Vous êtes sur la page 1sur 7

B- Le sens du sacré

L’Homme, cet être vivant doué de raison, fabricant d’objets élaborés, doté d’un langage articulé, chez lequel a émergé
la pensée conceptuelle et symbolique, se caractérise par une aptitude à l’émerveillement, et une capacité d’espérance
accompagnée d’un refus de l’absurde.
Avec l’invention de l’outil manufacturé et les premiers témoignages d’une pensée symbolique, pourquoi à travers les
temps, même les plus anciens, et dans toutes les cultures, l’émergence du sens de la transcendance n’a-t-il cessé de se
manifester et de s’inscrire au cœur de notre humanité ? Comment est-il devenu une caractéristique de l’Homme, une
de ses aspirations profondes ? Comment définir le sens du sacré ?
1- Le sacré et le profane

• Le sacré (du latin sacer : « consacré, dédié ») désigne ce qui est saint, relié au principe supérieur ou divin. Le sacré a
vocation à être respecté, protégé, sanctuarisé et vénéré. Le sacré véhicule crainte et respect. Par extension, le sacré
désigne tout ce qui est relatif à la religion, aux cultes ou aux rites (du sanscrit rita : sacré),

• À l’inverse, le profane (du latin pro fanum : « devant le lieu consacré » c’est-à-dire « hors du temple ») désigne tout
ce qui n’est pas sacré, donc tout ce qui n’est pas directement relié au divin (bien que le profane puisse être jugé
conforme au plan divin).
Le Sacré Le Profane
Absolu / éternel Séculier/temporel • L’adjectif « sacré » s’applique le plus souvent à un espace,
mais peut aussi concerner un objet, un être vivant, un concept ou une
Valeur noble Valeur banale, période de temps. En réalité, tout peut être sacré : un édifice
commune, utilitaire religieux, un sanctuaire, une forêt, un chemin, un livre, une pierre, un
Céleste Terrestre animal, la terre d’un pays, certaines valeurs, traditions ou
événements…
Représente un Représente une • Par définition, ce qui est sacré ne doit pas être profané : il
CENTRE périphérie faudra se soumettre à des règles et à un protocole particulier pour
ESPRIT MATIERE pouvoir y accéder.

En réalité, le champ du sacré est très variable d’une société à l’autre :


• Dans les sociétés traditionnelles, tout est sacré, y compris ce qui touche à la vie quotidienne (manger, se vêtir, se
comporter…). « Profane » est alors un terme péjoratif qui désigne les comportements déviants (transgression,
sacrilège, profanation), qui sont rares et immédiatement réprimés.
• À l’inverse, dans les sociétés modernes et sécularisées, une distinction claire existe entre le domaine religieux et le
domaine profane ou public. En outre, le sacré peut s’appliquer à des valeurs telles que la liberté, l’égalité, la
fraternité, la tolérance, la famille, l’amour de la patrie, la propriété privée, etc.

Le sacré c’est donc ce qui est intouchable par le vulgaire, en l’espèce le profane (qui n’est pas initié et se tient
« profanum », devant le temple), voire inatteignable même jusqu’au sublime. Il crée une frontière, une démarcation
entre deux univers qui se télescopent en même temps et qu’il relie l’un à l’autre. C’est cette distinction avec l’ordre du
commun qui le rend tellement fascinant, et le fait osciller entre vénération et profanation, transgression.
Le sacré en effet relève d’un autre monde, c’est une irruption, une infraction dans la logique vulgaire du réel qu’il est
censé protéger du chaos, jusqu’à ce que sa magie n’opère plus ayant épuisé son mystère. Il relève de l’art mais aussi
du religieux, et surtout des mathématiques et de la géométrie (« Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre », gravé sur le
portail de l’Académie de Platon) bref de tout ce qui a valeur de symbole, de tout ce qui rassemble les hommes autour
de ce qui pourrait les séparer, les affaiblir. Grâce au sacré finalement l’homme a l’impression, symboliquement au
moins, de dominer. Le sacré rend l’homme créateur, artiste de sa propre vie à laquelle il va donner un sens en
ordonnant le désordre du monde, mis en relation avec son propre désordre intérieur.
Le sacré est l’expression d’une transcendance (le vertical surnaturel au-delà du temps et de l’espace) dans
l’immanence (l’horizontal naturel de l’espace et du temps). En effet le sacré c’est ce qui permet d’accéder à un au-delà,
l’horizon de ce monde profane et vulgaire (commun).

