Vous êtes sur la page 1sur 11

Didactique 2 - Les méthodologies d’enseignement d’une langue étrangère

Enseignante : Danielle Omer Chapitre 5

LES NIVEAUX-SEUIL ET LES FONCTIONS


COMMUNICATIVES
Ainsi que nous l'avons vu dans la séance précédente le français fondamental,
qui a été à l'origine de nombreux échantillons de langue dans les méthodes audio-
visuelles, est le résultat croisé issu à la fois d'un point de vue moderne et novateur
et d'un point de vue traditionnel sur l'apprentissage d'une langue étrangère.
Pour la première fois le français oral devenait l'objet d'une enquête
approfondie et constituait un matériau pour l'apprentissage; on reconnaissait
également qu'une compétence limitée en langue étrangère peut représenter un
objectif intermédiaire d'apprentissage.
Néanmoins la conception de l'enseignement et de l'apprentissage d'une
langue étrangère reposait toujours sur la connaissance de la grammaire et du
vocabulaire. L'apprenant devait avant tout savoir un certain nombre de règles de
grammaire avant de parvenir à une maîtrise véritablement satisfaisante de la langue
étrangère; l'enseignant avait pour tâche de lui faciliter le parcours. La langue était
considérée comme un ensemble également commun et nécessaire à tout locuteur;
elle ne pouvait être fractionnée selon les besoins de chacun.
Cette conception traditionnelle est remise en cause dans les années
soixante-dix avec l'élaboration de ce qui s'appela en français Un niveau-seuil.

Le niveau-seuil : définition
Ce que l'on a appelé en français un niveau-seuil n'est que la partie française
d'un projet conçu à l'échelle européenne. Ce projet a commencé à être ébauché en
1971 sous l'autorité du Conseil de l'Europe pour promouvoir l'apprentissage des
langues vivantes européennes par les adultes résidant et/ou se déplaçant en
Europe.
Des experts se sont réunis pour savoir sur quels principes et comment, par
des systèmes multi-média notamment, les adultes ayant des besoins en LE
pourraient acquérir sous forme d'unités capitalisables (cf. infra pour l'explication de
cette conception) et “en fonction de leurs besoins et de leurs objectifs propres une
pratique efficace et adéquate de la LE” (Un niveau-seuil : 1976 : 1).

1/1
Didactique 2 - Les méthodologies d’enseignement d’une langue étrangère
Enseignante : Danielle Omer Chapitre 5

Le niveau-seuil français faite suite au Threshold level anglais, lequel fut la


première réalisation du projet; le Threshold level a été conçu pour l'apprentissage de
l'anglais. En français le choix du terme “seuil” pour déterminer un “niveau”
d'apprentissage est évidemment significatif. “Le niveau-seuil occupe [...] une position
clé dans l'apprentissage des langues vivantes, mais il n'en constitue nullement
l'aboutissement ultime. Il s'insère dans un système global et cohérent d'objectifs
[...] qui vont de cibles à la portée du débutant complet jusqu'à celles qui se
confondent presque avec la compétence d'un 'natif'.”(Un niveau-seuil : 1976 : iv).
Pour les auteurs du Niveau-seuil, il était important de déterminer des objectifs
d'apprentissage qui permettent à l'apprenant de pouvoir avoir des échanges avec un
certain nombre de natifs de la langue-cible qui soient satisfaisants sur le plan
fonctionnel comme sur le plan humain. Par exemple, lorsqu'un apprenant est amené
à parler avec un “fonctionnaire d'un service donné” ou avec un “commerçant” etc. il
faut non seulement que les deux interlocuteurs puissent se reconnaître et se
comprendre mais aussi que l'échange soit psychologiquement et culturellement
acceptable et ne se limite pas à une compréhension / expression minimales et
décontextualisées.
En d'autres termes, le Niveau-seuil a été conçu pour un grand nombre de
personnes qui veulent ou doivent acquérir les connaissances langagières
nécessaires pour être à même d'établir des contacts sociaux et de dialoguer sur des
sujets quotidiens et ordinaires avec les francophones qu'elles rencontrent et pour
pouvoir se déplacer et mener une vie sociale à peu près normale dans une zone
francophone de l'Europe.

