم وإعــادة االعتبــار‪.‬‬
‫خــال املعاينــة التــي أجريــت اليــوم املــوايل لحــادث الزلـزال‪ ،‬أنجــز تشــخيص أويل‬
‫لســور املدينــة مــن لــدن بعــض املختصــن مــن محافظــي املبــاين التاريخيــة واملواقــع‬
‫التابعــن لقطــاع الثقافــة رفقــة مكتــب دراســات متخصــص‪ ،5‬حيــث لوحــظ أن كثـرا‬
‫األهمية الرتاثية لسور مدينة تارودانت‬
‫يتميــز ســور تارودانــت‪ ،‬املصنــف تراثــا وطنيــا مبوجــب ظهــر ‪ 7‬شــتنرب ‪، 1931‬‬
‫‪1‬‬
‫مــن جدرانــه وكــذا األب ـراج املكونــة لــه قــد تــررت‪ ،‬نتيجــة حصــول تصدعــات‬ ‫بضخامــة حجمــه وبكــر مســاره‪ ،‬بطــول ميتــد عــى حــوايل مثــان كيلومـرات (‪8‬كلم)‪،‬‬
‫ورشوخ‪ ،‬مائلــة وعموديــة‪ ،‬ببعــض املقاطــع‪ ،‬وســقوط أج ـزاء منهــا‪ .‬وقــد ســجلت‬ ‫وارتفــاع يـراوح مــا بــن ســبعة أمتــار (‪7‬م) و اثنــا عــر مـرا (‪12‬م)‪ ،‬وعــرض يصــل‬
‫أهــم هــذه املالحظــات باملقاطــع التاليــة‪:‬‬ ‫مــا بــن املــر (‪1‬م) وثالثــة أمتــار (‪3‬م)‪ ،‬وبكونــه مكونــا مــن جداريــن‪ ،‬األول‬
‫عــى مســتوى مقطــع الســور الغــريب املمتــد بــن بــاب "تارغونــت" وبــاب "أوالد‬ ‫خارجــي‪ ،‬وهــو األكــر واألبــرز‪ ،‬والثــاين داخــي‪ ،‬غمــر الفـراغ بينهــا بالـراب وجعــل‬
‫بونونــة"‪ ،‬تــم تسجيــــــــــــــل انهيــار بعــض رشفــات واجهــة البـــــــــــــرج الــذي‬ ‫مم ـرا للحراســة‪.‬‬
‫يــي بــاب "أكفــــاي" مــن الجهــة الجنوبيــة وتصدعــــــــــات بليغــة عــى مســتوى‬ ‫يضــم هــذا الســور خمســة أبــواب تاريخيــة كبــرة وهــي‪ :‬بــاب "السلســلة"‬
‫مقطــع األســوار الواقــع يف نفــس الجهــة‪ ،‬إضافــة إىل ظهـــــور تصدعــات خطــرة عىل‬ ‫املعــروف ببــاب "القصبــة"‪ ،‬وبــاب "الــزركان"‪ ،‬وبــاب "تارغونــت"‪ ،‬وبــاب "أوالد‬
‫مســتوى أول بــــــــرج يــي البــاب مــن الجهــة الشــالية وســقوط املـــــــــــاط‬ ‫بنونــة"‪ ،‬وبــاب "الخميــس"‪ .‬تتميــز هــذه األبــواب بكونهــا مرفقيــة أو ملتويــة‪،‬‬
‫الجــري للواجهــة‪ ،‬ناهيــــــــــك عــن التصدعــات الخطــرة التــي طالــت الجــزء‬ ‫مغطــاة بقبــاب مســتطيلة ومربعــة الشــكل‪ ،‬يتوســط بعضهــا صحــن مربــع‪،‬‬
‫العلــوي ألحــدى زوايــا الــرج الثــاين املــوايل لنفــس البــاب يف اتجــاه الشــال‪ .‬كــا‬ ‫مفتــوح للســاء؛ شــيدت يف معظــم جوانبهــا بواســطة اآلجــر املطبــوخ (القبــاب‬
 ‫‪DOSSIER‬‬
‫أحمد أوموس‬
‫املعهــد الوطنــي لعلــوم اآلثــار‬
‫والرتاث‪ ،‬الربــاط‬

‫تحديات املحافظة عىل‬

‫املباين التاريخية أمام‬
‫خطر الكوارث الطبيعية‬
‫حالــة ســور مدينــة تارودانــت بعــد‬
‫زلــزال ‪ 8‬شــتنرب ‪2023‬‬
 ‫‪98‬‬

‫ب‪ -‬وضع الحواجز الوقائية‬ ‫اإلجراءات االستعجالية لإلنقاذ والحامية‬

‫مــن بــن اإلجـراءات الوقائيــة االعتياديــة التــي تعقــب كارثــة طبيعيــة مثــل الزلـزال‪،‬‬ ‫بعــد اجــراء التشــخيص االويل باعتــاد املالحظــة العينيــة‪ ،‬كان االســتقرار عــى‬
‫وضــع الحواجــز الوقائيــة التــي تحمــي مــن خطــر تحطــم األج ـزاء املتــررة مــن‬ ‫اتخــاذ إجــراءات اســتعجالية مــن شــأنها تفــادي جســامة االرضار التــي لحقــت‬
‫البنايــات‪ ،‬وذلــك حرصــا عــى ســامة املواطنــن‪ ،‬كــا العربــات‪ .‬كان الهــدف مــن‬ ‫بالســور والتــي ميكــن أن تــؤدي اليهــا عوامــل املحيــط الخارجــي الكثــرة والقابلــة‬
‫هــذا االجـراء االســتعجايل بالنســبة لســور تارودانــت‪ ،‬ليــس فقــط ضــان الســامة‪،‬‬ ‫للتطــور يف أيــة لحظــة‪ ،‬مثــل اســتمرار الهـزات االرتداديــة للزلـزال‪ ،‬وتزايــد حركيــة‬
‫لكــن كذلــك متكــن فريــق االنقــاذ الــذي ســينكب عــى فحــص مخلفــات الزل ـزال‬ ‫مــرور العربــات بجانــب الســور‪ ،‬واحتــال تســاقط االمطــار‪ ،...‬وكلهــا عوامــل ال‬
‫مــن عــدم فقــدان األجــزاء والعنــارص املعامريــة‪ ،‬خاصــة منهــا القابلــة إلعــادة‬ ‫ميكــن دفعهــا أو التحكــم يف تأثريهــا‪ ،‬اال باتخــاذ إج ـراءات وقائيــة تــروم تخفيــف‬
‫االســتعامل يف أعــال الرتميــم‪ ،‬وكذلــك معرفــة أشــكالها وأحجامهــا األصليــة‪،‬‬ ‫الضغــط عــى جوانــب الســور‪ ،‬واجـراء تدخل تقنــي مســتعجل‪ ،‬يهــدف اىل تدعيمه‬
‫لتوظيفهــا ألغ ـراض علميــة أو عمليــة‪.‬‬ ‫وتفــادي ســقوط املقاطــع املهــددة‪ .‬مــا كان اللجــوء اليــه أساســا العمليــات التاليــة‪:‬‬
‫إزالــة األنقــاض وهــدم بعــض مقاطــع الســور املهــددة بالســقوط‪ ،‬وضــع الحواجــز‬
‫املهــددة باالنهيــار‪ ،‬تدعيــم قبــاب األبــواب املتصدعــة ت‪ -‬تدعيم قباب األبواب املترضرة‬ ‫ـات‪.‬‬ ‫ـ‬
‫الوقائيــة‪ ،‬حــزم الجــدران‬
‫والتصدع‬ ‫وأخ ـرا ســد الــروخ‬
‫نتيجــة االرضار التــي لحقهــا الزلــزال األريض بقبــاب أهــم األبــواب التاريخيــة‬
‫لســور املدينــة‪ ،‬وهــا بــاب "الخميــس" وبــاب "السلســلة"‪ ،‬خاصــة بــروز رشوخ‬
‫وتشــققات‪ ،‬إن عــى مســتوى ســطوحها العلويــة أو واجهاتهــا الداخليــة‪ ،‬فقــد‬ ‫لوحة ‪ : 3‬صورة تبني حجم األرضار التي لحقت بسور تارودانت‪.‬‬
‫© أحمد أوموس‬
‫عمــد فريــق االنقــاذ اىل وضــع دعامــات مؤقتــة باســتعامل ركائــز مــن القضبــان‬
‫الحديديــة واأللــواح الخشــبية‪ ،‬وذلــك لتفــادي اســتفحال هــذه األرضار أو أي‬
‫انهيــار مفاجــئ للســقف‪ ،‬وكذلــك لضــان ســامة األشــخاص‪ .‬فاللجــوء اىل تدعيــم‬
‫البنيــات االنشــائية املامثلــة‪ ،‬والتــي تعــاين مــن رشوخ بــارزة‪ ،‬يكــون ملحــا‪ ،‬باعتبــار‬
‫القيمــة املعامريــة الكبــرة ملثــل هــذه املنشــآت الفنيــة‪ ،‬يف انتظــار صيانــة أجزاءهــا‬
‫املتــررة أو ترميمهــا‪.‬‬

‫ث‪ -‬حزم األبراج باعتامد تقنية القضبان وااللواح الحديدة واملوصولة‬

‫باألعمدة الخشبية‬
‫ضمــن قامئــة طويلــة مــن األســاليب التقنيــة املعتمــدة لتثبيــت البنايــات املعرضــة‬
‫للهــدم‪ ،‬ج ـراء الــزالزل او البنايــات اآليلــة للســقوط‪ ،‬كان اختيــار أســلوب االحزمــة‬
‫الفوالذيــة واملكونــة مــن قضبــان وألــواح حديديــة موصولــة بأعمــدة خشــبية‪ .‬مــن‬
‫أ‪ -‬هدم بعض املقاطع من األبراج املهددة بالسقوط وإزالة األنقاض ايجابيــات هــذا األســلوب‪ ،‬كونــه يحــوم حــول جســم الجــدار املـراد تثبيتــه‪ ،‬ويشــده‬
‫اعتبــارا الســتحالة اللجــوء اىل إعــادة تشــكيل االجـزاء املنهــارة مــن الســور‪ ،‬انطالقــا لبعضــه البعــض‪ ،‬دومنــا حاجــة ألي دعامــة إضافيــة تســتند اىل األرض‪ ،‬مــن شــأنها‬
‫مــن عنارصهــا املهدمــة كليــا (‪ ،)Restitution par anastylose‬كــا هــو معمــول عرقلــة املــرور أو تعكــر صــور الجــدار الخارجيــة‪ .‬وقــد شــمل هــذا االج ـراء عــدة‬
‫بــه يف البنايــات املشــيدة بالحجــارة املنحوتــة‪ ،‬وذلــك بالنظــر اىل طبيعــة مــواد أبـراج جهتــي بــاب "الــزركان" وبــاب "الخميــس"‪.‬‬
‫البنــاء املســتعملة يف الســور‪ ،‬واملتمثلــة أساســا يف الــراب بالدرجــة األوىل‪ ،‬فــان‬
‫األســلوب العمــي الــذي كان اللجــوء اليــه‪ ،‬هــو إزالــة األنقــاض وهــدم املقاطــع‬
‫املتــررة‪ ،‬والتــي اتضــح عــدم إمكانيــة ارجاعهــا اىل طبيعتهــا االصليــة‪ .‬وقــد شــملت‬
‫هــذه العمليــات كال مــن بــاب "السلســلة"‪ ،‬وبــاب "الخميــس"‪ ،‬وبــاب "الــزركان"‪،‬‬
‫ومقاطــع الســور املحاذيــة لهــذا األخــر‪.‬‬

‫لوحة ‪ : 5‬صورة توضح نظام‬

‫األحزمة الوقائية املعتمدة لتدعيم‬ ‫لوحة ‪ : 4‬أحد أبواب‬
‫بعض جوانب السور‪.‬‬ ‫السور (السلسلة)‬
‫© أحمد أوموس‬ ‫الذي شهد إزالة‬
‫األنقاض‪.‬‬
‫© أحمد أوموس‬
 ‫‪LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES‬‬
‫‪99‬‬