1
PHILOSOPHIE- Terminales générales – Mme Hambli – La pensée symbolique - B- Le sens du sacré
Repère :
Immanent : ce qui est présent directement, qui appartient au même ordre de réalité.
Transcendant : ce qui appartient à un ordre de réalité radicalement supérieur, et n’est donc pas directement accessible
• Dans le domaine de l’art, il fait de l’artiste un « prophète » selon le mot de Kandinsky, et de l’œuvre
d’art, le véhicule du sublime.
• Dans le domaine religieux, il est à l’origine des rituels qui permettent la séparation de l’âme et du
corps (dont le sacrifice est un aspect).
• Dans le domaine culturel, il permet la séparation et la distinction/reconnaissance des groupes.
• Dans le domaine psychologique, il est constitutif de l’identité individuelle et collective.
• Dans le domaine de la connaissance, il pose l’idée d’une unité de la pensée et de la perfection
cosmique (mathématiques/architecture…). Exemples de la magie des nombres sacrés chez Pythagore
à l’origine de la TETRATKYS pythagoricienne (le triangle de l’univers par les 10 premiers chiffres), le
nombre d’or appelé aussi « divine proportion » et son complément, la suite séquentielle de Fibonacci
(XIIIe siècle).

La principale fonction du sacré est de rassembler ce qui est épars, divers, voire même contradictoire, pour créer
une unité que la seule existence naturelle ne saurait produire. La force du sacré est de constituer un trait d’union,
un « zonage » des pratiques et des aspirations humaines.
Le sacré peut être défini comme l’irruption du sens et de la conscience. A l’inverse, le terme profane s’applique
alors à ce qui n’est pas conscient de l’ordre qui le sous-tend.
Au final, l’expérience du sacré dépasse largement celle de l’espace sacré : sacré et profane décrivent un certain
regard sur le monde.

2- Le fait religieux
Le mot « religio » serait dérivé de « religare » qui signifie « relier » et peut-être aussi de « relegere » qui veut dire à la
fois « respecter » et « recueillir ».
Or la religion, c’est à la fois ce qui relie les hommes à une puissance qui les dépasse, tout en les reliant entre eux. Mais
c’est aussi un retour méditatif sur soi-même (« recueillement ») propice au respect, non seulement d’un Dieu, mais
aussi éventuellement, de l’Humanité.
Il est important de noter qu’il existe des religions sans Dieu (culte des ancêtres, bouddhisme, animisme). Et que toutes
les civilisations, y compris primitives, présentent des conduites de croyances où l’on peut reconnaître des faits religieux
(rituels, récits fabuleux, mythes…).

PB : l’idée du lien est ambivalente, car si un lien sert à relier, en même temps il sert aussi à attacher. Attache sensible ?
Perte de liberté ? Adhésion ou adhérence ?