Les fondements théoriques du Niveau-seuil


La notion d'acte de parole
Parmi les notions qui constituent les fondements théoriques sur lesquels le
Niveau-seuil a été élaboré, celle d'acte de parole est essentielle. Les lignes
suivantes cherchent à vous faire comprendre ce que cette notion recouvre.
D'une part, la notion d'acte de parole est liée à une théorie du langage
compris comme moyen d'action sur celui à qui la parole est adressée. Cette
conception s'oppose à la théorie autrefois courante selon laquelle le langage était
considéré comme un outil qui sert uniquement à informer.

2/2
Didactique 2 - Les méthodologies d’enseignement d’une langue étrangère
Enseignante : Danielle Omer Chapitre 5

La théorie actionnelle du langage est apparue particulièrement dans les


travaux de philosophes du langage comme Austin (1962 : How to do things with
words - Quand dire c'est faire ) et Searle (1969 : Speech Acts, An Essay in the
Philosophy of language - Les actes du langage, Essai de philosophie du langage)
qui, bien entendu, n'avaient absolument pas la préoccupation de l'enseignement
et/ou de l'apprentissage d'une LE. Ce sont les chercheurs et les spécialistes de la
didactique des langues qui, eux, ont repris cette conception et l'ont aménagée afin de
proposer un enseignement et un apprentissage des LE conçus à partir de cette
théorie.
Un exemple qui illustre très clairement la théorie actionnelle du langage a été
traité par Austin avec ce qu'il a appelé les énoncés performatifs. Dans la terminologie
d'Austin un énoncé est dit performatif lorsque l'action est réalisée par le fait même
de dire cet énoncé. Les phrases suivantes :

Je déclare la séance ouverte.

Je baptise ce bateau le Queen Elizabeth

Je promets de t'écrire.

Je parie une tournée qu'il pleuvra demain


réalisent l'acte même qu'elles énoncent. Dire dans ces quatre exemples c'est faire
directement. Le langage peut constituer un moyen d'action directe dans un certain
nombre de cas, c'est cet aspect du langage que les auteurs du Niveau-seuil vont
prendre en compte aussi.
D'autre part, la notion d'acte de parole est associée au fait que tout locuteur
agit lorsqu'il se sert du langage parce qu'il fait appel à des capacités intellectuelles,
acquises et innées à la fois, qui lui permettent d'utiliser le langage pour son propre
compte à l'intérieur d'un cadre précis de communication. Tous ces processus de
mobilisation et leur traduction concrète dans le langage sont regroupés dans ce qui
s'appelle actuellement les phénomènes de l' énonciation. L'énonciation représente
l'acte qui produit un énoncé.
Prenons, par exemple, l'énoncé : quel âge avez-vous ? Cette phrase très
simple à comprendre en apparence et à laquelle il est tout aussi simple de répondre
n'a pas de sens bien précis car elle manque de contexte. Voici ci-dessous quelques
éléments supplémentaires qui servent à mieux prendre en compte le contexte et à
donner un sens plus précis à cette question :

3/3
Didactique 2 - Les méthodologies d’enseignement d’une langue étrangère
Enseignante : Danielle Omer Chapitre 5

circonstances intention du locuteur qui produit l'énoncé

Interrogatoire par pouvoir situer le délit commis dans le cadre juridique


un policier : compétent (distinction entre la législation pour les
mineurs et les adultes majeurs).

Dans un formulaire prendre en compte les limites d'âge (inférieures et


d'inscription à un supérieures) imposées
examen :

Chez le médecin : connaître la probabilité d'apparition d'une maladie


en fonction de l'âge du patient.

Dans ces trois exemples, seules les données supplémentaires extra-


linguistiques permettent d'attribuer un sens à la question posée et de comprendre
que cette question constitue un acte particulier (un acte immatériel) pour celui qui la
prononce.
ACTIVITÉ 15
Lisez l'article n°1sur la notion d'acte de parole :
• Après sa lecture vous proposerez un résumé avec vos propres phrases.

