Vous êtes sur la page 1sur 42

CHAPITRE 2

Politiques environnementales
1. La théorie des externalités et de l’internalisation
1.1 Caractéristique de l’externalité
a) Le système des prix et l’environnement
… Comment la théorie économique «perçoit» l’environnement dans
son cadre d ’analyse ?

i. Trois rappels utiles :


* Le système des prix mesure les « valeurs » des biens, c’est-à-dire le
supplément potentiel d’utilité résultant de l’utilisation des biens par les
agents.
* Concept d’Optimum de Pareto : c’est une allocation de ressources
réalisable telle qu’il n’existe pas d’autres allocations qui permette
d’améliorer la situation d’un agent sans détériorer celle d’un autre.

* Théorème du Bien-être : si les préférences des consommateurs sont


convexes et les rendements des entreprises sont décroissants, un
équilibre concurrentiel, s’il existe, est un optimum de Pareto.
2
ii. Implications des rappels :

* Si chaque agent fonde ses calculs économiques sur le système de prix et


s’il se comporte de manière concurrentiel (il considère les prix comme un
donnée), l’équilibre général obtenu représente une coordination des
activités économiques décentralisées qui est optimale au sens du critère de
Pareto.
* Et l’environnement ?
- il n’y a pas de marché pour la Nature, donc pas de prix,
- mais de plus, il est le support de certaines interdépendances entre
des agents économiques.

* La Nature est donc, à priori, externe au système de prix et au mode de


coordination que représente le marché. Cela va remettre en cause les
propriétés de l’équilibre général.

3
b) Une représentation graphique des interactions marchandes
et non marchandes.
Système Prix = résume l’ensemble
des interactions entre agents.
Entreprise A Conso B
Marché
Π(P,x) U(P,x) Equilibre de CPP conduit à un
(P et x) optimum de PARETO (Maximum
du Bien-Etre collectif)

Entreprise A Conso B
Interdépendance hors marché des
Marché
fonctions objectifs des agents
Π(P,x, e ) U(P,x , e )
(P et x)
Les prix de marché ne coordonnent
plus efficacement les activités :
certains coûts ne sont pas pris en
compte par le système économique.
Pollution e

4
c) Définition et typologie des externalités

Définition :
« Ce sont des situations où les décisions de consommations ou
de production d’un agent affectent directement la satisfaction
ou le profit d’autres agents, sans que le marché évalue et fasse
payer ou rétribue l’agent pour cette interaction » (Picard, 1998,
p. 506)

Typologie :
Ext. > 0 Ext. < 0

Production Verger Erika

Consommation Fleurs Cigarette

5
Conséquence d’une externalité

• L’environnement étant un bien public, tout le monde peut y accéder


et l’utiliser
 Risque de sur-utilisation et de dégradation.

• L’existence d’effet externe ou externalité engendre une situation


sous-optimale
 Trop de production et donc trop de pollution par rapport à un
optimum socialement désirable.

ATTENTION ! Le risque zéro n’existe pas


 Economiquement non souhaitable dans la plupart des cas.

6
1.2. Conséquence de l’externalité sur l’équilibre général

Coût et profits marginaux


Graphique de Turvey (1963)

profit marginal
de la firme
Optimum social

S Équilibre privé
Coût marginal
externe
P
Quantité pdte Q

Q* QP
7
Explications

Hyp. : il existe une relation croissante entre le niveau de


production et le niveau de pollution.

Si la firme égalise bénéfice marginal et coût marginal de la production


et que la pollution ne lui coûte rien (càd si Cm privé = 0) :
Son optimum est en P (Bm = Cm = 0)
 Elle produit trop (et donc pollue trop) pour la société.

En effet, l’égalisation du bénéfice marginal et du coût marginal de la


société nous mène à l’optimum S
 Moins de production et donc moins de pollution.

Que faire pour que la firme choisisse S au lieu de P ?

8
2. Coase contre Pigou : laisser-faire le marché ou faire intervenir
l’Etat ?