a) Les caractéristiques de la religion

DEFINITION : Durkheim, dans Les formes élémentaires de la vie religieuse, montre qu’« une religion est un système
solidaire de croyances (dogmes) et de pratiques (rites) relatives à des choses sacrées, c’est-à-dire séparées, interdites,
croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Eglise, tous ceux qui y adhérent ».
La religion est donc composée de 3 éléments essentiels. S’il en manque un des trois, elle devient une simple croyance
religieuse :
• Le sacré, [sacer – retranché, c’est-à-dire séparé] qui se manifeste à travers les choses visibles mais ne se
confond pas avec elles puisqu’elles restent seulement profanes. La manifestation du sacré, que Mircea Eliade appelle
hiérophanie, se fait toujours à travers un événement fondateur : apparition de Dieu, révélation, phénomène surnaturel,
prophétie, etc.). Cet événement donne du sens à l’existence, il crée un ordre nouveau. Il donne lieu à un récit, à un
culte, des rites, des coutumes et des traditions qui se rattachent à son souvenir, et qui forment la « sphère du sacré ».
Il génère des tabous, des interdits (ex. des paroles sacrées qu’il faut prononcer avec précaution pour éviter les sacrilèges,
des lieux de sacrements et/ou consacrés…). Il induit donc le respect et ne peut être transgressé que les jours de
fête.L’absolu, dans le sacré, remplit trois rôles : rendre le monde réel (le monde ne serait rien sans lui et le visible n’en
forme qu’une partie), donner sens et valeur à ce monde (valeur trouvée dans la relation à l’absolu) et déterminer la
conduite à suivre (sens du culte).
2
PHILOSOPHIE- Terminales générales – Mme Hambli – La pensée symbolique - B- Le sens du sacré
« La relation entre sacré et profane est l’essence du fait religieux. » - Émile Durkheim – Les formes élémentaires
de la vie religieuse - 1912
• L’idée d’Eglise : ce système de croyances et de pratiques unit en une même communauté morale, appelée Eglise
[ekklesia – assemblée], tous ceux qui y adhèrent.
• Le culte : les pratiques encadrées par un culte, qu’il soit individuel ou collectif, sont qualifiées de « rituelles ».
Les rites permettent la médiation, la communication, le lien avec le monde surnaturel mais ils permettent aussi
de créer des liens entre les hommes et de tisser une communauté solide. Les rites religieux ont pour but
d'introduire l'homme dans la zone du sacré où il entre en communication avec le divin. Le plus souvent ces rites
sont censés reproduire un geste divin, ou l'action d'un ancêtre, geste primordial et fondateur. Ce sont donc des
actions qui règlent les rapports de l'homme avec la divinité, actions codifiées par une tradition fixée depuis
longtemps et transmise à chaque génération.
❖ Les rites délimitent des espaces sacrés, distincts de l’espace profane (= quotidien, utilitaire). Les temples, les
pyramides, les synagogues, les cathédrales, les mosquées avec plusieurs zones d’isolement, enceintes, murs,
chœur, tabernacle...sont des espaces sacrés où l’on pénètre vêtu d’une certaine manière, avec une attitude
de recueillement...
❖ Les rites délimitent aussi des temps sacrés. Le sabbat, (vendredi, samedi, ou dimanche) consacré à Dieu. Les
fêtes, Pâques, Noël, Ramadan etc., durant lesquelles des gestes, toujours identiques sont accomplis : tenue,
rituel de propreté, ou alimentaire, attitudes variées de postures, paroles, prières, cantiques, mantras (= sons
sacrés), lecture de textes sacrés, utilisations d'objets, chapelets, bougies, encens, moulins à prières etc.
La rectitude des gestes et des intentions est essentielle. Si le clivage entre le sacré et le profane est annulé, il y
a impureté, souillure, profanation, blasphème. Par exemple vendre du coca dans une mosquée, pique-niquer
dans une cathédrale etc. relève du sacrilège. Dans certains cas les religieux excluent le sujet de leur
communauté, c'est l'excommunication.
Pour le religieux authentique, le désir de communion avec le divin est gratuit, désintéressé. Le rite lui permet
de régénérer son âme, de s'améliorer, de se perfectionner. Quand le rite ne vise qu’à obtenir des faveurs de
l’absolu (guérison etc.), il peut être qualifié d’impie et s’apparente bien davantage à une superstition [terme
issu du latin super-stare, « être au-dessus »] : le fait d’expliquer, par crainte ou ignorance, certains événements
par des causes irrationnelles, souvent fausses ou fantaisistes.
PB : Selon Bergson, les rites risquent de figer la religion dynamique (qui épouse la forme de notre âme) en la transformant
en religion statique, close, figée, dénaturée par les institutions de la société. Cf. Les Deux Sources de la Morale et de la
Religion.