La prise en compte de la notion d'acte de parole dans l'enseignement et


dans l'apprentissage des langues étrangères a des conséquences immédiates
dans l'élaboration du Niveau-seuil puis plus tard dans les manuels
d'apprentissage qui s' inspireront des conceptions qu'il développe.
Le Niveau-seuil ne cherche pas à établir une grammaire ni un vocabulaire simples
comme pour le français fondamental car la langue n'est plus considérée comme un
ensemble de formes et de structures dont les combinaisons prévisibles et immuables
forment un code biunivoque . Pour exprimer un acte d'ordre celui qui parle n'a pas
que l'impératif à sa disposition. Selon le rôle et le statut des interlocuteurs (dans la
situation de communication, celui à qui on s'adresse est un supérieur, un égal ou un
subordonné etc.), selon le canal de communication utilisé (lettre, téléphone,
conversation en face à face etc.), certaines structures, certains tours seront utilisés
au détriment d'autres. Par exemple :

• utilisation de l'infinitif : agiter avant l'emploi ( dans un mode d'emploi)

4/4
Didactique 2 - Les méthodologies d’enseignement d’une langue étrangère
Enseignante : Danielle Omer Chapitre 5

• utilisation du futur : tu ne parleras plus sur ce ton à ta grand-mère (une


mère à son enfant)
• utilisation du présent de l'indicatif : vous prenez votre dossier et vous me
suivez (dans une administration)
etc. etc.

ACTIVITÉ 16
Lisez l' extrait n°3 qui comprend une partie de la présentation du chapitre sur
les actes de parole et un très court exemple de l'inventaire de ces actes de
parole :

• Après sa lecture vous dresserez à votre tour un inventaire non exhaustif des
énoncés possibles en français pour 0.1.2. se renseigner [...] poser des
questions.

Prenant en compte cette nouvelle conception du langage, les auteurs du


Niveau-seuil en ont tiré les conséquences suivantes :

• 1. Il n'est pas question de proposer pour chaque acte une réalisation


canonique en français, (surtout au niveau-seuil). Il y a ambiguïté de la parole
qui fait qu'un énoncé peut avoir différentes valeurs énonciatives de même
qu'une valeur énonciative peut avoir différents énoncés.

Alors ! peut signifier : 1- Tu viens ? 2- Qu'est-ce qui s'est passé ?

• 2. Les réalisations proposées ne sont pas exhaustives.


• 3. Les illustrations proposées ne sont pas exactement équivalentes. Il y a
plusieurs types de rapport entre les interlocuteurs. Il n'y a pas d'indications
dans le niveau-seuil d'emploi probable.
• 4. Malgré la diversité, il n'y a pas de grosses difficultés lexicales ou
syntaxiques.

[d'après Coste (D.), 1977 : “Un niveau-seuil”, dans Le français dans le monde n°126]

5/5
Didactique 2 - Les méthodologies d’enseignement d’une langue étrangère
Enseignante : Danielle Omer Chapitre 5

Les notions de besoins langagiers et d'objectifs


spécifiques
Reconnaître l'existence des actes de parole, c'est également reconnaître
qu'un locuteur dans une situation donnée aura besoin de certaines réalisations
énonciatives plutôt que d'autres. Par conséquent, les locuteurs n'étant pas tous, de la
même façon, dans les mêmes situations, il faut concevoir des catégories
d'apprenants dont les préoccupations langagières diffèrent, et regrouper les
apprenants dont les préoccupations langagières se rejoignent.
Par exemple, les apprenants de français qui ont comme but de venir faire du
tourisme en France pourront être regroupés dans une même catégorie car ils seront
confrontés à un certain nombre de situations communes. Il sera alors possible de
déterminer assez précisément les actes de parole les plus courants ainsi que leurs
réalisations les plus pertinentes.
L'idée couramment répandue (encore présente dans le français fondamental)
que la langue est un tout complexe mais indivisible que chacun doit s'approprier
petit à petit est abandonnée. A sa place apparaît l'idée que chaque apprenant a des
besoins langagiers particuliers qu'il faut connaître afin de proposer un
enseignement adéquat et sur mesure. Dans cette nouvelle perspective Le niveau-
seuil a spécifié cinq grandes catégories de publics et cinq grandes catégories
de domaines. Ces spécifications, il ne faut pas l'oublier, ne concernent que des
publics d'adultes qui résident en Europe.