‫باالنهيــار‪ ،‬بســبب مــا شــهدته مــن تصــــدعات بليغــة‪ ،‬باإلضافــة إىل تســاقط املــاط‬ ‫عــرف املقطــع ســقوطا للمــاط الجــري الــذي يكســو الجـــزء العلــــوي لواجهــة‬
‫الجــري ألربعــة أبــراج ولبعــض املقاطــع املمتــدة رشق بــاب "الــزركان" وانهيــار‬ ‫الــرج الخامــس املــوايل للبـــاب مــن الجهــة الشــالية‪ ،‬وانهيــــارا كبـرا لجــــزء مــن‬
‫أحــد زوايــا الــرج الســابع املوجــود رشق نفــس البــاب‪.‬‬ ‫الســور املحــاذي للطريــق املخرتقــة لألســـوار قــرب "جنــان املشامشــة "‪.‬‬
‫كــا لوحــظ أن وضعيــة مقطــع الســور الجنــويب الرابــط بــن بــاب "الــزركان" وبــاب‬ ‫ولوحــظ ببــاب "أوالد بنونــة" بــروز تصدعــات عموديــة عميقــة يف زوايــا الفنــاء‬
‫"تارغونــت" حرجــة‪ ،‬بســبب تزايــد حــدة خطــورة التصدعــات باألب ـراج املحاذيــــة‬ ‫الداخــي للبــاب‪ ،‬وحــدوث انهيــارات جزئيــة لبعــض الجــدران والرشفــات املكتنفــة‬
‫للمنعــرج الطرقــي القريــب مــن "جنــان السوســية"‪ ،‬وحــدوث انهيــــارات جزئيــة‬ ‫لســطح البنايــة‪ ،‬وتداعــي الرشفــات التــي تعلـــــو الــرج الشــايل للبــاب‪ ،‬وظهــور‬
‫وتصدعـــــــات بليغــة لعــدة أبــراج ومقاطــع ممتــدة بني "جنـــان السوســية" وباب‬ ‫تصدعــات عموديــة بالبــــرج الجنــويب للبوابــة الرئيســية‪ ،‬باإلضافــة إىل تســاقط‬
‫"تـــــارغونت"‪ ،‬مبــا يف ذلــك أحــد األبــراج املوجــودة خلــف "جنــان السوســية "‬ ‫األتربــة نتيجــة تــرر الســقف الخشــبي الــذي متــت إضافتــه أثنــاء عمليــة الرتميــم‬
‫والتــرر الواضــح ملقطــع الســور واألب ـراج املحاذيــة للمحطــة الطرقيــة‪.‬‬ ‫األخيـــرة‪.‬‬
‫وقــد همــت املعاينــة التشــخيصية أج ـزاء أخــرى شــملها االنهيــار عــى مســتوى‬
‫الســور الداخــي الداعـــــم‪ ،‬وخاصــة يف مــا يتعلــق مبقطــع الســــور املمتــد بــن باب‬ ‫بالنســبة ملقطــع الســور الشــايل الرابــط بــن بــاب "أوالد بنونــة" و"بــاب الخميــس"‪،‬‬
‫"تــــارغونت" وباب "الزركــــــان" (درب موىس وهمـــو ودرب أقا واملالح وأحفيـــــر)‬ ‫فقــد عــرف تصدعــات خطــرة عــى مســتوى الواجهـــة الرئيســية ألول بــــرج متاخم‬
‫ومقطــع الســـــــور الرابــط بــن بــاب "تارغونــت" وبــاب "أوالد بنونة" (مبحـــــــاذاة‬ ‫لبــاب " بيزمــارن " مــن الجهـــة الشــالية‪ ،‬وانهيــار بعــض رشفــات الــرج وجــدار‬
‫إعداديــة رحـــال املســكيني)‪ ،‬ومقطــع الســور الفاصــل بــن بــاب "الزركـــان" وبــاب‬ ‫املقطــع الــذي يحــده مــن الشــال‪ ،‬وســقوط إحــدى واجهــات الــرج الثــاين عــر‬
‫"السلســلة" (بأحيــاء "البالليــع" وخلــف ســاحة ‪ 20‬غشــت)‪.‬‬ ‫املوجــود شــال بــاب "بيزمــارن" وانهيـــار كبــر لجــزء مــن الســور املتاخــم لبــاب‬
‫"الخميــس" مــن الجهــة الغربيــة (داخــل وخــارج الســور)‪.‬‬
‫إجــاال‪ ،‬ميكــن تلخيــص مخلفــات الزلــزال الســلبية عــى الســور التاريخــي‬ ‫أمــا ببــاب "الخميــس"‪ ،‬فقــد تــم تســجيل تصــدع الجــــدار الرشقــي للفنــاء الداخــي‬
‫لتارودانــت يف مظاهــر تدمرييــة ثالثــة وهــي‪ :‬حصــول انهيــارات لكثــل جداريــة‪،‬‬ ‫وانهيـــار أج ـزاء مــن جدارهــا الغــريب وســقوط رشفــات الحائــط الشــايل والزاويــة‬
‫حــدوث تصدعــات ورشوخ بأجـزاء كثــرة مــن األبــواب واألبـراج واألســقف‪ ،‬وأخـرا‪،‬‬ ‫الشــالية الرشقيــة لســطح البنايــة‪ ،‬وتصــدع وتــرر أج ـزاء مــن أرضيــة الســطح‪،‬‬
‫ســقوط املــاط الخارجــي‪ .‬وكلهــا مظاهــر تســتدعي تدخــا اســتعجاليا لحاميــة‬ ‫وخاصــة بالجهــة الشــالية‪ ،‬مــع ظهـــور تصدعــات باألجــ ـزاء العلويــة للجــــدران‬
‫الســور وانقــاذه‪ ،‬مــن خــال اجــراء عمليــات تدعيــم مؤقتــة وســابقة لعمليــات‬ ‫وشــــروخ عميقــة بإحــدى واجهــــات البـــــرج الشــايل للبــاب‪ ،‬إضافــة إىل تضــــرر‬
‫الرتميــم والتأهيــل املندمجــة التــي ستشــمل الســور يف وقــت الحــق‪.‬‬ ‫عــدة رشفــات بالجهــة الجنوبيــة‪ ،‬علــا بأنهــا قــد عرفــت ترميــات يف الســنوات‬
‫األخــرة لكنهــا مل تشــيد باعتــاد تقنيــة ال ـراب املدكــوك‪ ،‬مــا حولهــا إىل بنيــات‬
‫واكــب عمليــة التشــخيص هــذه توثيــق دقيــق ومفصــل عــر التصويــر الفوتوغـرايف‪،‬‬ ‫هشــة آيلــة للســقوط واالنهيــار‪ ،‬وتســــاقط املــاط الجــري للجــدار الجنــويب‬
‫وذلــك باعتبــار أهميــة معرفــة الوضــع الســابق لعمليــات الصيانــة والرتميــم التــي‬ ‫للبنايـــــة ولبقيــة الســور املحــــاذي للبــاب مــن الجهــة الرشقيــة‪.‬‬
‫ســتأيت فيــا بعــد‪ ،‬وكذلــك لــرورة التوفــر عــى أرشــيف قابــل لالســتثامر يف كل‬
‫عــى مســتوى مقطــع الســور الشــايل الرشقــي الفاصــل بــن بــاب "الخميــس" أنــواع التدخــل املبــارش عــى الســور‪ ،‬مبــا يضمــن االلتـزام بــروط وقواعــد الرتميــم‬
‫وبــاب "السلســلة" (القصبــة)‪ ،‬لوحــظ بــروز تصدعــات عموديــة خطــرة وانهيــارات املعمــول بهــا‪ ،‬مــن قبيــل التكامــل والشــمولية وقابليــة الرتاجــع واحــرام املــواد‬
‫جزئيــة عــى مســتوى برجــن مجاوريــن لبــاب "الحجــر" يف اتجــاه الــرق‪ ،‬وتســاقط واالحجــام وعــدم تجــاوز مرحلــة اليقــن والســقوط يف الفرضيــات‪.‬‬
‫لوحة ‪ : 2‬تصميم سور تارودانت وبعض أشكال التدمري التي لحقت به‪.‬‬
‫املــاط الخارجــي لعــدة جــدران‪ ،‬وحــدوث انهيــارات طفيفــة عــى مســتوى بعــض‬
‫© أحمد أوموس‬ ‫األبــ ـراج املتاخمــة لفنــدق "قــر الســام"‪ ،‬ورشوخ بليغــة عــى مســتوى الجــدار‬
‫الجنــويب للقصبــة‪ ،‬رشق بــاب "السلســلة" وبعــض أب ـراج الســور الغــريب للقصبــة‪،‬‬
‫قبالــة حــي "ســيدي العــريب"‪ ،‬مــع تعــرض واجهــة بــاب "الســدرة" املــؤدي لحــي‬
‫القصبــة واألب ـراج املواجهــة للمستشــفى اإلقليمــي "املختــار الســويس" لتصدعــات‬
‫كبــرة‪.‬‬
‫وقــد لوحــظ ببــاب السلســلة انهيــار كيل للواجهــة الجنوبيــة للــرج الكبــر الــذي‬
‫يحــد البــاب مــن الجهــة الشــالية‪ ،‬وتداعــي الرشفــات التــي تعلــو البــاب مــن‬
‫الجهــة الرشقيــة‪ ،‬وتســاقط املــاط الجــري يف أجــزاء عــدة مــن الفنــاء الداخــي‬
‫للبــاب‪ ،‬إضافــة إىل تــرر األرضيــة عــى مســتوى ســطح البوابــة التــي صــار برجــا‬
‫واجهتهــا الرئيســية اآليلــن لالنهيــار يف حالــة خطــرة جــدا‪.‬‬

