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Mohamed Sellami
Ecole des Dirigeants et Createurs d'entreprise
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All content following this page was uploaded by Sana Saidi on 30 November 2020.
Gérard CAZABAT3
Simona GRAMA-VIGOUROUX4
Sana SAIDI5
Mohamed SELLAMI6
Résumé
La présente étude examine les facteurs quantitatifs et qualitatifs
qui influencent la solvabilité des bénéficiaires de microcrédit
notamment chez les hommes et femmes en France. Nous nous
intéressons à trois catégories de facteurs liés au bénéficiaire
de microcrédit, à son projet et à l’institution de microfinance.
Nous étudions l’impact de ces facteurs sur la solvabilité auprès
de 222 femmes et 468 hommes bénéficiaires de microcrédit.
Il en ressort que la situation familiale constitue un facteur
de solvabilité distinctif chez les femmes bénéficiaires de
microcrédit tandis que la motivation entrepreneuriale l’est
davantage chez leurs homologues masculins. Nos résultats
montrent que les projets lancés dans le domaine commercial
influencent la solvabilité chez les femmes, alors que les projets
e1t. artCicle a fait l ’objet d’une communication au 11 e Congrès AEI, Montepellier, 2019.
2. La version en anglais de cet article portant le nom de « Factors inf luencing the solvency
of men and women in French Microfinance Institutions. The case of Initiative France » a fait l
’objet d’une communication lors de la conférence 2018 TSFS Conference, 14-15 Décembre,
2018, Sousse, Tunisia (http ://www.tsfs.tn/tsfs-2018/index.php).
3. Gérard CAZABAT : Enseignant-chercheur, EDC Paris Business School –
gerard.cazabat@edcparis.edu
4. Simona GR AMA-VIGOUROUX : Enseignant-chercheur, SCBS Troyes –
simona.grama@yschools.fr
5. Sana SAIDI : Enseignant-chercheur, SCBS Troyes – sana.saidi@yschools.fr
6. Mohamed SELLAMI : Enseignant-chercheur, EDC Paris Business School –
mohamed.sellami@edcparis.edu
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N°115 - Février 2020
Abstract
This study examines the quantitative and qualitative factors
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Introduction
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Microcrédit en France : femmes et hommes face à la solvabilité
Plusieurs études ont été concentrées sur des facteurs quantitatifs (e.g., le mon-
tant du prêt, le nombre de mensualités, le nombre des prêts reçus dans un
temps donné, etc.) pour expliquer l’insolvabilité des bénéficiaires de microcrédit
(Trabelsi et Chichti, 2011). Cependant, ces données quantitatives ne peuvent
être considérées comme les seuls critères permettant d’expliquer le défaut de
remboursement. D’autres facteurs de nature plutôt qualitative sont impliqués
comme déterminants de la solvabilité des bénéficiaires de microcrédit (Berger
et Udell, 2002). Actuellement, il existe relativement peu de connaissances sur les
© Management Prospective Editions - Ne pas diffuser
Pour pallier les limites des recherches précédentes, l’objectif de cet article est
d’identifier les différences selon les genres, entre les facteurs qualitatifs et quan-
titatifs qui impactent la solvabilité des bénéficiaires de microcrédit en France.
Notre travail se fonde sur une enquête nationale menée par Initiative France
auprès des bénéficiaires de microcrédit. Une première partie mettra en avant
la théorie de l’asymétrie de l’information comme cadre théorique central de
notre travail. La deuxième partie explorera les facteurs qui peuvent influencer
la solvabilité des femmes et des hommes bénéficiaires de microcrédit, ainsi que
les hypothèses de recherche qui en découlent. Une troisième partie décrira la
méthodologie de notre étude. La quatrième partie présentera les résultats avec
une comparaison entre les facteurs impliquant la solvabilité chez les hommes
et les femmes bénéficiaires de microcrédit. Enfin, nous discuterons les résultats
et leurs implications tant d’un point de vue théorique que pratique.