Construction de l’économie de l’environnement autour de deux théories

R. Coase, 1910-2013 A.C. Pigou, 1877-1959


Ajustement par les marchés Intervention publique pour
réduire la dégradation de
Négociation directe entre les
l’environnement
agents économiques

9
Parabole du cultivateur et
de l’éleveur

10
2.1. Coase contre Pigou

• Solution à la Pigou : taxer et redistribuer (principe du pollueur-


payeur).

 La taxe crée un prix d’utilisation de l’environnement (un coût de la


pollution, un prix pour le risque généré, …)

 Taxe optimale = dommage marginal créé par l’agent (coût


marginal)

 Besoin d’informations sur sa pollution et ses coûts d’abattement


(de réduction) de la pollution, donc sur sa technologie.

11
• Solution à la Coase : définir les droits de propriété et laisser les
agents négocier.

 Le propriétaire du bien dégradé peut demander réparation du


préjudice subi.
 L’utilisateur du bien (qu’il dégrade) peut avoir intérêt à payer
pour pouvoir continuer à l’utiliser.

 Loi de l’offre et de la demande => prix d’équilibre.

 Pas d’intervention de l’Etat, peu d’information nécessaire au


niveau d’un régulateur.

12
• Quelques limites

Taxe
 Beaucoup d’information requise à propos des activités des agents.
 Question de l’acceptabilité sociale.

Le système des droits fonctionne


 si les coûts liés aux transactions ne sont pas trop élevés
 si le groupe des agents qui négocient entre eux n’est pas trop grand.
 si aucun agent n’a un pouvoir de négociation plus fort que les autres.

13
?

PIGOU COASE et
et l’Etat le marché

Dépend
des risques considérés
des informations disponibles
des caractéristiques culturelles
…. 14
2.2. Deux exemples d’application

• Pollution de l’air et GES

Aux Etats-Unis

Clean Air Act (1972) : surtout


basé sur des taxes au départ.

 1990 : création d’un marché


de permis d’émission négociables.
Source : www.notre-planete.info/, auteur inconnu

En Europe

Protocole de Montréal 1987


Traité de Kyoto, 1997 : création d’un marchés de permis en 2005.
 traité ratifié en 2005 et en vigueur aujourd’hui.
15
Taxe Carbone en Suède (depuis 1990) , en France (2010?)
• Pollution de l’eau

Aux Etats-Unis

Clean Water Act (1972) : surtout


basé sur des taxes au départ.

 1990 : création d’un marché de


permis d’émission négociables.

Photo : Jean Isenmann


Photo-alsace.com
En Europe
Taxes sur les intrants agricoles
(engrais, pesticides)
Mais la taxe est-elle efficace ?
Subvention des bonnes pratiques
culturales (nouvelle PAC) Les subventions sont-elles
correctement orientées ?
Des taxes sur les activités
industrielles 16
3. Moyens traditionnels de correction des externalités

Il existe principalement 2 catégories d’instruments

Normes , Quotas
Contrôle direct

Instruments
économiques Taxes, subventions, permis

Pigou, Coase
17
3.1. Taxes et subventions

Principe pollueur-payeur
 Il impose de faire peser sur le générateur de l’externalité le coût social
de ses actions pour atteindre un équilibre efficace au sens de Pareto.
 Le régulateur doit imposer une taxe sur l’externalité de manière à
restaurer l’égalité entre le coût privé et le coût social
 Toute l’information est véhiculée dans le nouveau prix

18
• Internalisation et taxation optimale

Coût et profits marginaux


t* = taux de taxe optimal

Pm de la firme

Pm – t*

S
t*
Cm externe
P Quantité pdte Q

Q* QP
19
• Equivalence entre taxe et subvention ?

Du point de vue statique, la taxe induit le même choix d’effort ou


d’investissement environnemental que la subvention.
MAIS
 Subvention : question du financement de la subvention.
 Taxe : moins bien acceptée, même si elle permet une redistribution (si
taxe redistribuée à l’intérieur du secteur : double dividende).