‫وفيــا يتعلــق مبقطــع الســور الرشقــي املمتــد بــن بــاب "السلســلة" وبــاب‬
‫"الــزركان"‪ ،‬فقــد عــرف بــدوره ظهــور تصدعــات عموديــة بعــدة أبـراج مطلــة عــى‬
‫ســــــاحة "‪ 20‬غشت"‪ ،‬مبا يف ذلك بــــرج الزاويـــة القريب من باب "البالليـــــــــع"‪،‬‬
‫وتــرر املــاط الجــري الخارجي لألجـزاء العليـــــــا للجــدران واألبــــــراج والعديد‬
‫مــن الرشفــات‪ ،‬مــع حــدوث انهيــارات طفيفــــــــــــة‪ .‬كــا أن بعــض األبــراج غــر‬
‫البعيــدة عــن مــــدارة "املعديـــــــــــات" أصبحــت يف وضعيــة خطيــــرة ومهــددة‬
 ‫جهود اإليسيسكو يف حامية الرتاث‬
‫يف العامل اإلسالمي‬
‫حــول التحــول األخــر يف املواقــع الرتاثيــة واملتاحــف‪ ،‬وكذلــك مبــادرة‬ ‫إدراكاً مــن اإليسيســكو ألهميــة الـراث واملحافظــة عليــه وحاميتــه واســرداد‬
‫إنشــاء آليــة ملراقبــة أثــر التغـرات املناخيــة عــى املواقــع الرتاثيــة واملتاحــف‬ ‫مــا نهــب منــه‪ ،‬ليــس فقــط باعتبــاره ركنــاً ركينــا مــن أركان الهويــة بــل‬
‫يف العــامل اإلســامي‪ ،‬ومبــادرة خاصــة بقيــاس البصمــة الكربونيــة وتخفيــف‬ ‫أيضــا رافعــة مــن رافعــات تحقيــق التنميــة املســتدامة للشــعوب التــي‬
‫حدتهــا يف املواقــع الرتاثيــة واملتاحــف‪ .‬كــا أنشــأت صنــدوق حاميــة املواقــع‬ ‫نرنــو إليهــا جميع ـاً‪ ،‬وضعــت اإليسيســكو ال ـراث ضمــن أولويــات عملهــا يف‬
‫الرتاثيــة مــن أثــر التغـرات املناخيــة بهــدف توفــر التمويــل الــازم ملواجهــة‬ ‫رؤيتهــا الجديــدة واملتجــددة‪ ،‬بــل أدرجــت حاميــة ال ـراث واملحافظــة عليــه‬
‫أثــر هــذه التغ ـرات املناخيــة عــى املواقــع الرتاثيــة‪.‬‬ ‫هدفــا إسـراتيجيا تعمــل عــى تحقيقــه عــر كثــر مــن املبــادرات واألنشــطة‬
‫واملرشوعــات التــي نحــاول مــن خاللهــا تحقيــق آمــال اإلنســانية كلهــا يف‬
‫ويف مجــال مكافحــة جرميــة االتجــار غــر املــروع يف املمتلــكات الثقافيــة‪،‬‬ ‫الحفــاظ عــى إرث األجــداد واالســتفادة منــه لصالــح األجيــال املتعاقبــة‪.‬‬
‫قامــت اإليسيســكو بإجــراء العديــد مــن الــدورات التدريبيــة للعاملــن‬ ‫وتوافقــاً مــع هــذه الرؤيــة كان إنشــاء مركــز الــراث يف العــامل اإلســامي‬
‫يف مجــاالت ال ـراث حــول كيفيــة حاميــة املمتلــكات الثقافيــة مــن جرميــة‬ ‫ليصبــح األداة الفاعلــة لتنفيــذ اسـراتيجية اإليسيســكو الجديــدة التــي تهــدف‬
‫االتجــار غــر املــروع وكيفيــة اســرداد مــا متــت رسقتــه وتهريبــه عــر آليــات‬ ‫إىل الحفــاظ عــى هــذا اإلرث والتنــوع الثقــايف وحاميتــه واالســتفادة منــه‪،‬‬
‫قانونيــة وإجـراءات ميدانيــة‪ .‬كــا تقوم اإليسيســكو حاليـاً بإعداد اسـراتيجية‬ ‫ويكــون قاطــرة مــن قاطـرات التنميــة املســتدامة يف كافــة املجــاالت لشــعوب‬
‫اإليسيســكو ملكافحــة االتجــار غــر املــروع يف املمتلــكات الثقافيــة وتعميمها‬ ‫العــامل اإلســامي ودولــه‪.‬‬
‫عــى الــدول األعضــاء يف املنظمــة مبــا يضمــن تطويــر اآلليــات الحاليــة وتغيــر‬
‫وخــال مــا يقــرب مــن خمســة أعــوام‪ ،‬خطــت اإليسيســكو خطــوات واســعة حالــة الجمــود الراهنــة يف مكافحــة هــذه الجرميــة‪.‬‬
‫ورسيعــة نحــو حاميــة ال ـراث يف العــامل اإلســامي وتأهيلــه والحفــاظ عليــه‬
‫واســرداد مــا نهــب منــه عــر إطــاق العديــد مــن املبــادرات واملرشوعــات ويف مجــال اســتخدام التقنيــات الحديثــة والــذكاء االصطناعي يف مجــال الرتاث‪،‬‬
‫الطموحــة التــي تهــدف إىل املحافظــة عليــه وتثمينــه وتوثيقــه وترميمــه أنشــأت اإليسيســكو ضمــن هيــكل مركــز ال ـراث بهــا وحــدة متخصصــة يف‬
‫وإعــادة تأهيلــه‪ .‬فلــم تقــف اإليسيســكو مكتوفــة األيــدي إزاء مــا يتعــرض اســتخدام الــذكاء االصطناعــي والواقــع االفــرايض وامليتافــرس يف مجــاالت‬
‫لــه ال ـراث يف العــامل اإلســامي مــن دمــار ونهــب وإتــاف وضيــاع‪ ،‬ولذلــك ال ـراث كافــة لتكــون اول منظمــة دوليــة متخصصــة تضــع ضمــن هيكلهــا‬
‫نظمــت اإليسيســكو عــدة دورات تدريبيــة يف مجــال حاميــة املواقــع الرتاثيــة هــذه الوحــدة‪ ،‬وأيضــا نســتعد لعقــد املؤمتــر الــدويل األول حــول اســتخدام‬
‫قبــل وأثنــاء وبعــد الكــوارث واألزمــات واملخاطــر‪ ،‬كــا قامــت اإليسيســكو الــذكاء االصطناعــي وامليتافــرس يف مجــاالت الـراث يف يوليــو القــادم ‪ 2024‬يف‬
‫بتشــكيل لجنــة لرصــد مــا تقــوم بــه إرسائيــل مــن انتهــاكات جســيمة مقــر اإليسيســكو بالربــاط‪.‬‬
‫ومتواصلــة يف املســجد األقــى ومحيطــه بهــدف التصــدي ملحــاوالت تدمــر‬
‫الــراث يف فلســطني املحتلــة ومحــو هويتهــا‪ ،‬وتزايــد عمليــات التهويــد ويف مجــال الــراث غــر املــادي‪ ،‬شــاركت اإليسيســكو يف تنظيــم العديــد‬
‫املســتمرة لهــذا الــراث‪ .‬كــا أدرجــت اإليسيســكو عــى قوامئهــا للــراث مــن الفعاليــات الدوليــة الكبــرة ومنهــا مؤمتــر ال ـراث غــر املــادي يف العــامل‬
‫(التمهيديــة والنهائيــة واملعــرض للخطــر) ‪ 634‬موقعـاً وعنـرا ً تراثيـاً مــن ‪ 45‬اإلســامي – املشــرك واملختلــف‪ ،‬الــذي عقــد بالقاهــرة عــام ‪ 2023‬بالرشاكــة‬
‫مــع وزارة الثقافــة املرصيــة‪ .‬كــا قامــت اإليسيســكو بإعــداد ملــف مشــرك‬ ‫دولــة مــن الــدول األعضــاء بهــا‪.‬‬
‫للتســجيل عــى قامئــة الــراث يف العــامل اإلســامي والــراث العاملــي حــول‬
‫ويف مجــال مواجهــة أثــر التغـرات املناخيــة عــى املواقــع الرتاثيــة واملتاحــف األلعــاب االفريقيــة مبشــاركة عــدد مــن الــدول اإلفريقيــة وبدعــم مــن دولــة‬
‫أطلقــت اإليسيســكو العديــد مــن املبــادرات يف هــذا الشــأن منهــا مبــادرة اإلمــارات العربيــة املتحــدة‪.‬‬
 ‫‪LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES‬‬
‫‪101‬‬

‫التشــوير ونقــط التفســر واالعــام ومراكــز التعريــف وتوظيــف األضــواء‬ ‫ج‪ -‬معالجة التصدعات وإعادة تشكيل وبناء املستويات السفلية‬
‫والتســويق الرقمــي‪.‬‬
‫‪ -‬تعبئة االمكانيات البرشية واملالية الالزمة لتنفيذ املرشوع‪.‬‬ ‫املترضرة من السور‬
‫كان مــن املمكــن ارجــاء كل أشــكال التدخــل املبــارش‪ ،‬غــر التدعيــم‪ ،‬اىل حــن القيــام ‪ -‬ضامن املتابعة والتقييم للمرشوع يف مختلف مراحل تنفيذه‪.‬‬
‫بأشــغال الرتميــم التــي ســتعقب التدخــات االســتعجالية األوىل‪ ،‬لكــن الحالــة هنــا‬
‫تفــرض مــرة أخــرى اجـراء خاصــا‪ ،‬وهــو ترميــم وإعــادة بنــاء‪ ،‬ولــو بصفــة مؤقتــة‪،‬‬
‫بعــض األجـزاء املهدمــة‪ ،‬مــن تصدعــات عموديــة وجــدران وقائيــة للكتــل الرتابيــة أهمية تدبري املخاطر يف املحافظة عىل الرتاث املعامري‬
‫املســتعملة لســد تجويفــات بعــض األب ـراج ومم ـرات الحراســة‪ ،‬الن طبيعــة البنيــة مــن خــال حالــة الســور التاريخــي ملدينــة تارودانــت التــي وقفنــا عندهــا يف هــذه‬
‫االنشــائية للســور‪ ،‬وكــذا مــواد البنــاء املســتعملة فيــه (الـراب) تحتــم القيــام بــكل الورقــة‪ ،‬يتضــح أن املحافظــة املســتدامة عــى املبــاين التاريخيــة باملغــرب‪ ،‬باعتبارهــا‬
‫اإلجــراءات التــي ميكــن أن تحــد مــن مخاطــر الهــدم التــي ميكــن أن تــؤدي اىل مــوارد ترابيــة غــر متجــددة‪ ،‬يســتدعي ليــس فقــط االكتفــاء بــردات الفعــل عــن‬
‫الفقــدان الــكيل للبنايــة‪ ،‬يف حالــة تدخــل أي عامــل خارجــي جديــد‪ ،‬مثــل تســاقط أخطــار داهمــة أو قــوى قاهــرة مثــل الــزالزل‪ ،‬مــن أجــل تجــاوز تداعياتهــا الســلبية‬
‫االمطــار‪ ،‬مــا قــد يشــكل خســارة كــرى لشــواهد تاريخيــة تختــزل ذاكــرة وتحمــل عــى ســامة املبــاين التاريخيــة بشــكل خــاص وال ـراث الثقــايف بشــكل عــام‪ ،‬لكــن‬
‫كذلــك‪ ،‬وقبــل ذلــك‪ ،‬التوفــر عــى خطــة عمــل محكمــة ومندمجــة‪ ،‬مــن بــن‬ ‫قيــا إنســانية وحضاريــة كبــرة‪.‬‬
‫ركائزهــا االســترشاف املســتقبيل للتهديــدات التــي ميكــن أن تشــكل خطـرا حقيقيــا‬
‫عــى ســامة املعــامل الرتاثيــة املعامريــة؛ ومــن بــن أدوات االســترشاف امللحــة التــي‬
‫يجــب أن تتوفــر ملدبــري ومحافظــي الــراث‪" ،‬خريطــة املخاطــر" التــي بفضلهــا‬ ‫ح‪ -‬التبليط املؤقت للرشوخ والتصدعات التي تهدد السور جراء‬
‫ميكــن رصــد التهديــدات املحتملــة وترتيــب خطــط ووســائل التدخــل القبــي‬ ‫خطر نفاذ مياه التساقطات املطرية‬
‫شــمل هــذا االجــراء املؤقــت واالســتعجايل قــدم الواجهــة الداخليــة للجــزء مــن والبعــدي املمكنــة‪ ،‬ومــن خــال اعــال كل إجـراءات الحاميــة القبليــة‪ ،‬مــن قبيــل‬
‫الســور املقابــل للموضــع املعــروف ب "جنــان السوســية"‪ ،‬وذلــك عــى مســافة الحاميــة القانونيــة واملؤسســاتية‪ ،‬واعتــاد خطــة طــوارئ وانقــاد‪ ،‬مــن بــن أدوارهــا‬
‫تتجــاوز املائــة مــر(‪100‬م)‪ ،‬وهــو مقطــع الســور الــذي عــرف ظهــور تصــدع يفصــل الرصــد وجمــع وتحليــل البيانــات‪ ،‬يقــوم عليهــا اخصائيــون قــادرون عــى التعامــل‬
‫بــن الجــدار الــذي بــدا وكأنــه فقــد توازنــه العمــودي وتدحــرج نحــو الخــارج‪ ،‬وبــن مــع مثــل هــذه الكــوارث الطبيعــة‪.‬‬
‫الكتلــة الرتابيــة التــي أفقدتــه علــوه األصــي مــن الداخــل‪ ،‬والتــي متــارس عليــه‬
‫ضغوطــا جانبيــة‪ .‬يهــدف هــذا االج ـراء اىل منــع تــرب ميــاه األمطــار اىل داخــل الهوامش‬
‫هــذا الــرخ‪ ،‬وبالتــايل حاميــة الســور مــن خطــر التعــرض للرطوبــة ولالنهيــار ‪ - 1‬ظهري ‪ 7‬شتنرب ‪ 1931‬الجريدة الرسمية رقم ‪ 988‬بتاريخ ‪ 2‬أكتوبر ‪.1931‬‬
‫‪ - 2‬أحمــد بوزيــد الكنســاين‪ ،‬تاريــخ تارودانــت يف العــر الوســيط حتــى القــرن الثامــن الهجــري‪،‬‬ ‫الشــامل‪.‬‬
‫منشــورات منتــدى االدب ملبدعــي الجنــوب‪ ،‬مطبعــة رشوق‪ ،‬اكاديــر‪.2008 ،‬‬
‫‪ - 3‬عمــر بنمــرة‪" ،‬تارودانــت مــن خــال املصــادر الجغرافيــة يف العــر الوســيط"‪ ،‬ضمــن تارودانــت‬
‫حــارضة ســوس‪ ،‬كليــة اآلداب والعلــوم اإلنســانية بأكاديــر‪ ،‬اعــال األيــام الدراســية ‪ 7‬و‪ 8‬و‪ 9‬أبريــل‬ ‫من اٳلنقاذ اىل الحفظ و التثمني‬
‫‪ ،1988‬ص‪. 121-134 .‬‬ ‫تتجــاوز اشــكالية املحافظــة عــى ســور تارودانــت معالجــة األرضار التــي خلفهــا‬
‫‪ - 4‬يتحــدث الحســن الــوزان عــن بســط املرينيــن لنفوذهــم عــى ســوس واتخاذهــم تارودانــت‬ ‫الزلــزال‪ ،‬اىل العمــل عــى وضــع خطــة شــمولية تــروم معالجــة مجموعــة مــن‬
‫مرك ـزا إلقامــة نائــب الســلطان‪ .‬الحســن الــوزان‪ ،‬وصــف افريقيــا‪ ،‬ترجمــة محمــد حجــي ومحمــد‬
‫االشــكاليات التــي يعــاين منهــا اليــوم‪ ،‬خاصــة التجــاوزات والتهديــدات التــي يكــون‬
‫االخــر‪ ،‬دار الغــرب اإلســامي‪ ،‬بــروت‪ ،‬ج ‪ 1983 ، 1،‬ص‪ .117 .‬انظــر كذلــك محمــد املختــار‬
‫السويس‪ ،‬سوس العاملة‪ ،‬مطبعة فضالة‪ ،‬املحمدية‪.1960 ،‬‬ ‫مصدرهــا الســاكنة القاطنــة بجــواره‪ ،‬بــل حتــى بعــض املصالــح واملؤسســات التــي‬
‫‪ - 5‬شــارك يف هــذه املعاينــة كل مــن املديــر الجهــوي لقطــاع الثقافــة محمــد حمــو‪ ،‬واملديــر اإلقليمي‬ ‫تبــادر اىل القيــام بأشــغال مــد للقنــوات املختلفــة‪ ،‬مثــل الــرف الصحــي واملــاء‬
‫لنفــس القطــاع شــفيق بورقيــة واملحافــظ الجهــوي للـراث الثقــايف أحمــد أومــوس ومولــود شــهبون‬ ‫الــروب‪ ،‬ومــد لخطــوط وشــبكات االتصــاالت والكهربــاء وغريهــا‪ ،‬دون استشــارة‬
‫املســؤول عــى مكتــب الــراث مبديريــة تارودانــت وممثلــن عــن الجامعــة الرتابيــة والســلطات‬ ‫مســبقة لــذوي االختصــاص‪ ،‬ودون احــرام لضوابــط الحاميــة واالرتفــاق التــي‬
‫املحليــة لتارودانــت‪.‬‬
‫يفرضهــا الظهــر الــذي مبقتضــاه أدرج الســور ضمــن الئحــة ال ـراث الوطنــي‪.‬‬
‫إن أعــال االنقــاذ املســتعجلة التــي خضــع لهــا هــذا الســور‪ ،‬والتــي فرضتهــا القــوة‬
‫مصادر ومراجع منتقاة‬ ‫القاهــرة للزلـزال‪ ،‬لــن تغنــي عــن رضورة رصــد كل عوامــل التخريــب االخــرى التــي‬
‫‪ -‬الحســن الــوزان‪ ،‬وصــف افريقيــا‪ ،‬ترجمــة محمــد حجــي ومحمــد االخــر‪ ،‬دار الغــرب االســامي‬ ‫تهــدده‪ ،‬وكــذا األعـراض املرضيــة التــي تصيــب بنياتــه االنشــائية‪ ،‬قبــل مبــارشة أيــة‬
‫بــروت‪. 1983 ،‬‬
‫‪ -‬محمد املختار السويس‪ ،‬سوس العاملة‪ ،‬مطبعة فضالة‪ ،‬املحمدية‪.1960 ،‬‬
‫أشــغال‪ ،‬وهــو االمــر الــذي يســتدعي االشــتغال عــى مــروع مندمــج‪ ،‬يتجــاوز‬
‫‪ -‬أحمــد بوزيــد الكنســاين‪ ،‬تاريــخ تارودانــت يف العــر الوســيط حتــى القــرن الثامــن الهجــري‪،‬‬ ‫الصيانــة والرتميــم‪ ،‬اىل التأهيــل والرتويــج واعــادة التوظيــف‪ .‬مــن أجــل ذلــك يجــدر‬
‫منشــورات منتــدى االدب ملبدعــي الجنــوب‪ ،‬مطبعــة رشوق‪ ،‬اكاديــر‪.2008 ،‬‬ ‫بنــا التأكيــد عــى تحقيــق مــا يــي ‪:‬‬
‫‪ -‬عمــر بنمــرة‪" ،‬تارودانــت مــن خــال املصــادر الجغرافيــة يف العــر الوســيط"‪ ،‬ضمــن تارودانــت‬ ‫‪ -‬إرشاك جميــع االخصائيــن يف أي مــروع إلعــادة االعتبــار للســور‪ ،‬مــن مؤرخــن‬
‫حــارضة ســوس‪ ،‬كليــة اآلداب والعلــوم اإلنســانية بأكاديــر‪ ،‬اعــال األيــام الدراســية ‪ 7‬و‪ 8‬و‪ 9‬أبريــل‬ ‫وأثريــن ومرممــن وطبوغرافيــن وجغرافيــن وسوســيولوجيني ومهندســن‬
‫‪ ،1988‬مطبعــة املعــارف الجديــدة‪ ،‬الربــاط‪ ،1992 ،‬ص‪.121-134 .‬‬
‫‪ -‬ايكوموس‪ ،‬ميثاق حفظ وترميم املباين واملواقع االثرية والرتاثية‪ ،‬البندقية‪.1964 ،‬‬
‫واداريــن‪.‬‬
‫‪ -‬ايكــروم الشــارقة‪ ،‬الئحــة توجيهيــة يف مبــادئ اعــال الحفــاظ عــى املواقــع الثقافيــة وترميــم‬
‫املبــاين التاريخيــة‪ ،‬الشــارقة‪.2017 ،‬‬ ‫‪ -‬إنجــاز مختلــف الدراســات التاريخيــة واألثريــة والتقنيــة واملعامريــة‬
‫‪- Pierre Pichard, Après un séisme : mesures d'urgence, évaluation‬‬
‫‪des dommages, Unesco, Paris, 1984‬‬
‫والتشــخيصية وكــذا التدبرييــة والتســويقية الالزمــة لتنفيــذ املــروع‪.‬‬
‫‪- ICCROM, Guide de gestion des risques appliquée au patrimoine‬‬ ‫‪ -‬التمييــز بــن مختلــف أوجــه التدخــل املبــارش وغــر املبــارش يف الســور‪ ،‬مــن‬
‫‪culture, Institut Canadien de Conservation, 2019.‬‬
‫صيانــة وترميــم واعــادة تشــكيل وتوظيــف ابوابــه التاريخيــة وغريهــا‪.‬‬
‫‪ -‬إعــداد التصــور العلمــي ملــروع تأهيــل وتثمــن الســور‪ ،‬مــن خــال عالمــات‬
SITES LÉGENDAIRES