• D’un point de vue sociologique, on nomme « religion » l’ensemble des croyances et des pratiques relatives à un
domaine sacré séparé du profane, liant en une même communauté morale tous ceux qui y adhèrent, et manifestant
sous des formes très diversifiées les rapports des hommes à Dieu, au divin ou au sacré.
• D’un point de vue philosophique, la « religion intérieure » (religion naturelle), rapport individuel et direct de l’âme
humaine avec Dieu ou avec le divin, axé donc sur la foi, est à distinguer de la « religion extérieure » (religion positive,
car « posée » par des règles), c’est-à-dire l’ensemble des institutions ayant pour fonction de régler les rapports des
croyants avec Dieu ou le sacré par des rites, des cérémonies et une liturgie spécifique, et variables selon les époques
et les civilisations. Le Dieu de la religion naturelle (CF : Hume, Rousseau) ne nécessite ni Eglise ni culte particulier et
ne constitue qu’une référence et un guide pour l’exigence morale.
b) Les fonctions de la religion et ses postures
D’après Freud, dans Les nouvelles conférences de la psychanalyse (1915), la religion remplit trois fonctions essentielles :
▪ Fonction théorique : elle propose une conception du monde (cosmogonie : récit mythique de la formation
de l’univers) et en cela entre en conflit avec la science (notamment le conflit créationnisme/évolutionnisme).
▪ Fonction psychologique : elle apaise les craintes et nourrit les espoirs d’un être confronté à l’angoisse de sa
finitude et de sa misère existentielle. Cette dimension sensible explique en quoi elle est si influente à l’échelle
de l’histoire humaine. Les hommes sont enclins à rester sous la souveraineté de leurs affects, à préférer
l’illusion à la vérité, pour éviter d’affronter la vérité. C’est pourquoi les hommes préfèrent la religion à
l’éclairage de la raison.
▪ Fonction politique : elle donne à ses adeptes un code de conduite et un système de pensée qui cimente la
vie sociale, sous l’autorité d’un absolu, du sacré. Les religions définissent des orthopraxies (ce qu’il convient
de faire) adossées à des orthodoxies (ce qu’il convient de croire) sans discussion, ni débat (d’où la stabilité).

3
PHILOSOPHIE- Terminales générales – Mme Hambli – La pensée symbolique - B- Le sens du sacré
Dans Les deux sources de la morale et de la religion, Bergson nous montre lui aussi en quoi " La religion (statique) est une
réaction défensive de la nature contre le pouvoir dissolvant de l'intelligence." Notre intelligence, analytique,
objective, qui nous rappelle sans cesse que nous ne sommes pas le centre du monde, agit comme une atteinte
à notre "amour-propre" d'être vivant. A l'idée que la mort est inévitable, la religion propose l'image d ' u n e
continuation de la vie après la mort. Elle est donc une réaction défensive de la nature contre la représentation par
l'intelligence de l’inévitabilité de la mort. De même, comme le note Bergson, toute société doit être cohérente,
sous peine de se dissoudre. Or, si l'intelligence est au service du calcul égoïste, la fonction de la religion (statique) sera
de subordonner l'individu au groupe. « Si l'intelligence menace maintenant de rompre la cohésion sociale, et si la société
doit subsister, il faut qu'il y ait à l'intelligence un contrepoids." Ce contrepoids, c'est la religion.

La religion répond à la fois à un besoin de cohérence et un besoin de cohésion.

La religion est ainsi un discours qui fonde une communauté humaine, une façon de donner sens au monde, à la nature, à la
vie, la mort, la souffrance…Elle exprime un rapport homme / monde dans chacune de ses représentations où l’enjeu principal
est l’histoire et notre attitude face à la nature et à la vie. Elle est donc polymorphique.
Ainsi, deux grandes formes de religion se dessinent en déterminant notre lien avec la nature, selon deux postures :

❖ Les religions de la nature (ou de la terre)


Généralement, ces religions sont de nature panthéiste, c’est-à-dire que la divinité suprême y est considérée comme étant
immanente à l'Univers : elle est toute création, et se retrouve donc en toute chose existante, y compris les êtres vivants et
les humains. Ces religions sont aussi fréquemment polythéistes (culte de plusieurs divinités), ce qui n'est pas forcément en
opposition avec le panthéisme. En effet, il est plus ou moins admis que les divinités des panthéons de ces religions ne sont
que diverses facettes de la divinité suprême, chacune de ces divinités subalternes n'étant qu'une représentation d'un
caractère ou d'un aspect de celle-ci. Exemple : le totémisme, où les hommes rendent un culte à un animal tutélaire de leur
tribu. De même, la pensée animiste, sauvage, panthéiste, est une religion de la nature : les forces naturelles sont
divinisées. C'est ce que la tradition juive nommera idolâtrie. Elever un arbre, une rivière, le soleil au rang de divinités,
voilà ce que le monothéisme judéo-chrétien condamnera.
La nature est représentée comme un SUJET, une mère-nature, une intelligence et une puissance à respecter. L’homme est
soumis à ses déterminismes et à sa toute-puissance.