Du point de vue dynamique, s’il y a libre entrée-sortie


 Subvention : Création de profits artificiels.
Baisse des incitations à l’innovation (en fait, 2 théories).
 Taxe : double dividende
 Distorsions possibles.
20
OANQ*= recette de la taxe perçue par l’agence (+)
OANQ* = perte subie par la société (-) (ici, par l’entr.)
ANP = profit des firmes (+)
Coûts et Profits
 Au final, ANP = surplus net de la société
P
t* = Cm(Q* )
Hyp.: Cm constant

N Cm externe
A

Q
O
Q* M
Surplus en présence d’une taxe : analyse statique 21
Q*NBM= subvention versée par l’agence (-)
OANQ* = perte subie par la société (-) (ici, les victimes)
Coûts et Profits OPNBM = profit des firmes (+)
 Au final, ANP = surplus net de la société
P

s* = Cm(Q* )

N B Cm
A

Q
O
Q* M
Surplus en présence d’une subvention : analyse statique 22
OQ*NP= profit des firmes (+)
Coûts et Profits
OANQ* = perte subie par la société (-)
P ANP = surplus total de la société

Quota : Q ≤ Q*

N Cm
A

Q
O
Q* M

Surplus en présence d’un quota : analyse statique


23
Pourquoi une taxe ?

La taxe permet de minimiser le coût total d’abattement (au moindre


coût : on économise les triangles C2 et C3) 24
3.2. Du théorème de Coase aux marchés de permis d’émission

Coase, 1960
 Conjecture de Coase (injustement appelé théorème)

A inspiré le fonctionnement des marchés de permis d’émission (ou


de « droits à polluer »)

3.2.1. Le théorème de Coase

L’apparition d’externalités environnementales peut être envisagée


comme la conséquence de l’inexistence de droits de propriété
 surexploitation de l’environnement

25
Rappel de la conjecture (1960)

Si les droits de propriétés sont clairement définis, il est possible


d’atteindre l’optimalité sans intervention de l’Etat (de manière
décentralisée) par négociation entre les agents
 Le problème d’asymétrie d’information (posé par les instruments
centralisés) est éliminé
A priori, besoin de moins d’intervention de l’Etat

Pour Coase, beaucoup d’externalités peuvent être corrigées par les


agents eux-mêmes
Rôle non décisif de la causalité : comparaison des coûts et des
bénéfices.
 négociation => équilibre. 26
• Caractéristiques des droits de propriété

 Doivent être attribués de manière univoque, soit privativement, soit


collectivement

 Leur utilisation doit être exclusive

 Ils doivent être transférables entre possesseurs par accord


volontaire

 Leur possession doit être assurée à long terme pour que le


détenteur ait une incitation suffisante à utiliser la ressource ou à la
préserver

27
• Internalisation au moyen d’une négociation bilatérale

Coûts et bénéfices
Sans négociation

Bénéfice marginal

Dommage marginal
de la pollution

O E
ER=0 E* EE
récepteur émetteur
28
Si réduction souhaitée par la victime de ∆E
 Valeur max que la victime est prête à payer : EEJHKL
 Valeur minimum que le producteur exige : EEKL
 Finalement, négociation possible car EEJHKL > EEKL
Coûts et bénéfices

Bénéfice marginal

Dommage marginal
J de la pollution
H
S
K

L
O E
EE
ER=0 E*
∆E
1er cas : l’émetteur possède les droits sur l’environnement 29
A l’équilibre

Subvention versée par le


Coûts et bénéfices
récepteur pour que l’émetteur
réduise sa production en E*
Bénéfice marginal

Dommage
marginal

O E
ER=0 E* EE

30
2e cas : le récepteur possède les droits sur l’environnement

On part de la situation où il n’y a pas d’émission de polluant

Indemnisation versée par


Coûts et bénéfices
l’émetteur au récepteur pour
avoir le droit de produire
jusqu’en E*
Bénéfice marginal

Dommage
marginal

O E
ER=0 E* EE

31
En résumé

1er cas : droits à l’émetteur de la pollution


 Le récepteur verse à l’émetteur une somme qui l’incite à
réduire les nuisances
2ème cas : droits au récepteur de la pollution
 L’émetteur verse une compensation au récepteur pour pouvoir
maintenir son activité jusqu’en E*.