Ahmed Saleh Ettahiri Hicham Rguig

INSAP, Rabat FLSH, UCA-Marrakech

Tinmel, chef-d’œuvre de
l’architecture almohade
(XIIe siècle), une mosquée
toujours inspirante !
LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
103

Tout devient, avec

Tinmel, référence
Introduction
et modèle pour
l’avenir artistique
L
es ruines du sanctuaire élevé à Tinmel, comme
mosquée commémorative pour le Mahdi Ibn
Toumert 1, ou du moins ce qu’il en reste suite à

de l’Occident l’onde sismique qui les a sévèrement fouettées

la nuit du 08 septembre 2023, permettent de mieux

musulman.
appréhender ce monument à géométrie variable,
non seulement en fonction des lectures qui lui ont été
assignées, mais aussi parce qu’il représente une
source de fierté pour les Marocains, et un épisode dé-
terminant et solennel de leur histoire nationale : l’épo-
pée des Almohades (1121-1269) qui aboutit à la
Bazzana A. et Montmessin Y. constitution du seul État-dynastie réussissant l’exploit
2005, p. 88. d’unifier l’ensemble de l’Occident musulman, le Ma-
ghreb et al-Andalus. Cet empire, au sommet de sa
gloire durant la seconde moitié du XIIe siècle et
jusque dans les années 1220, s’étendait des rives de
l’Atlantique jusqu’à la Tripolitaine, et des abords de
Tolède, dans la péninsule ibérique, jusqu’au Nord de
Ghana.

Figure 1 : Vue des ruines de la mosquée de

Tinmel prise par drone (2022) (© MHAI).

La documentation très exhaustive que
le monument a cumulée grâce à des
études et des commentaires d'inégales
valeurs, ceux de Prosper Ricard, Henri
Basset, Henri Terrasse, Joudia Hassar-
Benslimane, Abbdelziz Touri, Christian
Ewert, pour ne citer que les plus connus,
ont permis au bâtiment de s’imposer
parmi les chefs-d'œuvre de l’Occident
musulman, et d’offrir une synthèse de
l’évolution d’un module planimétrique
dans l’architecture religieuse dont les
prémices sont apparues en Orient et la
genèse en Ifriqiyya (l’actuelle Tunisie) et
en Andalousie. On pourrait même être
plus explicite en dotant le sanctuaire
d’un statut qui lui procure non seulement
originalité mais également primauté.
1. Tinmel : l’archétype des mosquées
almohades
La mosquée de Tinmel frappe à première vue par la
monumentalité de ses masses architecturales et de
ses merveilles décoratives à peine visibles au début du
20e siècle2. Une fois débarrassée des déblais qui en
couvraient une grande partie, l’édifice est redécouvert
par les chercheurs qui y perçoivent un plan dont la
conception architecturale est presque parfaite.
Sur une superficie de 1800m2 occupant une terrasse
assez large, la mosquée offre un plan d’une authenticité
exceptionnelle attestant d’une fondation ex-nihilo de la
bâtisse constituée d’une salle de prière, un sahn à ciel
ouvert bordée de galeries et un minaret. L’ensemble
est d’un tracé très régulier et d’une conception très
harmonieuse, expression d’un art qui renvoie plus aux
grands foyers citadins qu’à ceux des zones reculées,
voire éloignées et enclavées.
1. 1. La salle de prière
La partie la plus imposante correspond à la salle de
prière dont la superficie atteint 1064.96m2. C’est
une grande salle de forme rectangulaire qui se
développe en largeur. Mesurant 44.69m de largeur et
23.83m de profondeur, elle est divisée en neuf nefs
constituées, chacune, de quatre travées. Orientées
perpendiculairement au mur de la qibla suivant la
tradition de la mosquée d’al-Aqsa à Jérusalem, de
la grande mosquée de Kairouan et de la grande
mosquée de Cordoue, elles aboutissent toutes sur
la nef transversale où les richesses ornementales se
déploient aussi bien au niveau des arcs qu’au niveau
du mihrab et des trois coupoles à stalactites.
La nef centrale est plus vaste avec ses 5.47m de
large. Ayant presque les mêmes dimensions que la
104
Figure 2 : Les professeurs feu Joudia Hassar-Benslimane et
Abdelaziz Touri à l’intérieur de la mosquée de Tinmel dans le
cadre du projet de restauration (1991-1994) (© INSAP, Rabat).
nef transversale, elle forme avec celle-ci un plan en
« T ». Celui-ci est mis en valeur par trois coupoles à
stalactites ; l’une devant le mihrab et les deux autres
placées au-dessus des deux extrémités. Les nefs
extrêmes ont la même largeur que celle de la nef
transversale. Larges de 4.90m, elles se prolongent de
part et d’autres du sahn à ciel ouvert vers le mur nord,
formant ainsi deux galeries et en même temps une
disposition en « U », considérée par les spécialistes
comme l’une des spécificités de l’architecture des
mosquées almohades.
1. 2. Le sahn
La seconde partie est dédiée au sahn à ciel ouvert
dont la superficie compte 409.54m2. De forme
rectangulaire, celui-ci est plus large que profond ; il
mesure 24.32m de largeur sur 16.84 de profondeur.
Ses côtés ouest et est sont bordés de deux galeries
(riwaq) tandis que son côté nord n’est doté que
d’une seule galerie. Celle-ci n’apparait ni sur le plan
dressé en 1923 et reproduit par Henri Basset et Henri
Terrasse3, ni sur celui dupliqué par Lucien Golvin4.
Elle fut restituée par la mission maroco-allemande
lors des travaux de restauration effectués au début
des années 1990. Car, se justifient les archéologues
de l’équipe, « la fouille a montré qu’à l’origine, ce
riwaq nord avait été prévu mais qu’il n’avait jamais
été entièrement concrétisé. Seuls ses piliers d’angle
avaient connu un début de réalisation au contraire des
piliers intermédiaires qui n’ont même pas été posés
en fondation »5. Selon les propos des archéologues,
« les retouches très soignées, apportées au projet
originel et qui avaient abouti à la nouvelle conception
sans riwaq nord, avaient été exécutées dans les règles
de l’art. Ni le plan général, ni les composantes de la
mosquée n’avaient eu à en souffrir »6.
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
1. 3. Un minaret atypique
La troisième partie est constituée par le minaret qui
présente des dispositions originales et une forme
atypique. D’une part, il est construit au milieu du mur de
la Qibla et constitue ainsi un corps saillant abritant en
même temps la niche du mihrab et la loge du minbar.
D’autre part, il est desservi par deux portes s’ouvrant
sur l’extérieur dont celle aménagée sur le côté ouest
est actuellement bouchée. Tercio, le minaret présente
une forme rectangulaire, contrairement à la tradition
respectée scrupuleusement dans la majorité des
minarets historiques, à savoir la forme carrée.
L’unique exemple qui lui ressemble s’élevait, d’après
Henri Basset et Henri Terrasse, à Salé. « A Salé disent-
ils, s’élève encore un minaret de dimensions modestes,
qui par ailleurs semble bien être d’époque almohade.
Comme celui de Tinmel (sic), il est de plan barlong
et il abrite le mihrab. Sur sa face est, - mais au niveau
probable des toits - s’ouvre un semblable escalier
à deux branches parallèles et de sens inverse. Une
simple plate-forme à parapet couvre l’édifice : elle est
si étroite que nulle construction ne pouvait en occuper
le centre »7.
De forme rectangulaire, le minaret est une tour
massive qui mesure 9.50m de longueur et 5.50m de
largeur. Sa hauteur atteint 15.88m. Pour en assurer
une grande solidité, il est construit de « moellons
taillés liaisonnés dans un épais mortier de chaux et
renforcés, aux angles, par un large appareil de briques
cuites, matériau qu’on retrouve dans les montants et
les linteaux des ouvertures »8.
105
Figure 3 : Plan de la mosquée de Tinmel publié après les travaux
de restauration de (1991-1994) (© C. Ewert et J.P. Wisshak) (DAI).
Figure 4 : Minaret de la mosquée
de Tinmel (1933) (© J. Borely).
Ses trois façades apparentes présentent des dispo-
sitions uniques. La façade sud se compose de deux
registres superposés. Le premier est installé au-des-
sus d’une base construite en moellons. Il est consti-
tué d’une ouverture axiale surmontée d’un arc brisé
outrepassé doublé d’un second arc en plein cintre
surhaussé. Elle est bordée, de part et d’autre, d’une
niche aveugle en arc plein cintre légèrement outre-
passé. Le second registre court au-dessus du précé-
dent. Il est meublé d’une lucarne aménagée dans l’axe
de la façade. Elle ne diffère de celle placée au milieu
du premier registre que par sa hauteur moins haute
et sa largeur plus grande. La façade orientale est en
« briques sur les trois quarts de sa hauteur et les moel-
lons renforcés par les blocs de briques, n’apparaissent
qu’après la zone des ouvertures et presque au som-
met du mur d’enceinte »9. Deux ouvertures jumelées
surmontées d’arcs en plein cintre y ont été percées. La
première mène à l’escalier. La seconde aboutit à l’inté-
rieur de la salle de prière. Elle est utilisée par l’Imam.
Au-dessus s’installe une niche aveugle désaxée ins-
crite dans un encadrement rectangulaire lisse. Elle est
surmontée d’un arc en plein cintre.
 106