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Pour diminuer les problèmes de sélection adverse et aléa moral, les IMF re-
courent souvent à de multiples mécanismes. Il s’agit entre autre des prêts
de groupe basés sur la caution solidaire (Lanha, 2004), du contrat de dette
standard et individuel (Lanha, 2004), des facteurs culturels (Lanha, 2004) et
de la méthode de Credit-Scoring permettant de signaler la pré-défaillance des
bénéficiaires de microcrédit. Pour nombre d’auteurs (Kwitko, 1999, cité par
Montreuil Carmona et Araújo, 2011 ; Bruett et al., 2005 ; Trabelsi et Chichti,
2011), la méthode de Credit-Scoring appliquée aux IMF pallie les problèmes
d’asymétrie d’information.
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Microcrédit en France : femmes et hommes face à la solvabilité
Comme évoqué dans les études précédentes, les IMF recourent à deux types
de facteurs pour gérer l’asymétrie des informations : des facteurs quantitatifs
(scoring, grilles de notation) reposant sur des données chiffrées de nature
financière et des facteurs qualitatifs, fondés sur des données humaines et sur
la qualité intrinsèque d’un projet. Des études démontrent que les facteurs
qualitatifs ont un poids de plus en plus important sur la solvabilité des béné-
ficiaires de microcrédit (Berger et Udell, 2002). Ces facteurs quantitatifs et
qualitatifs correspondent à trois catégories liées d’une part au bénéficiaire de
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microcrédit, d’autre part à son projet et, enfin, à l’institution de microcrédit elle-
même (Rahman, 1999 ; Montalieu, 2002 ; Guérin et al., 2009). Ils apparaissent
comme essentiels pour diminuer l’asymétrie d’information et impacter sur la
solvabilité des bénéficiaires de microcrédit. Dans les études précédentes, ces
facteurs étaient souvent associés à la décision d’octroi de microcrédit (Trabelsi
et Chichti, 2011), aux risques pour les IMF (Bruett et al., 2005) et peu à la
solvabilité. De plus, nous avons aussi peu d’information sur le lien entre le
genre des bénéficiaires de microcrédit et leur solvabilité. Nous étudierons
donc successivement la manière dont ces facteurs impactent la solvabilité des
femmes et des hommes bénéficiaires de microcrédit.
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Outre le niveau scolaire, l’expérience professionnelle peut faire naître une moti-
vation supplémentaire pour lancer une activité entrepreneuriale. La motivation
constitue en effet un élément central pour le succès de la nouvelle entreprise
(Bourlès et Cozarenco, 2017). Deux types de facteurs motivationnels ont ainsi
pu être identifiés : ceux de type push et ceux de type pull (Ismail et al., 2012). La
motivation de type push est souvent déclenchée quand une personne ne se sent
plus valorisée au travail ou quand elle se retrouve au chômage dans la période
précédant la création de l’entreprise (McMullen et al., 2008). La motivation de
type pull est plutôt liée à un besoin d’accomplissement qui se trouve satisfait à
travers l’activité entrepreneuriale (Gilad et Levine, 1986 ; Schjoedt et Shaver,
2007). Certaines études montrent que les raisons des femmes à entreprendre
seraient plutôt liées à une motivation de type pull par rapport à leurs homo-
logues masculins qui sont plutôt stimulés par une motivation de type push
(Carrier et al., 2006). D’autres travaux montrent que les femmes ont besoin
d’une motivation plus forte que les hommes pour initier un projet (Birley et
al., 1989). En France, les femmes ont recours à la microfinance quand elle se
trouvent notamment en situation de chômage (Guérin, 2002).
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Microcrédit en France : femmes et hommes face à la solvabilité
maris (Guérin et al., 2009). Par exemple, au Bangladesh, les femmes peuvent
travailler à l’extérieur de la maison, à condition que leurs maris contrôlent leurs
revenus. Certains constats montrent qu’une part parfois importante (jusqu’à
63 %) des femmes bénéficiaires de microcrédit ne gèrent pas effectivement
leur microcrédit à cause de ces éléments intrafamiliaux (Guérin et al., 2009).
