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Analyse linéaire Jean Luc Lagarce, Juste la fin du monde, scène 3, Partie I

Equipe composée de : Adam Bellaïche, Théodore Chevalier, Quentin


Dissard, Samuel Le Goas Sananes, Teddy Rame, Lou-Anne Soirat, Andrea
Testa et Margot Vaclin.

Une scène théâtrale est souvent l'endroit de crises. Le théâtre classique


puis romantique confrontent volontiers, à travers un conflit de l’individu,
une crise amoureuse et une crise politique. La modernité situe au centre
des préoccupations un nouvel objet, la famille : celle-ci s’avère être un
champ de résonances, sensible et complexe, provoquant ou amplifiant la
crise de l’individu. Un renouveau formel accompagne ces mutations des
thèmes : au XXe siècle les pièces ne suivent plus les règles de la tragédie
classique, mais n'en comportent pas moins d'éléments propres à la
tragédie grecque.
Le dramaturge, metteur en scène et comédien Jean-Luc Lagarce,
plus reconnu aujourd’hui que de son vivant, s'inscrit dans cet héritage. Il le
laisse transparaître dès le titre de sa pièce Juste la fin du monde (créée en
1990), une affirmation du tragique, à savoir le thème de la disparition
radicale. L’expression familière c’est / ce n’est pas la fin du monde renvoie
non pas à l’apocalypse, mais à une situation personnelle, à une sorte
d’apocalypse privée, que module ironiquement l’adjectif converti en
adverbe juste. C’est celle du personnage principal, Louis, atteint d'une
grave maladie tout comme Jean-Louis Lagarce, malade du sida au moment
de l'écriture de la pièce. Louis entreprend de retourner voir sa famille pour
leur annoncer sa mort, aveu que finalement il ne fera pas. Cette visite met
au jour la crise personnelle de chacun , et celle de la famille. La pièce est
composée de deux Parties que sépare un Intermède (allusion Malade
Imaginaire), avec un Prologue et un Épilogue. Elle affirme cette situation
crise dans l’économie même de la parole théâtrale : le texte comporte très
peu de dialogues ; chaque membre de la famille s’adresse une fois à Louis
dans une tirade-fleuve ; mais il n’y a pas une seule tirade de Louis,
seulement trois monologues adressés au spectateur et à lui-même. La
pièce est donc marquée par le silence et le retrait du personnage
principal, que tout le monde interpelle et sollicite.
C’est ce que fait sa sœur cadette Suzanne dans la scène 3 de la
première partie de la pièce. Notre extrait se situe vers la fin de sa tirade,
qui ressemble à un soliloque tant le silence du frère est radical. On y
trouve un reproche confus, teinté de souffrance, que Suzanne adresse à
Louis. Nous chercherons à savoir en quoi cet extrait trahit la complexité du
rapport entre la sœur cadette restée célibataire et le frère absent.
Nous suivrons l'organisation du texte en 2 parties, séparées à la
ligne 26, elles-mêmes symétriquement composées de 2 séquences,
courte-longue puis longue-courte. La première partie fait émerger la figure
d’un frère écrivain avare en écriture, et la deuxième développe un
personnage féminin en défaut d'émancipation.

I. Un frère écrivain avare en écriture.

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