Constitué de volées droites, l’escalier est couvert d’une 2. Merveilles décoratives

voûte en berceau. Il aboutit à une chambre supérieure Jusqu’au séisme du 08 septembre 2023, la mosquée
dont la porte est surmontée d’un arc de décharge. Une de Tinmel a préservé jalousement, des plâtres sculptés
terrasse supportée par des rondins coiffe l’ensemble. d’une valeur décorative exceptionnelle et d’une
Les traces encore in situ ne permettent pas de se faire conception esthétique demeurée unique. Certaines
une idée précise sur l’aménagement de la partie haute. lignes et formes expriment une parenté étroite avec
Etait-elle munie d’un parapet et d’un lanternon ? Ou le plus ancien répertoire décoratif complet parvenu
était-elle constituée d’une plateforme simple servant presque intact, à savoir celui de la mosquée al-
à l’appel à la prière ? Une chose est certaine : par sa Qarawiyyin de Fès. D’autres se distinguent largement
forme rectangulaire et son emplacement au-dessus du des réalisations antérieures, se démarquent de celles
mihrab, le minaret de Tinmel reste jusqu’à maintenant des époques postérieures et offrent des figures
un minaret atypique. décoratives et des combinaisons d’une exécution
parfaite et en même temps d’une interprétation
1. 4. Les accès originale.
Pour une circulation fluide, un éclairage suffisant et
une aération non seulement permanente mais aussi
Figure 5 : Nef de la Qibla et Mihrab : place
parfaite, ces deux parties qui sont la salle de prière privilégiée du décor (1922) (© J. De la Nézière).
et le Sahn, ont été dotées de neuf portes. Six portes
qui se font face, trois sur chaque côté, sont percées
dans les deux murs latéraux. La septième « porte » est
ouverte au milieu du côté nord, en face de la ‘Anza
et du mihrab, participant ainsi à la mise en valeur
de l’axe longitudinal de la mosquée. Saillantes et
symétriquement placées les unes par rapport aux
autres, ces ouvertures forment deux ensembles. Le
premier est constitué de quatre portes desservant
la salle de prière. Le second compte trois baies dont
deux s’ouvrent sous les galeries bordant le sahn. Leurs
ouvertures sont en arcs brisés outrepassés inscrits
dans des avant-corps dépourvus de tout ornement.
La troisième est percée au milieu de la façade nord, à
l’opposé du mihrab. Sur le côté sud sont aménagées
trois portes de petites dimensions comparées à
celles des trois autres côtés. Les deux premières
sont surmontées d’un arc plein cintre outrepassé ;
l’une permet au Muezzin d’accéder à la plateforme
du minaret ; l’autre est réservée à l’Imam. Elle mène
directement, après avoir franchi un premier couloir
coudé, sous la nef de la Qibla par une baie aménagée
à gauche de la niche du mihrab. La dernière est une
porte à linteau. Condamnée à une date inconnue,
elle permettait de passer directement de la salle de
prière, via la loge du minbar, à des bâtiments annexes,
constituant fort probablement les espaces funéraires
où furent enterrés le Mahdi, le souverain Abd Al-
Moumen, son fils Abou Yaqoub et son petit-fils Abou
Youssef.
En somme, la mosquée de Tinmel offre par ses
composantes un archétype dynastique dont les
éléments vont s’imposer dans l’architecture religieuse
almohade mais aussi dans celles de leurs successeurs.
L’ensemble de ses éléments architecturaux et
décoratifs sont désormais des références qui vont
être imitées, reproduites ou réinterprétées dans les
mosquées postérieures.
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
107

Ces plâtres sculptés ornaient les espaces les plus

nobles du sanctuaire comme en témoignent les
parties encore conservées et les photographies prises
depuis la reconnaissance du sanctuaire au début du
20e siècle. C’étaient des éléments qui participaient à
l’organisation générale de l’espace. Ainsi, conception
spatiale et répartition des panneaux décoratifs
obéissent à des règles de symétrie strictes et des jeux
d’équilibre parfaits qui ont fait que les chercheurs y
ont vu l’archétype des sanctuaires almohades. En
effet, le plâtre sculpté embellit le mihrab, la façade du
mur de la Qibla, les arcatures et les trois coupoles de
la nef de la Qibla et les claustras à double décoration
superposée.

2. 1. Le mihrab : conception classique

et décoration originale
Le mihrab de Tinmel reproduit une conception
architecturale identique à celle exécutée par les
Almoravides pour la mosquée al-Qarawiyyin à Fès :
forme octogonale de la niche, arc brisé outrepassé
au-dessus de l’ouverture avec encadrement et frise,
travée le précédant délimitée par des arcs à intrados
sculptés de lobes et de festons, coupole à stalactites
couvrant la niche.

Au niveau de la décoration, le mihrab se démarque

par contre de l’ensemble de ses similaires aussi bien
contemporains que ceux des époques postérieures.
Ceci est manifeste par la rigueur des formes, la
simplicité des combinaisons, l’harmonie des panneaux,
l’exclusion du répertoire végétal et l’éloignement total
de la fioriture.
Large de 1.60m et couverte d’une coupole à Muqarnas
dont les stalactites sont lisses, la niche du mihrab est
surmontée d’un arc brisé outrepassé identique à celui
de la seconde Koutoubia. Un second arc polylobé,
légèrement en saillie et dont les deux retombées se
font en décor serpentiforme, circonscrit le premier.
Un encadrement rectangulaire à base de rubans lisses
enveloppe les deux arcs et dessine deux écoinçons.
Ceux-ci sont timbrés, chacun, d’une coquille à six
pétales.
Un entrelacs étoilé prend naissance au même niveau
que celui des chapiteaux et vient surhausser la
façade en dessinant un second encadrement assez
large. D’une conception simple constituée de motifs
géométriques ébauchés par une bande à deux
rubans, ce second encadrement reproduit des étoiles
à huit pointes alternant des polygones étoilés et des
dodécagones dépourvus de motifs secondaires de
remplissage.
Figure 6 : La façade du mihrab de mosquée de
Tinmel (2013) (© A.S. Ettahiri).
Au-dessus court une frise très délabrée. Celle-ci était
à l’origine faite de trois claustras dessinés par trois
arcs en plein cintre surhaussés qui s’appuient sur des
colonnettes en plâtre lisses. Des lambeaux encore in
situ au niveau de la partie haute du claustra latérale
droit attestent qu’elle était dotée d’une combinaison
en nids d’abeilles. Elles s’alternent avec trois niches
aveugles surmontées d’arcs à lambrequins dont les
retombées se font, par le biais de chapiteaux sculptés,
sur des colonnettes torsadées.
Un dernier registre vient sceller l’esthétique de la
façade. Il déploie un décor géométrique, ferme
comme ceux de l’encadrement rectangulaire, dessiné
par l’entrelacement d’une bande à deux brins. Les
motifs générés sont des étoiles à six pointes et d’autres
à huit pointes et des dodécagones. Rigides, purs et
dépourvus de motifs secondaires de remplissage, les
motifs expriment tous une plastique très éloignée du
naturalisme almoravide qui se diffuse au travers des
panneaux de la mosquée al-Qarawiyyin.
 108

2. 2. Le mur de la Qibla :
un modèle unique et rarissime Figure 7 : a- Intrados floral (intrados des arcs soutenant la coupole
Au cours du Moyen Age, la tradition a imposé dans les devant le mihrab ; b- Motif serpentiforme au départ des arcs ;
murs de la Qibla la nudité la plus totale à l’exception c- Panneau floral au-dessus du mihrab (© H. Basset et H. Terrasse).

du mihrab. Or, à Tinmel, le mur de la Qibla est le

premier à offrir, outre les belles combinaisons du
mihrab, une large bande en plâtre sculpté.10 Placée à
presque 7.80m de hauteur, cette bande à deux rubans,
identique à celle déjà déployée au niveau de la façade
du mihrab, génère un long panneau en s’entrelaçant à
un rythme très maîtrisé pour donner naissance à des
étoiles à huit pointes, des polygones étoilés et des
dodécagones.
Le plâtre est rustique et les formes sont répétitives.
Pourtant, ses motifs développent une ceinture sculptée
discrète - à cause de son emplacement- qui épouse
les côtés de la nef de la Qibla et y introduisent une
ambiance assez heureuse, juste sous les charpentes
en bois qui jadis couvraient le sanctuaire.

2. 3. Les coupoles à stalactites : Figure 8 : L’état de la coupole

asseoir une emprunte propre centrale en 2022 (© MHAI).

Si la ceinture étoilée de la nef de la Qibla frappe par

son aspect rustique et ses formes décoratives très
raides, les vestiges qui subsistent des trois coupoles
installées au niveau de la nef de la Qibla étonnent,
comme le mihrab, par la pureté de la blancheur de
leur plâtre et la finesse de la sculpture de leurs formes.
Elles sont des créations conçues et disposées afin
d’affermir une emprunte pure qui restera propre aux
mosquées almohades.