❖ Les religions du Livre, révélées (monothéisme)


Le Judaïsme, le christianisme (catholicisme, protestantisme, orthodoxie) et l’Islam ont pour points communs :
◼ La foi en l’existence d’un seul Dieu, éternel et tout puissant, créateur du monde et concerné par le devenir des
hommes
◼ La croyance dans le caractère de vérité révélée, dans la révélation de la parole de Dieu telle qu’elle s’est manifestée
aux hommes et telle qu’elle a été recueillie dans les textes sacrés (religions du Livre), dans la révélation de la Loi,
inscrite sur les tables de l’Alliance.
◼ Une figure commune aux trois religions : Abraham qui est le père fondateur du monothéisme (sacrifice de son fils
unique Isaac pour mettre à l’épreuve sa foi en Dieu).
La Création du monde signifie que l'homme reçoit un monde qui ne lui appartient pas, et ce monde n'est q u ' un lieu qu'il
faut quitter, royaume du péché et de la souffrance. Dieu est la force supérieure qui s'interpose entre l'homme e t l a
n a t u r e . C e tte c é s ur e h om m e s pi r i tue l / m o nd e matériel, on la retrouve dans l'opposition sacré/profane. Il y aura
des choses jugées sacrées et d'autres jugées profanes.

Religions de la Nature Religions du Livre


Matière éternelle Dieu unique, premier et éternel
Temps cyclique – Eternel retour Temps linéaire et historique
IMMANENCE TRANSCENDANCE

3- Religion et raison
La raison peut se définir comme un mode de pensée qui consiste à ordonner la pensée, à connaître les objets et à tenter
d’approcher la vérité. Qu’elle soit théorique ou empirique, la raison est liée à la logique et à la rationalité. Dans le
domaine de la connaissance, elle nous permet d'accéder à la vérité. Dans le domaine pratique, elle nous permet d’être
raisonnable. Elle est une capacité universelle, une forme d’intelligence conceptuelle qui peut être reliée à différents

4
PHILOSOPHIE- Terminales générales – Mme Hambli – La pensée symbolique - B- Le sens du sacré
types de raisonnements : inductif, déductif, analogique, critique ou encore dialectique. Descartes la nomme « le bon
sens » dans son Discours de la Méthode (1637), et considère qu’elle est « la chose du monde la mieux partagée ».
La croyance est plus largement une adhésion de notre esprit à une idée ou à des vérités qui ne sont pas démontrables.
Elle relève du domaine de la foi ou des convictions, qui ne viennent pas de la raison mais de la sensibilité (sentiments
ou sensation).
Si la religion se définit par la croyance, elle ne peut donc que s’opposer à la raison, puisque cette dernière, pour adhérer
à des idées, réclame des preuves contraignantes, qui permettent de fonder des vérités, de façon certaine et éclairée. A
l’opposé, la religion adhère à une vérité sans preuve empirique, sans démonstration rationnelle, donc de façon
incertaine. Aux yeux de la raison, la religion est donc irrationnelle.
On peut alors penser qu’il y a une incompatibilité, voire une contradiction, entre la raison et la religion.
RAISON RELIGION
Objective Subjective
Vise l’universel Vise le particulier / singulier
Savoir Croyance / acte de FOI
Certitude Incertitude
ESPRIT SENSIBILITE / COEUR
VERITE DEMONTREE VERITE REVELEE

La raison peut donc entrer en conflit avec la religion et la croyance :


• Du point de vue de la vérité, qui ne peut exister sans preuves aux yeux de la science
• Du point de vue moral, puisque religion et croyances génèrent de l’intolérance et du non-respect à
l’égard des opinions