L’âge moyen des femmes démarrant une activité entrepreneuriale oscille le
plus souvent entre 25 et 34 ans (Constantinidis et al., 2006). D’autres études
ont montré que les hommes qui se lancent dans l’entrepreneuriat sont plus
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âgés que les femmes (Robb et Wolken, 2002). Les recherches évoquées pré-
cédemment attestent qu’il existe un lien étroit entre les qualités personnelles
des bénéficiaires de microcrédit et le démarrage, mais aussi l’échec et le suc-
cès d’une activité entrepreneuriale (Robb et Wolken, 2002). D’autres auteurs
montrent aussi qu’il y a un lien entre le succès de l’entreprise et la solvabilité
(Shepherd, 2003 ; Mellahi et Wilkinson, 2004, Smida et Khelil, 2010 ; Khelil et
al., 2012). Nous supposons ainsi que :
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plus innovants que les hommes (St-Cyr, 2002). Donc, si, le projet s’avère trop
innovant et n’arrive pas à développer une clientèle suffisante (Asli, 2013), les
femmes bénéficiaires de microcrédit rencontrent des difficultés à le solvabiliser.
La taille des entreprises gérées par les femmes est, en général, moins importante
que celles dirigées par des hommes (Constantinidis et al., 2006). En termes d’âge
de l’entreprise, les travaux de recherche montrent que les femmes conduisent
des projets d’une longévité inférieure à ceux portés par leurs homologues
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Les études existantes soulignent le fait que les caractéristiques des entre-
prises peuvent varier en fonction du genre du bénéficiaire de microcrédit
(Constantinidis et al., 2006). Ces caractéristiques n’étaient cependant pas liées
précédemment de façon directe à la solvabilité, mais nous considérons qu’elles
pourraient exercer une influence réelle sur celle-ci. Nous supposons ainsi que :
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Microcrédit en France : femmes et hommes face à la solvabilité
Comme nous avons peu de preuves sur les différences hommes et femmes béné-
ficiaires de microcrédit en France en termes d’accompagnement par les IMF et
comme les études précédentes sur les pays en développement démontrent que
les IMF accordent davantage leur confiance à une clientèle féminine (Guérin et
al., 2009 ; Montalieu, 2002 ; Rahman, 1999), nous pouvons donc supposer que :
3. Méthodologie
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Néanmoins, les IMF non bancaires ont une place centrale dans l’accompagne-
ment des microemprunteurs. Elles se caractérisent par certaines spécificités
prescrites par Yunus en 2007 : souplesse administrative, services de proximité
et vocation sociale (Delaite et Poirot, 2013). Il s’agit d’entités indépendantes
sous forme d’une association ou fondation. Ces institutions mènent des activités
financières autres que les opérations bancaires traditionnelles. Elles visent
des clients particulièrement démunis dont les dossiers ont été généralement
refusés par les banques.
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Microcrédit en France : femmes et hommes face à la solvabilité
Selon le genre, nous nous intéressons, dans le cadre de ce travail, aux déter-
minants qualitatifs et quantitatifs de la solvabilité des microcrédits profes-
sionnels accordés par les IMF non bancaires en nous nous basons sur le cas
d’Initiative France.
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Microcrédit en France : femmes et hommes face à la solvabilité
4. Résultats
Le but de notre étude est d’identifier les différences selon les genres, entre les
facteurs qui influencent la solvabilité des bénéficiaires de microcrédit. De façon
générale, nous avons détecté, au sein de notre échantillon, l’existence de diffé-
rences entre les hommes et les femmes bénéficiaires de microcrédit en termes
de solvabilité. Le test de Khi-deux, significatif au seuil de 5 %, montre qu’il est
important de scinder notre échantillon en fonction du genre des bénéficiaires
de microcrédit pour définir les différents déterminants de la solvabilité.