La distribution initiale des droits de propriété n’influence pas


l’équilibre final

32
Deux limites de la conjecture de Coase

• Effet revenu
Différences entre le consentement à payer (CAP) et le consentement
à recevoir (CAR)
* Le récepteur peut ne pas être en mesure de compenser
l’émetteur jusqu’au point optimal E*

• Coûts de transaction différents selon le propriétaire des droits


Les coûts de transaction couvrent un ensemble d’éléments
associés à l’acquisition d’information, au processus de négociation et
à la mise en vigueur de l’accord
* L’allocation initiale des droits de propriété n’est plus neutre
sur l’équilibre final

33
Graphiquement

Prix du bien

Le récepteur supporte les


Demande coûts
 S’

S (Offre)

S’

O E
E* E’
34
Graphiquement

Prix du bien

L’émetteur supporte les coûts


D  D’
D’

O E
E’ E*
35
3.2.2. Les marchés de droits d’émission

Application de la conjecture de Coase à la pollution diffuse


 Echange de droits de propriétés

Droit au récepteur
 Pour produire, l’émetteur doit acheter des permis d’émettre au
consommateur

A l’équilibre
 Nb de permis vendus / Cm de la pollution = Bm de la dépollution
 Offre = Demande de permis

A l’optimum
 Prix des permis égal au Cm de dépollution 36
• Fonctionnement

Quantité de droits émise par l’autorité = offre de pollution.


Ensemble des coûts marginaux de dépollution des entreprises =
demande.
 Achat de droits jusqu’à ce que le prix soit égal au Cm.

Dotation initiale
* Vente aux enchères
* Ou grand fathering : l’allocation individuelle dépend des émissions
individuelles passées (ex. : Kyoto, 1997).

( Montgomery, 1972) : si le marché est concurrentiel, l’équilibre


efficace est atteint quel que soit l’allocation initiale)

37
Avantages

1) La réalisation des objectifs en matière d’environnement est


recherchée par la mise en place de moyens d’action économiques
(marchés).
2) L’exécution est laissée à l’initiative des pollueurs.
3) Le régulateur a, en principe, besoin de peu d’information sur les
coûts d’abattement des firmes.
4) Favorise l’innovation (technologies plus propres)

En distribuant au départ un nombre total de droits inférieur à la


demande totale, on crée un prix positif du permis et une incitation
à l’échange entre les firmes.

38
• Quelques points plus spécifiques liés au fonctionnement

Les bulles (bubbles)

Prévoient une réaffectation des limites d’émission des plans


d’applications entre différentes unités existantes, les émissions
totales de la « bulle » demeurant au même niveau.

Le système des émissions nettes (netting)

Les points de pollution modifiés doivent satisfaire aux normes strictes


sauf si les émissions nettes de la source totale sont égales au niveau
antérieur à la modification

39
Le système de compensation (offset system)
 Permet l’installation de sources nouvelles dans les zones de non-
conformité.
 Dans ces zones, les émissions totales doivent diminuer
conformément aux prévisions du plan d’application.
 Si sources nouvelles ou modifiées : les émissions additionnelles
doivent être compensées par une réduction plus grande des
émissions des sources existantes.

Le système des banques de pollution (banking)


Prévoit le stockage des réductions d’émissions au-delà des normes
requises.
 crédit de réduction d’émission = élément essentiel des échanges
de droits d’émission

40
4. Critères de choix des instruments de politique environnementale

Le choix d’un ou de plusieurs instruments dépend d’un grand nombre


d’éléments plus ou moins rationnels.
Contexte économique, culturel, politique
 traditions administratives
 MAIS SURTOUT de l’efficacité relative de l’instrument.

Efficacité environnementale
Améliorer la qualité environnementale
Améliorer les performances des groupes cibles (technologies
propres, modification des caractéristiques des produits, réorganisation
du travail, …)
 Souvent, les instruments économiques sont complémentaires des
réglementations.
41
Efficience économique
Réaliser des objectifs déterminés à un coût minimum.
 Critère important, en particulier en période de récession économique
et de déficit budgétaire.
 La recherche de l’efficience économique favorise l’innovation
technologique.

Efficience administrative et praticabilité


Les contraintes pratiques de la mise en œuvre et de l’application des
instruments économiques sont :
- Le besoin d’information
- Le montant des coûts de gestion (ex. redevances)
- L’apparition de réactions hostiles (de la part de groupes cibles)
42

Vous aimerez peut-être aussi