Toutes les trois sont des coupoles à stalactites couvrant

des espaces carrés. Dans leur publication datant de
1924 et dont les travaux de terrain ont été effectués en
1923, Henri Basset et Henri Terrasse les décrivent en
ces termes : « Deux des coupoles de Tinmel subsistent
encore. Celle qui couvre la niche même du mihrab,
protégée par toute la masse du minaret, peut rester
intacte longtemps. Mais la coupole orientale n’est plus
abritée que par quelques restes de toiture et par des
murs branlants qui risquent d’écraser dans leur chute
ce rare chef-d’œuvre ».11

Malgré l’état de la bâtisse à leur époque et les différents

effondrements, les deux auteurs arrivaient à en évaluer
l’importance. « Ces coupoles, notent-ils, qui comptent
parmi les plus anciens exemples de stalactites de l’art
hispano-mauresque, sont des documents précieux.
Elles nous apprennent que le XIIe siècle donne aux
voûtes à stalactites une simplicité et une force que ne
connurent plus les siècles suivants ».12
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
Figure 9 : Coupolette du Mihrab, dessin de l’élévation (en haut)
et plan (en bas) (© C. Ewert et J.P. Wisshak) (DAI).
2. 4. Les arcs : du simple et classique
au recherché et très raffiné
La salle de prière est agrémentée par plusieurs
types d’arcs. L’arc brisé outrepassé lisse est réservé
aux nefs perpendiculaires à la nef de la Qibla, aux
galeries latérales du sahn et aux entrées. Sous les
trois coupoles, aux extrémités des nefs latérales qui y
mènent et dans l’arcature longeant le mur de la Qibla,
les arcs sont à lambrequins, ou polylobés à lobes
simples ou tréflés ou à stalactites. Les premiers sont à
lobes égaux. Les seconds, simples et vigoureux13, sont
décorés de découpures aux pointes des lobes. Les uns
et les autres déploient des intrados moulés raffinés
dont les modèles se retrouvent devant le mihrab de la
Qarawiyyin et se propagent pour devenir la spécificité
de la mosquée marocaine jusqu’à nos jours.
2. 5. Les claustras : le plâtre ajouré en
végétal et en épigraphie
Les claustras du mihrab ont été malencontreusement
très endommagés. Certains parmi ceux installés au
niveau du premier étage de la coupole précédant le
mihrab et celle surmontant l’extrémité est de la nef de la
Qibla ont pu résister à toutes les vicissitudes du temps.
Ce sont de bels spécimens qui contrastent d’une
façon incontestable avec les panneaux en entrelacs
géométriques ornant mihrab et voûtes en stalactites.
Ce sont aussi des prototypes bien conservés de ce que
les Almohades vont exécuter sur les façades de leurs
grandes portes urbaines : Bab Lakbir aux Oudayas,
Bab Rouah à Rabat et Bab Agnaou à Marrakech.
109
Figure 10 : Coupole orientale, dessin de l’élévation (en haut) et plan
(en bas) (© C. Ewert et J.P. Wisshak) (DAI).
L’observation attentive des vestiges laisse supposer
que les sculpteurs ont joué sur l’alternance de claustra
à motifs végétaux et d’autres combinant des formes
végétales et des eulogies religieuses.
Le premier type de ces claustras est meublé d’un
décor purement végétal. Ce dernier s’organise de part
et d’autre d’un axe vertical constitué de bourgeons
et de nodosités et d’une palmette doubles en
éventail. Les rinceaux s’entrelacent sur le même plan
que les palmettes, les nodosités et les bourgeons.
Les palmettes, toutes lisses, sont simples, doubles
asymétriques et symétriques. Néanmoins, le modelé
diffère d’un claustra à un autre. En même temps, les
détails des éléments végétaux offrent une variété
impressionnante.
Ces claustras, exclusivement à base d’éléments
végétaux, contrastent avec les autres qui sont meublés
par des compositions composites. Ces dernières
développent deux registres superposés. Le premier
occupe la partie inférieure ; il est fait d’éléments
épigraphiques. Dans deux claustras de la coupole
surmontant l’extrémité est de la nef de la Qibla, se
lisent les deux eulogies suivantes : ”‫ “الحمد لله‬et ”‫“سبحان الله‬.
En coufiques biseautés, les lettres sont sculptées sur
deux lignes d’écriture. Les vides sont meublés par de
minuscules motifs végétaux très sveltes. Le second
registre est sculpté exclusivement de motifs végétaux
déployant des palmettes lisses, simples ou doubles
asymétriques dont quelques-unes ont des calices
globulaires et d’autres des calices jumelés. La partie
basse reproduit une eulogie religieuse ”‫“امللك لله وحده‬.
L’écriture s’étale sur deux lignes. Les hampes s’élancent,

se tressent à mi-hauteur avant de se transformer en
arcs polylobés. Le remplissage est à base de différents
motifs végétaux lisses (palmettes simples et doubles,
pommes de pin, bourgeons, etc.…). Les rinceaux sont
reproduits en arrière-plan.
Si tous ces éléments renvoient vers les autres claustras,
ce dernier introduit une originalité qui va s’épanouir
dans les monuments postérieurs. Il est annonciateur du
motif-type qui va faire les beaux-jours de l’épigraphie
almohade. Il est aussi le fondateur, jusqu’à présent, de
l’utilisation de l’effet miroir. Ainsi, l’eulogie ”‫“امللك لله وحده‬
se lit de droite à gauche et en même temps de gauche
à droite. Les sculpteurs mérinides s’en inspireront
massivement en ornant linteaux, panneaux et façades.
En somme, les motifs, qu’ils soient géométriques,
végétaux ou en épigraphie attestent d’une originalité
inaccoutumée ; ils constituent les fondements d’un
répertoire qui sera perfectionné pendant les années
suivantes au Maroc en premier lieu, en Andalousie en
second lieu pour marquer leur empreinte esthétique
et leur pensée politico-religieuse.
2. 6. Les chapiteaux : le
couronnement de la conception
architecturale et de l’esthétique
décorative rigoureuse
Si la conception architecturale du sanctuaire de Tinmel
frappe par la rigueur et l’équilibre qui régissent les
différents éléments constitutifs de la bâtisse, l’analyse
de la répartition des chapiteaux et leur plastique montre
à quel point chaque détail a été minutieusement
étudié puis placé. L’arbitraire n’a point de place. Ceci
est plus qu’évident dans la nef transept. Plus large et
surmontée de coupoles, elle est agrémentée d’une
série de demi-chapiteaux en plâtre sculpté où création
et innovation sont de mise. Leur déploiement dans
cette partie s’avère être à l’aune de l’agencement
planimétrique. D’un autre côté, les couronnes y
offrent les premiers spécimens de chapiteaux conçus
et sculptés tout en s’écartant du modèle composite
ancien, très attaché aux traditions dites wisigothiques.
Ici, les Almohades font preuve d’imagination et de
création. Posés sur des demi-colonnes maçonnées, les
chapiteaux sont sculptés de palmettes digitées et/ou
de palmettes lisses dont les longs lobes s’enroulent en
volutes. Celles-ci flanquent un bourgeon ou enserrent
un turban nu. La corbeille est tantôt organisée en
une rangée, tantôt, elle est divisée en deux rangées
superposées que vient meubler un méandre d’acanthe
lisse. Le tout est placé au-dessus d’un astragale strié.
Ce sont tous de véritables couronnements à palmettes.
« Tout devient, avec Tinmel, référence et modèle
pour l’avenir artistique de l’Occident musulman ».14
Dorénavant, elle est l’un des foyers de la sculpture de
l’Occident musulman.
110
Figure 11 : Mosquée de Tinmel : chapiteaux de
la travée-nef (2013) (© A.S. Ettahiri).
En guise de conclusion
Particulièrement éprouvée par la gravité des dégâts
suite au séisme du 08 septembre 2023, la mosquée de
Tinmel demeure un symbole très fort de résilience dont
le rôle est essentiel pour parvenir à la reconstruction
des communautés d’al-Haouz et de leur territoire.
Le monument a vu, à maintes reprises, son avenir
s’estomper ; il n'a pourtant jamais disparu de la mémoire
des Marocains qui ne pouvaient faire autrement que
d'avoir la sensation que quelque chose de grandiose,
quelque chose d’exceptionnel a été accompli ici pour
commémorer un épisode fondateur de la région. Qui
mieux que Edmond Doutté est à même de retranscrire
la résurrection, dans les premières années du 20e
siècle, de la mosquée sans toiture, disparue dans des
circonstances non élucidées, l’intégration de ses ruines,
son minaret décapité, dans le paysage mais surtout
dans l’imaginaire : « La mosquée est donc toujours
un lieu sacré et très vénéré : il est vrai que l’on n’y fait
plus la prière, mais tous les vendredis le caïd y vient
solennellement et y fait réciter une section du Coran ;
tout le monde à cette cérémonie retire ses chaussures
comme dans une autre mosquée. Cette vénération
protège seule le monument contre la tentation bien
grande, que doivent avoir les habitants, de prendre de
ces ruines des matériaux, principalement des briques
pour leurs constructions personnelles ».15
Notes
1- Si le nom du commanditaire (Abd Al-Moumen) ne peut faire que
l'unanimité, la date de fondation, en revanche, a été mise en
question par Youssef Khiara (543/1148 au lieu de 548/ 1153),
dans le cadre d’un article, paru dans les actes du colloque
organisé par l’INSAP en hommage à Joudia Hassar Benslimane
(Rabat, 9-10 décembre 2015), et intitulé: « La mosquée dynastique
de Tinmel : note pour une réévaluation chronologique ».
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
2- L’histoire moderne de Tinmel a démarré en 1901 avec la
redécouverte du site par Edmond Doutté.
3- Basset H. et Terrasse H. 1924, p. 51.
4- Golvin L. 1979, tome 4, p. 275.
5- Triki H., Hassar-Benslimane J., Touri A. 1992, p. 187.
6- Ibid, p. 276.
7- Basset H. et Terrasse H. 1924, p. 51.
8- Golvin L. 1979, tome 4, p. 275.
9- Ibid, p. 276.
10- Le mur de la Qibla connaît plus tard, surtout à l’époque alaouite,
l’introduction de divers panneaux décoratifs de part et d’autre du
Mihrab.
11- Basset H. et Terrasse H.1924, p. 56-57.
12- Ibid, p.57.
13- Ibid, p. 60.
14- Bazzana A. et Montmessin Y. 2005, pp. 85- 88.
15- Doutté E. 1914, p. 127.
Bibliographie
- Basset Henri et Terrasse Henri. 1924, « Sanctuaires et forteresses
almohades : Tinmel », Hespéris T. ‎IV, pp. 9-92.
- Bazzana André et Montmessin Yves. 2005, « La mosquée de
111
Tinmal », In Averroès et l’averroïsme, Presses universitaires de
Lyon, pp. 85-88.
- Borely Jules. 1934, Tinmel, douze carnets de notes, Les Marges au
grand Meaulnes, Paris.
- Borely Jules. 1933, Nouvelles observations sur Tinmal, Au Portique,
s. d., Paris,
- Golvin Lucien. 1979, Paris, Essai sur l’architecture religieuse
musulmane, l’art hispano-musulman, vol .4, éd. Klincksieck.
- Hassar-Benslimane Judia, Touri Abdelaziz, Ewert Christian et
Wisshak Jens-Peter. 1981-1982, «Tinmal 1981, Fouille de la
mosquée almohade », Bulletin d’Archéologie Marocaine, T. XIV,
pp. 277-312.
- Khiara Youssef. 2015, « La mosquée dynastique de Tinmel : note
pour une réévaluation chronologique », dans Hommage à Joudia
Hassar Benslimane, Akerraz A., Ettahiri A. S. et Kbiri Alaoui M.
(dir.), Tome 2, Institut National des Sciences, de l’Archéologie et
du Patrimoine, Rabat, pp. 411-414.
- Triki Hamid, Hassar-Benslimane Joudia et Touri Abdelaziz. 1992,
Tinmel, l'épopée almohade, pub. ONA, Milan.
PORTRAIT

Hicham Rguig
FLSH, UCA-Marrakech

Maalem Mohammed
Kamal Bellamine
Le géant des arts du bois
au Maroc
 LE JARDIN DES HESPÉRIDES - PATRIMOINE CULTUREL MAROCAIN FACE AUX CATASTROPHES
113

R
emontant à la 17e session du Comité
intergouvernemental de l’UNESCO pour la
sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
en 20221, SM le Roi Mohammed VI a insisté sur
l’importance de la préservation du patrimoine culturel
immatériel comme symbole d’identité et vecteur de
transmission des valeurs, perpétuant ainsi le flambeau
de son grand-père, feu SM Mohammed V et de son
père, feu SM Hassan II. Plusieurs actions et initiatives,
envisagées ou mises en œuvre, en sont témoins ;
elles portent, entre autres, sur la transmission aux
générations montantes des savoir-faire liés aux arts
et métiers traditionnels. Rien ne les illustre mieux que
l’intérêt accordé aux détenteurs de ces savoir-faire,
les (Maallems) qualifiés désormais de “Trésors des
arts traditionnels marocains”2. En tête de liste figure
Mohammed Kamal Bellamine qui nous a quitté le 07
mai 2023. Dans sa nécrologie, Ahmed Toufiq, Ministre
des Habous et des Affaires islamiques, dit du défunt
qu'il fut « Le géant des arts du bois au Maroc »3.

Figure 1 : Un Maallem d’exception… Mohammed Kamal Bellamin

(© T. Azzouzi).

Figure 2 : Coupole de la chambre funéraire (Mausolée Mohamed V, Rabat) Figure 3 : La coupole Hassania (Mosquée Hassan II de Casablanca)
(© DPC). (© FMHII).