publics

• les touristes et les voyageurs;


• les travailleurs migrants;
• les spécialistes et professionnels ayant besoin d'une langue
étrangère mais restant dans leur pays d'origine;
• les adolescents dans le système scolaire;
• les grands adolescents ou jeunes adultes en situation scolaire
ou universitaire.

6/6
Didactique 2 - Les méthodologies d’enseignement d’une langue étrangère
Enseignante : Danielle Omer Chapitre 5

domaines

• les relations familiales;


• les relations professionnelles;
• les relations associatives et électives; [voisins et amis]
• les relations commerçantes et civiles;
• la fréquentation des media (journaux, radio, télévision, etc.).

En croisant les indications relatives aux publics et celles relatives aux


domaines, on détermine des profils de priorité possibles, qui, bien évidemment
restent généraux et simples. Selon les auteurs du Niveau-seuil eux-mêmes,
ces spécifications sont sommaires; elles sont données à titre indicatif. Les
auteurs de manuel, les spécialistes de l'enseignement des LE auront tout un
travail d'affinement des profils à faire.
Simultanément, reconnaître l'existence de publics distincts et de
domaines divers c'est admettre que, les apprenants n'ayant pas tous les
mêmes besoins langagiers , il faut différencier les objectifs d'apprentissage
. Cette conception relative à la diversification des objectifs d'apprentissage
est nouvelle puisque, jusque-là, les programmes [cf. 4] de l'enseignement
d'une langue étrangère s'ordonnaient autour de la langue, matière
indifférenciée, et non autour de l'apprenant et de ses besoins particuliers et
spécifiques.

ACTIVITÉ 17
Lisez l'extrait n°4 :
• Après sa lecture vous ferez un commentaire (donnerez une explication) de
la phrase suivante extraite du dernier paragraphe :
Dès lors, la sélection et l'ordonnance des éléments linguistiques ne
résultent plus de critères internes tenant à l'objet langue, saisi hors des
fonctions qu'il remplit et des usages auxquels il se prête. Elles découlent
des emplois privés et sociaux du langage que l'on a retenus comme objectif
d'apprentissage.

7/7
Didactique 2 - Les méthodologies d’enseignement d’une langue étrangère
Enseignante : Danielle Omer Chapitre 5

Afin de comprendre comment les concepteurs du Niveau-seuil en sont arrivés


aux notions nouvelles de besoins langagiers et d'objectifs spécifiques, vous allez
lire ci-dessous un extrait de l'article de D. Coste (1977) écrit pour Le français dans le
monde n°126. Dans cet extrait, D. Coste cherche à résumer les points les plus
importants de la réflexion didactique qui ont conduit à la notion de besoins langagiers
de l'apprenant puis par voie de conséquence à celle d'objectifs spécifiques selon les
groupes d'apprenants.

