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Cette pièce, Caligula, a été écrite par Camus dans la première partie du 20ème

siècle. Il a décidé d’écrire cette pièce en 4 actes alors que la plupart des pièces de
l’époque étaient en 5 actes. Il s’agit d’une pièce éponyme qui s’inspire de la biographie
de Caligula, un empereur romain tyrannique qui a vécu entre 12 et 41 après Jésus
Christ. Cet empereur agissait avec démesure et était en quête d’impossible. Le passage
présenté ici est la scène XIV de l’acte IV. Il s’agit du dénouement qui ici s’apparente à
un faux monologue s’articulant entre folie et philosophie. Dans un premier temps, nous
allons voir en quoi ce texte est un monologue délibératif, puis nous allons évoquer la
violence du dénouement et enfin nous parlerons de la portée philosophique de ce
dénouement.

Dans ce texte, Caligula se retrouve face à lui-même et prend conscience de son


échec. Les verbes d’actions « tourne » et « va » ainsi que le suffixe péjoratif « ard »
montrent que Caligula est désorienté et se sent perdu. La récurrence de la culpabilité
est accentuée par l’utilisation du terme « coupable » quand il parle de lui et l’ironie du
terme « innocent » quand il parle du reste de la population. L’antithèse « un peu plus,
un peu moins » renforce l’ironie de la situation. Caligula se rend compte de
l’impossibilité de sa quête en disant « je n’aurai pas lune ». L’euphémisme « devoir
aller jusqu’à la consommation » montre que Caligula a consommé sa vie comme une
consumation progressive mais complète. La personnification « innocence qui prépare
son triomphe » fait penser que Caligula prévoit la victoire des conjurés. L’évocation
du mépris avec les termes « dégoût », « méprisé » et « lâcheté » est une introspection
sous forme de blâme. L’utilisation de la périphrase « où étancher cette soif » démontre
qu’il sait que sa soif d’absolu n’est pas possible. Le mélange du présent et du passé
« j’ai tendu, je tends » montre l’insistance de Caligula pour sa quête. Le mot
« détresse » laisse penser que Caligula est aussi un personnage qui se sent seul et qui
souffre. La tournure négative « n’est pas venu » qui se rapporte à Hélicon est aussi la
preuve de sa solitude. L’anaphore « j’ai peur, j’ai peur » insiste sur la souffrance que
ressent Caligula, de même que la métonymie « plein de haine » suggère qu’il se déteste
lui-même. La comparaison « comme la douleur humaine » souligne le poids de sa faute.
Dans cet acte, Caligula s’adresse à son image dans le miroir comme si c’était une autre
personne. Il interpelle son image avec la répétition « toi aussi, toi aussi » pour insister
et se dédouaner. La litote « cela ne fait rien » prouve que Caligula traite avec légèreté
le fait d’être comme tout le monde tandis que la litote « ne dure pas » montre qu’il
minimise sa peur alors qu’il est terrorisé. L’utilisation de « Je sais, tu le sais » montre
le dédoublement de personnalité. Le gallicisme « c’est toi que je rencontre » souligne
que Caligula se retrouve face à lui-même, de même que la périphrase « en face de
moi » : il ne s’agit que de son reflet et non d’un ennemi. Caligula s’interpelle avec
l’apostrophe « Caligula », ce qui signifie qu’il se parle comme s’il parlait à une autre
personne.