• La religion implique un acte de foi qui ne relève pas de la raison. CF : Pascal – « La foi est au-delà de la raison ». Idée d’une
révélation qui se passe de preuves. A l’opposé la raison
réclame des preuves pour ce qui est posé comme vérité.
Opposition de principe entre raison/religion.
• De plus, rivalité de la raison / religion sur le terrain de la
connaissance : la raison veut imposer une science
démonstrative (raisonnement déductif), une
expérimentation pour confirmer par les faits les théories et
veut constituer des lois alors que la religion développe une
connaissance intuitive, immédiate, inductive. Elle établit
une connaissance à caractère particulier (diversité de
religions).
Exemple du conflit entre Galilée et le Saint-Office (Tribunal
de l’Inquisition), entre l’héliocentrisme et le géocentrisme.
• Enfin, la raison accuse la religion de mettre en péril les
fondements de la morale qui exigent le principe de tolérance et le respect des opinions. (Guerres de religions / conflits
ethniques).
• La religion comme aliénation et comme illusion : les critiques des maîtres du soupçon
Au XIXème siècle, la philosophie développe à l’égard de la religion des critiques virulentes en mettant en soupçon les
convictions de la religion et en la rattachant à des mobiles qui font d’elle une ILLUSION, qui empêche l’homme de se libérer,
collectivement ou individuellement. On appellera ces philosophes « les maîtres du soupçon » :
❖ Pour MARX, la religion est une drogue nécessaire aux opprimés du capitalisme, une substance qui permet de
supporter la misère socio-économique des classes non dominantes. La religion est pour lui « le soupir de la créature
opprimée », « l’opium du peuple ». Il ne s’agit donc pas de combattre la religion elle-même, mais le système
capitaliste lui-même qui la génère :
INFRASTRUCTURES (systèmes matériels, économiques…) SUPERSTRUCTURES (religion, art,
politique, relation entre les personnes…).
Pour transformer une superstructure, il faut combattre l’infrastructure.
« C’est l’homme qui fait la religion et non pas la religion qui fait l’homme »
5
PHILOSOPHIE- Terminales générales – Mme Hambli – La pensée symbolique - B- Le sens du sacré
❖ Pour NIETZSCHE, ce sont les hommes faibles qui ont inventé la religion mais celle-ci déprécie la réalité et la vie.
Même les puissants ne peuvent pas s’y épanouir. Donc il faut déclarer que « Dieu est mort », pour que l’homme
parvienne à un nouvel âge, où il abandonne l’idée de transcendance, le système judéo-chrétien pour faire advenir le
Surhomme.
❖ Pour FREUD, la religion est une maladie psychologique, une névrose universelle et infantile, construite sur le
complexe d’Œdipe. L’homme éprouve la détresse du petit enfant abandonné qui s’accroche à la religion pour
compenser son besoin maladif de père. Il faut donc que l’homme parvienne dans son histoire à l’âge adulte, au stade
de maturité pour qu’il puisse faire disparaître la religion.
PB : La raison semble vouloir exclure la religion. Pour autant, n’est-elle pas la cause de son existence, puisqu’elle soulève des
questions auxquelles elle ne répond pas ? La raison ne rencontre-t-elle pas des limites dans ses pouvoirs et son exercice ?
• La raison ne peut pas prétendre tout connaître et ce qu’elle prétend connaître n’est jamais qu’une vision possible
de la réalité.

• La science ne répond pas aux questions du « pourquoi » (existentielles). L’homme a besoin de la religion pour
répondre à la nécessité de trouver :
➢ Une cohérence : il s’agit de donner sens à la contingence et la finitude de notre existence
➢ Une cohésion : toute société a besoin de subordonner l’individu au groupe pour gagner en stabilité (une culture
commune, des rites communs, des pratiques…). CF : E. DURKHEIM - Formes élémentaires de la vie religieuse - 1912
• La raison semble incapable de nous consoler. Bien au contraire, elle désenchante le monde. Elle nous écrase sous le
poids de responsabilités qui ne sont même pas à notre portée. La raison est incapable de rendre l’homme heureux
(l’objectivité conduit à quantifier, à calculer plutôt que de saisir du qualitatif (le bonheur est un état d’esprit, donc une
qualité subjective). La religion apaise alors nos angoisses. Elle propose des issues à l’existence et donc du sens (Ex. du
Salut, de la rédemption…).
• Enfin, dans le domaine moral, la raison ne peut pas apporter de preuves. Comment prouver qu’il ne faut pas mentir ?
Les faits montrent que les hommes mentent, que le mensonge peut être utile. Donc réduction de la confiance et mise
en danger de sa valeur de cohésion. Ainsi la confiance s’éprouve mais ne se prouve pas. Cet espace reste donc ouvert à
la religion qui va proposer ses règles transcendantes du bien et du mal.

PB : Même si la raison ne peut qu’accorder sa place à la religion, n’appartient-il tout de même pas à la raison de fixer les
limites de cet emplacement ? (Lutte contre l’intolérance par exemple, exclusion des croyances déraisonnables car
dangereuses).
• Pour accorder une place raisonnable à la religion, il faut que la raison délimite ses formes concrètes pour éviter les
dérives du fanatisme et de la superstition :
➢ Le fanatisme [issu du latin fanum (temple religieux)] : attitude de dévouement et d’attachement exclusif, se
traduisant par un zèle à défendre certaines positions religieuses ou doctrinales, et pouvant aller jusqu’à la
violence. Le fanatique considère sa vision de la religion comme une cause à défendre, pour laquelle il est prêt à
tout donner et à se sacrifier. Le fanatisme est donc passion (attachement, colère), fermeture (aveuglement,
surdité), rejet, absence de doute, superstition, absence de limite dans les mots et dans les actes. « Le fanatisme
est un monstre qui ose se dire le fils de la religion » écrit Voltaire dans Réponse à une lettre anonyme, 9 fév. 1769.