“[...]
On suppose que tout locuteur engagé dans un événement de
communication :
1. poursuit une intention énonciative ; par exemple : s'informer (de quelque
chose auprès de quelqu'un) ou faire faire (quelque chose à quelqu'un) ;
2. cherche à réaliser cette intention par le biais d'actes de parole; par
exemple, pour s'informer, demander des informations factuelles ou pour
faire faire, demander de faire;
3. fait appel à des notions très générales (par exemple : notions de temps,
de distance, de cause, d'appartenance, etc.) ou plus spécifiques (par
exemple : notions d'adresse, de scolarisation, d'acide etc.), liées à la
réalisation des actes de parole ou aux domaines d'expérience sur lesquels
ils peuvent s'articuler; ainsi on peut demander son adresse à quelqu'un ou
dire à son collègue étudiant chimiste qu'on voudrait sa bouteille d'acide
parce que l'autre est vide...;
4. prend en compte certaines caractéristiques de la situation de
communication (tenant par exemple au canal utilisé etc.) et les rapports
entre interlocuteurs (rapports de familiarité, de hiérarchie, relations
influencées par les rôles et les statuts respectifs; échanges de caractère
transactionnel ou personnel);
Cette situation et ces rapports comportent des contraintes physiques ou
des normes d'interaction sociale qui ont une incidence sur la réalisation des
actes de parole et/ou l'expression des notions; ainsi, la demande de faire
prendra avec certains interlocuteurs la forme d'un ordre (“ passe-moi le sel
”), avec d'autres la forme de (surface) d'une demande d'information (“ Est-ce
que ça vous ennuierait de me passer le sel ?”); ainsi encore, dans un
discours didactique, les notions mobilisées ne dépendront pas seulement de
l'objet de référence mais aussi des connaissances que l'on suppose chez le
destinataire.
5. produit un message en fonction, d'une part, de l'ensemble des

8/8
Didactique 2 - Les méthodologies d’enseignement d’une langue étrangère
Enseignante : Danielle Omer Chapitre 5

paramètres qui précèdent et, d'autre part, des moyens que la langue met à
sa disposition et du répertoire langagier dont il a le contrôle.
Dans une telle perspective, la définition d'un objectif d'apprentissage doit,
pour être fonctionnelle, répondre à plusieurs questions :
1. Quelle intentions énonciatives et quels actes de parole l'apprenant sera-t-
il amené à réaliser ou à interpréter en tant qu'utilisateur de la langue
étrangère ?
2. De quelles notions générales et spécifiques aura-t-il à maîtriser la
compréhension ou l'expression compte tenu des actes qu'il aura à effectuer
et des objets de référence auxquels il aura affaire dans la langue
étrangère ?
3. Dans quelles situations de communication se trouvera-t-il et dans quels
types de rôles et de statuts abordera-t-il quels interlocuteurs ?
Pour autant qu'il est possible de répondre à de telles questions [...], la
délimitation des contenus correspondant à un tel objectif revient ensuite [...]
à identifier les formes linguistiques qui, dans la langue étrangère, sont les
plus disponibles, adéquates et efficaces pour les fonctions et les conditions
d'échange que dessinent les réponses obtenues.
[...]” (18)

Coste poursuit son explication en soulignant que cette nouvelle conception a pour
conséquence une variation notable des objectifs selon les publics d'apprenants
(objectifs spécifiques) ce qui entraîne en dernier ressort une variation des
réalisations linguistiques. Cette approche fonctionnelle de l'enseignement qui
suppose la reconnaissance d'objectifs multiples, distincts remet en cause deux
propositions qui ont jusqu'à présent orienté la didactique des langues.
“[...]
1. L'apprentissage viserait en dernier ressort une connaissance comparable à celle d'un “natif ”. [...]
2. L'apprentissage peut comporter des cibles différenciées, mais seulement au-delà d'un tronc
commun supposé convenir à tous les apprenants [...].” (Coste : 1977 : 18-19)

En effet, en reconnaissant que les apprenants n'ont pas tous les mêmes
besoins langagiers et que par conséquent les objectifs doivent être spécifiques pour
chaque type de public, il fallut abandonner l'idée, bien établie jusqu'alors, qu'un
apprentissage commun était nécessaire afin d'acquérir “les bases” de la langue
étrangère. Jusqu'au Niveau-seuil personne n'envisageait sérieusement un travail de
différenciation des objectifs dès le début de l'apprentissage. Tous les apprenants

9/9
Didactique 2 - Les méthodologies d’enseignement d’une langue étrangère
Enseignante : Danielle Omer Chapitre 5

devaient gravir les mêmes étapes (le “tronc commun”). D'ailleurs ces étapes
restaient, en fait, jusqu'au bout les mêmes pour tous, puisque l'objectif final, le plus
souvent exprimé de façon implicite, cherchait à rivaliser avec la compétence
langagière d'un natif. Une compétence limitée dans la connaissance d'une langue
étrangère n'était qu'une connaissance amputée et insatisfaisante. Pour la première
fois, les experts du “projet langues” du Conseil de L'Europe contestent ce principe et
reconnaissent la légitimité de connaissances restreintes.