La suite du texte évoque la violence du dénouement que Camus a voulu


transmettre. La périphrase « dans ce monde, ni dans l’autre » montre que Caligula
pense qu’il ne lui reste plus qu’à mourir. Il réalise ce qui l’attend par l’utilisation du
futur « Hélicon ne viendra pas » pour la première fois. Les termes « bruits »,
« chuchotements », s’entendent » utilisés dans la didascalie rompent le monologue et
laissent présager de la suite. L’arrivée d’Hélicon à la fin de la scène alors qu’il était
attendu depuis longtemps prouve l’ironie tragique de la didascalie « surgissant ».
Caligula est acculé et n’a pas d’issue possible comme le montre la didascalie « par
toutes les issues » qui fait référence à l’arrivée des insurgés. La violence n’est pas
seulement physique mais également psychologique car Caligula rentre dans la folie. En
effet, Caligula parle seul à un autre soi-même comme le laisse penser la didascalie
1
« recommence à parler ». La dramaturgie est renforcée par la didascalie « plus basse,
plus concentrée » car cette façon de parler ne ressemble pas au personnage. Le discours
de Caligula devient incohérent comme dans l’antithèse « si compliqué, si simple ». Le
subjonctif « qui soit à ma mesure » souligne bien la démesure de la quête de Caligula
qui fait comme si l’impossible était possible par l’utilisation du paradoxe « que
l’impossible soit ». La phrase non verbale « L’impossible » montre la désillusion de
Caligula et le côté insensé de sa quête. Le fait de parler à son image avec insistance en
utilisant « toi », « toujours toi » fait penser que la folie rattrape Caligula, de même que
les didascalies « s’observe », « simule » qui suggèrent qu’il est son propre spectateur.
L’évocation de la dualité avec les termes « mouvement symétrique » et « son double »
montrent que Caligula prend son reflet pour un personne réelle. Le fait que Caligula
devienne fou est définitivement prouvé par la périphrase « rire fou ».

Ce texte a également une portée philosophique. Caligula, comme tous les


hommes, ne peut pas se satisfaire du monde dans lequel il vit. L’hyperbole « ce monde
sans juge où personne n’est innocent » suggère que Caligula exagère pour minimiser
ses propres erreurs. Caligula aimerait se projeter dans une autre conception du monde
avec la phrase potentielle « l’amour suffisait ». La question oratoire « quel cœur, quel
dieu aurait pour moi la profondeur d’un lac ? » montre qu’il est dans une impasse et
que sa conception de l’existence ne répond à aucune réalité. L’anéantissement des rêves
de Caligula est accentué par la gradation descendante « limites du mondes » / « confins
de moi-même ». Le fait d’utiliser le pronom personnel collectif dans « nous serons
coupables à jamais » indique que la culpabilité n’est pas uniquement celle de Caligula
mais également celle de tous les hommes. Des références à la fatalité humaine et à
l’absurde se retrouvent tout au long du texte. La périphrase « ce grand vide où le cœur
s’apaise » fait référence à la fatalité : Il sait que la mort l’attend et il n’y a plus lieu de
lutter, ça serait même une forme de délivrance. Les euphémismes « je n’ai pas pris la
voie » et « je n’aboutis à rien » de même que le mélange du présent et du passé dans
cette partie du texte, montrent que Caligula s’est perdu, qu’il s’est trompé. La répétition
de la négation « Rien, rien encore » est une forme de nihilisme, il ne lui reste plus rien.
Les verbes d’action « se relève », « prend un siège » et « approche » utilisés dans les
didascalies montre l’incongruité de la situation sachant qu’Hélicon vient de se faire
poignarder. Dans un dernier élan, comme un Phoenix qui renaît de ses cendres, Caligula
lance la dernière réplique de toutes ses forces comme l’indique la didascalie « il hurle ».
L’antiphrase « je suis encore vivant » alors qu’il est en train de mourir accentue encore
l’absurde de la situation.

Dans cette pièce moderne qui met en scène un personnage classique, l’auteur a
voulu mettre en valeur l’absurdité de la condition humaine. Les hommes, quelle que
soit leur condition (empereur ou simple citoyen) ne peuvent que subir leur destin et
finissent tous par mourir un jour. Il a mis l’accent sur le fait que Caligula se parlait à
lui-même comme s’il parlait à une autre personne pour mettre en avant la solitude
humaine qui touche même les hommes de pouvoir et qui peut mener à la folie. Cet
extrait est original car chaque être humain peut se retrouver en Caligula.

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