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ERES | « Spirale »
2005/3 no 35 | pages 43 à 61
ISSN 1278-4699
ISBN 2-7492-0444-5
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-spirale-2005-3-page-43.htm
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4. « Dans un pays lointain, une créature est devenue maître d’un village et oblige les gens à travailler
pour elle ; elle a chassé tous les animaux sauf un. »
5. Jacqueline Bertrand, éditorial de l’Art enfantin, n° 46, 1969. Ce numéro de la revue est consultable
en ligne sur : http://www.freinet.org/icem/archives/ae/ae-46/ae-46.htm
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8. Il faut relire son petit livre, Le théâtre et le risque, Paris, Cheyne, 1992
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9. Au Moyen-Âge se donnaient déjà des représentations de théâtre dans les écoles. Le « théâtre pour
enfants » du XIXe siècle, inspiré de l’univers de la Comtesse de Ségur, était moralisateur et pédagogique
en diable.
10. N’oublions pas le manifeste de l’époque, les Libres enfants de Summerhill qui rapportait l’aventure
d’une école autogérée fondée en 1921 dans la région de Londres par le psychanalyste A.S. Neill (1883-
1973). Cet ouvrage paru en France en 1960 est réédité, en 2004, aux éditions La Découverte, avec une
préface de Maud Mannoni, à qui l’on doit une expérience singulière de création, en 1969, à Bonneuil-
sur-Marne, d’une école pour enfants et adolescents atteints de troubles psychiques graves, relatée dans
Éducation impossible, Paris, Le Seuil, 1973.
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Une apparition
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Je ne suis plus un bébé, assurément : j’ai sept ans. C’est à Paris. Mes
parents nous emmènent pour la première fois au théâtre. Nous sommes
en retard. Nous montons à l’étage, la salle est plongée dans le noir : je me
souviens des genoux des spectateurs que je prends sur la poitrine et de
leurs murmures agacés quand nous nous frayons un passage jusqu’à nos
sièges. Mais, surtout, le bruit, des sirènes qui hurlent, des cris et des
éclairs dans la nuit du théâtre, et encore cette robe rouge ou pourpre,
qui traversait la scène, immense. J’en ai gardé, des années durant, un ter-
rible souvenir, tourmenté d’impressions obscures, irreprésentables. Je n’y
avais rien compris. Et puis j’ai oublié, jusqu’au titre de la pièce, tout, sauf
peut-être que, parfois, la nuit qui fait peur rentre aussi dans les théâtres.
On jouait Le vicaire de Rolf Hochhuth. C’était en 1963. J’ai sûrement
compris ce jour-là ce mot d’Antoine Vitez : « Un acteur n’entre pas en
scène. Il apparaît. » La vie m’est apparue autre, pleine de bruit et de
fureur, sombre et inquiétante. Je devais sûrement être à l’âge ou l’on
quitte ces « verts paradis des amours enfantines », cet âge où, paraît-il, la
raison nous vient.
13. Philippe Caubère, Les carnets d’un jeune homme 1976-1981, Paris, Gallimard, coll. « Folio »,
2001.
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Théâtre jeune public : interdit aux moins de 3 ans ? Les œuvres théâtrales
ne sont jamais
anodines ou gratuites,
et même mythe, sur l’origine bien entendu.
elles parlent toutes
Freud écrit, à Reik je crois, qu’il faut essayer de de l’énigme de la vie.
traiter tout mythe à la manière d’un rêve. Les
œuvres théâtrales sont autant de rêves
qu’éveillés nous faisons. Elles traduisent – pour
tous et tout autant pour soi exclusivement – le grand texte de la vie, tra-
versé d’une multitude d’autres textes, qui les contient, les cache et les
perd : comme toutes les traductions, elles disent un peu à côté, un peu
plus loin. Le théâtre dit toujours en sus. Il est cette cuisine de sorcière
même qu’évoquaient Freud et Goethe avant lui 14.
Allons plus loin encore. Le théâtre n’est pas un lieu – géographique ou
psychique – comme les autres : il est un lieu d’essence politique, où se
déploie, s’analyse, se commente, l’histoire – celle qui est passée et celle
qui nous est contemporaine – et les interrogations que toute société for-
mule à son encontre. Le théâtre est ce lieu qui ouvre aux débats, qui pro-
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14. « Il faut donc bien que la sorcière s’en mêle » (Méphistophélès, dans J. W. von Goethe, Faust
[1806], 1ère partie, sc. 9 [dite « cuisine de sorcière »], v. 2365, Paris, Gallimard, Collection Folio Théâ-
tre, 1995). Wolf Erlbruch, ce fabuleux auteur allemand, a su donner une « version » illustrée de cet épi-
sode de la cuisine, avec la poésie et l’imagination débridée qu’on lui connaît. En un assemblage de
peintures, collages, découpages de cartes, plans d’architecture, alignements de chiffres et d’effets
d’ombres chinoises, il atteste de cette créativité traductrice que le théâtre affiche au grand jour. À appré-
cier sans délai (Paris, La Joie de lire, 1998).
15. Jacques Lacan (1953), « Fonction et champ de la parole et du langage », dans Écrits I, Paris, Le
Seuil, coll. « Points », 1966, p. 133.