➢ La superstition [issu du latin super-stare, « être au-dessus »] : le fait d’expliquer, par crainte ou ignorance,
certains événements par des causes irrationnelles, souvent fausses ou fantaisistes. La superstition est souvent
qualifiée d’obscurantisme. Elle naît de l’ignorance de l’homme, de son incapacité à trouver les causes rationnelles
à ce qui arrive. Elle prospère sur la peur de l’avenir, l’angoisse, la crainte, l’incertitude, le désir et la manipulation.
Quelques exemples : l’astrologie [Selon Voltaire, dans son Traité sur la Tolérance, 1763, “la superstition est à la
religion ce que l’astrologie est à l’astronomie : la fille très folle d’une mère très sage”], La divination (prédiction
de l’avenir), par exemple la numérologie, la magie, les offrandes aux dieux, les croyances populaires[ le fer à cheval
comme porte-bonheur, toucher du bois pour contourner le malheur, voir un chat noir à la tombée de la nuit
porterait malheur…] .La raison est ce qui fait reculer la superstition : la recherche et la découverte des causes
rationnelles détruit les fausses croyances.
Il appartient à chaque homme d’exercer sa raison pour mesurer le caractère raisonnable et rationnel de sa
croyance religieuse, quitte à provoquer une mise à l’épreuve de sa foi.

6
PHILOSOPHIE- Terminales générales – Mme Hambli – La pensée symbolique - B- Le sens du sacré
• De même, si c’est bien la raison qui pense l’existence de Dieu, elle ne peut pas prétendre le connaître. Kant s’oppose au
XVIIIe siècle, au rationalisme dogmatique, à propos de la preuve ontologique de l’existence de Dieu. Le raisonnement sur
l’idée de Dieu doit conduire à postuler son existence mais pas à l’affirmer comme une connaissance. La croyance en
l’existence de Dieu n’a aucune valeur cognitive mais elle peut avoir une valeur morale, régulatrice de nos actions.
La religion et la raison doivent donc conjointement accepter leurs propres limites. La raison n’est plus
autorisée à condamner ce qui, dans la religion, peut satisfaire et humaniser l’homme.
De même, la religion ne doit pas se dispenser de se soumettre aux exigences de la raison et au devoir de se maintenir
dans les limites d’une simple croyance qui se sait croyance et ne prétend pas à être un savoir.
Si la raison admet ses limites et offre une place à l'exercice de la croyance religieuse, à l'inverse la religion doit accepter
ses propres limites et laisser la raison opérer là où l'exigence de rationalité et d'universalité est posée. La laïcité n'est
qu'une figure de cette exigence : ne pas permettre à la religion d'établir et d'imposer ses lois là où c'est à l'Etat et à lui
seul d'imposer sa souveraineté.
Statut de la religion : une simple croyance soumise au principe de tolérance.

Sujet : La raison entre-t-elle nécessairement en conflit avec la religion ?


Ressaisir les grandes lignes du plan, avec leurs idées principales :
❖ Partie 1 : La raison contre la religion. Les raisons de ne pas croire.
Les concepts-clés d'opposition -remplir les cases vides :
Rationnelle
Inductive
Objective
Particulière
Prouver

❖ Argument de transition (le relever en quelques mots) :


……………………………………………………………………………………………………………………………………..
……………………………………………………………………………………………………………………………………..
❖ Partie 2 : Les limites de la raison - Les raisons de croire (relever au moins 3 arguments et références en quelques mots

Argument 1 : ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Argument 2 : ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Argument 3 : ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

❖ Argument de transition (le relever en quelques mots) :


…………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………….
❖ Partie 3 : La religion dans les limites de la raison (relever au moins 2 arguments et références en quelques mots)

Argument 1 : ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Argument 2 : ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

7
PHILOSOPHIE- Terminales générales – Mme Hambli – La pensée symbolique - B- Le sens du sacré

Vous aimerez peut-être aussi