Mohammed Kamal Bellamine, comme le nom de
famille le laisse deviner, descendait d'une longue
lignée d’Amin(s), chefs de corporation des artisans
du bois à l’ancienne médina de Fès, où l’artisanat
est une affaire de siècles. Aussi, il faisait partie d’une
génération d’artisans qui ont appris le métier très jeune
dans l’atelier familial, où, de père en fils, la transmission
s’y opérait via une formation “sur le tas” conditionnée
par les facultés d’observation et d’assimilation
de l’apprenti qui puisait alors dans la variété des
situations, des événements, ou des révélations
soudaines. La pleine maîtrise des gestes ancestraux et
la passion pour la création ont projeté notre maître-
artisan au sommet du travail sur bois qui est, pour lui,
bien plus qu’un métier, mais une façon de vivre, voire
même un héritage à garder vivant avec une ferveur
immense. Commande après commande, au Maroc
et à l’international, Mohammed Kamal Bellamine s’est
taillé auprès des élites et des experts une réputation
enviable : le Mausolée Mohammed V à Rabat et la
Mosquée Hassan II de Casablanca, pour ne citer que
les plus connus, constituent une saga inégalée dans
l’histoire de l’architecture contemporaine au Maroc.

L’engouement autour de Mohammed Kamal
Bellamine repose aussi sur son brillant parcours
dans l'enseignement. Avec son esprit de partage
et de diffusion des principes-clés tirés de sa propre
expérience gagnée dans le travail du bois, il a été le
fer de lance de l’Académie des Arts Traditionnels de
Casablanca qui a célébré, en 2020, ses vingt ans4. Il est
bien connu pour ses capacités de pédagogue, et il a
œuvré, de nombreuses années durant, pour construire
un pont vers les générations montantes de maîtres-
artisans, en leur communiquant la connaissance des
traditions ancestrales, la maîtrise des codes mouvants
de la réinvention, ainsi que la profonde fierté de leur
propre culture « Tamghrabit »5. Par cela, Mohammed
Kamal Bellamine a mis un terme à l'image stéréotypée
du Maallem avare d'information sur les compétences
dont il dispose, et prêt à tout pour empêcher que ses
apprentis ne soient capables de voler de leurs propres
ailes.
Figure 4 : Bois sculpté et Zouak, détail (Mosquée Hassan II de Casablanca)
(©FMHII)
Un autre succès notable, bien que passé inaperçu.
Mohammed Kamal Bellamine a su, durant l’exercice
de ses fonctions pédagogiques au sein de l’Académie,
séduire la gent féminine et l’intégrer, sans trop de
difficultés, dans les filières bois ; un domaine, comme
on le sait, très masculin. Il ne s’agit pas, en fait, d’une
féminisation forcée, mais tout simplement un retour
aux origines. C'est du moins ce que suggère le portrait
d’une femme d’antan qui a marqué l’art du Zouak
à Meknès : la peintre-décoratrice sur bois Khdija
Temtam6.
114
Maintenant que le périple de Mohammed Kamal
Bellamine sur terre a pris fin, qu'Allah lui fasse
miséricorde !
Notes
1- Cette session a été accueillie par le Maroc, à Rabat du 28
novembre au 3 décembre 2022.
2- L’intitulé du programme qui a été lancé, en novembre 2023, par
le ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie Sociale
et Solidaire et l’UNESCO.
3- Le texte intégral de la nécrologie a été publié dans le journal
électronique Hespress, le 12 mai 2023 (www.hespress.com).
4- L’Académie des Arts Traditionnels de Casablanca a pour mission
notamment d’assurer la formation de maîtres-artisans et de cadres
de haut niveau, en vue de leur permettre d’acquérir le savoir-faire
et l’expertise professionnelle et pratique dans divers métiers
d’artisanat, d’art et de production.
5- Son engagement pour l’éducation s’illustre par le nombre de
maîtres-artisans qu’il a formés au sein de l’Académie : 127.
6- Mina El Mghari, « Khdija Temtem. Du bois et des couleurs », Le
Jardin des Hespérides, n°7, 2017, pp. 50-51 ; De Lens A-R., « Une
femme-peintre marocaine », France-Maroc, n°3, 1917, pp. 25-27.
Bibliographie
- Cambazard Amahan C., Le décor sur bois dans l’architecture de
Fès, éd. CNRS, Paris, 1989.
- El Mghari M., « Khdija Temtem. Du bois et des couleurs », Le Jardin
des Hespérides, n°7, 2017, pp. 50-51.
- De Lens A-R., « Une femme-peintre marocaine », France-Maroc, n°3,
1917, pp. 25-27.
- Gallotti J., « Les industries d’art indigène en 1913 », France-Maroc,
n° 82 (septembre 1923), pp. 165-168 ; n° 84 (novembre 1923), pp.
205-210 et n° 87 (février 1924), pp. 23-25.
- Girard M., « Invention de la tradition et authenticité sous le
Protectorat au Maroc : l’action du Service des Arts indigènes et de
son directeur Prosper Ricard », Socio-anthropologie, vol. 19, 2006-
1, pp. 31-46.
- Paccard A., Le Maroc et l’art traditionnel islamique dans
l’architecture, éd. Atelier 74, Annecy, 1981.
- Revault J., Golvin J. et Amahan A., Palais et demeures de Fès,
Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et
musulmans, Aix-en-Provence, 1985.
- Rguig H., Consultation scientifique auprès du Ministère de la
Culture pour la réalisation d’une étude patrimoniale de l’élément
immatériel : les savoirs et savoir-faire liés aux arts décoratifs
marocains : le bois, rapport inédit, 2022.
- Sinaceur M. A., La mosquée Hassan II, éd. Démil Lafage, D. Briand,
Paris, 1993.
- Toan, V., Le Mausolée Mohammed V, Casablanca : Éditions
Sochepress, 1976.
- UNESCO, Textes fondamentaux de la Convention de 2003 pour la
sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Paris, UNESCO.
Disponible via le lien : http://www.unesco.org/culture/ich/index.
php?lg=fr&pg=00503.
PUB
 ‫‪116‬‬

‫أن يــدرج فــن امللحــون يف قامئــة الـراث اإلنســاين الالمــادي لــدى اليونيســكو‪ ،‬فهــذا أســمى معانيــه وبالغتــه املتفــردة‪ ،‬وبالتــايل فهــو خـزان للســان املغــريب الــذي ســاد‬
‫اعـراف طاملــا انتظــره املغاربــة‪ .‬كيــف ال وهــم يعتــرون أن قصائــد امللحــون عــى ويســود داخــل األوســاط الحرضيــة‪ ،‬ويف طليعتهــا فــاس ومكنــاس وســا وأزمــور‬
‫مختلــف مســتوياتها وأغراضهــا وأزمنــة نظمهــا تعتــر ســجال معتـرا لحيــاة املغاربــة ومراكــش‪ ،‬مــن دون إغفــال بعــض املراكــز الصغــرة مثــل الريصــاين وأرفــود‪.‬‬
‫بحيــث تعكــس هــذه القصائــد الــروح الدينيــة مبــا تفصــح عنــه مــن ابتهــاالت‬
‫وتوســات وأمــداح وتطلــع لزيــارة قــر النبــي الكريــم‪ .‬كــا تعــر عــن مشــاعر مل يعــد هــذا الفــن الرفيــع‪ ،‬الــذي أبدعــه الشــيوخ النظامــون واملــؤدون مــن الرجــال‪،‬‬
‫الحــب والتــودد للمــرأة ووصــف محاســنها والتســامي بصورتهــا ومكانتهــا املركزيــة حك ـرا عــى هــؤالء مــع موجــة انفتــاح املجتمــع وولــوج املــرأة للفضــاء العمومــي‬
‫يف األرسة واملجتمــع‪ .‬ومل يفــت شــاعر امللحــون (الناظــم) ان يتطــرق إىل تيــات مــن واقتحــام مجــاالت كانــت عنهــا مبعــدة‪ ،‬بحيــث اغتنــى منــذ مثانينيــات القــرن‬
‫قبيــل التمتــع بالحيــاة والطبيعــة واســتحضار موضــوع الخمــر‪ ،‬ولــو عــى مســتوى املــايض بعــدد مــن األصــوات النســائية التــي زادتــه بهــاء وجــاال ونفــاذا لقلــوب‬
‫املجــاز‪ ،‬وكــذا تيــات ذات طبيعــة اجتامعيــة تفــي إىل اســتخالص عــر ودروس املغاربــة (حيــاة بوخريــص وماجــدة اليحيــاوي وثريــا الحــراوي وليــى ملرينــي‬
‫كمثــال)‪ .‬وقــد لعبــت القنــوات التلفزيــة عــن طريــق نقــل الســهرات والحفــات‬ ‫ومــا ينبغــي صونــه مــن قيــم‪.‬‬
‫الغنائيــة دورا يف نــر هــذا الفــن وجعــل املغاربــة يتملكونــه بشــكل أكــر‪ ،‬مــا‬
‫لوحة ‪ : 1‬حفل بأكادميية اململكة املغربية لالحتفاء بهذا‬
‫ســمح بتجديــد القصيــدة امللحونيــة وانفتاحهــا عــى مواضيــع معــارصة‪.‬‬ ‫الرتاث املوسيقي األصيل‪.‬‬

‫يتضمــن فــن امللحــون عــدد مــن االيقاعــات نذكــر منهــا الحضــاري والدريدكــة‬
‫والكباحــي املتعلــق بالرسابــات‪ .‬وكفــن حــري‪ ،‬فقــد تأثــر امللحــون باملوســيقى‬
‫األندلســية مــن حيــث الطبــوع كالبيــايت ورمــل املايــة والحجــاز وأصبهــان والســيكة‬
‫وملرشقــي والرصــد (االســتهالل) انقــاب الرمــل‪ .‬ومــن حيــث اآلالت املوســيقية‬
‫املســتخدمة يف فــن امللحــون نجــد العــود والكــان والسوســدي والتعريجــة‪ .‬وقــد‬
‫تضــاف آلــة البنديــر وآلــة الدربوكــة إىل املجموعــة املوســيقية‪.‬‬

‫تظافــرت عــى بلــورة فــن امللحــون عــدة أجيــال مــن الشــيوخ الكبــار منهــم ‪ :‬مــوالي‬
‫الشــاد (القــرن ‪15‬م) وعبــد اللــه بنحســاين(ق‪15-16.‬م) وحــاد الحمــري (ق‪16 .‬م)‬
‫واملغــراوي (ق‪16-17.‬م) وســعيد التلمســاين(ق‪18.‬م) والجيــايل متــرد ومحمــد‬
‫النجــار وولــد الرزيــن وبنســليامن وولعمــري وســيدي قــدور العلمــي والتهامــي‬
‫املدغــري والكنــدوز ولغرابــي ومحمــد لحلــو واملوقــت ومحمــد بنعــي‪ ،‬وكلهــم مــن‬ ‫وال تقــل قصائــد امللحــون أهميــة عــن قصائــد الشــعر العــريب العمــودي‪ ،‬مــن حيــث‬
‫جيــل القــرن ‪19‬م‪ .‬ويف القــرن املــايض‪ ،‬هنــاك عــدد مــن الشــيوخ وشــعراء امللحــون‬ ‫الرتكيبــة والجامليــة االيقاعيــة والصــور الشــعرية وااليحــاءات اللغويــة وبديــع املعاين‬
‫الذيــن تربعــوا عــى عــرش امللحــون نذكــر مــن بينهــم عــى ســبيل املثــال ال الحــر‬ ‫واألمثــال ذات الفائــدة الرتبويــة‪ ،‬وغريهــا مــن مكونــات القصيــدة التــي تفنــن يف‬
‫الشــيخ الحســوين وبنمنصــور وأحمــد ســهوم وبوزبــع و الحســن التــواليل‪.‬‬ ‫نظمهــا عــدد مــن الشــيوخ الحكــاء الذيــن اســتطاعوا التطــرق إىل مواضيــع مــن‬
‫معيشــهم اليومــي وتجربتهــم االنســانية مــن داخــل مجتمعهــم وأحــداث عرصهــم‬
‫لوحة ‪ : 2‬الحاج الحسني التواليل رائد فن امللحون‪.‬‬ ‫وبذلــك نفــذوا إىل عقــول النــاس وأحاسيســهم فصــاروا يــرددون هــذه القصائــد‬
‫عــى مــر األجيــال‪ .‬لقــد اســتطاع فــن امللحــون أن يســتمر يف الوجــود ويصــل إلينــا‬
‫ونحــن أبنــاء عــر التكنولوجيــا الحديثــة‪ ،‬وبذلــك متكــن مــن أن يصــون دميومتــه‬
‫كـراث حــي موســوم باألصالــة املؤسســة للــروح املغربيــة‪.‬‬