Genre
Femme Homme
Non solvable 104 46,8 % 206 44 %
Solvabilité
Solvable 118 53,2 % 262 56 %
Valeur du test de Khi-deux = 8,205 **
***, **, * : respectivement significatif aux seuils de 1 %, 5 % et 10 %, ns : non
significatif
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du
q ese d2e8m
,7a%
ndeurs de microcrédit sont titulaires de diplômes de l’en -
seignement supérieur. Le nombre de femmes (72,5 %) qui ne disposent pas de
diplômes universitaires est supérieur à celui des bénéficiaires de microcrédit
masculins (70,7 %). Les résultats indiquent que seulement 45,9 % des béné-
ficiaires de microcrédit sont des salariés alors que 54,1 % sont au chômage.
Ce résultat reflète le fait que les bénéficiaires de microcrédit décident majori-
tairement d’entreprendre en raison de facteurs motivationnels de type push.
Cet aspect est caractéristique chez 56 % des hommes et chez seulement 50 %
des femmes bénéficiaires de microcrédit. Notre échantillon présente 41,4 %
de femmes mariées et pacsées et 36,9 % de femmes séparées et divorcées. Ces
chiffres sont plus faibles pour les hommes pour qui le nombre de célibataires
(34,4 %) dépasse celui des femmes (21,6 %).
L’âge moyen des créateurs d’entreprises est de 37 ans (voir Tableau 3). L’analyse
descriptive révèle que l’âge des emprunteurs est supérieur ou égal à 21 ans,
mais qu’il ne dépasse pas 65 ans. Ce résultat est confirmé par l’écart-type
qui s’élève à 8,397. Par ailleurs, il ressort de l’analyse que les femmes bénéfi-
ciaires de microcrédit sont âgées de 21 à 65 ans tandis que les bénéficiaires
de microcrédit masculins sont situés dans une tranche d’âge légèrement plus
réduite (entre 20 et 59 ans). Le Tableau 4 indique que 67,8 % des porteurs de
projets sont masculins. Il n’existe donc pas de parité entre femmes et hommes
en matière d’emprunt de microcrédit au niveau du réseau associatif examiné.
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Microcrédit en France : femmes et hommes face à la solvabilité
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Nous avons ainsi trois modèles de régression : un modèle qui concerne la solva-
bilité de la totalité de l’échantillon (n = 690), le deuxième qui ne concerne que
la solvabilité des femmes bénéficiaires de microcrédit (n = 222) et un troisième
modèle qui, lui, est lié à la solvabilité des hommes bénéficiaires de microcrédit
(n = 468). À chaque fois, ces modèles sont scindés en trois sous-modèles cor-
respondant aux trois secteurs d’activité considérés, à savoir la construction,
l’industrie et le transport d’une part, le commerce d’autre part et enfin les
services. Les résultats de nos régressions sont résumés dans le Tableau 6.
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Les tests de spécification des modèles, Khi-deux, compris entre 15,006 (p≤0.10)
et 22,932 (p≤0.01), montrent que la relation entre la solvabilité des emprunteurs
de microcrédits et ses déterminants est interprétable. La valeur du pseudo R²
montre une variance expliquée réduite des caractéristiques de la solvabilité. Elle
est comprise entre 32,7 % et 33,4 % pour la totalité de l’échantillon (n = 690).
Néanmoins, le pouvoir explicatif de la solvabilité est plus élevé chez les femmes
(entre 25,1 % et 27,1 %) que chez les hommes (entre 22 % et 24,7 %).
Les résultats indiquent que notre première hypothèse (H1) est en partie validée.