Les unités capitalisables


Jusqu'au Niveau-seuil , il était admis que tout apprenant en langue étrangère
devait accumuler des connaissances et des savoir-faire sur un laps de temps très
long qu'il pouvait, dans certains cas, faire valider en bout de parcours. C'était
l'examen qui récompensait de tous les efforts et qui était toujours placé en fin
d'apprentissage; il était constitué d'un seul bloc. Concrètement, l'apprenant avait
rarement l'occasion de voir ses connaissances validées, car les possibilités
d'examen étaient rares et n'entérinaient que des connaissances correspondant à
des niveaux avancés. Très souvent l'apprenant avait abandonné en cours de route,
découragé par la longueur du parcours.
Le niveau-seuil se situe d'emblée dans tout un ensemble (cf. supra la phrase
en caractères gras) qui trouvera sa conclusion en 2001 avec Le cadre européen
commun de référence qui s'efforce, comme son titre l'indique, de donner un cadre
commun pour l'enseignement et l'apprentissage des langues en Europe et qui
répertorie six niveaux de compétence (A1/A2, B1/B2, C1/C2). Ces niveaux vont
d'une compétence de survie très limitée (A1) à un niveau de compétence où
l'apprenant est parfaitement autonome (C2). A titre d'exemple, le niveau-seuil
correspond à B1.
Dès le début du projet européen, les experts ont proposé un système de
validation des acquis par “ unités capitalisables ” afin de faciliter à l'apprenant la
constitution de son cursus d'apprentissage et afin de lui permettre de pouvoir obtenir
très vite des certifications qui pourraient être reconnues officiellement,
particulièrement sur le marché du travail.
Le DELF (diplôme élémentaire de langue française) et le DALF (diplôme
approfondi de langue française) sont deux exemples concrets de certification par
unités capitalisables issus de la réflexion autour du Niveau-seuil.

10/10
Didactique 2 - Les méthodologies d’enseignement d’une langue étrangère
Enseignante : Danielle Omer Chapitre 5

Par exemple, le DELF est constitué de cinq unités (A1 à A5) que l'apprenant
peut faire :

• soit une à une dans l'ordre recommandé (de A1 = unité qui correspond au
niveau le plus élémentaire à A5 = unité qui correspond au niveau le plus
avancé)
• soit dans un autre ordre, sous certaines conditions (A5 doit rester la dernière
unité)
• soit en choisissant plusieurs unités pour une seule session.

Ainsi, l'apprenant a la possibilité de voir son apprentissage validé très vite. D'une
part, il n'est plus obligé d'attendre une hypothétique fin, lointaine, inaccessible et
décourageante. En effet, le DELF certifie globalement une compétence limitée en
français, et il offre même la possibilité de certifications partielles à l'intérieur du
diplôme. D'autre part, l'apprenant planifie lui-même son effort en décidant des délais
sans avoir à craindre la perte de ses acquis. C'est lui-même qui impose le rythme de
la capitalisation des unités.
Pour une information plus développée concernant ces deux examens, vous
pouvez consulter le site internet du Centre International d'Etudes Pédagogiques
(C.I.E.P.) : www.ciep.fr

Sommaire du niveau-seuil :

• Présentation générale (1-3)


• Approche d'un Niveau-Seuil (5-43)
• Publics et domaines (45-81)
• Actes de parole (83-224)
• Grammaire (225-306)
• Objets et Notions (307-409)
• Index général

Vous pouvez, pour finir, lire l'article n°6 qui récapitule sous forme très brève les
idées essentielles du Niveau-seuil. Si vous avez eu des difficultés pour comprendre
les spécificités de cette théorie nouvelle, la lecture de l'article vous est proposée à
titre de résumé synthétique.

11/11

Vous aimerez peut-être aussi