‫اســتأثر فــن امللحــون منــذ القــرن املــايض باهتــام عــدد مــن الباحثــن املغاربــة‬
‫واألجانــب مثــل إمييــل درمنغيــم واملثقــف والوزيــر محمــد الفــايس الــذي جمــع‬
‫العديــد مــن قصائــد امللحــون وكتــب عنهــا‪ .‬ونســتحرض يف هــذا البــاب كتــاب'' مائة‬
‫قصيــدة وقصيــدة يف مائــة غانيــة وغانية'‘وقفطــان الحــب املنقــط بالهــوى''‪ .‬ويف‬
‫هــذا املقــام‪ ،‬البــد مــن ذكــر عميــد األدب املغــريب عبــاس الجـراري الــذي لــه بــاع‬
‫طويــل وعطــاء وفــر يف هــذا املوضــوع‪ ،‬والــذي جعلــه يحظــى باهتــام أكادمييــة‬
‫اململكــة وتقيــم لــه دورات وملتقيــات علميــة انخــرط فيهــا عــدد مــن املثقفــن‬
‫هــذا‪ ،‬وقــد خــاض فــن امللحــون يف عــدة أغــراض‪ ،‬وهــو بالتــايل ســجل حافــل‬ ‫املهتمــن بفــن امللحــون‪.‬‬
‫باملواضيــع املختلفــة‪ .‬ومــن القصائــد الشــهرية‪ :‬لوصايــة والســاقي والشــمعة وطامــو؛‬
‫وحــن نتحــدث عــن فــن امللحــون‪ ،‬فإننــا نقصــد بذلــك النظــم الشــعري املتجــي يف خلخــال عويشــة وســبحان اللــه ويــا لطــف اللــه واملرصيــة‪.‬‬
‫القصائــد‪ .‬كــا نقصــد فــن أداء هــذه القصائــد باعتبــار أنهــا قصائــد مغنــاة بطبــوع‬
‫ونغمــة خاصــة أعطــت للملحــون ميــزة اســتثنائية داخــل املنظومــة الغنائيــة ويبقــى فــن امللحــون فــن شــعبي مــن األدب الرفيــع الــذي البــد أن تتضافــر الجهــود‬
‫واملوســيقية املغربيــة‪ .‬ومــن خصائــص هــذا الفــن أيضــا‪ ،‬توظيفــه للــدارج املغــريب يف لصونــه ومتكــن الشــباب مــن تذوقــه واالســتلهام منــه كـراث ثقــايف وطنــي وعاملــي‪.‬‬
 ‫‪ZOOM‬‬
‫عبد العاطي لحلو‬
‫املعهــد الوطنــي لعلــوم اآلثــار‬
‫والــراث‪ ،‬الربــاط‬

‫امللحون تراث أديب شــعبي‬

‫يلج درجــة العاملية‬

‫متــى عــرت عــن رغبتهــا يف ذلــك‪ .‬فهــي ليســت مقيــدة ال بزمــان وال مبناســبة وال‬
‫بتغيــر وضعيــة‪ .‬وهــذا ميكــن اعتبــاره طفــرة حقوقيــة نوعيــة جعلــت الزوجــة‬
‫تســتفيد مــن حقهــا يف مؤخــر مهرهــا أثنــاء الحيــاة الزوجيــة‪ .‬خالفــا للعــرف الســائد‬
‫الــذي ال يبيــح لهــا املطالبــة بــه إال عنــد الفـراق مبــوت أو طــاق‪.‬‬
‫ويجــب كذلــك الوقــوف عنــد عبــارة "فــإن فعــل شــيئا مــن ذلــك فأمرهــا بيدهــا"‬
‫أي إذا أخــل الــزوج بالــروط‪ ،‬فالعصمــة تصبــح بيــد الزوجــة‪ .‬وهــذا مفهــوم‬
‫ضمنــي ملــا تؤكــد عليــه مدونــة األرسة الحاليــة بحــق "التمليــك " ‪ " : 2‬إ َذا َملَّــكَ‬
‫ـق‬ ‫الـ َّز ْو ُج َز ْو َج َتــهُ َحـ َّـق إِي َقــاعِ الطَّـ َـاقِ كَانَ لَ َهــا أَنْ ت َْسـ َت ْع ِم َل َهـ َذا الْ َحـ َّـق َعـ ْن طَرِيـ ِ‬
‫ـك‬‫وط ال َّت ْملِيـ ِ‬
‫ش ِ‬ ‫ـب إِ َل الْ َم ْحكَ َم ـ ِة (‪ )....‬تَ َتأَكَّــدُ الْ َم ْحكَ َم ـ ُة ِم ـ ْن تَ َو ُّف ـ ِر ُ ُ‬
‫تَ ْق ِديـ ِـم طَلَـ ٍ‬
‫ـن َوتُ َحــاو ُِل اإل ِْصـ َـا َح َب ْي َن ُهـ َـا (‪.3 ")....‬‬ ‫ـق َعلَ ْي َه َ ْ َ َّ ْ َ ْ ِ‬
‫ـ‬ ‫ج‬ ‫و‬‫ز‬ ‫ال‬ ‫ـن‬ ‫ـ‬ ‫ب‬ ‫ـا‬
‫ـ‬ ‫الْ ُم َّت َفـ ِ‬
‫ومســألة االش ـراط يف عقــد النــكاح بحثهــا العلــاء والفقهــاء يف كتبهــم‪ ،‬ووضعــوا‬
‫لهــا ضوابــط ورشوطــا حتــى تنفــذ وترتتــب عليهــا آثارهــا الرشعيــة‪ .‬وهــي مســألة‬
‫اختياريــة ورضائيــة بــن الزوجــن ال زالــت معمــول بهــا إىل يومنــا هــذا‪ .‬ولكــن مــن‬
‫النــادر أن نجــد عقــدا يتضمــن رشوطــا‪ ،‬ألن الثقافــة املغربيــة والتقاليــد والعــادات‬
‫املوروثــة تجعــل األرس تعتقــد أن وضــع رشوط لهــا عالقــة باملــال أو بعــدم التعــدد‬
‫أو غــر ذلــك فيــه إخــال بحرمــة الــزواج وقدســيته وفيــه زرع لســوء النيــة وعــدم‬
‫الثقــة بــن الزوجــن وأحيانــا قــد يوحــي بــيء مــن التطــر‪ ،‬وهــذا مــا يحــرص عــى‬
‫تجنبــه املقبلــون عــى الــزواج عنــد توثيــق عقودهــم‪.‬‬
‫مهرهــا إال عنــد مــوت الــزوج أو عنــد وقــوع الطــاق‪ .‬ففــي الطــاق يكــون مؤخــر‬
‫الهوامش‬
‫‪- 1‬كيفيــة حســاب مؤخــر الصــداق ‪-‬مقــال منشــور عــى صفحــة "موقــع موضــوع" بقلــم إينــاس‬
‫مســلم‪ ،‬ينايــر ‪.2023‬‬
‫‪ - 2‬التمليك هو أن يعطي الزوج لزوجته أو غريها الحق يف إيقاع الطالق فتسمى بامل ُ َملَّكَة‪.‬‬
‫‪ - 3‬املادة ‪ 89‬من مد ّونة األرسة الصادرة يف ‪ 05‬فرباير ‪.2004‬‬
‫‪118‬‬
‫حــرر هــذا املخطــوط ســنة ‪ 1302‬هجريــة‪ ،‬وبذلــك يكــون عمــره يناهــز قرنــا‬
‫ونصــف قــرن مــن الزمــن‪ .‬وهــو عبــارة عــن عقــد أبــرم بــن امل َُسـ َّميَ ْي بريــك بــن‬
‫محمــد املحــاوي وآمنــة بنــت الســيد أحمــد أشــتوك‪ .‬ويتضمــن العقــد بنديــن‬
‫رئيســن‪ :‬األول يحــدد مبلــغ الصــداق الــذي هــو يف ذمــة الــزوج (‪ 25‬ريــال فضيــة)‪،‬‬
‫والثــاين يحــدد رشوط الزوجــة عــى الــزوج والتــي تتمثــل يف وجــوب أداء مؤخــر‬
‫الصــداق متــى ارتــأت الزوجــة ذلــك‪ ،‬ورشط عــدم التعــدد‪ ،‬وكذلــك رشط عــدم‬
‫غيــاب الــزوج عــن البيــت ألكــر مــن ثالثــة أشــهر‪ .‬وإذا تــرف الــزوج عكــس هــذه‬
‫الــروط "يصبــح أمــر الزوجــة بيدهــا" أي حــق إيقــاع الطــاق‪.‬‬
‫واملالحــظ أنــه عــى الرغــم مــن كــون األعـراف األمازيغيــة تقــر تعــدد الزوجــات‪،‬‬
‫وتتقبلــه لكونــه حكــا رشعيــا ثابتــا بنــص القــرآن والســنة‪ ،‬فإنهــا منحــت‪ ،‬ومنــذ‬
‫القــدم‪ ،‬الحــق للمــرأة يف أن تشــرط‪ ،‬يف عقــد الــزواج‪ ،‬عــى زوجهــا أال يتــزوج‬
‫عليهــا‪ .‬وكذلــك الحــق يف أن تشــرط عليــه أال يغيــب عــن بيــت الزوجيــة ألكــر‬
‫مــن ثالثــة أشــهر‪ .‬ويف هــذا داللــة واضحــة عــى مكانــة املــرأة األمازيغيــة باملغــرب‬
‫وحــرص املجتمــع الســويس عــى اح ـرام حقوقهــا كزوجــة‪.‬‬
‫ومــا يثــر االنتبــاه كذلــك يف هــذا العقــد‪ ،‬هــو رشط "وجــوب أداء مؤخــر الصــداق‬
‫متــى ارتــأت الزوجــة ذلــك"‪ .‬فاملعــروف أن مؤخــر الصــداق مبلــغ يثبــت يف عقــد‬
‫الــزواج ويتعلــق بذمــة الــزوج لفائــدة زوجتــه‪ ،1‬وجــرت العــادة أن يقيــد يف العقــد‬
‫مؤخــر الصــداق دون تحديــد زمــن تســليمه‪ .‬وال تتــرف املــرأة يف املؤجــل مــن‬
‫الصــداق مــن أول الحقــوق املاليــة التــي تســتحقها املطلقــة‪ ،‬ثــم تــأيت بعــده باقــي‬
‫الحقــوق كاملتعــة ونفقــة العــدة وأجــرة الحضانــة إذا كان لديهــا أبنــاء صغــار‪ .‬ويف‬
‫الوفــاة تأخــذ املــرأة مؤخــر صداقهــا مــن الرتكــة قبــل تنفيــذ الوصيــة‪ ،‬إذا كانــت‬
‫هنــاك وصيــة‪ ،‬وقبــل تقســيم املـراث‪ .‬لكــن وردت يف هــذا املخطــوط عبــارة "متــى‬
‫ارتــأت ذلــك" أي أن الزوجــة األمازيغيــة لهــا الحــق يف املطالبــة مبؤخــر الصــداق‬
 ‫‪MUSÉES ET EXPOSITIONS‬‬
‫أمامة القصار‬
‫باحثة يف اإلثنولوجيا‬

‫توثيق الرشوط يف عقد الزواج‬

‫مخطــوط عقــد الــزواج املحفــوظ مبتحــف‬
‫الذاكــرة القضائيــة بتارودانــت منوذجــا‬
‫حــرص املجتمــع املغــريب منــذ القــدم عــى حاميــة‬
‫حقــوق الزوجــة‪ ،‬مســتنريا يف ذلــك بضوابــط الرشيعــة‬
‫اإلســامية واألحــكام الفقهيــة العمليــة‪ ،‬دون املســاس‬
‫بأســس الديــن ونصوصــه القطعيــة‪ .‬وقــد ســجلت‬
‫كتــب النــوازل يف املغــرب تراثــا فقهيــا ضخــا وغنيــا‬
‫يؤكــد هــذه الحقيقــة‪ ،‬حيــث تنعكــس فيــا أصــدره‬
‫قضــاة البــاد مــن أحــكام وأبرمــوه مــن عقــود‬
‫وســطروه مــن فتــاوى‪ .‬ويف هــذا الســياق‪ ،‬ميكــن‬
‫اعتبــار مخطــوط "عقــد زواج بــروط"‪ ،‬تحفــة نــادرة‬
‫مــن نــوادر "متحــف الذاكــرة القضائيــة"‪ ،‬التابــع‬
‫للمحكمــة االبتدائيــة بتارودانــت‪.‬‬

‫عقد زواج مرشوط عمره يناهز قرنا ونصف القرن موجود‬

‫يف متحف الذاكرة القضائية © أحمد أوموس‪2023 ،‬‬
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