Nous pouvons observer à quel point le diplôme est déterminant, tant pour les
hommes que pour les femmes, pour assurer leur solvabilité. La motivation, à
l’origine du démarrage d’un projet entrepreneurial, joue un rôle important
pour pallier le défaut de solvabilité plus spécialement chez les hommes. Côté
féminin, c’est la situation familiale qui exerce un impact significatif sur la sol-
vabilité des emprunteuses. En revanche, l’âge n’a pas un impact significatif
sur la solvabilité.
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Microcrédit en France : femmes et hommes face à la solvabilité
Solvabilité globale Solvabilité chez les femmes Solvabilité chez les hommes
(n = 690) (n = 222) (n = 468)
Modèle Modèle Modèle Modèle Modèle Modèle Modèle Modèle Modèle
1 2 3 1 2 3 1 2 3
Pseudo-R²
0,336 0,344 0,327 0,271 0,267 0,251 0,237 0,22 0,247
R2
Classement 64,40 % 65,10 % 56,30 % 61,40 % 60,70 % 60,30 % 54,80 % 55,70 % 56,30 %
DIPL désigne le diplôme ; MOTIV désigne la motivation entrepreneuriale ; SITFAM désigne la situation
familiale ; AGE désigne l’âge ; GENR désigne le genre du bénéficiaire de microcrédit ; CONSECT désigne
le secteur de construction, transports, industriel et autres ; COMSECT désigne le secteur commercial ;
SERSECT désigne le secteur de services à la personne ; EFFE désigne l’effectif ; PROINN désigne le projet
innovant ; MOAL désigne les moyens alloués et MACC désigne la durée d’accompagnement.
Notre troisième hypothèse (H3) n’est pas validée du fait d’absence de diffé-
rences entre les hommes et les femmes en termes de solvabilité déterminée par
les caractéristiques de l’IMF. En revanche, les moyens alloués par l’institution
de microcrédit ainsi que le nombre de mois d’accompagnement déterminent
de façon significative ladite solvabilité. Nos résultats sont résumés dans le
Tableau 6 et discutés dans la section suivante.
5. Discussion et conclusion
L’objectif de cet article est d’analyser les différences selon les genres, entre
les facteurs qui impactent la solvabilité des bénéficiaires de microcrédit. Nous
nous sommes focalisés sur trois catégories de facteurs qui peuvent affecter la
solvabilité et qui sont liées au bénéficiaire de microcrédit, à son projet et à l’IMF.
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plus solvables que les hommes (Montalieu, 2002). Ces résultats sont confortés
par la littérature (Lynch, 2003) qui montre que les femmes divorcées, du fait
d’une plus grande autonomie, peuvent mener à bien leur projet. De plus, le
divorce pousse la femme à entreprendre.
Toujours du côté de la gente féminine, les projets portés par les femmes en
France se révèlent souvent plus solvables dans le domaine du commerce. Ces
résultats confirment les conclusions des études précédentes dans les pays en
développement qui remarquent que les femmes bénéficiaires de microcrédit
se lancent plutôt dans des domaines comme la santé, le commerce et l’ensei-
gnement (Ekpe et al., 2011). Dans ces secteurs, les femmes semblent pouvoir
s’adapter plus facilement, en développant les compétences nécessaires à la
réussite de leur activité (Ekpe et al., 2011). Le degré d’innovation du projet
influence aussi de façon significative la solvabilité notamment chez les femmes
bénéficiaires de microcrédit en France. Ce résultat est en accord avec ce qui a
été mis en avant par les études précédentes, en montrant que les femmes sont
plus innovantes que les hommes et qu’elles ont un goût du risque plus prononcé
(St Cyr, 2002 ; Robb and Wolken, 2002). Ce résultat s’ajoute à une série d’études
attestant d’un lien entre l’innovation et la réussite entrepreneuriale (Haddad,
2013). La contrepartie, relevée au travers de plusieurs études, réside en cela
que les projets innovants sont source de risques accrus, comme par exemple
le risque technologique, lié à l’acceptation de l’innovation sur le marché en
raison de son degré de nouveauté ou encore le risque commercial, lié, lui, au
lancement d’un produit/service innovant sur le marché et qui peut se heurter
à une adoption limitée des clients ou à une forte concurrence (Asli, 2013).