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Tout cela vous apparaît assurément très sérieux, bien loin des préoccu-
pations des tout-petits enfants, et vous vous dites : Quel propos d’intello !
Voilà bien un discours d’adulte que ne peuvent bien entendu ni tenir ni
comprendre les bébés ! Leur théâtre à eux ne se situe pas en ces contrées,
trop élaborées, trop sophistiquées. Avec un petit sourire condescendant,
vous ajouteriez : quand même, ne l’oublions pas, ce sont de bébés dont
nous parlons, des bébés, des mini-mômes, des gniards en couche et à
peine cortiqués, baragouinant quelques mots, rampant encore pour cer-
tains, biberons et totoches au cou. Ces « tout-mous » qu’évoque Damien
Bouvet en référence à leur fontanelle ouverte sur le haut du crâne et qui
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16. Peter Brook, Lettre, Mai 1998. Cette lettre a été lue ou affichée, la semaine du 11 au 17 mai 1998,
dans chaque théâtre participant aux « Levers de rideaux ».
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17. Un garçon de 4 ans affiche cette taille mais une fille devra attendre encore six mois au moins pour
sauter dans Big Thunder Mountain.
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18. On lira avec intérêt la Lettre d’information de l’ONDA, n° 30, printemps 2004, dont le Cahier central
développe ce propos et qui est consultable en ligne à l’adresse suivante : http://www.onda-internatio-
nal.com/fichiers/dossiers/dossier_49_fr.pdf.
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Mais il ne fait pas que voir, sentir, jouir, l’enfant, aux aubes de sa vie.
Il pense aussi. Il utilise même une faramineuse énergie à mener à bien ce
travail. Il est un travailleur de force, très tôt. Et cela, nous autres, les adul-
tes devenus, nous ne voulons le voir, le croire. Nous préférons imaginer
His Majesty the Baby, au nirvana du palais des sens, bien loin de ce qui
demain, allez, osons après-demain, sera son quotidien. Ils ont bien le
temps, n’est-ce pas ? pour grandir, vivre le monde en son malaise et ses
peines. Protégeons les bébés, gardons-les dans le miel et le coton le plus
longtemps possible. Demain, ah ! Demain, il sera temps de voir.
Alertez les bébés, chantait Jacques Higelin en 1976…
Alertez les adultes, devrions-nous beugler. Qu’ils saisissent que de
l’intérieur des œuvres théâtrales, les bébés aussi comprennent mieux le
monde, celui qu’ils habitent et celui qui les habite. Le théâtre est cet
espace « habité » – osons dire : incarné, pour reprendre Dolto – où se dit
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25. N. Edelbarr, cité par D. Bérody, « L’enfance de l’art. Quel répertoire pour les jeunes ? », dans Les
cahiers des lundis, saison 1993-1994.
26. Le plaisir du texte, Paris, Le Seuil, 1973.
27. On consultera, sur l’écriture pour le très jeune public, le compte-rendu de la rencontre du 5 mai
2004, à Paris, organisée dans le cadre de son festival 1, 2, 3 Théâtre, par le Théâtre de l’Est Parisien, à
l’adresse suivante : http://www.theatre-enfants.com/pages/rencontres/ecrire_jp.php.
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28. Armand Gatti, cité dans Le Petit dictionnaire du théâtre de B. Bretonnière, Paris, Editions théâtrales,
2001.
29. Dans Le Filou, Revue semestrielle du Théâtre Massalia, Décembre 2003, consultable à l’adresse
suivante : http://www.lafriche.org/massalia/.
30. Martin Heidegger, « L’homme habite en poète », dans Essais et conférences (1954), Paris, Gallimard,
Collection Tel, 1980, p 227-278.
31. Philippe Dorin (auteur entre autres œuvres de En attendant le Petit Poucet et Dans ma maison de
papier, j’ai des poèmes sur le feu), entretien dans Le Filou, Revue semestrielle du Théâtre Massalia,
Décembre 2003, consultable à l’adresse référée en note 29.
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Théâtre jeune public : interdit aux moins de 3 ans ? « Le texte a une forme
humaine, c’est une
figure, un anagramme
temps, de ce mouvement, de cet élan : ils se
du corps »
mettent en jeu, ils exposent leur corps, leur vie Roland Barthes
interne, leur histoire. Ils ne font pas que créer,
ils sont. Ils sont des êtres de langage qui recon-
naissent et respectent l’enfant comme un specta-
teur d’aujourd’hui. Ils ne veulent pas à tout prix le penser comme un
spectateur de demain. Ils acceptent de ne pas pouvoir contrôler, quantifier,
retracer, repérer le mystère, le secret de cette aventure, de ce cheminement
interne, intime. Ils laissent du silence après la représentation : ni explica-
tion, ni interrogation, ni échanges. C’est que, dans l’après-spectacle,
l’après-représentation, nombres de théâtres, de lieux d’accueil, nombres
de festivals travaillent à une verbalisation de ce moment passé. Cette ver-
balisation parfois relève d’un projet plus étendu, d’un travail de fond
développé bien avant le spectacle, mais parfois la discussion fait suite
immédiate à la représentation, sans préparation, sans prolongation. Plus
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32. Alberto Caeiro, « Le Gardeur de troupeaux » – XLVI. Ce poème est publié dans Les Œuvres poéti-
ques de Fernando Pessoa, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2001.
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