En outre, un projet innovant demande souvent davantage de ressources, une
meilleure connaissance vis-à-vis des nouvelles technologies et des difficultés
pour développer et commercialiser le produit (Haddad, 2013). Cependant,
Guérin et al. (2007) remarquent entre autres que les projets innovants au sein
du domaine de la microfinance restent assez limités.
Concernant les hommes, nos résultats montrent qu’en France les facteurs
motivationnels de type push déterminent assez fortement leur solvabilité. Ce
facteur n’est, en revanche, pas significatif chez leurs homologues féminines.
Ces données confirment les conclusions des recherches précédentes, attestant
des différences entre hommes et femmes, les premiers étant motivés princi-
palement par des facteurs de type push tandis que les secondes sont plutôt
animées par des facteurs motivationnels de type pull (Giacomin et al., 2011 ;
Hughes, 2003 ; Buttner et Moore, 1997). Les facteurs motivationnels de type
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Microcrédit en France : femmes et hommes face à la solvabilité
A contrario des femmes, les hommes se révèlent en France plus solvables dans
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Le montant alloué et l’accompagnement offert par les IMF, notamment par IF,
affectent, eux, de façon positive la solvabilité du bénéficiaire de microcrédit.
Ces résultats confirment les constats des études précédentes qui montrent qu’il
existe un lien entre l’accompagnement dispensé par les IMF et la réussite du
projet. Par contre, nous remarquons dans notre échantillon, que les femmes
ont eu accès à des montants plus élevés de microcrédits ; elles ont aussi béné-
ficié de plus de temps d’accompagnement (voir Tableaux 1 et 2). Ces résultats
confirment ainsi les recherches précédentes dans les pays en développement
qui indiquent que les IMF préfèrent la clientèle féminine et tendent à créer
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des programmes plus spécifiques pour les besoins des femmes bénéficiaires
de microcrédit (Montalieu, 2002 ; Guérin et al., 2009 ; D’espallier et al., 2011).
Nous avons observé que l’âge et la taille du projet n’affectent pas la solvabilité
des bénéficiaires de microcrédit.
Notre article apporte des contributions tant sur le plan théorique que managé-
rial. Sur le plan théorique, nous apportons des compléments dans le cadre de
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Notre étude a des implications managériales tant pour les responsables des
institutions de microcrédit que pour les bénéficiaires de ce type de financement.
Nos résultats peuvent encourager les femmes bénéficiaires à se lancer dans
l’aventure entrepreneuriale, les IMF ayant déjà tendance, comme nous l’avons
évoqué, à privilégier la clientèle féminine (Guérin et al., 2009 ; D’espallier et al.,
2011). Pour les responsables des IMF, plusieurs actions sont à mettre en place
pour pallier les problèmes liés au défaut de remboursement de leurs clients.
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Microcrédit en France : femmes et hommes face à la solvabilité
Notre recherche est toutefois limitée en cela notamment que nous nous sommes
focalisés sur le cas de IF. D’autres études qui porteraient sur plusieurs IMF en
France sont en effet nécessaires, afin de détailler les facteurs restreignant la
solvabilité des bénéficiaires masculins et féminins de microcrédit. De même,
la base de données qui a servi à nos analyses ayant été collectée par le biais
de IF, nous nous sommes limités aux traitements statistiques de ces seules va-
riables. D’autres variables pourraient être étudiées dans le cadre de recherches
futures, comme par exemple, l’aversion face aux risques des bénéficiaires de
microcrédit ou la structure organisationnelle propre au projet entrepreneurial
(Constantinidis et al., 2006). Ces limites établies, notre recherche affine l’image
du phénomène du microcrédit en France et met en avant surtout les facteurs qui
influencent la solvabilité des hommes et femmes bénéficiaires de microcrédit.
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